Couverture de RFSE_014

Article de revue

Le recrutement du médecin en unité de soins palliatifs

Sélections, désignation et habilitations

Pages 51 à 70

Notes

  • [1]
    Sur ce sujet, on pourra lire Hardy (2013).
  • [2]
    Une vacation équivaut à une demi-journée de travail hospitalier.
  • [3]
    Dans le sens de liens personnels comme ceux liant un étudiant à son directeur de thèse.
  • [4]
    Nous sommes dans l’impossibilité de situer nos terrains par rapport au contexte général. Les soins palliatifs ne font l’objet d’aucune étude démographique. Ce type d’étude étant réservé à la spécialité médicale qui les accueille : la médecine générale. La seule référence aux ressources humaines en USP que nous avons pu relever se trouve dans le rapport du Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et elle se borne à souligner l’insuffisante dotation en personnelle de ce type d’unité [Aubry, 2010, p. 9].
  • [5]
    Remarquons ici que, si le soin palliatif dépend de la spécialité de médecine générale, un médecin ayant une autre formation peut tout de même faire du soin palliatif s’il est titulaire du diplôme d’études spécialisées complémentaire en médecine de la douleur-médecine palliative.
  • [6]
    Quatre ont un père employé comme 11 % des médecins salariés hospitaliers (MSH) ; trois ont un père exerçant une profession intermédiaire (17 % des MSH) ; deux ont un père ouvrier (8 % des MSH) ; trois ont un père artisan (13 % des MSH).
  • [7]
    La cardiologie est une des spécialités les plus prestigieuses à l’hôpital, elle s’occupe d’un organe noble, le cœur, et sauve des patients. La pratique de la cardiologie est corrélée au genre et à l’origine sociale : « L’ORL, la “chir”, la “cardio”, voici la vocation des héritiers mâles qui, par des gestes d’excellence, toucheront aux parties nobles » [Jaisson, 2002 b, p. 49].
  • [8]
    Par exemple, si un étudiant choisit la spécialité de médecine générale, il réalisera des stages obligatoires dans différentes disciplines (médecine adulte, gériatrie, urgences…) et en choisira librement d’autres (pédiatrie, gynécologie…).
  • [9]
    Emmanuelle Zolesio [2013] montre un processus inverse en travaillant sur les carnets des internes en chirurgie : dans ce type de service, les internes apprennent à ne pas prendre en considération la personne pour se centrer uniquement sur la pathologie et l’organe malade.
  • [10]
    Ce qui n’a pas toujours été le cas. Pour s’en rendre compte, on pourra lire Kübler-Ross [1992].
  • [11]
    La définition actuelle des soins palliatifs est celle de la loi de 1999. À quelques mots près, elle est identique à la définition antérieure proposée par la SFAP, société savante des soins palliatifs.
  • [12]
    Paramédicaux avec lesquels on partage les mêmes origines sociales, ce qui facilite la communication.
« Dans les économies modernes, les Bourses de valeurs (ou les Bourses de commerce) constituent le marché concret de référence, et les autres marchés (dans une version agrégée, les marchés des biens et du travail) sont repérés par leur “distance” par rapport à la Bourse, c’est-à-dire par leurs imperfections, au niveau de la caractéristique constitutive de toute bourse : la loi de l’offre et de la demande. »
[Favereau, 1989, p. 303]

1 – Introduction

1Dans la division du travail lié au mourir, les Unités de soins palliatifs (USP) accueillent un type de patient dit « complexe », celui dont la prise en charge sort des cadres habituels du travail des services hospitaliers. Les professionnels de soins palliatifs vont mettre en place ce qu’ils appellent une approche globale du patient, qui vise à prendre en compte toutes les dimensions de la souffrance de ce dernier [Castra, 2003 ; Legrand, 2012]. Dimension médicale bien sûr, mais aussi psychologique, sociale, familiale et spirituelle. Des thérapeutiques sont prescrites, dont le but est d’améliorer la qualité de la vie du patient sans en augmenter la durée, les psychologues se rendront au chevet du patient, rencontreront sa famille, un assistant social peut intervenir pour informer sur l’existence de différentes aides et, le cas échéant, faciliter leur mise en place. La médecine palliative est ainsi très différente de la médecine curative, notamment parce qu’en fin de vie les savoirs scientifiques sont des plus incertains [Schepens, in Crignon-De Olivera, Gaille, 2010] :

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« On ne peut pas être dans la toute-puissance médicale, on ne peut pas être dans le faire comme on nous l’apprend à l’université. En soins palliatifs, on ne comprend pas grand-chose et on ne maîtrise rien. Des patients qu’on croyait agonisants sortent du service, d’autres s’enfoncent [se dégradent] sans raison apparente, certains vont stagner pendant des mois. »
(Irène, médecin)

3Dès lors, si « on ne sait rien » (Jean-Marc, médecin, chef de service USP), comment un recruteur peut-il juger de la valeur d’un candidat ? Sur quoi repose la convention de compétences permettant de sélectionner les candidats à un poste en USP ?

4Ces questions nous amènent à nous intéresser au mandat et à la licence [Hughes, 1996, p. 99 et ss.] des soins palliatifs. Le mandat des soins palliatifs est défini par le législateur comme étant la mise en œuvre de « soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage » (art. L.1 B, Loi 99-477). La licence – en tant que droit à exercer – comprend un volet permettant de sélectionner et de former les étudiants souhaitant réaliser des soins palliatifs. Comprendre ce que recouvrent la licence et le mandat permet de mettre à jour, selon Hardy-Dubernet et Le Roy [2006], la discrimination élective à l’œuvre et pourquoi le recrutement se réalise dans un vivier d’élus.

5Le présent texte s’inscrit dans une approche compréhensive du recrutement des médecins de soins palliatifs dans les USP de trois régions de l’Est de la France. Ce que nous écrivons ne peut pas être généralisé à d’autres USP sans certaines précautions. L’enquête monographique, toujours en cours, a débuté en 2006. Une trentaine de récits de vie ont pour l’instant été réalisés, dont 12 auprès de médecins d’USP, les autres auprès de soignants des mêmes services (cadres de santé, psychologues, infirmiers, aides-soignants, agents des services hospitaliers) et de patients. Ces récits de vie ont été complétés par des entretiens informels. L’observation in situ au long cours de deux des USP est la seconde source d’information, tout aussi importante que la première. Nous avons porté un intérêt particulier aux « staffs » – réunions pluridisciplinaires visant à la problématisation de la situation des patients – haut lieu de la formation de la nouvelle génération.

6Des verbatims sont donnés à lire, soit pour illustrer le propos, soit pour servir de base à la démonstration. Les extraits d’entretiens ont été rendus anonymes, les prénoms sont donc fictifs, mais respectent le sexe de l’informateur.

7Différents filtres jalonnent la formation du médecin de soins palliatifs. Ils se présentent comme évaluant objectivement les apprenants (étudiants, mais aussi médecins déjà en fonction), à travers des procédures de concours ou d’épreuves. L’objet de ce texte est de montrer que d’autres mécanismes sont à l’œuvre, notamment en ce qui concerne l’attribution des postes de praticien hospitalier (PH).

8Dans un premier temps, il s’agira de caractériser la population des médecins ayant été recrutés en USP. Ensuite, il nous faut comprendre comment la discrimination élective construit la compétence pour, le cas échéant, attribuer une place professionnelle au nouvel entrant.

