Notes
-
[1]
Cet article a été réalisé dans le cadre du Programme ANR « Le potentiel régulatoire de la RSE ».
-
[2]
C’est le titre de la communication de juillet 2002 de la Commission de l’Union européenne.
-
[3]
L’association peut même être parfois très ambiguë, lorsque le discours managérial fait glisser le développement durable de la planète vers celui de l’entreprise.
-
[4]
Accountability a été traduit par « redevabilité » dans la version française des lignes directrices de l’ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale ; elle est définie comme un état consistant, pour une organisation, à être en mesure de répondre de ses impacts sur la société, l’économie et l’environnement.
-
[5]
Jusqu’à ces dernières années, la littérature managériale étasunienne en matière de RSE ignorait le concept de développement durable [Pasquero, 2005].
-
[6]
Comme le souligne Etchegoyen [2003], ses deux antonymes sont inacceptables : qui peut souhaiter une régression ou un développement éphémère ?
-
[7]
KPMG International Survey of Corporate Responsibility 2005 ; www.kpmg.com.
-
[8]
Voir Battilana, Leca et Boxenbaum [2008] qui présentent une revue de littérature très complète, portant sur tous les articles relatifs à l’entrepreneur institutionnel, publiés entre 1988 et 2008 dans les principales revues académiques.
-
[9]
Vigeo, agence de notation extra-financière des entreprises, définit son activité comme la « mesure des performances des entreprises en matière de développement durable et de responsabilité sociale ».
-
[10]
United Nations World Commission on Environment and Development, Our Common Future / Brundtland Report, 1987.
-
[11]
Dont : ABB, ALCOA, Chevron, Ciba Geigy, Dow, DuPont, Mitsubishi, Nippon Steel, Nissan, Shell et Volkswagen.
-
[12]
Business will play a vital role in the future health of this planet [Schmidheiny, 1992].
-
[13]
Cannibals with forks: the triple bottom line 21st century business [1997].
-
[14]
Zaccaï [2002, p. 101] fournit un schéma du triangle devenu célèbre, émanant d’un document de la Banque mondiale datant de 1993, qui explicite la déclinaison du développement durable en trois volets (ou trois piliers).
-
[15]
Notre traduction.
-
[16]
Les auteurs de ce document sont S. Schmidheiny, R. Chase (BP) et L. DeSimone (3M).
-
[17]
« It is a shift from a fractured view of environment and development issues to a holistic view of business and sustainable development » [Signals of change, p. 9].
-
[18]
UN General Assembly at its 19th special session (23-28 June 1997): Programme for the Further Implementation of Agenda 21.
-
[19]
Responsible entrepreneurship, Background paper n° 4, 6e session.
-
[20]
Le Pacte mondial (Global Compact) invite les grandes entreprises, par des engagements volontaires, à contribuer à la promotion et à la mise en œuvre d’une « mondialisation à visage humain », notamment par la lutte contre la pauvreté. S’inspirant de la Déclaration des droits de l’homme, des Principes fondamentaux de l’OIT et des accords de Rio sur l’environnement, il comprend neuf principes : deux concernent le respect des droits humains, quatre les droits fondamentaux au travail, trois la protection de l’environnement ; un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption a été ajouté.
-
[21]
C’est le cas, notamment, des Principes directeurs de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme, adoptés le 16 juin 2011 par le Conseil des droits de l’homme.
-
[22]
Définition de la responsabilité sociétale : « Responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
- contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
- prend en compte les attentes des parties prenantes ;
- respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
- est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. » [AFNOR, 2010, p. 4]
-
[23]
“Companies recognize that their long-term competitiveness ultimately depends on their ability to understand these societal changes, to contribute to the global good and to carve out new competitive space for productivity, innovation and growth. Taking societal responsibilities seriously helps companies sustain their economic success.” [site WBCSD : www.wbcsd.org]
-
[24]
Laufer [1996] cité par Acquier et Aggeri [2008].
1 – Introduction
1Lorsqu’on parle aujourd’hui en Europe de responsabilité sociale des entreprises (RSE), c’est le concept de développement durable (DD) qui lui est immédiatement associé. Il existe un consensus sur le continent européen pour définir la RSE comme « la contribution des entreprises au développement durable [2] ». Que ce soit dans les discours managériaux, dans les prises de position des ONG, les publications académiques, les dispositifs de normalisation, les textes et rapports émanant des autorités publiques, la responsabilité de l’entreprise est actuellement indissociable de la locution « développement durable » (DD).
2Ces deux concepts renvoyaient, avant les années 2000, à des champs sémantiques bien séparés, le DD concernant l’avenir de la planète, la RSE concernant le rôle de l’entreprise dans la société. L’association RSE-DD est aujourd’hui, en Europe, rarement questionnée. Le champ sémantique de la RSE emprunte de plus en plus à celui du DD : la RSE est ainsi évaluée à l’aune des trois piliers du développement durable : prospérité économique, justice sociale, viabilité écologique. Cette association constitue ce que l’on peut décrire comme un « couplage » des sens de ces deux éléments [3].
3Ce consensus européen sur l’intégration du développement durable dans la RSE est, d’une part, un phénomène assez récent et, d’autre part, il est loin d’être universellement partagé par les acteurs (entreprises et parties concernées) qui, dans le monde, concourent au mouvement de la RSE. Différentes approches de la RSE définissent d’ailleurs la responsabilité de l’entreprise comme répondant à d’autres types de justifications, selon des critères très divers : éthique, intérêt managérial, réponse aux attentes des parties prenantes, encastrement de l’entreprise dans la société…
4Nous proposons, dans cet article, d’analyser les étapes du processus de couplage RSE-DD, de présenter ses acteurs et d’examiner les implications induites par cette représentation du rôle de l’entreprise comme acteur du DD. Nous montrerons en particulier que cette représentation donne un cadre politique au mouvement de la RSE, au sens où elle s’accompagne d’un transfert de la responsabilité des États vers les entreprises et qu’elle participe donc d’un mouvement d’institutionnalisation du rôle de l’entreprise dans la prise en compte, voire la prise en charge, des questions de développement durable. Nous nous interrogerons sur les limites de ce couplage et ses conséquences sur la définition d’un concept de soutenabilité. Nous nous appuierons sur la description et l’analyse de l’évolution des discours qui, entre le début des années 1990 et nos jours, ont jalonné les différentes étapes de cette association entre RSE et DD. Ces discours ont été puisés dans les textes émanant des milieux d’affaires, des organisations et des conférences internationales, tant au niveau mondial qu’aux niveaux européen et français. Les matériaux mobilisés sont donc les documents ou déclarations référencés, complétés par des entretiens réalisés avec quelques-uns des acteurs clés.
5Après avoir présenté dans une première partie les différentes approches traditionnelles de la RSE (2), nous analyserons, dans la seconde partie, les étapes successives du couplage RSE-DD conduisant à l’institutionnalisation de « l’entreprise responsable » comme acteur du DD (3) ; la troisième partie mettra en évidence les enjeux et les limites de cette représentation(4).
