Notes
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Sociologue, chercheur CNRS/Centre d’études de l’emploi.
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[1]
Gunnar Myrdal a reçu le prix Nobel d’économie, en 1974, après une longue carrière universitaire et politique en Suède et aux Nations unies. Alva Myrdal a reçu le prix Nobel de la paix en 1982. Elle a occupé plusieurs portefeuilles ministériels en Suède et des fonctions importantes aux Nations unies. Après 1945, elle s’est consacrée aux questions de désarment ainsi qu’aux problèmes du tiers-monde, sans pour autant abandonner ses engagements politiques en Suède.
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[2]
Ils avançaient le slogan : « le droit des femmes actives aux enfants et au mariage ». Ce slogan a eu un effet stimulant sur le Mouvement des femmes et sur le Parlement.
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[3]
La mise en place de la politique familiale de la Finlande est aussi, à l’origine, associée à une politique de population en réponse à la crise démographique d’avant-guerre, mais à la différence de la Suède, elle a été construite sous l’égide d’un organisme privé composé de partenaires professionnels et sociaux.
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[4]
Les naissances hors mariage représentent plus de la moitié des naissances en Suède, et plus d’un tiers des naissances au Danemark et en Finlande.
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[5]
Moins de 25 % des jeunes de 16 à 30 ans vivent dans leur famille au Danemark et en Finlande contre 65 % en Italie.
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[6]
La frontière entre congé de maternité et congé parental n’est pas toujours bien établie. En Suède par exemple, on ne parle plus de congé de maternité depuis 1974 mais de congé parental, une formulation qui est remise en question actuellement par les instances européennes.
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[7]
La durée du congé pris par les pères est bien inférieure à celle du congé pris par les mères : en 1999, les pères ont pris en moyenne 2,2 semaines, c’est-à-dire un peu moins de 4 % par rapport à leur droit, alors que les mères ont pris en moyenne 44,8 semaines (congé de maternité inclus).
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[8]
La « Commission des maisons d’enfants » mise en place en 1968 par le gouvernement suédois pour répondre à la demande générée par la montée de l’activité professionnelle des mères a eu un rôle déterminant dans les orientations de la politique d’accueil. En faisant le lien entre besoins de garde et impératifs sociaux et pédagogiques, elle a formulé des idées et des principes qui gardent encore leur validité. Cette commission a jeté les bases du modèle suédois d’accueil préscolaire, permettant aux deux parents d’exercer une activité professionnelle. Ce modèle diffusé dans tous les pays nordiques rompait avec l’ancienne dichotomie entre garde des enfants relevant de l’aide sociale et activités pédagogiques vues comme une stimulation pour les familles les plus aisées. Garde et pédagogie ont été intégrées dans une même approche concernant les enfants d’âge préscolaire et les enfants scolarisés.
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[9]
Fin 2000, un peu plus de 3 300 enfants étaient concernés par ce mode de garde au Danemark.
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[10]
Ce mode de garde par une personne privée concernait 14 000 enfants en 2000, en Finlande.
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[11]
Bien que l’âge de la scolarité obligatoire soit de 7 ans en Suède, les enfants peuvent entrer à l’école primaire dès l’âge de 6 ans si les parents le souhaitent.
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[12]
Toutefois les comparaisons sont difficiles à établir dans ce domaine en raison des définitions variables du périmètre de la politique familiale. Tous les pays n’incluent pas les mêmes choses dans les dépenses.
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[13]
En Suède, trois changements majeurs ont eu lieu dans les années quatre-vingt-dix concernant la contribution des employeurs au financement de la politique sociale : la réforme de l’assurance chômage en 1994-1995 a augmenté la part des employeurs ; en 1997, les cotisations des employeurs au financement des retraites ont été réduites tandis que les salariés ont été appelés à cotiser. En même temps, les cotisations salariales à l’assurance maladie ont été supprimées et les cotisations patronales ont été augmentées en proportion, les employeurs contribuent ainsi au financement de l’assurance parentale destinée à rémunérer le congé parental financé par l’intermédiaire de l’assurance maladie.
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[14]
Tous ces pays dans les années 1980 et 1990, ont réformé leur mode de gouvernance des aides publiques de manière à améliorer l’efficacité des administrations locales, et ont remplacé les aides sectorielles par une dotation globale afin de mieux réguler les dépenses publiques.
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[15]
L’allocation de base était de 252 euros par mois pour les enfants de moins de 3 ans et 84 euros pour chaque enfant supplémentaire. L’allocation est de 50 euros pour les enfants d’âge préscolaire.
1Les politiques familiales des pays nordiques relèvent d’une même approche qui est d’être des politiques sociales d’aide aux familles et non des politiques de la famille. Cela signifie, en premier lieu, que les politiques familiales se veulent neutres quant aux formes de vie privée. Elles ne se donnent pas pour objectif de protéger une conception de la famille mais plutôt d’aider les familles dans le respect de leur pluralité et de leurs modes de vie. Les politiques familiales du Danemark, de la Finlande et de la Suède sont réputées pour leur générosité et la qualité de leurs prestations. Le soutien que les pouvoirs publics apportent aux familles est à la fois financier et sous forme de services. Non seulement les prestations familiales visent à alléger le coût des enfants pour les parents, mais elles visent aussi à faciliter la vie quotidienne des parents en prenant en charge une part de la responsabilité vis-à-vis de la garde des enfants. Les pays nordiques ont pu être qualifiés de « caring states » (Leira, 1992 et 1996) au sens où l’État prend en charge une part de responsabilité vis-à-vis des enfants et des personnes dépendantes, adultes ou âgées. Le « care » y est conçu comme un droit à recevoir aide et soins en tant que droit de citoyenneté sociale. La garantie de ce droit recouvre non seulement une dimension financière mais aussi la garantie d’une grande qualité de services. Cette garantie est coûteuse pour les États qui, de la sorte, ont déchargé en grande partie la famille de ces tâches, permettant aux femmes de s’investir dans la vie professionnelle. Le fait que l’accès aux droits sociaux soit individualisé ne leur laisse pas de choix : seule une activité professionnelle procure des droits sociaux. L’intervention de l’État dans ce domaine jouit d’une forte légitimité qui dure depuis longtemps et qui ne semble pas remise en question en dépit des difficultés économiques rencontrées au cours de la dernière décennie dans la plupart des pays scandinaves. Elle s’inscrit dans une philosophie du bien-être qui accorde une grande place à la qualité de la vie quotidienne et à l’exercice de la citoyenneté. Elle cherche à promouvoir les principes de solidarité par des transferts sociaux, et d’égalité, notamment d’égalité entre hommes et femmes par un soutien accru à la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Pour caractériser les traits communs au modèle nordique de politique familiale, nous ferons une incursion dans l’histoire pour en évoquer les inspirateurs, les époux Myrdal [1], et la trajectoire de leurs idées Puis nous examinerons successivement les trois grands piliers des politiques d’aide aux enfants et aux familles que sont les prestations familiales, les congés parentaux et les services d’accueil des enfants, le financement de la politique d’aide aux familles, ainsi que les évolutions récentes de ces politiques familiales.
Les fondements du modèle nordique
2Le concept de politique familiale doit beaucoup aux écrits d’Alva et Gunnar Myrdal au début des années trente (A. et G. Myrdal, 1935) et aux écrits ultérieurs d’Alva Myrdal (notamment 1941 et 1955). Dans l’ouvrage publié en 1935, les Myrdal cherchaient des solutions à la crise démographique que connaissait la Suède à cette époque. L’idée d’une politique de la famille reste donc associée à la question de la natalité. L’ouvrage publié en 1941 par Alva Myrdal exposait les principes d’une politique de la population et de la famille. Ces ouvrages traitaient de la Suède qui était alors un pays d’avant-garde en matière de politique sociale. C’est en Suède que les principes de l’action politique en faveur des familles et des enfants ont été posés et c’est vers la Suède que les regards se sont tournés lorsque les États providence se sont mis en place dans les pays proches. Les politiques familiales se sont développées en Suède dans les années soixante au moment où les femmes se sont portées massivement sur le marché du travail dans un contexte de pénurie générale de main-d’œuvre. L’engagement des femmes et notamment des femmes mariées et des mères dans l’activité professionnelle a entraîné des bouleversements profonds de la société. Il a remis en question la division traditionnelle des rôles au sein de la famille et de la société et a donné lieu à de nombreux et vifs débats publics. Les ménages actifs sont devenus de plus en plus fréquents dans un contexte économique marqué par une croissance soutenue et une insuffisance de l’offre de travail. La politique familiale a été très tôt associée à la politique d’emploi.