2 – Qui sont les candidats ?

9Dans ce qui suit, nous présentons le contexte général de la sélection médicale. Ce dernier a beaucoup évolué ces trente dernières années, notamment en ce qui concerne la médecine générale à laquelle nous allons particulièrement nous intéresser dans ce texte. Cependant, l’évolution historique des mécanismes présidant à la formation des médecins n’est pas l’objet de ce texte [1].

10Dès lors, nous exposons ci-dessous les études médicales dans la forme qu’elles prennent actuellement. Ce choix n’est pas anodin, car la modification de la structure des études médicales entraîne une transformation de la population y ayant accès [Hardy, 2013, p. 128 et sq.]. Par exemple, la féminisation de la population des médecins y est directement associée. Pour autant, les différentes transformations ne semblent pas perturber les mécanismes de transmission de l’activité palliative que nous mettrons en évidence.

2.1 – Devenir médecin

11La dernière réforme des études médicales (juin 2010) a instauré la PACES, c’est-à-dire la première année commune aux études de santé : médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique.

12Cette première année est sanctionnée par un concours qui, en fonction du numerus clausus fixé par l’État depuis 1983, classe entre 20 et 30 % des inscrits en rang utile pour une poursuite d’étude en deuxième année. Les étudiants choisissent le type d’étude qu’ils souhaitent poursuivre en fonction de leur classement au concours. Tout étudiant ayant réussi la PACES est, pour ainsi dire, assuré d’exercer une profession médicale.

13Les deuxième et troisième années complètent la formation du premier cycle. Le deuxième cycle fait des étudiants des « externes », salariés du Centre hospitalo-universitaire (CHU). L’externat consiste en une formation théorique et pratique. Cette dernière se compose d’une douzaine de stages à réaliser dans différents services hospitaliers.

14L’examen national classant (ENC) suit l’obtention de l’externat. Il attribue à chaque externe un rang au niveau national lui permettant de réaliser un choix combinant le CHU qu’il souhaite intégrer pour poursuivre ses études et une des 30 spécialités. Le soin palliatif n’est pas une spécialité, il est une discipline de médecine générale.

15Ce choix de spécialité réalisé, l’étudiant devient un interne (en médecine générale, en spécialité chirurgicale, en pédiatrie, etc.) pour une durée de trois à cinq ans en fonction de la discipline. L’interne est considéré et identifié comme un jeune médecin à qui on reconnaît légalement une responsabilité thérapeutique et une autorisation à prescrire. Pendant son internat, il doit réaliser des stages d’une durée de six mois en rapport avec sa spécialité dans des structures hospitalières ou extra-hospitalières (chez un médecin généraliste par exemple). Une fois les stages validés et la thèse d’exercice soutenue avec succès, l’étudiant obtient un diplôme d’État de docteur en médecine.

16Ces modes d’orientation et de sélection des futurs médecins sont méritocratiques et égalitaires. Le groupe professionnel ne semble pas pouvoir inférer dans le choix des candidats, d’autant plus que « le réel pouvoir de structuration du corps est entre les mains de l’État, et [que] l’on peut difficilement affirmer, à la suite de Freidson, que la profession médicale ait pu, une fois son monopole obtenu, s’affranchir de son contrôle sur sa reproduction » [Hardy, 2013, p. 130].

17Pour autant, dans ce cadre général d’une reproduction assistée, une sélection réalisée par les professionnels se met en place : si les postes de praticien hospitalier sont réservés aux lauréats du concours national de praticien hospitalier des établissements publics de santé (CNPH), dans les faits, la réussite à ce concours dépend en partie de la cooptation du candidat par un chef de service.

18Cette sélection professionnelle devient d’autant plus patente quand on s’intéresse aux recrutements des médecins, ici, de soins palliatifs. Cette dernière discipline n’étant pas une spécialité médicale, les étudiants ne peuvent pas choisir de faire du soin palliatif, ils ne peuvent que faire entendre leur désir au chef du service qui, le cas échéant, leur proposera un poste de PH. On ne peut alors que souscrire à la théorie de Karl Polanyi [1983] d’une économie encastrée dans le social où aucune main invisible ne vient organiser la rencontre de l’offre et la demande de travail. Ce marché semble même, de prime abord, n’être qu’imperfections, selon la définition économique que propose Olivier Favereau en exergue à ce texte, et les conventions le régulant paraissent mener à sa perte ce segment professionnel. En effet, comme d’autres secteurs [Monchatre, 2012 ; Paradeise, 1984], celui-ci a du mal à attirer de nouveaux entrants. Au niveau national, le contexte général de l’emploi est très ouvert. Certains postes ne trouvent pas de candidat « ce qui peut, j’imagine, amener à recruter le premier médecin venu parce que sinon la structure palliative, elle ferme tout simplement » (Élise, médecin, USP). Il y a plus d’offres d’emploi que de demandes, et dès lors on s’attend à observer une ouverture du marché du travail, les règles régulant le flux des nouveaux entrants devenant moins strictes pour permettre un recrutement élargi. C’est ce que font les chaînes d’hôtellerie ou de restauration où l’on recrute « une main-d’œuvre moins spécialisée et plus interchangeable » [Monchatre, 2012, p. 4] pour faire face au besoin de personnel. Cependant, malgré ce contexte de pénurie, les structures auxquelles nous avons eu accès se refusent à recruter un médecin à défaut de candidature alternative. On reconnaît bien volontiers qu’il « n’y a pas pléthore de candidats », qu’un certain nombre de vacations [2] ne sont pas utilisées et que, parfois, un poste reste vacant quelque temps dans l’attente du « bon » médecin, mais aucune action n’est mise en place pour augmenter le nombre de candidats potentiels. « On a toujours quelqu’un dans nos connaissances [à qui on peut proposer de candidater] » (Élise, médecin, notes de terrain). Dès lors, si les médecins-recruteurs ne croulent pas sous les candidatures, la mobilisation des réseaux d’interconnaissances [Forsé, 1997], en suivant plus les liens forts [3] que les liens faibles [Granovetter, 1973], suffit pour répondre à leur besoin en personnel médical. Il faut dire que si besoin il y a, celui-ci est plutôt minime. Effectivement, les USP de notre terrain d’enquête comptent entre trois et cinq médecins [4], qui plus est, cette population est extrêmement stable. On n’observe pour ainsi dire aucun turnover dans l’ensemble des professionnels de soins palliatifs, et quand il y en a, la raison la plus souvent invoquée est le rapprochement conjugal.

2.2 – Des médecins généralistes

19L’absence de turnover a de quoi surprendre. En effet, les USP paraissent être un environnement de travail particulièrement difficile, tant dans le contenu de l’activité – la souffrance, la douleur et la mort y sont quotidiennes – que dans les perspectives professionnelles qu’elles offrent.