2 – Les approches traditionnelles de la responsabilité sociale de l’entreprise ne se réfèrent pas au développement durable
6La représentation actuellement dominante en Europe de la responsabilité sociale de l’entreprise comme sa contribution au DD est loin d’être universelle dans le temps et dans l’espace. Les trois grandes approches traditionnelles de la RSE qui ressortent de la littérature ne se réfèrent pas au DD. Historiquement, on distingue généralement une approche « éthique » héritée du paternalisme du xixe siècle (2.1), une approche stratégique utilitariste (2.2) et une approche dite des « parties prenantes » (2.3). Elles se différencient sans toutefois constituer des oppositions irréductibles.
2.1 – L’approche « éthique », héritée du paternalisme
7L’approche héritée du paternalisme du xixe siècle est généralement fondée sur des valeurs morales et religieuses et fait appel à l’éthique personnelle du dirigeant. Bowen [1953], à qui des Églises évangéliques américaines avaient commandé une réflexion sur la responsabilité du dirigeant d’entreprise, est généralement considéré comme le premier théoricien de ce courant qui sera dénommé plus tard « business ethics » [Pasquero, 2005]. Il s’appuie sur des préceptes bibliques (stewartship principle et charity principle) en assimilant l’entreprise à un « être moral » qui a des devoirs et qui doit assurer le bien-être des travailleurs, de leurs familles et, au-delà, celui de la communauté. Les mesures et actions sociales menées par l’entreprise ne peuvent être que volontaires et se situent en fait « hors business » (par exemple par le biais de fondations) : mécénat et philanthropie constituent le stade suprême de la RSE [Carroll, 1979]. Ces actions visent en général à réparer les dommages causés par les activités économiques et non à les prévenir. Cette conception qui a vu le jour aux États-Unis y est toujours largement prédominante.
2.2 – L’approche stratégique utilitariste
8Elle repose sur l’idée que le comportement social de l’entreprise doit servir sa performance économique. Cette conception soutient que les exigences de rentabilité et de profitabilité seront mieux satisfaites par la maximisation de la performance sociale des individus et de l’organisation. Le choix des actions sociales est effectué à travers une analyse coûts/avantages permettant d’en démontrer aux dirigeants la pertinence et l’utilité pour l’entreprise.
9L’entreprise doit notamment soigner son image de marque, sa réputation, entretenir la confiance de ses parties prenantes, c’est-à-dire les groupes et les individus susceptibles d’influencer ou d’être influencés par la réalisation des objectifs de l’organisation [Freeman, 1984]. Elle doit donc être à l’écoute de leurs attentes, de manière à conserver (ou à gagner) la légitimité permettant d’acquérir les ressources nécessaires à son activité et donc d’assurer sa pérennité. Apparue dans les années 1970 en Europe et aux États-Unis (où elle donna naissance au courant managérial dénommé Social Issues Management), cette approche s’inscrit dans une conception classique de la performance économique et financière de l’entreprise ; la justification repose sur le business case : argumentaire justifiant les mesures volontaires de RSE par l’ensemble des avantages compétitifs qui sont susceptibles d’en résulter. On est alors censé être dans un jeu à somme positive : gagnant pour la société, gagnant pour l’entreprise.
2.3 – L’approche de la RSE comme réponse aux attentes des parties prenantes
10La théorie des parties prenantes est devenue une référence incontournable pour la RSE ; elle propose un cadre pour la définir et pour son intégration dans le management stratégique. Elle place l’entreprise au centre d’un ensemble d’acteurs (les parties prenantes, stakeholders) qui ont des attentes implicites ou explicites à son égard, qui ont un pouvoir plus ou moins fort pour se faire entendre et influencer les dirigeants. Dans cette approche, la prise en compte des stakeholders au lieu des seuls shareholders dans la gouvernance de l’entreprise légitime le mouvement de la RSE. Ce concept se veut intégrateur des conceptions éthiques et utilitaristes comme le montrent Donaldson et Preston [1995] dans une revue de littérature portant sur la théorie des parties prenantes et qui met en évidence les approches « normatives » issues du courant éthique et les approches « instrumentales » reposant sur la vision « utilitariste » de la RSE.
11Le courant Social Issues Management affirme que la pérennité de l’entreprise dépend de son aptitude à répondre aux attentes de ses parties prenantes. L’identification et la gestion des relations avec celles-ci est centrale dans tous les référentiels et lignes directrices de mise en œuvre de la RSE (GRI, AA 1000, ISO 26000…). Cette approche structure fortement les discours et les représentations de la RSE, quels que soient les pays. L’accountability [4], interprétée comme le fait d’être redevable à l’égard des parties prenantes et de leur rendre des comptes, devient la valeur clé de la RSE.
12Néanmoins, l’approche « parties prenantes » de la RSE présente un certain nombre de limites [Pesqueux, 2006] : limites relatives à la légitimité des acteurs qui sont censés représenter les grands enjeux de la société, aux enjeux qui ne sont pas portés par des parties prenantes et surtout, l’affirmation sous-jacente que l’agrégation des intérêts particuliers peut conduire à l’intérêt général ; or on sait, si l’on suit le paradoxe de Condorcet et le théorème d’impossibilité d’Arrow, qu’une somme de préférences individuelles ne suffit pas à fonder une préférence collective. Si les attentes exprimées des parties prenantes aident à identifier les enjeux environnementaux et sociaux, elles ne peuvent pas prétendre représenter l’intérêt général et le développement durable.
13Les différentes approches de la RSE présentées dans cette première partie ne s’excluent pas dans les discours managériaux ; elles ont plutôt tendance à se combiner pour renforcer la légitimité des politiques de RSE. Mais en Europe [5] la justification première d’une mise en œuvre de politique de RSE est liée au développement durable. Le « développement durable » y est devenu un concept consensuel, une référence pour tous les acteurs de la vie économique et sociale ; les différentes représentations qu’en ont les acteurs autorisent ce consensus [6] sans autre précision de sens. Le mot est omniprésent dans le vocabulaire du management : les politiques RSE sont élaborées par les directions « Développement durable » des grands groupes, la communication sur la RSE se fait sur les pages DD des sites Internet et dans les rapports DD publiés. Dans une étude [7] portant sur les pratiques de reporting extra-financier KPMG constate que, en 2005, 70 % des rapports publiés par les 250 plus grandes entreprises mondiales étaient intitulés « rapport de développement durable » alors qu’en 2002, ils n’étaient que 20 % (le titre le plus courant était alors « Hygiène, Sécurité, Environnement » (HSE).
14Ainsi, le concept de RSE est intimement lié à celui de DD qui est devenu l’artefact de l’intérêt général à prendre en compte par les « entreprises responsables ». Comment s’est effectué ce rapprochement entre ces deux concepts et quelles en sont ses implications ?
3 – Les étapes clés du processus d’institutionnalisation de « l’entreprise responsable » comme acteur du DD
15La référence au DD pour définir la RSE peut être analysée comme un processus d’institutionnalisation au sens des théories sociologiques néo-institutionnelles. Pour définir l’institution, Scott (1995) se réfère soit au cadre légal soit à un ensemble d’évidences partagées, de règles tenues pour acquises ; il souligne que les institutions « constituent des structures cognitives, normatives, des structures de régulation et des activités qui procurent stabilité et sens aux comportements sociaux » [Scott, 1995, p. 33].
