Notes
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[1]
Voir à ce titre le numéro spécial de la Revue internationale de psychosociologie [2008].
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[2]
Soulignons que nous n’avons ici aucune prétention à l’exhaustivité quant à l’exposition des analyses mettant en valeur l’importance du conflit d’intérêts entre employeurs et employés. Nous mobilisons surtout les approches qui, au niveau micro et en lien avec la théorie des organisations, nous semblent les mieux à même d’éclairer le sens des pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables » que nous cherchons à expliciter dans cet article.
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[3]
Geare et al. [2006] s’appuient sur les travaux de Dunlop [1958], l’un des représentants majeurs du courant des relations industrielles, lorsqu’ils définissent ce qu’ils entendent par « idéologie ».
-
[4]
Edwards [2003] parle de « renouveau » (resurgence) au sens où la perspective unitaire qui est née dans les années 1920-1930 avec l’École des relations humaines s’est vue atténuée par la suite avec la domination du courant des relations industrielles, courant qui justement s’est affaibli dans les années 1960 et 1970 au profit des approches gestionnaires, et notamment de la gestion des ressources humaines.
-
[5]
Nous n’entrerons pas ici dans le détail des différences qui peuvent être faites entre les terminologies que l’on peut trouver au sein des entreprises ou dans la littérature. Nous parlerons de « codes de conduite » au sens large, l’idée étant que ce que précisent ces codes a une dimension déontologique aux yeux des parties prenantes [Medina, 2003].
-
[6]
À titre d’exemple, la méthodologie suivie par Vigeo pour mesurer la performance sociale des entreprises porte sur six grands domaines faisant l’objet d’évaluation : droits humains, ressources humaines, environnement, comportements sur les marchés, gouvernement d’entreprise et engagement sociétal [Gond & Igalens, 2010, p. 75-76]. Dans cet ensemble, la dimension RH est bien prise en compte, mais elle n’est pas centrale.
-
[7]
KLD, Innovest, Ethibel, Bitc, Areses/Vigeo sont des agences spécialisées dans la notation sociale.
-
[8]
Selon Williamson, ces « bonnes » règles sont celles qui rendent impersonnelle la gestion des salariés. Dans son ouvrage de 1975, et en particulier dans le chapitre 3 consacré à la relation d’emploi, l’auteur apparaît critique à l’égard des politiques individualisées d’encadrement de la relation d’emploi, les interprétant comme des règles tendant à accroître les coûts de coordination des membres de la relation d’emploi dans la mesure où elles accentuent les comportements opportunistes.
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[9]
Julien [2010] mentionne notamment à ce titre le contentieux qui a eu lieu chez IBM et chez Hewlett Packard autour d’engagements de versement de primes, spécifiés dans les codes de conduite de ces entreprises.
-
[10]
Selon Bourque [2008], à l’échelle internationale, 10 millions de travailleurs seraient concernés par des codes de conduite, contre seulement 3,5 millions pour les ACI.
-
[11]
Soulignons que le cas français n’apparaît pas comme une exception à cet égard. Ramboarisata et al. [2008] montrent dans leur travail sur les banques canadiennes que les pratiques de gestion « responsable » des ressources humaines renvoient d’abord et avant tout aux obligations imposées par les législations fédérale et provinciales.
1 – Introduction
1Au niveau intra-firme, et plus spécifiquement de la relation d’emploi, les instruments de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) semblent contribuer ces dernières années à faire évoluer les pratiques d’encadrement de la relation d’emploi instaurées au sein des entreprises dans plusieurs pays. Ainsi, plusieurs études menées en France mais aussi au niveau international ont cherché à évaluer en quoi le développement de la RSE a un impact sur les politiques d’encadrement de la relation d’emploi au sein des firmes, en abordant des problèmes de discrimination à l’embauche, de parité professionnelle, de traitement des travailleurs handicapés ou des seniors, de gestion des travailleurs touchés par des restructurations, ou encore d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle [Saulquin, 2004 ; Vuontisjarvi, 2006 ; Wilcox, 2006 ; Fuentes-Garcia et al., 2008]. Dans l’ensemble de ces travaux, les auteurs ne spécifient jamais explicitement ce qui distingue les mesures de GRH relevant de la RSE des autres, nourrissant alors le flou qui peut exister autour des pratiques de RSE. D’aucuns parlent à ce titre de « responsabilité sociale de l’entreprise envers ses employés » ou de « gestion responsable des ressources humaines » [Ramboarisata et al., 2008 ; Shen, 2011] qui consisterait, pour les entreprises, à « se préoccuper des attentes de leurs salariés et des enjeux les concernant (par exemple, la santé et la sécurité, le développement professionnel, la diversité de la main-d’œuvre, etc.) » [Ramboarisata et al., 2008, p. 226]. Dans cette optique, il s’agit de partir de la RSE pour voir comment celle-ci peut permettre de « repenser » la manière dont sont gérés les salariés au niveau de la firme [1].
2Il reste que, à ce jour, la manière dont la RSE peut justement contribuer à « renouveler » en profondeur les règles d’encadrement de la relation d’emploi demeure ambiguë. D’une part, dans le cas français notamment, les entreprises peuvent être amenées à communiquer sur les outils qu’elles mettent en place en direction des salariés dans une perspective de responsabilité sociale alors qu’elles ne font que respecter simplement ce que le droit national – et plus spécifiquement le droit du travail – leur impose de faire [Coulon, 2006]. Comme le notent Gond et Igalens [2010] à ce sujet, « dans de nombreux cas, des techniques existantes ont été repeintes aux couleurs de la RSE » [2010, p. 106]. D’autre part, dans plusieurs grandes entreprises, il semble que les directions des ressources humaines perdent de leur importance en termes de gouvernance des politiques de RSE, au profit des directions ou services de relations publiques (corporate public affairs) [Zappalà, 2004]. Dès lors, le traitement des questions liées à la RSE et en lien avec la gestion des salariés « glisse » vers des problématiques stratégiques propres à l’entreprise et relatives à sa communication externe. La frontière entre politique de communication et politique de RSE est en effet parfois difficile à délimiter [La Broise & Lamarche, 2006].
3Dans ce cadre, l’objet de ce papier est d’éclairer les tenants et aboutissants des pratiques de RSE instaurées au niveau des firmes en direction de leurs salariés. Plus spécifiquement, nous chercherons d’une part à proposer une définition des pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables » en spécifiant notamment ce qui les distingue des pratiques « classiques » de GRH, ce qui n’est jamais clairement explicité à notre connaissance chez les auteurs étudiant cet objet. D’autre part, nous montrerons toute l’ambivalence de ces pratiques généralement présentées comme améliorant le bien-être des salariés, mais qui sont susceptibles aussi, au moins pour certaines d’entre elles, d’accentuer les obligations des salariés. Si notre angle d’analyse est théorique, nous chercherons aussi à appuyer notre argumentation sur des études empiriques portant sur la RSE mise en place à l’intention de salariés.
