Couverture de RFSP_603

Article de revue

Penser les mouvements sociaux d'Amérique latine

Les approches des mobilisations depuis les années 1970

Pages 445 à 466

Notes

  • [1]
    Sur l’enjeu représenté par la datation des débuts de ce mouvement, voir les remarques de Doug McAdam, Freedom Summer, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 117.
  • [2]
    Voir, par exemple, Timothy Wickham-Crowley, « A Qualitative Approach to Latin American Revolutions », International Journal of Comparative Sociology, 32 (1-2), avril 1991, p. 82-109.
  • [3]
    Voir, par exemple, Russell J. Dalton et Manfred Kuechler (eds), Challenging the Political Order. New Social and Political Movements in Western Democracies, Oxford, Polity Press, 1990. Sur le mouvement pacifiste allemand, voir Marine Walle, « Des femmes dans les mouvements pacifistes en Allemagne fédérale (1979-1983). Pour quelle paix ? Contre quelle guerre ? », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2 (210), 2003, p. 65-76.
  • [4]
    C’est ce qu’évoquait, par exemple, Norbert Lechner dès les années 1980 dans Los patios interiores de la democracia : subjetividade y política, Santiago, Facultad Latinoamericana de ciencias sociales, 1988.
  • [5]
    Bert Klandermans, « New Social Movements and Resource Mobilization : The European and the American Approach », International Journal of Mass Emergencies and Disasters, 4 (2), août 1986, p. 13-37 ; cité dans Olivier Fillieule, Cécile Péchu, Lutter ensemble : les théories de l’action collective, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 79.
  • [6]
    Nous pensons, notamment, aux travaux de Mancur Olson ou de J. G. March et Herbert Simon sur l’action collective et les organisations.
  • [7]
    Voir notamment Anthony Oberschall, Social Conflict and Social Movements, Englewood cliffs (NJ), Prentice-Hall, 1973 ; John D. MacCarthy, Mayer N. Zald, « Resource Mobilization and Social Movements : A Partial Theory », The American Journal of Sociology, 82 (6), mai 1977, p. 1212-1241 ; Charles Tilly, From Mobilization to Revolution, Reading, Addisson-Wesley, 1978.
  • [8]
    Ronald Inglehart, The Silent Revolution. Changing Values and Political Styles Among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977 ; Alberto Melucci, « The Symbolic Challenge of Contemporary Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 789-816.
  • [9]
    L’objectif de ce texte ne consiste pas à proposer une revue de la littérature sur les mouvements sociaux et l’action collective depuis les années 1960. C’est pourquoi ne sont cités, dans les notes suivantes, que quelques auteurs ou travaux marquants, sans aucune prétention d’exhaustivité. Les références proposées ici, ainsi que les brèves évocations des thématiques de recherche, ne constituent donc que des indications allusives.
  • [10]
    À partir des années 1980, de nombreux travaux ont été menés sur cette question et ont donné lieu à des publications comparatives d’assez grande ampleur. Par exemple : Sonia Alvarez, Arturo Escobar (eds.), The Making of Social Movements in Latin America. Identity, Strategy and Democracy, Boulder, Westview Press, 1992. Des travaux publiés hors d’Amérique latine ont adopté des approches assez comparables, notamment dirigés par David Slater, dans New Social Movements and the State in Latin America, Amsterdam, CEDLA, 1985, puis dans deux dossiers de la revue Latin American Perspectives (21 (2) et 21 (3), 1994).
  • [11]
    Pour les citer de façon arbitraire, c’est par exemple le cas des travaux publiés par Elizabeth Jelin, Evelina Dagnino, Wilhem Assies, ou encore Fernando Calderón.
  • [12]
    Pour la France, cette question a été abordée, par exemple, par Martine Barthélémy, Les associations : un nouvel âge de la participation ? Paris, Presses de Sciences Po, 2000 ; ou encore par Jacques Ion, La fin des militants, Paris, Éd. de l’Atelier, 1997. Sur un tout autre terrain, c’est aussi ce que nous avons constaté à Rio de Janeiro pour la décennie 1990. Voir Camille Goirand, La politique des favelas, Paris, Karthala, 2000.
  • [13]
    Notons quelques exceptions, comme par exemple les travaux de Paulo Sérgio da Costa Neves, « L’action syndicale des travailleurs du pétrole à Bahia, Brésil. Pétrole, nationalisme et politique », thèse de sociologie dirigée par Jean Bunel, Lyon, Université Lyon II, 1999.
  • [14]
    Ici, sont considérés les travaux qui ont pour objet les mobilisations en Amérique latine, qu’ils soient produits sur place ou ailleurs, par des latino-américains ou non.
  • [15]
    Voir Gabriel Ondetti, « Repression, Opportunity and Protest : Explaining the Takeoff of Brazil’s Landless Movement », Latin American Politics and Society (Miami), 48 (2), été 2006, p. 61-96.
  • [16]