16L’institutionnalisation résulte des processus par lesquels les actions deviennent « habituelles » au sein d’une organisation ou d’un champ organisationnel. La légitimité, c’est-à-dire la conformité aux valeurs et aux normes sociales reconnues [Suchman, 1995] devient un levier déterminant des comportements. La dimension symbolique des décisions et des structures l’emporte sur leurs dimensions matérielles [Meyer & Rowan, 1977]. Une part importante des travaux de la théorie néo-institutionnelle porte sur l’émergence et le changement institutionnel.
17Ces travaux soulignent l’importance des processus historiques et proposent d’analyser l’influence d’acteurs qualifiés d’« entrepreneurs institutionnels » sur la transformation ou l’apparition de nouvelles institutions. Ces derniers peuvent mobiliser les ressources suffisantes ; ils ont une capacité de théorisation et de discours pour légitimer leur démarche. Ils sont très insérés dans différents réseaux et ont une capacité d’enrôlement auprès des acteurs dominants du champ étudié [Battilana, Leca et al., 2008] [8].
18Ce cadre d’analyse peut être appliqué au phénomène du couplage entre RSE et DD, phénomène participant d’un processus d’institutionnalisation comportant les étapes suivantes :
- l’apparition de discours sur des principes ou des pratiques émergentes ;
- l’action d’entrepreneurs institutionnels : WBCSD (Schmidheiny) et SustainAbility (Elkington) qui disposent d’une légitimité reconnue auprès des acteurs et qui théorisent la prise en compte du DD dans la stratégie des entreprises « responsables » ;
- la mise en place de stratégies de lobbying notamment auprès des instances internationales ou européennes qui contribue à la diffusion du concept ;
- l’élaboration d’instruments d’évaluation et de notation [9], de normes de management qui vont intégrer le DD dans le champ sémantique de la RSE.
19Le tableau 1 présente une synthèse des principaux événements analysés dans cette partie.
Les étapes clés du couplage RSE-DD
Les étapes clés du couplage RSE-DD
3.1 – Avant 1997 : émergence des entrepreneurs institutionnels WBCSD et SustainAbility
20L’histoire du lien RSE-DD est assez courte. Jusqu’aux années 1990, les concepts de RSE et de développement durable avaient vécu dans des sphères séparées, avec des trajectoires tout à fait parallèles ; l’un véhiculé principalement par des universitaires étasuniens (courant Business ethics) à partir des années 1960 et des entreprises pionnières (regroupées au sein de l’association Business Social Responsibility) ; l’autre né dans les milieux scientifiques de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) également dans les années 1960, s’appuyant sur les idées de quelques économistes hétérodoxes de l’époque (en particulier Ignacy Sachs et son concept d’écodéveloppement) ; popularisé en 1987 par le rapport Brundtland [10], le concept de développement durable trouvait sa consécration mondiale à la conférence des Nations unies pour l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro en 1992. Dans son article 30.3, l’Agenda 21, issu de cette conférence, affirme que « le commerce et l’industrie, y compris les sociétés transnationales, devraient reconnaître que la gestion de l’environnement… est déterminante pour le développement durable » [ONU, 1992] ; il reconnaît l’intérêt des initiatives de certaines entreprises pionnières, mais il réaffirme surtout le rôle des gouvernements pour créer les conditions et les outils économiques de la ré-internalisation des externalités en fonction du principe « pollueur-payeur ».
21Les acteurs que nous qualifions d’« entrepreneurs institutionnels », S. Schmidheiny avec WBCSD et J. Elkington avec SustainAbility, font émerger le lien entre RSE et DD. C’est durant cette période que se mettent en place les déterminants du processus d’institutionnalisation : discours et influence sur les instances internationales, théorisation d’une part, proposition d’outils d’autre part.
22S. Schmidheiny, homme d’affaires suisse, à la tête d’un grand groupe très diversifié, a mis en œuvre, à partir des années 1980, une politique de RSE fondée sur la philanthropie, à travers une fondation de développement de PME en Amérique latine. Lors de conférences sur son expérience, il rencontre le secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, qui lui confie la responsabilité de constituer un groupe « Industrie » pour le sommet de Rio [1992]. Il va regrouper, dans le Business Council for Sustainable Development (BCSD), 50 grandes multinationales européennes, japonaises et nord-américaines [11] pour représenter les entreprises lors de ce sommet. S. Schmidheiny et BCSD vont avoir une influence significative lors de la conférence de Rio ; par exemple, dans l’article 30 de l’Agenda 21, les bonnes pratiques de certaines grandes entreprises pionnières, « des entrepreneurs éclairés », sont mises en avant pour démontrer leur contribution au développement durable. BCSD et S. Schmidheiny présentent les bases de la conception de leur responsabilité (essentiellement environnementale) dans un ouvrage largement diffusé : Changing Course : a global business perspective on development and the environment [1992].
23Les arguments fondateurs sont relatifs à l’importance clé des entreprises dans l’avenir de la planète [12], à l’affirmation qu’« aucune entreprise ne peut continuer d’exister si son comportement à l’égard de l’environnement ne lui vaut pas la confiance et le respect de la société » [Schmidheiny, 1992] et que de nouvelles formes de coopération doivent se mettre en place entre entreprises et gouvernements pour assurer croissance économique et protection de l’environnement. Le concept d’éco-efficience y est également développé.
24BCSD s’est élargi et devient, en 1995, WBCSD (World Business Council for Sustainable Development). WBSCD (avec S. Schmidheiny) a joué un rôle d’entrepreneur institutionnel. Ses ressources, son insertion dans le réseau des instances internationales et le réseau des dirigeants de multinationales, sa capacité de théorisation, ont été déterminants dans l’association entre la responsabilité de l’entreprise et le développement durable. Ainsi, paradoxalement, par rapport aux ONG, le WBCSD a sans doute fait plus pour sensibiliser les entreprises (tout au moins les plus grandes) aux défis de la protection de l’environnement même si certains lui reprochent d’avoir subtilement joué contre toute mesure globale concrète contre les changements climatiques [Levy & Egan, 2000].
25Le processus d’institutionnalisation de ce lien a également été amorcé par J. Elkington dans le cadre de sa société de conseil stratégique « SustainAbility », fondée en 1987 au Royaume-Uni, la même année que la publication du rapport Brundtland. J. Elkington a d’abord mobilisé l’approche « parties prenantes » et en particulier le dialogue ONG-entreprise pour restaurer la légitimité de certaines grandes entreprises, notamment Shell après la crise de la plate-forme pétrolière Brent-Spar en 1995 [Aggeri et al., 2005]. Mais il forge le modèle de la Triple Bottom Line, directement transposé de l’approche des trois piliers du développement durable, et publie en 1994 un article où il définit le triple gain a win-win-win business strategy for sustainable development. L’influence de WBCSD est très marquée dans sa démarche. Il développera en 1997 ce concept de Triple Bottom Line dans un ouvrage [13] dans lequel il affirme la nécessité d’évaluer les résultats des entreprises en fonction des trois critères : économique, environnemental et social. Cette représentation du développement durable et de la nécessaire intégration des trois dimensions dans les objectifs des entreprises a été presque immédiatement largement reprise, en Europe, dans tous les discours managériaux et les outils de la RSE ; la coordination nécessaire des politiques économiques, sociales et environnementales qui était à la base du rapport Brundtland [14], fut symboliquement traduite par SustainAbility en 1995 par People, Planet, Profit, dans le titre du premier rapport DD de Shell.