4Le cadre d’analyse principalement microéconomique que nous développons dans cet article pour clarifier le sens des mesures de GRH relevant de la RSE est centré sur la relation d’emploi. Il a pour point de départ la question du conflit d’intérêts entre employeurs et employés, que l’on retrouve dans plusieurs champs d’étude de la relation d’emploi (2). Il sera mobilisé pour expliciter les pratiques de RSE instaurées à l’intention des salariés (3) et donner sens à des débats en cours sur leur capacité à effectivement réconcilier les intérêts des membres de la relation d’emploi (4). Enfin, à la lumière de certains développements économiques et gestionnaires mobilisés dans le champ de la théorie des organisations et centraux pour comprendre la relation d’emploi, nous montrerons en quoi les pratiques de RSE à l’intention des salariés s’avèrent être beaucoup plus ambivalentes que ce que leurs promoteurs semblent vouloir mettre en avant (5).
2 – Partir de la question du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi…
5La question du conflit d’intérêts qui peut exister entre les membres d’une organisation, et en particulier entre employeurs et employés, est à la source de développements importants traversant les travaux de plusieurs auteurs étudiant la relation d’emploi. C’est tout particulièrement le cas des auteurs du champ des relations industrielles, né au début du xxe siècle aux États-Unis. Comme nous le verrons aussi plus loin dans ce texte, certains théoriciens des organisations comme Barnard [1938], Simon [1976 (1945)] et Williamson [1975] considèrent eux aussi cette question comme centrale [2].
6Le champ des relations industrielles se donnant à l’origine pour objet d’étude les labor problems s’est constitué à partir de deux grandes perspectives – la Personnel Management School et l’Institutional Labor Economic School – qui débattaient notamment, au début du xxe siècle, la question du conflit d’intérêts entre employeurs et employés [Kaufman, 1993]. Ces deux perspectives se sont progressivement autonomisées en champs d’analyse souvent vus comme concurrents depuis quelques années, celui des relations industrielles d’une part, et celui de la gestion des ressources humaines (GRH) d’autre part. Ainsi, plusieurs auteurs se rejoignent aujourd’hui sur l’idée que l’opposition entre relations industrielles et GRH repose au départ sur des hypothèses portant sur la profondeur du conflit d’intérêts entre les membres de la relation d’emploi et des moyens de l’atténuer voire de le résoudre [Guest, 1987 ; Horwitz, 1991 ; Delaney & Godard, 2001 ; Edwards, 2003 ; Geare et al., 2006].
7Les auteurs associés aux relations industrielles avancent que ce conflit est intrinsèque par rapport à la relation d’emploi. Ainsi, pour Kochan et Katz [1988], « une hypothèse critique qui traverse le champ des relations industrielles est l’existence d’un conflit d’intérêts inhérent à la relation entre employés et employeurs. Ce conflit provient de l’affrontement des intérêts économiques entre des travailleurs à la recherche de la sécurité de l’emploi et d’un revenu, et des employeurs cherchant de leur côté à améliorer l’efficience et l’efficacité organisationnelle » [p. 6, souligné par les auteurs]. Pour les auteurs des relations industrielles, le conflit d’intérêts entre les membres de la relation d’emploi est vu comme inévitable et persistant. Il traduit le déséquilibre de pouvoir existant entre employeurs et employés. Les solutions se trouvent alors dans la mise en œuvre de mécanismes institutionnels externes par rapport à l’organisation, en opposition justement à celles défendues par les auteurs plus proches de la GRH. Les solutions mises en avant par le courant des relations industrielles sont surtout l’institutionnalisation de la négociation collective et l’intervention de l’État pour « rééquilibrer » la relation d’emploi [Kaufman, 1993, p. 98-99].
8Une telle « idéologie de l’emploi » [Geare et al., 2006, p. 1191], au sens de système de valeurs et de croyances portant sur ce qui est considéré comme fondamental pour stabiliser la relation d’emploi [3], est souvent associée à la perspective dite « pluraliste » [Provis, 1996]. Cette perspective, prégnante chez les auteurs en relations industrielles, souligne la diversité des intérêts en jeu dans la relation d’emploi et leur irréductibilité mutuelle, en opposition à l’« idéologie » qui sous-tend la GRH. En effet, pour reprendre Lewin [2001, p. 454], « au contraire [des théoriciens des relations industrielles], les spécialistes de GRH se focalisent plus sur l’efficience organisationnelle et insistent sur l’idée que, bien que le conflit existe dans la relation d’emploi, il provient largement d’un management inadapté et peut donc être substantiellement réduit, sinon éliminé, grâce à des innovations organisationnelles et de procédures et d’autres améliorations du management ; l’unité d’intérêt entre employeur et employé peut être atteinte ». Cette croyance renvoie à la perspective dite « unitaire », qui suppose que les intérêts des membres de la relation d’emploi sont tout à fait réconciliables et peuvent être traités de manière à les faire converger, l’accent étant alors mis sur des solutions non pas externes mais internes de l’organisation pour encadrer la relation d’emploi. Dans la perspective des théoriciens en GRH, il suffirait de mettre en œuvre au sein de la firme les « bonnes » règles de gestion, et notamment de GRH.
3 – … pour comprendre le sens des pratiques d’encadrement de la relation d’emploi présentées comme « responsables »
9Selon nous, le développement actuel des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi prend sens dans la lignée des approches qui, partant de l’existence du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi, supposent son atténuation possible – voire sa disparition – grâce à la mise en œuvre, par le management, des dispositifs gestionnaires adéquats. L’essor de ces pratiques alimente ainsi l’approche « unitaire » dont certains auteurs en relations industrielles font remonter le « renouveau » [Edwards, 2003, p. 10] aux années 1980-1990, marquées par « la confiance des managers en eux-mêmes (managerial self-confidence) [4] » [ibid.]. Si de plus en plus de travaux portent depuis quelques années sur les pratiques de GRH relevant de la RSE, ce à quoi renvoient ces pratiques dans le réel reste encore vague. Ceci n’est probablement pas sans lien avec les débats autour de la définition même de la RSE. Comme le soulignent justement Ramboarisata et al. [2008, p. 226], « malgré l’intérêt persistant qu’on y accorde, le seul consensus qui semble exister concernant la RSE est son caractère flou. La gestion responsable des ressources humaines ou responsabilité sociale envers les employés […] s’expose aussi à cette même problématique ».