20Ces dernières sont relativement réduites en termes de carrière. Contrairement aux spécialités médicales, les soins palliatifs ne sont dotés d’aucun poste de professeur, ce qui interdit toute évolution en direction de l’Université. Les médecins peuvent investir le monde de la recherche, cependant leurs thématiques de prédilection (la relation médecin-patient, l’éthique, l’accompagnement, etc.) relèvent plus des sciences humaines et sociales que médicales. Dès lors, les revues légitimes de leur groupe professionnel ne publient pas aisément leurs travaux. La seule perspective d’évolution des praticiens hospitaliers est de devenir chef de service. Ce poste est attribué sur un marché interne. Pour autant, il n’est pas un enjeu important : « Personne n’en veut », nous dira Niels, médecin, à propos du poste de Rémi, chef de service de l’USP. Ce rapport à la chefferie est commun à l’ensemble des praticiens hospitaliers et ils souhaitent tous, à l’instar de Céline, « rester un petit clinicien de terrain ». Cette posture peut être une manière de faire de nécessité vertu : s’il n’y a pas de perspective de carrière, autant ne rien souhaiter. Cependant, cette absence de disposition carriériste peut s’expliquer par le cursus des médecins exerçant en soins palliatifs. Sur douze médecins interviewés, dix ont une formation de généraliste [5] et « les médecins généralistes, aujourd’hui, sont dominés par leurs confrères spécialistes à tous les niveaux d’échelle […] sous le rapport particulier de l’accès légitime à l’information scientifique récente » [Jaisson, 2002a, p. 35]. Si la médecine générale est, depuis 2004, reconnue comme spécialité, les médecins généralistes souffrent toujours de ce déficit de légitimité et « ne sont pas bouleversés par la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité. “C’est juste bien qu’on dise que c’est un vrai métier, après qu’est-ce que ça change vraiment ?” [demande un omnipraticien] » [Bloy in Bloy, Schweyer, 2010, p. 324].

21Neuf de nos informateurs exerçaient une activité de médecin libéral lors de leur recrutement en USP, et un chef de service les a sollicités pour venir travailler à l’hôpital. Remarquons que s’ils ont été si prompts à répondre à la sollicitation, c’est aussi qu’ils sont, pour la plupart, enfants de salariés et qu’ils ne possèdent pas d’ethos d’indépendant. La médecine générale qu’ils pratiquent se déroule systématiquement en cabinet de groupe et majoritairement à temps partiel (couplé avec un poste de médecin salarié). On est ici loin du modèle libéral d’exercice de la profession, modèle qu’ils présentent comme une servitude : « Parce que, bon, en zone rurale, le médecin, il devait être là tout le temps » (Niels, médecin, entretien). Accéder à ce type de poste est, par eux, considéré comme une évolution de carrière, d’autant que les omnipraticiens ne représentent que 16,5 % des médecins salariés par l’hôpital public [Schweyer, in Bloy, Schweyer, 2010, p. 44]. Entrer à l’hôpital en tant qu’omnipraticien, c’est faire partie d’une minorité (13,4 % des généralistes sont des salariés hospitaliers [Sicard, 2013]) que nos informateurs ambitionnent de rejoindre et qu’ils parent de nombreuses vertus (médecine urbaine, universitaire, donc en lien avec la recherche, salariat, etc.).

22Cette valorisation symbolique est encore rehaussée par le fait que les médecins de soins palliatifs sont des transfuges sociaux et que, statistiquement, ils avaient une moins grande probabilité que d’autres d’accéder à une profession médicale. La faculté de médecine, plus que toute autre université, recrute ses étudiants dans les strates sociales favorisées [Hardy-Dubernet, Gadéa, 2005 ; Hardy-Dubernet, Le Roy, 2006] et 47 % des médecins salariés hospitaliers proviennent de familles de cadres et professions intellectuelles supérieures [Breuil-Genier, Sicart 2006], origine dont aucun médecin de soins palliatifs de notre échantillon ne peut se prévaloir [6]. Leurs origines sociales modestes expliquent en partie leur orientation vers la médecine générale en tant que spécialité modeste. Seul l’héritage social donne objectivement la possibilité du choix [Bourdieu, 1984] et ce sont les étudiants médecins les mieux dotés socialement qui briguent les spécialités les plus prestigieuses [Jaisson, 2002b]. Accéder à l’hôpital comble alors des ambitions rendues improbables par le choix de leur spécialité, les généralistes exerçant préférentiellement en médecine libérale (53,7 % sont installés en cabinet [Sicart, 2013]), mais aussi par leur origine sociale : les chances de réussite au concours en fin de PACES sont moins importantes. Ces improbabilités confèrent une grande stabilité professionnelle aux médecins évoluant dans ces services : ils ont déjà plus que ce qu’ils pouvaient espérer socialement.

23Cependant, si cette origine permet d’expliquer en quoi la mobilité sociale ascendante n’est plus un objectif que tentent d’atteindre les médecins d’USP, en revanche, elle n’éclaircit pas de manière évidente pourquoi ne sont recrutés en soins palliatifs que des transfuges sociaux.

2.3 – Accepter le « sale boulot » [Hughes, 2010]

24C’est là qu’intervient la deuxième dimension favorisant habituellement le turnover des populations soignantes : un environnement de travail perçu comme délétère.

25De manière provocatrice, un chef de service aime à définir son USP comme « un mouroir. Oui, c’est ce qu’on est. Effectivement des gens viennent ici et ils y meurent » (Jean-Marc). Ce faisant, il souligne une caractéristique essentielle du travail palliatif : si tous les patients ne décèdent pas dans ce type d’unité, en revanche aucun d’entre eux n’en sortira guéri. Les USP fonctionnent comme un lieu de délégation du « sale boulot » : si les services de soins palliatifs disent recevoir les patients « complexes », ces derniers étaient présentés comme difficiles par leur service d’origine. Ce qualificatif souligne la mise en difficulté des professionnels à faire face à l’entrée de certains patients dans le processus du mourir. Cette étape semble rendre inutile leur présence dans un service curatif, et s’ils ne se comportent pas comme les professionnels l’attendent, ils deviendront des « mauvais patients » [Crignon-De Olivera, Gaille, 2010 ; Bataille, 2012]. Une solution possible est alors de déléguer ce « sale boulot » à un segment professionnel considéré comme subalterne : les soins palliatifs. L’origine sociale modeste des médecins qui y travaillent participe à cette représentation. « Tout se passe comme si, pendant les années d’apprentissage à la faculté, par le jeu de la familiarité et de l’ignorance […] les médecins spécialistes apprenaient collectivement à mettre à distance la mort, potentielle et certaine, de leurs futurs patients » [Jaisson, 2002b, p. 51] et laissaient à d’autres, et en particulier aux transfuges sociaux, le soin de la prendre en charge. On trouve donc à l’hôpital un évitement de la mort par les mieux lotis socialement. Le décès des patients n’est pas en lui-même délétère – il suffit de donner du sens à la finitude des vivants pour réussir à en maîtriser les effets sur les soignants [Schepens, 2013] –, mais il est plus prestigieux de guérir, voire de sauver, que d’accompagner la fin de vie.

26Cette délégation entraîne une dépréciation du soin palliatif à travers la mise en cause de sa qualité d’activité médicale. Ainsi Claude Besray – cardiologue [7] – écrit, dans un article intitulé « Soins palliatifs, une médecine à part », que « les praticiens spécialisés dans les traitements ultimes pourraient ou devraient conserver un minimum d’activité médicale classique avec des diagnostics conclus par un traitement aboutissant le plus souvent à une guérison. L’acceptation de la mort est un fait acquis, nous savons qu’elle est inévitable et qu’il faut mieux s’occuper des mourants, mais l’attitude de résignation devant elle n’est pas dans la pensée médicale » [Besray, 2010, p. 20]. Celui qui ne guérit pas est-il encore un médecin se demande, en substance, Claude Besray ? Effectivement, si le praticien de soins palliatifs a une activité faite d’actes médicaux et de diagnostics, une partie de son travail l’amène à développer un intérêt pour la famille du patient, pour le soin, pour l’accompagnement qui ne sont pas, à proprement parler, des activités médicales.