3La volonté politique de faire de la famille à deux revenus la norme a été clairement exprimée en 1969 par le Comité sur les questions d’égalité, composé de la Confédération suédoise des syndicats et du Parti social-démocrate. Ce comité défendait l’idée que la famille à deux revenus est un rempart efficace contre la pauvreté des familles et des enfants, et le meilleur moyen de progresser vers une individualisation totale des droits sociaux à même de garantir l’égalité entre hommes et femmes. Une coalition formée du Parti social-démocrate, de la puissante centrale syndicale LO et du Mouvement des femmes à la fin des années soixante a porté le projet de moderniser la famille selon les recommandations du rapport d’Alva Myrdal pour le Parti social-démocrate (Myrdal, 1971). Ce rapport stipulait que l’indépendance économique des personnes mariées doit être un objectif majeur pour les politiques familiales et que cette indépendance est une condition première pour que l’égalité entre hommes et femmes se réalise. Ce fil conducteur devait servir de base à une révision du droit et de la législation et, notamment, à une révision des règles concernant les obligations familiales et le devoir d’entretien entre conjoints, aussi bien pendant le mariage qu’après sa dissolution. Le rapport précise aussi que la sécurité des individus ne peut être assurée que par le revenu de leur propre travail, d’une part, et par un système de protection sociale moderne, d’autre part (Myrdal, 1971, op. cit.). En 1972, lors du congrès du Parti social-démocrate, le Premier ministre Olof Palme reprenait ces idées et affirmait que l’égalité entre les sexes passe par le marché du travail et que le droit à l’emploi des femmes doit être soutenu.
Les politiques familiales dans les pays nordiques se sont construites plus ou moins sur ce projet politique inspiré des thèses des époux Myrdal qui ont eu une influence très grande sur le développement des politiques familiales dans les pays scandinaves et hors des pays scandinaves, en France notamment (Boudet, 1954). Elles ont orienté l’action publique vis-à-vis des enfants et des familles dans trois grandes directions : la modernisation des rapports au sein de la famille, la mise au travail des femmes comme garantie de leur émancipation et la socialisation précoce des enfants. Solidarité, égalité et citoyenneté sont les grands principes qui fondent la société de bien-être que les États providence doivent contribuer à ériger.
L’éducation et la socialisation des enfants ou la formation des futurs citoyens
4À l’origine dans les années trente, il s’agissait de mettre en place des réformes visant à limiter la crise démographique par une refondation de l’institution familiale. L’extension de la sécurité sociale était le moyen préconisé par les socio-démocrates pour donner de nouvelles bases à cette institution. Sécuriser la famille et éliminer les obstacles à la procréation désirée en étaient les deux grands axes. L’octroi d’allocations pour les enfants était conçu comme le moyen d’égaliser les coûts des enfants pour les familles. Ces allocations sont complétées par des prestations en nature telles que nurseries, services de garde, livres gratuits, cantines, loisirs, etc.
5Depuis près de trente ans, l’accueil des enfants est un secteur prioritaire dans les pays nordiques et notamment en Suède où les réformes dans ce domaine ont trouvé un large appui au Parlement. Ce consensus politique a permis de mettre en œuvre la politique dont les grandes orientations avaient été définies dans les premières années soixante-dix. L’objectif était d’assurer aux enfants un accueil de bonne qualité couvrant pleinement les besoins, placé pour l’essentiel sous l’égide des communes et financé par l’impôt. Les principes moteurs étaient autant le souci du bien-être de la jeune génération que l’aspiration à l’égalité entre femmes et hommes. La question de la garde des enfants a été débattue autour de deux idées force : d’une part, les charges parentales ne doivent pas handicaper l’engagement professionnel des parents, mères et pères, d’autre part, les modes d’accueil doivent préserver le bien-être des enfants et l’égalité face à l’éducation (Daune-Richard, 1999). Les services d’accueil des enfants reposent sur une approche globale du développement et de l’apprentissage dans laquelle les soins, la garde, l’éducation et l’acquisition des savoirs forment un tout. La qualité des soins est vue comme une condition nécessaire à l’épanouissement des enfants. Le souci de leur bien-être a une dimension pédagogique (Borschort, 1993). Il s’appuie sur l’idée que la socialisation précoce des enfants passe par des processus collectifs. Par conséquent, le groupe joue un rôle pédagogique dans l’accueil de l’enfance et l’action pédagogique prend en compte l’enfant individuel aussi bien que le groupe. Il s’appuie aussi sur une large coopération avec les parents qui ont la possibilité de participer et d’exercer leur influence par le biais d’entretiens ou de réunions. L’éducation et la diffusion de principes éducatifs dès le plus jeune âge apparaissent comme un pilier essentiel de la politique familiale (Jönsson et Letablier, 2003).
L’émancipation des femmes et l’égalité entre les sexes
6L’égalité entre les hommes et les femmes constitue l’autre grand principe d’action publique dans les pays scandinaves. L’égalité passe, en premier lieu, par l’engagement professionnel des femmes, et notamment des femmes mariées, gage de leur indépendance économique et de leur citoyenneté sociale par l’accès à des droits propres. Dès la fin des années soixante, le gouvernement suédois a pris des mesures pour promouvoir la famille à deux revenus. Des aides, en nature et en espèces, ont été apportées aux parents pour faire garder leurs enfants afin que les mères continuent à travailler de façon continue pendant leur vie adulte sans renoncer à leur emploi après la naissance des enfants. Non seulement la Suède, mais tous les autres pays nordiques ont fondé leur système de protection sociale sur l’individu et non sur la famille (Hantrais et Letablier, 1996). L’une des mesures les plus marquantes de ce point de vue a sans doute été l’imposition séparée des couples, facultative dès 1968 puis obligatoire en 1971 en Suède. En raison du taux d’imposition fortement progressif, il devenait plus intéressant pour un couple que la femme travaille plutôt que l’homme augmente son nombre d’heures de travail. Le système est tel que l’avantage optimum est obtenu lorsque les deux membres du couple apportent la même somme au revenu familial. Par ailleurs, lors de leur mise en place dans tous les pays scandinaves, les politiques familiales se voulaient les plus neutres possible quant aux formes de vie privée.
7La question de l’égalité entre les hommes et femmes a été largement débattue dans les pays nordiques. En Suède notamment, les mouvements féministes présents dans les partis politiques traditionnels ont œuvré pour mettre cette question au centre des débats au moment où les politiques familiales se sont construites. Si les socio-démocrates ont porté la revendication de l’égalité entre les sexes, cette question a fait l’objet d’un large consensus dans tous les partis politiques. Non seulement les femmes ont participé aux débats publics sur cette question mais elles ont aussi intégré les lieux de décision politique à tous les niveaux ainsi que les instances de décision des syndicats et des organisations professionnelles. Cette participation à la vie publique et politique leur a permis de peser sur l’orientation des politiques (Berqvist et Jungar, 2000).
Déjà dans les années trente alors que le modèle de la mère au foyer était dominant, les Myrdal défendaient l’idée que pour accroître la natalité, il convenait d’améliorer le niveau de vie des familles en même temps que la condition des femmes. Constatant que les femmes qui travaillaient se mariaient moins souvent et avaient moins d’enfants que les autres, ils concluaient à la nécessité de réformes permettant aux femmes de concilier travail et famille. Les difficultés démographiques rencontrées par la Suède dans les années trente ont été un levier pour la reconnaissance politique des femmes et pour leur légitimité en tant que citoyennes, travailleuses et mères. Cette situation a sans aucun doute contribué à donner à la famille une place centrale dans les sociétés scandinaves, comme levier démographique et économique et comme valeur centrale de la société. C’est dans ce contexte que les femmes se sont trouvées investies d’une forte responsabilité en tant que mères, consommatrices de services comme l’exige une société moderne, et en tant que productrices de biens et de services (Lallement, 2002). L’ouvrage publié en anglais avec la sociologue britannique Viola Klein (Myrdal et Klein, 1956) marque un changement radical de perspective par rapport à l’idéologie de la femme au foyer qui régnait à l’époque. Les auteurs défendent l’idée que le rôle des femmes dans la société passe à la fois par la maternité et par l’engagement professionnel, et que la collectivité doit les aider pour qu’elles n’aient pas à faire un choix. Ce livre a inspiré non seulement le Mouvement de femmes mais aussi les partis socio-démocrates qui en ont fait leur référence. L’ouvrage a eu un écho bien au-delà de la Suède (Clarke, 2002 ; Hirdman, 1994). Il reformulait le dilemme des femmes entre travail et famille et l’inscrivait dans une conception moderne de la famille et de la société où hommes et femmes contribuent aux ressources du ménage, ont peu d’enfants mais des enfants désirés, et où les responsabilités domestiques et parentales sont partagées.