26Au début de l’année 1997, le lien est établi entre RSE et DD sous l’influence déterminante de WBCSD et avec l’approche de la Triple Bottom Line de SustainAbility. Cependant, dans les représentations des acteurs, les gouvernements restent en charge du développement durable.
3.2 – À partir de 1997 : de la prise en compte à la prise en charge du DD par les entreprises responsables
27À l’exception de la signature des accords de Kyoto en 1997, où des États s’engagent en vue de la limitation des émissions de gaz à effet de serre, la gouvernance mondiale en matière de développement durable ne va plus aboutir, après cette date, à des accords contraignants. Ce contexte est souligné par WBCSD :
« Les gouvernements peuvent être vus, d’un point de vue négatif, comme perdant du pouvoir et une vision claire de leur rôle légitime. D’un point de vue plus positif, on peut dire que le retrait des gouvernements des domaines où la société civile ou les entreprises peuvent et savent mieux fonctionner est une bonne chose. D’un point de vue négatif, les entreprises dominent globalement les zones non contrôlées par des gouvernements faibles ; d’un point de vue positif, grâce au libre-échange, les entreprises répandent les progrès, l’innovation et les compétences nécessaires au développement et fournissent le cadre global adapté pour le développement durable [15]. »
29Ce constat justifie pour WBCSD le renforcement du rôle des grandes entreprises dans la prise en charge des questions de développement durable dans un contexte de globalisation.
30Le processus d’institutionnalisation du couplage RSE-DD se renforce, sous l’influence de WBCSD (3.2.1), au sein des instances politiques internationales qui vont confier aux grandes entreprises la responsabilité d’une partie de la régulation du développement durable (3.2.2).
3.2.1 – Les justifications de « l’entrepreneur responsable » au regard du DD pour WBCSD
31WBCSD, doté de moyens importants, s’est taillé une place incontournable dans les discussions internationales sur le développement durable, particulièrement sur les questions environnementales [Zaccaï, 2002]. La publication en 1997 de Signal of Change [16], comme nous l’avons souligné plus haut, liste les arguments qui justifient la prise en charge des questions du développement durable par les entreprises.
32Ce dernier document pose les bases théoriques du business case : il insiste sur le potentiel d’innovation procuré par le DD, sur la possibilité de restaurer la légitimité des multinationales, en leur confiant la mission de préserver l’environnement et de réduire la pauvreté. Le document liste également tous les avantages, en termes de compétitivité, que les entreprises proactives obtiendront de cette stratégie.
33Les bonnes pratiques présentées visent à démontrer leur faisabilité et la logique win-win est décrite comme une vision holistique des affaires et du DD [17]. Mais le WBCSD souligne aussi que ces démarches doivent rester volontaires, que les États doivent créer des conditions incitatrices pour le marché et ne doivent pas intervenir par des lois coercitives. À cette conception s’ajoutent deux outils clés : la création d’indicateurs d’éco-efficience pour piloter les stratégies environnementales et la promotion des études de cycles de vie pour les produits. Le concept de responsible entrepreneurship développé en mai 1998 par le PNUE (cf. 3.2) emprunte très largement aux textes publiés par WBCSD.
3.2.2 – L’institutionnalisation de la convergence des concepts de RSE et de DD
34WBCSD (Schmidheiny) et SustainAbility (Elkington) ont largement contribué au rapprochement RSE et DD tant au niveau du rôle politique des grandes entreprises que de la justification de l’instrumentation managériale. Les grandes instances internationales vont suivre et renforcer l’institutionnalisation du couplage RSE-DD tant au niveau mondial qu’au niveau européen.
- Au niveau mondial :
Dans le cadre du mandat confié par l’assemblée générale des Nations unies de 1997 [18], la commission du DD (Commission on Sustainable Development) de 1998 a consacré la responsabilité des entreprises dans la prise en compte du DD ; elle a diffusé un document [19] qui apparaît comme le cadrage de ce que devrait être la responsabilité sociale des entreprises. Dans ce document, elle reprend la déclaration de Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies : « Responsible entrepreneurship is therefore a business strategy to achieve sustainable development » et appelle toutes les entreprises à définir volontairement des stratégies pour inclure le triptyque du développement durable (économique, social, environnemental) dans toutes leurs divisions et leurs opérations. Les travaux de cette commission ont marqué la doctrine des Nations unies en matière d’entrepreneur responsable.
La structure du Global Compact [20], proposée en 2000 par Kofi Annan, s’inscrit également dans cette logique ; même si le terme DD ne figure pas dans les principes, il sous-tend toute la démarche de recherche de valeurs communes qui s’imposeraient par l’exemple aux entreprises dans le cadre de la mondialisation. La dimension politique du Global Compact est fondamentale car les entreprises étaient pour la première fois considérées comme des membres de la communauté politique mondiale alors que jusqu’à cette date, seuls les États étaient concernés [Frydman, 2007].
- En juin 2000, l’OCDE affirmait, à travers les Principes directeurs à l’intention des firmes multinationales, que son objectif était d’améliorer le cadre des investissements étrangers mais aussi « d’accroître la contribution des entreprises multinationales au développement durable » (p. 7), ainsi que « les pratiques exemplaires dans le domaine du développement durable qui visent à la cohérence des objectifs sociaux, économiques et environnementaux » (p. 8).
- Le Rapport du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg en août 2002 a mis en lumière le retrait des États et la montée en puissance des grandes entreprises et des ONG dans le développement durable. Le programme d’action de Johannesburg [ONU, 2002, p. 21] proposait « d’encourager le secteur industriel à améliorer ses résultats sur les plans social et environnemental grâce à des initiatives volontaires ». Confrontés au problème du financement des actions, les États ont fait la promotion des « partenariats public-privé ».
L’idée qu’on pouvait se passer des États pour promouvoir le DD face à l’incapacité des instances internationales ressort très nettement des conclusions de ce sommet [Godard, 2003]. Il apparaît un décalage entre les discours internationaux bien intentionnés et les moyens qui sont alloués, les instances internationales étant incapables de contrôler les engagements des États plus sensibles aux intérêts de leurs industriels qu’à l’intérêt collectif planétaire. Ce sommet a ouvert aux grandes multinationales un large champ de responsabilité en matière de DD.
Ainsi, au niveau international, les grandes instances ont progressivement mobilisé, dans leurs discours, le développement durable comme valeur commune reconnue et acceptée par les entreprises. Elles demandent aux grandes entreprises de prendre en charge volontairement les objectifs du DD de la planète sachant que leurs représentations du DD sont plus orientées vers les thèmes environnementaux. Ce mouvement est la conséquence de l’affaiblissement de leur influence effective dans un contexte de mondialisation, mais aussi de la montée en puissance d’une idéologie renforçant le pouvoir de régulation du marché. L’Europe a suivi une trajectoire parallèle pendant cette période, avec une vision plus équilibrée entre le pilier social et le pilier environnemental du DD. - Un couplage plus tardif mais plus fort en Europe
Le volet social du développement durable a plus particulièrement été développé dans l’Union européenne vers le milieu des années 1990. Sous l’impulsion de Jacques Delors, président de la Commission européenne, des chefs de grandes entreprises françaises furent tout d’abord incités à signer un Manifeste contre l’exclusion sociale. Cet appel fut étendu en 1994 à l’ensemble des grandes entreprises européennes qui constituèrent alors l’European Business Network for Social Cohesion (EBNSC) qui deviendra quelques années plus tard CSR Europe, organisation charnière entre le monde européen des affaires et les syndicats et ONG européens dans les discussions qui ont suivi la publication du Livre vert sur la RSE. C’est donc par la question de la cohésion sociale que fut introduit le volet social du DD. Il faut noter également que c’est la Direction générale de l’emploi et des affaires sociales de la Commission qui a rédigé le Livre vert et non la Direction environnement.
