Notes
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[1]
L’auteur aimerait remercier François Vatin, Matthieu Hély, Olivier Quéré, Samuel Pinaud et Géraldine Rieucau ainsi que les deux évaluateurs anonymes de la revue pour leurs critiques des versions successives de ce texte.
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[2]
La tension sur le marché du travail est évaluée en confrontant les offres d’emploi non satisfaites au volume total d’offres d’emploi exprimées. Un métier est dit « en tension » lorsque le volume d’offres non satisfaites tend à se rapprocher du volume total d’offres diffusées sur ce métier. Cela signifie que le métier en question fait l’objet de difficultés de recrutement.
-
[3]
Bulletin officiel de l’ANPE, no 2005-4, 30 août 2005.
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[4]
Cf. encadré 2.
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[5]
Ce brevet est difficile à faire respecter. Des clients de Pôle Emploi dans la grande distribution ont par exemple repris l’idée d’exercice pratique pour sélectionner hôtesses de caisses et chefs de rayon [Rieucau, Salognon, 2013].
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[6]
D’après les résultats de l’enquête Ofer menée en 2005, l’ANPE était à l’origine de 17,4 % des recrutements effectués par les entreprises enquêtées, pour 3,2 % étant issus des entreprises de travail temporaire [Bessy, Marchal, 2009]. En agrégeant toutes les offres qui relèvent d’une formalisation marchande comme le font Christian Bessy et Guillemette de Larquier, on obtient un volume de près de 30 % des recrutements qui passeraient par le marché du placement [Bessy, Larquier, 2010].
1 – Introduction
1Dans un ouvrage récent croisant démarche économique et sociologique, des auteurs reconnus pour leur connaissance du marché du travail plaident pour une diversification des façons de recruter [Eymard-Duvernay et al., 2012]. Pour les auteurs, le niveau d’exigence requis par les « sélectionneurs » et la standardisation des pratiques de recrutement seraient incompatibles avec la qualité des candidats effectivement disponibles, ce qui provoquerait un décalage macro-économique entre le niveau d’emploi et la population active, autrement dit du chômage. La position des auteurs repose sur l’hypothèse selon laquelle une forme de recrutement donnée favoriserait un type particulier de candidats. La diversification des modalités de recrutement devrait alors permettre d’augmenter les probabilités d’accès à l’emploi de profils moins fréquemment sélectionnés. Selon cette approche de l’économie, la construction des épreuves de sélection constitue un facteur déterminant de la morphologie du marché du travail. Inspiré de cette approche, cet article vise néanmoins à déplacer le regard pour montrer qu’en marge du seul moment d’évaluation du candidat, les caractéristiques spécifiques d’un mode de sélection à l’embauche doivent être pensées à l’aune de la succession des modes d’évaluation différents dont l’ensemble des parties prenantes à un recrutement sont l’objet. Notre approche suppose de s’intéresser non seulement aux effets des épreuves que traversent les candidats sur la sélection finale, mais elle invite également à regarder comment le jugement porté sur les employeurs et sur les intermédiaires peuvent aussi être un déterminant du recrutement. À distance d’une approche normative des bonnes façons de recruter, nous défendons l’idée selon laquelle le contexte d’intervention de l’intermédiaire et l’évaluation de son travail ont une incidence sur l’évaluation de la productivité potentielle des candidats. Cette contribution s’intéresse ainsi à la valorisation des candidats à l’embauche, c’est-à-dire aux « dispositifs formels de mesure, qui cherchent à prédire la qualité du travail » [Rémillon, Vernet, 2009], en déployant une conception de la valorisation marchande comme processus temporel étendu, au cours duquel les acteurs se conforment à une vision sans cesse reconstruite de la qualité attendue par les acteurs du marché [Vatin, 2009].
2Cet article étudie les enjeux du recrutement et de la sélection à partir du cas d’une méthode spécifique de recrutement mise en œuvre par l’ANPE puis par Pôle Emploi, la « méthode de recrutement par simulation » (MRS). La MRS est une niche qui joue de la segmentation du marché du travail [Marchal, Bureau, 2009] pour proposer aux employeurs des critères alternatifs de sélection des candidats, en soumettant ces derniers à des exercices de mises en situation. La procédure consiste à partir du besoin d’un employeur effectuant plusieurs recrutements simultanés. Mais, parce que le dispositif est chronophage en termes de ressources humaines [Larquier et al., 2013] et pour ne pas travailler sur de trop faibles volumes, les règles internes à Pôle Emploi stipulent qu’un recrutement ne peut être ouvert à la MRS que s’il concerne plus de cinq personnes et des emplois stables, c’est-à-dire soit un CDI soit un CDD de plus de six mois. En outre, la procédure ne s’applique qu’aux métiers identifiés comme « en tension [2] » par les statistiques mensuelles du marché du travail. Les exercices concernent ainsi les employés polyvalents de la restauration, les soudeurs, les conducteurs de bus, les coffreurs, les bancheurs, les maçons, les préparateurs de commande, les métiers du commerce et de la grande distribution, les aides à domicile ou encore les téléconseillers, des métiers partageant la caractéristique d’être à la fois non qualifiés et peu délocalisables. Ce mode de recrutement se fonde sur d’autres signaux de qualité que les critères traditionnels que sont le CV et l’expérience, et il est présenté par Pôle Emploi comme un outil de lutte contre les discriminations illégitimes. Il a d’ailleurs reçu le label de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. En raison de ces ambitions éthiques, l’étude de cette méthode nous semble un moyen fécond pour étudier les normes de qualité en cours dans la sélection de la main-d’œuvre. Conçue par opposition aux critères traditionnels de recrutement, elle permet selon nous d’observer la résistance des critères classiques de sélection. En effet, à l’image des études de l’expérimentation « CV anonyme », les dispositifs conçus pour être objectifs peuvent converger avec des principes jugés légalement discriminatoires [Marchal, 2011].
3Étudier le travail des intermédiaires du marché du travail est une entrée stimulante pour analyser les enjeux du recrutement dans la mesure où ces entremetteurs mobilisent des dispositifs « de médiation et d’évaluation » [Marchal, Rieucau, 2010] qui formalisent les conventions de jugement d’ordinaire voilées par les relations bilatérales de recrutement. L’intervention de ces « professionnels de marché » permet d’observer la « définition des objets de l’échange » [Cochoy, Dubuisson-Quellier, 2000]. L’analyse du travail des intermédiaires constitue en cela un poste d’observation des conventions de qualité qui ont cours sur le marché du travail, et une analyse de ces pratiques permet de mieux appréhender la fabrication des opérations de sélection. Parmi les intermédiaires du marché du travail, le cas de l’opérateur public de placement, l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) puis Pôle Emploi depuis 2009, est cependant singulier. D’un côté, il incarne le droit du travail en matière de lutte contre les discriminations à travers le principe d’égalité de traitement des demandeurs d’emploi. De l’autre, les conseillers interviennent sur une corde raide, puisqu’ils se voient confier la discrimination – au sens propre, c’est-à-dire la différenciation et la sélection – entre candidats à l’embauche.
