Couverture de RFS_532

Article de revue

Les prêts à remboursement contingent au revenu : un système de financement des études importable en France ?

Pages 293 à 333

Notes

  • [*]
    J’exprime ma profonde reconnaissance à F. Dubet pour son soutien et ses précieux conseils. Je tiens aussi à remercier vivement M. Armagnague, J. Castro-Reyes, R. Delès, G. Goastellec, F. Lung et G. Mesmin, dont les suggestions judicieuses et les encouragements ont largement contribué à mener ce projet à son terme. J’adresse enfin mes remerciements aux membres du comité de lecture de la Revue française de sociologie qui, par leurs commentaires constructifs, m’ont permis d’enrichir significativement ce texte.
  • [1]
    Usher et Cervenan comparent seize systèmes d’enseignement supérieur, dont celui de la France. Ils analysent deux dimensions principales : l’accessibility des études, un indice synthétique d’équité, et l’affordability des études, qui renvoie à leur caractère financièrement abordable. Les données sont agrégées et émanent des ministères en charge de l’enseignement supérieur ou d’autres enquêtes nationales ou internationales.
  • [2]
    La distribution peut aussi être fondée sur le mérite, mais cela est peu commun en Europe.
  • [3]
    Pour harmoniser la comparaison, Usher et Cervenan (2005) rapportent les montants absolus de coût des études et d’aide publique à la Parité de pouvoir d’achat (PPA), qui permet de comparer la capacité à acheter dans différentes monnaies, mais aussi au Produit intérieur brut par habitant, qui représente la richesse moyenne des individus dans chaque pays.
  • [4]
    Pour une discussion plus approfondie, on se reportera utilement à Eicher et Chevaillier (2002) et Johnstone et Marcucci (2010) sur les arguments économiques en faveur et en défaveur du financement privé des études supérieures ; Trannoy (2006), Johnstone (2009) et Courtioux (2010a) sur l’intérêt et les limites des PARC en termes d’efficacité ; Garcia (2008) pour une critique du paradigme de l’utilité économique des études.
  • [5]
    Le rendement des études supérieures repose sur « la relation entre le niveau de formation et les revenus du travail […]. On peut en estimer le taux économique de rendement, c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure les coûts de l’élévation de son niveau de formation donnent lieu à une augmentation de ses futurs revenus du travail » (OCDE, 2009, p. 162).
  • [6]
    Les bénéfices publics, qu’ils soient économiques ou sociaux, semblent néanmoins difficiles à démontrer. En effet, l’analyse des indicateurs aux niveaux individuel et agrégé pose la question du paradoxe écologique (voir, par exemple, Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). S’il existe une corrélation au niveau agrégé entre la massification du supérieur et la croissance économique, il est difficile de savoir si cela résulte du fait qu’une forte massification implique que les plus éduqués créent individuellement davantage de richesses – produisant par agrégation un effet au niveau du pays –, ou bien, au niveau agrégé, de ce qu’une forte massification est en elle-même un facteur positif de croissance économique.
  • [7]
    Voir, par exemple, Gary-Bobo : « Par analyse normative, il faut comprendre que nous chercherons à établir ce qui devrait être fait, dans un certain ordre de circonstances, compte tenu de certains principes éthiques que nous nous donnons au départ. » (2006, p. 201).
  • [8]
    L’aversion au risque renvoie au comportement économique d’un acteur qui préfère un bénéfice relativement sûr à un bénéfice plus important mais aussi plus aléatoire, sachant qu’il possède un niveau d’information plus ou moins précis sur les bénéfices possibles et les risques encourus. Dans une perspective davantage sociologique, l’aversion au risque dans l’enseignement supérieur procède d’une crainte de poursuivre des études au vu des difficultés sociales et économiques potentiellement consécutives au coût des études, à leur rendement, et aux modalités de financement (dont l’emprunt fait partie).
  • [9]
    Comme le montrent Landais, Piketty et Saez (2011), questionner l’équité fiscale est probablement plus pertinent au niveau global que du point de vue d’une politique publique en particulier. Cette limitation du concept d’équité est évidemment discutable. Nous évacuons en effet deux questions importantes. En termes d’équité intragénérationnelle, pourquoi les étudiants auraient-ils une aide particulière par rapport aux non-étudiants ? Une dotation en capital pour tous les jeunes serait probablement fiscalement plus juste (Allègre, Marceau et Arnov, 2010). En termes d’équité intergénérationnelle, « les actifs de demain, non contents de payer la dette publique laissée par leurs parents et de financer leur retraite, devraient encore rembourser les frais nécessités par la poursuite d’études supérieures, que leurs parents leur auraient simplement avancés ! » (Gary-Bobo et Trannoy, 2005, p. 231). Cela contribuerait à ajouter de nouvelles injustices intergénérationnelles à celles déjà existantes (Chauvel, 1998).
  • [10]
    Nous nous focaliserons sur la question de l’accès (vs la réussite et l’insertion) au supérieur (vs aux différentes formations du supérieur). L’impact des PARC sur les inégalités de réussite et d’insertion serait une hypothèse possible que nous ne sommes cependant pas en mesure de tester avec les données à notre disposition. Quant à l’impact des PARC sur les inégalités plus qualitatives dans l’enseignement supérieur, outre le manque de données, l’hypothèse paraît moins plausible, en tout cas en Suède et en Angleterre, pays dans lesquels leur usage est généralisé.
  • [11]
    La Parité de pouvoir d’achat est utilisée pour comparer des données économiques dans des devises différentes, mais en tenant aussi compte du pouvoir d’achat effectif de la devise. Voir http://www.oecd.org/std/ppa pour plus d’informations. Nous utilisons les données de 2005, date de l’enquête Eurostudent III. Les montants dans les monnaies nationales sont ainsi rapportés en « € PPA » en les divisant respectivement par 1,075 en France, 10,919 en Suède et 0,741 en Angleterre.
  • [12]
    Nous mobiliserons aussi des données provenant de l’OCDE, d’Eurostat et d’enquêtes statistiques nationales (DEPP, 2010 pour la France ; DCSF, 2009 pour l’Angleterre ; SNAHE, 2008 pour la Suède).
  • [13]
    Accessibles sur http://www.eurostudent.eu/results/profiles.
  • [14]
    Il n’existe pas de fichier de données agrégées de tous les pays, et l’enquête suédoise a même été supprimée et n’est donc plus accessible. La pertinence de la comparaison des enquêtes a été validée en s’appuyant sur les informations qualitatives des « national profiles » (trois pays), les rapports finaux de l’enquête nationale (Angleterre), l’analyse des données brutes de l’enquête nationale (France) et des contacts avec les responsables de ces enquêtes (France, Suède).
  • [15]
    Nous présentons dans cette partie le système actuellement en place en Angleterre. Les résultats de l’enquête anglaise portent, quant à eux, sur le système en place de 1998 à 2005. Sa logique générale est identique à celle du système actuel, mais les montants en jeu diffèrent (Callender, 2006) : avant 2005, les étudiants payaient environ 1 500 € de droits d’inscription (4200€ aujourd’hui) ; la bourse sur critères sociaux s’élevait à 1 500 € (3 800 € aujourd’hui) ; les étudiants complétaient, comme actuellement, leur budget avec l’emprunt public pour le coût de la vie et les droits d’inscription. Par ailleurs, les conditions de remboursement des PARC étaient financièrement un peu moins intéressantes. Comme l’attestent les données préliminaires d’Eurostudent IV (Orr, Gwosc et Netz, 2011), l’évolution du système n’a pas beaucoup fait varier les statistiques présentées ici, par exemple concernant la proportion de bénéficiaires des aides publiques parmi les étudiants et la part du financement public – et plus spécifiquement des bourses et des prêts – dans le budget étudiant.
  • [16]
    Ce montant (£ 3 300 par an) constitue un montant « plafond » – fixé par l’État – que les universités peuvent exiger des étudiants britanniques et issus de l’Union européenne (les étudiants hors UE paient des frais d’inscription beaucoup plus élevés) pour une formation de licence à temps plein. Bien que ce montant soit théoriquement un maximum, c’est le prix fixé, en pratique, par les universités pour la quasi-totalité des formations supérieures. Les étudiants à temps partiel – très nombreux en Angleterre – paient des droits d’inscription en général proportionnels au temps d’études. Pour les formations de niveau master, les universités fixent librement les frais de scolarité.
  • [17]
    Si les revenus de l’emprunteur n’atteignent pas 20 200 € PPA par an, il ne rembourse pas l’emprunt. Avec des revenus de 21 000 € PPA par an, l’individu rembourse 9 % des 800 € PPA de revenus au-delà du plancher de 20 200 € PPA, soit 72 € PPA par an.
  • [18]
    Le montant empruntable résulte de facteurs multiples. Il dépend du type de logement et du lieu d’études – pas de décohabitation, ou logement indépendant à Londres, ou en dehors. Par ailleurs, les étudiants d’origine aisée ne peuvent emprunter que 75% du montant maximum du prêt. Enfin, le montant de l’emprunt est diminué de l’aide non remboursable reçue par les étudiants boursiers.
  • [19]
    L’État prête aux étudiants à un taux 30 % moins élevé que le taux auquel il emprunte lui-même sur les marchés internationaux.
  • [20]
    En Suède, l’absence d’enquête sur la question de l’aversion à l’emprunt étudiant pourrait être liée au montant plus faible du prêt par rapport à l’Angleterre et à la généralisation du prêt étudiant, qui est désormais une expérience commune à la génération des jeunes étudiants mais aussi à leurs parents.
  • [21]
    En Suède, cette approche expérimentale est inopérante, le système ayant évolué de manière progressive depuis les années 1960, sans grande rupture récente.
  • [22]
    Les difficultés méthodologiques d’une telle expérimentation demeurent importantes. Pour être efficace, une analyse expérimentale nécessite un contrôle des paramètres autres que le système de financement. Or, Dearden, Fitzsimons et Wyness (2010) ne sont pas parvenus à prendre en compte dans leur modèle l’évolution qui aurait été celle de la population étudiante s’il n’y avait pas eu de réforme.
  • [23]
    L’Angleterre représente environ 80 % de la population, du PIB, des effectifs étudiants, etc. du Royaume-Uni. Compte tenu du manque de certaines statistiques pour l’Angleterre, nous utiliserons quelques données chiffrées relatives au Royaume-Uni dans son ensemble (voir aussi Tableaux VII et VIII).
  • [24]
    Ce rapport, tiré du quatrième volet des enquêtes Eurostudent IV, met à disposition des données plus récentes, mais pose deux problèmes. D’une part, dans le cas de la France, l’enquête tient compte d’un champ différent de population étudiante, à savoir élargi aux écoles d’ingénieurs, artistiques et de commerce. D’autre part, en Suède et en Angleterre (mais pas en France), Eurostudent IV inclut, uniquement pour les étudiants décohabitants, une évaluation monétaire des contributions matérielles de leurs parents, augmentant d’autant le niveau de revenus.
  • [25]
    Ce rapport est probablement sous-estimé car l’enquête anglaise ne différencie pas les diplômes des parents au-dessous du supérieur.
  • [26]
    Le coefficient de Gini mesure l’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée. Plus il s’approche de 1, plus la distribution est inégale. Les données sont issues du Programme des Nations unies pour le développement.
  • [27]
    Le taux de rendement privé des études supérieures rend compte de l’intérêt économique moyen pour un individu de poursuivre des études supérieures. Il est calculé en mettant en relation les coûts des études et les bénéfices en matière de rémunération. Plus précisément, « le rendement économique de l’éducation est estimé sous la forme d’un taux de rendement interne, soit un taux d’escompte dans lequel la valeur actuelle des revenus du travail futurs est nulle ou, en d’autres termes, un taux d’intérêt dans lequel la valeur nette des coûts de l’investissement dans l’éducation est égale aux bénéfices. […] Le taux de rendement interne privé est estimé sur la base de l’augmentation des revenus du travail après impôts sous l’effet de l’élévation du niveau de formation, déduction faite des coûts privés que ces études ont occasionnés (dépenses personnelles et manque à gagner). En règle générale, les coûts privés indirects (frais de logement, de subsistance, d’habillement, de loisirs, etc.) sont exclus des coûts privés » (OCDE, 2008, pp. 207-208).
  • [28]
    Seules l’université de Buckingham et quelques formations professionnelles courtes, marginales en nombre d’étudiants, ont un statut différent.
  • [29]
    En octobre 2010, le ministère de l’Enseignement supérieur a publié une première évaluation nationale des taux d’insertion professionnelle des universités. La méthodologie a été fortement critiquée, notamment parce que les données n’ont pas été présentées « toutes choses égales par ailleurs ».
  • [30]
    Les droits d’inscription universitaires pour les étudiants en formation continue représentent une grande partie du coût réel des études. La plupart du temps, ce coût est pris en charge par un organisme spécialisé type Fongecif, par Pôle emploi, par la région, etc.
  • [31]
    Comme pour les prêts, les bourses et les logements Crous sont réservés aux étudiants âgés de moins de 28 ans (hors dérogations).
  • [32]
    Notons que cet exercice se révèle complexe puisque les données sur le coût des formations ne sont pas publiques et qu’à la connaissance de ces auteurs, et à la nôtre, aucune recherche n’a été menée depuis 2004 sur cette question.
  • [33]
    Nous reprenons ici à notre compte deux des régimes (« marchand » et « universaliste ») identifiés par Verdier (2008) quant aux systèmes d’éducation et de formation tout au long de la vie.

1 Dans de nombreux pays, les politiques publiques de financement des études supérieures ont évolué vers un nouveau partage du coût entre les contribuables, les étudiants et leurs parents pour des raisons d’efficacité économique et d’équité (Johnstone, 2004). Parmi ces politiques publiques, le dispositif le plus souvent envisagé est le prêt à remboursement contingent au revenu (PARC). Ce type de prêt, souscrit par l’étudiant, a la caractéristique de pouvoir être remboursé de manière différée, une fois que les revenus de l’emprunteur, i.e. l’ancien étudiant, ont atteint un certain seuil. En France, ce dispositif fait l’objet d’une évaluation, et souvent d’une recommandation, par le Centre d’analyse stratégique (Ben-Jelloul, Liégey et Schaff, 2009 ; Schaff, Ben-Jelloul et Liégey, 2009), par divers groupes d’experts (Colin, 2008 ; Allègre, Marceau et Arnov, 2010) et par des chercheurs en économie (Trannoy, 2006 ; Courtioux et Gregoir, 2010).