10Avant de donner sens, au regard de la question du conflit d’intérêts entre employeur et employé, aux pratiques d’encadrement de la relation d’emploi présentées comme socialement responsables, il nous semble indispensable de préciser (1) quelle est dans notre optique la nature de ces pratiques et (2) ce qui les distingue des pratiques de GRH « traditionnelles ».
11Sur le premier point, il n’y a pas selon nous de différence de nature entre pratiques « classiques » et pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi. Toutes deux s’appuient sur des règles formelles dont la fonction principale est de stabiliser la relation entre employeurs et employés. Les règles qui sont présentées comme sous-tendant des actions « socialement responsables » ne constituent qu’une catégorie spécifique dans l’ensemble des règles de GRH d’une organisation. Pour saisir ce point, il suffit de prendre un manuel de GRH et de constater que les mesures de RSE à l’intention des salariés prennent place dans l’ensemble des domaines associés à la GRH. À titre d’exemple, un des manuels francophones de référence, celui de Peretti [2011], identifie « trois grands domaines » (p. 3) de la fonction RH constituant d’ailleurs les parties du manuel – l’emploi, les rémunérations et le développement humain et social. Or les pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables » peuvent tout à fait être classées dans chacun de ces domaines. Dès lors, si les règles de GRH relevant de la RSE ne constituent qu’une catégorie au sein des règles d’encadrement de la relation d’emploi, en quoi se distinguent-elles de ces dernières ?
12Les pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi doivent leur spécificité au fait qu’elles sont le résultat de déclarations ou d’engagements publics pris par les firmes, devant les travailleurs, voire devant la société tout entière, engagements à mieux prendre en compte les intérêts des salariés et à instaurer des règles qui leur sont favorables. Ces engagements apparaissent dans le rôle central que prennent les chartes éthiques, codes de conduite ou codes éthiques [5] dont se dotent aujourd’hui toutes les organisations qui investissent le champ de la RSE. Ces documents formalisent non seulement les principes généraux qui guident l’action des entreprises mais aussi, plus spécifiquement lorsqu’ils sont appliqués à la relation d’emploi, les directions dans lesquelles les entreprises entendent s’engager en matière de gestion de leurs ressources humaines, voire des ressources humaines de leurs partenaires commerciaux. Dans le domaine de la GRH, ils posent le cadre d’action dans lequel seront par la suite déployées concrètement, par les départements RH, les règles formelles à la base des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi et dont les entreprises rendent compte ex-post dans la partie RH de leur « rapport RSE ».
13Cette définition suppose que la politique d’encadrement de la relation d’emploi de l’entreprise se comprenne en dynamique au sens où c’est par les résultats des efforts de l’entreprise à mieux prendre en compte l’intérêt des salariés que se développe sa responsabilité à l’égard de ces derniers. Dans leur analyse de la capacité des pratiques de management stratégique des ressources humaines à plus ou moins bien intégrer les intérêts des salariés, Van Buren et al. [2011] identifient trois grands cas types que nous allons mobiliser ici pour éclairer le sens de la RSE à l’intention des salariés. Ces cas types sont schématisés par trois diagrammes de Venn rendant compte des croisements possibles (ou non) entre intérêt des salariés et intérêt de l’employeur (cf. schéma 1).
Trois représentations du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi
Trois représentations du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi
Tiré de Van Buren et al. [2011].14La première situation renvoie au cas où les intérêts de l’employeur et du salarié n’ont rien en commun. Il y a ici une irréductibilité mutuelle fondamentale des intérêts des parties. Dans ce cas, aucun employé ne travaillerait pour un employeur qui ne permettrait pas de répondre a minima à certaines de ses attentes et inversement, aucun employeur ne pourrait employer des individus qui ne chercheraient pas à agir – même un minimum – dans le sens des intérêts de l’organisation. Cette situation paraît peu pertinente pour comprendre la relation d’emploi.
15À l’opposé de cette situation se trouve le deuxième cas dont le réalisme donne lieu à de nombreux débats dans la littérature. Il s’agit de la situation dans laquelle l’intersection entre l’intérêt de l’employeur et l’intérêt du salarié est très large, au point ultime même où l’on pourrait penser que les intérêts de membres de la relation d’emploi coïncident fortement voire sont identiques. On retrouve ici l’approche « unitaire » qui repose sur l’idée que les attentes des deux parties sont convergentes.
16Enfin, le dernier cas est celui dans lequel l’intersection entre les intérêts des membres de la relation d’emploi existe mais est étroite. C’est justement par rapport à ce cas de référence que l’on peut schématiquement rendre compte des caractéristiques des pratiques de RSE mises en œuvre à l’intention des salariés. Dans notre optique, celles-ci visent à passer du cas 3 au cas 2, c’est-à-dire à étendre la zone d’intersection des intérêts de l’employeur et du salarié par déplacement de l’intérêt de l’employeur. Elles cherchent à satisfaire, autant que faire se peut, certaines attentes des salariés de manière à ce que la zone d’intersection entre intérêt de l’employeur et intérêt du salarié soit plus étendue (cf. schéma 2). Ceci ne signifie pas que l’intérêt de l’employé ne se déplacera pas à terme sous l’effet des pratiques de RSE. Ce que nous soulignons ici, c’est qu’il s’agit bien initialement de l’employeur qui décide, de sa propre initiative, de mettre en œuvre des actions « responsables » à l’égard des salariés. Il s’engage à modifier ses pratiques effectives dans le sens d’une meilleure prise en compte des attentes des salariés, ses engagements étant formalisés dans les codes de conduite.
Les pratiques de RSE à l’intention des salariés : mieux prendre en compte l’intérêt de l’employé
Les pratiques de RSE à l’intention des salariés : mieux prendre en compte l’intérêt de l’employé
17Soulignons que le cadre précédent est d’une certaine manière réducteur. Il uniformise en quelque sorte les membres de la relation d’emploi – l’« employeur » d’une part, l’« employé » d’autre part – alors qu’il existe bien empiriquement différentes catégories d’employeurs et d’employés. Le caractère simplificateur de cette perspective s’explique par la démarche théorique microéconomique que nous adoptons, toute démarche théorique conduisant par construction à représenter de manière simplifiée un objet d’étude. Cette « homogénéisation » artificielle des catégories « employeur » et « employé » conduit en conséquence à ne pas intégrer le fait que comme toute partie prenante, les deux parties précédentes peuvent dans la réalité être répertoriées dans différents ensembles de parties prenantes simultanément [Cazal, 2011]. Ainsi, et plus spécifiquement en rapport à la partie « employée », parler de « RSE à l’intention des salariés » peut contribuer à laisser croire que la catégorie « salarié » est uniquement analysée comme une « partie prenante » au sens de la théorie du même nom. Or ceci tend à minorer les autres relations que les employés entretiennent avec la firme. Les salariés ne sont pas que des « parties prenantes ». Ils peuvent être définis autrement que comme « individu ou groupe qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation », pour reprendre la définition classique de Freeman [1984, p. 46]. Ainsi que le soulignent Greenwood et Anderson [2009, p. 198], « si les employés sont considérés comme des “parties prenantes” et non comme des “personnes”, le respect individuel et le bien-être personnel peuvent être compromis […]. Si les employés sont considérés comme des “parties prenantes” et non comme les “membres d’un syndicat”, le syndicalisme et la représentation collective peuvent être remis en cause. Si les employés sont considérés comme des “parties prenantes” et non comme des “employés”, leurs valeurs divergentes et leur intérêt peuvent ne pas être pris en compte ».