Par ailleurs, la stratégie européenne DD précisée dans la communication de la Commission de juin 2001 (en vue du Conseil des ministres de Göteborg) rappelait clairement le rôle de l’UE dans la promotion du DD au niveau européen et mondial ; elle affirmait que « la volonté politique est essentielle » (p. 4) et proposait des actions au niveau de l’UE. La responsabilité des entreprises dans le DD n’est qu’un exemple d’actions : « L’action des pouvoirs publics est également essentielle pour encourager les entreprises à davantage prendre conscience de leurs responsabilités sur le plan social et pour mettre en place un cadre permettant de s’assurer que les entreprises intègrent les aspects environnementaux et sociaux dans leurs activités. […] Il faudrait encourager les entreprises à intégrer de manière active le développement durable dans les activités qu’elles poursuivent à l’intérieur de l’Union européenne et dans le monde. » [Ibid., p. 8]
La répartition des responsabilités est claire : le DD ressort avant tout du pouvoir politique. Le Livre vert « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » publié en juillet 2001 par la Commission européenne qui faisait suite au conseil européen de Göteborg (15 et 16 juin 2001), où avait été adoptée la stratégie de DD pour l’Union européenne, ne traduisait pas encore une intégration forte de la RSE et du DD. Il rappelait que « le débat sur le rôle des entreprises dans la poursuite du DD gagne en importance sur la scène mondiale » (p. 17) et son contenu s’inscrivait dans la définition de l’entreprise responsable des Nations unies de 1998 présentée plus haut ; il était structuré autour des volets sociaux et environnementaux et appelait à une consultation des parties prenantes sur la stratégie de l’UE en matière de RSE.
En juillet 2002, la communication de la Commission européenne intitulée « Responsabilité sociale des entreprises : une contribution au développement durable » qui faisait suite au Livre vert, marque une étape décisive au niveau des institutions européennes, dans l’association RSE et DD ; son titre est à cet égard sans équivoque. Elle affirme que « la RSE est intrinsèquement liée au concept de développement durable » (p. 6) et souligne que la RSE constitue une nouvelle forme de gouvernance dans un contexte de mondialisation.
À l’issue de cette période 2001-2002 en Europe, la RSE est définie comme la prise en compte du DD par les entreprises ; le lien n’est plus questionné. L’ensemble des outils de pilotage est structuré à partir de la « Triple Bottom Line » et les arguments du « business case » réaffirment l’intérêt économique des entreprises à intégrer le DD dans leurs pratiques.
- Le renforcement du couplage RSE DD en Europe : de la prise en compte à la prise en charge
À partir de 2005, le glissement de responsabilité du politique vers les entreprises est devenu de plus en plus marqué. Au niveau de l’UE, dans sa communication de mars 2006, la Commission invitait les chefs d’entreprise « à engager d’urgence avec le monde politique une réflexion sur les politiques à long terme nécessaire pour le DD et à proposer des réponses commerciales ambitieuses qui dépassent les exigences légales minimales existantes » (p. 4). Elle soulignait que la RSE était essentielle pour la réalisation des objectifs du DD.
Ainsi, non seulement le lien RSE-DD n’est pas questionné, mais le refus de toute régulation européenne plus contraignante, la promotion des initiatives volontaires, la logique de la « compétitivité responsable » dans une « économie de marché durable » [Commission UE, 2006], confirment que la mise en œuvre du DD repose avant tout sur les stratégies des entreprises. L’absence de consensus international sur les grandes questions environnementales et sociales renvoie bien sur les grandes entreprises la charge de promouvoir le développement durable de la planète par une autorégulation.
4 – Enjeux et limites du couplage RSE-DD
35Le couplage des concepts de RSE et de DD n’est pas sans conséquences sur les représentations et la mise en pratique de l’un et de l’autre. Il peut donner lieu à différentes interprétations selon leur degré d’intégration réciproque, la perception de leurs interactions et surtout la subsomption, voire l’absorption de l’un par l’autre. L’enjeu majeur du couplage DD-RSE est le rôle politique attribué aux grandes entreprises dans la régulation internationale (4.1). Les limites de la mise en œuvre du développement durable largement laissée à la discrétion des entreprises sont importantes tant au niveau des politiques internationales qu’au niveau conceptuel (4.2). Cette observation nous amènera à nous interroger sur la récupération de l’idée de soutenabilité par les discours managériaux (4.3).
4.1 – La dimension politique du couplage
36L’institutionnalisation du rôle de l’entreprise dans la prise en charge du DD peut être vue comme la marque d’une transition progressive du droit international classique vers un droit mondial dont les acteurs ne seraient plus exclusivement les États, le pouvoir de contrôle politique et juridique de ces derniers étant remis en cause dans un contexte de mondialisation [Frydman, 2007]. Il est remarquable qu’il n’existe pas d’instance internationale sociale ou environnementale qui contrôle effectivement l’application des dispositifs internationaux relatifs au DD (instance qui jouerait un rôle équivalent à celui de l’OMC pour la régulation des échanges commerciaux). Il n’existe pas non plus de définition juridique de la responsabilité des entreprises transnationales.
37Les organismes internationaux (ONU, OIT, OCDE…) ont peu de moyens de contrôle sur les États ; ils ont laissé aux plus grandes entreprises qui en ont, en théorie, le pouvoir et les moyens, la responsabilité de réguler certains problèmes clés liés au DD : droits de l’Homme, conditions de travail et dégradation de l’environnement. Par leurs engagements sur des principes comme ceux du Global Compact, par la publication de codes de conduites spécifiques ou sectoriels, par la signature d’accords avec d’autres parties prenantes, les entreprises ont comblé le vide du droit mondial par une autorégulation qui constitue un mode de régulation peu contraignant.
38Cette dimension politique de l’intégration du DD dans la responsabilité des entreprises rencontre les attentes d’un certain nombre de grandes entreprises. En effet, si celles-ci se montrent capables d’adopter volontairement des mesures d’autorégulation, alors la mise en place d’une législation plus contraignante (au niveau national ou régional) apparaît inutile. Une législation plus contraignante serait d’autant plus inutile que le business case s’efforce de démontrer que l’autorégulation est bénéfique pour la compétitivité des entreprises. D’une certaine façon, le couplage RSE-DD conforte une légitimité des grandes entreprises lorsqu’elles sont mises en cause pour leur vision à court terme sous la pression des marchés financiers et de la mondialisation. Ce type d’arguments est régulièrement avancé par WBCSD et d’autres groupes d’entreprises multinationales proactives comme CSR Europe.