4Nous suivons dans cette contribution un plan logique qui respecte les grandes étapes de la mise en œuvre de la MRS. Nous nous intéressons, d’abord, aux conditions nécessaires pour organiser un recrutement par simulation en soulignant la tension entre la justice de la sélection des candidats et la justesse du service rendu aux entreprises (première partie). Nous étudions ensuite les épreuves d’évaluation des candidats en tant que telles, exercices de simulation et entretiens d’embauche, en mettant l’accent sur le retour des critères traditionnels de sélection, au cœur d’une méthode construite pour en atténuer l’importance (deuxième partie).
Encadré 1. Méthode d’enquête et volumétrie de l’objet
Les matériaux analysés dans l’article ont été collectés dans le cadre d’une thèse de sociologie du travail soutenue en 2014 et qui portait sur les différentes formes d’évaluation quantitatives et qualitatives de l’activité à Pôle Emploi. Menée au cours de l’année 2010 et 2011, l’enquête sur le recrutement par simulation repose sur l’observation de dix sessions d’exercices et de recrutement. Ces observations ont été effectuées sur une plate-forme de Pôle Emploi située en périphérie d’une grande agglomération. Le site accueillait alors neuf agents et une chef d’équipe. Les recrutements observés concernaient les employés polyvalents de la restauration, les préparateurs de commande en logistique et les vendeurs de la grande distribution. Treize entretiens semi-directifs ont complété le dispositif d’enquête, ils ont été effectués auprès de conseillers intervenant sur un site de passation des exercices (n = 4), auprès de leur encadrement local et régional (n = 4), auprès de consultants ayant évalué la méthode pour le compte de la Direction des études et statistiques de Pôle Emploi (n = 4) ainsi que sur un entretien biographique réalisé avec le créateur de la méthode.
Volume de recrutements effectués par la MRS
On compte aujourd’hui 115 sites de Pôle Emploi exclusivement dédiés à la mise en œuvre de la méthode de recrutement par simulation, mobilisant 500 salariés. Les données fournies par le service des études et des statistiques de Pôle Emploi concernant le volume de recrutement utilisant la MRS sont les suivantes :
L’activité des plates-formes de vocation
L’activité des plates-formes de vocation
2 – Imposer la méthode : convaincre l’employeur et évincer la concurrence
5La méthode de recrutement par simulation a été étirée au fil de son histoire le long d’un continuum opposant un dispositif de service aux chômeurs à un service à destination des employeurs. Elle est née des difficultés d’une entreprise à disposer de suffisamment de candidats dans un lieu particulier. Rétablissant le pouvoir de négociation de l’intermédiaire sur le marché du travail, cet événement a été l’occasion de modifier les modalités traditionnelles de recrutement pour instituer une méthode qui tente d’équilibrer les jugements des employeurs et les qualités des candidats disponibles. La méthode a depuis été élargie à d’autres espaces, d’autres contextes, et investie par un réseau d’acteurs hétérogènes, porteurs d’intérêts divergents en matière de recrutement et de politique de l’emploi. L’idée d’une sélection juste, avancée par les défenseurs de la MRS par opposition à la discrimination inhérente aux formes traditionnelles de sélection, pose la question suivante : légitime du point de vue de qui et selon quelles conventions [Eymard-Duvernay, 2008] ? Cette première partie est consacrée à l’étude du travail rhétorique effectué par les agents de Pôle Emploi pour tenter d’imposer la valeur de la méthode auprès des employeurs et de leurs partenaires institutionnels. Le montage des opérations de recrutement par simulation témoigne de la difficulté de combiner les intérêts divergents des entreprises, des candidats et des intermédiaires du marché du travail.
2.1 – 1995 : le mythe fondateur allie la justice et la justesse
6La méthode de recrutement par simulation (MRS) apparaît à l’ANPE en 1995. Un équipementier automobile souhaite alors ouvrir un site de production dans un département rural de l’ouest de la France. Non implantée sur le territoire, l’entreprise sollicite le concours de l’ANPE pour composer les effectifs de cette nouvelle usine. L’opération consiste à trouver 1 400 monteurs-assembleurs diplômés alors que seulement 300 demandeurs d’emploi inscrits dans le département correspondent au profil. Les agences locales disposent, cependant, d’un « stock » important de demandeurs d’emploi locaux qu’elles souhaitent placer. Dans cette optique, des membres de la Direction départementale de l’ANPE prennent le parti d’observer le contenu des postes de travail ouverts au recrutement, sur d’autres chaînes d’assemblage du groupe, situées dans d’autres départements. Ils en concluent que les compétences nécessaires à l’occupation des différents postes sont beaucoup moins importantes que ne l’exige l’employeur. Les références attendues dans le CV sont même supérieures, estiment-ils, aux propriétés des personnes qui travaillent déjà pour l’entreprise. Deux cadres de la Direction départementale de l’ANPE proposent alors à l’employeur d’évaluer non plus l’expérience ou la qualification des candidats, mais leur capacité effective à occuper le poste. Il s’agit de changer de méthode d’évaluation des candidats en abandonnant les indices classiques de qualité que sont le CV et l’expérience professionnelle. L’évaluation de ces aptitudes est réalisée à partir d’exercices qui visent à simuler l’activité de travail « par analogie » [Lemoine, 2003]. Baptisée Méthode de recrutement par simulation (MRS), l’innovation repose sur le postulat suivant : nombre de candidats disposent, de par leur vie de tous les jours, des compétences que recherchent les entreprises. Mais les procédures traditionnelles de sélection fondées sur la formalisation d’une formation scolaire et d’une expérience salariée empêchent de repérer ces qualités.
7Dans un ouvrage de promotion de la méthode, intitulé Recruter autrement et qui rapporte cette expérience originelle, l’initiateur de la méthode assume le fait que la MRS soit un processus de recrutement long et coûteux en temps pour l’intermédiaire public [Lemoine, 2003]. Mais ces multiples stades sont envisagés comme autant de garanties d’un recrutement juste. L’auteur décrit ainsi de façon précise six étapes que doit respecter la méthode pour que les exercices permettent de sélectionner pertinemment les candidats. Ces étapes sont pensées comme identiques, quelle que soit l’entreprise, afin que chaque processus de recrutement soit ajusté au poste à pourvoir :
81. Réaliser une étude du poste à pourvoir au sein d’un site de production similaire. Les résultats de cette étude doivent recevoir l’accord de l’entreprise qui recrute.
92. Imaginer des supports de simulation matériels « qui permettront de modéliser toutes les problématiques du poste », à partir de métaphores dites « croisées ».
103. Développer le modèle réduit « jusqu’à ce qu’il soit représentatif de l’ensemble des tâches à effectuer dans le poste à pourvoir ».
114. Fabriquer la procédure permettant d’utiliser le modèle réduit en exercice de simulation, c’est-à-dire construire un protocole d’exercices.
125. Étalonner les exercices en fonction de leur forme et de leur temps théorique de passage, leur succession doit prendre une demi-journée.
136. Étalonner les exercices sur le fond et leur pertinence avec l’encadrement et le personnel de l’entreprise en prenant des opérateurs de même niveau que les postes à pourvoir.