La question de la famille, de l’État et de la reproduction
8Dans leur ouvrage Crisis in the population question (1935), Alava et Gunnar Myrdal renversaient l’approche traditionnelle selon laquelle travail et famille sont deux engagements antagoniques pour les femmes [2]. Ils plaidaient en faveur d’une citoyenneté totale, civile et sociale pour les femmes, fondée sur le droit à la maternité pour les travailleuses plutôt que sur le droit à l’emploi des mères. Ce renversement des termes du débat est essentiel pour comprendre les principes sur lesquels sont fondés les politiques d’aide aux familles et aux enfants dans les pays nordiques. Dès la fin des années trente, la Suède prenait des mesures pour promouvoir le travail des femmes dans de meilleures conditions : gratuité des soins de maternité, congé de maternité rémunéré (1937-1938), etc.
9Alors que la préoccupation des Myrdal était au départ d’augmenter la natalité, ce qu’ils prônaient était la maternité volontaire. En défendant la diffusion des méthodes contraceptives afin de donner plus de liberté aux femmes et promouvoir l’enfant « désiré », ils étaient l’emblème de la modernité : des mères modernes dans une société moderne. La question de la fécondité et de son traitement par les politiques est une question récurrente, surtout en Suède, mais à la différence de la France elle n’a pas été dissociée de la question de l’égalité entre les sexes et n’est pas antagonique avec l’activité professionnelle des femmes [3] (Le Bouteillec, 2002). Au contraire, la responsabilité démographique des femmes est associée à leur statut politique et économique. Et c’est aux pouvoirs publics de créer les conditions favorables à la natalité, qui passent par un soutien économique au revenu des familles avec enfants ainsi que par un soutien à l’exercice de la fonction parentale. Celle-ci est depuis longtemps valorisée dans les politiques, notamment par un ensemble de congés familiaux permettant aux parents d’accomplir leur rôle tout en étant investis dans leur emploi. La disponibilité des parents est une valeur importante reconnue par la société comme une condition de l’épanouissement des enfants.
10Dans les pays nordiques, les deux mondes du travail et de la famille ne sont plus vécus comme deux mondes inconciliables, mais au contraire comme deux faces des modes de vie des individus (Bjornberg, 1992). Cependant, si la Suède a fait figure d’avant-garde de la modernité, tous les pays nordiques n’ont pas connu la même évolution.
L’aide aux familles et aux enfants dans les pays nordiques
11En 1999, les dépenses consacrées à la famille et aux enfants représentaient 13 % de l’ensemble des dépenses sociales au Danemark, 12,8 % en Finlande, et 10,5 % en Suède (Eurostat, 2001). Le tableau 1 montre que la part des dépenses sociales consacrées à la famille et aux enfants est plus élevée dans les pays nordiques que dans les autres pays européens à l’exception du Luxembourg et de l’Irlande. Elle ne représente cependant qu’une faible part des dépenses sociales en comparaison de celles qui sont consacrées à la santé ou aux personnes âgées ou handicapées.
Part des dépenses consacrées à la famille et aux enfants dans l’ensemble des dépenses sociales des pays de l’UE, de l’Islande et la Norvège, 1999 (%)
Part des dépenses consacrées à la famille et aux enfants dans l’ensemble des dépenses sociales des pays de l’UE, de l’Islande et la Norvège, 1999 (%)
12Ces dépenses sont réparties entre les trois grandes composantes de la politique d’aide aux familles : les allocations familiales et le soutien au revenu des familles, les congés parentaux et leur rémunération, et les services d’accueil des enfants. Le soutien économique direct constitue l’élément central des politiques familiales des pays nordiques où le soutien par des mesures fiscales est inexistant. Les objectifs de ce soutien peuvent varier, mais il semble que ceux du système suédois représentent la tendance générale :
- mettre au même niveau les conditions de vie des femmes avec enfants et celles des familles sans enfants ;
- donner aux personnes la possibilité économique d’avoir les enfants qu’elles souhaitent ;
- dans la mesure du possible, fournir un soutien égal à tous à l’intérieur de capacités économiques limitées ;
- fournir un soutien particulier aux familles vulnérables.
Le nombre élevé de familles monoparentales résultant de la séparation des couples (cf. tableau 2) et le niveau élevé de participation des mères au marché du travail (cf. tableau 3) influent sur la répartition des dépenses de politique familiale. Les transferts publics représentent une part plus grande du revenu disponible des familles monoparentales que des familles biparentales ou des familles sans enfants (Abrahamson, 1999). En effet, les revenus sociaux contribuent à environ 40 % du revenu des familles monoparentales dans les pays nordiques comparés à un peu plus de 20 % en France (Chambaz, 2000). De plus, le taux élevé de participation des femmes au marché du travail induit une augmentation des besoins en matière de garde des enfants.
Structure des familles avec enfants (0-17 ans), 2000
Structure des familles avec enfants (0-17 ans), 2000
Situation des femmes au regard de l’emploi (15-64 ans et 25-49 ans), 2000 (%)
13Les prestations familiales recouvrent à la fois des prestations monétaires et des services. Les prestations monétaires sont de trois types : les allocations familiales ou allocations pour enfants (« child benefits »), la rémunération des congés de maternité et des congés parentaux (que l’on désigne en Suède sous le terme « d’assurance parentale »), et les allocations versées aux parents pour la garde de leurs enfants.
Les allocations familiales
14Les allocations familiales sont payées à tous les enfants quel que soit le revenu des parents. Elles servent à l’entretien des enfants, sont non imposables et sont versées à la mère. Elles sont allouées jusqu’à l’âge de 18 ans de l’enfant au Danemark, 17 ans en Finlande, 16 ans en Suède (20 ans si l’enfant est étudiant). Leurs règles d’attribution varient légèrement selon les pays (cf. tableau 4).
Règles d’attribution des allocations familiales, 2000
Règles d’attribution des allocations familiales, 2000
15Le dispositif danois peut être décrit comme mettant l’accent sur l’équité horizontale. Cela signifie que les familles avec enfants bénéficient toutes du même soutien : plutôt que le revenu des parents, c’est le critère « présence d’enfants » qui importe lorsqu’il s’agit d’octroyer des prestations. Les allocations ne sont pas soumises à conditions de ressources, en revanche, le montant des allocations décroît avec l’âge de l’enfant. Elles sont plus élevées pour les enfants de moins de 2 ans que pour les enfants âgés de 3 à 6 ans qui eux-mêmes reçoivent des allocations plus élevées que les enfants de plus de 6 ans. Par ailleurs, des allocations spécifiques sont attribuées aux enfants dont l’un des parents est décédé ou bien lorsque la paternité n’est pas établie.
16Le dispositif suédois est de type forfaitaire et ne tient pas compte de l’âge des enfants dans le calcul des allocations. En Suède, les allocations familiales (Barnbidraget) sont allouées à tout enfant de moins de 16 ans résidant en Suède depuis au moins six mois. Les allocations ne sont pas indexées sur le coût de la vie. Leur montant est fixé par le Parlement et aucune périodicité n’est fixée a priori pour leur réévaluation. Hormis des amendements portant sur le montant, leur structure était restée inchangée depuis 1948 lorsqu’en 1982 fut créée une allocation complémentaire destinée aux familles de plus de trois enfants. Les deux premiers enfants recevaient une somme forfaitaire (l’allocation de base) et le troisième et les suivants recevaient 150 % de ce montant. Ces taux ont été réajustés à de nombreuses reprises : en 1983, les naissances de rang 4 et plus ont reçu 200 % du montant de l’allocation de base ; ce barème est passé à 260 % en 1988, puis à 290 % en 1989-1990 avant de redescendre à 250 % en 1991 et finalement être supprimé en 1996 dans un souci de limitation des dépenses publiques. Cette mesure de soutien aux familles nombreuses avait une tonalité nataliste même si l’objectif n’était pas formulé explicitement. Elle modifiait aussi la logique des allocations familiales fondée sur l’égalité de traitement de tous les enfants. Les allocations familiales représentent 38 % du total des dépenses d’aide aux familles en Suède et en constituent le premier poste budgétaire, suivi par l’assurance parentale qui absorbe 32 % des dépenses.