4.2 – Les limites de la prise en charge du DD par les entreprises
39L’idée d’une prise en charge du DD par les entreprises véhiculées par le couplage RSE-DD présente plusieurs limites, tant au niveau de sa mise en œuvre effective qu’au niveau conceptuel.
4.2.1 – Les limites de la dimension de la RSE
40Godard et Hommel [2005] ont souligné l’ambiguïté de ce qui leur apparaît comme une intégration RSE-DD : ils remarquent que certaines entreprises ont, dans leur discours, des pratiques de plus en plus respectueuses de l’environnement et des conditions sociales de leur activité, mais tous les grands indicateurs du DD de la planète se dégradent. Les approches volontaires ont des limites ; les choix sont faits en fonction des objectifs économiques et, seules les pratiques « gagnant-gagnant » sont retenues. Pour Godard et Hommel, l’entreprise n’est pas le niveau adéquat pour mettre en œuvre le DD ; assimiler RSE et DD en affirmant que l’avenir à long terme des entreprises passe, pour l’essentiel, par leur implication dans le DD est donc, pour eux, « une mystification ».
41Si les pratiques d’autorégulation produisent sans doute des effets limités, nombreux aussi sont les exemples d’entreprises ou de groupements d’entreprises ayant tenté de freiner l’amorce d’une régulation mondiale par la constitution de groupes d’influence qui font du lobbying pour s’opposer aux dispositions qui pourraient être prises par les instances internationales ou nationales (actions des lobbies de la chimie pour limiter la portée de la directive REACH, pression des grandes firmes multinationales contre le projet de norme « droits de l’Homme » à la sous-commission des Nations unies, tollé contre le nouveau Code du travail en Chine de la part de la Chambre de commerce internationale et de la Chambre de commerce américaine…).
42L’attribution aux entreprises privées d’un rôle de régulation internationale en matière de DD est questionnée par le cadre théorique des biens publics mondiaux [Samuelson, 1954] ; celui-ci souligne les défaillances du marché pour la production ou la protection de ces biens et souligne le besoin d’une régulation assurée par les institutions publiques [Tubiana & Severino, 2002]. Dans un contexte de concurrence forte, certains acteurs privés ne sont pas incités à prendre en charge les différents aspects du DD, mais ont, au contraire, tendance à jouer les passagers clandestins lorsque des entreprises proactives s’engagent sur des solutions plus socialement ou environnementalement responsables. Comme le rappellent Brodhag et al. [2004] et Vogel [2006], sur un marché concurrentiel, la prise en compte du DD par les entreprises est limitée si les démarches volontaires ne sont pas accompagnées d’incitations substantives de la part des États ou l’édiction de standards minima pour les entreprises qui ne jouent pas le même jeu. Cependant, le système multilatéral international se construit trop lentement pour pouvoir exercer cette gouvernance.
43Comme nous l’avons vu, le rôle politique des grandes entreprises en matière de DD et notamment sur les problèmes environnementaux a été porté par des organismes internationaux au pouvoir limité. WBCSD a été un levier important de la promotion de l’autorégulation dans ce domaine, mais c’est essentiellement au niveau européen que l’institutionnalisation du couplage RSE-DD s’est faite. Au niveau international, le processus d’élaboration de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociale des organisations a vu s’affronter la conception européenne et les conceptions nord-américaines de la RSE.
4.2.2 – Les lignes directrices ISO 26000 : une extension universelle du couplage RSE-DD ?
44Adoptées en novembre 2010, les lignes directrices ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations proposent une définition de la responsabilité sociale, des principes et des questions clés dans un document dont l’ambition est d’avoir une portée universelle. Dans le texte, le couplage RSE-DD n’est pas acquis. En effet, les conceptions de la responsabilité sociale sont diverses selon les pays et les acteurs et les négociations ont conduit à des compromis. La définition retenue fait référence au DD, mais en prenant soin de préciser qu’il inclut la santé et le bien–être de la société. En effet, dans de nombreux pays, la conception du DD est cantonnée à la dimension environnementale et ne prend pas en compte les trois « piliers » et leur articulation. Les autres approches, « éthique » et « parties prenantes », figurent également dans cette définition [22]. On peut d’ailleurs remarquer que la locution « DD » ne figure que 49 fois dans le texte contre 206 fois pour la locution « parties prenantes ». Les lignes directrices ISO 26000 rappellent cependant clairement : « Bien que l’on utilise souvent les termes « responsabilité sociétale » et « développement durable » de manière interchangeable et qu’il y ait un rapport étroit entre les deux, ce sont en réalité des concepts différents […]. La responsabilité sociétale est essentiellement centrée sur l’organisation […] il convient que la contribution au développement durable soit un objectif essentiel de toute organisation engagée dans une démarche de responsabilité sociétale » (p. 11 de la version en français).
45Dans un tel processus d’élaboration d’un compromis international et multi-parties prenantes (entreprises, syndicats, consommateurs, ONG, gouvernements, consultants et chercheurs), il est intéressant d’observer que plusieurs représentations de la RSE se confrontent et que le couplage RSE-DD n’est pas institutionnalisé, même si la valeur DD ressort comme un principe supérieur qui est censé coordonner les attentes des parties prenantes et structurer l’action collective autour d’un consensus et des valeurs partagées.
46Le concept de DD est suffisamment flou et évolutif pour autoriser cette coordination entre des représentations différentes. Il peut être alors appréhendé comme une convention, qui assure une coordination entre la société civile et l’économie de marché dans un contexte de déréglementation [Wolf, 2007]. L’idée d’une contribution commune à la soutenabilité globale peut alors être analysée comme une récupération de la critique du système capitaliste par le discours managérial.
4.3 – La récupération de l’idée de soutenabilité par le discours managérial
47Il peut être utile, enfin, pour faire ressortir les enjeux du couplage RSE-DD, de revenir sur ce mouvement de déplacement du concept de soutenabilité des discours « écologistes » aux discours managériaux. Nous avons là, en fait, une autre illustration de la récupération d’une critique du système économique capitaliste par le discours managérial, comme l’ont montré Boltanski et Chiapello [1999] à propos des modes d’organisation fordiste des entreprises et de l’aliénation de la vie quotidienne.
48Le concept de soutenabilité a été forgé à partir des travaux d’économistes hétérodoxes (M. Strong, I. Sachs) dans les années 1970 pour mettre en cause les modes de croissance et de développement risquant de conduire à l’épuisement des ressources de la planète [Vivien, 2005]. Bien que ce concept fasse toujours l’objet de nombreux débats, on considère généralement que la soutenabilité suppose un nouveau rapport des hommes à la nature subordonnant le développement économique aux limites physiques de celle-là, ainsi qu’une nouvelle répartition des richesses entre les générations et à l’intérieur de celles-ci.
49Les auteurs qui s’inscrivent dans ce courant considèrent, dans le prolongement des travaux de Polanyi [1944] et de Granovetter [2000], que l’entreprise est encastrée (embedded) dans la société et que son existence n’est permise que par celle-ci. En retour, l’entreprise se doit d’être attentive à la préservation de son environnement, ce qui doit conduire les manageurs à se préoccuper d’éviter toute activité prédatrice susceptible de détruire de manière durable ou irréversible les ressources qui assurent sa pérennité à long terme. Celle-ci se doit de contribuer au développement durable, à la préservation de la cohésion sociale, à la production et à l’entretien de biens publics globaux et locaux.