14Les concepteurs de la méthode prescrivent, par ailleurs, un certain nombre de contraintes qui doivent encadrer cette analyse de poste. Il est nécessaire, tout d’abord, de convaincre l’employeur de la difficulté de l’épreuve en le soumettant lui-même aux exercices. Pour la même raison rhétorique – il faut persuader l’employeur de la valeur des exercices –, les résultats des candidats ne sont pas comparés entre eux, mais rapportés à des salariés déjà en poste dans l’entreprise en question et qui ont participé à l’étalonnage des exercices. Par ailleurs, comme la méthode se destine à des individus éloignés de l’emploi, la théorie « prohibe » l’usage des sigles ou de termes « jargonneux » qui pourraient dresser des barrières entre les candidats sur la base d’éléments considérés comme illégitimes. Les personnes qui obtiennent les meilleures notes à ces exercices sont conviées à un entretien avec l’employeur, qui doit se faire sans que l’employeur n’ait lu le CV. L’entretien vise à évaluer exclusivement la « motivation » du candidat, la question de la compétence étant censée être réglée au préalable. Le processus de recrutement par simulation repose ainsi sur la diversification des principes de sélection dans la mesure où, pour reprendre les quatre cadrans proposés par François Eymard-Duvernay et Emmanuelle Marchal dans leur analyse des façons de recruter, l’étude du poste est ancrée « dans le collectif » de travail, tandis que la simulation « individualise » le candidat. La correction des exercices est faite, quant à elle, « à distance », c’est-à-dire en l’absence du demandeur d’emploi, tandis que l’entretien de « motivation » avec l’employeur est, lui, « négocié » [Eymard-Duvernay, Marchal, 1997]. Pour sélectionner les candidats sur la base de critères objectifs, la méthode repose sur une mise en concurrence la plus tardive possible des demandeurs d’emploi, au moment de l’entretien d’embauche.
15Suite à cette première expérience de recrutement par simulation, la méthode poursuit son développement, d’abord de manière isolée sur son lieu de naissance dans l’Ouest de la France, avant qu’au début des années 2000 un second site de production d’exercices ouvre à proximité de la direction générale de l’ANPE à Noisy-le-Grand (93). La méthode reste cependant très dépendante de ses concepteurs, puisque l’un de ses cofondateurs obtient un droit de veto sur le contenu des exercices développés par ce second site. L’ensemble de nos enquêtés relatent le récit du premier recrutement MRS, survenu en 1995, sous la forme d’un « mythe fondateur » non questionnable. L’abandon des critères traditionnels de sélection des candidats que sont le CV et l’expérience est parfois même qualifié de « Deal originel » (Entretien, chargé de mission MRS régional). L’expérience initiale de recrutement par simulation conserve jusqu’à aujourd’hui un caractère mythique dont témoignent ces grands principes, présentés comme indiscutables pas les agents qui les mettent aujourd’hui en œuvre. Ces principes intangibles sont :
- l’employeur qui recrute doit passer les exercices ;
- au moins une personne qui a réussi les exercices sur deux – dite validée – doit être engagée à l’issue de la procédure ;
- la sélection finale ne doit se faire ni sur le CV ni sur l’expérience, mais bien sur la motivation.
16Dans les faits, la mise en œuvre de la méthode est en fait beaucoup plus pragmatique, elle varie selon le degré de croyance de l’employeur dans les vertus de la méthode. L’enchaînement des étapes lui-même est amené à varier en fonction de la disponibilité des agents. Par exemple, la captation d’un recrutement en nombre ne précède pas toujours l’évaluation au moyen des exercices. Une pratique « officieuse », mais courante des conseillers des plates-formes de vocation consiste à rechercher des offres d’emploi qui correspondent à ce qu’ils appellent « le vivier », c’est-à-dire les personnes qui ont été validées lors d’une session de recrutement précédente sans être pour autant embauchées. Ce « vivier » représente un excédent qui découle mécaniquement de l’organisation d’une session de recrutement, il ne s’agit pas d’un fichier de demandeurs d’emploi classique. La faible fréquence des offres d’emploi en nombre suffisant pour justifier l’organisation quotidienne de séances d’exercices offre du temps aux conseillers des plates-formes pour prospecter des offres qui correspondent aux personnes déjà validées. Les candidats ne repassent pas les exercices, ils ont simplement à passer l’oral en quelque sorte.
Encadré 2. La parenthèse Borloo (2005-2008) : utiliser les exercices pour orienter les jeunes chômeurs ?
D’après le texte de loi, les demandeurs d’emploi non diplômés inscrits en missions locales doivent être évalués dans trois secteurs différents pour postuler ensuite sur les emplois qui leur conviennent le mieux, leur « vocation » en somme, au vu de leurs résultats aux exercices. La loi confie à l’ANPE le soin de collecter, par ailleurs, des offres d’emploi adaptées aux profils de candidats issus des missions locales et validés par la MRS. Cette institutionnalisation constitue un retournement par rapport aux expériences fondatrices. En effet, la légitimité de la méthode reposait initialement sur la difficulté des entreprises à trouver des candidats pour un poste donné. Cette difficulté permettait d’ouvrir des négociations avec l’employeur sur la modification de ses critères de sélection. La mobilisation de la méthode dans le cadre d’une orientation sur le marché du travail fait disparaître cette condition qui permettait l’enrôlement de l’employeur dans le discours de la méthode. Pour dépasser cet obstacle, l’institutionnalisation de la méthode va de pair avec l’adaptation de la MRS aux métiers pour lesquels les employeurs connaissent des difficultés de recrutement récurrentes, les métiers dits « en tension ».
Dans les premiers temps d’existence des plates-formes, en 2005-2006, l’organisation du travail sur ces plates-formes est scindée en deux. Il existe, d’une part, une activité de service aux entreprises qui consiste à mettre en œuvre des sessions de sélection de candidats préalables à un recrutement. Des sessions d’exercices sont d’autre part mises en place, pour évaluer des jeunes envoyés par les missions locales, sans qu’un entretien d’embauche ne leur soit proposé à la sortie. Cette seconde composante de l’activité des plates-formes disparaît progressivement à partir de 2007. Les équipes en charge de cette méthode de recrutement favorisent les besoins épisodiques des employeurs, car le pivot de l’activité, pour les praticiens de la MRS, ce ne sont pas les candidats, mais les difficultés de recrutement des employeurs qui acceptent alors les contraintes de la MRS. Sans offrir de possibilité supplémentaire de valorisation des demandeurs d’emploi, l’activité d’orientation inscrite dans la loi de 2005 accroît le nombre de demandeurs à placer. La fusion de l’ANPE et des Assedic en 2009 ne remet pas en cause la disparition latente de l’activité d’orientation des jeunes non diplômés.