18Toutefois, au-delà des limites précédentes, il nous semble que notre cadre d’analyse offre l’opportunité de définir les pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables », à un moment où celles-ci se développent fortement et où chercheurs comme praticiens en parlent beaucoup sans toutefois expliciter clairement à quoi ils font référence, si ce n’est en donnant des exemples ponctuels de telle ou telle entreprise. Dans notre optique, les pratiques de RSE en direction des salariés ne se définissent pas tant par ce qu’elles sont – des mesures de GRH s’appuyant sur des règles formelles – que par leurs effets attendus, l’idée étant que dans le conflit d’intérêts opposant employeurs et employés, ces effets se traduisent par une prise en considération plus élevée des intérêts des salariés. Les déclarations d’intention qui sont formalisées au sein des codes de conduite précisent alors les directions dans lesquelles l’entreprise compte agir pour intégrer davantage les attentes des salariés.
19Si les codes de conduite spécifient les engagements pris par l’entreprise, rien ne dit toutefois que, dans leur mise en œuvre, les pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi se traduisent effectivement par une meilleure prise en compte de l’intérêt des salariés. En tout cas, la question reste ouverte à ce jour. C’est ce que nous allons creuser maintenant pour ensuite montrer, sur la base de différents travaux empiriques, dans quelle mesure ces pratiques peuvent paraître ambivalentes en matière de traitement du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi.
4 – Les pratiques de RSE à l’intention des salariés comme solution au conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi ? Une question encore ouverte
20Plusieurs observateurs contemporains des pratiques de RSE envisagent celles-ci comme un moyen effectif de réconcilier les intérêts des différentes parties prenantes et a fortiori de l’employeur et de l’employé, quand on s’attache à la relation d’emploi. Selon eux, la RSE constitue un jeu à somme positive. Cet argument est avancé en premier lieu par ceux qui promeuvent la RSE parce qu’ils en vivent, c’est-à-dire les consultants, cabinets d’études, agences privées vendant leurs services aux entreprises désirant mettre en œuvre des politiques socialement responsables. Ces acteurs ont en effet tout intérêt à convaincre leurs clients potentiels que l’instauration de pratiques de RSE est bénéfique à tous, et a fortiori aux parties prenantes qui sont au cœur du fonctionnement de l’entreprise, les salariés et les dirigeants d’entreprise. La RSE contribuerait alors au développement d’un véritable « marché de la vertu » [Vogel, 2005].
21Dans cette vision, le développement des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi répondrait à la volonté de mettre en œuvre au sein des entreprises des stratégies qui seraient gagnantes pour elles et pour les salariés. Dans son bilan des discours et pratiques de GRH en lien avec la RSE, Saulquin [2004] souligne que la mise en place des pratiques de RSE à l’intention de salariés n’est pas aisée et il ajoute qu’« on ne peut l’envisager qu’en abandonnant l’idée d’une opposition radicale entre l’économique et le social. Il s’agit […] d’éviter les tensions entre des partenaires aux intérêts en apparence conflictuels » [2004, p. 2481, nous soulignons]. L’auteur apparaît ici comme un tenant de l’approche « unitaire » : le conflit d’intérêts entre les membres de la relation d’emploi ne serait qu’« apparent ». Il serait souhaitable, pour améliorer la situation des deux parties de la relation d’emploi – Saulquin parlant à cet égard de « philosophie fédératrice » – que se développent les pratiques de gestion des ressources humaines relevant de la RSE.
22Aussi n’est-il pas étonnant de retrouver ce point de vue chez certains dirigeants [Barthélémy & Douënel, 2008]. Pour eux, dans un premier temps, dans le cadre des conflits opposant les intérêts des dirigeants – au service des actionnaires – à ceux des salariés, l’économique doit primer sur le social. C’est en effet une question de viabilité pour l’entreprise. Mais, par la suite, les politiques de RSE vont permettre de réconcilier ces oppositions. Questionné sur la RSE, Franck Riboud note à ce titre : « Moi, je ne veux pas devenir l’abbé Pierre ou une ONG […]. Je ne fais pas d’humanitaire, je ne fais pas de charité. » [Ibid., p. 121] Mais il souligne que « parce que l’entreprise est basiquement l’endroit où ils [les salariés] passent le plus de temps dans leur vie, je trouve normal de se donner pour mission leur épanouissement dans l’entreprise » [p. 112]. À cet égard, les pratiques de RSE envers les salariés s’avèrent répondre en partie à cet objectif, dans un sens qui, pour reprendre son expression, « est à l’opposé de la lutte des classes » [ibid., p. 118]. Si le conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi est ici minoré, cette position contraste avec le point de vue adopté en écho à l’approche « pluraliste » par un syndicaliste interrogé lui aussi sur la RSE dans Barthélémy et Douënel [2008, p. 271] et avançant alors : « Pour nous, la responsabilité, c’est de reconnaître que le conflit est naturel. »
23Au-delà des positions précédentes, la question selon laquelle, au niveau empirique, la RSE mise en œuvre à l’intention des salariés contribue effectivement – ou pas – à faire converger les intérêts des membres de la relation d’emploi reste largement ouverte à ce jour. Les résultats des recherches menées depuis une vingtaine d’années, surtout dans les pays anglo-saxons, sur les relations entre la corporate social performance et la financial performance peuvent être mobilisés pour éclairer de manière indirecte cette question.
24En effet, montrer que les politiques de RSE peuvent avoir un impact positif sur la profitabilité des firmes peut être interprété comme une validation de l’idée selon laquelle elles permettent effectivement de réconcilier les intérêts de la firme et ceux des autres parties prenantes. Appliquées à la relation d’emploi, ces politiques justifieraient ainsi l’amélioration du traitement des salariés par la mise en place des pratiques « responsables », tout en faisant en même temps progresser les performances économiques de l’entreprise : la solution, en quelque sorte, au problème du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi.