2 Si les PARC ont déjà été mis en place dans de nombreux pays, nous proposons de focaliser notre analyse sur deux pays européens en particulier : la Suède et l’Angleterre. Ce choix n’est pas fortuit : si le dispositif est théoriquement similaire dans ces deux pays, le système d’enseignement supérieur dans lequel il s’intègre y est radicalement différent. En Suède, l’enseignement supérieur est relativement unifié, les droits d’inscription sont gratuits, et les PARC ne constituent qu’un complément à la bourse universelle. À l’inverse, les établissements anglais sont fortement hiérarchisés, les frais de scolarité sont élevés comparativement à la France et les PARC représentent le principal dispositif de financement public au-delà des bourses sur critères sociaux. En France, le système d’enseignement supérieur est fortement segmenté, les droits d’inscription sont relativement faibles et l’aide publique repose, pour l’essentiel, sur un système de bourses sur critères sociaux. La France paraissant, à première vue, emprunter à la fois aux systèmes anglais et suédois, et atteignant un niveau de massification proche de celui des deux autres pays, la mise en œuvre d’un PARC y semble envisageable.

3 Dans une perspective d’analyse des politiques publiques, trois questions se posent à propos des PARC : ce dispositif est-il efficace, équitable et importable en France ? Les recherches actuelles se concentrent essentiellement sur son caractère efficace. L’équité des PARC est, quant à elle, discutée mais de manière moins approfondie. Enfin, les conditions de la mise en œuvre des PARC, notamment en tant que dispositif équitable, au sein du contexte français sont souvent sous-estimées ou ignorées. Alors que ces trois questions demeurent diversement considérées, un système de PARC serait, d’après ses nombreux promoteurs, un dispositif idéal tant en termes d’efficacité que d’équité, et son importation serait tout à fait envisageable en France. L’efficacité des PARC fera l’objet d’une revue de littérature des travaux des économistes, mais ne sera pas traitée per se dans cet article. En revanche, nous porterons précisément notre analyse sur les deux enjeux peu étudiés jusqu’à présent : dans quelle mesure et sous quelles conditions les PARC sont-ils vecteurs ou réducteurs d’inégalités sociales ?

4 À partir d’une comparaison des systèmes de financement des études supérieures en France, en Angleterre et en Suède, cet article interroge d’abord les conséquences sociales des PARC en termes d’égalité des chances et d’autonomie étudiante. Pour cela, outre une analyse documentaire des systèmes de financement dans les trois pays, nous mobiliserons l’enquête Eurostudent III, qui interroge l’expérience des étudiants et dont une des thématiques porte sur le financement des études. Nous verrons que, si les PARC participent fortement à l’équité du système de financement et rendent les étudiants plus autonomes, ces avantages reposent sur des conditions sociétales spécifiques réunies en Angleterre comme en Suède. À la lumière des multiples enjeux sociaux soulevés par ces dispositifs, nous évaluerons dans quelle mesure le contexte français est favorable à ces conditions. Nous discuterons finalement l’opportunité d’importer les PARC en France, en montrant qu’il existe des rationalités sociales irréductibles aux seules rationalités économiques.

L’intérêt des PARC en termes d’équité et d’efficacité

Le coût des études supérieures

5 L’accès aux études supérieures dépend probablement moins du niveau moyen des droits d’inscription que de la capacité des étudiants à financer leurs études supérieures, qui impliquent bien d’autres frais. Les étudiants doivent en effet assumer l’ensemble des dépenses courantes – nourriture, logement, transport, etc. –, mais aussi le coût d’opportunité des études (Trannoy, 2006), c’est-à-dire l’absence de revenus du travail consécutive à la décision d’étudier. Ce dernier coût étant théorique, puisqu’il ne correspond à aucune dépense concrète, deux dépenses semblent essentielles du point de vue étudiant : le coût des études et le coût de la vie. D’un côté, les droits d’inscription constituent un coût apparent et incompressible pour l’étudiant et sa famille, car ils sont intrinsèquement liés aux études supérieures. De l’autre, les dépenses courantes sont davantage compressibles et latentes pour les étudiants, car elles sont souvent partagées avec la famille et dispersées dans divers types de dépenses. Mais ce coût de la vie est bien réel car, s’il n’est pas assumé par l’étudiant, il doit l’être par sa famille.

6 Le montant moyen des frais de scolarité des étudiants français est difficile à évaluer. D’après l’enquête Eurostudent III, ces droits d’inscription représentent en moyenne 5,4 % des dépenses des étudiants. Dans l’enquête de Usher et Cervenan (2005)  [1], les frais de scolarité atteignent en moyenne 1 623 € par an en France, soit 24 % des dépenses étudiantes, mais cette moyenne masque une grande diversité de situations. Si la forte dispersion des droits d’inscription permet difficilement d’être plus précis, deux enseignements identiques ressortent néanmoins de ces enquêtes. Premièrement, dans les pays européens, les droits d’inscription représentent une part marginale, entre 0 et 25 %, des dépenses réelles auxquelles les étudiants font face. Deuxièmement, dans le cas particulier de la France, la part des droits d’inscription dans l’ensemble des dépenses étudiantes est plus faible que dans les autres pays.

7 Les dépenses ne représentent cependant qu’une des deux faces de la problématique financière des étudiants. Les sources de revenus étudiants sont diverses : les bourses (non remboursables), les prêts (remboursables), les revenus propres de l’étudiant (petits boulots notamment) et les solidarités familiales. Ces revenus étudiants peuvent être d’origine publique – une partie des bourses et des prêts – ou privée. Le financement public est essentiellement distribué en tenant compte de deux critères  [2] : soit sur critères sociaux afin de réduire les inégalités d’accès au supérieur, ou bien de manière universelle, donnant ainsi à tous les étudiants l’opportunité de financer leurs études et limitant, par là même, les inégalités sociales de revenus entre étudiants.

8 Il paraît pertinent de différencier les sources de revenus d’origine publique, qui réduisent ou limitent les inégalités, de celles d’origine privée, qui sont inégalement réparties. C’est tout le sens de l’analyse de Usher et Cervenan en termes d’accessibilité financière. Celle-ci représente la capacité financière finale à poursuivre des études supérieures une fois connus les droits d’inscription, les dépenses courantes et l’ensemble des aides financières accordées à l’étudiant et à sa famille. Ainsi, au-delà du seul prix des études, cet indicateur renvoie au fait que les études sont plus ou moins financièrement abordables, en calculant ce qu’un étudiant doit débourser tout en poursuivant ses études. Plus les revenus privés à débourser immédiatement sont élevés, moins l’enseignement supérieur est financièrement accessible de manière équitable.

9 Comparons l’accessibilité financière aux États-Unis et en France pour prendre conscience de l’importance des différentes sources de revenus dans le financement des études. Aux États-Unis, le système de financement repose sur un niveau élevé à la fois des frais de scolarité et des aides aux étudiants (Johnstone et Marcucci, 2010). Si l’on s’en tient aux seuls droits d’inscription, ceux-ci peuvent paraître socialement très inégaux. Mais lorsque l’on prend en compte l’ensemble des sources de financement, les études supérieures paraissent plus abordables aux États-Unis qu’en France (Usher et Cervenan, 2005). La part des bourses dans les ressources des étudiants est de 18,9 % en France et de 25,2 % aux États-Unis. L’ensemble des bourses et des prêts représente seulement 27,6 % des revenus des étudiants en France, contre 59,8 % aux États-Unis. Si les droits d’inscription sont en moyenne quatre fois supérieurs aux États-Unis (25,7 % du PIB par habitant en PPA)  [3] par rapport à la France (6,4 % du PIB par habitant en PPA), ce qu’il reste à payer (out of pocket costs) – après avoir comptabilisé le coût des études, le coût de la vie et les aides pour les étudiants – est relativement similaire aux États-Unis (18,9 % du PIB par habitant en PPA) et en France (21,2 % du PIB par habitant en PPA), pays dans lequel l’emploi étudiant (Pinto, 2008) et le soutien familial (Gruel, 2009) sont par ailleurs socialement inégalitaires. En France, la politique publique de financement des études supérieures très limitée fait ainsi dépendre les étudiants des sources de revenus les plus socialement inégalitaires.

10 Dans le système français, penser en termes de financement global plutôt qu’en termes de droits d’inscription apparaît d’autant plus essentiel que la part du financement public dans les revenus étudiants est faible. C’est dans ce cadre qu’est débattu l’intérêt du dispositif de prêt à remboursement contingent au revenu.

Qu’est-ce qu’un PARC ?

11 De nombreux systèmes de paiement différé du coût des études sont discutés dans la littérature économique (Chapman, 2006 ; Johnstone, 2009) : paiement différé avec partage des risques avec le contribuable (Angleterre), dont le système hybride de prêt à taux fixe et remboursement contingent (Suède) est une sous-catégorie ; paiement différé avec mise en commun des risques dans la génération des diplômés ; taxe sur les diplômés ; paiement différé à travers des investisseurs privés. Dans cette enquête, nous désignons par l’appellation « PARC » les systèmes de paiement différé avec partage des risques avec le contribuable. C’est le système le plus commun au niveau international (Chapman, 2006 ; Santiago, Tremblay, Basri et al., 2008a) et le plus souvent envisagé en France, notamment par le Centre d’analyse stratégique (Ben-Jelloul, Liégey et Schaff, 2009 ; Schaff, Ben-Jelloul et Liégey, 2009), des groupes d’experts comme l’Institut Montaigne (Colin, 2008) ou Terra Nova (Allègre, Marceau et Arnov, 2010) ou encore des économistes (Trannoy, 2006 ; Courtioux et Gregoir, 2010).

12 Les PARC sont des prêts souscrits par les étudiants (et non par leurs parents) dont la particularité principale réside dans leurs conditions de remboursement. L’emprunt est remboursé de manière différée une fois que les revenus de l’emprunteur ont atteint un seuil donné. Certaines situations, comme le chômage ou la maladie, impliquent un report du remboursement de l’emprunt, et certaines conditions, atteindre un âge donné par exemple, entraînent même une prescription des dettes restantes. Ce système de prêt étudiant est quasi systématiquement organisé et garanti par une agence publique. Les pouvoirs publics garantissent le prêt, les pertes potentielles étant assumées par les contribuables. Le taux d’intérêt, souvent bonifié par l’État, est plus faible que celui d’un prêt bancaire privé, souvent au taux nominal nul (aucun intérêt), au taux indexé sur l’inflation, ou au taux de refinancement de l’État.

13 L’État fixe les règles d’éligibilité des étudiants : résidence, citoyenneté, revenus des parents, âge, type d’études, etc. Généralement, tous les étudiants, dans toutes les filières, dans tous les établissements, empruntent dans des conditions similaires. Mais le dispositif donne parfois aux étudiants issus de milieux populaires un accès prioritaire, voire de meilleures conditions de remboursement. L’État fixe aussi les caractéristiques du prêt : montant maximum, nombre d’années d’emprunt, taux d’intérêt, etc. Le prêt couvre les dépenses courantes et, s’il y a lieu, les droits d’inscription. L’étudiant peut emprunter pour un nombre d’années fixé à l’avance, ou bien pour une période de formation donnée (Chapman, 2006 ; Santiago, Tremblay, Basri et al., 2008a).

Un système efficace d’allocation des fonds publics de l’enseignement supérieur ? [4]

14 D’un point de vue économique, les systèmes de PARC constituent d’abord une politique publique de partage du coût des études supérieures dont l’objectif consiste principalement à transférer une partie de ce coût des contribuables aux étudiants (Johnstone, 2004). Pour les économistes de l’éducation, les PARC représentent donc, avant tout, un système efficace d’allocation des fonds publics de l’enseignement supérieur, notamment parce qu’il permet une augmentation des droits d’inscription.

15 Du côté de la demande en éducation, la participation des étudiants au coût de l’éducation renvoie à la théorie du capital humain. Pour les tenants de cette théorie, les étudiants acquièrent, pendant leurs études, des compétences et des savoirs monnayables sur le marché de l’emploi. Ils obtiennent ainsi des bénéfices privés tels que de plus hauts revenus ou un statut social plus élevé. Le rendement privé des études supérieures  [5] légitimerait alors que les étudiants financent une partie du coût de leurs études. Plusieurs éléments limitent néanmoins ce raisonnement. D’abord, l’État tirerait aussi des bénéfices d’un accès plus large à l’enseignement supérieur : d’un point de vue économique, davantage d’éducation créant de la croissance, et ainsi davantage d’impôts et de cotisations sociales ; d’un point de vue social, le niveau d’éducation favorisant une plus forte cohésion sociale : moindre criminalité, meilleure santé publique, etc.  [6] Dans une vision plus large du rôle de l’éducation, les études supérieures pourraient même avoir un intérêt intrinsèque, la connaissance ayant une valeur en soi (Robeyns, 2006). Par ailleurs, le rendement privé moyen n’est qu’une moyenne : il varie en effet fortement selon le pays (OCDE, 2009), le type de formation, le sexe ou encore l’origine sociale (Asplund, Ben Adbelkarim et Skalli, 2008). Dès lors, la part du rendement privé dans l’ensemble des bénéfices de l’enseignement supérieur semble difficilement mesurable.

16 Du côté de l’offre éducative, le partage du coût des études supérieures constituerait un facteur d’amélioration des performances du système d’enseignement supérieur. D’abord, sous condition d’un maintien des ressources publiques, il permettrait d’augmenter le budget de l’enseignement supérieur et d’améliorer ainsi la qualité des formations. Par ailleurs, en cas de départ à l’étranger, l’ancien étudiant, qui ne contribuerait pas au budget de l’État par l’impôt, aurait financé une partie du coût de ses études. Enfin, les universités adapteraient mieux leur offre de formation aux besoins de la société et des étudiants, devenus des usagers plus avertis et exigeants en payant des droits d’inscription. Si les deux premiers arguments semblent réels, il est en revanche possible d’émettre des réserves à propos du troisième argument, à savoir sur le lien entre paiement de droits d’inscription élevés et réussite étudiante (Garcia, 2008).

L’équité des PARC entre équité fiscale et égalité des chances

17 La diversité des approches économiques requiert de décomposer précisément les arguments économiques relatifs à l’équité des PARC. D’un côté, les enjeux d’équité sont souvent subordonnés à ceux de l’efficacité économique. Soit l’analyse de l’équité ne nécessiterait pas d’être théoriquement distinguée de celle de l’efficacité (Chapman, 2006), soit l’analyse économique normative  [7] reléguerait l’équité à une place secondaire dans l’analyse. D’un autre côté, les définitions de l’équité et les méthodes utilisées relèvent de niveaux d’analyse très différents.