2.2 – Une concurrence entre intermédiaires du marché du travail
17L’institutionnalisation de la MRS déclenche une concurrence interne à l’ANPE, puis à Pôle Emploi entre différents sites de l’établissement. À l’occasion du Plan de cohésion sociale de 2005, les formes d’évaluation internes à l’opérateur public de placement, l’ANPE, évoluent. Le texte de la loi incorpore en effet une forme d’« échange de bons procédés » entre l’ANPE et le ministère du Travail. En échange de l’ouverture du marché du placement à la concurrence, qui accorde aux entreprises de travail temporaire et aux opérateurs privés de placement le droit de proposer des CDI à leurs inscrits, ce qui correspond à la transposition dans le droit français de directives européennes issues de la stratégie de Lisbonne, l’ANPE se voit conférer le droit d’aller chercher un dixième de son budget sur le marché du placement par l’intermédiaire de filiales à but lucratif. Si ces filiales ne verront finalement jamais le jour, la gestion des « plates-formes de vocation [4] » sur lesquelles la MRS est mise en œuvre, constitue pour les acteurs de l’ANPE, à l’époque, la préfiguration de ces filiales. Ils se considèrent donc en concurrence avec les autres intermédiaires du marché du travail, dont font partie les agences classiques de l’opérateur public. La collecte d’offres d’emploi pour des recrutements en nombre devient un enjeu primordial pour les praticiens de la MRS.
18Dans les référentiels d’organisation, les plates-formes de vocation sont placées en position de prestataires internes du réseau des agences Pôle Emploi, proposant une ingénierie de recrutement que les agences n’ont pas le temps d’effectuer. Mais, dans ces mêmes référentiels, les offres d’emploi ouvertes à la MRS doivent être collectées par les agences locales pour être confiées ensuite aux plates-formes. L’approvisionnement des équipes MRS en offres suppose ainsi que les conseillers exerçant dans des agences traditionnelles soient informés de l’existence de la MRS et du protocole qu’elle suppose.
Une conseillère : « Il y a parfois de la peur ou de la méconnaissance. Parfois l’agence locale ne raccroche les wagons que bien trop tard. Il y a un grand nombre d’opportunités abandonnées car il y a, de la part des conseillers, une méconnaissance ou une absence d’idée de ce qu’il est possible de faire avec la MRS. »
20La spécificité de ce mode de recrutement suppose que les prospecteurs d’offres évoluant dans les agences connaissent les grandes caractéristiques de la MRS.
21La filialisation latente de l’activité – instituée par la loi de 2005 – met les agences locales et les plates-formes dans des positions proches de la concurrence. Même lorsqu’ils connaissent la MRS, il est difficile de convaincre les agents des sites classiques de confier leurs recrutements à la plate-forme, car les recrutements en nombre constituent ce que l’on pourrait appeler des filons de productivité très importants pour les agences traditionnelles. Ils permettent de comptabiliser dans les indicateurs de performance un très grand nombre de placements au profit de l’agence en question. Les directeurs de site, leurs animateurs d’équipe et, partant, leurs agents, sont évalués et parfois même rémunérés, en fonction de leurs résultats en termes de placement. Le nombre d’embauches qu’ils ont suscitées est interprété au sein de la hiérarchie comme l’efficacité d’une agence. Les conseillers des agences classiques rechignent donc à orienter les employeurs vers les plates-formes de vocation, car en transférant le suivi de l’offre d’emploi vers la MRS, l’agence perd le bénéfice des recrutements effectués. Une conseillère Pôle Emploi membre d’une équipe MRS nous explique ainsi : « Parfois, il est dur de leur faire comprendre qu’on n’est pas là pour leur prendre des offres. Qu’il y a possibilité de faire du chiffre avec la MRS. » L’orientation d’une offre vers les plates-formes constitue une perte nette pour l’agence locale de Pôle Emploi. Dans la mesure où l’évaluation de l’efficacité est faite isolément, par site de production, la mise en place d’un recrutement par la MRS déplace le lieu d’enregistrement de l’efficacité de l’agence locale vers la plate-forme.
22Les conseillers sont également réticents à l’idée de confier aux agents des plates-formes les employeurs avec qui ils ont l’habitude de travailler, de peur de perdre les liens privilégiés qu’ils nouent avec ceux-ci. Les informations sur les offres d’emploi ont une valeur très importante pour les conseillers des agences locales. Ces derniers cherchent en effet à se positionner en tant que « lien faible » des employeurs sur le marché du travail [Granovetter, 1973], afin de pouvoir mieux placer les demandeurs d’emploi peu employables. Ainsi, lorsqu’un conseiller travaille de manière régulière avec un employeur, le passage par la MRS, représente un risque pour la position de marginal sécant qu’il s’est arrogé. Dans les agences, nos observations ont ainsi montré qu’ils procèdent régulièrement à de la rétention d’information sur les offres d’emploi afin de contrôler la valeur des candidats qui pourraient se présenter à l’employeur [Pillon, 2014]. L’ouverture d’un recrutement à la MRS fait sauter le lien privilégié entre un employeur et un conseiller. Il s’agit d’une menace pour la captation, par ce dernier, des flux de recrutements à venir. En conséquence de ces tensions entre les différents sites de Pôle Emploi, la majorité des recrutements effectués au moyen de la MRS concernent de grandes entreprises nationales ayant signé un accord-cadre avec la direction de Pôle Emploi [Bouchardeau, Capelier, 2010].
23Une fois le recrutement en nombre confié à Pôle Emploi, une lutte s’installe entre Pôle Emploi et les intermédiaires privés du marché du travail. La méthode de recrutement par simulation est déposée et brevetée, dans le but de ne pas voir d’autres intermédiaires du marché du travail proposer un service équivalent [5]. Cependant, comme le soulignent les enquêtes sur les pratiques de recrutement, les employeurs associent souvent plusieurs canaux de recrutement pour le pourvoi du même poste [Bessy, Marchal, 2009]. De manière analogue, lorsqu’une procédure de recrutement en nombre sollicite les services d’une plate-forme de vocation, tous les postes proposés ne sont pas attribués au moyen de la MRS. Au sein d’un même plan de recrutement, les différents canaux coexistent. Le travail du conseiller pour imposer le recrutement de tous les candidats au moyen de la MRS consiste, alors, à légitimer la valeur de la méthode par rapport aux autres modes de recrutement. Formellement, la MRS peut ainsi être appréhendée comme un service de « sourcing » alternatif – c’est-à-dire une façon de se procurer des candidats différente des canaux traditionnels. Pour les acteurs de la MRS, le terme de « sourcing » constitue néanmoins un repoussoir, une caractéristique spécifique des intermédiaires privés du marché du travail qui fourniraient de la main-d’œuvre comme on fournit des matières premières. Les agents de Pôle Emploi entendent capter une main-d’œuvre de qualité certes, mais surtout une main-d’œuvre stable. Une conseillère souligne ainsi : « S’il veut de la chair fraîche, il y a l’intérim. » Pour elle, le terme de « sourcing » désigne la mise à disposition régulière de candidats pour des postes sur lesquels les salariés ne restent pas. Elle précise ainsi sa pensée :
« Les employeurs, ça les rassure le CV, parce qu’ils ont super peur de se planter. Mais, quand tu apportes une nouvelle méthode de recrutement comme la MRS, finalement tu récupères des candidats beaucoup plus fiables, qui ont été validés plusieurs fois, qui se sont déplacés. Le fait de les voir quatre fois, c’est vraiment un gage de sérieux à long terme, surtout pour les emplois où il y a trop de turnover. »
25Ainsi, pour convaincre les employeurs de ne recourir qu’à la MRS, et non de panacher leurs canaux de recrutement, les conseillers et leur encadrement mettent en avant l’idée selon laquelle les candidats issus de la MRS seraient de meilleure qualité que leurs alter ego captés par l’intérim. Ce jugement de qualité ne repose pas seulement sur la difficulté des exercices, mais également sur l’exigence de la méthode en termes de disponibilité. L’écrémage des candidats comporte en effet différentes étapes – information collective sur les postes disponibles, passation des exercices, préparation à l’entretien d’embauche, entretien d’embauche – qui sont autant d’occasions de convoquer le candidat jusqu’aux bureaux de Pôle Emploi. La succession des points de contact entre la plate-forme et les candidats revient à enchaîner un nombre important d’épreuves de différentes natures : les candidats sont amenés à se déplacer quatre fois au moins avant d’obtenir le poste. La MRS se propose ainsi d’évaluer la docilité des candidats, qualité notable pour les employeurs dans les secteurs affectés par un turnover important.