25S’il existe aujourd’hui un nombre très conséquent de travaux visant à tester la nature des liens existant entre RSE et profitabilité, leurs résultats demeurent encore très équivoques et il ne paraît finalement pas aisé de répondre de manière ferme et définitive à la question. Gond et Igalens [2010] évaluent à ce titre à plus de 160 le nombre d’études dédiées aux relations entre RSE et profitabilité et soulignent qu’environ une étude sur deux montre que la performance sociale participe de la détermination de la performance financière. De fait, par son ambivalence, ce résultat éclaire peu la capacité des recherches à montrer effectivement que les politiques de RSE ont un effet positif sur les performances économiques des firmes. Ceci est d’autant plus vrai que la manière qu’ont les différentes études de « mesurer la RSE » varie considérablement, rendant difficile toute comparaison.
26En effet, mesurer la performance sociale des entreprises n’est pas simple. Cinq grands types de mesure sont généralement identifiés [Igalens & Gond, 2003] : ceux s’appuyant sur l’analyse du contenu des rapports annuels de RSE des entreprises, ceux cherchant à construire des indices de pollution des entreprises, des mesures perceptuelles issues d’enquêtes par questionnaire, la construction d’indicateurs de réputation de l’entreprise et enfin les données produites par des organismes spécialisés dans l’évaluation des comportements socialement responsables des entreprises, comme par exemple KLD ou Vigeo. Dans cet ensemble, la dimension RH n’est finalement pas la seule dimension prise en compte dans les évaluations de la performance sociale, ce qui rend finalement difficile la mesure du seul effet des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi sur la performance économique des firmes. Mais au-delà de cette limite, même au sein des agences spécialisées dans le rating social, la dimension RH n’est pas la seule évaluée [6] et, selon certains auteurs, elle a même tendance à être insuffisamment prise en compte. Ainsi, selon Allouche et al. [2005], « les systèmes de mesure de la Responsabilité sociale de l’entreprise (KLD, Innovest, Ethibel, Bitc, Areses/Vigeo [7], etc.) se focalisent sur les critères sociétaux et environnementaux et mesurent la qualité des actions de RSE en réduisant le poids des critères de gestion des ressources humaines. Ce qui devrait faire l’objet initial sinon principal des préoccupations en termes de Responsabilité sociale des entreprises est pour ainsi dire laissé hors du champ de la mesure » [2005, p. 186-187].
27Dans ce cadre, les débats en cours restent très ouverts. Comme nous allons le montrer à présent, à la lumière des analyses du conflit d’intérêts des membres de la relation d’emploi développées par certains auteurs de référence en théorie des organisations, c’est avant tout l’intérêt de l’employeur qui prévaut sur l’intérêt des employés au sein de la firme, une fois conclu le contrat de travail. Dès lors, la convergence des attentes des membres de la relation d’emploi n’est certes peut-être pas impossible par l’instauration des « bonnes pratiques », elle est toutefois d’abord dépendante par nature de cette forme de pouvoir spécifique et institué légalement qu’est l’autorité, ce qui contribue à rendre ambigu le statut des outils de GRH relevant de la RSE.
5 – Autorité et RSE à l’intention des salariés
28À côté du courant des relations industrielles, la question centrale de la profondeur du conflit d’intérêts entre les membres de la relation d’emploi se trouve abordée aussi dans les travaux d’auteurs s’étant intéressés à la coopération intra-organisationnelle dans le champ pluridisciplinaire de la théorie des organisations. C’est surtout le cas des réflexions formulées par Barnard [1938], reprises puis prolongées par Simon [1945] et March et Simon [1958], puis appliquées dans un cadre plus économique par Williamson [1975].
5.1 – Autorité et encadrement de la relation d’emploi : éclairages théoriques
29Pour les auteurs précédents, l’étude de la relation d’emploi et des pratiques qui l’encadrent se comprend comme un cas particulier de la « théorie de l’équilibre organisationnel » [March & Simon, 1993 (1958), p. 103-108]. Dans cette approche, la firme est analysée comme une organisation qui, par l’agencement de différents dispositifs formels et informels qui lui sont propres, va chercher à inciter les membres de l’organisation à coopérer dans un contexte d’incertitude radicale. Cette incertitude vient notamment du fait que les membres de l’organisation ont des intérêts divergents et ne disposent pas tous de la même information, ce qui, selon Williamson particulièrement, peut les conduire à tricher pour atteindre leurs objectifs (hypothèse d’opportunisme).
30Appliquée au cas de la relation d’emploi, l’hypothèse de départ est l’existence d’un conflit d’intérêts entre employeurs et employés, et sa résolution passe par l’exécution du contrat de travail. Parce que ce contrat institutionnalise la relation d’autorité par laquelle, en échange d’un salaire, le salarié accepte de suspendre son pouvoir de décision et de suivre les ordres de l’employeur, il est considéré comme une solution du problème du conflit d’intérêts opposant employeurs et employés. Grâce à l’autorité que le droit lui confère, l’employeur peut commander directement chaque salarié pour les tâches que ce dernier doit exécuter, les activités qu’il doit réaliser, les comportements à adopter pour remplir sa mission. Le pouvoir d’autorité que le contrat de travail accorde à l’employeur – et par délégation aux managers de l’organisation – permet de limiter l’incertitude qui traverse la relation d’emploi et conduit les agents à coopérer. La relation d’emploi est ainsi stabilisée. Cette idée est fortement présente, de manière parfois emphatique, dans le dernier chapitre de Barnard sur « La nature de la responsabilité de l’encadrement » ([1938], chap. XVII).
31Ce cadre général a permis à Simon et Williamson de questionner les liens entre autorité et règles d’encadrement de la relation d’emploi. Simon précise à ce titre qu’à côté d’éléments de nature institutionnelle, ancrés dans les comportements routiniers des agents, la soumission des salariés à l’autorité de l’employeur s’explique par des facteurs qu’il qualifie de « spécifiques » [Simon, 1976, p. 131]. Ces facteurs renvoient à des sanctions/gratifications résultant de règles formelles définies par l’employeur pour coordonner les actions des salariés. Ces sanctions ou gratifications ne sont pas seulement de nature économique pour Simon. Elles peuvent être aussi de nature sociale ou psychologique.
