Couverture de RFS_521

Article de revue

Concurrence et spécialisation des établissements scolaires

Une modélisation de la transformation du recrutement social des secteurs d'enseignement public et privé

Pages 133 à 169

Notes

  • [1]
    L’écart de performance entre deux élèves dont le milieu socioéconomique est similaire et qui fréquentent un établissement dont le profil socioéconomique est moyen pour le premier et privilégié pour le second représente l’équivalent de plus d’une année d’études (PISA, 2010a, p. 11).
  • [2]
    Le calcul de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée n’a pas été pondéré par les effectifs des établissements. L’absence de pondération revient à accorder plus d’importance aux petits collèges – tous les collèges comptant autant – alors qu’une variance pondérée par les effectifs accorde plus d’importance aux établissements les plus importants. L’existence ou non de pondération de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée par les effectifs des établissements ne modifie pas les évolutions constatées. Ainsi, de 2000 à 2006, la variance intersecteurs public/privé non pondérée par les effectifs des établissements passe de 21 à 30 (Tableau III), et la variance intersecteurs public/privé pondérée par les effectifs passe de 20,2 en 2000 à 31,1 en 2006. Dans ce cas, l’hypothèse d’égalité des variances est rejetée au seuil de 5 %.
  • [3]
    Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale.
  • [4]
    Ces données constituent une évaluation non définitive des effets de l’assouplissement de la carte scolaire. L’assouplissement n’a été réellement mis en œuvre qu’à partir de la rentrée scolaire 2008. Or, chaque année, il ne concerne essentiellement que l’entrée des élèves en classe de 6e. Une évaluation limitée aux années 2006-2009 ne prend donc principalement en compte que les effets de l’assouplissement de la carte scolaire sur les rentrées scolaires 2008 et 2009, alors que les effets de l’assouplissement vont s’exercer sur les quatre rentrées scolaires qui assureront le renouvellement quasi complet des collégiens d’un établissement. Si les effets obtenus sur deux ans étaient extrapolés à quatre, la différenciation du recrutement social des établissements avant et après 2006 serait encore plus sensible.
  • [5]
    De 2006 à 2009, le quasi-doublement de la variance intersecteurs public/privé aboutit à rejeter l’hypothèse d’égalité des variances au seuil de 1 %.
  • [6]
    En 1998, il n’existait que 71 sections européennes en lycée dans l’académie bretonne. En 2002, soit dix ans après leur création par la circulaire 92-6234 du 19 août 1992, elles étaient 223 et plaçaient l’académie de Rennes au deuxième rang en France (Debène, 2002).
  • [7]
    Le Point, « Violences scolaires », 2006, nº 1572, pp. 46-59. Cette statistique est issue des données recueillies par le logiciel Signa de comptabilisation des « violences scolaires », dont Le Point a obtenu communication auprès du ministère de l’Éducation nationale. Ce classement ne concerne pas les établissements privés, non tenus réglementairement de comptabiliser les problèmes de violences.
  • [8]
    La construction statistique mise en œuvre dans la recherche sur les collèges parisiens – la ségrégation sociale est mesurée à partir de l’indice de dissimilarité – est toutefois moins adaptée que l’analyse de la variance pour étudier les évolutions relatives des recrutements sociaux de chaque secteur d’enseignement.
  • [9]
    La dotation inégale en section bilangues de ces deux collèges résulte d’un désaccord entre le Conseil général et la mairie de Rennes, d’une part, qui souhaitaient le maintien du collège Zola, et, d’autre part, le rectorat, favorable à sa fermeture au profit du collège public voisin Anne de Bretagne. Le projet rectoral poursuivait un objectif d’optimisation des ressources. Dans une période de décroissance des effectifs scolarisés, la réduction des personnels enseignants est plus facile dans un grand collège que dans deux petits, où les effets de seuil limitent les possibilités de réduction. Le projet rectoral de fermeture du collège Zola favorisait aussi, indirectement, les collèges privés du centre-ville, confrontés, tout comme les collèges publics, à une baisse de leurs effectifs.
  • [10]
    Les modifications des conditions de transport, tout particulièrement la création du métro rennais, reliant de façon rapide les ZUS au centre-ville, ont favorisé l’accessibilité des collèges du centre-ville, augmenté leur attractivité et favorisé le déclin de certains collèges périphériques. Il en a été ainsi du collège Montbarrot, situé près d’une station de métro. Plus globalement, les modifications des transports scolaires constituent une façon efficace de réguler les effectifs et le recrutement social des collèges. La suppression d’une desserte revient à limiter le volume des inscriptions originaires de certains quartiers ; la création d’une desserte produit un effet inverse.
  • [11]
    L’agglomération rennaise compte 265 000 habitants en 1999 et 388 000 au 1er janvier 2007.
  • [12]
    Dans le collège privé de la commune de Saint-Grégoire, la proportion d’élèves d’origine défavorisée est de 8,7 % à la rentrée de 2006-2007. Sur le département d’Ille-et-Vilaine, seuls deux collèges ont une proportion plus basse d’élèves d’origines populaires (8,2 et 8,5 %).
  • [13]
    Sur l’académie, entre 2000-2006, les directions diocésaines ont adopté une politique active en matière d’établissements scolaires en procédant aux fermetures de 13 collèges, au recrutement social majoritairement populaire. Ces fermetures ont contribué à une amélioration de la « ressource », c’est-à-dire de la « qualité » des élèves, selon l’expression de Delvaux et van Zanten (2006).
  • [14]
    L’inclusion d’un collège dans un Réseau ambition réussite, qui relève de l’éducation prioritaire, a potentiellement pour effet de susciter des stratégies d’évitement des parents et, pour cette raison, de réduire l’effectif de l’établissement au profit des établissements publics et privés proches (Merle, 2011).
  • [15]
    La spécialisation du secteur privé dans la scolarisation des élèves d’origine aisée est déjà forte dans les grandes agglomérations. À titre d’exemple, les collèges parisiens publics scolarisent 37 % d’élèves d’origine aisée et cette proportion est de 66 % dans les collèges privés. Ces derniers ne scolarisent que 5 % d’élèves d’origines populaires alors que le secteur public en scolarise 24 % (Merle, 2010).
  • [16]
    Un tel processus a été observé dès les premières expériences d’assouplissement de la carte scolaire (Ballion et Théry, 1985 ; Ballion et Œuvrard, 1987). Une conclusion identique est présente dans le rapport Hébrard (2002). Le rapport indique que les expériences d’assouplissement de la sectorisation profitent aux catégories moyennes et aisées et la sectorisation est présentée comme un moyen de lutter contre la ségrégation sociale.

1L’établissement scolaire est un objet central de la sociologie de l’éducation. Sur les dernières années, les recherches ont porté tout particulièrement sur les disparités interétablissements à la fois ethniques, scolaires et sociales (van Zanten, 2001 ; Felouzis, 2003 ; Felouzis, Liot et Perroton, 2005 ; Oberti, 2007) ; les pratiques de dérogation à l’établissement d’affectation (Gilotte et Girard, 2005 ; François et Poupeau, 2008) ; les différences de bien-être (Meuret et Marivain, 1997) ; la disparité des niveaux de violence et de sanctions (Debarbieux, 2006 ; Grimault-Leprince et Merle, 2008) ; la différenciation des pratiques pédagogiques selon le recrutement social (Combaz, 1999) ; le développement des « marchés scolaires » (Duru-Bellat, 2001 ; Meuret, Broccolichi et Duru-Bellat, 2001 ; Maroy, 2006 ; Felouzis et Perroton, 2007a, 2007b ; Mons, 2007) ; les « effets établissements », notamment le school mixet school academic effect, c’est-à-dire l’effet de la mixité sociale et scolaire. La littérature a mis en évidence l’existence d’un effet de composition : la ségrégation sociale exerce un effet négatif, d’ampleur variable selon les recherches, sur les aspirations et la progression des élèves d’origine socialemodeste et de faible niveau scolaire (Duru-Bellat, Le Bastard-Landrier, Piquée et al., 2004 ; Duru-Bellat et Mingat, 1997 ; Grisay, 1997, 2006 ; Duru-Bellat et Suchaut, 2005 ; Piketty et Valdenaire, 2006 ; Crahay et Monseur, 2008 ; Broccolichi, Ben-Ayed, Mathey-Pierre et al., 2007 ; Demeuse et Baye, 2008 ; Dumay, Dupriez et Maroy, 2010 ; PISA, 2010a).

2Pour apprécier l’importance de ces recherches relatives aux disparités ethniques, scolaires et sociales interétablissements, il faut ajouter des éléments de bilan permettant de situer l’école française parmi les autres pays de l’OCDE. D’une part, en France, l’impact du milieu socioéconomique sur la performance des élèves est plus grand que dans la moyenne des pays de l’OCDE : les caractéristiques du milieu familial des élèves de 15 ans expliquent 28 % de la variation de leurs performances (22 % au niveau des pays de l’OCDE). D’autre part, la France fait partie, avec notamment Israël, la Belgique, l’Argentine, la Bulgarie, le Luxembourg, le Qatar et Dubaï, des pays dans lesquels la différence entre les scores des élèves des quartiles inférieurs et supérieurs est plus importante que l’écart moyen observé dans les pays de l’OCDE dans la compréhension de l’écrit. Enfin, de 2000 à 2009, la proportion des élèves faibles en compréhension de l’écrit (niveau 2 sur l’échelle des performances) est passée de 15 à 20 %. Il en est de même pour la performance en mathématiques : la proportion des élèves faibles est passée de 16,5 à 22,5 % (PISA, 2010b). Le bilan de la décennie écoulée est mitigé et incite à étudier les variables explicatives généralement liées à la perte d’équité et d’efficacité. Parmi celles-ci (niveau de préscolarisation, taux de redoublement, autorégulation des apprentissages, etc.), l’enquête PISA indique l’effet important du profil socioéconomique de l’établissement fréquenté par un élève sur le niveau de ses performances individuelles  [1].

3Si l’effet du recrutement social des établissements scolaires dans la reproduction des inégalités est désormais mieux connu, la transformation de ce recrutement social demeure peu étudiée. Comment, en France, ce facteur d’inégalité sociale de réussite scolaire a-t-il évolué ? Les établissements scolaires se caractérisent-ils par davantage de mixité sociale ou davantage de ségrégation sociale ? Cette question se pose d’autant plus que la recherche de la mixité sociale est devenue un objectif affiché de politique éducative. Dans le cadre de l’assouplissement de la carte scolaire mis en œuvre à la rentrée 2007, une note ministérielle du 4 juin 2007 a fixé deux critères supplémentaires à la nouvelle procédure de dérogation : « donner une nouvelle liberté aux familles » ; « favoriser l’égalité des chances et améliorer sensiblement la diversité sociale dans les collèges et lycées ». L’effet de cette politique d’assouplissement sur la mixité sociale des établissements a déjà fait l’objet d’une évaluation négative (Merle, 2010). Mais la temporalité courte retenue (2005-2008) et les spécificités du cadre urbain et scolaire de cette recherche, limitée à la ville de Paris, restreignent les possibilités de généralisation.

4La présente analyse a pour objet d’étudier sur une durée plus longue la transformation du recrutement social des établissements scolaires et d’en approfondir les caractéristiques, tout particulièrement les phénomènes de concurrence et de spécialisation sociale des établissements publics et privés. Avec l’assouplissement de la carte scolaire, les parents sont en effet confrontés à trois possibilités : scolariser leurs enfants dans l’établissement public de leur quartier, demander une dérogation à l’établissement de la carte scolaire, préférer un établissement privé. La facilitation et la valorisation d’une logique du choix parental modifient potentiellement les profils sociaux des établissements. Plusieurs recherches ont en effet montré que la liberté de choix favorisait la ségrégation ethnique et sociale alors que le libre choix régulé permettait de limiter les phénomènes ségrégatifs (Meuret, Broccolichi et Duru-Bellat, 2001 ; Hirtt, 2007 ; Crahay et Monseur, 2008 ; Demeuse et Baye, 2008).