50Il est donc de sa responsabilité d’intégrer dans sa démarche managériale des objectifs non seulement économiques, mais également sociaux et environnementaux, puisqu’elle ne peut être prospère que dans un environnement sain, viable et fertile. On retrouve là des préceptes anciens avec l’idée biblique de destination universelle des biens ou l’idée de Robespierre selon laquelle la liberté d’appropriation ne doit pas s’exercer aux dépens de ceux qui en sont dépourvus [Gross, 2009].
51La question de savoir qui détermine l’intérêt général ou le bien public est évidemment une question essentielle ; pour les tenants de la soutenabilité, c’est une question qui relève du politique et donc de la décision citoyenne. Il s’agit en soi d’une question complexe que nous ne traitons pas ici.
52Cette approche de la RSE à travers la conception de la soutenabilité se distingue de l’approche stratégique utilitariste de deux manières ; d’une part, il s’agit d’une préoccupation de long terme : l’enjeu n’est pas un avantage compétitif immédiat mais la pérennité de l’entreprise dépendant de la survie de la planète et de ses populations ; d’autre part, les risques des activités économiques doivent être prévenus et, si possible, maîtrisés par des mécanismes régulatoires publics qui fixent les conditions d’exercice des entreprises.
53Le discours managérial sur le DD apparaît souvent proche de cette conception, mais, en fait, il tend à faire prévaloir la dimension économique (profitabilité) au détriment des deux autres dimensions (sociale et écologique). Si WBCSD a construit le business case [23] pour affirmer la convergence des trois dimensions, les limites et les dilemmes apparaissent dès qu’il y a conflit entre elles et les entreprises limitent leur prise en compte des dimensions environnementales et sociales lorsque les avantages attendus sont inférieurs aux coûts [McWilliams & Siegel, 2001 ; Stoeckl, 2004 ; Vogel, 2006].
54Ainsi, la référence managériale au DD apparaît plus comme un moyen d’aménager les pratiques traditionnelles de management en vue de maintenir le système économique qu’un véritable bouleversement. Le discours managérial sur le DD, largement promu par le WBCSD et SustainAbility, vise surtout à préserver le système économique en prenant en compte les risques liés aux critiques sociales ; il fonctionne comme « un pansement symbolique [24] ». La RSE est justifiée par la convergence affirmée entre ses objectifs économiques et financiers et les objectifs sociaux et environnementaux du DD. Au sein de l’entreprise, la valeur « DD » n’étant pas contestable, elle légitime l’action des personnes en charge du DD à l’égard des actionnaires et, en interne, auprès des directions financières.
55Mais la conséquence essentielle est que les discours et les pratiques managériales tendent aujourd’hui à définir les normes du bien public et donc à inverser ce que la conception de soutenabilité visait à promouvoir, à savoir la subordination de l’économique au social et à l’écologique.
5 – Conclusion
56À travers l’institutionnalisation de la notion d’« entreprise responsable » comme acteur du développement durable nous avons pu constater, in fine, un glissement de l’imputation de la responsabilité à l’égard de la société et du politique vers les entreprises. Néanmoins, ce couplage entre la RSE et le DD, s’il conduit à renforcer la légitimité des grandes entreprises, trouve rapidement ses limites, car la nature privée de celles-ci et surtout le régime de concurrence auquel elles sont soumises ne les prédisposent pas à la production de biens publics ou à la réduction des effets collectifs néfastes de leurs activités.
57Même présent comme référence formelle au niveau des représentations, le développement durable est loin de servir de base à une conception universelle de la RSE. Le fait de privilégier le « business case » comme argumentaire d’incitation pour des démarches volontaires d’entreprises conduit à renverser la problématique du DD : placé dans un contexte concurrentiel, celui-ci est montré comme étant favorable à la compétitivité d’une entreprise particulière, alors que l’enjeu de la RSE-DD est bien celui de la responsabilité de toutes les entreprises. On pourrait ainsi considérer que ce qu’on appelle la responsabilité de l’entreprise ressortit de démarches volontaires, alors que la responsabilité des entreprises relève d’obligations légales. Cela pose alors le problème de l’encadrement et de la régulation du marché mondial et donc de normes internationales susceptibles de rapprocher, voire d’aligner les conditions sociales et environnementales de la concurrence à travers le monde.
Bibliographie
- Acquier A. & Aggeri F. (2008), « Une généalogie de la pensée managériale sur la RSE », Revue française de gestion, n° 180, p. 131-157.
- AFNOR (2010), Norme NF ISO 26000, X30-026.
- Aggeri F. et al. (2005), Organiser le développement durable, Paris, Vuibert.
- Battilana J., Leca B. & Boxenbaum E. (2008), « Agency and Institutions: A Review of Institutional Entrepreneurship », Harvard Business School Working Paper, n° 08-096.
- Boltanski L. & Chiapello È. (1999), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.
- Bowen H. R. (1953), Social Responsibility of the Businessman, New York, Harper & Row.
- Brodhag C., Gondran N., & Delchet K. (2004), « Du concept à la mise en œuvre du développement durable : théorie et pratique autour du guide SD 21000 », VertigO, la revue en sciences de l’environnement, vol. 5, n° 2.
- Carroll A. B. (1979), « A three-dimensional conceptual model of corporate performance », Academy of Management Review, vol. 4, n° 4, p. 497-505.
- Commission de l’Union européenne (2001), « Développement durable en Europe pour un monde meilleur : stratégie de l’Union européenne en faveur du développement durable », Communication, Bruxelles, http://europa.eu
- Commission de l’Union européenne (2001), Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Livre vert, Bruxelles http://europa.eu
- Commission de l’Union européenne (2002), « La responsabilité sociale des entreprises : une contribution des entreprises au développement durable », Communication, Bruxelles http://europa.eu
- Commission de l’Union européenne (2006), « Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et l’emploi : faire de l’Europe un pôle d’excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises », Communication, Bruxelles http://europa.eu
- Donaldson T. & Preston L. E. (1995), « The stakeholder theory of corporation: concepts, evidence and implications », Academy of Management Review, vol. 20, n° 1, p. 65-91.
- Elkington J. (1999), Cannibals with Forks. The Triple Bottom Line of 21st Century Business, Oxford, Capstone Publishing Limited.
- Etchegoyen A. (2003), « Le sens du développement durable », Les Échos, 18 mars 2003.
- Freeman R. E. (1984), Strategic Management: a stakeholder approach, Boston, MA, Pitman.
- Frydman B. (2007), « Stratégie de responsabilisation des entreprises à l’ère de la mondialisation » in T. Berns et al. (dir.) Responsabilités des entreprises et co-régulation, Bruxelles, Bruylant, p. 1-50.
- Godard O. (2003), « Le développement durable de Rio de Janeiro (1992) à Johannesburg (2002) », Laboratoire d’économétrie, Cahier 2003-017, Paris, École polytechnique.
- Godard O. & Hommel T. (2005), « Les multinationales et le développement durable : un jeu ambigu », Chaire développement durable, Cahier 2005-021, Paris, EdF - École polytechnique.
- Granovetter M. (2000), Le Marché autrement, Paris, Desclée de Brouwer.