32Williamson [1975], très imprégné de Simon, a prolongé cette analyse de la relation d’emploi en l’ouvrant plus explicitement à la prise en compte des règles de gestion des salariés dans une perspective économique. Ces règles sont vues comme des dispositifs visant à faire converger les intérêts des membres de la relation d’emploi dans une optique qui rejoint sur le fond l’approche « unitaire » : tout au long de la relation d’emploi, les conflits d’intérêts entre employeurs et employés peuvent être atténués si tant est que soient effectivement mises en place par le management les « bonnes » règles d’encadrement de la relation d’emploi [8]. Ces règles apparaissent alors comme des instruments de l’autorité visant à rendre les actions des salariés conformes à ce qu’attend a priori l’employeur. C’est au regard de cette analyse que, comme nous allons le développer maintenant, il est possible d’éclairer les relations entre autorité et pratiques de RSE à l’intention des salariés et de mieux comprendre pourquoi, selon nous, il serait naïf de voir dans le développement actuel de ces pratiques une forme porteuse de changements radicaux en matière de GRH.
5.2 – L’ambivalence des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi
33Les pratiques de RSE mises en œuvre au sein des entreprises à l’intention des salariés s’appuient d’abord et avant tout, comme nous l’avons vu, sur des règles formelles. Celles-ci sont instaurées à l’initiative de l’employeur dans la lignée de ses engagements explicités au sein de codes de conduite. Dès lors, mêmes si elles sont instaurées dans l’objectif de mieux intégrer les attentes des travailleurs, elles n’en restent pas moins, à un niveau général d’analyse, des règles de gestion qui formalisent qui doit faire quoi dans l’entreprise, dans quel contexte, au sein de quel collectif, selon quelle marge de manœuvre, etc., et leur application relève toujours en définitive de l’employeur. Ainsi que Simon [1976 (1945)] l’a justement noté, l’ensemble des règles formelles de toute organisation « permet d’allouer les zones d’activité et d’établir les relations d’autorité » [Simon, 1976, p. 148]. Et en tant que règles formelles, les dispositifs de gestion instaurés au nom de la responsabilité sociale de l’entreprise envers ses salariés ne constituent pas une exception. Ces dispositifs portent donc en eux l’autorité. Cette manière d’en rendre compte fait écho à la perspective plus générale d’analyse des règles d’encadrement de la relation d’emploi menée par Williamson. Ces règles étant vues par l’auteur comme instaurées par l’employeur pour inciter les salariés à se comporter comme il l’attend, elles apparaissent au final comme des instruments de l’autorité.
34Considérer que les pratiques « responsables » d’encadrement de la relation sont des instruments de l’autorité peut paraître a priori provocateur dans le contexte récent au sein duquel ces pratiques sont parfois présentées comme une solution « moderne » et prometteuse aux problèmes de la relation d’emploi. De même, nuançons notre analyse, une telle proposition nous semble difficilement démontrable de façon générale. C’est en référence à des illustrations concrètes qu’elle peut prendre sens. À cet égard, des travaux empiriques récents sur les effets de certaines pratiques de RSE à l’intention des salariés alimentent cette interprétation. Ceux-ci méritent d’être soulignés dans la mesure où ils illustrent selon nous comment des pratiques présentées au départ comme visant à mieux prendre en compte les intérêts des salariés peuvent dans certains cas se retourner contre ceux qu’elles étaient censées servir. Nous nous focaliserons en particulier sur le contentieux existant autour des effets des codes de conduite sur la relation d’emploi, sur la propension de ces codes à contourner la représentation syndicale et, enfin, sur certains changements induits en matière d’évaluation des salariés par la RSE.
35Il n’est pas rare que les engagements pris par les firmes au sein de leurs codes de conduite se répercutent sur leurs salariés au point où, comme le notent Le Borgne-Larivière et al. [2009, p. 193], « le code de conduite peut devenir, dans bien des cas, un outil de régulation interne qui posera un régime de sanction en cas de violation de celui-ci par les employés de l’entreprise ». Une étude menée par l’OCDE [2001] souligne en effet que sur 118 codes d’entreprises analysés, un peu plus de 40 % d’entre eux envisagent la possibilité de sanctions à l’égard du personnel ou de partenaires commerciaux ne respectant pas les engagements précisés dans le code. Plus spécifiquement concernant la relation d’emploi, certains juristes étudiant le contentieux français portant sur les codes de conduite dans le champ des relations de travail montrent comment ces instruments de RSE, parce qu’ils peuvent créer des obligations à la charge des salariés, sont invoqués par certaines firmes contre les salariés pour les sanctionner voire les licencier [Julien, 2010]. Selon Julien [2010, p. 245], « pour l’heure, nous avons surtout observé un contentieux dans lequel les codes de conduite apparaissent comme des outils d’assujettissement des salariés utilisés par les directions d’entreprises en vue d’adapter la main-d’œuvre à leurs attentes », ce qui constitue pour l’auteur un « effet inattendu » [ibid.] des stratégies de responsabilité sociale des entreprises à l’égard des salariés. Or cet effet n’est finalement pas si « inattendu » que cela si l’on considère, dans la lignée des théoriciens des organisations vus plus haut, les règles mises en œuvre au sein des entreprises comme des instruments de l’autorité.
36De même, et plus spécifiquement à l’échelle internationale, les déclarations faites par certaines entreprises sur la question du traitement de la main-d’œuvre peuvent déroger aux normes internationales de travail de l’OIT. C’est en tout cas ce que montrent certaines études fouillées des codes de conduite de multinationales comme par exemple celles menées par Diller [1999] ou par l’OCDE [2001] qui soulignent comment les codes peuvent constituer un moyen permettant de contourner les syndicats. À titre d’illustration, Diller cite le code d’une multinationale déclarant vouloir « faire en sorte que les salariés ne ressentent pas le besoin d’être représentés par un syndicat ou une autre tierce partie » [Diller, 1999, p. 125], ou encore pour une autre : « L’entreprise juge préférable qu’il n’y ait pas de présence syndicale, sauf si la loi ou la tradition l’exigent. » [Ibid.] L’OCDE relève quant à elle qu’« une société nord-américaine stipule qu’elle recourra à tous les moyens qu’autorise la loi pour décourager l’adhésion de son personnel à des syndicats » [2001, p. 59]. Si ces exemples ne sont certes pas représentatifs de l’ensemble des engagements pris par les firmes en matière de RSE, ils soulignent toutefois les limites des outils de RSE à partir du moment où les entreprises, de manière unilatérale, décident de ce qu’elles considèrent comme « bon » pour les salariés.