5Reste à savoir, en raison des modalités de la politique d’assouplissement de la carte scolaire mise en œuvre en 2007 et affichant le souci d’accroître la mixité sociale des établissements, quels ont été les effets de cette politique. Pour les évaluer, il faut établir de façon robuste les évolutions antérieures pour saisir les éventuelles ruptures liées à cette politique. Une augmentation de la ségrégation sociale depuis 2007 pourrait être considérée comme un échec alors qu’il peut s’agir d’un succès de la politique d’assouplissement de la carte scolaire si la ségrégation sociale a augmenté plus rapidement dans les années précédant la réforme. L’étude diachronique de la ségrégation sociale dans les établissements scolaires permet de répondre à une question principale – quelles sont les contributions spécifiques des secteurs d’enseignement privé et public à l’évolution de la ségrégation sociale ? – et à une question qui lui est indissociable depuis 2007 : la politique d’assouplissement de la carte scolaire a-t-elle diminué ou favorisé d’éventuelles dynamiques ségrégatives ?

L’enquête

6Pour l’étude des modifications du recrutement social des collèges publics et privés, l’académie de Rennes présente l’intérêt d’une scolarisation dans l’enseignement privé la plus élevée de France (41,9 %), supérieure aux académies de Nantes (40,7 % des collégiens), Paris (34,2 %), Lyon (27,7 %). La moyenne nationale est de 21 % (Maetz, 2004). L’enseignement privé breton scolarise une proportion d’élèves d’origines moyennes et populaires plus faible que le secteur public. Il est à ce titre comparable à l’enseignement privé des académies telles que Paris (Merle, 2010), Nantes (Merle, 2009) ou les communes bourgeoises de la banlieue parisienne (Oberti, 2007) et, plus globalement, voisin du standard européen où les écoles dites « libres » scolarisent les élèves d’une origine sociale plus favorisée (Delvaux, 2006).

7Les données sollicitées proviennent de la base IPES (Indicateurs de pilotage des établissements secondaires) du ministère de l’Éducation nationale. Cependant, les données nationales ne sont accessibles, de façon homogène, que depuis la rentrée scolaire 2005, ce qui limite sensiblement l’analyse diachronique. La situation est différente dans certaines académies. Ainsi, sur le site du rectorat de l’académie de Rennes, les IPES des établissements bretons étaient disponibles depuis l’année 2000. Afin de disposer de la période d’étude la plus longue (2000-2006), la base IPES du rectorat de Rennes a été préférée. Pour actualiser l’analyse, la base IPES nationale, dont la création a entraîné la suppression des bases rectorales, a été sollicitée de 2006 à 2009 bien que les données de ces deux bases ne soient pas totalement comparables (voir Encadré I). Le choix de périodes les plus longues possibles est le plus adéquat pour saisir les dynamiques de concurrence et spécialisation des établissements publics et privés et la rupture éventuelle provoquée par la politique d’assouplissement de la carte scolaire.

8L’enquête a exclu de son champ d’étude les lycées, dont les offres pédagogiques sont trop diverses pour mener une approche comparative, et s’est centrée sur les collèges de toutes les communes de l’académie de Rennes comportant au minimum quatre collèges (2 publics et 2 privés). Ce seuil est un minimum qui permet l’existence d’une double concurrence des établissements, d’une part entre collèges publics et collèges privés, d’autre part une concurrence interne à chaque secteur. En appliquant ce critère de sélection, neuf villes ont été retenues : Rennes (21 collèges, dont 13 publics), Brest (20 collèges en 2000 et 17 collèges en 2006, dont 10 publics), Quimper (8 collèges, dont 4 publics), Lorient (7 collèges, dont 4 publics), Saint-Malo (7 collèges, dont 4 publics), Saint-Brieuc (7 collèges, dont 3 publics), Vannes (6 collèges, dont 3 publics), Fougères (4 collèges, dont 2 publics) et Dinan (4 collèges, dont 2 publics), soit un total de 84 établissements en 2000, dont 45 sont publics et 39 privés. Ces établissements représentent 21,8 % des collèges de l’académie de Rennes et scolarisent 25,3 % des collégiens.

9En 2000 et en 2006, pour chacun des établissements étudiés, ont été comptabilisées, d’une part, la population totale des collégiens, y compris dans les filières spécifiques telles que les SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté accueillant des élèves présentant des difficultés scolaires graves et durables) et, d’autre part, la proportion d’élèves d’origine défavorisée (voir Encadré I). Ces deux indicateurs sont complémentaires. Plus la part des élèves d’origines populaires est importante, plus elle constitue un handicap pour l’établissement en termes de niveau moyen de compétences scolaires (Gilotte et Girard, 2005), d’image sociale et de taux brut de réussite aux examens. La population totale d’un établissement et son évolution constituent, quant à elles, une mesure comparable à une « part de marché » et appréhendent son niveau d’attractivité et de ressources. Le financement d’un établissement est en effet fonction d’une dotation par élève et varie directement selon l’effectif total scolarisé.

10L’analyse des transformations du recrutement social des secteurs public et privé s’inscrit dans le cadre réglementaire de la carte scolaire. Il est pour cetteraison nécessaire, au préalable, de le présenter. Ensuite, les données sollicitées sont analysées selon le principe du zoom : au niveau le plus global (l’académie et les 84 collèges de l’échantillon) et au niveau des neuf communes retenues.

ENCADRÉ I. – Encart méthodologique

La nomenclature des catégories sociales des IPES du ministère
de l’Éducation nationale
Les IPES (Indicateurs de pilotage des établissements secondaires) du ministère de l’Éducation nationale présentent le recrutement social des établissements scolaires en utilisant quatre catégories sociales : « favorisée A », « favorisée B », « moyenne » et « défavorisée » (voir ci-dessous). Cette nomenclature est contraire aux découpages ternaires les plus usuels de la population active en catégories supérieures, moyennes et populaires. Dans les statistiques des IPES, deux des catégories sociales utilisées (« moyenne » et « défavorisée ») sont de surcroît problématiques, car elles mélangent de façon discutable trois des catégories sociales de la nomenclature de l’INSEE : catégorie sociale 2 (artisans, commerçants et chefs d’entreprise), 5 (employés) et 6 (ouvriers).
Dans la recherche, la définition des catégories populaires a été limitée à la catégorie « défavorisée » du ministère de l’Éducation nationale. Cette définition est restrictive car elle ne comprend pas, notamment, les employés de commerce et les personnels de service direct aux particuliers, rattachés à la « catégorie moyenne » dans les IPES alors que les recherches sur la structure sociale, par exemple celles de Chenu ( [1994] 2005), ont montré que ces employés partagent les conditions de vie des catégories défavorisées. Toutefois, cette définition restrictive des catégories populaires dans la nomenclature IPES a des effets limités sur la pertinence de notre analyse, car ces employés sont à plus de 80 % des femmes, mariées le plus souvent à des ouvriers et, à l’exception des familles monoparentales, n’ont pas le statut de chef de famille dans la nomenclature du ministère de l’Éducation nationale. Si nous avions retenu une définition large des catégories populaires, en y incluant la catégorie « moyenne » des IPES, les agriculteurs exploitants ainsi que les commerçants et artisans auraient été assimilés aux catégories populaires alors qu’ils sont ordinairement rattachés aux couches moyennes. Un tel agrégat aurait été plus hétérogène et plus contestable qu’une définition restrictive des catégories populaires.
Catégories sociales utilisées par le ministère de l’Éducation nationale
Catégorie favorisée A : professions libérales, cadres de la fonction publique, professeurs et assimilés, professions de l’information, des arts et du spectacle, cadres administratifs et commerciaux d’entreprise, ingénieurs, cadres techniques d’entreprise, instituteurs et assimilés, chefs d’entreprise de dix salariés ou plus.
Catégorie favorisée B : professions intermédiaires de la santé et du travail social, clergé, professions intermédiaires administratives de la fonction publique, professions intermédiaires administratives du commerce ou des entreprises, techniciens, contremaîtres, agents de maîtrise, retraités cadres et professions intermédiaires.
Catégorie moyenne : agriculteurs exploitants, artisans, commerçants et assimilés, employés civils, agents de service de la fonction publique, policiers et militaires, employés administratifs d’entreprise, employés de commerce, personnels de service direct aux particuliers, retraités agriculteurs exploitants, retraités artisans, commerçants ou chefs d’entreprise.
Catégorie défavorisée : ouvriers qualifiés, ouvriers non qualifiés, ouvriers agricoles, retraités employés ou ouvriers, chômeurs n’ayant jamais travaillé, personnes sans activité professionnelle.

Les transformations des secteurs d’enseignement public et privé

La carte scolaire : principes et réformes

11Depuis la mise en place progressive de la carte scolaire en 1958 et 1963, celle-ci répond à une double exigence : gérer les flux de populations scolaires en assurant à chaque établissement un nombre d’élèves correspondant à ses capacités d’accueil ; allouer des ressources d’enseignement, financières et humaines, en fonction des secteurs géographiques. Malgré la révision des secteurs géographiques de recrutement des établissements en fonction des évolutions démographiques, la carte scolaire est depuis les années 1980 un objet de polémiques. Ses défenseurs considèrent que la sectorisation, en évitant la fuite des bons élèves des établissements populaires, limite la création de « ghettos scolaires ». A contrario, ses détracteurs lui reprochent d’être, outre une entrave à la liberté des parents de choisir l’établissement convenant à leurs enfants, un frein à la mixité sociale : les enfants des catégories populaires seraient condamnés à l’établissement de leur quartier. Cette idée est présente dans le rapport Attali : « La carte scolaire, qui oblige les enfants à s’inscrire dans l’école de leur quartier, sépare les élèves des quartiers difficiles de ceux des centres-ville. Elle est contournée par ceux qui ont les moyens de bénéficier de passe-droits ou de financer des études dans un établissement privé. Il faut donc permettre, dans un premier temps, un libre choix total de l’établissement par les parents et les élèves, qui pourront tenir compte de l’évaluation publique des établissements. En cas de demande excédentaire pour un établissement, des priorités transparentes, géographiques et sociales, seront établies. » (2008, p. 34). Ces « priorités transparentes » ne sont pas nettement explicitées. La priorité« géographique » renvoie-t-elle à une priorité qui serait attribuée aux élèves scolarisés dans les collèges périphériques ou aux élèves hors secteur mais domiciliés proches de l’établissement recherché, solution peu favorable à la mixité sociale mais finalement adoptée (Merle, 2011) ?

12À partir de 1983, le débat sur la carte scolaire a débouché sur les premières expériences de désectorisation reposant notamment sur l’acceptation de demandes parentales de dérogation à l’établissement d’affectation. Poursuivies en 1987, ces expériences ont été remises en cause, notamment à partir de 1993, avec des politiques de re-sectorisation. En 2007, l’orientation officielle est l’assouplissement de la carte scolaire, suivi de sa suppression, fixée à la rentrée scolaire 2010. Cette suppression a été de fait abandonnée. Toutefois, la politique d’assouplissement mise en œuvre à la rentrée scolaire 2007-2008, marquée par un accroissement des demandes de dérogation acceptées, a été poursuivie et accentuée aux rentrées 2008-2009 et 2009-2010 : les inspecteurs d’académie devaient accepter toutes les demandes de dérogation dès lors que des places étaient disponibles dans les établissements souhaités par les parents après l’inscription des élèves résidant dans le secteur de l’établissement.

13L’acceptation, par principe, de toutes les demandes de dérogation pose le problème d’un excès de demandes d’inscription par rapport aux possibilités d’accueil dans les établissements publics les plus recherchés. Dans cette situation, les critères de sélection des élèves sont multiples et hiérarchisés, privilégiant « les élèves souffrant d’un handicap » et « les boursiers » (Note aux recteurs, avril 2008). Au-delà des principes, un rapport de l’inspection générale indique que les demandes de dérogation sont étudiées par des chefs d’établissement sous l’autorité de l’inspecteur académique. Les critères de sélection des demandes sont variables selon les commissions de dérogation (Visier et Zoïa, 2009) mais tendraient, paradoxalement, à profiter davantage aux enfants des catégories aisées, plus demandeuses que les autres catégories sociales (Obin et Peyroux, 2007).