    Le présent texte adopte le plus souvent un mode de datation large. Il fait référence à des périodes définies par des décennies, plutôt qu’à des événements clairement datés, dont il ne prétend pas reconstituer la chronologie. En effet, l’analyse présentée ici ne porte ni sur des mobilisations précises, ni sur un système politique en particulier, mais bien plutôt sur la façon dont elles ont été analysées.
  • [17]
    Willem Assies montre comment les approches des mobilisations se sont structurées autour de cette notion de « mouvement populaire » dans « Urban Social Movements in Brazil : A Debate and its Dynamics », Latin American Perspectives, 21 (2), 1994, p. 81-105. Dans la mesure où elles prennent en compte la composition sociale et les demandes des mobilisations, ces définitions sont plus restrictives que celle que proposait, par exemple, François Chazel en 1992. Celui-ci définissait alors un « mouvement social » comme une « entreprise collective de protestation et de contestation visant à imposer des changements – d’une importance variable – dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent – mais pas nécessairement exclusif – à des moyens non institutionnalisés » (François Chazel, « La mobilisation politique : problèmes et dimensions », Revue française de science politique, 25 (3), juin 1975, p. 502-516).
  • [18]
    David Snow et al. ont montré que les membres d’un mouvement social opèrent un travail de définition d’une situation, qui repose en partie sur son interprétation comme inacceptable, contestable, injuste : « En donnant sens à des événements, les dispositions d’esprit permettent d’organiser l’expérience et de guider l’action, soit individuellement soit collectivement » (David Snow et al., « Frame Alignment Processes, Micromobilization, and Movement Participation », American Sociological Review, 51, 1986, p. 464-548, p. 464).
  • [19]
    Renato Boschi, A Arte da Associação : Política de base e democracia no Brasil, São-Paulo, Vértice-IUPERJ, 1987. Pour la notion de « cadre d’injustice », voir William Gamson et al. Encounters with Unjust Authorities, Homewood, The Dorsey Press, 1982.
  • [20]
    Sur les féminismes et les droits reproductifs, voir Bérengère Marques-Pereira, Florence Raes, « Trois décennies de mobilisations féminines en Amérique latine », Cahiers des Amériques latines, Paris, 39 (1), 2002, p. 17-36. Sur le mouvement contre la fraude électorale au Mexique, voir Hélène Combes, « De la politique contestataire à la fabrique partisane. Le cas du PRD au Mexique (1989-2000) », thèse de science politique dirigée par Olivier Dabène, Paris, IHEAL, 2004, chapitre 1. Pour un panorama large des mobilisations de la décennie 1980, voir Susan Eckstein (ed.), Power and Popular Protest. Latin American Social Movements, Berkeley, California University Press, 2001.
  • [21]
    À l’occasion de nos propres recherches sur les parcours individuels des dirigeants associatifs à Rio de Janeiro, puis sur ceux de militants du Parti des Travailleurs dans le Nordeste du Brésil, nous avons constaté la fréquence de la socialisation politique au sein des organisations catholiques comme la Pastorale des favelas ou la Pastorale rurale, dans les années 1970. Pour une comparaison du rôle joué par les églises catholiques selon les pays, voir Daniel Levine et Scott Mainwaring, « Religion and Popular Protest in Latin America : Contrasting Experiences », dans S. Eckstein (ed.), Power and Popular Protest…, op. cit., p. 203-239.
  • [22]
    « Le processus de resocialisation engagé par les CEB a servi de fondement à des motivations qui ont promu l’action et la conscience démocratique parmi les dirigeants de quartier » : Paulo Krischke, « Church Base Communities and Democratic Change in Brazilian Society », Comparative Political Studies, 24 (2), juillet 1991, p. 186-210, citation p. 193.
  • [23]
    Pour une analyse comparée du passage des corporatismes d’État à des systèmes pluralistes voir : Philip Oxhorn, « Is the Century of Corporatism Over ? Neoliberalism and the Rise of Neopluralism », dans Philip Oxhorn, Graciela Ducatenzeiler (eds), What Kind of Democracy ? What Kind of Market ? Latin America in the Age of Neoliberalism, University Parc, The Pennsylvania State University Press, 1998, p. 195-217 ; et Steven Levitsky, Scott Mainwaring, « Organized Labor and Democracy in Latin America », Comparative Politics, 39 (1), 2006, p. 21-42.
  • [24]
    S. Eckstein (ed.), Power and Popular Protest…, op. cit., chap. 1.
  • [25]
    David Slater, « Power and Social Movements in the Other Occident, Latin America in an International Order », Latin American Perspectives, 21 (2), 81, printemps 1994, p. 11-37.
  • [26]
    Ronald Inglehart, « The Changing Structure of Political Cleavages in Western Society », dans Russel J. Dalton, Scott C. Flanagan, Paul Allen Beck (eds), Electoral Change in Advanced Industrial Democracies : Realignment or Dealignment ?, Princeton, Princeton University Press, 1984, p. 25-69.
  • [27]