26Les postes à pourvoir étant des postes peu qualifiés, il reste difficile de convaincre l’employeur de la nécessité des contraintes de la méthode. Dans le cas de la MRS, la mise en place d’une ingénierie de sélection lourde en termes de moyens humains va ainsi de pair avec un travail de surveillance de l’employeur. Les conseillers cherchent à se prémunir des risques d’opportunisme qui dévoieraient la méthode. Une conseillère précise ainsi ; « Il faut de la transparence parce que parfois les entrepreneurs annoncent recruter pour un CDD d’au moins six mois, mais on apprend par la suite qu’il s’agissait en fait de contrats de trois mois. Il faut donc un bon partenariat au préalable avec l’entreprise sur les grandes étapes. » Sa chef d’équipe rapporte les mêmes craintes : « Il vaut mieux que l’employeur soit clair sur ses attentes quitte à travailler avec lui pour les modifier, plutôt que de révéler à la fin du processus qu’il a des tests ad hoc. Il faut que tout le monde joue le jeu. » C’est aussi pour répondre à ce risque que l’employeur est fréquemment sollicité, associé au processus, afin de mesurer son engagement.
27La MRS se présente comme un service gratuit de sélection de qualité, aux deux sens du terme : sélectionner des candidats de qualité et les sélectionner de façon juste. C’est le sens selon nous de l’importance du « mythe fondateur » de la MRS. Parce qu’il narre une réussite éclatante conjuguant l’intérêt des chômeurs et l’intérêt de l’employeur, le récit de la fondation garantit la légitimité des classements que propose la méthode. L’argument phare pour placer la méthode auprès des employeurs est ainsi sa capacité à identifier les candidats les plus fiables, sur la base de critères objectifs, à l’opposé du supposé manque de discernement des entreprises de travail temporaire. Ce n’est pas simplement l’habileté des candidats qui est évaluée, mais également leur capacité à se plier aux contraintes d’un recrutement long et à des sollicitations fréquentes sans garantie de recrutement. La lutte contre les agences d’intérim suppose ainsi de convaincre l’employeur de l’ajustement de la sélection à ses besoins.
3 – Dérouler la méthode pour parvenir à sélectionner des candidats
28La méthode de recrutement par simulation est aujourd’hui mise en œuvre en partant d’une offre d’emploi existante. Les exercices proposés ont pour but d’évincer une partie des candidats – de les sélectionner –, mais ils nivellent également l’écart entre les candidats du fait des métiers visés : des métiers à faible qualification. Dans la mesure où l’industrialisation de la méthode conduit à pourvoir des métiers dits « en tension » (cf. encadré 2), elle concerne de ce fait des emplois qui sont peu professionnalisés et au sein desquels les critères de sélection ne sont pas totalement de l’ordre de la compétence, mais plutôt de l’obéissance et de l’endurance. De ce fait, les procédures concrètes de sélection sont en partie cachées non pas dans les exercices eux-mêmes, mais au creux de la multiplication des sollicitations, des réunions collectives, des exercices, des entretiens, qui conduisent à une réduction successive des postulants.
3.1 – La fabrication du panel : l’ajustement du nombre de candidats au nombre de postes
29Contrairement à ce que la notion de « métiers en tension » pourrait suggérer, le nombre de candidats disponibles pour les emplois visés par la MRS n’est pas inférieur au nombre de postes vacants. Le ratio candidats/postes vacants est simplement plus faible que dans d’autres secteurs. De ce fait, pour parvenir à faire vivre les principes d’une sélection juste et non concurrentielle, les conseillers pratiquant la MRS évaluent les offres d’emploi qui leur sont confiées pour ajuster les modes de diffusion de l’information au nombre de personnes requises.
30Les conseillers ont besoin de réunir un nombre suffisant de candidats pour s’assurer que la norme mythique – un candidat validé sur deux doit être recruté – puisse fonctionner. En théorie, les agents de Pôle Emploi multiplient par deux le nombre de postes ouverts à l’embauche pour évaluer le nombre de candidats qui devraient passer les exercices. Ce résultat est à nouveau multiplié par deux pour obtenir le nombre de personnes qui doivent être présentes lors de la réunion collective de présentation des postes à pourvoir. Ils multiplient enfin ce nombre par deux pour savoir combien de personnes devraient être contactées pour garnir la présentation des postes à pourvoir au cours d’une réunion publique baptisée « information collective ». En fonction des postes à pourvoir, ces ratios sont en fait amendés, comme par jurisprudence, par les équipes de Pôle Emploi. Le nombre de personnes à contacter pour obtenir l’effectif attendu à la fin de la procédure est surtout une affaire d’évaluation de l’offre d’emploi. Cette analyse vise à déterminer les modes de diffusion qu’il faut privilégier selon le type de contrat, le nombre d’heures proposées, la localisation du lieu de travail et plus généralement les conditions de travail. Il existe ainsi des critères semblables à ceux de l’« employabilité » [Gazier, 2011] qui déterminent la capacité d’une offre de travail à rencontrer une demande. En fonction de ces données, les agents jaugent le nombre de pertes qu’ils connaîtront au fur et à mesure du processus de recrutement. Les agents modulent ainsi « l’extensivité » [Bessy, Marchal, 2009] de leur recherche en fonction des caractéristiques de l’offre. Si l’offre risque d’être trop attractive, ils choisissent des modes de diffusion confidentiels, notamment en ne contactant que le réseau des agences Pôle Emploi et ferment l’offre dès que le « quota » est rempli. À l’inverse, dans les cas où l’offre risque de ne pas intéresser, les conseillers de la plate-forme multiplient les canaux. Sur notre terrain d’investigation, deux cas peuvent être schématiquement opposés à cet égard. Dans un cas, nous avons assisté à un échec de l’ajustement des modes de diffusion aux caractéristiques de l’offre d’emploi. Celle-ci supposait de travailler le dimanche et les agents du Pôle Emploi n’avaient pas prévu que cette donnée provoquerait la défection de 10 candidats potentiels sur 50 présents lors de l’information collective. Dans un autre cas, il s’agissait d’ouvrir un gigantesque fast-food en pleine région rurale, et l’ajustement de la circulation de l’information avait amené l’encadrement de la plate-forme à diffuser une annonce sur une radio locale.