14À l’absence de réelle clarté sur les nouvelles modalités pratiques d’affectation des élèves s’est ajoutée l’opacité des conséquences de la réforme annoncée. Malgré les affirmations ministérielles d’une nécessaire évaluation des expériences d’assouplissement, aucun bilan quantitatif récent n’est disponible. Comme l’indique Lelièvre : « On vit sur la fiction d’une “expérimentation” dont on ne perçoit ni le bilan, ni la fin et qui est en expansion. » (2004, p. 176). Lors de la rentrée 2007, suite à l’assouplissement de la carte scolaire, le ministère a mentionné une baisse de l’ordre de 10 % des effectifs de collégiens scolarisés dans les établissements les moins recherchés. Au-delà de cet effet d’éviction, l’objectif affiché d’une plus grande mixité sociale n’a fait l’objet d’aucune évaluation. Le rapport de Obin et Peyroux (2007) fait exception, mais une grande part du rapport repose sur une évaluation de la réforme par ceux qui la mettent en œuvre et les données quantitatives présentées sont limitées.

Accroissement et spécialisation sociale du secteur privé

15L’étude de l’évolution des effectifs et du recrutement social des collèges publics et privés dans neuf des principales communes de l’académie de Rennes débouche sur plusieurs résultats. Premier constat, la période 2000-2006 est caractérisée par une diminution de 9,3 % des effectifs des élèves scolarisés dans les collèges retenus dans l’enquête (Tableau I). Cette diminution se répartit différemment selon les deux secteurs d’enseignement. Les établissements publics ont perdu 10,8 % de leurs effectifs alors que la baisse des effectifs dans les établissements du secteur privé est moindre (– 7,4 %). Cette baisse différenciée des effectifs des deux secteurs a débouché sur une augmentation du poids de l’enseignement privé dans les établissements des principales communes bretonnes. Au niveau de l’académie, le constat est le même si bien que, sur la période, l’enseignement privé accroît son poids relatif. Il scolarise 41,3 % des collégiens en 2000 et 42,5 % en 2006, soit + 1,2 point (Rectorat de Rennes, base élève).

16Second constat, sur la même période, dans les établissements enquêtés, la part des élèves d’origine défavorisée a baissé de 3,4 points (Tableau I). Cette baisse a été plus forte dans le secteur privé (– 4,6 points) que dans le secteur public (– 2,3 points), dont le recrutement social est déjà le plus populaire. Les écarts sociaux moyens de recrutement entre les deux secteurs se sont donc accrus. En 2006, les établissements publics scolarisent 31,6 % d’élèves d’origines populaires alors que les collèges privés n’en scolarisent que 20,3 % (Tableau I).

TABLEAU I

Évolution des effectifs des collégiens et de la part des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les 84 collèges publics et privés des principales communes bretonnes (académie de Rennes, 2000-2006)

20002006Diff.
Effectif total (84 collèges)41 75137 859– 9,3 %
Effectif total – collèges publics23 66721 109– 10,8 %
Effectif total – collèges privés18 08416 750– 7,4 %
Total élèves d’origine défavorisée30,0 %26,6 %– 3,4 points
Élèves défavorisés – collèges publics33,9 %31,6 %– 2,3 points
Élèves défavorisés – collèges privés24,9 %20,3 %– 4,6 points
figure im1

Évolution des effectifs des collégiens et de la part des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les 84 collèges publics et privés des principales communes bretonnes (académie de Rennes, 2000-2006)

17Quelle est l’incidence de ces évolutions globales sur les profils sociaux des collèges publics et privés ? Pour l’académie de Rennes, si l’on considère les collèges scolarisant moins de 20 % d’élèves d’origines populaires, la proportion de ces collèges passe de 23,1 % en 2000 à 52,8 % en 2006 dans le secteur privé (Tableau II). Par contraste, le profil social des collèges publics est resté stable. Ainsi, en 2000, seulement 20 % des collèges publics scolarisent moinsde 20 % d’élèves d’origine défavorisée et ce pourcentage demeure stable de 2000 à 2006 (Tableau II). De 2000 à 2006, les secteurs public et privé se sont donc nettement différenciés socialement en raison de l’embourgeoisement de l’enseignement privé.

TABLEAU II

Répartition des collèges publics et privés selon la proportion d’élèves d’origine défavorisée dans les principales villes bretonnes (académie de Rennes, 2000-2006)

Collèges publicsCollèges privésTotal
200020062000200620002006
ProportionEff.En %Eff.En %Eff.En %Eff.En %Eff.En %Eff.En %
p < 20 %920,0920,0923,11952,81821,42834,6
20 % < p < 45 %2248,92248,92871,81541,75059,53745,7
p > 45 %1431,11431,125,125,51619,01619,7
figure im2

Répartition des collèges publics et privés selon la proportion d’élèves d’origine défavorisée dans les principales villes bretonnes (académie de Rennes, 2000-2006)


Légende : 23,1 % des collèges privés des principales communes bretonnes scolarisent moins de 20 % d’élèves d’origine défavorisée en 2000. Cette proportion est de 52,8 % en 2006.
IPES, base rectorale (exploitations secondaires).

La mesure de la ségrégation sociale globale, intra- et intersecteurs

18Les données précédentes relatives aux transformations du recrutement social des collèges publics et privés montrent une spécialisation sociale des deux secteurs d’enseignement. Ce premier résultat est cependant imprécis. Il est fondé sur des comparaisons de moyenne et ne donne aucune indication sur la dispersion du recrutement social à la fois globalement et pour chacun des catégories d’établissements et secteurs considérés : les collèges populaires (p > 45 %), publics et privés, sont-ils devenus plus populaires ou, au contraire, moins populaires ? La même question se pose pour les établissements au recrutement aisé (p < 20 %) : se sont-ils socialement ouverts ou embourgeoisés ?

19Une analyse de la variance permet de répondre à ces questions. La variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les établissements étudiés permet d’abord de connaître l’évolution de la ségrégation globale des collèges. Cette variance totale n’augmente que de 2 % de 2000 à 2006, soit une quasi-stabilité (Tableau III). L’analyse de la variance autorise un deuxième résultat. Si la ségrégation globale est quasi stable, la variance du pourcentage d’élèves d’origine défavorisée scolarisés dans le secteur public diminue (– 15 %). Un tel résultat signifie que les recrutements sociaux des établissements publics ont eu tendance à se rapprocher de 2000 à 2006. Enfin, troisième résultat, les transformations du secteur privé sont inverses à celles du public. La variance intrasecteur du privé a augmenté (+ 24 %), indiquant que les collèges privés ont des recrutements sociaux de plus en plus différents.Les secteurs privé et public se sont donc différenciés. Ce résultat est confirmé par la croissance soutenue de la variance intersecteurs public/privé (+ 41 %) (Tableau III)  [2].

20Ces données débouchent sur une première conclusion. La carte scolaire n’a pas tous les défauts qui lui sont parfois associés. De 2000 à 2006, dans neuf des principales communes de l’académie de Rennes, dans le secteur public où la carte scolaire a été en œuvre, la ségrégation sociale tend à baisser. Inversement, le secteur privé, hors carte scolaire, se caractérise par une ségrégation sociale croissante. Ce premier résultat soulève la question des effets de l’assouplissement de la carte scolaire à la rentrée 2007 sur le recrutement social des deux secteurs d’enseignement.

TABLEAU III

Analyse de la variance du pourcentage des élèves défavorisés scolarisés dans les collèges publics et privés (académie de Rennes, 84 collèges, 2000-2006)

Total des collèges20002006Var.Élèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale1771802 %Total défavorisés30,0 %26,6 %– 3,4 pts
Var. intrasecteur public10992– 15 %Secteur public33,9 %31,6 %– 2,3 pts
Var. intrasecteur privé465824 %Secteur privé24,9 %20,3 %– 4,6 pts
Var. intersecteurs pub./pri.213041 %Écart public-privé9 pts11,3 pts
figure im3

Analyse de la variance du pourcentage des élèves défavorisés scolarisés dans les collèges publics et privés (académie de Rennes, 84 collèges, 2000-2006)


Lecture : La variance intersecteurs public/privé augmente de 41 %. La proportion d’élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les 84 collèges passe de 30 % à 26,6 %, soit une baisse de 3,4 points.

Assouplissement de la carte scolaire et transformations des secteurs publicet privé

21Dans un rapport relatif aux premiers effets de l’assouplissement de la carte scolaire, Obin et Peyroux (2007) indiquent que la mixité sociale est mise le plus rudement à l’épreuve aux deux extrémités de la hiérarchie des établissements. Dans les établissements les plus convoités, il y a peu d’élèves de condition modeste ; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées qui ont disparu. Un rapport récent de la Cour des comptes (2009),relatif à la politique urbaine, concluait à une prolétarisation des collèges populaires, notamment les collèges « Ambition réussite ». Enfin, l’enquête du SNPDEN (2010), menée auprès de 2 758 chefs d’établissement, présente l’intérêt d’apporter des données quantitatives globales  [3]. Elle tend à montrer une perte de mixité sociale dans les établissements ZEP, une spécialisation sociale des collèges « moyens », une mise en concurrence des établissements et des départs d’élèves vers le secteur privé. Toutefois, les données sollicitées sont parfois proches de l’enquête d’opinion, si bien que les analyses présentées relèvent davantage de la conjecture que de l’administration de la preuve.

22Ces bilans, insuffisamment quantifiés, nécessitent d’être validés par des données plus précises. À cette fin, pour les rentrées scolaires 2006 et 2009, les données IPES de la base nationale ont été sollicitées. Pour deux raisons, ces nouvelles données ne sont pas totalement comparables aux données tirées de la base IPES du rectorat de Rennes jusqu’à présent utilisée. D’abord, dans la base rectorale, les non-réponses des élèves à la question de leur origine sociale ne sont pas présentées alors que les données de la base nationale les mentionnent. Les proportions par collège des élèves issus de chaque origine sociale en sont affectées car les non-réponses sont variables dans chaque établissement (de 0 à plus de 30 %). Ensuite, les données récentes de la base nationale ne sont pas complètes. Elles portent sur 74 établissements dans la base nationale au lieu de 81 en 2006 dans la base régionale. Le nombre de collèges publics est passé de 45 à 44 en raison de la fusion de deux collèges. La base de données nationales présente 5 collèges privés en moins. Il s’agit à la fois de fermetures de collèges privés et d’informations non communiquées par des collèges privés, notamment par le plus important d’entre eux, au recrutement le plus aisé. Ces deux différences entre les bases de données rectorale et nationale n’affectent pas pour autant les résultats de la recherche mais expliquent pourquoi, pour l’année 2006, commune aux deux bases, les données recueillies sont parfois différentes.

23Depuis l’assouplissement de la carte scolaire à la rentrée scolaire 2007, le secteur privé connaît une scolarisation décroissante d’élèves d’origines populaires (– 1,2 point). L’évolution est inverse dans le secteur public (+ 2,7 points) (Tableau IV). La spécialisation sociale des deux secteurs d’enseignement, déjà observée de 2000 à 2006, s’est poursuivie et, surtout, s’est accentuée. Dans la première période (2000-2006), le constat est celui d’une prolétarisation relative du secteur public par rapport au privé (Tableau III). Dans la seconde période, il s’agit d’une prolétarisation absolue : la part des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les deux secteurs évolue de façon inverse (Tableau IV). La signification des mesures des transformations à l’œuvre est aussi à rapporter aux durées des deux périodes d’observation : six années pour la première période, moitié moins pour la seconde. Or, la différence entre les proportions des élèves d’origine défavorisée scolarisésdans les secteurs public et privé indique un écart de 9 points en 2000 (33,9 %-24,9 %) et de 11,3 points en 2006 (31,6 %-20,3 %) (Tableau III), soit une progression de + 2,3. Dans la seconde période, l’écart entre les deux secteurs passe de 13,8 points en 2006 (32,8 %-19 %) à 17,7 points en 2009 (35,8 %-17,8 %) (Tableau IV), soit une progression de 3,9 points, nettement plus élevée en trois ans que celle constatée au cours des six années précédentes  [4].

TABLEAU IV

Analyse de la variance du pourcentage des élèves défavorisés scolarisés dans les collèges des neuf principales communes de l’académie de Rennes (2006-2009)

Total des collèges20062009Var.Élèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale193243+ 26 %Total défavorisés27,2 %28,5 %+ 1,3 pt
Var. intrasecteur public105123+ 17 %Secteur public32,8 %35,5 %+ 2,7 pts
Var. intrasecteur privé4740– 15 %Secteur privé19,0 %17,8 %– 1,2 pt
Var. intersecteurs pub./pri.4180+ 94 %Écart public/privé13,8 pts17,7 pts
figure im4

Analyse de la variance du pourcentage des élèves défavorisés scolarisés dans les collèges des neuf principales communes de l’académie de Rennes (2006-2009)


Lecture : La variance totale du pourcentage des élèves défavorisés scolarisés dans les collèges publics et privés étudiés est de 193 en 2006 et 243 en 2009, soit une augmentation de 26 %. La proportion d’élèves défavorisés augmente de 1,3 point.