18 Le premier argument considère le faible niveau des droits d’inscription comme inéquitable d’un point de vue macrofiscal (CERC, 2003). En France, les inégalités sociales d’accès au supérieur sont fortes, d’autant plus pour les filières les plus rémunératrices et au coût public plus élevé. Les dépenses publiques de l’enseignement supérieur profitent ainsi de manière disproportionnée aux étudiants issus de familles aisées. La faiblesse des droits d’inscription relève dès lors d’une politique publique antiredistributive. Cette approche de l’équité est néanmoins remise en cause par Gary-Bobo et Trannoy (2005), mais aussi par Van Parijs, pour qui il faudrait « au préalable comparer la disproportionnalité dans la jouissance de l’enseignement supérieur et la disproportionnalité dans son financement » (2004, p. 2). Évaluer véritablement les bénéfices privés de l’enseignement supérieur demeure en effet très complexe, de l’aveu même du CERC (2003), l’équité des dépenses publiques en éducation étant intrinsèquement liée au cycle de vie d’un individu (Allègre, Mélonio et Timbeau, 2010).

19 Le deuxième argument repose sur l’équité fiscale du système de PARC en tant que tel, et non sur celle relevant de la seule hausse des droits d’inscription. Pour certains analystes, un système associant des droits d’inscription à un PARC serait fiscalement plus juste qu’un système sans frais de scolarité. Grâce au PARC, l’ancien étudiant ne rembourse l’emprunt que si ses revenus dépassent un seuil plancher. Dans un tel système, on paie d’autant plus de droits d’inscription que ses revenus sont élevés. Le remboursement du prêt s’avère ainsi proportionnel au rendement privé des études supérieures, créant ainsi un effet redistributif a posteriori sur les revenus futurs des individus. L’équité fiscale des PARC fait ainsi passer le questionnement du foyer fiscal d’origine des étudiants au futur foyer, dont les revenus dépendront du diplôme obtenu dans l’enseignement supérieur.

20 Si les deux premiers arguments relèvent de l’équité fiscale, le troisième repose sur l’équité comme égalité des chances. L’argument veut que la compensation de la hausse des frais de scolarité par une augmentation symétrique des PARC limiterait l’accroissement des inégalités sociales des chances d’accès au supérieur engendrées par les nouveaux droits d’inscription. Cet argument s’appuie sur trois méthodes différentes. La première considère les effets théoriques de la mise en œuvre d’un PARC. En théorie économique, le passage de la gratuité de l’enseignement supérieur à des droits d’inscription entièrement financés par un PARC n’aurait pas d’impact sur les inégalités si la bonification du prêt était égale au droit d’inscription instauré (Gary-Bobo et Trannoy, 2005). La deuxième méthode – économétrique – consiste à simuler le rendement privé des études supérieures à partir des revenus actuels des individus en France et en faisant « comme si » un PARC était en place. Cette simulation montre que « l’effet sur les rendements [étant] très faible, […] la mise en place de ce dispositif devrait être neutre sur l’accès des étudiants issus des familles modestes aux études supérieures s’ils assoient principalement leur décision de participation sur cette mesure de l’utilité d’un diplôme » (Courtioux, 2010a, p. 124). Ces deux méthodes reposent sur deux hypothèses discutables d’un point de vue sociologique : les étudiants possèdent une information exhaustive sur le rendement des diverses formations supérieures et ils veulent et peuvent les utiliser pour choisir leur études ; les PARC suppriment toute aversion au risque  [8] chez les étudiants. La troisième méthode – expérimentale – consiste à mesurer l’impact réel de la mise en œuvre d’un PARC sur les inégalités des chances, en comparant la situation avant et après la réforme. La majorité des recommandations d’experts sur les PARC s’appuie ainsi sur l’« exemplaire » réforme australienne, pays dans lequel l’introduction des frais de scolarité et des PARC n’aurait pas engendré de plus fortes inégalités sociales des chances d’accès au supérieur (Chapman, 2006).

Méthode et matériau de recherche

21 Nous proposons de compléter les arguments économiques développés jusqu’ici en comparant les conséquences sociales des systèmes de financement public des études supérieures en France, en Suède et en Angleterre. Nous laisserons de côté la question de l’équité fiscale car, nous l’avons vu, cette approche ne fait pas l’unanimité au sein des économistes et dépasse la seule dimension des études supérieures  [9]. En revanche, nous analyserons l’impact des PARC en termes d’égalité des chances. D’après l’OCDE, « les systèmes d’enseignement supérieur équitables veillent à ce que la réalisation du potentiel éducatif  [10] ne soit pas le résultat de la situation personnelle et sociale – telle que le statut socioéconomique, le genre, l’origine ethnique, l’origine migratoire, le lieu de résidence, l’âge ou le handicap » (Santiago, Tremblay, Basri et al., 2008b, p. 14). En plus de l’origine socioéconomique, nous comparerons l’égalité des chances selon l’âge, qui joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des PARC.

22 Au-delà de la question de l’équité, l’analyse de l’indépendance financière des étudiants nous servira à évaluer un second enjeu central des PARC, l’autonomie des étudiants. Généralement d’un montant élevé, les PARC constituent un instrument essentiel d’une plus grande indépendance financière. Pour Sen (2009), la justice sociale passe par une égalité des capabilités, à savoir une égalité des individus à mener leur vie telle qu’ils l’entendent. En d’autres termes, la société devrait permettre à tous les individus de se réaliser socialement et d’être libres de mener tel ou tel type de vie. Cet objectif se traduit par une meilleure capacité à se construire et à s’orienter. Dans ce cadre, l’égalité d’accès à une autonomie financière relative pendant les études supérieures serait en adéquation avec la revendication d’autonomie des jeunes majeurs (Van de Velde, 2008).

23 Avant de répondre à ces deux enjeux, nous décrirons le fonctionnement du financement public des études supérieures dans ces trois pays. Afin d’harmoniser la comparaison, les systèmes décrits sont ceux en cours en 2008-2009 et les montants dans les trois monnaies – euro en France, livre sterling en Angleterre et couronne suédoise en Suède – sont rapportés à la Parité de pouvoir d’achat (PPA)  [11]. Ensuite, pour analyser les enjeux sociaux du financement des études supérieures, nous utiliserons les données de l’enquête Eurostudent III [12], qui porte sur les étudiants de vingt-trois pays européens, parmi lesquels la France, l’Angleterre et la Suède. La comparaison repose sur l’analyse des « national profiles »  [13] qui réunissent, pour chacun des pays, des données brutes, des indicateurs et des précisions qualitatives sur les variables de l’enquête  [14]. Seuls les étudiants nationaux dans les formations supérieures générales hors doctorat ont été interrogés dans l’enquête. Elle exclut ainsi les étudiants étrangers, les doctorants et les étudiants dans les formations professionnelles courtes. Eurostudent III ne relève pas d’une enquête comparative per se mais regroupe diverses enquêtes nationales aux méthodologies et champs d’application différents : en France, à partir de l’enquête « Conditions de vie » de l’Observatoire de la vie étudiante ; en Suède, à partir d’une enquête ad hoc sur les étudiants ; en Angleterre, à partir de l’enquête sur le financement des étudiants (Student income and expenditure survey 2004/05). Si Eurostudent III constitue la troisième vague de regroupement de ces enquêtes nationales et que le travail effectué en amont crée les conditions favorables à la comparaison, il n’en subsiste pas moins, comme dans toute démarche comparative, des problèmes de traduction, de construction d’indicateurs, etc. En France comme en Suède, l’enquête a été réalisée par courrier, alors que le questionnaire anglais a été passé lors d’entretiens en face à face. Le nombre de questionnaires collectés et le taux de réponse diffèrent en France (18 825 répondants ; taux de réponse de 25 %), en Angleterre (3 500 ; 21 %) et en Suède (2 725 ; 54 %).

24 Si les enquêtes en Angleterre et en Suède couvrent les étudiants de toutes les filières, ce n’est pas le cas en France, où seuls les étudiants à l’université (hors IUT et IUFM) et en classes préparatoires aux grandes écoles ont été intégrés dans cette comparaison européenne, appelant dès lors à plusieurs observations limitant la portée de la comparaison. D’un côté, si l’on fait l’hypothèse que l’expérience des étudiants à l’université varie davantage que celle de l’ensemble des étudiants, l’enquête pourrait accentuer la tendance à la forte dispersion des expériences, phénomène dont nous verrons qu’il est très marqué en France. De l’autre côté, dans l’hypothèse d’une polarisation des étudiants à l’université vers certaines caractéristiques, le risque serait de généraliser leurs traits spécifiques à l’ensemble des étudiants. Il semble par exemple probable que, certaines écoles demandant des frais de scolarité bien plus élevés qu’à l’université, le budget moyen des étudiants en France soit sous-évalué dans l’enquête. Notons enfin que les universités (hors IUT et IUFM) et les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent respectivement 54,7 % et 3,5 % des étudiants du supérieur, et que l’origine sociale des étudiants à l’université, principale population de l’enquête, est très proche de celle de l’ensemble des étudiants français (DEPP, 2010, p. 165 et p. 189).

25 Concernant les données proprement dites, on peut signaler que, dans l’enquête Eurostudent III, les aides financières aux étudiants incluent les allocations logement (ALS et APL en France). En revanche, l’enquête ne tient compte, dans aucun des trois pays, des autres modalités indirectes d’action sociale en faveur des étudiants. Ces dernières, prenant la forme de subventions publiques aux parents des étudiants (aides fiscales notamment) ou aux acteurs de la politique de vie étudiante (pour la France : Cnous, mutuelles étudiantes, universités, etc.), demeurent souvent intangibles pour les étudiants, si bien que leur niveau n’a pas pu être mesuré dans cette enquête réalisée auprès des étudiants eux-mêmes. C’est pourquoi l’on pourrait formuler deux autres limites à cette enquête, concernant probablement la France davantage que les deux autres pays. Premièrement, l’action sociale indirecte en faveur des étudiants diminue artificiellement le niveau de revenus des étudiants, qui ne reflète donc pas précisément leur niveau de vie. Deuxièmement, si l’on considère que cette action sociale se substitue en partie au soutien public direct, on pourrait estimer que l’enquête sous-estime le niveau de l’aide publique.

L’impact des systèmes de financement public des étudiants en matière d’autonomie et d’équité

26 Nous décrirons d’abord les systèmes de financement public des études supérieures en France, en Angleterre et en Suède, le lecteur pouvant se reporter à la comparaison précise et terme à terme dans l’Annexe I. Puis, nous comparerons cinq dimensions du financement public des études supérieures à l’intersection de l’équité et de l’autonomie : les inégalités sociales des chances d’accès au supérieur liées à l’aversion à l’emprunt ; la démocratisation des études supérieures à tous les âges de la vie ; le degré moyen d’indépendance financière des étudiants ; les inégalités individuelles et sociales de revenus chez les étudiants ; le niveau de l’aide publique pour les étudiants d’origine modeste.

Les modalités du financement public des études supérieures en France

27 Le tableau en Annexe II donne un aperçu assez exhaustif de la diversité des droits d’inscription en France. Leur niveau moyen est difficilement mesurable mais a priori relativement faible, si l’on tient compte du nombre important d’étudiants pour lesquels les frais de scolarité restent limités (université publique notamment). L’aide publique aux étudiants est principalement constituée de bourses sur critères sociaux (Tableau I). Le montant – au maximum 4 019 € par an en 2008-2009 (3 740 € PPA) – dépend des revenus des parents et des « points de charge », qui varient notamment selon l’éloignement par rapport au lieu d’études et selon le nombre d’enfants encore à la charge des parents. L’étudiant peut bénéficier de la bourse pendant sept années maximum, outre les dérogations, la continuation de cette aide étant conditionnée à une réussite au minimum partielle aux études.

28 Certains étudiants financent aussi leurs études grâce à un système de prêt, dont l’organisation reflète la dualité du système d’enseignement supérieur entre l’université d’une part et les grandes écoles d’autre part. Dans ces dernières, les étudiants se voient souvent proposer par une banque privée un prêt pour financer leurs études. Pour les autres, depuis 2008, un système de prêts bancaires privés garantis mais non subventionnés par l’État (taux d’intérêt entre 3,8 et 4,5 % ; jusqu’à 15 000 € ; accessible à tous) a remplacé les prêts d’honneur du Cnous (taux zéro ; jusqu’à 3 800 € ; sélection sur critères sociaux).

29 Si le soutien public direct aux étudiants paraît restreint, le modèle français de financement public des études supérieures comprend aussi une dimension significative d’action sociale en faveur des étudiants. L’aide publique directe aux étudiants ne représente ainsi que 30 % de l’ensemble des 5,5 milliards d’euros dépensés dans l’action sociale en faveur des étudiants (DEPP, 2010, p. 347). Outre l’aide directe, les autres types d’aide incluent notamment l’aide au logement (24 %), les œuvres universitaires (7 %), le système de santé (10 %) et les aides fiscales versées aux parents des étudiants (29 %). Ces dimensions, probablement moins légitimes et répandues qu’en France, ne sont pour autant pas absentes des modèles anglais et suédois de financement public. Par exemple, le caractère béveridgien de ces deux États-providence, qui garantit à travers l’impôt une prestation à tous les membres de la société, bénéficie largement aux étudiants.

Les PARC suédois et anglais au sein du système de financement public des études supérieures

30 En Suède, les droits d’inscription sont inexistants, la seule obligation financière – quelques dizaines d’euros – relevant de l’adhésion à l’organisation représentative étudiante de son établissement. Si les études sont gratuites, l’État aide aussi les étudiants à financer leurs dépenses courantes. Chaque individu dispose ainsi de six années de bourse d’études – environ 25 700 SEK par an (2 350 € PPA) – dont il peut bénéficier jusqu’à 54 ans. Cette bourse ne dépend pas du revenu des parents, mais elle ne peut pas être combinée avec un salaire élevé. Elle représente environ 44 % de l’aide publique totale aux étudiants (56 % pour le système de prêt).