31Ainsi, bien conscients de l’incidence des modes de diffusion d’une offre d’emploi sur les formes de la sélection [Marchal, Rieucau, 2010], les conseillers ajustent la circulation de l’information au nombre de candidats dont ils ont besoin pour « remplir » les séances d’exercices. Une première sélection latente s’opère ainsi dès les choix effectués en matière d’extensivité de la recherche de candidats.
3.2 – L’évaluation des candidats : l’ajustement de la sévérité
32Dans le cadre de la MRS, les exercices auxquels sont soumis les candidats sont de différents ordres qui relèvent d’un syncrétisme entre le jeu de rôle [de Lescure, 2005] et la « forme scolaire » [Vincent et al., 1994]. Le classement des candidats effectué par les conseillers repose sur la conformation de leurs jugements à l’idée qu’ils se font de l’emploi à pourvoir.
33Une partie des exercices reposent sur des épreuves écrites qui prennent la forme de calculs à réaliser, de réponses à cocher ou d’éléments à repérer sur une feuille. C’est le cas, par exemple, d’un exercice qui intervient pour le recrutement des employés polyvalents de la restauration, intitulé « exaplat ». L’épreuve demande au candidat de pointer avec des feutres de couleurs différentes formes géométriques inscrites sur une feuille en fonction de leur disposition. Il faut ainsi mettre des points bleus dans les étoiles, des points verts dans les étoiles encadrées, des points rouges dans les rectangles. Cette sélection se fait sous contrainte de temps. Pendant l’exercice, une bande-son reproduit l’ambiance d’un restaurant et annonce régulièrement des commandes sans les répéter. Ces ordres impliquent d’effectuer parallèlement à cette première tâche d’autres exercices comme de l’encaissement ou de la veille de produits périmés. L’analogie a ici pour but de tester la capacité des candidats à effectuer correctement une activité répétitive fréquemment interrompue. L’objectif plus général est de recréer des conditions de stress au travail.
34L’évaluation des candidats repose également sur l’observation directe des candidats par les agents évaluateurs pendant l’exercice. Il peut s’agir de réponses ou de conseils procurés par le candidat lorsque l’animateur vient l’interpeller en jouant le rôle du client mystère. Ce qui est évalué dans ce cas-là est une vision de la « professionnalité », qui relève d’une injonction externe à la professionnalité [Boussard et al., 2010]. Le terme de « pro » revient ainsi continuellement dans les conseils qui sont donnés aux candidats avant l’exercice à travers l’injonction « Soyez pros ». La notion est définie ainsi par une conseillère : « Il faut se comporter comme si vous étiez sur votre poste de travail. Vous avez choisi votre emploi, faites comme si vous y étiez déjà. Les Lego (un des exercices est construit à base de briques à emboîter), ça peut paraître un jeu, mais la façon dont on se comporte est le témoignage d’une compétence. » Dans une discussion avec un employeur, une autre conseillère précise cette idée : « On essaie de leur faire prendre conscience qu’une erreur d’un centime en faveur du client est un coût à long terme pour l’employeur et qu’une telle erreur en défaveur du client va le faire fuir. » Ce à quoi l’employeur répond : « Une erreur plus une erreur, plus une erreur ça peut faire beaucoup. » « Être professionnel » dans ce contexte suppose d’accepter la définition du poste de travail du point de vue de l’employeur. Lors d’une évaluation de vendeurs en grande distribution, la conseillère souligne ainsi l’importance d’orienter le client en valorisant les produits où la marge du magasin est la plus importante. Les exercices reproduisent les valeurs attribuées à l’emploi en question par le recruteur et l’évaluation des conseillers porte en grande partie sur ces comportements. La MRS se double ainsi d’une activité de socialisation des candidats aux normes du monde du travail.
35Les différentes évaluations sont exprimées sous forme de notes, additionnées en fonction de coefficients de pondération choisis au préalable par l’employeur, qui n’assiste pas aux exercices. Les coefficients de la grille de notes visent à objectiver les qualités requises dans un emploi et les notes attribuées à quantifier l’adéquation du travailleur au poste de travail. La pertinence d’ensemble de l’évaluation est sans cesse interrogée par les conseillers, comme l’exprime l’un d’eux à propos d’un exercice réalisé en équipe : « La grille d’évaluation est mal faite, car elle ne correspond pas à ce que l’on voit. L’aspect collectif est bien reproduit, mais l’évaluation individuelle est mal foutue. Ceux qui ne la ramènent pas sont difficilement évaluables, par exemple. » L’évaluation par les conseillers consiste à saisir, dans le comportement du candidat, des qualités qui sont dissociées par les grilles d’évaluation. Les agents mobilisent pour ce faire leur expérience de conseiller à l’emploi – tous les conseillers MRS ont une expérience en agence classique – afin d’évaluer « l’employabilité » du candidat [Lavitry, 2012]. Ils pondèrent les notes attribuées aux différents exercices pour donner à l’évaluation finale une cohérence d’ensemble, influencée par l’impression générale de compétence dégagée par le candidat
36En théorie, un palier précis à atteindre est arrêté pour être reçu en entretien par l’employeur, mais, dans les faits, la sévérité des jugements semble plutôt ajustée au rapport entre le nombre de postes proposés et le nombre de candidats disponibles. On observe ainsi un ajustement réciproque des jugements des participants aux caractéristiques du poste, telles que chacun se les représente, « une normativité conjointe » [Vatin, 2009]. Cette normativité mobilise des critères qualitatifs – ce que l’employeur attend d’un travailleur –, mais aussi quantitatifs – il faut s’assurer qu’il y ait deux fois plus de candidats validés qu’il y a de postes ouverts au recrutement. À partir de la constitution du classement des candidats aux exercices de simulation, la concurrence survient. Au moment de la notation, qui se fait collectivement dans un bureau, les mécanismes traditionnels d’ajustement de la qualité requise à la quantité demandée [Sigalo Santos, 2013] reprennent une place importante dans les critères d’évaluation des candidats.
3.3 – Le retour de la concurrence entre employables : le cas d’une séance d’entretiens d’embauche
37À l’issue de la correction, les candidats qui obtiennent le nombre de points nécessaires sont reçus par l’employeur, souvent plusieurs jours plus tard. Au cours de ces séances mettant face à face l’employeur et les candidats, les préjugés et les catégories traditionnelles de sélection des candidats reviennent en force. Ainsi, à l’issue du très grand nombre d’épreuves imposées aux candidats par la MRS, l’entretien d’embauche surajoute les critères habituels de prédiction de la productivité des travailleurs aux épreuves initiales fondées sur le repérage des habiletés individuelles et le repérage de la fiabilité des candidats.