- Gross J.-P. (2009), « Le libéralisme égalitaire des Jacobins », Manière de voir, Le Monde diplomatique, n° 106, août-septembre, p. 10-13.
- Levy D. & Egan D. (2000), « Corporate politics and climate change », in R. A. Higgott, G. R. D. Underhill, & A. Bieler (eds) Non-state Actors and Authority in the Global System, Londres, Routledge, p. 138-153.
- McWilliams A. & Siegel D. (2001), « Corporate social responsibility: a theory of the firm perspective », The Academy of Management Review, vol. 26, n° 1, p. 117-127.
- Meyer J. W. & Rowan B. (1977), « Institutionalized Organizations: Formal structure as myth and ceremony », American Journal of Sociology, vol. 83, n° 2, p. 340-363.
- OCDE (2000), Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Paris.
- ONU (1992), Report of United Nations conference on environment and development, Rio de Janeiro 3-14 juin.
- ONU (2002), Plan de mise en œuvre du sommet mondial pour le développement durable, Johannesburg, A/CONF. 199/20-17.
- Pasquero J. (2005), « La responsabilité sociale de l’entreprise comme objet des sciences de gestion : un regard historique », in M.-F. Turcotte & A. Salmon (dir.) Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, Montréal, Presses de l’Université du Québec.
- Pesqueux Y. (2006), « Pour une évaluation critique de la théorie des parties prenantes », in M. Bonnafous-Boucher et Y. Pesqueux (dir.) Décider avec les parties prenantes, Paris, La Découverte, p. 19-40.
- PNUE (1998), « Responsible entrepreneurship », Background paper, n° 4, 6e session, http://www.un.org/documents/ecosoc/cn17/1998/background/ecn171998-bp4.htm.
- Polanyi K. (1983 [1944]), La grande transformation, Paris, Gallimard.
- Samuelson P. A. (1954), « The Pure Theory of Public Expenditure », Review of Economics and Statistics, vol. 36, n° 4, p. 387-389.
- Schmidheiny S., Chase R., & DeSimone L. (1997), Signals of change, www.wbcsd.ch.
- Schmidheiny S., BCSD (1992), Changing Course: a global business perspective on development and the Environment, Cambridge, Mass., MIT Press.
- Scott W. R. (1995), Institutions and Organizations, Londres, Thousands Oaks, Sage.
- Stoeckl N. (2004), « The private costs and benefits of environmental self regulation: Which firms have most to gain? », Business Strategy and Environment, n° 13, p. 135-155.
- Suchman M. C. (1995), « Managing legitimacy: strategic and institutional approaches », Academy of Management Review, vol. 20, n° 3, p. 571-610.
- Vivien F.-D. (2005), Le développement soutenable, Paris, La Découverte.
- Vogel D. (2006), The Market for Virtue, Washington D.C., Brookings Institution Press.
- Wolf D. (2007), « Le concept de développement durable : identification des conditions stratégiques de diffusion de ce type de convention grâce aux jeux évolutionnistes », Gestion 2000, p. 35-47.
- Zaccaï E. (2002), Le développement durable. Dynamique et constitution d’un projet, Bruxelles, PIE-Peter Lang.
Mots-clés éditeurs : régulation internationale, institutionnalisation, responsabilité sociale des entreprises, développement durable, soutenabilité
Date de mise en ligne : 10/05/2013
https://doi.org/10.3917/rfse.011.0125Notes
-
[1]
Cet article a été réalisé dans le cadre du Programme ANR « Le potentiel régulatoire de la RSE ».
-
[2]
C’est le titre de la communication de juillet 2002 de la Commission de l’Union européenne.
-
[3]
L’association peut même être parfois très ambiguë, lorsque le discours managérial fait glisser le développement durable de la planète vers celui de l’entreprise.
-
[4]
Accountability a été traduit par « redevabilité » dans la version française des lignes directrices de l’ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale ; elle est définie comme un état consistant, pour une organisation, à être en mesure de répondre de ses impacts sur la société, l’économie et l’environnement.
-
[5]
Jusqu’à ces dernières années, la littérature managériale étasunienne en matière de RSE ignorait le concept de développement durable [Pasquero, 2005].
-
[6]
Comme le souligne Etchegoyen [2003], ses deux antonymes sont inacceptables : qui peut souhaiter une régression ou un développement éphémère ?
-
[7]
KPMG International Survey of Corporate Responsibility 2005 ; www.kpmg.com.
-
[8]
Voir Battilana, Leca et Boxenbaum [2008] qui présentent une revue de littérature très complète, portant sur tous les articles relatifs à l’entrepreneur institutionnel, publiés entre 1988 et 2008 dans les principales revues académiques.
-
[9]
Vigeo, agence de notation extra-financière des entreprises, définit son activité comme la « mesure des performances des entreprises en matière de développement durable et de responsabilité sociale ».
-
[10]
United Nations World Commission on Environment and Development, Our Common Future / Brundtland Report, 1987.
-
[11]
Dont : ABB, ALCOA, Chevron, Ciba Geigy, Dow, DuPont, Mitsubishi, Nippon Steel, Nissan, Shell et Volkswagen.
-
[12]
Business will play a vital role in the future health of this planet [Schmidheiny, 1992].
-
[13]
Cannibals with forks: the triple bottom line 21st century business [1997].
-
[14]
Zaccaï [2002, p. 101] fournit un schéma du triangle devenu célèbre, émanant d’un document de la Banque mondiale datant de 1993, qui explicite la déclinaison du développement durable en trois volets (ou trois piliers).
-
[15]
Notre traduction.
-
[16]
Les auteurs de ce document sont S. Schmidheiny, R. Chase (BP) et L. DeSimone (3M).
-
[17]
« It is a shift from a fractured view of environment and development issues to a holistic view of business and sustainable development » [Signals of change, p. 9].
-
[18]
UN General Assembly at its 19th special session (23-28 June 1997): Programme for the Further Implementation of Agenda 21.
-
[19]
Responsible entrepreneurship, Background paper n° 4, 6e session.
-
[20]
Le Pacte mondial (Global Compact) invite les grandes entreprises, par des engagements volontaires, à contribuer à la promotion et à la mise en œuvre d’une « mondialisation à visage humain », notamment par la lutte contre la pauvreté. S’inspirant de la Déclaration des droits de l’homme, des Principes fondamentaux de l’OIT et des accords de Rio sur l’environnement, il comprend neuf principes : deux concernent le respect des droits humains, quatre les droits fondamentaux au travail, trois la protection de l’environnement ; un dixième principe relatif à la lutte contre la corruption a été ajouté.
-
[21]
C’est le cas, notamment, des Principes directeurs de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme, adoptés le 16 juin 2011 par le Conseil des droits de l’homme.
-
[22]
Définition de la responsabilité sociétale : « Responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
- contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société ;
- prend en compte les attentes des parties prenantes ;
- respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement ;
- est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. » [AFNOR, 2010, p. 4]
-
[23]
“Companies recognize that their long-term competitiveness ultimately depends on their ability to understand these societal changes, to contribute to the global good and to carve out new competitive space for productivity, innovation and growth. Taking societal responsibilities seriously helps companies sustain their economic success.” [site WBCSD : www.wbcsd.org]
-
[24]
Laufer [1996] cité par Acquier et Aggeri [2008].