24L’analyse de la variance approfondit ce premier résultat. La variance totale de la proportion des élèves défavorisés est en hausse de 2006 à 2009 (+ 26 %) (Tableau IV) alors qu’elle était quasi stable de 2000 à 2006. La ségrégation sociale globale s’est donc accrue au cours de la seconde période. Cette première rupture est accompagnée d’une deuxième. La variance intrasecteur public augmente sensiblement de 2006 à 2009 (+ 17 %) alors qu’elle baissait au cours de la période 2000-2006 (– 15 %). Les profils sociaux des établissements publics se sont donc différenciés sur les trois dernières années alors que la tendance était à leur rapprochement de 2000 à 2006. La politique d’assouplissement de la carte scolaire a donc débouché sur une diminution de la mixité sociale, à l’opposé de l’un des objectifs poursuivis. Une troisième rupture tient au rapprochement des recrutements sociaux des établissements privés. La variance intrasecteur privé baisse (– 15 %), ce qui signifie, contrairement à la période antérieure, une tendance à l’homogénéisation sociale des établissements privés (Tableau IV). Compte tenu d’un recrutement socialdans lequel la proportion des élèves d’origines populaires diminue, cette baisse de la variance indique un processus, sans aucun doute modéré mais toutefois avéré, de ghettoïsation par le haut. Enfin, de 2006 à 2009, le phénomène le plus marquant tient à l’évolution de la variance intersecteurs public/privé. Celle-ci connaît un quasi-doublement (+ 94 %) sur une période très courte. Ce changement sensible est la conséquence de dynamiques socioscolaires strictement inverses des secteurs privés et publics depuis l’assouplissement de la carte scolaire  [5].

25L’approche diachronique met en évidence une double transformation en œuvre depuis 2007 : une ségrégation globale en hausse ; un mouvement accéléré de la spécialisation sociale des deux secteurs d’enseignement (embourgeoisement du secteur privé, prolétarisation du secteur public) montré par l’accroissement sensible de la ségrégation sociale intersecteurs (Tableaux III et IV). Cette évolution des secteurs public et privé observée de 2006 à 2009 prolonge et accentue les transformations constatées en 2000-2006. Pour cette raison, il faut avoir recours à des explications structurelles pour comprendre les dynamiques de changement des deux secteurs d’enseignement.

La spécialisation sociale des secteurs public et privé : quel modus operandi ?

26Les données recueillies sur l’académie de Rennes sont en partie paradoxales : comment le secteur privé a-t-il pu augmenter sa part d’élèves scolarisés tout en diminuant celle des élèves d’origine défavorisée, les moins recherchés par les établissements ? Les évolutions constatées résultent de plusieurs modifications enchevêtrées les unes dans les autres. Sur la période, les stratégies de choix des parents sont façonnées, comme par le passé, par un souci constant de la recherche de la « bonne école » dans un contexte économique marqué par la précarisation croissante des emplois (Fondeur et Minni, 2004), le chômage des jeunes diplômés (Duru-Bellat, 2006) et le déclassement (Givord, 2005). Pour ces raisons, l’étude des modifications de l’offre scolaire constitue l’une des clés explicatives de la transformation du recrutement social des établissements publics et privés.

L’ouverture de filières d’excellence : sections européennes et sectionsbilangues

27Le développement des sections européennes exerce une forte attractivité sur les parents des catégories aisées dans un environnement scolaire et socialoù la connaissance des langues est, sur les quinze dernières années, l’objet d’une valorisation croissante, tant au niveau du collège que du lycée  [6].

28Dans l’académie de Rennes, la création des sections européennes a globalement avantagé les collèges privés par rapport aux collèges publics. Sur les 93 collèges disposant d’une telle section, 52,7 % sont privés (Tableau V) alors que les établissements privés représentent 42,5 % des élèves de l’académie. L’implantation de ces sections a créé une distorsion de concurrence en faveur des établissements privés. L’enseignement catholique a valorisé au maximum l’existence de ses sections linguistiques en créant un Diplôme européen des collèges catholiques de Bretagne (DECCB), dont l’objet explicite est de préparer à une mention européenne au baccalauréat. Ce diplôme a une fonction essentiellement ostentatoire de différenciation scolaire et sociale et participe au processus de valorisation symbolique des élèves et de leurs parents ayant opté pour le secteur privé.

TABLEAU V

Répartition des sections bilangues et des sections européennes dans les collèges publics et privés des quatre départements bretons (année 2006-2007)

Sections européennesSections bilangues
Département*PublicPrivéTotal% PrivéPublicPrivéTotal% Privé
229101952,6 %27174438,6 %
2913122548,0 %2653116,1 %
358162466,7 %41175829,3 %
5614112544,0 %20103033,4 %
Total44499352,7 %1144916330,1 %
figure im5

Répartition des sections bilangues et des sections européennes dans les collèges publics et privés des quatre départements bretons (année 2006-2007)


Légende : Dans le département des Côtes d’Armor (22), 27 sections bilangues sont proposées dans les collèges publics.
* Numéro des départements concernés : Côtes d’Armor (22), Finistère (29), Ille-et-Vilaine (35), Morbihan (56).
Inspection académique d’Ille-et-Vilaine.

29Depuis 2005, les sections européennes sont concurrencées par l’ouverture des sections bilangues. Le nombre de sections ouvertes a largement défavorisé les établissements privés : seulement 30,1 % des sections bilangues sont en effet localisées dans ceux-ci (Tableau V). Cette répartition a pu contrebalancer l’avantage dont ont bénéficié les établissements privés en matière de sections européennes. Cependant, si l’effet des sections linguistiques sur le choix des établissements est parfois sensible au niveau d’un quartier, il estdifficile d’en évaluer l’impact de façon globale sur l’évolution du recrutement social des collèges publics et privés.

30De surcroît, l’effet des sections linguistiques sur l’attractivité des établissements publics et privés ne peut se réduire à leur nombre. La politique d’implantation des sections linguistiques dans l’enseignement privé résulte en effet d’une stratégie offensive. Ces sections sont localisées de façon préférentielle dans les collèges privés du centre-ville dont la réputation est déjà excellente. Elles tendent à attirer les bons élèves d’un collège public voisin éventuellement non doté de telle section. La politique de localisation suivie a été différente dans le secteur public. Pour éviter des demandes parentales de sections linguistiques dans le seul but de déroger à la carte scolaire, les inspections académiques ont veillé à doter les établissements publics stigmatisés de ce type de sections. Cette politique d’égalisation de l’offre, guidée par le souci de retenir des bons élèves dans les collèges publics peu réputés, a parfois été réalisée au détriment d’une offre concurrentielle par rapport aux établissements privés du centre-ville (Scoffoni et Goullier, 2004). Cette politique d’égalisation de l’offre pédagogique est nationale, comme le montrent nettement les analyses de Thomas (2005).

La spécialisation du secteur public dans l’offre aux élèves en difficulté

31Pour expliquer les transformations du recrutement social des secteurs public et privé dans l’académie de Rennes, il faut prendre en compte, à côté du renforcement de l’enseignement des langues destiné explicitement aux élèves d’un bon niveau scolaire, la répartition de l’offre pédagogique s’adressant aux élèves en difficulté ou handicapés. Il s’agit des SEGPA, des UPI (Unité pédagogique d’intégration accueillant les élèves handicapés) et des DP3 (« Découverte pédagogique trois heures » : trois heures par semaine sont consacrées à la découverte professionnelle des métiers à des élèves d’un niveau scolaire faible).

32Au niveau de l’académie de Rennes, les établissements publics scolarisent 4,5 % de leurs élèves en SEGPA, alors que cette proportion n’est que de 1,2 % dans les collèges privés. En Ille-et-Vilaine, département de l’académie de Rennes qui scolarise le plus de collégiens, 15 filières SEGPA sur 17 sont publiques. Sur les 13 UPI, 11 se situent dans des collèges publics. L’éducation prioritaire constitue un dernier élément de bilan de la spécialisation pédagogique croissante des collèges publics. Les 18 collèges situés en ZEP-REP (Zone d’éducation prioritaire-Réseaux d’éducation prioritaire), et les deux collèges « Ambition réussite » de l’académie de Rennes (dont la population d’élèves d’origine défavorisée dépasse les 55 %), nouvellement labellisés dans le cadre de la relance de l’éducation prioritaire, sont tous des établissements publics. En ZEP, l’offre d’options est globalement plus réduite, le niveau scolaire plus faible et les progrès des élèves plus limités (Piketty et Valdenaire, 2006).

33La spécialisation du secteur public dans l’offre aux élèves en difficulté est structurellement croissante puisque les UPI et les collèges « Ambition réussite » sont massivement concentrés dans l’enseignement public. Ce constat ne vaut pas que pour la Bretagne. Dans l’étude réalisée par Thomas (2005), les collèges « urbains défavorisés » et « plutôt défavorisés » sont respectivement 43 % et 52,7 % à être dotés d’une section SEGPA. Les collèges « urbains favorisés » ne sont que 18,1 % dans cette situation. Cette spécialisation pédagogique des collèges publics altère leur image sociale et en diminue l’attractivité globale. Compte tenu de leur offre scolaire, une partie non négligeable des collèges publics sont, pour les parents d’élèves, susceptibles d’apparaître comme des établissements où l’échec scolaire est particulièrement fréquent ou bien comme des établissements souvent spécialisés dans la prise en charge des élèves en difficulté, images scolaires en totale opposition avec la réussite scolaire que les parents attendent de leurs enfants.

L’autoprophétie vertueuse de la « bonne réputation »

34Les transformations de l’offre scolaire des collèges publics et privés déterminent leur degré d’attractivité et, progressivement, la modification de leur recrutement social selon la logique de la « tyrannie des petites décisions » décrite par Schelling (1978). Dans le cadre de recherches en sociologie urbaine, cet auteur montre les conséquences de décisions individuelles de déménagement des populations blanches suite à l’ethnicisation même limitée de son proche voisinage. Il en résulte un effet d’entraînement au fondement de la prolétarisation et de la coloration ethnique de certains quartiers.

35Cette analyse concerne la dynamique du recrutement social des établissements publics et privés pour une double raison. D’abord, les caractéristiques sociales des élèves d’un établissement sont dépendantes de son secteur de recrutement géographique. Dès lors, le niveau de ségrégation sociale des quartiers détermine celui des établissements. Ensuite, la réputation d’un établissement exerce un effet sur le choix du quartier. Ainsi, les phénomènes de violences scolaires, fortement médiatisés, favorisent les comportements d’évitement des quartiers et des établissements au recrutement populaire dans lesquels les « problèmes de violence » sont plus fréquents (Houllé, 2005 ; Debarbieux, 2006 ; Merle, 2007). La publication par l’hebdomadaire Le Pointdu palmarès des « établissements violents » a participé à cette fabrication de l’image sociale des quartiers et des établissements, et a favorisé les comportements d’éviction des collèges jugés difficiles  [7].

36Loin de constituer un paradoxe, l’augmentation de la part des collégiens scolarisés dans l’enseignement privé par rapport au public et, parallèlement, la part décroissante des élèves d’origines populaires sont des transformations qui, globalement, au niveau des établissements des principales communes bretonnes, se sont confortées mutuellement. Le marché scolaire est en effet un marché à feed-back : « c’est la confiance en la qualité d’un établissement qui détermine le comportement des “consommateurs” sur ce marché » (Felouzis et Perroton, 2007b, p. 714). Or, cette confiance est liée à la réputation de l’établissement en rapport avec le nombre de sections linguistiques réservées aux meilleurs élèves, au recrutement bourgeois qui consacre le niveau d’entre-soi et à une demande parentale élevée autorisant une sélection à l’entrée. La plus grande satisfaction des parents scolarisant leurs enfants dans le privé (Caille, 2001) est une conséquence de la confiance passée, favorise une demande soutenue, un recrutement sélectif et la confiance future. La crainte des « mauvaises fréquentations » (Oberti, 2007), crainte exprimée par les parents d’origine sociale aisée souhaitant scolariser leurs enfants dans un établissement au recrutement social élevé, n’est d’ailleurs pas dénuée de pertinence sociologique (Peretti-Watel, 2001).