38L’entretien est construit comme un entretien « de motivation » et non comme un entretien d’embauche traditionnel. Cette notion de motivation est définie ainsi par une conseillère :
« L’entretien de motivation porte sur ce que la personne est prête à apporter à l’entreprise. L’évaluation de la motivation passe beaucoup par le comportement, le savoir-être, au-delà de la question de la qualification. Les employeurs distribuent parfois une brochure aux candidats pour préparer l’entretien, il est plutôt mal vu de ne pas s’être renseigné sur l’entreprise. Il y a cependant des gens qui parviennent à passer pour motivés alors qu’ils claquent dans les doigts de l’employeur au bout de quelques semaines. […] Tous les gens me disent moi je suis motivé, mais moi je leur dis “prouvez-le”. Il y a beaucoup de candidats qui arrivés “en finale”, s’auto-éliminent. Cela se concrétise par le fait qu’ils ne sont pas allés voir le site de la société ou qu’ils n’ont pas lu la documentation qu’on leur a remise. La plupart des demandeurs d’emploi se disent : “je n’ai pas le choix” alors qu’il faut se dire : “j’ai un choix”. »
40La notion de motivation est envisagée comme une caractéristique du candidat qui est observable et s’active au cours de l’entretien, mais cette motivation dépend aussi de la capacité à être arrivé jusque-là, c’est-à-dire à avoir tenu tout au long de la succession d’épreuves propres à la MRS. Comme le soulignent les conseillers, les candidats sont tout d’abord évalués sur des apparences, façons d’être qui fonctionnent comme des signaux labiles, peu quantifiables, un « dispositif de jugement personnel » [Karpik, 2007]. Lors d’une réunion entre une conseillère et un employeur avant que ce dernier ne fasse passer les entretiens d’embauche aux candidats validés, la montre tourne et il apparaît de plus en plus certain que les entretiens commenceront avec beaucoup de retard. Les candidats sont déjà arrivés depuis un certain temps et patientent. La réunion prend plus de retard encore lorsque l’employeur se met à gérer par téléphone les stocks de son magasin. Quand la conseillère et l’employeur se rendent comptent que l’heure a filé, ils se demandent s’ils n’ont pas fait fuir les candidats. La conseillère tempère : « Je ne pense pas qu’ils s’en aillent vu comment ils se sont habillés. » L’employeur appuie : « Oui j’ai vu ça. » La tenue vestimentaire des candidats semble faire figure d’indicateur de motivation comme le consentement à l’attente constitue un signal de qualité dans les agences de travail temporaire de Chicago [Chauvin, 2007].
41Cette explicitation des critères d’ordinaire voilés par la solitude du recruteur peut également affleurer lorsque les modalités d’entretien varient, comme nous avons pu l’observer lors d’une séance de recrutement de cinq employés polyvalents de la restauration pour un site franchisé d’une chaîne de restauration rapide. L’employeur se renseigne, tout d’abord, sur le temps de trajet et questionne ainsi tous les candidats sur leurs modes de déplacement en cas de recrutement. Il craint le turnover et cherche des personnes fiables. Il sait, « par expérience » dit-il, que le travail étant rémunéré au SMIC et en dessous de 30 heures, les plus éloignés seront enclins à quitter leur poste s’ils trouvent un emploi plus près de chez eux. L’âge est par ailleurs un critère important pour lui et il considère que les personnes au-delà de 26 ans aspirent à d’autres emplois qu’équipier dans un fast-food. Ils sont donc susceptibles de quitter leur poste trop vite. Lorsqu’il rencontre des femmes, l’employeur leur demande si elles ont des enfants. Il s’intéresse aux modes de garde et aux solutions qu’elles ont en tête en cas d’imprévus qui les retiendraient au magasin. À propos d’une jeune maman, il soulignera à l’issue de l’entretien que « c’est normal pour une maman » de vouloir être proche de ses enfants et qu’il sait bien que la personne ne tiendra pas plus de quatre mois si ce qu’elle recherche n’est qu’un travail alimentaire. Il questionne par ailleurs les candidats sur leurs réactions plausibles dans des cas particuliers. En cas de controverse avec le client, par exemple, ou en cas de conflit au sein de l’équipe de travail. Pour y faire face, il recherche ce qu’il appelle « le pep’s » qui peut être envisagé comme une forme de capacité à surmonter les difficultés. Il s’explique ainsi : « Déjà que quand je le fais comme ça [en recherchant le pep’s] je me plante, si je ne le sens pas, c’est même pas la peine. » Son objectif est explicite : sur-sélectionner les candidats – c’est-à-dire être beaucoup plus exigeant que ne le demande le poste – pour être certain de ne pas constituer une équipe qui se délite au bout de quelques mois. L’appel à l’intermédiaire public vise ici communément à pallier un roulement trop récurrent de la main-d’œuvre [Bessy, Marchal, 2009]. Surtout, les questions que pose l’employeur visent à faire émerger des critères de sélectivité propres au secteur de la restauration qui ne sont qu’imparfaitement modélisés par les exercices de la MRS : la flexibilité des horaires et la ponctualité [Weber, 2005]. À titre d’exemple, lors de nos observations, une jeune fille qui dit vivre là où ses amis peuvent l’héberger, qui a fait une heure de scooter pour se déplacer à l’entretien et qui justifie sa candidature à l’emploi proposé parce qu’elle est « dans la galère », sera embauchée au motif que, selon l’employeur, elle a « trop besoin de ce boulot pour [lui] claquer dans les doigts ». Ainsi les critères de jugement traditionnels à ce secteur d’activité émergent à nouveau, à l’issue de la procédure MRS.
42Les engagements entre l’employeur et Pôle Emploi précisent que l’entretien ne doit pas aborder la question de l’expérience ni celle de la formation professionnelle. Ce ne sont pas des entretiens d’embauche, mais des entretiens pour évaluer la motivation des candidats, puisqu’ils sont censés avoir les compétences. L’enjeu théorique de l’interaction est de parvenir à ce que cet entretien ne soit pas un entretien d’embauche traditionnel. Les conditions de cet abandon du CV comme appui de l’évaluation de « l’employabilité » sont cependant difficiles à obtenir. Lors d’une session de recrutement à laquelle nous assistions, un problème administratif retarde l’arrivée des fiches d’évaluation des candidats dans la salle d’entretien. L’employeur demande donc, à défaut, un CV aux candidats qui en ont chacun amené un. La moitié des douze entretiens d’embauche sont donc effectués avec le CV et l’autre avec la fiche d’évaluation. Cette situation permet d’observer les effets comparés du CV et de la fiche d’évaluation sur l’orientation de ces entretiens. Du point de vue de l’employeur, les candidats qui ont des expériences trop diverses sont problématiques. La mobilité géographique et professionnelle devient un signal négatif lorsque la principale crainte de l’employeur est le turnover. Il interroge ainsi l’un des candidats, qui a été garçon de café sur la raison de l’abandon de son dernier poste. Il évoque alors des disputes avec son patron. L’employeur semble fixé, le candidat sera évincé. Lorsqu’arrivent les fiches d’évaluation, les entretiens deviennent très différents. En l’absence de renseignements autres que les notes obtenues, qui discriminent peu les candidats dans la mesure où ils ont tous été validés, le contenu de l’entretien repose avant tout sur les capacités du candidat à se présenter comme compétent. L’absence d’appui qui déstabilise l’employeur déstabilise de façon réciproque les candidats qui ne peuvent eux aussi prendre pied sur des éléments objectifs de leur biographie professionnelle.