31 En Angleterre  [15], la majorité des formations en licence à temps plein coûte £ 3 145 par an (4 200 € PPA)  [16]. Au niveau licence, les étudiants d’origine modeste reçoivent une bourse sur critères sociaux de £ 2 835 par an (3 800 € PPA) maximum, visant à financer le coût de la vie. Le critère social dépend, avant 25 ans, des revenus de la famille et, après 25 ans, de ceux du foyer de l’étudiant. En dessous de £ 25 000 de revenus par an (33 700 € PPA), l’État accorde une bourse complète ; jusqu’à £ 60 000 de revenus par an (67 500 € PPA), le montant de la bourse diminue par paliers. Les boursiers reçoivent aussi une aide de leur université pour financer les droits d’inscription. Les étudiants les plus modestes perçoivent au minimum £ 310 (420 € PPA), mais le montant de la bourse atteint près de £ 1 500 (2 000 € PPA) dans certaines universités d’élite. L’État attribue par ailleurs une bourse additionnelle aux parents célibataires, aux couples d’étudiants et pour certains handicaps. Finalement, les bourses représentent environ 33 % de l’aide publique aux étudiants, contre 67 % pour le système de prêt.

TABLEAU I

Répartition des différents types de bourses et de prêts publics octroyés aux étudiants (en %)

Bourses Bourses sur Autres
universelles critèressociaux bourses Prêts
France
Angleterre
Suède
0 84 14 2
0 23 10 67
44 0 0 56
figure im1

Répartition des différents types de bourses et de prêts publics octroyés aux étudiants (en %)

Eurostudent III.

32 Concernant les PARC, trois dimensions sont essentielles : les modalités de remboursement – particulières à ce type de prêt –, les caractéristiques du prêt (nombre de mois, montant mensuel, taux d’intérêt, etc.) et les critères d’éligibilité.

33 Le système anglais est un PARC au sens propre. L’ancien étudiant rembourse 9 % de ses revenus supérieurs au plancher de £ 15 000 de revenus par an (20 200 € PPA)  [17]. Le remboursement débute un an après la fin des études. Les dettes sont prescrites si elles n’ont pas été remboursées vingt-cinq ans après la fin des études supérieures, ou alors si l’emprunteur atteint l’âge de 65 ans. En Suède, le mécanisme public d’emprunt relève d’un « système hybride à échéances fixes contingent au revenu » (hybrid fixed schedule-income contingent loan) (Johnstone, 2009). En clair, c’est un prêt classique, c’est-à-dire aux échéances fixées à l’avance, excluant a priori des conditions de non-remboursement. Mais il fonctionne comme un « prêt à remboursement contingent au revenu sous condition de besoin » (Santiago, Tremblay, Basri etal., 2008a) puisque, à la demande d’un emprunteur en difficulté financière, le remboursement est réduit à 4 % maximum des revenus. Le remboursement débute six mois après la fin des études, et les dettes non remboursées sont prescrites lorsque l’emprunteur atteint 68 ans. Le prêt dure habituellement vingt-cinq ans et les échéances augmentent avec le temps.

34 Dans les deux pays, les PARC financent l’ensemble des dépenses étudiantes non couvertes par les bourses. En Angleterre, quelle que soit leur origine sociale, les étudiants peuvent emprunter à concurrence du montant de leurs droits d’inscription (fee loan), soit £ 3 145 par an (4 200 € PPA), mais aussi de leurs dépenses courantes (maintenance loan) jusqu’à un plafond de £ 6 475 par an (8 700 € PPA)  [18]. L’emprunt est possible sur la durée de la licence – trois ans la plupart du temps – plus une année supplémentaire, et le taux d’intérêt est indexé sur l’inflation. En Suède, le prêt s’élève à un maximum de 49 200 SEK par an (4 500 € PPA). Le montant est supérieur si l’étudiant fait face à des dépenses particulières à côté de ses études, en particulier pour les étudiants déjà parents et pour les salariés en reprise d’études. Chaque individu bénéficie des deux instruments de financement (bourse et prêt) pendant douze semestres et gère son capital de formation tout au long de sa vie. Il est possible de demander la bourse sans le prêt ou vice-versa, ou de n’emprunter qu’une partie du montant maximal du prêt. Le taux d’intérêt est fixé tous les ans à 70 % du taux de refinancement de l’État  [19].

35 Concernant les conditions d’éligibilité, l’étudiant doit, dans les deux pays, résider sur le territoire depuis plusieurs années et ne pas dépasser une limite d’âge : 45 ans en Suède ; en Angleterre, 60 ans pour le coût de la vie et pas de plafond pour le prêt dédié aux droits d’inscription. En termes d’éligibilité scolaire, les formations privées hors contrat n’existant guère dans les deux pays, les étudiants de la quasi-totalité des établissements et des formations sont éligibles au financement public (bourses et prêts). En Suède, les PARC financent les études supérieures universitaires et professionnelles, la formation pour adultes au niveau secondaire et les études dans les universités populaires. Dans les formations universitaires, la continuation du prêt pour le semestre suivant requiert d’avoir validé au moins la moitié des examens au semestre précédent. Par ailleurs, l’étudiant doit poursuivre des études au moins à mi-temps. En Angleterre, la limitation des PARC aux trois années du cycle licence (avec une année supplémentaire en cas de réorientation) et aux masters préparant au métier d’enseignant représente un moyen de régulation des parcours d’études initiales. Les étudiants à temps partiel et à distance sont exclus du système de prêt, mais l’État prend en charge les droits d’inscription pour les individus au chômage ou disposant de faibles revenus.

ENCADRÉ I. – La réforme en cours du financement des études supérieures en Angleterre

À la fin de l’année 2010, l’Angleterre a assisté aux plus fortes mobilisations étudiantes depuis les années 1980, les étudiants s’opposant au triplement des droits d’inscription. Malgré ces mobilisations, la réforme sera mise en œuvre à partir de septembre 2012, même si certains arbitrages sont encore en cours. L’objectif de cette réforme est triple : diminuer les dépenses publiques pour l’enseignement supérieur ; améliorer la qualité des formations en donnant davantage de liberté aux établissements pour s’adapter aux choix des étudiants ; rendre le système plus équitable.
Concrètement, le nouveau système fixe un double plafond de droits d’inscription pour les étudiants à temps plein : £ 6 000 par an (8 100 € PPA) et £ 9 000 par an (12 100 € PPA). Les formations dans lesquelles les frais de scolarité dépasseront le premier plafond devront augmenter le montant des bourses offertes aux étudiants les plus modestes. Le niveau des bourses et des prêts gouvernementaux n’est, pour le moment, pas déterminé, mais le principe des PARC (i.e. différer le coût des études supérieures) sera conservé. Plusieurs évolutions du système ont d’ores et déjà été annoncées : les étudiants à temps partiel et à distance seront intégrés dans le système de PARC ; le seuil minimal de remboursement devrait passer de £ 15 000 par an (20 200 € PPA) à £ 20 000 par an (27 000 € PPA). D’autres modalités de remboursement seraient potentiellement modifiées (Thompson et Bekhradnia, 2010).

Une augmentation des inégalités sociales d’accès aux études supérieures ?

36 Les PARC ont un impact paradoxal sur le risque pris par les étudiants lorsqu’ils poursuivent leurs études. D’un côté, le dispositif limite ce risque. En effet, en prenant en charge les dettes non remboursées par les étudiants s’ils obtiennent de faibles revenus, les contribuables assurent le risque final pour la totalité de l’endettement, dépenses courantes et droits d’inscription inclus. De l’autre côté, les PARC créent un risque supplémentaire pour les étudiants : ceux-ci ne peuvent évaluer avec certitude le futur rendement privé de leurs études et donc leur capacité à pouvoir rembourser leur emprunt. Cette aversion au risque serait plus forte dans les classes populaires (Duru-Bellat et Mingat, 1979), si bien que les PARC pourraient engendrer des inégalités sociales d’accès au supérieur. Callender (2006) distingue ainsi pour l’Angleterre trois attitudes différentes face au prêt étudiant  [20]. La première est une relation facile et libre, le prêt étant perçu comme une expérience normale de la vie. Pour ces étudiants, emprunter n’est pas un problème, tant que les perspectives de remboursement sont bonnes. Le deuxième groupe d’étudiants a une attitude morale face à la dette : il n’y a pas de bonne raison d’emprunter et avoir des dettes est une mauvaise chose en soi. Enfin, le troisième groupe a peur d’emprunter : pour ces étudiants, une fois que l’on commence à emprunter, il est très difficile de sortir de l’endettement. Ce dernier groupe a la plus forte aversion pour l’emprunt et les étudiants issus de familles à bas revenus y sont surreprésentés. Callender et Jackson (2005) montrent que les bacheliers qui ont une aversion pour l’endettement accèdent moins aux études supérieures que ceux adoptant une attitude plus détendue par rapport aux prêts, y compris en contrôlant de nombreuses variables par ailleurs. En particulier, ce sont pour les jeunes d’origine populaire et pour ceux issus d’une formation secondaire professionnelle que cette aversion limite le plus fortement la poursuite d’études supérieures.

37 Deux éléments attestent que l’aversion à l’emprunt semble avoir été maîtrisée en Suède comme en Angleterre. D’un côté, Dearden, Fitzsimons et Wyness (2010) ont montré de manière expérimentale  [21] que la réforme majeure de 2006 en Angleterre – incluant une forte hausse des droits d’inscription, mais aussi des bourses et des prêts – n’aurait pas eu d’effet sur la participation générale à l’enseignement supérieur et sur les étudiants d’origine modeste  [22]. De l’autre côté, l’évolution de la massification et de l’accès des classes populaires à l’enseignement supérieur depuis la mise en place de la réforme du PARC semble plutôt positive. En Suède, depuis la mise en œuvre progressive d’un système d’emprunt étudiant dans les années 1960 et des PARC dans les années 1980, les inégalités des chances d’accès au supérieur sont plutôt plus faibles qu’ailleurs et semblent avoir diminué (Erikson et Jonsson, 1996). En Angleterre, après la réforme de 2005, le taux de participation à l’enseignement supérieur dès la sortie du secondaire est passé de 32 % à 36 % entre 2004 et 2009, les inégalités d’accès entre classes sociales diminuant fortement dans le même temps (HEFCE, 2010). Sans pouvoir le démontrer, on peut faire l’hypothèse que la généralisation de l’emprunt étudiant en Angleterre a joué en faveur d’une diminution de l’aversion à l’emprunt au sein de la population étudiante.

L’accès au supérieur des étudiants plus âgés

38 Outre que les inégalités des chances sociales d’accès aux études ne semblent pas aggravées par les PARC, ce dispositif de financement, aux limites d’âge élevées, permet une plus grande égalité des chances d’accès aux études supérieures selon l’âge. Les étudiants âgés de 25 ans ou plus représentent 18,4 % de la population étudiante en France (DEPP, 2010, p. 23, calculs de l’auteur), 44 % au Royaume-Uni  [23] (DCSF, 2009, calculs de l’auteur) et 53 % en Suède (SNAHE, 2008). Le Graphique I montre ainsi que, si le taux de participation aux études supérieures en France est le plus élevé des trois pays pour les jeunes de 20 ans, il baisse rapidement et devient inférieur à celui de la Suède à partir de 22 ans et à celui de l’Angleterre à partir de 26 ans.

GRAPHIQUE I

Taux de participation à l’enseignement supérieur selon l’âge

figure im2
45 %
40 %France
Suède
35 %
Angleterre
30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0%
18 20 22 24 26 28 30-34 35-39

Taux de participation à l’enseignement supérieur selon l’âge

Suède (tous âges), Angleterre (tous âges) et France (de 18 à 28 ans) : Eurostat, indicateur « educ_ipart_s », consulté sur :http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/education/data/database ; France (30-34 et 35-39 ans) : calculs de l’auteur à partir des données de la DEPP (2010, p. 23). Année : 2008.

39 En Angleterre, l’ouverture du financement public aux étudiants âgés limite aussi les inégalités sociales d’accès au supérieur, ces derniers étant plus souvent issus de milieux populaires (Foster, 2009). En Suède, où le système de PARC peut aussi être utilisé pour la formation secondaire, le dispositif joue un rôle important sur les inégalités sociales à l’école en amont de l’enseignement supérieur. Dans ces deux pays, la démocratisation par l’âge constitue aussi une démocratisation sociale.

Les étudiants sont-ils plus indépendants financièrement ?

40 Hormis la question de l’égalité des chances, l’indépendance financière des étudiants représente l’autre enjeu social des PARC. Ces derniers, parce qu’ils couvrent une grande partie des dépenses étudiantes non directement prises en charge par la sphère publique, favorisent l’indépendance financière des étudiants. Le Tableau II met en lumière que les étudiants français sont plutôt moins enclins à percevoir une aide publique, aussi bien sous la forme d’une bourse ou d’un prêt. Ils bénéficient ainsi moins souvent d’une bourse que les étudiants anglais et suédois. De même, l’emprunt étudiant concerne seulement 0,7 % des étudiants français, contre respectivement 66,5 % et 64 % des étudiants anglais et suédois. En France, la bourse sur critères sociaux constitue le dispositif essentiel du financement public, mais n’atteint pas des montants suffisants pour offrir une véritable indépendance financière. Le système public d’emprunt étudiant y est par ailleurs peu répandu, n’est plus organisé par une agence publique et ne propose plus de conditions avantageuses : pas de bonification, pas de contingentement au revenu, pas de report systématique du début du remboursement.

TABLEAU II

Part des étudiants recevant une aide publique selon le type de financement (en %)

Bourses Bourses Autres
universelles susroccriiatuèxres bourses Prêts
France
Angleterre
Suède
0 31,9 9,8 0,7
0 56,4 5,6 66,5
86,0 0 0 64,0
figure im3

Part des étudiants recevant une aide publique selon le type de financement (en %)

Eurostudent III.

41 Cette politique publique se traduit par des revenus moyens plus élevés en Angleterre et en Suède qu’en France. Pour les étudiants décohabitants, leur revenu moyen est environ 2,2 fois supérieur en Angleterre (1 373 € PPA) et 1,4 fois en Suède (839 € PPA) qu’en France (617 € PPA). Ces données semblent confirmées, mais dans une moindre mesure, par un rapport plus récent  [24] dans lequel les revenus des jeunes français ont en partie rattrapé ceux des étudiants suédois (Orr, Gwosc et Netz, 2011). Les PARC donneraient ainsi une plus grande indépendance financière aux étudiants vis-à-vis de leurs parents, leur permettant de mener une vie plus autonome. Les étudiants français décohabitent peu (57 %) par rapport aux étudiants anglais (81 %) et suédois (90 %), y compris, même si cela est moins marqué, chez les étudiants jeunes. Finalement, il semble que les étudiants français ajustent leur budget et leur degré d’autonomie à l’absence d’un système de financement des études supérieures offert à tous.