17Dans tous les pays, à l’exception de la Suède, un complément est versé aux parents qui élèvent seuls leurs enfants, en sorte que les enfants vivant dans des familles monoparentales reçoivent des allocations plus élevées que les autres enfants. Toutefois, depuis 2000, le supplément versé aux familles monoparentales a été réduit au Danemark, tandis que l’allocation d’entretien due par le parent non gardien a été augmentée en proportion. L’avance sur pension alimentaire fait partie du soutien aux familles les plus nécessiteuses. Tous les pays prévoient le versement de cette avance par les collectivités locales lorsque la pension alimentaire n’est pas réglée.
Dans tous les pays nordiques, les allocations familiales restent l’un des pivots du soutien économique de l’État aux familles et aux enfants.
Les congés parentaux
18Dans les pays scandinaves, le principe des congés parentaux était énoncé déjà avant la seconde guerre mondiale, mais ils se sont vraiment développés dans les années soixante-dix en tant que congés destinés aux parents actifs et avec un taux élevé de salaire de remplacement. Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la prise d’une partie de ce congé par les pères est devenue obligatoire dans tous les pays à l’exception de la Finlande. Ces congés se caractérisent par leur longue durée, le niveau élevé du revenu de substitution, la flexibilité de leur usage et par les mesures d’incitation en direction des pères (Moss et Deven, 1999).
19Ces pays ont connu une période d’expansion sensible des congés parentaux entre le milieu des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt-dix. Peu de modifications ont été apportées depuis cette date. La durée du congé parental est relativement longue en comparaison de ce qui existe dans les autres pays européens (cf. tableau 5). En 2000, c’est en Suède que la durée du congé parental est la plus longue (60 semaines) suivie de la Finlande (44 semaines) et du Danemark (30 semaines).
20La rémunération des congés de maternité et des congés parentaux constitue le deuxième poste des prestations monétaires à destination des familles. Tous les pays versent des indemnités journalières en compensation de la perte de salaire pendant le congé de maternité ou le congé parental [6]. Le montant des indemnités est fonction du salaire antérieur. Au Danemark et en Finlande, les salariés du secteur public et de certaines branches du secteur privé perçoivent l’intégralité de leur salaire durant les premiers mois qui suivent la naissance. Seules les femmes peuvent percevoir les indemnités prénatales alors que les indemnités postnatales peuvent aussi être allouées au père mais selon des modalités variables selon les pays. Au Danemark, les personnes sans lien avec le marché du travail (ni salariées, ni travailleurs indépendants ou chômeurs) ne peuvent prétendre à ces indemnités journalières alors que dans les deux autres pays, des allocations d’un niveau très faible leur sont allouées.
21Dans les trois pays, les pères ont droit à un congé de paternité rémunéré à prendre immédiatement après la naissance. Les Suédois proposent un congé de paternité (dix jours rémunérés à 80 % du salaire) qui doit être pris dans les soixante jours qui suivent la naissance. Cette mesure appelée les « jours des papas » est très populaire : en 1999, 73 % des pères avaient demandé ce congé. En Finlande, les pères peuvent prendre un congé de paternité de six à douze jours à tout moment durant la période du congé de maternité. Ils peuvent disposer de six jours supplémentaires à prendre au moment de leur choix pendant le congé de maternité ou le congé parental. Ces jours peuvent être pris un par un, ceci pour en faciliter le prise par les pères.
Le taux de rémunération du congé parental varie d’un pays à l’autre, mais dans tous les cas il correspond à un salaire de remplacement et non à une allocation forfaitaire. En 2000, le congé parental était rémunéré à 100 % du salaire antérieur au Danemark, à 80 % en Suède mais avec un plafond et à 70 % en moyenne en Finlande où il n’y a pas de plafond mais la compensation est plus limitée pour les tranches supérieures de salaires (40 % et 25 %) (Salmi et Lammi-Taskula, 1999).
Règles relatives à la rémunération du congé parental, 2000
Règles relatives à la rémunération du congé parental, 2000
22Les congés parentaux restent très largement pris par les mères même si le nombre de pères prenant un congé ou une partie du congé parental est en augmentation dans tous les pays. Le nombre d’hommes qui prennent un congé parental varie d’un pays à l’autre (cf. tableau 6). En 2000, un peu moins de 14 % des pères avaient pris un congé ou une partie du congé en Suède contre seulement 4,1 % en Finlande et 5,5 % au Danemark [7]. Ces variations reflètent en partie les différences dans le taux de compensation du salaire. Au Danemark, le droit des pères à un congé rémunéré a été augmenté de deux semaines en 1998. En Finlande, les conditions de prise du congé parental ont été assouplies : il peut être fractionné en plusieurs périodes en accord avec l’employeur. La règle est que les deux parents ne peuvent pas prendre le congé en même temps, sauf pendant le congé de maternité.
Proportion de pères qui ont pris un congé parental rémunéré (en %)
Proportion de pères qui ont pris un congé parental rémunéré (en %)
23La situation de la Suède diffère de celle des autres pays en raison de la longueur du congé parental et de sa rémunération. L’assurance parentale couvre le droit au congé parental ainsi que la garantie de retour à l’emploi et le droit à une compensation financière pour la perte de revenu pendant l’interruption d’activité professionnelle de l’un des parents. L’assurance parentale a été créée en Suède en 1974, plus de vingt ans avant la directive européenne, dans un contexte favorable à la mise en place d’un tel dispositif : la conjoncture économique était favorable et l’égalité entre les sexes était sur l’agenda social et politique. Le système de l’assurance parentale s’est substitué au congé de maternité qui ne concernait que les femmes. La durée du congé parental était de six mois lorsqu’il a été créé et a été progressivement allongé jusqu’à sa durée actuelle, 390 jours rémunérés à 80 % du salaire antérieur auxquels s’ajoutent quatre-vingt-dix jours rémunérés sous forme d’allocation forfaitaire. Le congé parental est ouvert aux deux parents dès le premier enfant, la mère conservant cependant son droit à un congé rémunéré de soixante jours avant la naissance et vingt-neuf jours après (mesure relevant de la protection de la santé). L’assurance est depuis lors inscrite dans la loi sur l’assurance publique comme l’un des droits fondamentaux de tous les citoyens. Cette assurance est universelle au sens où elle couvre tous les parents domiciliés en Suède. Le seul critère d’éligibilité est d’être parent d’un nouveau-né. Le système est placé sous l’égide du régime national d’assurance maladie. Il comporte deux types de prestations : les indemnités journalières en remplacement du salaire et les prestations parentales temporaires.
24Les indemnités journalières sont versées au père ou à la mère pendant une durée totale de 450 jours, soit 15 mois. La caractéristique première du congé parental suédois est sa grande flexibilité :
- les jours de congé parentaux peuvent être pris à n’importe quel moment entre la naissance et le huitième anniversaire de l’enfant. Dans la pratique, la plupart des couples épuisent leur capital de jours de congés avant le deuxième anniversaire de l’enfant ;
- souvent, les parents combinent cet avantage avec une réduction du temps de travail journalier ou hebdomadaire, ce qui explique le taux élevé de travail à temps partiel. Dans ce cas, l’indemnité d’assurance s’adapte en conséquence et s’ajoute au salaire versé par l’employeur. Le nombre total de jours est alors augmenté en proportion (dans le cas d’un mi-temps, la durée du congé est doublée) ;
- les parents peuvent également alterner des périodes de congé et de travail, dans la limite de trois périodes de congé par an, ou plus avec l’accord de l’employeur ;
- enfin, la loi sur le congé parental donne aux parents les moyens de rester auprès de leur enfant durant les dix-huit premiers mois de sa vie. Ils ont alors l’opportunité d’alterner période de congé payé par l’assurance parentale et congé sans solde afin d’utiliser ultérieurement les jours de congé parental (stockage). Le nombre total de jours d’absence est plafonné à 990 jours ;
- depuis 1995, les pouvoirs publics ont instauré le « mois du père » : lorsque les parents ont la garde conjointe de l’enfant, trente jours sont exclusivement réservés au père et trente jours à la mère. Les 390 jours restant peuvent être pris indifféremment par l’un ou l’autre parent.
25Depuis 1980, une « prime de rapidité » (speed premium) a été introduite pour compenser la perte de revenu en cas de naissances rapprochées. Cela revient à accorder au père ou à la mère, une indemnité identique à la première et à la seconde naissance si le deuxième enfant naît au maximum 30 mois après le premier (donc calée sur le salaire antérieur au premier). Cette indemnité qui a été revue à plusieurs reprises depuis sa création semble avoir eu un impact sur la remontée de la natalité dans les années quatre-vingt.