37Si la spécialisation sociale des secteurs public et privé s’explique par des logiques d’agrégation de décisions individuelles analysées notamment par Schelling, elle relève également d’un cadre d’interprétation macroéconomique tel que la théorie de la filière inversée. Galbraith ( [1967] 1989) montre que les spécificités des biens offerts déterminent les choix du consommateur. Contrairement aux théories économiques classique et néoclassique, dans la théorie de la filière inversée, l’offre ne s’adapte pas à la demande, elle la crée. De fait, la différenciation des biens éducatifs offerts par les secteurs public et privé détermine la logique de choix des consommateurs d’école. L’importance des SEGPA, UPI et ZEP dans les collèges publics détourne les parents, tout particulièrement ceux d’origine aisée, du secteur public bien que l’offre pédagogique des collèges publics ne soit pas globalement associée à une efficacité moindre que celle de l’enseignement privé. La « bonne réputation » des établissements privés, fondée notamment sur le moindre taux de redoublement ou l’accès en seconde après quatre années de scolarité au collège, tient en effet à leur recrutement social plus favorisé et non à une meilleure efficacité (Tavan, 2004 ; Caille, 2004).

38Au niveau de l’académie bretonne, la croissance de la ségrégation sociale et la spécialisation sociale des secteurs public et privé sont établies par l’analyse statistique. Ce résultat de recherche est généralisable. Des transformations identiques sont constatées dans les académies de Paris (Merle, 2010), Nantes (Merle, 2009) ou Marseille (Drouin, 2010). En revanche, la validité de cette analyse à un niveau communal demeure problématique. Dans quelle mesure la connaissance des transformations des secteurs public et privé au niveau académique permet-elle de saisir les dynamiques communales ? Une telle interrogation pose la question des interactions entre le national et le local et celle des modalités du changement social. La réforme en cours, menée au nom du libre choix des familles et de la diversité sociale, favorise-t-elle unediversification des logiques d’action individuelle ou, au contraire, une homogénéisation de celles-ci et une plus grande emprise de la structure globale ?

Une modélisation des transformations sociales des secteurs public et privé

39La notion de marché scolaire a fait l’objet de réflexions convergentes montrant ses limites. Il ne s’agit pas de marchés scolaires stricto sensu mais plutôt de quasi-marchés, des espaces de concurrence limités à des zones géographiques d’étendues variables selon le positionnement spatial des établissements, le mode d’habitat, le type de transport, etc. La polarisation sociale des établissements à un niveau global – national ou régional – peut ainsi différer de la polarisation sociale sur les marchés scolaires locaux (Gibson et Asthana, 2000). Il s’ensuit que les caractéristiques des secteurs public et privé définies au niveau de l’académie de Rennes (embourgeoisement du secteur privé d’une part, prolétarisation relative ou absolue du secteur public d’autre part) ne sont pas forcément le résultat de transformations similaires dans toutes les communes.

Des dynamiques scolaires diversifiées à l’échelle communale

40Pour tester l’hypothèse de spécificités scolaires à l’échelle communale, la part des élèves défavorisés scolarisés dans les secteurs public et privé de chaque commune a été calculée à la fois en 2000, 2006 et 2009. Ce premier indicateur permet de connaître, au niveau communal, les tendances à l’embourgeoisement ou à la prolétarisation à la fois globalement et pour chaque secteur d’enseignement. Toutefois, il ne permet pas de savoir si la ségrégation sociale globale et propre à chaque secteur diminue ou augmente. Afin d’appréhender ces variations, une analyse de la variance a été réalisée sur le pourcentage d’élèves d’origine défavorisée inscrits dans les secteurs public et privé de chaque commune. La combinaison de ces deux indicateurs permet de connaître l’évolution, globale et par secteur, de la spécialisation sociale et de la ségrégation sociale des collèges de chaque commune.

41De 2000 à 2006, le phénomène central, déjà constaté, est la quasi-stabilité de la ségrégation sociale globale (Tableau III). Cette stabilité académique, associée à une différenciation sociale de chaque secteur, n’est pas la simple somme arithmétique de situations identiques au niveau de chaque commune. La diversité est même la règle : la ségrégation sociale globale baisse dans les collèges de six communes (Brest, Quimper, Saint-Brieuc, Vannes, Dinan, Fougères) ; elle augmente dans les collèges de Lorient, Saint-Malo et Rennes, bien que faiblement dans cette dernière commune (Annexe I). Les secteurs privé et public de chaque commune connaissent également des transformations sociales contrastées selon la commune considérée. Pour aller au-delàd’une approche descriptive de la diversité des configurations communales, il est nécessaire de modéliser les dynamiques en œuvre.

Quatre modèles de transformations sociales des secteurs public et privé

42Les transformations du recrutement social des collèges publics et privés peuvent être modélisées en se focalisant sur l’évolution de la ségrégation globale dans les collèges de chacune des communes étudiées : cette ségrégation sociale globale s’accroît-elle ou diminue-t-elle ? La même question se pose sur les évolutions de chaque secteur : la variance intersecteurs s’accroît-elle ou diminue-t-elle ? En croisant ces deux modalités de transformations du recrutement social des collèges des secteurs public et privé, quatre modèles de transformations sociales des deux secteurs d’enseignement sont définis (Tableau VI).

43Le premier modèle est caractérisé par une déségrégation sociale globale, montrée par une baisse de la variance totale et un mouvement de convergence du recrutement social des deux secteurs d’enseignement, mesuré par une baisse de la variance intersecteurs public/privé (Tableau VII). Une telle dynamique de recrutement social des collèges publics et privés correspond au projet d’une plus grande mixité sociale poursuivi officiellement par la politique d’assouplissement de la carte scolaire mise en œuvre à la rentrée 2007. Ce mouvement de déségrégation sociale des établissements, à la fois globale et intersecteurs, est désigné par le modèle de la double déségrégation sociale.

TABLEAU VI

Modélisation des transformations des recrutements sociaux des collèges des secteurs d’enseignement public et privé

Variance intersecteurs
privé/public
Ségrégation sociale globale (variance totale)
DécroissanteCroissante
Décroissante (convergence des deux secteurs)Modèle de la double déségrégation sociale des secteurs public et privé (modèle 1)Modèle de la double ségrégation sociale des secteurs public et privé (modèle 2)
Croissante (différenciation des deux secteurs)Modèle de déségrégation sociale globale et spécialisation bourgeoise du secteur privé (modèle 3)Modèle de ségrégation sociale globale et spécialisation bourgeoise du secteur privé (modèle 4)
figure im6

Modélisation des transformations des recrutements sociaux des collèges des secteurs d’enseignement public et privé


Modèle 1 : Brest, Fougères, Quimper, Dinan ; Modèle 2 : pas d’exemple ; Modèle 3 : Saint-Brieuc, Vannes ; Modèle 4 : Rennes, Lorient, Saint-Malo.

44Sur la période 2000-2006, cette dynamique de transformation du recrutement social des secteurs public et privé correspond à la situation des collèges des communes de Brest, Fougères, Quimper, Dinan. La situation des collèges brestois, deuxième commune bretonne par l’importance démographique (142 722 habitants en 2007, 20 collèges), constitue l’exemple le plus significatif. D’une part, la ségrégation sociale globale diminue (la variance totalebaisse de 15 %) ; d’autre part, la variance intersecteurs public/privé diminue nettement (– 65 %) (Tableau VII). Par ailleurs, la population d’élèves d’origine défavorisée a baissé davantage dans le secteur public (– 4,1 points) que privé (– 3,6 points) (Tableau VII). Ces évolutions confirment le rapprochement du recrutement social des deux secteurs d’enseignement. Cette dynamique de double déségrégation sociale, en œuvre également dans des communes où le nombre de collèges est réduit (Fougères, Dinan) ou moyen (Quimper), n’est donc pas spécifique au nombre de collèges de la commune. Présent dans quatre communes sur neuf, le modèle de la double déségrégation sociale est le plus fréquent sur la période 2000-2006. Ce résultat montre de nouveau que la carte scolaire, loin d’être un obstacle à la mixité sociale, est susceptible, dans certaines configurations scolaires locales, de préserver voire de favoriser celle-ci.

TABLEAU VII

Le modèle de la double déségrégation sociale. L’exemple des collèges de la commune de Brest. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006

Collèges de Brest20002006Var.Élèves
défavorisés
20002006Diff.
Variance totale149127– 15 %Total défavorisés31,7 %27,8 %– 3,9
Var. intrasecteur public6967– 3 %Secteur public36,4 %32,3 %– 4,1
Var. intrasecteur privé5451– 5 %Secteur privé24,7 %21,1 %– 3,6
Var. intersecteurs pub./pri.269– 65 %
figure im7

Le modèle de la double déségrégation sociale. L’exemple des collèges de la commune de Brest. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006


Lecture : Dans les collèges de Brest, la part des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les collèges publics passe de 36,4 à 32,3 % de 2000 à 2006, soit – 4,1 points.

45Le deuxième modèle, celui de la double ségrégation sociale, est caractérisé par une croissance de la ségrégation globale et une convergence du recrutement social des secteurs public et privé. Ce modèle n’est observé dans aucune des communes étudiées et sur aucune des deux périodes (2000-2006 et 2006-2009). Pour cette raison, il constitue un modèle formel non validé. Il demeure toutefois une hypothèse pertinente. Dans ce modèle, les secteurs public et privé disposent de collèges réputés, au recrutement aisé et, mais de façon asymétrique, de collèges de relégation. La dualisation interne croissante de chaque secteur correspond à une situation de double concurrence avec des collèges de réputation proche, à la fois à l’interne, dans chacun des secteurs, et à l’externe, dans le secteur concurrent. Cette situation correspond à la dynamique à l’œuvre dans les secteurs public et privé des collèges parisiens caractérisés chacun par une ségrégation sociale croissante (Merle, 2010)  [8].

46Une troisième dynamique de transformation du recrutement social des secteurs d’enseignement public et privé se caractérise par une diminution de la ségrégation globale (la variance totale baisse) et une augmentation de la variance intersecteurs, ce qui signifie que les recrutements sociaux des collèges publics et privés se différencient. Les données recueillies sur les collèges des neuf communes étudiées montrent que, lorsque les secteurs public et privé se différencient socialement, les collèges du secteur privé connaissent un embourgeoisement de leur recrutement ou, au moins, un embourgeoisement plus prononcé que les collèges du secteur public. Cette dynamique correspond à un modèle de déségrégation globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé (modèle 3).

47Dans les communes étudiées, cette dynamique est représentée par les transformations du recrutement social des secteurs public et privé de Vannes et Saint-Brieuc. Dans cette dernière commune, de 2000 à 2006, les collèges publics et privés sont globalement moins ségrégués (la variance totale baisse de 14 %) et la variance intersecteurs public/privé augmente nettement (+ 177 %) (Tableau VIII). Enfin, la part des élèves défavorisés scolarisés dans le secteur privé baisse fortement (– 5,9 points) alors qu’elle est quasi stable dans le public. La spécialisation bourgeoise du secteur privé est sensible. Ce troisième modèle permet de rendre compte des dynamiques socioscolaires de deux communes sur neuf si bien que – la ségrégation globale baissant aussi dans les quatre communes caractérisées par le modèle 1 – les collèges de six communes sur neuf se caractérisent par une baisse de la ségrégation sociale. De 2000 à 2006, ces dynamiques de déségrégation sociale constituent, par le nombre de communes concernées, une tendance nettement majoritaire.

TABLEAU VIII

Le modèle de déségrégation globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé. L’exemple des collèges de la commune de Saint-Brieuc. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006

Collèges de Saint-Brieuc20002006Var.Élèves défavorisés20002006Var.
Variance totale120103– 14 %Total défavorisés26,6 %22,9 %– 3,7
Var. intrasecteur public5015– 69 %Secteur public29,0 %28,7 %– 0,3
Var. intrasecteur privé61622 %Secteur privé24,7 %18,8 %– 5,9
Var. intersecteurs pub./pri.925177 %
figure im8

Le modèle de déségrégation globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé. L’exemple des collèges de la commune de Saint-Brieuc. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006


Lecture : La variance intrasecteur public du pourcentage des élèves d’origine défavorisée passe de 50 à 15, soit une baisse de 69 % de 2000 à 2006.