27D’autres spécialistes sont moins durs envers la pratique palliative et disent des praticiens d’USP qu’ils sont devenus des « philosophes à force de côtoyer la mort » ou qu’ils disposent des qualités nécessaires pour s’ouvrir « aux questions existentielles de la fin de vie » (notes de terrain). Toutes admiratives qu’elles sont, ces remarques inscrivent les médecins de soins palliatifs dans un registre qui n’est pas biotechnologique, paradigme dominant de la médecine occidentale contemporaine.

28S’ils sont bien médecins – ils en ont le titre –, la teneur médicale de l’exercice palliatif ne semble pas évidente pour le groupe professionnel. Cela nous permet d’expliquer une autre caractéristique sociale de cette population. Alors que différentes études [Breuil-Genier, Sicart, 2006 ; Hardy-Dubernet, Gadéa, 2005] montrent que dans la population générale des médecins, la proximité familiale avec la profession reste la norme, même pour la partie de cette population ayant une origine sociale populaire, il nous faut remarquer qu’aucun de nos informateurs n’a de médecin dans sa parentèle (deux sont parents avec un soignant). Ceci permet, et c’est une hypothèse, d’avoir une acception du travail médical plus souple que ceux ayant vécu dans un rapport de proximité à l’activité. D’après Hardy-Dubernet et Gadéa, les héritiers reçoivent « une injonction de réussir, comme les parents, si possible mieux, précisément à cause de l’exemple qu’ils ont sous les yeux et des privilèges dont ils bénéficient » [ibid., p. 101]. Pour des enfants reproduisant la position médicale dominante de leur parentèle, la médecine palliative n’est pas le meilleur gage de leur réussite. Une absence de socialisation familiale à la pratique médicale peut être vue comme déterminant la possibilité du choix de l’activité palliative.

29Objectivement, il y a une sur-sélection de la population d’impétrants liée à la profession des parents (au sens large) et à l’origine sociale, origine qui oriente en partie le choix de la spécialité. Cette discrimination se donne à voir comme étant le résultat d’une sélection par défaut : les médecins issus des couches sociales les plus favorisées accaparent les postes les plus valorisés, ne laissant aux autres que les positions dominées. Cependant, on trouve des pratiques d’élection au sein des USP, pratiques visant à constituer des stocks de candidatures soigneusement sélectionnées. Le médecin qui exerce en soins palliatifs n’est pas celui qui ne peut rien faire d’autre.

30Il n’en reste pas moins que, dans une situation de pénurie de personnel médical intéressé par les soins palliatifs, les recruteurs doivent mettre en place des dispositifs leur permettant de trouver les candidats au recrutement. Pour ce faire, un des meilleurs moyens est de former les candidats.

3 – Désignation, compétence et avenir professionnel : la fabrication de l’élu

31On trouve principalement deux types d’emplois à pourvoir en USP : les vacations et les postes de Praticiens hospitaliers (PH). Pour avoir accès aux vacations, il faut avoir soutenu sa thèse d’exercice en médecine. Les postes de PH peuvent être occupés par des médecins faisant fonction de PH. Habituellement, un médecin débute par des vacations avant d’obtenir un poste de praticien.

32Si les vacations se gèrent au niveau local, en revanche les postes de PH sont publiés au Journal officiel et tout détenteur de la qualification peut postuler. Cependant, c’est le chef du service hospitalier qui décide en dernier ressort d’auditionner ou non les candidats au concours pour obtenir un poste de PH : « Il peut très bien dire qu’il a déjà un candidat local » (Anne, médecin, notes de terrain). Ce marché se comporte alors comme tous les marchés internes du travail, c’est-à-dire comme « des organisations anti-marché [au sens d’anti-Bourse], restreignant la concurrence éventuelle entre travailleurs à l’intérieur et travailleurs à l’extérieur des organisations » [Favereau, 1989, p. 304].

3.1 – Le recrutement comme processus

33Le recrutement des nouveaux entrants n’est pas, en USP, une opération ponctuelle « qui se déroule par définition a priori et hors contexte » [Ghirardello, 2005]. Au contraire, il s’agit là d’une opération au long cours : « On a toujours un œil de repérage sur nos internes et sur nos externes » (Élise, médecin, entretien). La sélection du candidat se déroule alors bien en amont du recrutement lui-même.

34Les stages d’externat peuvent servir à repérer les étudiants que les professionnels estiment aptes à travailler en soins palliatifs. « Déjà, externe, je trouve que c’est court pour se rendre compte, mais tu vois déjà qu’il y a certains étudiants qui sont plus sensibilisés, ou tu as l’impression qu’ils sont tout de suite plus à l’aise dans le stage, ils prennent une place, tu vois. Ça, ça te laisse à penser que potentiellement ils peuvent faire des choses. Alors que d’autres, non, manifestement, ils vivent mal le stage, ils sont très bousculés et s’en sortent abîmés » (Estelle, médecin, entretien). Cependant, ce repérage reste très superficiel et semble essentiellement fonctionner comme un encouragement, ou non, à faire des soins palliatifs un avenir professionnel envisageable.

35Même si l’interne est considéré plus comme médecin que comme un étudiant, il n’en reste pas moins un apprenant. Cependant, les stages d’internat, en sus de considérations liées à l’apprentissage, servent à choisir un domaine d’exercice dans sa spécialité.

36À choisir ? À l’issue des ECN, les étudiants sont appelés à sélectionner une spécialité. C’est dans des secteurs dépendant de cette dernière [8] qu’ils effectuent ensuite des stages de six mois. Lors des stages réalisés en soins palliatifs, une procédure d’évaluation est mise en place qui, le cas échéant, fera de l’étudiant un potentiel futur médecin de soins palliatifs. Ce stage d’internat est important pour ceux qui doivent juger de la qualité de l’étudiant, car il permet d’observer l’apprenant en situation de travail. Même si l’évaluation faite d’un étudiant ne préjuge pas du professionnel qu’il deviendra, les médecins ont trouvé là un moyen de réduire l’incertitude informationnelle [Ghirardello, 2005 ; Eymard-Duvernay, 2008] concernant les futurs candidats au recrutement. Les stages d’internat permettent aussi de faire face en partie à l’incomplétude de la relation de travail [Reynaud, 1988] : les professionnels savent, pour avoir vu travailler l’interne lors d’un stage long (six mois), quelle est, potentiellement, son implication dans la coopération permettant de produire des soins. Pour le dire autrement, le stage permet aux professionnels de forger leur jugement en face-à-face [Eymard-Duvernay, Marchal, 1997] à travers une interaction au long cours et en situation d’exercice professionnel. Suite à ce temps d’observation in situ de l’étudiant, un certain nombre d’internes seront reconnus comme aptes à l’activité palliative. Les internes désignés sont mis au travail : les professionnels leur demandent une participation active dans la prise en charge clinique des patients et dans les staffs. Ces derniers sont un moment important dans l’apprentissage du travail palliatif, car les internes s’y essaient à l’échange communicationnel, notamment avec les paramédicaux. Les autres internes, ceux qui n’ont pas été désignés, seront moins sollicités, leur participation aux discussions et controverses traversant les staffs ne sera pas exigée : ici, le stage leur permet d’approcher une culture plus qu’il n’est le cadre de la transmission d’un travail.