26Outre les congés parentaux, les parents ont droit à des congés temporaires pour garder leur enfant lorsqu’il est malade ou bien pour l’accompagner lors de son entrée à l’école ou à la garderie.
L’accueil des enfants
27Les services d’accueil pour les enfants sont l’un des grands piliers de la politique d’aide aux familles et aux enfants dans les pays nordiques. Ces services sont essentiellement publics, offerts par les municipalités. Leur extension a commencé dans les années soixante-dix et s’est accélérée au cours des années 1980 et 1990. En dépit de l’investissement considérable de tous les pays dans ce domaine, des différences sensibles existent concernant le taux de fréquentation, notamment parmi les enfants de moins de 3 ans et parmi les enfants d’âge scolaire. Ces services constituent une aide en nature consistante que les pouvoirs publics consentent aux familles. Ces services ont une double mission : permettre aux parents de concilier travail ou études avec une vie familiale, d’une part, et stimuler le développement et l’apprentissage chez l’enfant, d’autre part. Cette double orientation a été définie au début des années soixante-dix en Suède, date à laquelle a commencé la grande expansion des services d’accueil dans ce pays [8]. Avec les allocations familiales et l’assurance parentale, l’accueil des enfants a été la pierre angulaire de la politique suédoise de la famille, offrant en même temps un solide contenu pédagogique à la garde des enfants. La Suède et le Danemark ont été les premiers à développer des services d’accueil des enfants ; la Finlande a été plus lente à mettre en œuvre de tels services pour des raisons qui tiennent à la moindre confiance dans le collectif et à une vision plus traditionnelle de l’éducation et des soins aux enfants. Aujourd’hui encore, le nombre d’enfants de moins de 5 ans accueillis dans les services municipaux est moins élevé dans ce pays où la garde parentale reste fréquente. Partout cependant, les gouvernements ont joué un rôle essentiel dans la mise en place de services d’accueil des enfants, ce qui permet de parler d’un « service public de l’enfance » sans équivalent dans les autres pays européens. Ces services sont accessibles à tous et leur universalité est garantie.
28Malgré un développement intensif dans les années soixante-dix et les premières années quatre-vingt, les listes d’attente pour l’accès aux services d’accueil ne parvenaient pas à être résorbées en Suède, ce qui a conduit le Parlement à adopter une loi en 1985 stipulant que tous les enfants entre dix-huit mois et l’âge d’entrée à l’école primaire devaient avoir accès à un service d’accueil : crèche, écoles maternelles ouvertes, classes préparatoires à l’école, etc. Ces objectifs n’ayant pu être atteints en raison de l’augmentation du nombre des naissances et de l’accroissement du nombre de mères en emploi, la législation a été renforcée en 1995, faisant obligation aux communes de mettre rapidement des places à la disposition des enfants qui en ont besoin. Cette réglementation a conduit à la création d’un nombre record de nouvelles places d’accueil au milieu des années quatre-vingt-dix. Les listes d’attente ont été résorbées et aujourd’hui en Suède les équipements couvrent l’essentiel des besoins. Les autres pays ont plus ou moins suivi la même évolution. Toutefois, en Finlande, les débats sur la préférence pour la garde à domicile par les parents moyennant une allocation sont récurrents. La Finlande avait pourtant fait passer une loi en 1973 (le day-care Act) pour développer les services d’accueil. La controverse a resurgi devant le Parlement en 1983 et un projet de « home care allowance for children » (HCA), sorte d’allocation parentale, fut approuvé en 1985. La Suède a aussi adopté le principe d’une allocation de garde parentale en 1991 afin de limiter les files d’attente pour une place dans un service d’accueil.
Actuellement dans tous les pays, des services d’accueil pour les enfants sont fournis par les communes : classes d’accueil préscolaire, crèches, garderies et activités périscolaires. Tous les pays offrent également des dispositifs d’aide à domicile en cas de maladie, de naissance ou autres. Mais les taux de fréquentation des services collectifs varient selon les pays et selon l’âge des enfants.
L’accueil des enfants d’âge préscolaire
29Dans tous les pays nordiques, les communes doivent être en mesure de satisfaire la demande d’accueil des enfants, soit dans des institutions publiques soit à domicile. En 2000, 71 % des communes au Danemark garantissaient un mode de garde à tous les enfants de moins de 9 ans, et 26 % garantissaient un mode de garde à une partie seulement de cette tranche d’âge. Depuis 1998, les communes accordent aussi un soutien financier aux parents qui optent pour une garde privée par une assistante maternelle [9].
30En Finlande, depuis 1996, tous les enfants de moins de 7 ans ont une place dans un service d’accueil municipal ou dans une crèche familiale. Et depuis le 1er août 1997, les parents qui ont recours à une personne privée pour garder leur enfant ont droit à une allocation qui est versée directement à la personne en charge de la garde [10].
31En Suède, les communes ont l’obligation d’offrir un mode de garde à tous les enfants dans les trois ou quatre mois qui suivent le dépôt de la demande par les parents. Cette obligation ne concerne que les enfants dont les parents ont un emploi ou suivent des études, ou les enfants qui ont des besoins particuliers, comme par exemple ceux qui se préparent à entrer à l’école primaire.
32En plus des crèches collectives, dans tous les pays nordiques il existe des crèches familiales municipales qui accueillent essentiellement des enfants de moins de 6 ans. Des nourrices sont employées et rémunérées par les communes pour recevoir les enfants à leur domicile. Comme pour les crèches collectives, les parents contribuent aux frais de garde.
33Par ailleurs, presque tous les enfants suivent une préparation à l’école dans des classes préparatoires. Les modalités de cette préparation facultative varient selon les pays. Au Danemark, 98 % des enfants suivent cette formation qui est de vingt heures par semaine au minimum. En Suède, depuis 1998, les communes ont aussi l’obligation d’offrir à tous les enfants de 6 ans un minimum de 525 heures de préparation à l’école dans une « classe préparatoire ». Fin 2000, 93 % des enfants de 6 ans suivaient cette formation, tandis que 5 % des enfants fréquentaient l’école primaire [11]. En Finlande, 82 % des enfants suivent cette préparation à l’école.
Dans l’ensemble, les besoins en structures d’accueil sont à peu près couverts pour les enfants dont les parents travaillent ou font des études. En revanche, les enfants des sans emploi en sont en partie exclus. C’est le cas en Suède par exemple ou environ 40 % des communes retirent leur place aux enfants dont l’un de parents perd son emploi. Seulement une commune sur quatre offre une place aux enfants dont les parents ne travaillent pas. Et en ce qui concerne les enfants dont l’un de parents reste au foyer pour s’occuper d’un enfant plus jeune, les règles sont encore plus restrictives. Néanmoins, c’est au Danemark, puis en Suède que les taux de fréquentation des crèches et des écoles maternelles sont les plus élevés (cf. tableau 7). Mais, sauf au Danemark, c’est la garde parentale qui prévaut pour les enfants de moins d’un an. Depuis quelques années, au Danemark et en Finlande, les parents peuvent bénéficier d’une allocation pour garder eux-mêmes leurs enfants à domicile, à temps plein ou à temps partiel. En revanche, les enfants de 3 à 6 ans sont gardés principalement dans des centres d’accueil collectifs.
La garde des enfants scolarisés
34Les centres périscolaires accueillent les enfants aux heures où ils ne sont pas à l’école, c’est-à-dire avant et après la classe et pendant les congés scolaires. La majeure partie des enfants inscrits ont entre 6 et 9 ans. Les centres périscolaires sont ouverts toute l’année et leurs heures d’ouverture sont adaptées aux horaires de travail des parents. Les enfants doivent être inscrits, et comme pour les crèches familiales ou l’école maternelle, les parents versent une contribution qui est fonction de leurs revenus et/ou des heures de présence de l’enfant. Au Danemark et en Suède, ces activités dépendent du ministère de l’Éducation.
Taux de fréquentation des services d’accueil par les enfants de moins de 10 ans, 1990-2000 (%)
Taux de fréquentation des services d’accueil par les enfants de moins de 10 ans, 1990-2000 (%)
Le financement de la politique d’aide aux familles
35Tous les pays nordiques ont de grandes ambitions en matière de politiques sociales et les sommes qui y sont consacrées sont à la mesure de ces ambitions. Cela se répercute sur les taux d’imposition qui sont parmi les taux les plus élevés au monde. Cependant, les sommes allouées aux enfants et aux familles varient sensiblement selon les pays, le Danemark étant le pays où les dépenses par tête sont les plus élevées [12]. Mais concernant les services d’accueil, c’est le Danemark qui dépense le plus et dans une moindre mesure la Suède, et c’est la Finlande qui dépense le moins. Dans tous les pays nordiques, le financement public se répartit entre l’État central qui finance les prestations monétaires et les collectivités locales qui financent les services. On observe cependant de grandes différences entre les pays qui reflètent les priorités des politiques sociales ainsi que les formes de financement.