TABLEAU III

Indicateurs d’indépendance financière et d’autonomie des étudiants

Part des étudiants Part des étudiants
décohabitantsparmi décohabitantsparmi Revenumoyen Revenumoyen
lesétudiants lapopulation desétudiants desétudiantsnon
de 21 à 24 ans étudiante décohabitants décohabitants
France
Angleterre
Suède
61 % 57 % 617 € PPA 316 € PPA
74 % 81 % 1 373 € PPA 1 089 € PPA
87 % 90 % 839 € PPA 449 € PPA
figure im4

Indicateurs d’indépendance financière et d’autonomie des étudiants

Eurostudent III.

42 Au-delà du revenu moyen, le large accès au financement public paraît aussi diminuer les inégalités individuelles de revenus. Premièrement, une partie non négligeable des étudiants français a des revenus très faibles. D’après les données Eurostudent III, les revenus de 20 % des étudiants français ne dépassent pas respectivement 277 € PPA par mois pour les étudiants décohabitants et 79 € PPA par mois pour les étudiants logeant chez leurs parents. Si peu d’étudiants français vivent une « situation de pauvreté grave et durable » (Gruel, 2009), le niveau de revenus des étudiants français les plus pauvres semble, au-delà des limites méthodologiques mentionnées précédemment, bien moins élevé qu’en Angleterre et en Suède. Le deuxième décile de revenus – celui qui sépare les 20 % plus pauvres des 80 % plus riches – des étudiants décohabitants en France est ainsi respectivement 3,3 fois et 2,3 fois inférieur à l’Angleterre (915 € PPA) et à la Suède (641 € PPA). Deuxièmement, la dispersion des revenus étudiants est plus forte en France que dans les autres pays. Pour les étudiants décohabitants, le rapport interdécile, qui mesure les inégalités de distribution entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les riches, est de 6,8 en France, 2,7 en Angleterre et 2,8 en Suède. Le financement public des études supérieures étant ouvert à tous, la dispersion des revenus des étudiants est beaucoup plus faible en Suède et en Angleterre qu’en France.

TABLEAU IV

Indicateurs d’inégalités de revenus étudiants

2e décile de revenus 2e décile de revenus Rapport interdécile des
par mois des étudiants par mois des étudiants revenus des étudiants
non décohabitants décohabitants décohabitants
France
Angleterre
Suède
79 € PPA 277 € PPA 6,8
653 € PPA 915 € PPA 2,7
228 € PPA 641 € PPA 2,8
figure im5

Indicateurs d’inégalités de revenus étudiants

Eurostudent III.

Des revenus étudiants socialement moins inégalitaires ?

43 Si l’indépendance financière semble à la portée, à travers l’emprunt, de la grande majorité des étudiants anglais et suédois, les inégalités sociales de financement des études n’en sont pas pour autant plus élevées. La structure des revenus étudiants moyens, présentée dans le Tableau V, varie fortement selon les pays, en particulier concernant deux sources de revenus. Les solidarités familiales représentent une part plus importante des revenus étudiants en France (37 %) qu’en Angleterre (21 %) et en Suède (13 %). À l’inverse, les prêts ne participent qu’à 1 % des revenus étudiants en France contre 26 % en Angleterre et 34 % en Suède. Dans ces deux pays, l’utilisation généralisée des PARC semble ainsi se substituer, au moins en partie, au soutien familial.

TABLEAU V

Répartition moyenne des différentes sources de revenus pour les étudiants décohabitants (en %)

Famille/ Travail État État (bourses
Partenaire salarié (emprunt) et allocations) Autres
France
Angleterre
Suède
37 31 1 31 0
21 31 26 13 9
13 23 34 27 3
figure im6

Répartition moyenne des différentes sources de revenus pour les étudiants décohabitants (en %)

Note : En Angleterre, les autres revenus relèvent de la revente d’objets personnels (livres, équipement informatique, etc.), du partage de loyer, de la contribution d’organisations privées au budget de l’étudiant et des allocations sociales.
Eurostudent III.

44 Dans les trois pays, le niveau de revenus des étudiants varie peu selon l’origine sociale. En revanche, le Graphique II met en lumière la variation sensible de la structure des revenus étudiants selon l’origine sociale. En France, les solidarités familiales ne représentent pas seulement une ressource plus répandue parmi les étudiants ; leur distribution semble aussi socialement plus inégalement répartie que dans les deux autres pays. Ainsi, les étudiants dont les parents n’ont pas suivi le secondaire supérieur sont relativement peu aidés par leur famille (19 % des revenus) par rapport aux étudiants dont les parents ont suivi des études supérieures (48 % des revenus). L’aide publique compense en partie ces différences de ressources, mais la part du travail salarié demeure beaucoup plus forte chez les étudiants d’origine modeste (41 % des revenus) que chez ceux d’origine plus aisée (27 % des revenus). En Angleterre, les inégalités familiales semblent moins fortes, mais elles sont aussi faiblement compensées par l’aide publique, si bien que le travail salarié apparaît aussi inégalement réparti qu’en France, comme l’a déjà démontré Casta (2010). En Suède, en revanche, l’origine sociale influence relativement peu la structure des revenus étudiants.

GRAPHIQUE II

Part des différentes sources de revenus des étudiants décohabitants selon l’origine sociale

figure im7

Part des différentes sources de revenus des étudiants décohabitants selon l’origine sociale

Note : En Angleterre, les données ne permettent pas de distinguer l’origine familiale en dessous de l’accès des parents aux études supérieures.
Eurostudent III.

L’autonomie contre la redistribution ?

45 Dans la mesure où les PARC sont distribués à tous, et non en fonction des revenus des parents, ce dispositif n’a-t-il pas un effet antiredistributif ? Nous l’avons vu, les systèmes de financement public n’adoptent pas le même équilibre entre les deux types principaux d’affectation de l’aide publique, à savoir sur critères sociaux et de manière universelle. L’aide publique est majoritairement distribuée sur critères sociaux en France, sur une base universaliste en Suède, et sur un équilibre entre ces deux modes d’attribution en Angleterre. En procédant à une lecture en ligne du Tableau VI, le modèle français apparaît comme fortement redistributif : les étudiants dont les parents se sont arrêtés avant le lycée reçoivent 2,3 fois plus de soutien public que ceux dont au moins un des parents a accédé au supérieur. Ce rapport n’est guère supérieur à 1 en Angleterre  [25] et en Suède, indiquant une absence de redistribution des aides publiques directes aux étudiants. Dans le cas de la France, l’allocation logement constitue un facteur central favorisant le relatif universalisme du financement public, expliquant ainsi le niveau relativement élevé de l’aide octroyée aux étudiants d’origine aisée. Notons par ailleurs que les aides fiscales aux parents de ces étudiants ne sont pas comptabilisées ici et que d’autres études ont par ailleurs montré que ce type de fiscalité diminuait fortement le caractère redistributif du système français (CERC, 2003).

TABLEAU VI

Part des étudiants recevant une aide publique (bourse, allocation et prêt) et montant moyen par mois selon le diplôme le plus élevé des deux parents

Jusqu’au secondaire Secondaire supérieur
inférieur et post-secondaire Supérieur
France
Angleterre
Suède
65 % (362 € PPA) 59,0 % (265 € PPA) 43 % (154 € PPA)
86 % (533 € PPA) 86,0 % (533 € PPA) 86 % (464 € PPA)
86 % (665 € PPA) 88,5 % (646 € PPA) 88 % (641 € PPA)
figure im8

Part des étudiants recevant une aide publique (bourse, allocation et prêt) et montant moyen par mois selon le diplôme le plus élevé des deux parents

Note : L’enquête anglaise ne différencie pas les diplômes des parents au-dessous du supérieur.
Eurostudent III.

46 Une lecture en colonne du Tableau VI révèle un effet paradoxal du système français : s’il est fortement redistributif, l’État français semble pourtant soutenir les étudiants modestes moins intensément et moins fréquemment qu’en Angleterre et en Suède. D’une part, ces étudiants sont statistiquement plus souvent aidés en Suède (86 %) et en Angleterre (86 %) qu’en France (65 %), simplement parce que la quasi-totalité de ces derniers bénéficie d’une aide publique. D’autre part, le montant mensuel absolu de l’aide publique pour les étudiants modestes s’avère plus élevé en Suède (665 € PPA) et en Angleterre (533 € PPA) qu’en France (362 € PPA). L’affectation universelle de l’aide publique, caractéristique des PARC, impliquerait ainsi un système moins redistributif, mais un soutien direct plus fort des étudiants modestes.

47 Les PARC représentant une part essentielle de l’aide publique aux étudiants en Angleterre comme en Suède, ils jouent un rôle significatif dans les inégalités sociales résultant des systèmes de financement des études supérieures. Encore une fois, rappelons que le cadre comparatif d’Eurostudent n’offre pas, malgré l’apparente objectivité des statistiques, une comparaison dénuée de biais méthodologiques. Malgré ces limites importantes, la netteté des variations entre la France d’une part, et l’Angleterre et la Suède d’autre part, que l’on retrouve aussi dans le rapport final d’une enquête plus récente (Orr, Gwosc et Netz, 2011), suggère que, dans ces deux pays, les PARC sont plutôt vecteurs d’une diminution des inégalités sociales, participant à la fois à la limitation des inégalités des chances d’accès aux études supérieures et au développement de l’autonomie de tous les étudiants. Il semble pourtant difficile d’attribuer cette diminution des inégalités sociales aux seuls dispositifs de financement des études et à la « nature » même des PARC. C’est pourquoi il convient de s’interroger sur les contextes nationaux suédois et anglais autour du financement des études supérieures, autrement dit sur les conditions dans lesquelles ces dispositifs ont vu le jour et se sont généralisés.

À quelles conditions sociales et culturelles les PARC sont-ils équitables ?

48 Malgré leurs différences, les PARC anglais et suédois soutiennent l’égalisation des chances d’accès au supérieur et une plus grande indépendance financière de tous les étudiants. En filigrane de cette analyse, nous verrons que les PARC anglais et suédois procèdent pourtant de conditions sociales et culturelles favorables à la diminution des inégalités sociales : 1) la lisibilité du système d’enseignement supérieur ; 2) la forte valorisation de l’autonomie étudiante ; 3) un contexte favorable au développement de la formation tout au long de la vie.

La lisibilité du système de financement des études supérieures

49 Un système de financement clair et transparent, en particulier en termes de coût et d’utilité privée des études, participerait probablement à limiter l’aversion à l’emprunt. Chacun à leur manière, les contextes anglais et suédois sont favorables à cette condition. En Suède, le système d’enseignement supérieur est très unifié. Il y a bien deux statuts différents selon la taille de l’établissement – les universités et les collèges universitaires –, mais cela n’a pas d’impact sur les règles de fonctionnement : les droits d’inscription sont gratuits dans la quasi-totalité des formations ; le financement public est organisé par une agence nationale et est distribué à tous les étudiants. Le rendement privé des études est faible (Tableau VII) et l’utilité des études est, avant tout, considérée comme publique. De plus, les inégalités de revenus dans la société étant limitées (coefficient de Gini de 0,25)  [26] et le système d’enseignement supérieur étant peu hiérarchisé (Erikson et Jonsson, 1996), le rendement privé des études est aussi peu différencié (Tableau VIII). La Suède procède ainsi d’une culture égalitaire très forte (Nicaise, Esping-Andersen, Pont et al., 2005) que l’on retrouve largement dans le système d’enseignement supérieur, ce cadre normatif et institutionnel égalitaire garantissant la lisibilité du système de coût et de rendement des études.

TABLEAU VII

Taux de rendement privé des études supérieures [27] selon le sexe (en %)

Hommes Femmes
France
Royaume-Uni
Suède
8,4 7,4
14,3 14,5
5,1 4,2
figure im9

Taux de rendement privé des études supérieures [27] selon le sexe (en %)

Année : 2004.
OCDE (2008, p. 209).

50 En Angleterre, la quasi-totalité des établissements ont un seul et même statut – l’université – depuis la fusion en 1992 des anciennes universités et des écoles supérieures professionnelles  [28]. Le système de financement qui en découle est relativement simple : les droits d’inscription sont similaires dans la plupart des formations (environ 4 000 € par an) et le financement public est organisé au niveau national. Le rendement privé des études est en moyenne très élevé (Tableau VII). Les inégalités de revenus (coefficient de Gini de 0,36) et la hiérarchie des établissements étant relativement fortes, le rendement des études supérieures est aussi fortement différencié selon les individus (Tableau VIII). La conception anglaise de l’utilité des études, essentiellement privée, est le fondement des réformes du système de financement des études supérieures de 2005 et de 2012 (Thompson et Bekhradnia, 2010). Les bénéfices privés dépendant de la formation, l’État a pour objectif d’organiser une compétition équitable pour accéder à ces biens privés en mettant en évidence les rapports qualité-prix des formations et en diminuant les biais informationnels (Giddens, 1999). Pour cela, il organise une enquête annuelle sur la satisfaction des étudiants et rend publique une évaluation précise des diplômes pour chacune des formations et dans chaque université : la part des diplômés au chômage, en études ou en emploi ; la part des cadres mais aussi des groupes précis de professions. Si les systèmes d’enseignement supérieur suédois et anglais sont très différents, ils ont pourtant une caractéristique commune : la forte lisibilité du coût et du rendement des formations.

TABLEAU VIII

Répartition des diplômés du supérieur général âgés de 25 à 64ans par niveau de revenus (en %)

?½du ½durevenu revenumédian 1½foisle ?2fois
revenu médian?… ? ?… ?1½fois revenumédian lerevenu
médian revenu médian le revenu médian l?ere…ven?u m2éfdoiiasn médian
France
Royaume-Uni Suède
7,0 18,9 26,8 20,6 26,6
11,8 13,6 19,6 24,1 30,9
10,5 22,5 36,1 14,9 16,0
figure im10

Répartition des diplômés du supérieur général âgés de 25 à 64ans par niveau de revenus (en %)

Année : 2005 en Suède ; 2006 en France et au Royaume-Uni.
OCDE (2008, pp. 190-192).