37S’ils sont bien médecins – ils se présentent comme tels aux patients –, ils sont encore considérés comme apprenants par leurs collègues titulaires. Cependant, s’ils apprennent encore, ce n’est pas à être médecins, mais à être médecins en soins palliatifs. L’interne a les savoirs nécessaires à la pratique médicale, mais encore faut-il qu’il les adapte à la « spécialité » envisagée. Par exemple, il revient aux internes de faire, en staff, la présentation du versant médical des patients. Nous avons vu une interne faire, lors de ses premiers staffs, des présentations de patients d’une précision toute médicale. Devant tant de jargon, les infirmières, pourtant rompues à la pratique du langage médical, étaient obligées de demander des précisions. De plus, ces présentations oubliaient la personne malade au profit de ses pathologies : si le patient était nommé, les renseignements biographiques étaient passés sous silence alors qu’ils sont présentés comme essentiels par les personnels de soins palliatifs. À chaque staff, l’interne fut reprise sur le fond et la forme par les médecins titulaires (« Il est marié ce monsieur ? » ; « Sa femme travaille ? » ; « Et alors, qu’est-ce que l’on sait de lui, que souhaite-t-il pour sa fin de vie ? » – notes de terrain) et, petit à petit, les présentations devinrent de plus en plus compréhensibles par l’ensemble de l’équipe et centrées sur le patient. Les connaissances médicales préexistent chez l’interne à son entrée en soins palliatifs, mais le travail palliatif fait l’objet d’une mise en forme particulière des savoirs médicaux [9]. Si l’impétrant ne réalise pas cet apprentissage, il pourra exercer la médecine, mais pas en soins palliatifs. L’application des attendus palliatifs est nécessaire pour être reconnu compétent et, dans un second temps, être recruté.

38Les professionnels des USP fabriquent leurs candidats. Ces derniers ont choisi la médecine générale, socialement inconscients d’être surdéterminés pour ce « choix », puis ils font un stage en médecine palliative. En fonction du jugement proféré par leurs collègues, ils seront ou non désignés comme aptes à l’activité palliative. Sans désignation, leur stage sera perçu comme une initiation à la culture palliative qui pourra être mise au service d’une autre approche de la médecine générale. Il peut aussi se transformer en un mauvais souvenir si le stage s’est « mal déroulé ». En revanche, s’ils ont été désignés, une alternative s’offre à eux : devenir ou non médecin en soins palliatifs. La désignation n’est pas un destin, l’étudiant, en tant qu’acteur, peut faire des choix même si ceux-ci ne sont pas complètement libres. Par exemple, un interne peut être désigné pour pratiquer l’activité palliative par les médecins de l’USP tout en étant également désigné à la pratique de la médecine légale ou encore à celle de la médecine gériatrique à partir de ses performances dans ses autres stages. Le choix de l’un ou l’autre service se réalisera à partir de la capacité de l’étudiant « à s’y voir » [Delbos, Jorion, 1984], c’est-à-dire à sa capacité à se projeter dans l’avenir professionnel que lui propose tel type de segment médical. « C’est la rencontre avec des gens particuliers qui m’ont… Voilà, je me suis dit “c’est cette médecine-là, j’aimerais leur ressembler quoi” » (Élise, entretien).

39Faire l’objet d’une désignation quand on est apprenant revient à se voir proposer une possibilité d’être. D’être un professionnel particulier, en ce qui nous concerne, un médecin en soins palliatifs. Si cette possibilité a du sens pour l’apprenant, alors elle se transforme en désir si une désignation alternative ne prend pas l’ascendant. Le sens de l’activité se construit dans l’action et c’est à partir des expériences faites au travail que la signification du soin palliatif pourra être élaborée dans l’interaction entre l’apprenant et les autres membres de l’équipe. Les questions soulevées par le novice lors de la pratique pourront trouver des réponses à travers l’apprentissage d’une culture professionnelle d’USP. Si les réponses sont convaincantes, alors naîtra l’envie de devenir. Dans le cas contraire, l’activité palliative n’aura que peu de sens pour l’apprenant et il ne pourra pas se projeter dans cet avenir professionnel.

40C’est de cette manière que Céline nous explique son orientation médicale actuelle : en tant qu’externe, « les services où l’on saucissonnait les gens, c’est quelque chose qui ne me parlait pas quoi. Le service de “chir” ou le service de “cardio”, où tu es centré sur le cœur et pas autre chose, ça ne me parlait pas quoi ». Si ça ne parle pas, l’envie n’existe pas, car l’activité n’a pas de sens, alors on ne peut pas s’y voir.

41Le fait d’accepter d’être désigné à l’activité quand on est interne oblige à participer au travail palliatif. L’internat est un vivier dans lequel les services recrutent leurs futurs médecins, où la désignation à être peut se réaliser publiquement et, le cas échéant, se transformer en poste à tenir. « Celui-là, il est bon », dira un chef de service d’un tout jeune interne lors d’un staff. Le chef de service sera par la suite le directeur de thèse de l’étudiant qui deviendra ensuite médecin titulaire dans le service. Si on comprend bien comment la désignation peut donner accès à un avenir professionnel particulier, il reste à savoir sur quel(s) élément(s) repose cette désignation qui fera de l’étudiant un apprenant en soins palliatifs et donc un futur candidat au recrutement.

3.2 – Compétence et qualité

42L’intérêt de fermer le marché du travail est de réserver le recrutement aux personnes dotées « de compétences qui n’existent pas sur le marché du travail général ou y sont rares » [Paradeise, 1984, p. 354]. Quelles seraient ces compétences ?

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« Entrer en contact avec une personne qui ne parle pas, qui n’est plus en capacité de s’exprimer, qui ne communique plus. Ça, ça me semble indispensable, enfin c’est un préambule, d’arriver à entrer en relation. Même si après tu n’as pas les capacités médicales, même si tu ne sais pas donner les réponses, ça, c’est pas grave. Je crois que si d’emblée, sur le plan de tenter la relation, ce n’est pas possible… [il ne faut pas persister dans cette voie]. »
(Estelle, médecin)

44Être médecin – interne, vacataire ou titulaire – ne suffit pas, avoir les savoirs ne suffit pas, il faut pouvoir tenter la relation avec un « mourant ». Cette qualité est habituellement pensée comme étant du domaine des femmes. Ces dernières étant perçues, dans une perspective essentialiste que nous ne partageons pas, comme étant plus aptes que leurs homologues masculins dans les domaines relevant du Care. Cependant, notre terrain remet en cause cette assertion : les médecins en soins palliatifs de notre échantillon sont pour moitié des femmes, ce qui correspond au nombre de femmes médecins salariées hospitalières (49,5 %) ainsi qu’au nombre de femmes médecins généralistes salariées hospitalières (50,2 % [Sicard, 2013]). Les USP ne sur-sélectionnent pas les femmes lors de leur recrutement, hommes et femmes sont ici interchangeables [Le Feuvre, 2008].