43Lorsque l’employeur ne peut se référer qu’à des éléments verbaux lors de l’entretien, il est plus difficile pour lui de s’appuyer sur des arguments liés aux compétences professionnelles pour justifier sa sélection. Les candidats présentés par la MRS étant tous présumés compétents, ce sont finalement des catégories quasi professionnelles ou non professionnelles qui semblent s’imposer en fin de course. Dans le cas étudié, il s’agit de catégories qui ne préjugent pas de la capacité de l’individu à occuper son poste, mais de sa capacité à tenir sur le long terme dans un emploi où le turnover est fréquent. L’accent mis sur ces éléments définis comme la « motivation » peut donc avoir pour effet de reporter toute la charge de l’entretien sur le candidat, y compris en cas d’échec.
4 – Conclusion
44La méthode de recrutement par simulation est une façon de recruter qui se propose de tenir en équilibre les besoins des employeurs et les qualités des candidats. De par ce projet, elle est présentée comme une façon plus juste de recruter, en refusant les pratiques automatiques telles que le tri de CV. La méthode est conçue pour mettre les candidats dans des conditions qui permettent de mesurer leur capacité effective à occuper le poste. Nous avons néanmoins souligné que toutes les potentialités de cette méthode, en termes de mise en œuvre de conventions alternatives de sélection, ne sont pas exploitées. Ceci découle du fait que, d’une part, Pôle Emploi n’intervient pas sur la totalité du marché du travail, mais sur la partie formalisée de celui-ci, la partie où les intermédiaires de marché institutionnels ont une place. Pour le dire autrement, les postes à pourvoir qui sont susceptibles de faire l’objet d’une offre d’emploi en bonne et due forme ne sont pas légion [6]. De ce fait, la capacité de l’opérateur public de placement à intervenir sur la forme même du marché du travail reste elle-même relative. Elle dépend de situations où les besoins des entreprises sont explicites et donnent lieu à la mise en œuvre d’une procédure formelle de recrutement. Or, sur cette partie du marché du travail, Pôle Emploi intervient en concurrence avec d’autres intermédiaires, tels que les entreprises de travail temporaire. Dans ce contexte, la multiplication des épreuves de sélection latentes autour de l’évaluation des habiletés par simulation apparaît particulièrement fonctionnelle : elle permet aux conseillers de Pôle Emploi d’arguer d’une fiabilité de leur candidat plus importante par le biais de la MRS que dans l’intérim. Toutes les potentialités de la méthode ne sont pas exploitées, d’autre part, car Pôle Emploi reste dépendant du besoin des employeurs, qui sont juges en dernier ressort, et sont ainsi libres de mobiliser les catégories qu’ils souhaitent, lors de l’entretien. Malgré leurs griefs, les conseillers ne peuvent pas remettre en cause les choix des recruteurs autant qu’ils le voudraient, dans la mesure où, au-delà d’un recrutement spécifique, ils jouent également à plus long terme leur crédibilité, qui leur permettra de nouer à nouveau des liens avec l’entreprise qui recrute. Les stratégies de fidélisation des employeurs mises en œuvre par les agents de Pôle Emploi imposent à ces derniers une certaine tolérance vis-à-vis de certains préjugés. L’évaluation de la prestation de l’intermédiaire par le mandataire, l’employeur, apparaît alors déterminante pour comprendre les arrangements pragmatiques mis en œuvre à distance de la théorie de la MRS. Nous avons montré à cet égard que la diversification des formes de recrutement propre à la MRS conduit bien davantage à conjuguer la sélectivité de différentes épreuves plutôt qu’à favoriser des conventions radicalement alternatives. Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que si les profils recrutés sont finalement assez traditionnels, la MRS augmente les chances de certains candidats munis de caractéristiques rédhibitoires, d’aller jusqu’à l’entretien d’embauche [Bouchardeau, Capelier, 2010].
45À l’image des tests psychotechniques élaborés en France au début du xxe siècle par des physiologistes comme Jean-Maurice Lahy [Le Bianic, 2005], la méthode de recrutement par simulation caresse une ambition d’objectivité qui rendrait le recrutement indiscutable et juste. La psychotechnique a en grande partie disparu au lendemain du second conflit mondial, à cause d’un marché du travail favorable à la demande, réduisant l’enjeu de la sélection [Le Bianic, 2008]. Ce précédent suggère que le déséquilibre de sous-emploi – qui multiplie les candidatures de même valeur formelle – est la raison d’être de dispositifs de sélection « méritocratiques » conçus pour leur objectivité. En d’autres termes, le chômage de masse peut être vu comme une des causes principales du recours des acteurs économiques à des modes de sélection alternatifs, notamment dans les secteurs où les critères formels ne suffisent plus à distinguer les bons éléments. De ce fait, malgré l’intérêt de la notion de « chômage d’exclusion » [Eymard-Duvernay et al., 2012] pour comprendre la morphologie de la demande d’emploi, on peut s’interroger sur la capacité des formes de sélection alternatives à modifier la quantité de chômeurs.
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Mots-clés éditeurs : Pôle Emploi, intermédiaire, simulation, recrutement, marché du travail
Date de mise en ligne : 26/11/2014.
https://doi.org/10.3917/rfse.014.0115Notes
-
[1]
L’auteur aimerait remercier François Vatin, Matthieu Hély, Olivier Quéré, Samuel Pinaud et Géraldine Rieucau ainsi que les deux évaluateurs anonymes de la revue pour leurs critiques des versions successives de ce texte.
-
[2]
La tension sur le marché du travail est évaluée en confrontant les offres d’emploi non satisfaites au volume total d’offres d’emploi exprimées. Un métier est dit « en tension » lorsque le volume d’offres non satisfaites tend à se rapprocher du volume total d’offres diffusées sur ce métier. Cela signifie que le métier en question fait l’objet de difficultés de recrutement.
-
[3]
Bulletin officiel de l’ANPE, no 2005-4, 30 août 2005.
-
[4]
Cf. encadré 2.
-
[5]
Ce brevet est difficile à faire respecter. Des clients de Pôle Emploi dans la grande distribution ont par exemple repris l’idée d’exercice pratique pour sélectionner hôtesses de caisses et chefs de rayon [Rieucau, Salognon, 2013].
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[6]
D’après les résultats de l’enquête Ofer menée en 2005, l’ANPE était à l’origine de 17,4 % des recrutements effectués par les entreprises enquêtées, pour 3,2 % étant issus des entreprises de travail temporaire [Bessy, Marchal, 2009]. En agrégeant toutes les offres qui relèvent d’une formalisation marchande comme le font Christian Bessy et Guillemette de Larquier, on obtient un volume de près de 30 % des recrutements qui passeraient par le marché du placement [Bessy, Larquier, 2010].