48Enfin, le quatrième modèle se caractérise par une croissance de la ségrégation globale et une croissance de la variance intersecteurs. Ce modèle de ségrégation sociale globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privéest typiquement représenté par les transformations des recrutements sociaux des secteurs public et privé de la commune de Lorient. La variance totaleaugmente sensiblement (+ 71 %) tout comme la variance intersecteurs public/privé, initialement quasi nulle. Ces transformations résultent de changements opposés des deux secteurs. Le secteur public se prolétarise : il accueille une proportion croissante d’élèves d’origines populaires (+ 1,8 point). Cette prolétarisation n’est pas le résultat d’une prolétarisation des établissements les plus populaires puisque la variance intrasecteur public baisse (– 12 %). Une telle évolution signifie un recrutement social moins différencié des établissements publics et un accueil plus fréquent des élèves d’origines populaires dans les établissements publics au recrutement moyen ou aisé. Il s’agit d’une forme d’homogénéisation par le bas du recrutement social des établissements publics. Le secteur privé connaît quant à lui des transformations en partie inverses. D’une part, il scolarise moins d’élèves d’origines populaires (la part des élèves d’origine défavorisée diminue de 3,3 points) ; d’autre part, la ségrégation sociale interne à ce secteur privé augmente fortement, ce qui signifie que les collèges privés ont des profils sociaux qui se sont nettement différenciés (Tableau IX). Sur la période 2000-2006, les collèges de la commune de Lorient, Saint-Malo et Rennes connaissent la dynamique socioscolaire dont rend compte le modèle de ségrégation sociale globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé. Il s’agit donc d’un modèle minoritaire, un tiers des communes, d’autant plus que la situation des collèges rennais relève de façon limite de ce modèle (la ségrégation globale augmente très peu dans les collèges rennais de 2000 à 2006).

49Sur la période 2000-2006, il existe une variété des dynamiques scolaires communales qui indique que les contraintes structurelles encadrant l’activité des acteurs – chefs d’établissement, parents, inspections académiques, autorités diocésaines et Conseils généraux – sont suffisamment souples pour autoriser une diversité sociale des recrutements sociaux des établissements des secteurs public et privé.

TABLEAU IX

Le modèle de ségrégation sociale globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé. L’exemple des collèges de la commune de Lorient. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006

Collèges de Lorient20002006Var.Élèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale16328071 %Total défavorisés34,7 %34,3 %– 0,4
Var. intrasecteur public128112– 12 %Secteur public34,2 %36,0 %+ 1,8
Var. intrasecteur privé34117241 %Secteur privé35,3 %32,0 %– 3,3
Var. intersecteurs pub./pri.1513 460 %
figure im9

Le modèle de ségrégation sociale globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé. L’exemple des collèges de la commune de Lorient. Analyse de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée et évolution de la part des élèves défavorisés de 2000 à 2006


Lecture : De 2000 à 2006, la part des élèves d’origine défavorisée scolarisés dans les collèges publics passe de 34,2 à 36 %, soit une augmentation de 1,8 point.

La diversité des situations communales : l’effet de variables centrales

50Les collèges des neuf communes étudiées sont caractérisés par des évolutions divergentes : la ségrégation globale baisse dans six communes sur neuf et augmente dans les trois autres. Comment expliquer ces dynamiques socioscolaires opposées ? Seule une analyse des décisions des principaux acteurs locaux (Conseils général et municipal, inspection académique et rectorat, direction diocésaine, etc.) et la connaissance des spécificités de chaque commune permettraient de répondre précisément. Des éléments d’analyse ont été réunis pour la commune de Rennes et montrent l’importance de quelques variables centrales.

51La localisation des populations défavorisées dans le tissu urbain, l’emplacement des zones de développement immobilier et la politique du logement social mise en œuvre constituent un premier groupe de variables. En 2007, la capitale bretonne comptait 28 % de logements sociaux, surtout localisés dans les cinq zones urbaines sensibles (ZUS) de la périphérie de la ville. Toutefois, de 1999 à 2006, la part des logements sociaux passe de 7,5 à 9,3 % dans le quartier Thabor-Saint Hélier, particulièrement central. Ces nouveaux logements sociaux familiaux sont situés dans les secteurs d’affectation des deux collèges publics les plus cotés du centre-ville, Zola et Anne de Bretagne, et ont ainsi favorisé leur mixité sociale. L’existence d’une politique active du logement social, centrée sur les quartiers du centre-ville, constitue une variable-clé du maintien, voire de la progression, de la mixité scolaire.

52L’offre scolaire constitue une deuxième variable tout aussi essentielle à la compréhension des variations du recrutement social des établissements. En 2005, à Rennes, le collège Zola n’est doté d’aucune option bilangues alors que, la même année, le collège voisin Anne de Bretagne bénéficie de trois sections bilangues  [9]. Dès 2005, la proportion d’élèves d’origine favorisée scolarisés dans le collège Zola décline rapidement (elle passe de 54,6 % en 2004 à 36,5 % en 2007) et l’effectif du collège baisse. Des évolutions inverses sont à l’œuvre dans le collège public Anne de Bretagne voisin. Toutefois, si l’effet option est important, il est aussi en concurrence avec l’effet quartier. Un quartier en rénovation urbaine, dans lequel la population se rajeunit et s’embourgeoise – situation du quartier « Sud gare » à Rennes avec l’ouverture de la gare sur le sud de la ville –, favorise un recrutement plus aisé du collège du quartier, en l’occurrence le collège Les Ormeaux, proche de la gare, initialement non doté d’options attractives. Dans cettesituation, « l’effet quartier » a primé sur l’effet option. De même, si une répartition relativement égale des options les plus recherchées entre les collèges périphériques et les collèges du centre-ville limite les demandes de dérogations des parents d’origine aisée vers les collèges du centre, cette politique n’est pas toujours suffisante pour assurer la mixité sociale des établissements de banlieue. Ainsi, à Rennes, cinq collèges périphériques sur sept (Montbarrot, La Binquenais, Les Hautes Ourmes, Les Chalais, La Motte Brûlon) ont été dotés d’une section linguistique. Cette politique rectorale n’a cependant pas freiné les stratégies d’évitement des parents d’origine aisée dépendant des collèges Montbarrot et La Motte Brûlon en raison de la réputation trop dégradée de ces établissements et de leur quartier  [10].

53Une troisième variable concerne, dans les communes importantes telles que Rennes, la concurrence scolaire liée à la création de nouveaux collèges dans les communes limitrophes. Avant la création de ces collèges, les enfants de ces communes, généralement d’origines aisées et moyennes – il s’agit d’une population de primo-accédants à la propriété –, étaient affectés à un collège rennais, principalement un établissement de la banlieue, en raison du découpage des secteurs de scolarisation. La croissance démographique de l’agglomération  [11] a favorisé la création de nouveaux collèges dans les communes périphériques et ceux-ci ont entraîné un déclin démographique et une prolétarisation des collèges situés dans les ZUS de Rennes. Ainsi, sur la période étudiée, le collège La Motte Brûlon, situé au nord de la ville de Rennes, se caractérise par une diminution sensible du nombre d’élèves scolarisés (659 en 2000, 440 en 2006, soit une baisse de 33,3 %) et une augmentation sensible des élèves d’origine défavorisée sur la période étudiée (38,7 % en 2000 ; 47,3 % en 2006). Cette évolution est directement liée à la création du collège privé L’Immaculée, doté d’une option latin, d’une section bilangues et d’une section européenne, à Saint-Grégoire, commune très résidentielle du nord de Rennes dont les enfants dépendent du secteur du collège La Motte Brûlon. La coexistence dans le même secteur scolaire de ces deux collèges, l’un privé au recrutement aisé, l’autre public au recrutement populaire, a constitué une « zone d’interdépendance compétitive », source sensible d’accroissement de la ségrégation sociale  [12]. La création du collège privéde Saint-Grégoire fait suite à la fermeture du collège privé L’Immaculée du centre-ville de Rennes (il s’agit d’un « déplacement »), qui était en concurrence avec les autres collèges privés et publics du centre, en raison de la baisse du nombre de collégiens scolarisés. Ce transfert d’établissement manifeste, de la part de la direction diocésaine, à la fois une adaptation à la mobilité géographique de la population en âge de scolariser ses enfants et la recherche d’une clientèle à hauts revenus  [13].

54Les transformations du recrutement social des collèges d’une commune sont finalement sous la dépendance des décisions de plusieurs acteurs dont les actions sont plus ou moins concertées ou concurrentes : le maire en raison de sa politique de logement social ; le rectorat et sa politique d’options et d’aide aux élèves en difficulté  [14] ; la direction diocésaine avec, outre une politique d’options plus ou moins concurrentielle avec les collèges publics, la possibilité, tout comme le Conseil général, de fermer, fusionner, ouvrir ou déplacer des établissements. Cette liste n’est pas exhaustive puisque, par exemple, les variations de l’activité économique – notamment les fermetures et ouvertures d’entreprises – exercent un effet sur la croissance et la structure de la population active de la commune et, par contrecoup, sur les effectifs et le recrutement social des collèges. Pour chacune des communes, seule une approche monographique permettrait de comprendre pleinement les dynamiques socioscolaires à l’œuvre de 2000 à 2006.

Assouplissement de la carte scolaire et convergence des dynamiquessocioscolaires

55De 2006 à 2009, la même démarche d’analyse statistique des dynamiques socioscolaires des collèges des neuf communes étudiées débouche sur un résultat sensiblement différent de celui établi de 2000 à 2006. La diversité des situations propres à la première période – la ségrégation globale baisse dans six communes sur neuf et augmente dans les trois autres – laisse place, de 2006 à 2009, à une convergence des dynamiques socioscolaires. Pour les collèges publics et privés, dans huit des neuf communes étudiées, la ségrégation sociale globale augmente (Annexe II). Seuls les collèges de la commune de Quimper échappent à cette croissance générale de la ségrégation sociale globale. Cette croissance de la ségrégation ne peut pas s’expliquer par uneségrégation urbaine qui aurait brusquement augmenté de 2006 à 2009 après avoir été stable de 2000 à 2006. Cette ségrégation croissante est donc un phénomène essentiellement scolaire. Cette nouvelle dynamique, qui a modifié la diversité des situations scolaires antérieures, ne peut être reliée qu’à une transformation des modalités d’affectation des élèves dans les établissements scolaires, en l’occurrence à la politique d’assouplissement de la carte scolaire mise en œuvre à partir de 2007. Celle-ci a exercé le même effet d’augmentation de la ségrégation sociale dans les collèges parisiens (Merle, 2010), marseillais (Drouin, 2010), bordelais et lillois (Merle, 2011).

56Outre l’augmentation de la ségrégation globale liée à la politique d’assouplissement de la carte scolaire, cette politique a nettement accentué, aussi, la spécialisation sociale de chaque secteur d’enseignement. En effet, de 2006 à 2009, dans chacune des neuf communes étudiées et pour l’ensemble des collèges publics et privés considérés, la variance intersecteurs public/privé est en hausse, hausse parfois sensible (Annexe II). Une telle dynamique signifie que les secteurs public et privé se sont nettement différenciés socialement sur la période. Dans le secteur privé, en raison de la réduction de la scolarisation des élèves d’origine défavorisée, le phénomène majeur est une ghettoïsation par le haut, déjà mentionnée, propre au modèle de ségrégation sociale globale et de spécialisation bourgeoise du secteur privé.

57La spécialisation bourgeoise du secteur privé, modérée de 2000 à 2006, accentuée de 2006 à 2009, est susceptible d’assurer progressivement à celui-ci une position privilégiée, voire hégémonique, dans la scolarisation des élèves d’origine aisée pour trois raisons. D’abord, même limitée, la politique de fermeture d’établissements privés au recrutement populaire par les directions diocésaines contribue à augmenter le niveau moyen de contribution financière par élève puisque ceux d’origine modeste, payant la contribution la plus basse, deviennent moins nombreux. Ensuite, l’image élitiste de l’enseignement privé auprès de la clientèle aisée est rehaussée par cette politique de spécialisation bourgeoise résultant de la fermeture des collèges privés populaires. Enfin, l’embourgeoisement du recrutement et la valorisation de l’image du secteur privé participent à une spirale de la réussite et à une autoprophétie vertueuse de la bonne réputation liant attractivité croissante des établissements privés, sélection des élèves, élévation des taux bruts de réussite et augmentation des capacités contributives de la clientèle. Les bénéfices pédagogiques, réputationnels et financiers sont donc intimement liés et favorisent une logique sélective auto-entretenue  [15].