45Si la relation au mourant peut mettre à mal le médecin, c’est dans son incapacité médicale à répondre au problème du patient. Là est la source de violence pour les soignants. C’est cette même incapacité qui relègue le soin palliatif au rang de « sale boulot ». Ne pas pouvoir « tenter la relation », c’est refuser de se situer dans une relation thérapeutique qui ne sera jamais curative. Ce refus souligne son adhésion à la conception dominante de ce qu’est un médecin hospitalier dans la France contemporaine et son rejet du cadre palliatif pour donner un sens à l’activité médicale auprès de mourants. Ici, on comprend mieux toute l’importance de la sur-sélection d’étudiants d’origine sociale modeste n’ayant pas de médecin dans leur entourage familial. C’est cela qui va permettre à l’apprenant de côtoyer les mourants, sans que cela fasse naître une souffrance au travail. Ceci tend à montrer que l’apprenant peut faire sien le cadre social de l’expérience palliative, cadre qui permet, entre autres, de subvertir le « sale boulot » en définissant la médecine comme étant aussi soin et accompagnement. Accepter cette définition entraîne son inscription hors du paradigme dominant, ce qui ne semble pas être possible pour les enfants qui ont côtoyé des médecins dans leur parentèle.

46Cependant, ce n’est pas l’origine sociale de l’apprenti médecin de soins palliatifs qui est repérée. Tout interne aux origines sociales modestes n’est pas défini par les USP comme un médecin de soins palliatifs en devenir. Cela souligne deux éléments : premièrement, il n’y a pas d’anticipation normative de la part des médecins recruteurs, ils ne discriminent pas consciemment les candidats à partir de leur origine sociale ; deuxièmement, cette dernière n’est pas la « compétence » nécessaire pour travailler en USP.

47Le potentiel qui permet de « tenter la relation » n’est pas pour autant de l’ordre de la qualification collective, il n’est pas décrit comme étant partagé, sous une même forme, par l’ensemble des médecins d’USP. Cela laisse entendre que cet élément n’a pas été formalisé à travers un apprentissage universitaire.

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« J’ai eu cette difficulté-là quand je suis arrivé, c’est qu’on regarde les gens travailler, on regarde Céline, Estelle, Rémi, on les regarde, on se dit : “Ils sont géniaux, mais ça m’apprend pas, c’est pas pour ça que ça m’aide.” […] C’est pas parce que je vais [les] regarder faire que forcément je vais savoir le faire. Et je m’aperçois que Rémi fait d’une façon, Estelle d’une autre, Céline fait encore d’une autre. »
(Denis, entretien)

49Regarder les professionnels travailler n’apprend pas à faire. Pour cette raison, les soignants enjoignent les apprenants à participer au travail palliatif, à faire leur propre expérience. L’apprentissage se réalise sous la surveillance des titulaires, mais passe nécessairement, selon les professionnels, par la pratique.

50La pratique est nécessaire, car il s’agit ici de mettre en œuvre des dispositions aux soins palliatifs considérées comme innées par les médecins : « Il y a une part d’inné avant l’acquis » (Élise, notes de terrain) ou encore « C’est quelque chose qu’on a en nous et que l’on pourra affiner avec le temps » (Céline, entretien).

51L’intransmissibilité de ce savoir fait que la pratique palliative est présentée comme inaccessible à tous ceux qui ne possèdent pas ce potentiel inné.

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« On met en avant des grands principes en soins palliatifs, mais je pense que pour un interne ou un jeune médecin, ce n’est pas évident. Je pense que pour tous les médecins de l’hosto, c’est pas évident pour eux, c’est pour ça qu’ils n’adhèrent pas. »
(Denis, médecin)

53Si on reconnaît avec les économistes que les individus « sont dotés d’une certaine productivité » [Eymard-Duvernay, 2008, p. 56], que l’on attend de ceux que l’on recrute qu’ils mettent au service de la communauté professionnelle une certaine compétence, on se rend aussi compte que cette dernière est considérée, en soins palliatifs, comme n’étant pas distribuée de manière équitable parmi tous les médecins. Ici – comme dans d’autres lieux –, la compétence ségrègue, elle permet de faire deux groupes : ceux qui en sont dotés, qui pourront alors devenir professionnels de soins palliatifs et les autres qui, de par leur « nature », seront exclus de ce cercle. Il en résulte « un durcissement de la frontière entre les individus employables et ceux qui ne le sont pas » [Eymard-Duvernay, Marchal, 1997, p. 18].

54Cette qualité des individus est considérée comme une compétence en germe, celle-ci adviendra à force de travail et d’expérience. Sans la qualité première, on ne peut pas créer la compétence ex nihilo. Dans la bouche des médecins qui sont aussi les recruteurs, cette qualité compétence en devenir est un « savoir-être » qui sera mis à la disposition de l’USP. Ce « savoir-être » est indépendant des savoirs médicaux :

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« En ce moment, là, on a une jeune interne, on ne va pas la lâcher. Elle est faite pour les soins palliatifs cette fille. C’est une toute jeune interne, c’est son premier stage, et elle a déjà tout compris. Elle est plus avancée que les vieux internes. Elle a tout pigé avant d’avoir les connaissances. »
(Élise, notes de terrain)

56La compétence palliative est alors indépendante de l’apprentissage médical, ce qui ne veut pas dire que l’on n’a pas besoin de connaissances pour faire de la médecine palliative, mais plutôt que son apprentissage est corrélé à l’inscription antérieure dans la personne de l’apprenant, d’une qualité qui permet de faire face aux patients de soins palliatifs.

57Quelle est cette qualité ? Nous faisons l’hypothèse qu’il s’agit de la capacité à douter. Nous en retrouvons un indice dans le rapport qu’entretiennent les professionnels avec la religion. Historiquement, le mouvement des soins palliatifs est marqué par un catholicisme militant [Castra, 2003], catholicisme que nous nous attendions à retrouver chez nos informateurs. Il n’en est rien. Non seulement les professionnels ne partagent pas tous la même confession et certains se disent agnostiques, mais tous prennent leur distance vis-à-vis des institutions religieuses. Si une sécularisation des valeurs est à l’œuvre, la défiance des professionnels vis-à-vis des dogmes nous semble remarquable. Le prosélytisme religieux ou laïc – aucun athée parmi les médecins – n’a pas sa place ici [10]. Accepter la croyance de l’autre, c’est accepter que l’on n’a pas nécessairement raison, c’est laisser la place au doute. Disposition que l’on retrouve dans la capacité des médecins à se laisser contredire par les paramédicaux quand l’hôpital n’en fait que des subalternes. Aucun médecin rempli de certitudes – religieuse, médicale, etc. – ne sera recruté en USP.

58Faire appel à l’inné est une rhétorique classique et efficace des groupes professionnels souhaitant fermer l’accès à leur marché du travail, qui vise à donner corps à un groupe d’élus définis comme seuls aptes à réaliser un type particulier de travail. Ce qui permet de tenter la relation n’est pas inné, mais est socialement déterminé : ne pas avoir une origine sociale supérieure, ni avoir un médecin dans sa parentèle est ce qui rend possible la confrontation avec le mourant. La potentialité perçue par les professionnels chez l’apprenant est le résultat des cadres sociaux des socialisations antérieures.

59La compétence, même en germe, donne accès à un savoir. Cependant, pour être recruté, encore faut-il se voir proposer un poste.

3.3 – Habilitations et place professionnelle

60L’affirmation d’une compétence reposant sur une capacité innée permet au segment professionnel de justifier sa mainmise sur les mécanismes d’embauche au sein des USP et, ce faisant, de conserver la « super-règle » [Reynaud, 1979] régulant l’activité palliative. La super-règle vise à articuler au mieux les intérêts des différents acteurs intervenant auprès du patient durant la période de fin de vie.