L’autonomie de la jeunesse mise en valeur

51 Donner à l’autonomie étudiante une valeur en soi est une condition nécessaire pour qu’un système de PARC couvre les droits d’inscription et l’ensemble des dépenses courantes, et permette ainsi une véritable indépendance financière. En Angleterre et en Suède, cette condition se vérifie d’abord au niveau du financement des études supérieures. Le rôle des parents est de pallier aux difficultés passagères de leur enfant et non de financer les études par principe et de manière systématique. Les deux pays ont mis en place une politique de droits d’inscription où les parents ne sont pas appelés à jouer un rôle central : soit les frais de scolarité sont nuls (Suède), soit ils sont pris en charge de manière différée par l’individu (Angleterre). La distinction entre les trois financeurs principaux des études supérieures – individu en Angleterre, État en Suède et famille en France – renvoie finalement à la classification des États-providence d’Esping-Andersen ([1990] 1999) en systèmes sociaux libéral, social-démocrate et conservateur. Schwarz et Rehburg (2004) approfondissent cette analogie et caractérisent l’étudiant français comme un jeune apprenant pris en charge par sa famille ou, en cas de besoin, par l’État. En Angleterre, l’étudiant est, quant à lui, renvoyé à son rôle d’investisseur puisque responsable de son propre avenir. En Suède, l’État considère davantage les étudiants comme des citoyens pour lesquels il doit garantir l’indépendance financière. De cette typologie se dégage ainsi une caractéristique commune aux systèmes anglais et suédois : les parents ne sont pas considérés comme les financeurs principaux des études supérieures.

52 Le rôle limité des parents dans le financement des études repose essentiellement sur une valorisation de l’autonomie de la jeunesse. Pour les jeunes Suédois, dont l’expérience est très proche de celle des jeunes Danois étudiés par Van de Velde (2008), l’expérience de la jeunesse est fondée, dans une logique de développement personnel, sur une éthique de l’autonomie des individus. En un mot, les jeunes doivent rechercher leur voie, ce qui requiert une certaine autonomie d’action. En Angleterre, les jeunes sont davantage dans une logique d’émancipation individuelle et ont un devoir d’indépendance vis-à-vis de leur famille. Devenir autonome en partant tôt de chez soi et en s’assumant financièrement est ainsi perçu comme un choix très positif. Si l’expérience de la jeunesse est différente en Angleterre et en Suède, un point commun est essentiel : l’autonomie n’est pas seulement désirée par les étudiants ; elle est aussi fortement valorisée par les familles et favorisée par les politiques publiques.

La valorisation de la formation tout au long de la vie

53 Sans valorisation de l’autonomie des individus, les PARC ne viseraient probablement pas le développement de la formation tout au long de la vie, qui est pourtant source de démocratisation de l’accès aux études supérieures. Rappelons que respectivement 44 % et 53 % des étudiants anglais et suédois ont 25 ans ou plus (18,4 % en France). Le développement de la formation tout au long de la vie est fondé sur « la construction de parcours adaptés à la diversité des progressions individuelles » en Suède et sur « un marché organisé » dans lequel les individus gèrent de manière libre et responsable leur « portefeuille diversifié de compétences » en Angleterre (Verdier, 2008). Si la formation permanente repose sur des représentations différentes en Angleterre et en Suède, elle demeure très valorisée dans les deux pays.

54 La valorisation de la formation tout au long de la vie s’inscrit dans une conception plus générale de la liberté de l’individu. En Suède, le développement de la formation permanente est sous-tendu par la valorisation de l’autonomie sociale des individus, l’éducation étant considérée comme l’un des moyens d’acquérir cette autonomie. La formation permanente participe aussi de la quête du trygghet, i.e. le sentiment de sécurité sociale qui permet la réalisation personnelle de chacun dans une société du risque (Nicaise, Esping-Andersen, Pont et al., 2005). En Angleterre, le modèle de formation tout au long de la vie s’appuie sur l’idée que les individus doivent, à tous les stades de la vie, avoir l’opportunité de s’intégrer et de progresser dans la société. Cette liberté, permise par une aide sociale dite « positive », est néanmoins sujette à une responsabilité de l’individu vis-à-vis de son propre parcours. Elle est soutenue par la croyance dans l’intérêt pour la société de favoriser le développement du capital humain, dont l’utilité principale serait individuelle (Giddens, 1999). Le modèle de formation tout au long de la vie, fondé sur une valorisation de la liberté individuelle, que ce soit sous la forme d’une autonomie sociale en Suède ou d’une opportunité de s’intégrer dans la société en Angleterre, est ainsi favorable à l’équité des PARC.

55 Finalement, le développement des PARC anglais et suédois en tant que dispositif équitable repose sur des contextes nationaux spécifiques qui incluent notamment la lisibilité du système de financement des études supérieures, la valorisation sociale de l’autonomie des étudiants et le développement de la formation tout au long de la vie. Aucun système de PARC n’a été mis en œuvre en France, mais divers experts ont déjà simulé le développement de cette politique publique. Nous allons donc voir dans quelle mesure le contexte français pourrait être favorable à ces trois conditions de l’importation des PARC comme dispositif équitable.

Vers une mise en œuvre des PARC en France ?

56 À partir de l’analyse de l’expérience australienne, plusieurs économistes proposent d’implémenter un système de PARC « à la française ». À la lumière des recherches sociologiques sur la France, nous discuterons, dans un premier temps, du contexte sociétal français, notamment relativement aux trois dimensions examinées précédemment. Dans un second temps, nous verrons que les simulations existantes de la mise en œuvre des PARC en France, traduisant une expérience particulière, celle de l’Australie, dans un système d’enseignement supérieur singulier, celui de la France, impliquent une approche de ce dispositif en partie opposée aux dimensions les plus équitables des PARC anglais et suédois.

Des coûts et des rendements des études très divers et peu lisibles

57 Le système de financement est lisible à la fois en Angleterre, où la transparence est érigée en valeur absolue, et en Suède, où sa forte homogénéité dispense d’une évaluation détaillée du rendement privé des études. À l’inverse, le coût et le rendement des études en France ne sont ni homogènes et égalitaires, ni véritablement transparents. Au-delà de la simple dichotomie entre universités et grandes écoles, le système français se caractérise par une forte diversité des établissements et des droits d’inscription (voir Annexe II). Le niveau des inégalités de revenus dans la société (coefficient de Gini de 0,33) ainsi que le niveau et la dispersion globale du rendement privé des études (voir Tableaux VII et VIII) sont plutôt moins élevés en France qu’en Angleterre. En revanche, la hiérarchie complexe des établissements et des formations en France induit une diversité très forte de l’utilité privée selon le type de formation. Les rendements privés et les conditions générales d’insertion varient fortement selon que l’on étudie dans un STS/IUT, une grande école, une formation universitaire de niveau licence ou bien encore de niveau master (Calmand, Epiphane et Hallier, 2009 ; Courtioux, 2010b).

58 Une fois constatée la diversité des coûts et des rendements des différents diplômes, la France ne poursuit pas l’idéal anglais de la transparence absolue de l’utilité privée des études visant à informer les étudiants. Pour les grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, divers classements détaillent précisément le coût de la formation et l’insertion attendue, mais ils restent organisés par la presse économique et non les pouvoirs publics. Ces classements, fondés notamment sur les salaires à la sortie d’école, semblent attester d’un rendement très différencié au sein de ces types de formation. À l’université, il n’existe pas de véritable évaluation publique du rendement des diplômes  [29] et l’effet propre des universités sur ce rendement semble très faible (Giret et Goudard, 2010). L’évaluation de l’utilité privée des études supérieures n’est ainsi ni réalisée de manière systématique, ni mise à disposition des étudiants, alors que les rendements apparaissent pourtant fortement différenciés entre les grands types de formation et au sein même de certains types d’établissements. Le système français d’enseignement supérieur, dans lequel les coûts et les rendements des études sont à la fois divers et peu lisibles, compliquerait une implémentation des PARC comme dispositif équitable et autonomisant.

Une autonomie de la jeunesse peu valorisée

59 En Angleterre et en Suède, le rôle limité des parents dans le financement des études supérieures repose sur une forte valorisation de l’autonomie de la jeunesse. À l’inverse de ces deux pays, les parents jouent un rôle plus central en France. Non seulement, nous l’avons vu, le niveau de l’aide publique directe aux étudiants y est faible, mais la conception même de cette politique publique renvoie les parents au rôle de financeur principal. Les aides bénéficient, dans leur grande majorité, aux « étudiants jeunes » (droits d’inscription universitaires faibles  [30], prêts garantis, exonérations fiscales) ou aux « étudiants jeunes et dans le besoin » (bourses et logements Crous)  [31]. Les pouvoirs publics soutiennent ainsi partiellement les jeunes étudiants dont la famille ne pourrait pas subvenir au financement des études supérieures. Une partie de l’aide publique est même directement versée, sous la forme d’exonérations fiscales, aux parents des étudiants, légitimant d’autant plus leur rôle d’intermédiation dans le financement des études supérieures. L’action sociale en faveur des étudiants procède aujourd’hui davantage d’une assistance sociale de la jeunesse que d’un soutien à l’indépendance financière des étudiants.

60 Ce rôle essentiel des parents dans le financement des études en France repose sur une faible valorisation de l’autonomie de la jeunesse. Les jeunes français vivent dans une dépendance clivée, issue d’une tension entre deux normes contradictoires : l’injonction à l’indépendance individuelle et celle à la prise en charge financière de la jeunesse par les parents (Van de Velde, 2008). Si les parents accompagnent leur enfant le plus haut possible dans les études, ils sont, relativement à l’Angleterre et à la Suède, moins enclins à lui laisser une véritable autonomie. Celle-ci n’est pas non plus soutenue par les politiques de la jeunesse, qui, à l’instar du système d’aide publique aux étudiants présenté plus haut, reposent globalement sur des « modes d’intervention hybrides voire contradictoires » et une « institutionnalisation de seuils d’âge discontinus au sein des trajectoires » (Van de Velde, 2007, p. 328). La faible valorisation de l’autonomie de la jeunesse et le rôle crucial des parents dans le financement des études semblent ainsi en contradiction avec la dimension autonomisante des PARC anglais et suédois.

Le poids de la formation initiale

61 Dans les sociétés anglaise et suédoise, la formation tout au long de la vie est, nous l’avons vu, fortement valorisée. À l’inverse, le système d’enseignement supérieur français relève principalement d’un « régime académique », où la formation universitaire se joue avant 25 ans et où l’entreprise adapte ensuite les compétences des individus à ses besoins à travers la formation professionnelle. Le système de formation tout au long de la vie est ainsi très éloigné d’un « soutien privilégié aux parcours individuels dans une logique universaliste : pas de droit différé à la formation […] ; pas d’organisation d’une seconde chance » (Verdier, 2008, p. 218). Analysant les élites françaises, Bauer et Bertin-Mourot (1995) parlent même d’une tyrannie du diplôme initial. Mais la France semble plus généralement tenir une position singulière en termes d’emprise scolaire (Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). Relativement à d’autres pays de l’OCDE, les diplômes y jouent un rôle déterminant sur le marché de l’emploi, les inégalités scolaires y sont prononcées et la reproduction sociale y est relativement forte. Cette emprise des diplômes se prolonge d’ailleurs au-delà de l’insertion initiale, les inégalités des chances d’accès aux différentes catégories socioprofessionnelles tendant à se conserver dans le temps (Chauvel, 1998).

62 La représentation française d’une forte emprise des diplômes sur les positions sociales pourrait expliquer le poids donné au diplôme initial et sa contrepartie, la faiblesse de la formation tout au long de la vie. Il paraît illusoire de savoir précisément dans quelle mesure le système scolaire français, avec ses clivages multiples, transforme « des classements sociaux en classements scolaires et établit des hiérarchies qui ne sont pas vécues comme purement techniques, donc partielles et unilatérales, mais comme des hiérarchies totales, fondées en nature, portant ainsi à identifier la valeur sociale et la valeur “personnelle”, les dignités scolaires et la dignité humaine » (Bourdieu, 1979, p. 451). Pour autant, l’anticipation rationnelle d’une absence de seconde chance pourrait pousser les étudiants à tout miser sur le diplôme initial, quitte à être dans « l’urgence et l’angoisse du retard » (Van de Velde, 2008), limitant d’autant plus le recours à la formation tout au long de la vie, dont le développement est pourtant l’une des conditions de l’équité des PARC.

Des simulations de PARC « à la française » peu favorables aux conditions de l’équité des PARC

63 L’analyse empirique de deux simulations de mise en œuvre de PARC « à la française » concrétise les questionnements précédents, plus théoriques, sur l’importation d’un système de PARC comme dispositif équitable. Mais porter notre regard sur la manière dont les groupes d’experts et les économistes envisagent l’importation des PARC requiert d’abord de présenter l’expérience australienne des PARC. D’après Courtioux, le cas australien, le plus souvent cité en exemple par les experts et les économistes en France et dans la littérature internationale, constitue une sorte de paradigme des PARC, et ce pour plusieurs raisons : « (1) il n’existait pas de droits d’inscription avant la mise en place des PARC, (2) on dispose pour ce pays de suffisamment de champ pour observer le sens des réformes de ce dispositif, (3) le cas de l’introduction des PARC en Australie est généralement considéré comme un succès » (2009, p. 13). Le dispositif australien diffère en partie des politiques publiques menées en Angleterre et en Suède. En particulier, le montant de l’emprunt ne tient compte que des seuls droits d’inscription (et non des coûts de la vie) et ceux-ci varient selon les types de discipline, avec l’objectif de faire correspondre le degré de rentabilité des études et le niveau des droits d’inscription. Le taux de remboursement oscille entre 0 % et 8 % des revenus selon leur niveau et aucune situation particulière n’entraîne une prescription des dettes. Il n’y a pas d’âge limite ou d’autre condition d’éligibilité en dehors de la résidence dans le pays.

64 À la suite de plusieurs travaux préliminaires (notamment Gregoir, 2008 et Courtioux, 2009), Courtioux et Gregoir (2010) ont simulé, pour la France, la mise en œuvre d’un système de PARC fortement inspiré de l’expérience australienne. Les auteurs envisagent que les étudiants participent au coût réel de leur formation pour la collectivité, les droits d’inscription variant d’une formation à l’autre  [32], et ce à hauteur de 30 % (scénario 1) ou de 100 % de ce coût (scénario 2). Dans leur simulation, le remboursement tient compte d’un taux d’intérêt réel nul, i.e. au niveau de l’inflation, débute lorsque les revenus atteignent le premier quartile (12 720 €/an en 2005) et se veut progressif en fonction des revenus : de 5 % des revenus entre 12 720 à 15 982 €/an jusqu’à 30 % des revenus au-delà de 28 284 €/an. Si cette réforme semble envisageable pour l’ensemble des formations, les auteurs proposent d’expérimenter cette politique publique d’abord sur les écoles d’ingénieurs les plus prestigieuses.