Les transferts monétaires en direction des familles et des enfants
36En 1999, les dépenses de protection sociale sous forme de transferts monétaires représentaient, 17,1 % du PIB en Finlande, 18,7 % au Danemark et 18,8 % en Suède (Nososco, 2002). La part du PIB consacrée aux prestations monétaires varie de 1,9 % en Finlande, 1,7 % en Suède et 1,5 % au Danemark. Au cours de la décennie quatre-vingt-dix, la part des dépenses sociales consacrée aux prestations familiales a diminué au Danemark et en Suède alors qu’elle est restée la même en Finlande (Lagergren, 2002). Le tableau 8 résume la répartition des dépenses pour le soutien aux enfants et aux familles dans les différents pays.
Répartition des dépenses allouées aux familles et aux enfants (montant par tête), 2000
Répartition des dépenses allouées aux familles et aux enfants (montant par tête), 2000
37Au Danemark, l’État central ne finance les prestations monétaires qu’à hauteur de 78 %, en Suède à hauteur de 57 % et de 68 % en Finlande. En Suède [13], ce sont les employeurs qui financent le reste et en Finlande ce sont les employeurs et les salariés. Au Danemark, les employeurs ne sont pas mis à contribution dans le financement des prestations familiales monétaires.
Le financement des services de garde des enfants
38Si la contribution des collectivités locales aux prestations monétaires est nulle ou très limitée (15 % en Finlande), en revanche les services de garde des enfants sont organisés et financés par les collectivités locales, en grande partie par les impôts locaux, et dans une moindre mesure par les aides du gouvernement. Pour assurer leur mission (développer leurs activités et garantir à tous les citoyens un accès égal à tous les services sociaux), les collectivités locales reçoivent une dotation globale de la part de l’État central dont le montant varie selon les pays [14].
39Les contributions tant patronales que salariales sont limitées dans les trois pays : elles sont infimes au Danemark (1 % seulement), limitées en Finlande (9 %) mais plus élevées en Suède (43 %) bien qu’en baisse au cours des années quatre-vingt-dix. Les contributions des salariés sont nulles en Suède et limitées en Finlande (9 %) et au Danemark (21 %) où elles ont diminué dans la même période. Le financement de la politique familiale n’a pas suivi la même tendance que les autres branches de la politique sociale où en général la contribution des salariés au financement des services a augmenté sensiblement, notamment en Suède où elle a plus que doublé entre 1994 et 1999, passant de 10 % à 27 % du financement, au Danemark où la part salariale est passée de 16 à 31 % au cours de la même période, et en Finlande dans une moindre proportion (Nososco, 2002).
40Le trait commun à tous les pays nordiques est donc le financement sur fonds publics des services aux familles. Les différences concernent la répartition des contributions entre l’État central et les collectivités locales. Au Danemark et en Suède, la plus grande part du financement est assurée par les collectivités locales alors qu’en Finlande où les aides publiques sont plus sectorisées, la contribution de l’État central est plus importante. Dans tous les cas, le financement par les cotisations salariales ou patronales est inexistant.
41Les services de garde des enfants représentent entre 1 % et 2,2 % des dépenses publiques (en % du PIB) : 1,4 % en Finlande, 1,8 % en Suède et 2,2 % au Danemark. Cette part est restée stable en Finlande au cours de la décennie quatre-vingt-dix alors qu’elle a augmenté au Danemark et qu’elle a diminué sensiblement en Suède passant de 2,2 % en 1994 à 1,8 % en 1999 (Nososco, 2002). Mais si l’on se réfère au taux de dépenses à prix constants, il apparaît que les dépenses consacrées aux services d’accueil des enfants ont augmenté dans tous les pays nordiques durant les dix dernières années. L’augmentation est surtout sensible en Finlande et au Danemark, et plus limitée en Suède. L’observation des évolutions récentes fait apparaître une diminution sensible de la participation du gouvernement central au financement des services de garde en Finlande, reflétant une tendance générale au report de cette charge sur les collectivités locales qui n’est pas spécifique à la branche famille. Cette diminution traduit en fait un processus de dévolution aux autorités locales du financement des services sociaux en général.
Enfin, dans tous les pays, les parents paient pour la garde de leurs enfants. Normalement, le montant de leur revenu est pris en compte dans le calcul du prix à payer mais les enfants dont les parents ont des revenus très bas peuvent être gardés gratuitement. Au Danemark, les règles concernant le maximum à la charge des parents, les réductions accordées à certaines familles, et les conditions de gratuité sont fixées au niveau national. En Finlande, le montant à la charge des parents est fixé nationalement alors que les communes définissent les conditions de la gratuité. En Suède, ce sont les communes qui décident du montant de la contribution des usagers, la part parentale est normalement fixée en fonction du revenu et du temps passé par les enfants, mais il peut y avoir une part fixe indépendante de ces critères. En principe, le montant de la part parentale est le même quel que soit le mode de garde, crèche collective, familiale ou garde privée. Malgré les difficultés d’évaluation, on peut estimer que la part parentale, en Suède, s’élève en moyenne à 19 % du coût de la garde (16 % pour la garde préscolaire et 25 % pour les activités périscolaires) en 2000. Au Danemark, elle est approximativement de 19 % du coût courant des institutions municipales et de 15 % environ en Finlande. Dans l’ensemble, la contribution des usagers à la garde des enfants a peu évolué au cours des années quatre-vingt-dix, à part une légère augmentation au Danemark.
Les réformes de la politique d’aide aux familles
42Les débats sur la politique familiale ont resurgi, dans les années quatre-vingt-dix, dans la plupart des pays dans un contexte de crise économique qui pousse à limiter les dépenses publiques, et de nouveaux débats idéologiques sur les valeurs familiales, l’influence de l’individualisme et la nécessité de renforcer les obligations civiques des individus vis-à-vis de leur famille. Ces débats sur le renouvellement de la social-démocratie ont opposé les tenants d’un renforcement des solidarités familiales et, pour ce qui nous concerne ici, de la garde des enfants par les parents, d’une part, et les féministes prônant les droits sociaux des femmes et un partage plus équitable des charges familiales, des activités parentales et domestiques, d’autre part. Les observateurs du système nordique de politique familiale s’inquiétaient d’un possible démantèlement de l’action publique dans le domaine de la garde des enfants et de l’égalité entre hommes et femmes (voir notamment Daune-Richard et Nahon, 1997). Le tournant néolibéral des États providence scandinaves a-t-il eu lieu ?
43Les politiques ont eu à s’adapter non seulement aux pressions économiques mais aux changements profonds des structures familiales et du fonctionnement des familles. Dans les familles biparentales, l’activité professionnelle des deux parents est devenue une norme largement diffusée dans tous les pays nordiques qui enregistrent les taux d’activité des femmes les plus élevés en Europe. Cela signifie une demande accrue de moyens pour concilier travail et vie familiale, tant en temps parental qu’en services d’accueil adaptés au temps des familles et de bonne qualité conformément au standard qui existe de longue date en suède et au Danemark. Parallèlement, le nombre de familles monoparentales a continué d’augmenter dans tous les pays, résultant principalement de l’accroissement du nombre des séparations et des divorces. Or, les familles à un seul parent sont plus affectées par la pauvreté et ont donc besoin d’être aidées plus que les autres.
Dans tous les pays nordiques, les politiques ont pris en compte ces évolutions sans pour autant modifier fondamentalement leurs objectifs de solidarité, d’égalité entre les sexes et de soutien à l’accueil et à l’éducation des jeunes enfants. Le soutien économique direct aux familles n’a pas diminué quand bien même la conciliation entre travail et vie familiale est devenue un objectif prioritaire des politiques familiales dans tous les pays (Almqvist et Boje, 1999). Cependant les moyens mis en œuvre ainsi que les modes de gouvernance de la politique familiale ont évolué sensiblement.
Changements dans les objectifs
44Si l’on s’accorde sur le fait que les buts de l’action publique en matière de politique familiale sont de deux ordres, orienter les comportements des familles et redistribuer les ressources pour favoriser des conditions de vie plus équitables, alors, des changements sensibles peuvent être notés. Les incitations visent à promouvoir des comportements soit en matière de fécondité (avoir plus d’enfants), d’activité professionnelle (incitation des mères à poursuivre une activité professionnelle ou à y renoncer), ou de partage des responsabilités entre les parents.