61Sans entrer dans les détails et sans souci d’exhaustivité, on peut citer, comme appartenant à ce groupe d’acteurs, l’État qui institutionnalise les soins palliatifs en 1986 à travers la circulaire Laroque, circulaire visant à répondre à un problème politique entraîné par l’acharnement thérapeutique et les pratiques d’euthanasie et d’abandon qui lui sont associées. L’hôpital est un autre de ces acteurs, il a aussi un intérêt à la préservation des soins palliatifs : il trouve là un service prêt à accueillir les patients dont les segments curatifs ne savent que faire. Les médecins en soins palliatifs acceptent de se définir comme ceux à qui incombe le soin aux mourants, en échange de la possibilité de définir leur activité [11] et la manière de la pratiquer. Ce qu’accorde l’État qui ne cesse, à travers différentes lois, de confirmer les soins palliatifs dans leurs prérogatives. La super-règle est un arrangement d’ordre politique qui sert le mouvement de structuration professionnelle de la médecine en USP.

62La super-règle n’est pas donnée une fois pour toutes et elle peut varier en fonction de la puissance des arguments de chacun. Pour l’instant, les professionnels de soins palliatifs sont les seuls à être reconnus légitimes pour la prise en charge des patients en fin de vie dit « complexes », en partie car l’État leur a accordé le droit de se définir comme les spécialistes de ce type de patients [Aubry, 2011]. En revanche, si les pratiques euthanasiques venaient à être légalisées, les patients se verraient proposer une alternative. N’étant plus alors en situation de monopole, l’influence politique de ces professionnels (la puissance de leurs arguments) diminuerait, ce qui, pour le moins, entraînerait une redéfinition de la super-règle.

63Cependant, hors de cette remise en question du bien-fondé de la super-règle, les différents acteurs maintiennent les arrangements en vigueur. Pour cela, les USP ont besoin de reproduire leur population médicale à partir d’individus pouvant faire leurs les cadres culturels palliatifs, c’est-à-dire la manière de prendre en charge les patients en fin de vie. S’ils étaient dans l’impossibilité de réaliser un tel recrutement, alors les soins palliatifs tels qu’ils se pratiquent actuellement, ne seraient plus possibles et la super-règle risquerait d’être déstabilisée. Quel est ce cadre que les USP tentent de préserver ?

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« Même si j’avais déjà travaillé en équipe et que je souhaitais travailler en équipe à l’hôpital, peut-être qu’il y a quelque chose de l’équipe [en USP] qui n’est pas de l’ordre de l’équipe telle qu’on l’entend habituellement [à l’hôpital]. C’est… Tu te remets en question. Au début, tu fais une prescription, le lendemain l’infirmière, elle ne l’avait pas faite, ou elle n’avait pas fait la biologie, elle trouvait que ce n’était pas utile ! C’est un travail en équipe où, du coup, chaque acteur a une place différente de ce que l’on peut vivre ailleurs. »
(Denis)

65L’hôpital est un milieu professionnel très hiérarchisé et si les infirmiers ont un rôle propre, ils ont aussi un rôle sur prescription [Lert, 1996] qui place, de facto, l’infirmier en position subalterne par rapport au médecin. Les USP, de par leur positionnement professionnel, doivent écouter les arguments de tous les soignants – médicaux et paramédicaux – pour que soit réalisée la prise en charge du patient la plus complète possible [Castra, 2003]. Comme Denis, il faut être prêt à voir ses prescriptions, et plus largement son autorité médicale, remises en cause par ceux que les médecins ont l’habitude de considérer comme des subordonnés. Ici aussi, le fait d’avoir une origine sociale modeste permet de mieux accepter de ne pas être « dominant ». Ainsi, quand on questionne les professionnels sur l’importance du travail médical en USP, le médecin relativise :

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« Le travail, on ne peut pas le faire tout seul, nous médecins, c’est un travail qui se fait avec le patient, sa famille, l’équipe, c’est tout le monde et nous, on travaille avec tout le monde. Quand les familles viennent nous dire : “Merci, c’est formidable, ce que vous avez fait”, je leur réponds : “Mais on a fait ça ensemble !” Nous, on n’est qu’une personne parmi tout ça. Tout le monde a sa place, tout le monde a son importance, parce que le patient est la résultante de tout ça. »
(Irène, médecin)

67Ce positionnement du médecin par rapport à une équipe est important, car il permet la communication avec les paramédicaux [12], condition pour que le travail palliatif se réalise.

68Dès lors, si dans les recrutements une première habilitation peut être réalisée par le chef de service qui, accompagné des autres médecins, va se prononcer positivement sur les qualités professionnelles du nouvel entrant en lui proposant des vacations ou un poste de PH, on trouve ensuite une seconde habilitation. Celle-ci sera réalisée par l’ensemble de l’équipe soignante – médecins et paramédicaux – et vise à vérifier que le nouveau venu peut s’intégrer à l’équipe, qu’il en respectera le mode de fonctionnement. Cette seconde habilitation est généralement silencieuse, sauf si l’impétrant ne convient pas. Ainsi, après quelques mois d’activité au sein de l’unité de soins palliatifs, une jeune médecin est amenée à changer de service. À propos de ce départ, Céline, médecin, dit : « Elle ne communiquait pas, on ne pouvait pas travailler avec elle. » Dès lors, être recruté ne suffit pas pour devenir médecin de soins palliatifs, encore faut-il que l’on vous reconnaisse le statut d’« homme de la situation » [Stroobants, 1994]. Si le jeune recruté réussit à faire la preuve de son employabilité, alors il accédera à un poste de praticien hospitalier titulaire.

69Pour se prémunir contre les rares « mauvais » candidats qui réussissent à passer les différents filtres du recrutement, on ne donne que rarement un poste de PH (ou faisant fonction de PH) à un jeune tout juste « thésé ». Le parcours classique est le suivant : devenu médecin, le nouvel entrant, désigné par ses pairs, se voit habilité à travers une proposition de vacations à réaliser dans l’USP puis, s’il fait ses preuves, le nombre de vacations va en augmentant, « donc tu reçois deux, puis quatre, puis six, puis huit vacations et après tu as un temps plein de contractuel, c’est un poste précaire, ça se renégocie tous les ans » (Niels, entretien). Ce temps partiel hospitalier est souvent complété par une autre activité médicale, soit d’autres vacations, soit un temps partiel de PH ou de médecine libérale. Si à l’origine les vacations étaient plutôt liées à des objectifs de formation, et donc réservées à des médecins généralistes désireux de se roder aux pratiques palliatives hospitalières, maintenant elles servent régulièrement à mettre à l’épreuve un nouveau médecin. Puis, à un moment, le discours justifiant l’octroi de vacations à tel médecin change, et de vacations-tests on passe à des vacations servant à maintenir le médecin lié au service. La phase de jugement, par les recruteurs, de la compétence de l’impétrant est terminée. On lui attribue une place, car il a fait la preuve de son engagement dans le collectif de travail. L’impétrant est alors inscrit dans un discours justifiant cette place qui lui est faite par un rapport à ses premiers pas dans l’activité : « Hélène (aujourd’hui PH contractuel, réalisant des vacations depuis deux ans dans l’USP), quand tu l’as rencontrée en tant qu’interne, c’est évident qu’elle était faite pour ça » (Élise, notes de terrain).