37Enfin, certaines pratiques « classiques » d’encadrement de la relation d’emploi peuvent évoluer pour intégrer les engagements « responsables » pris par les directions d’entreprise. C’est le cas des pratiques d’évaluation du travail. Dans certaines entreprises, ces pratiques se transforment sous l’effet des engagements des directions au nom de la RSE en élargissant les attentes de l’entreprise à des éléments éthiques ou moraux que les salariés sont censés intégrer. Analysant les effets liés à la « tentation éthique du capitalisme » portée par le développement des pratiques de RSE, Salmon [2007] souligne ainsi comment des entreprises annoncent que « l’inscription des valeurs au cœur du comportement des salariés fera l’objet d’une évaluation individuelle dans le cadre de procédures propres à chaque société, notamment lors des entretiens d’évaluation » (p. 98). Dans ce cas, la normalisation des comportements permise par les outils d’évaluation s’exerce non plus uniquement sur des actions mais aussi des manières d’être ou de penser : le pouvoir d’autorité porte dès lors sur des valeurs morales ou éthiques que l’entreprise se donne les moyens d’évaluer auprès des salariés en intégrant celles-ci au sein de critères d’appréciation individuelle.
38Si certaines pratiques de GRH relevant de la RSE peuvent être analysées comme porteuses de l’autorité, soutenir qu’elles ne font que cela serait toutefois incorrect. L’objet de notre réflexion est plutôt de souligner l’ambivalence qu’elles peuvent entretenir avec l’autorité de l’employeur. Si nous avons insisté sur l’idée selon laquelle certains dispositifs peuvent être interprétés comme des instruments de l’autorité, dans l’autre sens, on pourrait arguer qu’ils peuvent aussi constituer un frein à l’autorité. À cet égard, Julien [2010] note que les codes de conduite sont parfois – mais rarement – invoqués non pas contre les salariés mais contre l’employeur, celui-ci prenant trop de liberté, aux yeux des salariés ou de leurs représentants, par rapport à ses engagements initiaux [9]. Dans ce cadre, on pourrait finalement avancer, pour reprendre une expression chère à Dupuy [1992], que les pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables » contiennent l’autorité de l’employeur dans les deux sens du verbe contenir. Elles sont pleinement ambivalentes : elles portent en elles l’autorité et la limitent tout à la fois.
39Dès lors, la lecture williamsonienne des règles d’encadrement de la relation d’emploi comme instrument de l’autorité est mise à mal. Simon, plus subtil que Williamson sur ce point, souligne certes que les règles formelles mises en place par l’employeur sont porteuses d’autorité, mais il reconnaît en même temps qu’elles contraignent l’autorité. Ainsi qu’il l’écrit, « une des fonctions importantes de l’organisation formelle est de limiter dans la mesure du possible le développement, dans l’organisation, de querelles de fond – lutte d’influence, lutte d’autorité – qui seraient néfastes au bon fonctionnement de l’organisation » [Simon, 1976 (1945), p. 149, nous soulignons]. L’analyse simonienne du rôle des règles formelles instaurées au sein des firmes pour encadrer la relation d’emploi enrichit, nous semble-t-il, le sens que l’on peut donner aujourd’hui aux pratiques de RSE mises en place en direction des salariés. Celles-ci soutiennent l’autorité en même temps qu’elles peuvent lui faire barrage même si, dans ce second cas, le contentieux actuel montre que c’est plutôt rare.
5.3 – Dépasser le caractère unilatéral des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi ?
40Les discours actuels souvent optimistes autour du développement de la gestion « responsable » des ressources humaines nous semblent devoir être analysés avec mesure. L’idée des tenants de l’approche « unitaire », selon laquelle les intérêts des membres de la relation d’emploi peuvent facilement se rejoindre si tant est que les « bonnes » pratiques de gestion sont mises en œuvre, est attrayante et généreuse. Elle reste aujourd’hui encore très débattue et ne fait pas l’unanimité chez les chercheurs. Dans une optique assez radicale, Van Buren et al. [2011] rejettent l’optimisme des auteurs avançant que les intérêts des membres de la relation d’emploi peuvent facilement être rendus convergents. Pour eux, cette idée est fausse parce que c’est toujours en définitive « l’organisation [qui] “offre” un rôle à l’employé, définit ce rôle, explicite ce que le bon employé doit faire, contrôle les dispositifs de récompenses et de promotion et définit les buts et objectifs de l’organisation – et par extension ceux de l’employé » [Van Buren et al., 2011, p. 213]. Dit autrement, c’est l’organisation qui impose d’abord son point de vue à l’employé. On retrouve ici ce qui fait la spécificité de la firme pour les théoriciens des organisations sur lesquels nous nous sommes appuyés : l’autorité de l’employeur sur l’employé. Conformément au pouvoir autoritaire dont il dispose, l’employeur peut instaurer des règles cherchant à mieux prendre en compte l’intérêt de celui qu’il emploie. Mais de fait, parce que les règles à la base des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi restent volontaires et à l’initiative de l’employeur, il n’y a pas de garantie qu’elles servent effectivement l’intérêt des employés auprès desquels les directions d’entreprise justifient pourtant leur mise en œuvre. Cela permet d’éclairer selon nous en partie pourquoi, pour reprendre Postel et al. [2006, p. 100], « pour l’heure, la voix des salariés est inaudible dans le cadre de la RSE ».
41L’ambivalence des pratiques « responsables » d’encadrement de la relation d’emploi peut être atténuée en rendant les engagements pris par les entreprises en matière de GRH plus contraignants. À cet égard, les deux grandes voies repérées par les auteurs associés au courant des relations industrielles pour atténuer les conflits d’intérêts entre les membres de la relation d’emploi – institutionnalisation de la négociation collective et intervention légales de l’État – ne doivent pas être oubliées.
42Concernant la négociation collective, le fort développement, dans les années 2000, des accords-cadres internationaux (ACI) peut paraître une voie prometteuse. La particularité des ACI est d’être le fruit d’une négociation collective entre direction et syndicats, notamment grâce à la participation des Fédérations syndicales internationales (FSI). Ces accords collectifs constituent une alternative aux engagements unilatéraux pris par les entreprises dans leurs codes de conduite. Même si nous sommes encore très loin des conventions collectives internationales espérées au départ par certains représentants syndicaux, les ACI constituent un instrument de RSE qui, appliqué en direction des salariés, peut contribuer à rééquilibrer la relation d’emploi puisqu’ils « représentent le commencement d’une pratique de négociation collective internationale » [Drouin, 2010, p. 210]. Ils apparaissent alors comme des instruments permettant de mieux intégrer les intérêts des salariés. En même temps, on peut se demander si ce n’est justement pas pour cette même raison que les salariés qu’ils concernent sont aujourd’hui presque trois fois moins nombreux que ceux pour lesquels s’appliquent des codes de conduite [10], ce qui, selon nous, témoigne du fait que cette solution reste insuffisante même si la négociation collective en matière de RSE est bienvenue.