45En Suède, la chute spectaculaire de la natalité au début des années quatre-vingt-dix a suscité de vifs débats. Cette baisse de la fécondité, due notamment aux femmes les moins instruites et les plus touchées par le chômage a alerté les pouvoirs publics. Les mères qui élèvent seules des enfants sont aussi parmi les premières victimes de la crise et le modèle suédois a été réinterrogé sur ses capacités à réduire les inégalités. Cependant, la question de la fécondité est une question récurrente en Suède, qui n’est pas dissociée de la question de l’égalité entre les sexes et n’est pas considérée comme antagonique avec l’activité professionnelle des femmes. Elle n’est pas associée à l’expression d’un courant nataliste et n’a jamais été focalisée sur le retour des mères dans leur foyer. La chute de la natalité, au début de la décennie, a mis en évidence le lien très ténu entre comportements démographiques et situation du marché du travail. La baisse du taux de chômage dans la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix a été accompagnée d’une remontée de la natalité. Toutefois, depuis 1996, les familles de plus de deux enfants ne bénéficient plus des prestations forfaitaires à chaque nouvelle naissance, cette disposition de politique familiale a été supprimée.
46Concernant l’incitation à l’activité professionnelle des mères qui reste l’un des grands objectifs de la politique familiale dans les pays nordiques, on a pu observer certaines orientations politiques qui visent à promouvoir la garde des jeunes enfants par les parents. Ainsi, à son arrivée au pouvoir en 1991 en Suède, la coalition bourgeoise proposait de créer une allocation de garde assez similaire à l’allocation de libre choix en France, ce qui permettait de rémunérer la garde à domicile soit par l’un des parents, soit par une autre personne. Il s’agissait d’une allocation forfaitaire d’un montant assez faible. La mesure a été supprimée en 1994 après le retour des socio-démocrates au pouvoir, avec l’argument que c’était un salaire maternel déguisé qui avait pour but le retour des femmes au foyer. Les Finlandais ont introduit une telle mesure et l’ont maintenue. On a pu observer également depuis les années quatre-vingt-dix un allongement des congés parentaux ainsi que leur assouplissement.
47Mais les congés parentaux étant pris majoritairement par les mères, leur impact en termes d’égalité entre femmes et hommes est limité et va à l’encontre des objectifs que se donnent les pouvoirs publics dans ce domaine (Meilland, 2001).
Tous les pays, sauf un, ont introduit des mesures pour inciter les pères à prendre une partie du congé parental, en réponse aux fortes pressions politiques syndicales et féministes. Mais force est de constater que l’implication des pères dans les activités parentales est encore limitée au regard de l’implication des mères, bien que sensiblement plus importante que dans les autres pays européens. Cette implication est cependant facilitée par le montant des indemnités journalières perçues pendant le congé d’un montant tel, que le ménage ne subit pas de baisse de revenu.
Nouvelles tendances dans l’accueil des enfants
48Depuis les années quatre-vingt-dix, plusieurs mesures ont été introduites en sorte de laisser davantage de choix aux parents en matière de garde et d’introduire plus de flexibilité dans son organisation. Dans l’ensemble, on constate une amélioration sensible de l’offre d’accueil des enfants de tous âges.
49Au Danemark, le nombre d’enfants âgés de 6 mois à 9 ans qui sont accueillis dans un service de garde a augmenté de 70 % entre 1991 et 2001. Pendant la même période, le nombre d’enfants sur les listes d’attente pour une place en crèche ou en garderie a diminué de 20 % par rapport à 1994. Le nombre de municipalités qui garantissent aux parents une place dans un service d’accueil pour leurs enfants continue d’augmenter. Par ailleurs, un effort a été fait pour introduire davantage de souplesse dans les conditions d’accueil des services et pour accroître les possibilités de choix des parents. Une nouvelle allocation a été introduite au 1er juillet 2002 pour permettre à l’un des parents de s’occuper de son jeune enfant au lieu de le faire garder. Les parents d’enfants de moins de 6 ans peuvent désormais prendre des congés pour garder leurs enfants. En 2000, huit semaines minimum et vingt-six semaines maximum étaient attribuées pour un enfant de moins d’un an. Ce congé peut être prolongé jusqu’à cinquante-deux semaines en accord avec l’employeur. Toutefois, durant ce congé, l’enfant ne doit pas occuper une place dans une garderie ou une crèche. Le nombre de parents qui prennent ce congé reste faible et n’a pas varié depuis 1998. De plus, les règles qui régissent le congé parental ont été revues au 1er janvier 2002 : les parents peuvent désormais prendre un congé parental d’un an après la naissance d’un enfant ; la part réservée aux pères est plus flexible et le congé peut être reporté en partie. Mais si ces réformes vont dans le sens d’une plus grande souplesse dans la mise en œuvre des congés parentaux, elles ne vont pas pour autant dans le sens d’une plus grande égalité entre hommes et femmes (Meilland, 2001).
50En Finlande, après leur congé parental, les parents peuvent choisir de mettre leur enfant à la crèche municipale ou bien le garder ou le faire garder à la maison avec une allocation de garde de jeune enfant. L’allocation de garde à domicile est allouée aux enfants de moins de 3 ans. Elle consiste en une allocation de base à laquelle s’ajoute un supplément en fonction des revenus des parents [15]. Les parents d’enfants de moins de 3 ans ont aussi la possibilité de réduire leur temps de travail et de recevoir une allocation partielle. Depuis août 2001, les municipalités sont contraintes d’offrir aux enfants de 6 ans une année de préparation à l’école gratuite (Pre-school education). Cette préparation peut être prise en charge par le système éducatif ou par le système de protection sociale. À l’automne 2000, 89 % des enfants de 6 ans suivaient cette préparation à l’école. Durant l’année académique 2001-2002, leur proportion a atteint 93 %(Nososco, 2002, préface).
En général, les moyens alloués à la garde des enfants se sont accrus dans tous les pays. Et les contraintes faites aux municipalités de proposer un mode d’accueil à chaque enfant dont les parents en font la demande vont dans le sens d’un droit de l’enfant à une place d’accueil. Cependant, en même temps le rôle de la famille dans le pourvoi de soins et d’éducation aux jeunes enfants a été renforcé en raison de l’allongement des congés parentaux rémunérés. Mais ce renforcement bénéficie du soutien financier des pouvoirs publics qui versent un salaire de remplacement permettant aux parents de s’investir dans leurs enfants et leur vie familiale qui reste une valeur fondamentale dans les pays scandinaves. Enfin, dans certains pays comme la Suède ou la Finlande, les services privés financés sur fonds publics ont connu un grand essor. Il s’agit généralement de coopératives de parents ou d’associations à but non lucratif qui viennent compléter le service public. Enfin, l’accueil préscolaire s’est développé partout.
Les changements dans la redistribution des ressources
51Globalement, le montant des dépenses publiques destinées aux enfants et aux familles a peu évolué au cours des dernières années. Au Danemark, les dépenses en prestations monétaires sont restées inchangées depuis 1999 alors que les prestations allouées aux services d’accueil des enfants ont augmenté du fait surtout des dépenses liées au placement en institution d’enfants ou d’adolescents. En Finlande, les dépenses de politique familiale ont baissé de 3 % entre 1999 et 2000 du fait de la diminution du nombre d’enfants. Néanmoins, les dépenses d’assistance sociale aux enfants et aux adolescents ont augmenté.
52En définitive, malgré les importants changements qui ont eu lieu au cours des années quatre-vingt-dix dans le financement de la protection sociale dans les pays nordiques, peu de modifications ont affecté les services de garde des enfants. Ceux-ci restant entièrement financés par les pouvoirs publics et notamment par les collectivités locales. Si on a pu observer une tendance à la réduction de l’engagement de l’État central dans le financement des services sociaux dans leur ensemble, en Finlande et en Suède notamment, les dépenses publiques affectées à la garde des enfants n’ont pas été affectées.
53Toutefois, au Danemark, depuis le 1er juillet 2002, de nouvelles conditions d’accès aux allocations familiales ont été définies. Seules les personnes résidant dans le pays depuis au moins sept années ont droit aux allocations en totalité. Les autres qui ne satisfont pas à cette condition de résidence ont droit seulement à une allocation « d’assistance de départ ».