Assouplissement de la carte scolaire et nouvelles logiques d’acteurs

58Quels processus socioscolaires sont susceptibles d’expliquer la croissance de la ségrégation scolaire ainsi que l’embourgeoisement accentué du secteur privé de 2006 à 2009 ? Le premier constat est l’effet paradoxal produit par l’assouplissement de la carte scolaire. Alors qu’il était prévu d’accorder des dérogations en priorité aux élèves boursiers, les dérogations effectivement accordées ont débouché sur davantage de ségrégation sociale. L’analyse des dérogations demandées et accordées montre que l’assouplissement de la carte scolaire a, paradoxalement, bénéficié principalement aux enfants d’origine aisée (Merle, 2011)  [16]. Ce résultat tient au fait que la question du choix de l’établissement ne se pose pas de la même façon pour les parents des élèves d’origines aisées et populaires. Les premiers, consommateurs avertis, skilled choosers selon l’expression de Gewirtz, Ball et Bowe (1995), ont été beaucoup plus demandeurs de dérogation et, pour cette raison, en ont obtenu beaucoup plus souvent que les parents d’origines populaires, dans une période de générations creuses augmentant mécaniquement le nombre de places disponibles dans les établissements les plus recherchés. L’assouplissement de la carte scolaire a ainsi favorisé non la mixité sociale attendue, mais la ségrégation sociale globale, en permettant à des parents d’origine aisée, antérieurement privés de choix, de faire valoir leurs préférences. Ces stratégies scolaires différenciées selon les catégories sociales ne permettent toutefois pas de saisir des stratégies plus fines, seules susceptibles d’expliquer les transformations constatées du recrutement social des établissements publics et privés.

59Les parents des enfants d’origine défavorisée scolarisés dans le secteur privé pour échapper aux collèges publics populaires « mal fréquentés » de leur quartier ont probablement, suite à l’assouplissement de la carte scolaire, utilisé la nouvelle possibilité de choix du collège à laquelle ils sont attachés pour scolariser leurs enfants dans des collèges publics au profil social moyen ou aisé. Ils sont ainsi parvenus à leur objectif principal d’échapper au collège imposé par la carte scolaire à moindre coût, économie loin d’être négligeable malgré des tarifs dégressifs en faveur des catégories populaires dans les établissements privés. Ce serait un effet inattendu de la réforme qui renforcerait la spécialisation sociale de chaque secteur d’enseignement. L’effet inverse est toutefois envisageable pour les parents aisés scolarisant leurs enfants dans un collège privé pour échapper au collège peu réputé de leur quartier. Mais ces deux mouvements ne se compenseraient pas. Les parents aisés sont en effet moins sensibles à la contrainte financière de la scolarisation dans le privé. Ce retour d’une partie des catégories populaires, favorablesau choix de l’établissement et scolarisant leurs enfants dans le secteur privé, dans le giron du secteur public expliquerait sa prolétarisation relative et, par contrecoup, une partie de l’embourgeoisement du secteur privé.

60Ensuite, avec l’assouplissement de la carte scolaire, les parents d’origine aisée ont davantage eu la possibilité d’éviter le collège de leur quartier lorsqu’ils le jugeaient peu attrayant, trop populaire et insuffisamment propice aux progrès scolaires de leurs enfants. L’augmentation de la ségrégation sociale dans le secteur public de 2006 à 2009 montre la réalité du départ d’une partie des catégories aisées des collèges populaires. Ces parents ont opté pour deux stratégies, identiques dans leur intention mais dissemblables dans leur modalité. Certains ont demandé une dérogation pour des établissements publics recherchés. Cette affectation était toutefois loin d’être acquise compte tenu de la priorité ministérielle, clairement affichée, accordée aux élèves boursiers. D’autres parents d’origine aisée ont logiquement cherché, compte tenu de leur concurrence avec les parents boursiers dans l’obtention des collèges plus recherchés, à éviter le double risque de ne pas obtenir le collège recherché ou bien une ouverture sociale du collège recherché, conformément au projet ministériel de mixité, contraire à leur projet d’entre-soi scolaire et social. À quoi aurait-il servi de demander une dérogation pour un collège public recherché si la mixité sociale non désirée dans le collège d’affectation se retrouvait dans le collège demandé ? Pour ces raisons, une stratégie logique des parents d’origine aisée, en l’absence de contrainte de ressources, était de préférer scolariser leurs enfants dans un collège privé. L’enquête du SNPDEN (2010), déjà citée, mentionne un tel mouvement de départ d’élèves vers le privé.

61L’analyse du recrutement social des établissements selon leur statut public ou privé met en évidence une rupture entre les deux périodes étudiées. Au cours de la première (2000-2006), la tendance est à l’embourgeoisement des collèges privés mais la ségrégation sociale globale est stable. Au niveau communal, il existe des dynamiques socioscolaires diversifiées. Selon les communes considérées, les collèges publics et privés connaissent un mouvement de ségrégation sociale globale ou, plus fréquemment, de déségrégation sociale. La seconde période (2006-2009) se caractérise par une ségrégation sociale croissante, globalement et dans chaque commune, et une différenciation sociale accrue des secteurs privé et public due à un embourgeoisement du recrutement social du secteur privé.

62Le modèle de ségrégation sociale globale et spécialisation bourgeoise du secteur privé permet de rendre compte de cette nouvelle dynamique socioscolaire. Elle résulte de la conjonction d’évolutions progressives et de ruptures, tout particulièrement la place grandissante de la valeur du diplôme dans l’insertion professionnelle, qui aboutit à un déplacement vers l’école de la lutte pour les meilleures places sur le marché du travail via le choix d’un « bon »établissement ; la mise en concurrence plus fréquente des établissements liée à l’évolution précédente et à l’acceptabilité plus grande des pratiques d’évaluation et de comparaison des performances des établissements ; l’assouplissement de la carte scolaire, censé permettre à chaque famille de concourir de façon plus égale à la recherche du meilleur établissement.

63Cette politique d’assouplissement de la carte scolaire a stimulé la « partialité légitime » des parents, qui se traduit par un surcroît d’investissement de ceux-ci dans la réussite scolaire de leurs enfants. La mise en concurrence des établissements stimule aussi la partialité légitime des chefs d’établissement à la recherche des meilleurs élèves (Laforgue, 2004). Les élèves d’un bon niveau scolaire, centrés sur un objectif de réussite, facilitent en effet la gestion d’un établissement et rehaussent la réputation de celui-ci alors que, pour un chef d’établissement, la recherche de la mixité sociale, loin d’assurer à celui-ci un bénéfice valorisé institutionnellement, est une source de difficulté potentielle. La conjugaison de ces logiques d’acteurs expliquent pourquoi l’assouplissement de la carte scolaire n’a ni contrecarré, ni même ralenti, mais au contraire favorisé une ségrégation sociale antérieurement stable. Ce résultat est conforme aux évaluations des assouplissements précédents de la carte scolaire (Ballion et Œuvrard, 1987 ; Ballion et Théry, 1985) et aux recherches internationales montrant que le libre choix, faiblement régulé, favorise la ségrégation sociale ou ethnique (Vandenberghe, 1997 ; Karsten, 1994 ; Lauder et Hugues, 1999 ; Noden, 2000 ; Gibson et Asthana, 2000).

64Faut-il, pour autant, renoncer à l’assouplissement de la carte scolaire et, à terme, à sa suppression ? Pas forcément. La carte scolaire aboutit à une « sélection par les loyers » et ses effets négatifs sont connus (Oberti, 2007 ; Fack et Grenet, 2009). Elle influence le choix du domicile et, par ce biais, favorise la ségrégation urbaine source de ségrégation scolaire. Ce schéma causal ne doit toutefois pas être exagéré puisque les ségrégations scolaire et urbaine sont tout autant présentes dans les pays où la carte scolaire n’existe pas. La politique d’assouplissement de la carte scolaire offre l’opportunité de penser autrement les relations interétablissements, de passer d’une logique d’affectation réglementée, dont les limites sont désormais bien identifiées, à une logique du libre choix régulé.

65La plus efficace régulation du choix est de limiter les « bonnes raisons » des acteurs qui les amènent à quitter le collège de leur secteur et, à cette fin, de réduire la diversité de l’offre scolaire de façon à ce que toutes les écoles apportent à chaque élève des chances à peu près égales de réussite. Dans le système éducatif français, l’égalisation de l’offre scolaire nécessiterait de réduire les différences structurelles entre les secteurs public et privé. La spécialisation sociale des deux secteurs – embourgeoisement du secteur privé, prolétarisation relative du secteur public – est en effet en rapport avec leurs avantages ou handicaps respectifs. Pour cette raison, les deux secteurs pourraient être tenus aux mêmes contraintes d’accueil des enfants des catégories populaires ou en difficulté scolaire afin que les collèges privés ne détiennent pas un avantage concurrentiel structurel, à la fois pédagogique et réputationnel, par rapport au secteur public.

66Ces politiques d’égalisation de l’offre ont parfois justifié – il en est ainsi dans un pays tel que les Pays-Bas (Ritzen, Van Dommelen et De Vijleder, 1997) – la mise en place d’incitations ou de pénalisations financières à l’égard des établissements trop éloignés d’objectifs de mixité sociale ou ethnique. Il en a résulté des niveaux de ressources différents des établissements selon l’origine sociale ou ethnique de leurs élèves. Ce système de bonus/malus s’est imposé avec succès dans certains domaines, par exemple celui de l’assurance automobile. Pourquoi une telle politique ne vaudrait-elle pas aussi pour réduire les inégalités sociales de réussite scolaire ? Toutefois, dans le champ politique, la loi sur la parité, mise en œuvre au nom de l’égalité hommes-femmes, a repris le même principe de malus avec un succès mitigé : certains partis politiques préfèrent s’acquitter de pénalités financières plutôt que de respecter le principe de la parité de genre sur leurs listes électorales. De tels effets pervers sont aussi à craindre dans le domaine éducatif tant le choix d’une « bonne école » est, à juste titre (voir note 1), associé à des chances plus élevées de réussite scolaire et, via le diplôme ultérieur, à l’accès aux positions sociales les plus recherchées. Pour cette raison, l’égalisation de l’offre scolaire du premier cycle, qui limite les écarts de recrutement sociaux interétablissements, est un objectif défendu dans certaines analyses sociologiques (Duru-Bellat, 2001), présent dans des rapports officiels tels que le rapport Thélot (2004), et mis en œuvre avec succès dans certains pays tels que la Finlande, à la tête du palmarès des évaluations internationales dans les enquêtes PISA. C’est aussi l’un des pays dans lequel la réussite scolaire des élèves est la moins déterminée par leur origine sociale, montrant ainsi que l’efficacité et l’équité, loin de s’exclure mutuellement, sont des objectifs à concevoir et à poursuivre conjointement.