70Le recrutement en tant que PH viendra clore le processus de recrutement du médecin en soins palliatifs. L’attribution du poste scelle la confiance acquise lors du travail en équipe, le recrutement acte « une place professionnelle » [Schepens, 2008] au sein de l’USP. La place professionnelle n’est pas uniquement reconnue à l’impétrant à travers les savoirs nécessaires à l’activité palliative ou encore son adhésion à la culture palliative. Une place professionnelle, c’est aussi l’ensemble des relations tissées lors des situations de travail, cette reconnaissance des coactants comme étant de bons partenaires professionnels. La place professionnelle se fabrique et dans cette dernière étape, l’impétrant doit montrer sa valeur pour être digne du recrutement à venir.

4 – Conclusion

71Les apprenants sont recrutés dans une population minoritaire au sein du monde médical : l’apprenti médecin de soins palliatifs, qu’il soit interne, généraliste libéral ou hospitalier, a une origine sociale modeste et n’est pas familialement lié aux professions médicales. Pour autant, ce ne sont pas là des dispositions profondes qui trouveraient ici à s’épanouir. Il faut avoir certaines dispositions pour être reconnu comme un bon candidat par les professionnels exerçant en soins palliatifs, mais la compétence ainsi que l’envie d’être trouvent leur origine dans la rencontre entre un apprenant et une équipe. L’origine modeste est un cadre rendant plus probables certaines expériences de vie (l’absence de médecin dans la parentèle, par exemple). Ces dernières ont doté l’apprenant de certaines dispositions (ne pas être dominant, pouvoir douter, accepter le vis-à-vis avec le mourant) qui vont lui permettre de réaliser le mandat professionnel tel qu’il est défini par les soins palliatifs actuels. Tout médecin, fils d’ouvrier ou d’artisan, n’admet pas « naturellement » de se voir confier une partie du « sale boulot » hospitalier et ce, sans que cela soit compensé par une perspective de carrière intéressante. Il faut accepter et avoir les moyens de supporter ce type de travail.

72C’est ce que permet le fait de se définir comme différent des autres, comme réalisant une activité qui restera étrangère aux non-professionnels de ce segment palliatif. La définition de l’activité par les professionnels des soins palliatifs leur permet de transformer une partie du « sale boulot » de l’hôpital en activité noble, de revaloriser, symboliquement parlant, une activité qui s’organise autour d’un certain type de « mauvais patients » issus d’autres segments médicaux. Pour que la subversion du « sale boulot » soit possible, il faut que les USP puissent choisir et former les nouveaux entrants.

73La forme que prend le recrutement en soins palliatifs sert aussi la réponse politique apportée par l’État dans les situations de fin de vie. En définissant légalement cette dernière comme un problème relevant d’une médicalisation et en délégitimant d’autres alternatives, le législateur a confié une partie de la réponse aux professionnels de soins palliatifs. Laisser ceux-ci gérer le flux des nouveaux entrants dans l’activité est une manière de préserver la solution proposée. Encore une fois, on ne trouve ici aucun corporatisme, juste un mode de sélection visant à élire les seuls apprenants que les professionnels estiment aptes à faire leurs les cadres culturels du soin palliatif et, ce faisant, à rester dans l’activité. La stabilité du groupe permet sa reproduction et donc la préservation de la super-règle.

74Le recrutement en tant que praticien hospitalier au sein d’une Unité de soins palliatifs est un processus au long cours. Celui-ci débute par un processus de désignation, le plus souvent lors de l’internat, et fait de l’apprenant un professionnel en germe. Cette désignation repose sur le repérage d’un potentiel défini comme inné par les recruteurs en charge de juger des aptitudes des apprenants à l’activité palliative. À ce moment-là du processus, les recruteurs sont essentiellement les médecins de l’USP. Si l’apprenant accepte la désignation et qu’il envisage de faire sien un avenir professionnel en USP alors il fera l’objet d’une première habilitation par ses pairs. Cette habilitation sera sanctionnée par une proposition de vacations dans le service. Ces vacations servent à donner à l’ensemble du personnel palliatif, médical et paramédical, la possibilité de juger de l’adéquation du nouvel entrant avec les attendus palliatifs. Pour finir, et seulement si l’impétrant a fait ses preuves, une seconde habilitation viendra entériner le fait qu’il a bel et bien sa place en USP, c’est alors seulement que le recrutement en tant que PH aura lieu.

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Mots-clés éditeurs : apprentissage, compétence, désignation, origine sociale, habilitation

Date de mise en ligne : 26/11/2014.

https://doi.org/10.3917/rfse.014.0051

Notes

  • [1]
    Sur ce sujet, on pourra lire Hardy (2013).
  • [2]
    Une vacation équivaut à une demi-journée de travail hospitalier.
  • [3]
    Dans le sens de liens personnels comme ceux liant un étudiant à son directeur de thèse.
  • [4]
    Nous sommes dans l’impossibilité de situer nos terrains par rapport au contexte général. Les soins palliatifs ne font l’objet d’aucune étude démographique. Ce type d’étude étant réservé à la spécialité médicale qui les accueille : la médecine générale. La seule référence aux ressources humaines en USP que nous avons pu relever se trouve dans le rapport du Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et elle se borne à souligner l’insuffisante dotation en personnelle de ce type d’unité [Aubry, 2010, p. 9].
  • [5]
    Remarquons ici que, si le soin palliatif dépend de la spécialité de médecine générale, un médecin ayant une autre formation peut tout de même faire du soin palliatif s’il est titulaire du diplôme d’études spécialisées complémentaire en médecine de la douleur-médecine palliative.
  • [6]
    Quatre ont un père employé comme 11 % des médecins salariés hospitaliers (MSH) ; trois ont un père exerçant une profession intermédiaire (17 % des MSH) ; deux ont un père ouvrier (8 % des MSH) ; trois ont un père artisan (13 % des MSH).
  • [7]
    La cardiologie est une des spécialités les plus prestigieuses à l’hôpital, elle s’occupe d’un organe noble, le cœur, et sauve des patients. La pratique de la cardiologie est corrélée au genre et à l’origine sociale : « L’ORL, la “chir”, la “cardio”, voici la vocation des héritiers mâles qui, par des gestes d’excellence, toucheront aux parties nobles » [Jaisson, 2002 b, p. 49].
  • [8]
    Par exemple, si un étudiant choisit la spécialité de médecine générale, il réalisera des stages obligatoires dans différentes disciplines (médecine adulte, gériatrie, urgences…) et en choisira librement d’autres (pédiatrie, gynécologie…).
  • [9]
    Emmanuelle Zolesio [2013] montre un processus inverse en travaillant sur les carnets des internes en chirurgie : dans ce type de service, les internes apprennent à ne pas prendre en considération la personne pour se centrer uniquement sur la pathologie et l’organe malade.
  • [10]
    Ce qui n’a pas toujours été le cas. Pour s’en rendre compte, on pourra lire Kübler-Ross [1992].
  • [11]
    La définition actuelle des soins palliatifs est celle de la loi de 1999. À quelques mots près, elle est identique à la définition antérieure proposée par la SFAP, société savante des soins palliatifs.
  • [12]
    Paramédicaux avec lesquels on partage les mêmes origines sociales, ce qui facilite la communication.
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