65 Le Centre d’analyse stratégique (Schaff, Ben-Jelloul et Liégey, 2009) évalue, quant à lui, la possibilité pour chaque étudiant d’emprunter 500 € par mois pendant soixante mois maximum. Les sept scénarios de remboursement élaborés varient selon le seuil de remboursement (1,3 ou 1,5 fois le SMIC), le moratoire de la dette (vingt-cinq ou trente ans après la fin des études), les taux d’intérêt pendant et après les études (à taux zéro, de l’inflation ou bancaire privé) et le taux de remboursement au-delà du seuil (20 % ou 30 %). Les auteurs précisent, dans leur conclusion, que les ressources ainsi dégagées pour les étudiants pourraient être utilisées pour augmenter les droits d’inscription.

66 Sans entrer dans les considérations techniques des dispositifs envisagés, ces deux simulations d’un système de PARC « à la française » renvoient, de manière très concrète, aux conditions de l’équité des PARC évoquées précédemment. Premièrement, ces deux études n’envisagent pas l’ouverture de ce dispositif à l’ensemble des individus, quel que soit leur âge. Deuxièmement, l’enjeu du coût de la vie n’est pas pensé en tant que tel. Dans la simulation du Centre d’analyse stratégique, le doute subsiste sur les dépenses visées par le dispositif – les droits d’inscription ou le coût de la vie ? – si l’on considère qu’un montant de 500 € par mois ne couvrirait guère qu’une partie de ces deux dépenses pour la majorité des étudiants. Pour Courtioux et Gregoir (2010), le système de PARC simulé a pour objet unique de transférer une partie des coûts de formation assumés par la collectivité vers les étudiants, si bien que les dépenses courantes ne sont pas mentionnées dans leur dispositif. Troisièmement, le croisement de ces deux études met en lumière les contradictions inhérentes à la mise en œuvre des PARC au sein du système de financement français. Si le dispositif universel prôné par le Centre d’analyse stratégique garantirait effectivement l’égalité de traitement des étudiants, il ignorerait, par là même, toute différence entre les étudiants, se rendant ainsi aveugle aux droits d’inscription onéreux auxquels certains étudiants font face. À l’inverse, le projet présenté par Courtioux et Gregoir (2010), alors même qu’il vise, dans un souci d’équité, les formations bénéficiant des plus larges subventions de la collectivité, accentuerait la complexité du système de financement français en ajoutant un nouveau système d’emprunt spécifique à certaines formations.

67 Bien que l’on puisse estimer que cela dépasse le propos de ces deux études – on ne peut pas leur faire le reproche de ne pas envisager le système de financement dans son ensemble –, leur traitement des trois conditions favorables à l’équité des PARC illustre le fait que l’importation d’une politique publique dans un contexte national spécifique s’accompagne d’une retraduction des enjeux et d’une transformation du dispositif. Si les deux simulations présentées conservent le principe général des PARC, i.e. différer une partie du coût des études, elles n’en révèlent pas moins que l’adaptation des PARC au contexte français se ferait au prix d’une incertitude sur les conséquences de cette politique publique en termes d’inégalités sociales.

68 L’équité financière de l’accès aux études supérieures ne tient pas seulement aux droits d’inscription ; elle dépend de l’ensemble du système de financement des études supérieures. Si l’on considère la totalité des dépenses étudiantes, l’équité du système français de financement des études supérieures semble faible, même par rapport à d’autres pays a priori plus inégalitaires. Divers chercheurs et groupes d’experts proposent de mettre en place des PARC, un système qui serait à la fois plus efficace et plus équitable. En Angleterre comme en Suède, ce dispositif limite les inégalités de revenus entre étudiants, leur donne une plus grande indépendance financière et ouvre les portes de l’enseignement supérieur aux plus âgés.

69 Cependant, ces avantages s’avèrent contingents à des contextes institutionnels et à des univers normatifs que l’on retrouve en Angleterre comme en Suède. D’abord, un PARC n’est équitable qu’à la condition que le système de financement des études supérieures soit relativement transparent et lisible. Or, en France, le système actuel de financement des études supérieures, y compris le coût et le rendement des études, est bien plus complexe que dans les deux autres pays. C’est pourquoi l’aversion à l’endettement risquerait d’avoir un impact plus fort sur les inégalités des chances. Plus important encore, la faible valorisation de l’autonomie de la jeunesse s’oppose au caractère « capacitant » des PARC anglais et suédois, et le poids donné à la formation initiale en France entre en contradiction avec l’ouverture des études supérieures aux étudiants plus âgés, condition de l’équité des PARC.

70 Peut-être davantage que pour d’autres réformes, le risque majeur de la mise en œuvre d’un système de PARC en France serait de ne le faire qu’en partie, c’est-à-dire d’importer ce dispositif tout en conservant les structures et les fonctionnements actuels du système d’enseignement supérieur, sans repenser les univers normatifs français autour de la jeunesse étudiante et des études supérieures. À l’instar de la simulation de Courtioux et Gregoir (2010), une telle démarche se traduirait probablement par un arrangement institutionnel autour d’un système de PARC à la fois inégal selon la formation étudiée, financièrement faible et accessible aux seuls étudiants jeunes et en formation initiale. L’impact positif des PARC en termes d’équité et d’autonomie étudiante serait ainsi nul, alors que l’aversion au risque du prêt, inhérente à l’introduction de la logique de l’emprunt dans le financement des études, serait probablement plus forte qu’en Angleterre ou en Suède.

71 En même temps que le système de PARC apparaît pour divers groupes d’experts comme une solution aux difficultés de financement des étudiants français, ces groupes proposent aussi d’augmenter le niveau peu élevé des droits d’inscription en France. Rappelons qu’un PARC ne requiert pas nécessairement, à l’instar du dispositif suédois, une augmentation des droits d’inscription. En Angleterre, l’État et l’individu partagent le coût des études, puisqu’il va de soi que les études supérieures apportent des bénéfices économiques privés importants. En Suède, l’État finance le coût des études et incite, à travers la bourse universelle, les individus à étudier, puisqu’il y paraît évident que les études supérieures apportent essentiellement des bénéfices publics, qu’ils soient économiques ou sociaux. Les PARC participeraient ainsi, avec l’augmentation des frais de scolarité dans le cas de l’Angleterre, à l’institutionnalisation d’un régime « marchand »  [33] d’enseignement supérieur, alors qu’ils s’inscriraient en Suède, compte tenu de la gratuité des études, dans un régime « universaliste » visant à socialiser le coût global des études supérieures, y compris celui de la vie étudiante (Vinokur, 2007). Finalement, c’est probablement cette alternative – augmenter ou non les droits d’inscription – qui apparaît comme la plus structurante dans la mise en œuvre potentielle d’un système de PARC en France.

72 Nous avons suggéré dans cet article que plusieurs dimensions sociales et culturelles pourraient avoir un impact sur la mise en œuvre d’un système de PARC en France. La nouvelle réforme du financement des études supérieures en Angleterre (voir Encadré I) illustre parfaitement l’influence des idées sur les politiques publiques. Cette réforme repose en effet sur l’idée que l’enseignement supérieur devrait fonctionner comme un marché au sens économique du terme. Elle pousse finalement la représentation anglaise d’une utilité privée des études à son paroxysme. Pour autant, dans le système d’enseignement supérieur français, les politiques publiques influencent peut-être davantage les idées que l’inverse (Musselin, 2000). Si le contexte institutionnel et normatif français paraît peu propice à une mise en œuvre des PARC en tant que dispositif équitable, celle-ci pourrait agir comme un véritable outil de changement sociétal. L’enjeu serait alors que cette politique publique aide à repenser la forme d’expérience d’une jeunesse toujours peu autonome relativement aux pays du nord de l’Europe (Galland, 2001) et le rôle écrasant de l’éducation, en particulier initiale, sur les destins individuels (Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010).


ANNEXES

ANNEXE I

Comparaison des droits d’inscription et des principales sources de financement public des études supérieures en France, en Angleterre et en Suède

Suède Angleterre France
Frais de Régulation Niveau fixé par Plafond fixé par l’État au niveau licence ;
scolarité l’État dérégulé au niveau master
Montant Gratuit £ 3 145 par an (4 200 € PPA) maximum en
par an licence, appliqué pour laplupart des formations ;
environ 12 000 € PPA en master
Bourse Type Universel Sur critères sociaux
Montant 25 700 SEK par an Jusqu’à £ 2 835 (3 800 € PPA) (État) et £150
par an (2 350 € PPA) (2 000 € PPA) supplémentaires (université)
Nombre 6 années 3 années de licence + 1 année supplémentaire
d’années
Éligibilité Moins de 54 ans Pas de condition d’âge
individuelle Critère social : revenus de ses parents avant
25 ans/revenus du foyer après 25 ans. Bourse
complète en dessous de £ 25 000 de revenus
par an (33 700 € PPA) ; diminution progressive
jusqu’à £ 60 000 de revenus par an
(67 500 € PPA)
Éligilité Validation de la Une année de réorientation possible
des études moitié des examens Étudiant en licence et quelques formations
du semestre en master (enseignement notamment)
précédent Étudiant à temps plein et en présentiel (un
Étudiant au moins système de bourses distinct leur est réservé)
à mi-temps
Variable selon le type d'établissement
Variable selon le type d’établissement
(voir Tableau I)
Sur critères sociaux*
0 Jusqu’à 4 019 € par an (3 740 € PPA)
7 années
Moins de 28 ans (hors dérogations)
Critère social : revenus de ses parents et
système de « points de charge » notamment
obtenus à partir de l’éloignement par rapport
au lieu d’études, des enfants à la charge de
ses parents
La 3e année de bourse est accordée si le
bac + 1 est validé ; la 4e et la 5e si le bac + 2
est validé ; la 6e et la 7e si le bac + 3 est validé
Formations éligibles (exclusion d’une partie
des diplômes non visés dans les formations
privées)
figure im11
France Prêt privé partiellement (70 % du capital
restant du prêt consenti, hors intérêts)
garanti par l’État
Jusqu’à 15 000 € en totalité
(13 950 € PPA)
Emprunt en une seule fois
Taux du marché (3,8 à 4,5 % en 2009)
Échéances fixées à l’avance (prêt classique)
Variable selon les banques : début du
remboursement immédiat, sauf négociation
d’un report dans le temps
Variable selon les banques :
10 ans maximum
Aucune
Suède Angleterre Prêt public Type Système hybride de prêt à Prêt à remboursement contingent
remboursement contingent
et à taux fixe
Montant Jusqu’à 49 200 SEK par an Jusqu’à £ 3 145 par an (4 200 €
empruntable (4 500 € PPA) ; davantage PPA) pour les droits d’inscription
si besoin particulier Jusqu’à £ 6 475 par an (8 700 €
PPA) pour le coût de la vie
Nombre 6 années 3 années de licence + 1 année
d’années supplémentaire
Taux d’intérêt 70 % du taux de refinancement Minimum du taux d’inflation et du
de l’État taux de refinancement des banques
privées plus un point.
Type de Échéances fixées à l’avance et en 9 % des revenus supérieurs au
remboursement augmentation progressive dans le plancher de £ 15 000 de revenus
temps par an (20 200 € PPA)
À la demande d’un emprunteur en
difficulté financière, remboursement
réduit à 4 % maximum des revenus
Début du Début du remboursement 6 mois Début du remboursement un an
remboursement après la fin des études après la fin des études
Durée du Échéances fixées sur 25 ans, mais Durée de remboursement contingente
remboursement adaptables auxrevenus
Prescription Lorsque l’emprunteur atteint l’âge 25 ans après la fin des études
de la dette de 68 ans supérieures, ou lorsque l’emprunteur
atteint l’âge de 65 ans
figure im12
France Pas de condition de ressources ou de
caution parentale
Autres conditions : variable selon les
banques
Variable selon les banques : normalement
pas de discrimination selon
les études
Suède Angleterre Éligibilité Pas de condition de ressources Pas de condition de ressources
individuelle ou de caution parentale ou de caution parentale
Être âgé de moins de 45 ans Être âgé de moins de 60 ans pour le
coût de la vie ; pas de condition
d’âge pour les droits d’inscription
75 % de la somme si d’origine
aisée ; emprunt diminué du montant
de la bourse si boursier
Type de logement et lieu d’études
Éligilité des Validation de la moitié des examens Étudiant en licence
études du semestre précédent Étudiant à temps plein
Étudiant au moins à mi-temps et en présentiel
figure im13

Comparaison des droits d’inscription et des principales sources de financement public des études supérieures en France, en Angleterre et en Suède

* Les modalités précises d’attribution des bourses sur critères sociaux peuvent être consultées sur : http://www.education.gouv.fr/cid51570/esrs1008067c.html.
ANNEXE II

Les droits d’inscription dans les différents types d’établissements en France

Type d’établissements Classes préparatoires Instituts universitaires de technologie (IUT) Sections de technicien supérieur (STS) Statut Frais de scolarité par an
Public Gratuit
Privé sous contrat De 1 000 à 2 000 €
Privé hors contrat Jusqu’à 8 500 €
Public Environ 200 €
Public Environ 200 €
Privé sous contrat Environ 1 000 €
Privé hors contrat Environ 5 000 €
Universités
Écoles de commerce
Écoles d’ingénieurs
Écoles préparant à la haute fonction publique de l’État (Polytechnique, autres écoles militaires, Écoles normales supérieures, etc.)
Autres cas particuliers :
écoles paramédicales, de
journalisme, d’architecture, etc.
Public De 150 à 600 €
Statut spécifique (privé, De 1 000 à 6 000 €
catholique, grand
établissement, etc.)
Études de médecine De 150 à 600 € ;
rémunération progressive à
partir de la 6e année
Consulaire (lié à la chambre De 7 000 à 12 000 €
locale de commerce et (en général sur trois ans)
d’industrie)
Privé De 4 000 à 8 000 €
(en général sur cinq ans)
Public (établissement public à De 200 à 1 200 € ;
caractère scientifique, culturel quelques écoles rémunèrent
et professionnel, établissement tout ou partie de leurs étudiants
public à caractère administratif,
interne à une université, etc.)
Consulaire (lié à la chambre De 3 000 à 6 000 €
locale de commerce et
d’industrie)
Privé De 4 000 à 8 000 €
Public (établissement public à Dans une partie d’entre elles,
caractère scientifique, culturel les étudiants sont rémunérés
et professionnel, établissement en tant que fonctionnaires ;
public à caractère administratif, dans les autres, les frais
interne à une université, etc.) d’inscription s’élèvent à
quelques centaines d’euros
Divers Divers
figure im14

Les droits d’inscription dans les différents types d’établissements en France

Note : Seules les grandes masses d’étudiants sont représentées. À titre d’exemple, quelques écoles de commerce ont un statut public (par exemple Telecom EM, sous la houlette du ministère de l’Industrie). Par ailleurs, la catégorie « Écoles préparant à la haute fonction publique » croise la catégorie « Écoles d’ingénieurs » (par exemple avec Polytechnique).
Sites Internet du ministère de l’Éducation nationale, de l’ONISEP et de la Conférence des grandes écoles.