43L’autre voie, qui consiste à légiférer en la matière, serait probablement dans son principe la plus efficace mais souffrant dans les faits de difficultés de mise en œuvre. En effet, s’il semble actuellement difficile de pouvoir imposer au niveau international un cadre juridique commun aux pays les plus développés comme les moins avancés en matière d’encadrement de la relation d’emploi, les États restent réticents au niveau national à trop légiférer pour ne pas « désavantager » les entreprises nationales engagées dans la mondialisation. Pourtant, il semble bien que ce soit finalement la loi qui ait le plus d’impact sur la capacité des entreprises à prendre en compte dans la conduite de leur politique les intérêts des salariés. Plusieurs études menées ces dernières années le soulignent. En France, les travaux de Coulon [2006] et plus récemment de Deumier et al. [2010] montrent que les pratiques de RSE des entreprises en direction des salariés reflètent en général l’application du droit. Les entreprises répondent en fait à ce que le droit leur impose, en allant rarement au-delà. Deumier et al. [2010] interprètent d’ailleurs les mesures de RSE prises en direction des salariés comme des « instruments de la réalisation du droit », ce qui fait finalement dire aux auteurs que « si la RSE s’entend de mesures prises par les entreprises qui “vont au-delà des exigences légales minimales et des obligations imposées par les conventions collectives”, les exemples donnés par les entreprises françaises comme des bonnes pratiques, ne constituent tout simplement pas des pratiques de RSE [11] » [Deumier et al., 2010, p. 201].
6 – Conclusion
44En conclusion de ce travail, précisons qu’il ne s’agit pas pour nous d’avancer que les pratiques de RSE à l’intention des salariés n’ont aucune utilité d’un point de vue empirique ou que, du point de vue normatif, il faudrait les condamner. Le cadre légal national spécifique à chaque pays conditionne en fait largement leur effectivité et explique pourquoi, dans les pays – comme la France – au sein desquels l’État reste encore actif en matière de droit social, ces pratiques peuvent apparaître comme porteuses d’améliorations plus limitées pour les salariés que dans les pays au sein desquels la législation sociale est moins développée ou moins contraignante aux yeux des entreprises.
45Au-delà de l’effort entrepris ici pour spécifier et définir les mesures de gestion « responsable » des ressources humaines qui se développent fortement depuis quelques années au sein des grandes entreprises, l’objet de cet article était aussi de souligner toute l’ambivalence dont elles sont porteuses, appelant les chercheurs comme les praticiens à la prise de recul vis-à-vis de certains discours en vogue autour de la responsabilité sociale de l’entreprise. Les relations existantes entre les pratiques de GRH relevant de la RSE et l’autorité de l’employeur restent ambiguës. Si ces pratiques sont mises en place dans l’objectif de mieux prendre en compte les intérêts des salariés, elles peuvent en même temps se retourner contre ceux à qui elles étaient censées profiter au départ. Les raisons de leur essor actuel dans les pays occidentaux doivent beaucoup, nous semble-t-il, à la volonté des directions des ressources humaines de crédibiliser leurs actions et de regagner la confiance des salariés qu’elles ont souvent perdue ces vingt dernières années [Kochan, 2004].
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Mots-clés éditeurs : autorité, conflit d'intérêts, théorie des organisations, relation d'emploi, responsabilité sociale de l'entreprise
Date de mise en ligne : 10/05/2013
https://doi.org/10.3917/rfse.011.0145Notes
-
[1]
Voir à ce titre le numéro spécial de la Revue internationale de psychosociologie [2008].
-
[2]
Soulignons que nous n’avons ici aucune prétention à l’exhaustivité quant à l’exposition des analyses mettant en valeur l’importance du conflit d’intérêts entre employeurs et employés. Nous mobilisons surtout les approches qui, au niveau micro et en lien avec la théorie des organisations, nous semblent les mieux à même d’éclairer le sens des pratiques d’encadrement de la relation d’emploi dites « responsables » que nous cherchons à expliciter dans cet article.
-
[3]
Geare et al. [2006] s’appuient sur les travaux de Dunlop [1958], l’un des représentants majeurs du courant des relations industrielles, lorsqu’ils définissent ce qu’ils entendent par « idéologie ».
-
[4]
Edwards [2003] parle de « renouveau » (resurgence) au sens où la perspective unitaire qui est née dans les années 1920-1930 avec l’École des relations humaines s’est vue atténuée par la suite avec la domination du courant des relations industrielles, courant qui justement s’est affaibli dans les années 1960 et 1970 au profit des approches gestionnaires, et notamment de la gestion des ressources humaines.
-
[5]
Nous n’entrerons pas ici dans le détail des différences qui peuvent être faites entre les terminologies que l’on peut trouver au sein des entreprises ou dans la littérature. Nous parlerons de « codes de conduite » au sens large, l’idée étant que ce que précisent ces codes a une dimension déontologique aux yeux des parties prenantes [Medina, 2003].
-
[6]
À titre d’exemple, la méthodologie suivie par Vigeo pour mesurer la performance sociale des entreprises porte sur six grands domaines faisant l’objet d’évaluation : droits humains, ressources humaines, environnement, comportements sur les marchés, gouvernement d’entreprise et engagement sociétal [Gond & Igalens, 2010, p. 75-76]. Dans cet ensemble, la dimension RH est bien prise en compte, mais elle n’est pas centrale.
-
[7]
KLD, Innovest, Ethibel, Bitc, Areses/Vigeo sont des agences spécialisées dans la notation sociale.
-
[8]
Selon Williamson, ces « bonnes » règles sont celles qui rendent impersonnelle la gestion des salariés. Dans son ouvrage de 1975, et en particulier dans le chapitre 3 consacré à la relation d’emploi, l’auteur apparaît critique à l’égard des politiques individualisées d’encadrement de la relation d’emploi, les interprétant comme des règles tendant à accroître les coûts de coordination des membres de la relation d’emploi dans la mesure où elles accentuent les comportements opportunistes.
-
[9]
Julien [2010] mentionne notamment à ce titre le contentieux qui a eu lieu chez IBM et chez Hewlett Packard autour d’engagements de versement de primes, spécifiés dans les codes de conduite de ces entreprises.
-
[10]
Selon Bourque [2008], à l’échelle internationale, 10 millions de travailleurs seraient concernés par des codes de conduite, contre seulement 3,5 millions pour les ACI.
-
[11]
Soulignons que le cas français n’apparaît pas comme une exception à cet égard. Ramboarisata et al. [2008] montrent dans leur travail sur les banques canadiennes que les pratiques de gestion « responsable » des ressources humaines renvoient d’abord et avant tout aux obligations imposées par les législations fédérale et provinciales.