54En Suède, où le taux de croissance continue sa régression, la diminution des dépenses publiques reste à l’ordre du jour, cependant cela affecte peu la politique familiale : pour les enfants nés après le 1er janvier 2002, la rémunération du congé parental pourrait être prolongée de 30 jours jusqu’à un total de 480 jours, dont 60 seraient réservés à chacun des parents lorsque ceux-ci se partagent les tâches parentales. En 2001, les allocations familiales sont passées de 850 couronnes à 950 couronnes par mois. Les suppléments pour naissances multiples ont aussi augmenté. De même que les subsides en cas d’adoption. Une réforme des allocations d’entretien dans le cas de garde alternée est à l’étude. Chaque parent pourrait recevoir jusqu’à la moitié de l’allocation (586 couronnes par mois). Et les étudiants pourraient bénéficier aussi de cette allocation d’entretien dans certaines conditions.
Conclusion
55Dans les pays nordiques, la régulation de la vie familiale par l’État est enracinée dans l’histoire. Elle entretient une relation forte avec les questions de population ainsi qu’avec les questions d’emploi. Les politiques familiales se sont construites sur les valeurs social-démocrates fondées sur la solidarité et l’égalité, notamment entre les hommes et les femmes. Elles visent la création d’un environnement favorable aux familles, à leur développement et à leur bien-être, par une approche cohérente et intégrée de l’action publique, tant dans la formulation des politiques que dans leur mise en œuvre. Leur objectif redistributif est fondé sur une conception de la solidarité sociale variable selon les pays mais qui se traduit néanmoins par un niveau élevé de prestations et de services et par une bonne qualité de prestations. À la fin du XXe siècle, la part des dépenses publiques consacrées aux prestations familiales était relativement élevée en comparaison des autres pays européens. Le soutien apporté par les pouvoirs publics à l’accueil des enfants permet aux mères de se maintenir sur le marché du travail et d’avoir les taux d’emploi les plus élevés en Europe. La tension entre travail et vie familiale est gérée par l’intermédiaire des pouvoirs publics qui consacrent une part importante des dépenses de politique familiale au financement des services d’accueil des enfants ainsi qu’à la rémunération des congés parentaux, et qui incitent les pères à partager les responsabilités parentales. Enfin, l’accès aux prestations, monétaires ou en nature, est un droit universel. Le financement de ces prestations est assuré par l’impôt, des impôts d’un montant élevé prélevés sur l’ensemble de la population.
56La dégradation de la situation économique avait suscité de nombreuses interrogations quant au devenir du modèle social nordique et quant à la générosité des États vis-à-vis des familles et à la qualité des prestations et des services. Le démantèlement annoncé des politiques d’aide aux enfants et aux familles n’a pas eu lieu : le soutien de l’État n’a pas été remis en question, ni dans ses objectifs, ni dans les moyens alloués. Toutefois, le soutien aux familles a subi des coupes budgétaires, souvent temporaires comme en Suède, et a été réorienté. Les aides à la conciliation entre travail et vie familiale ont été renforcées à travers un soutien aux services d’accueil des enfants et aux congés parentaux alors que le soutien économique direct aux familles a peu varié. Dans tous les pays, mais particulièrement au Danemark et en Suède, l’offre d’accueil des enfants a augmenté sensiblement depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cette offre s’est aussi diversifiée mais toujours avec le soutien des aides publiques, avec pour objectif d’accroître le temps parental consacré aux jeunes enfants. De plus, les politiques relatives aux congés de paternité, de maternité et congés parentaux se sont développées considérablement.
Cependant, alors que tous les pays ont mis l’accent sur les systèmes de garde des enfants pour permettre aux parents de mieux concilier travail et vie familiale et d’atteindre un niveau élevé d’égalité entre femmes et hommes, l’accent mis sur la garde parentale à travers les congés divers a pour effet d’allonger les temps passés hors travail, surtout pour les mères puisque ce sont encore elles qui prennent, en premier lieu, les congés parentaux en dépit des mesures incitatives pour les pères. Le résultat risque d’être, paradoxalement, un creusement des inégalités entre femmes et hommes dans les possibilités de conjuguer vie professionnelle et vie de famille.
Bibliographie
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Notes
-
[*]
Sociologue, chercheur CNRS/Centre d’études de l’emploi.
-
[1]
Gunnar Myrdal a reçu le prix Nobel d’économie, en 1974, après une longue carrière universitaire et politique en Suède et aux Nations unies. Alva Myrdal a reçu le prix Nobel de la paix en 1982. Elle a occupé plusieurs portefeuilles ministériels en Suède et des fonctions importantes aux Nations unies. Après 1945, elle s’est consacrée aux questions de désarment ainsi qu’aux problèmes du tiers-monde, sans pour autant abandonner ses engagements politiques en Suède.
-
[2]
Ils avançaient le slogan : « le droit des femmes actives aux enfants et au mariage ». Ce slogan a eu un effet stimulant sur le Mouvement des femmes et sur le Parlement.
-
[3]
La mise en place de la politique familiale de la Finlande est aussi, à l’origine, associée à une politique de population en réponse à la crise démographique d’avant-guerre, mais à la différence de la Suède, elle a été construite sous l’égide d’un organisme privé composé de partenaires professionnels et sociaux.
-
[4]
Les naissances hors mariage représentent plus de la moitié des naissances en Suède, et plus d’un tiers des naissances au Danemark et en Finlande.
-
[5]
Moins de 25 % des jeunes de 16 à 30 ans vivent dans leur famille au Danemark et en Finlande contre 65 % en Italie.
-
[6]
La frontière entre congé de maternité et congé parental n’est pas toujours bien établie. En Suède par exemple, on ne parle plus de congé de maternité depuis 1974 mais de congé parental, une formulation qui est remise en question actuellement par les instances européennes.
-
[7]
La durée du congé pris par les pères est bien inférieure à celle du congé pris par les mères : en 1999, les pères ont pris en moyenne 2,2 semaines, c’est-à-dire un peu moins de 4 % par rapport à leur droit, alors que les mères ont pris en moyenne 44,8 semaines (congé de maternité inclus).
-
[8]
La « Commission des maisons d’enfants » mise en place en 1968 par le gouvernement suédois pour répondre à la demande générée par la montée de l’activité professionnelle des mères a eu un rôle déterminant dans les orientations de la politique d’accueil. En faisant le lien entre besoins de garde et impératifs sociaux et pédagogiques, elle a formulé des idées et des principes qui gardent encore leur validité. Cette commission a jeté les bases du modèle suédois d’accueil préscolaire, permettant aux deux parents d’exercer une activité professionnelle. Ce modèle diffusé dans tous les pays nordiques rompait avec l’ancienne dichotomie entre garde des enfants relevant de l’aide sociale et activités pédagogiques vues comme une stimulation pour les familles les plus aisées. Garde et pédagogie ont été intégrées dans une même approche concernant les enfants d’âge préscolaire et les enfants scolarisés.
-
[9]
Fin 2000, un peu plus de 3 300 enfants étaient concernés par ce mode de garde au Danemark.
-
[10]
Ce mode de garde par une personne privée concernait 14 000 enfants en 2000, en Finlande.
-
[11]
Bien que l’âge de la scolarité obligatoire soit de 7 ans en Suède, les enfants peuvent entrer à l’école primaire dès l’âge de 6 ans si les parents le souhaitent.
-
[12]
Toutefois les comparaisons sont difficiles à établir dans ce domaine en raison des définitions variables du périmètre de la politique familiale. Tous les pays n’incluent pas les mêmes choses dans les dépenses.
-
[13]
En Suède, trois changements majeurs ont eu lieu dans les années quatre-vingt-dix concernant la contribution des employeurs au financement de la politique sociale : la réforme de l’assurance chômage en 1994-1995 a augmenté la part des employeurs ; en 1997, les cotisations des employeurs au financement des retraites ont été réduites tandis que les salariés ont été appelés à cotiser. En même temps, les cotisations salariales à l’assurance maladie ont été supprimées et les cotisations patronales ont été augmentées en proportion, les employeurs contribuent ainsi au financement de l’assurance parentale destinée à rémunérer le congé parental financé par l’intermédiaire de l’assurance maladie.
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[14]
Tous ces pays dans les années 1980 et 1990, ont réformé leur mode de gouvernance des aides publiques de manière à améliorer l’efficacité des administrations locales, et ont remplacé les aides sectorielles par une dotation globale afin de mieux réguler les dépenses publiques.
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[15]
L’allocation de base était de 252 euros par mois pour les enfants de moins de 3 ans et 84 euros pour chaque enfant supplémentaire. L’allocation est de 50 euros pour les enfants d’âge préscolaire.