ANNEXE I. – Analyse de la variance, par commune et secteurs d’enseignement,de la proportion des élèves défavorisés dans neuf principales communesde l’académie de Rennes (2000-2006)

Collèges de Rennes20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale1781802 %Total défavorisés27,0 %23,4 %– 3,6
Var. intrasecteur public11291– 18 %Secteur public32,1 %30,0 %– 2,1
Var. intrasecteur privé405947 %Secteur privé18,5 %13,1 %– 5,4
Var. intersecteurs pub./pri.263017 %
figure im10
Collèges de Brest20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale149127– 15 %Total défavorisés31,7 %27,8 %– 3,9
Var. intrasecteur public6967– 3 %Secteur public36,4 %32,3 %– 4,1
Var. intrasecteur privé5451– 5 %Secteur privé24,7 %21,1 %– 3,6
Var. intersecteurs pub./pri.269– 65 %
figure im11
Collèges de Quimper20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale10776– 29 %Total défavorisés26,3 %24,0 %– 2,3
Var. intrasecteur public8961– 32 %Secteur public29,8 %27,0 %– 2,8
Var. intrasecteur privé73– 61 %Secteur privé21,0 %19,4 %– 1,6
Var. intersecteurs pub./pri.111211 %
figure im12
Collèges de Lorient20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale16328071 %Total défavorisés34,7 %34,3 %– 0,4
Var. intrasecteur public128112– 12 %Secteur public34,2 %36,0 %1,8
Var. intrasecteur privé34117241 %Secteur privé35,3 %32,0 %– 3,3
Var. intersecteurs pub./pri.1513 460 %
figure im13
Collèges de Saint-Brieuc20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale120103– 14 %Total défavorisés26,6 %22,9 %– 3,7
Var. intrasecteur public5015– 69 %Secteur public29,0 %28,7 %– 0,3
Var. intrasecteur privé61622 %Secteur privé24,7 %18,8 %– 5,9
Var. intersecteurs pub./pri.925177 %
figure im14
Collèges de Saint-Malo20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale17522428 %Total défavorisés31,5 %26,0 %– 5,5
Var. intrasecteur public133122– 8 %Secteur public35,6 %32,1 %– 3,5
Var. intrasecteur privé2176259 %Secteur privé25,5 %18,1 %– 7,4
Var. intersecteurs pub./pri.212623 %
figure im15
Collèges de Vannes20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale8467– 20 %Total défavorisés27,1 %21,9 %– 5,2
Var. intrasecteur public3528– 18 %Secteur public29,8 %28,2 %– 1,6
Var. intrasecteur privé3917– 55 %Secteur privé25,0 %16,6 %– 8,4
Var. intersecteurs pub./pri.1121104 %
figure im16
Collèges de Dinan20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale125118– 6 %Total défavorisés32,6 %27,9 %– 4,7
Var. intrasecteur public30– 100 %Secteur public39,8 %35,2 %– 4,6
Var. intrasecteur privé76– 16 %Secteur privé18,6 %14,0 %– 4,6
Var. intersecteurs pub./pri.115112– 3 %
figure im17
Collèges de Fougères20002006VariationÉlèves défavorisés20002006Diff.
Variance totale9046– 50 %Total défavorisés45,2 %43,6 %– 1,6
Var. intrasecteur public4928– 42 %Secteur public51,7 %48,3 %– 3,4
Var. intrasecteur privé172– 86 %Secteur privé41,0 %40,8 %– 0,2
Var. intersecteurs pub./pri.2415– 38 %
figure im18

ANNEXE II. – Analyse de la variance, par commune et secteurs d’enseignement, de la proportion des élèves défavorisés dans les collègesdes neuf principales communes de l’académie de Rennes (2006-2009)

Collèges de Rennes20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale24337453 %Total défavorisés24,9 %28,8 %3,9
Var. intrasecteur public16026163 %Secteur public30,1 %35,2 %5,1
Var. intrasecteur privé3631– 13 %Secteur privé13,3 %14,3 %1,0
Var. intersecteurs pub./pri.468074 %
figure im19
Collèges de Brest20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale12314014 %Total défavorisés27,4 %27,3 %– 0,1
Var. intrasecteur public7154– 23 %Secteur public32,3 %34,1 %1,8
Var. intrasecteur privé159– 36 %Secteur privé17,4 %15,5 %– 1,9
Var. intersecteurs pub./pri.3776105 %
figure im20
Collèges de Quimper20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale7368– 6 %Total défavorisés24,8 %25,1 %0,3
Var. intrasecteur public5530– 46 %Secteur public28,3 %30,4 %2,1
Var. intrasecteur privé4668 %Secteur privé19,5 %17,4 %– 2,1
Var. intersecteurs pub./pri.1432138 %
figure im21
Collèges de Lorient20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale28331310 %Total défavorisés30,4 %30,2 %– 0,2
Var. intrasecteur public1311396 %Secteur public36,0 %36,5 %0,5
Var. intrasecteur privé44– 3 %Secteur privé12,2 %10,9 %– 1,3
Var. intersecteurs pub./pri.14817014 %
figure im22
Collèges de Saint-Malo20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale22428728 %Total défavorisés26,0 %26,1 %0,1
Var. intrasecteur public1221274 %Secteur public25,4 %28,5 %3,1
Var. intrasecteur privé7558– 23 %Secteur privé26,5 %24,3 %– 2,2
Var. intersecteurs pub./pri.26103290 %
figure im23
Collèges de Saint-Brieuc20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale1811916 %Total défavorisés29,2 %30,3 %1,1
Var. intrasecteur public8573– 14 %Secteur public36,4 %38,1 %1,7
Var. intrasecteur privé4534– 24 %Secteur privé19,6 %17,6 %– 2
Var. intersecteurs pub./pri.518464 %
figure im24
Collèges de Vannes20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale719026 %Total défavorisés23,6 %23,2 %– 0,4
Var. intrasecteur public2825– 10 %Secteur public28,3 %29,6 %1,3
Var. intrasecteur privé2018– 10 %Secteur privé18,2 %16,7 %– 1,5
Var. intersecteurs pub./pri.2347101 %
figure im25
Collèges de Fougères20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale467259 %Total défavorisés43,6 %43,8 %0,2
Var. intrasecteur public29318 %Secteur public48,3 %51,5 %3,2
Var. intrasecteur privé20– 90 %Secteur privé40,8 %39,9 %– 0,9
Var. intersecteurs pub./pri.1541182 %
figure im26
Collèges de Dinan20062009VariationÉlèves défavorisés20062009Diff.
Variance totale11815027 %Total défavorisés27,9 %26,7 %– 1,2
Var. intrasecteur public01-Secteur public35,2 %35,4 %0,2
Var. intrasecteur privé60– 97 %Secteur privé14,0 %10,9 %– 3,1
Var. intersecteurs pub./pri.11214932 %
figure im27

Bibliographie

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Notes

  • [1]
    L’écart de performance entre deux élèves dont le milieu socioéconomique est similaire et qui fréquentent un établissement dont le profil socioéconomique est moyen pour le premier et privilégié pour le second représente l’équivalent de plus d’une année d’études (PISA, 2010a, p. 11).
  • [2]
    Le calcul de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée n’a pas été pondéré par les effectifs des établissements. L’absence de pondération revient à accorder plus d’importance aux petits collèges – tous les collèges comptant autant – alors qu’une variance pondérée par les effectifs accorde plus d’importance aux établissements les plus importants. L’existence ou non de pondération de la variance du pourcentage des élèves d’origine défavorisée par les effectifs des établissements ne modifie pas les évolutions constatées. Ainsi, de 2000 à 2006, la variance intersecteurs public/privé non pondérée par les effectifs des établissements passe de 21 à 30 (Tableau III), et la variance intersecteurs public/privé pondérée par les effectifs passe de 20,2 en 2000 à 31,1 en 2006. Dans ce cas, l’hypothèse d’égalité des variances est rejetée au seuil de 5 %.
  • [3]
    Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale.
  • [4]
    Ces données constituent une évaluation non définitive des effets de l’assouplissement de la carte scolaire. L’assouplissement n’a été réellement mis en œuvre qu’à partir de la rentrée scolaire 2008. Or, chaque année, il ne concerne essentiellement que l’entrée des élèves en classe de 6e. Une évaluation limitée aux années 2006-2009 ne prend donc principalement en compte que les effets de l’assouplissement de la carte scolaire sur les rentrées scolaires 2008 et 2009, alors que les effets de l’assouplissement vont s’exercer sur les quatre rentrées scolaires qui assureront le renouvellement quasi complet des collégiens d’un établissement. Si les effets obtenus sur deux ans étaient extrapolés à quatre, la différenciation du recrutement social des établissements avant et après 2006 serait encore plus sensible.
  • [5]
    De 2006 à 2009, le quasi-doublement de la variance intersecteurs public/privé aboutit à rejeter l’hypothèse d’égalité des variances au seuil de 1 %.
  • [6]
    En 1998, il n’existait que 71 sections européennes en lycée dans l’académie bretonne. En 2002, soit dix ans après leur création par la circulaire 92-6234 du 19 août 1992, elles étaient 223 et plaçaient l’académie de Rennes au deuxième rang en France (Debène, 2002).
  • [7]
    Le Point, « Violences scolaires », 2006, nº 1572, pp. 46-59. Cette statistique est issue des données recueillies par le logiciel Signa de comptabilisation des « violences scolaires », dont Le Point a obtenu communication auprès du ministère de l’Éducation nationale. Ce classement ne concerne pas les établissements privés, non tenus réglementairement de comptabiliser les problèmes de violences.
  • [8]
    La construction statistique mise en œuvre dans la recherche sur les collèges parisiens – la ségrégation sociale est mesurée à partir de l’indice de dissimilarité – est toutefois moins adaptée que l’analyse de la variance pour étudier les évolutions relatives des recrutements sociaux de chaque secteur d’enseignement.
  • [9]
    La dotation inégale en section bilangues de ces deux collèges résulte d’un désaccord entre le Conseil général et la mairie de Rennes, d’une part, qui souhaitaient le maintien du collège Zola, et, d’autre part, le rectorat, favorable à sa fermeture au profit du collège public voisin Anne de Bretagne. Le projet rectoral poursuivait un objectif d’optimisation des ressources. Dans une période de décroissance des effectifs scolarisés, la réduction des personnels enseignants est plus facile dans un grand collège que dans deux petits, où les effets de seuil limitent les possibilités de réduction. Le projet rectoral de fermeture du collège Zola favorisait aussi, indirectement, les collèges privés du centre-ville, confrontés, tout comme les collèges publics, à une baisse de leurs effectifs.
  • [10]
    Les modifications des conditions de transport, tout particulièrement la création du métro rennais, reliant de façon rapide les ZUS au centre-ville, ont favorisé l’accessibilité des collèges du centre-ville, augmenté leur attractivité et favorisé le déclin de certains collèges périphériques. Il en a été ainsi du collège Montbarrot, situé près d’une station de métro. Plus globalement, les modifications des transports scolaires constituent une façon efficace de réguler les effectifs et le recrutement social des collèges. La suppression d’une desserte revient à limiter le volume des inscriptions originaires de certains quartiers ; la création d’une desserte produit un effet inverse.
  • [11]
    L’agglomération rennaise compte 265 000 habitants en 1999 et 388 000 au 1er janvier 2007.
  • [12]
    Dans le collège privé de la commune de Saint-Grégoire, la proportion d’élèves d’origine défavorisée est de 8,7 % à la rentrée de 2006-2007. Sur le département d’Ille-et-Vilaine, seuls deux collèges ont une proportion plus basse d’élèves d’origines populaires (8,2 et 8,5 %).
  • [13]
    Sur l’académie, entre 2000-2006, les directions diocésaines ont adopté une politique active en matière d’établissements scolaires en procédant aux fermetures de 13 collèges, au recrutement social majoritairement populaire. Ces fermetures ont contribué à une amélioration de la « ressource », c’est-à-dire de la « qualité » des élèves, selon l’expression de Delvaux et van Zanten (2006).
  • [14]
    L’inclusion d’un collège dans un Réseau ambition réussite, qui relève de l’éducation prioritaire, a potentiellement pour effet de susciter des stratégies d’évitement des parents et, pour cette raison, de réduire l’effectif de l’établissement au profit des établissements publics et privés proches (Merle, 2011).
  • [15]
    La spécialisation du secteur privé dans la scolarisation des élèves d’origine aisée est déjà forte dans les grandes agglomérations. À titre d’exemple, les collèges parisiens publics scolarisent 37 % d’élèves d’origine aisée et cette proportion est de 66 % dans les collèges privés. Ces derniers ne scolarisent que 5 % d’élèves d’origines populaires alors que le secteur public en scolarise 24 % (Merle, 2010).
  • [16]
    Un tel processus a été observé dès les premières expériences d’assouplissement de la carte scolaire (Ballion et Théry, 1985 ; Ballion et Œuvrard, 1987). Une conclusion identique est présente dans le rapport Hébrard (2002). Le rapport indique que les expériences d’assouplissement de la sectorisation profitent aux catégories moyennes et aisées et la sectorisation est présentée comme un moyen de lutter contre la ségrégation sociale.
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