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  • — 2008. – Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, Paris, Presses Universitaires de France.
  • Van Parijs P., 2004. – « Est-il juste que l’Université soit gratuite ? », Éthique et économique, 2, 1, pp. 1-8.
  • Verdier É., 2008. – « L’éducation et la formation tout au long de la vie : une orientation européenne, des régimes d’action publique et des modèles nationaux en évolution », Sociologie et sociétés, 40, 1, pp. 195-225.
  • Vinokur A., 2007. – « Study now, pay later. Endettement étudiant et restructuration de l’enseignement supérieur » dans A. Vinokur (coord.), Pouvoirs et financement en éducation. Qui paye décide ? Paris, L’Harmattan, pp. 219-245.

Date de mise en ligne : 06/06/2012.

https://doi.org/10.3917/rfs.532.0293

Notes

  • [*]
    J’exprime ma profonde reconnaissance à F. Dubet pour son soutien et ses précieux conseils. Je tiens aussi à remercier vivement M. Armagnague, J. Castro-Reyes, R. Delès, G. Goastellec, F. Lung et G. Mesmin, dont les suggestions judicieuses et les encouragements ont largement contribué à mener ce projet à son terme. J’adresse enfin mes remerciements aux membres du comité de lecture de la Revue française de sociologie qui, par leurs commentaires constructifs, m’ont permis d’enrichir significativement ce texte.
  • [1]
    Usher et Cervenan comparent seize systèmes d’enseignement supérieur, dont celui de la France. Ils analysent deux dimensions principales : l’accessibility des études, un indice synthétique d’équité, et l’affordability des études, qui renvoie à leur caractère financièrement abordable. Les données sont agrégées et émanent des ministères en charge de l’enseignement supérieur ou d’autres enquêtes nationales ou internationales.
  • [2]
    La distribution peut aussi être fondée sur le mérite, mais cela est peu commun en Europe.
  • [3]
    Pour harmoniser la comparaison, Usher et Cervenan (2005) rapportent les montants absolus de coût des études et d’aide publique à la Parité de pouvoir d’achat (PPA), qui permet de comparer la capacité à acheter dans différentes monnaies, mais aussi au Produit intérieur brut par habitant, qui représente la richesse moyenne des individus dans chaque pays.
  • [4]
    Pour une discussion plus approfondie, on se reportera utilement à Eicher et Chevaillier (2002) et Johnstone et Marcucci (2010) sur les arguments économiques en faveur et en défaveur du financement privé des études supérieures ; Trannoy (2006), Johnstone (2009) et Courtioux (2010a) sur l’intérêt et les limites des PARC en termes d’efficacité ; Garcia (2008) pour une critique du paradigme de l’utilité économique des études.
  • [5]
    Le rendement des études supérieures repose sur « la relation entre le niveau de formation et les revenus du travail […]. On peut en estimer le taux économique de rendement, c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure les coûts de l’élévation de son niveau de formation donnent lieu à une augmentation de ses futurs revenus du travail » (OCDE, 2009, p. 162).
  • [6]
    Les bénéfices publics, qu’ils soient économiques ou sociaux, semblent néanmoins difficiles à démontrer. En effet, l’analyse des indicateurs aux niveaux individuel et agrégé pose la question du paradoxe écologique (voir, par exemple, Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). S’il existe une corrélation au niveau agrégé entre la massification du supérieur et la croissance économique, il est difficile de savoir si cela résulte du fait qu’une forte massification implique que les plus éduqués créent individuellement davantage de richesses – produisant par agrégation un effet au niveau du pays –, ou bien, au niveau agrégé, de ce qu’une forte massification est en elle-même un facteur positif de croissance économique.
  • [7]
    Voir, par exemple, Gary-Bobo : « Par analyse normative, il faut comprendre que nous chercherons à établir ce qui devrait être fait, dans un certain ordre de circonstances, compte tenu de certains principes éthiques que nous nous donnons au départ. » (2006, p. 201).
  • [8]
    L’aversion au risque renvoie au comportement économique d’un acteur qui préfère un bénéfice relativement sûr à un bénéfice plus important mais aussi plus aléatoire, sachant qu’il possède un niveau d’information plus ou moins précis sur les bénéfices possibles et les risques encourus. Dans une perspective davantage sociologique, l’aversion au risque dans l’enseignement supérieur procède d’une crainte de poursuivre des études au vu des difficultés sociales et économiques potentiellement consécutives au coût des études, à leur rendement, et aux modalités de financement (dont l’emprunt fait partie).
  • [9]
    Comme le montrent Landais, Piketty et Saez (2011), questionner l’équité fiscale est probablement plus pertinent au niveau global que du point de vue d’une politique publique en particulier. Cette limitation du concept d’équité est évidemment discutable. Nous évacuons en effet deux questions importantes. En termes d’équité intragénérationnelle, pourquoi les étudiants auraient-ils une aide particulière par rapport aux non-étudiants ? Une dotation en capital pour tous les jeunes serait probablement fiscalement plus juste (Allègre, Marceau et Arnov, 2010). En termes d’équité intergénérationnelle, « les actifs de demain, non contents de payer la dette publique laissée par leurs parents et de financer leur retraite, devraient encore rembourser les frais nécessités par la poursuite d’études supérieures, que leurs parents leur auraient simplement avancés ! » (Gary-Bobo et Trannoy, 2005, p. 231). Cela contribuerait à ajouter de nouvelles injustices intergénérationnelles à celles déjà existantes (Chauvel, 1998).
  • [10]
    Nous nous focaliserons sur la question de l’accès (vs la réussite et l’insertion) au supérieur (vs aux différentes formations du supérieur). L’impact des PARC sur les inégalités de réussite et d’insertion serait une hypothèse possible que nous ne sommes cependant pas en mesure de tester avec les données à notre disposition. Quant à l’impact des PARC sur les inégalités plus qualitatives dans l’enseignement supérieur, outre le manque de données, l’hypothèse paraît moins plausible, en tout cas en Suède et en Angleterre, pays dans lesquels leur usage est généralisé.
  • [11]
    La Parité de pouvoir d’achat est utilisée pour comparer des données économiques dans des devises différentes, mais en tenant aussi compte du pouvoir d’achat effectif de la devise. Voir http://www.oecd.org/std/ppa pour plus d’informations. Nous utilisons les données de 2005, date de l’enquête Eurostudent III. Les montants dans les monnaies nationales sont ainsi rapportés en « € PPA » en les divisant respectivement par 1,075 en France, 10,919 en Suède et 0,741 en Angleterre.
  • [12]
    Nous mobiliserons aussi des données provenant de l’OCDE, d’Eurostat et d’enquêtes statistiques nationales (DEPP, 2010 pour la France ; DCSF, 2009 pour l’Angleterre ; SNAHE, 2008 pour la Suède).
  • [13]
    Accessibles sur http://www.eurostudent.eu/results/profiles.
  • [14]
    Il n’existe pas de fichier de données agrégées de tous les pays, et l’enquête suédoise a même été supprimée et n’est donc plus accessible. La pertinence de la comparaison des enquêtes a été validée en s’appuyant sur les informations qualitatives des « national profiles » (trois pays), les rapports finaux de l’enquête nationale (Angleterre), l’analyse des données brutes de l’enquête nationale (France) et des contacts avec les responsables de ces enquêtes (France, Suède).
  • [15]
    Nous présentons dans cette partie le système actuellement en place en Angleterre. Les résultats de l’enquête anglaise portent, quant à eux, sur le système en place de 1998 à 2005. Sa logique générale est identique à celle du système actuel, mais les montants en jeu diffèrent (Callender, 2006) : avant 2005, les étudiants payaient environ 1 500 € de droits d’inscription (4200€ aujourd’hui) ; la bourse sur critères sociaux s’élevait à 1 500 € (3 800 € aujourd’hui) ; les étudiants complétaient, comme actuellement, leur budget avec l’emprunt public pour le coût de la vie et les droits d’inscription. Par ailleurs, les conditions de remboursement des PARC étaient financièrement un peu moins intéressantes. Comme l’attestent les données préliminaires d’Eurostudent IV (Orr, Gwosc et Netz, 2011), l’évolution du système n’a pas beaucoup fait varier les statistiques présentées ici, par exemple concernant la proportion de bénéficiaires des aides publiques parmi les étudiants et la part du financement public – et plus spécifiquement des bourses et des prêts – dans le budget étudiant.
  • [16]
    Ce montant (£ 3 300 par an) constitue un montant « plafond » – fixé par l’État – que les universités peuvent exiger des étudiants britanniques et issus de l’Union européenne (les étudiants hors UE paient des frais d’inscription beaucoup plus élevés) pour une formation de licence à temps plein. Bien que ce montant soit théoriquement un maximum, c’est le prix fixé, en pratique, par les universités pour la quasi-totalité des formations supérieures. Les étudiants à temps partiel – très nombreux en Angleterre – paient des droits d’inscription en général proportionnels au temps d’études. Pour les formations de niveau master, les universités fixent librement les frais de scolarité.
  • [17]
    Si les revenus de l’emprunteur n’atteignent pas 20 200 € PPA par an, il ne rembourse pas l’emprunt. Avec des revenus de 21 000 € PPA par an, l’individu rembourse 9 % des 800 € PPA de revenus au-delà du plancher de 20 200 € PPA, soit 72 € PPA par an.
  • [18]
    Le montant empruntable résulte de facteurs multiples. Il dépend du type de logement et du lieu d’études – pas de décohabitation, ou logement indépendant à Londres, ou en dehors. Par ailleurs, les étudiants d’origine aisée ne peuvent emprunter que 75% du montant maximum du prêt. Enfin, le montant de l’emprunt est diminué de l’aide non remboursable reçue par les étudiants boursiers.
  • [19]
    L’État prête aux étudiants à un taux 30 % moins élevé que le taux auquel il emprunte lui-même sur les marchés internationaux.
  • [20]
    En Suède, l’absence d’enquête sur la question de l’aversion à l’emprunt étudiant pourrait être liée au montant plus faible du prêt par rapport à l’Angleterre et à la généralisation du prêt étudiant, qui est désormais une expérience commune à la génération des jeunes étudiants mais aussi à leurs parents.
  • [21]
    En Suède, cette approche expérimentale est inopérante, le système ayant évolué de manière progressive depuis les années 1960, sans grande rupture récente.
  • [22]
    Les difficultés méthodologiques d’une telle expérimentation demeurent importantes. Pour être efficace, une analyse expérimentale nécessite un contrôle des paramètres autres que le système de financement. Or, Dearden, Fitzsimons et Wyness (2010) ne sont pas parvenus à prendre en compte dans leur modèle l’évolution qui aurait été celle de la population étudiante s’il n’y avait pas eu de réforme.
  • [23]
    L’Angleterre représente environ 80 % de la population, du PIB, des effectifs étudiants, etc. du Royaume-Uni. Compte tenu du manque de certaines statistiques pour l’Angleterre, nous utiliserons quelques données chiffrées relatives au Royaume-Uni dans son ensemble (voir aussi Tableaux VII et VIII).
  • [24]
    Ce rapport, tiré du quatrième volet des enquêtes Eurostudent IV, met à disposition des données plus récentes, mais pose deux problèmes. D’une part, dans le cas de la France, l’enquête tient compte d’un champ différent de population étudiante, à savoir élargi aux écoles d’ingénieurs, artistiques et de commerce. D’autre part, en Suède et en Angleterre (mais pas en France), Eurostudent IV inclut, uniquement pour les étudiants décohabitants, une évaluation monétaire des contributions matérielles de leurs parents, augmentant d’autant le niveau de revenus.
  • [25]
    Ce rapport est probablement sous-estimé car l’enquête anglaise ne différencie pas les diplômes des parents au-dessous du supérieur.
  • [26]
    Le coefficient de Gini mesure l’inégalité de la distribution des revenus dans une société donnée. Plus il s’approche de 1, plus la distribution est inégale. Les données sont issues du Programme des Nations unies pour le développement.
  • [27]
    Le taux de rendement privé des études supérieures rend compte de l’intérêt économique moyen pour un individu de poursuivre des études supérieures. Il est calculé en mettant en relation les coûts des études et les bénéfices en matière de rémunération. Plus précisément, « le rendement économique de l’éducation est estimé sous la forme d’un taux de rendement interne, soit un taux d’escompte dans lequel la valeur actuelle des revenus du travail futurs est nulle ou, en d’autres termes, un taux d’intérêt dans lequel la valeur nette des coûts de l’investissement dans l’éducation est égale aux bénéfices. […] Le taux de rendement interne privé est estimé sur la base de l’augmentation des revenus du travail après impôts sous l’effet de l’élévation du niveau de formation, déduction faite des coûts privés que ces études ont occasionnés (dépenses personnelles et manque à gagner). En règle générale, les coûts privés indirects (frais de logement, de subsistance, d’habillement, de loisirs, etc.) sont exclus des coûts privés » (OCDE, 2008, pp. 207-208).
  • [28]
    Seules l’université de Buckingham et quelques formations professionnelles courtes, marginales en nombre d’étudiants, ont un statut différent.
  • [29]
    En octobre 2010, le ministère de l’Enseignement supérieur a publié une première évaluation nationale des taux d’insertion professionnelle des universités. La méthodologie a été fortement critiquée, notamment parce que les données n’ont pas été présentées « toutes choses égales par ailleurs ».
  • [30]
    Les droits d’inscription universitaires pour les étudiants en formation continue représentent une grande partie du coût réel des études. La plupart du temps, ce coût est pris en charge par un organisme spécialisé type Fongecif, par Pôle emploi, par la région, etc.
  • [31]
    Comme pour les prêts, les bourses et les logements Crous sont réservés aux étudiants âgés de moins de 28 ans (hors dérogations).
  • [32]
    Notons que cet exercice se révèle complexe puisque les données sur le coût des formations ne sont pas publiques et qu’à la connaissance de ces auteurs, et à la nôtre, aucune recherche n’a été menée depuis 2004 sur cette question.
  • [33]
    Nous reprenons ici à notre compte deux des régimes (« marchand » et « universaliste ») identifiés par Verdier (2008) quant aux systèmes d’éducation et de formation tout au long de la vie.
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