    Les recherches menées par Ronald Inglehart indiquent avec clarté que les groupes qui défendent les valeurs post-matérialistes sont en majorité composés d’individus qui ont toujours connu la sécurité physique et économique. À la lumière de ce constat, les clivages qui traversent certains mouvements sociaux latino-américains trouvent un premier facteur d’explication. Par exemple, au sein des féminismes, l’opposition est évidente entre les enjeux défendus par les femmes de catégories moyennes et supérieures, qui relèvent bien du post-matérialisme, et les demandes formulées par les groupes issus des classes populaires, beaucoup plus matérielles et immédiates. On distingue, par exemple, la défense de la parité en politique et la lutte contre les discriminations de genre, d’une part, et les demandes d’amélioration des soins maternels et infantiles ou des systèmes de garde d’enfants, d’autre part. Voir B. Marques-Pereira, F. Raes, « Trois décennies de mobilisations féminines en Amérique latine », art. cité.
  • [28]
    Claus Offe, « New Social Movements : Challenging the Boundaries of Institutional Politics », Social Research, 52 (4), 1985, p. 817-868.
  • [29]
    Selon lui, « le fait que ces mouvements ont occupé le centre de la scène de la politique contemporaine reflète un glissement de long terme dans les priorités des populations occidentales en termes de valeurs » (R. Inglehart, « The Changing Structure… », cité, p. 26).
  • [30]
    R. Inglehart, ibid., p. 68. C’est une thèse discutée par exemple par Peter Mair, Wolfgang Müller et Fritz Plasser (eds), Political Parties and Electoral Change. Party Responses to Electoral Markets, Londres, Sage, 2004. Notons que les systèmes partisans d’Amérique latine ont vu l’émergence de nouveaux partis sociaux-démocrates dans les années 1980, puis leur consolidation dans les années 1990. Avec leurs victoires électorales des années 2000, une partie de leurs dirigeants a réaffirmé son attachement aux valeurs qui avaient fondé leurs mobilisations des décennies précédentes, avec la mise en place d’institutions de la démocratie « participative ».
  • [31]
    Cette expression est empruntée à Alberto Melucci, « Mouvements sociaux, mouvements post-politiques », Revue internationale d’action communautaire, 10 (50), automne 1983, p. 13-30. La notion d’espace de mouvement a été reprise et approfondie par Lilian Mathieu, « Rapport au politique, dimensions cognitives et perspectives pragmatiques dans l’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, 52 (1), février 2002, p. 75-100.
  • [32]
    A. Melucci, « Mouvements sociaux… », art. cité.
  • [33]
    Selon cette perspective, l’espace de mouvement « englobe non seulement les organisations “formelles” mais aussi le réseau des relations “informelles” qui lie entre eux les individus du centre et les groupes à l’espace plus large des participants et des “utilisateurs” de services et de biens culturels produits par le mouvement »
    (A. Melucci, ibid.).
  • [34]
    Pour Alberto Melucci, encore, « ce que l’on nomme de façon empirique un “mouvement social” est un système d’action qui relie entre elles des orientations et des significations plurielles », voire divergentes (A. Melucci, « The Symbolic Challenge of Contemporary Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 789-816).
  • [35]
    C’est ce que nous avons pu constater dans les banlieues de Rio de Janeiro, dans les années 1990 (C. Goirand, La politique des favelas, op. cit., chapitres 9 et 10).
  • [36]
    Jean-François Bayart, Achille Mbembe, Comi Toulabor, La politique par le bas en Afrique noire : contributions à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 1992, p. 83.
  • [37]
    À propos de ce mouvement, voir les travaux de Maristella Svampa et Sebastián Pereyra, Entre la ruta y el barrio. La experiencia de las organizaciones piqueteras, Buenos Aires, Biblios, 2003.
  • [38]
    Denis Merklen, « Une nouvelle politicité pour les classes populaires. Les piqueteros en Argentine », Tumultes, 27, décembre 2006, p. 173-201. Par « politicité », l’auteur désigne des formes d’action collective, mises en œuvre par les classes populaires, qui relèvent à la fois de stratégies de survie, de la contestation des institutions et de la classe politique, et de la participation politique démocratique.
  • [39]
    C. Goirand, La politique des favelas, op. cit.
  • [40]
    C’est ce qu’ont mis en valeur plusieurs publications récentes sur les gauches en Amérique latine : dossier « Gauches de gouvernement, gauches de rejet », Problèmes d’Amérique Latine, 55, hiver 2004-2005 ; dossier « État des lieux des gauches en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 12 (3), 2005.
  • [41]
    C’est ce que démontrent très clairement Timothy Wickham-Crowley et Susan Eckstein dans « Économie et sociologie politiques de l’activisme et des répertoires en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 17 (2), juin 2010.
  • [42]
    Alain Touraine, « Existe-t-il des mouvements urbains », dans La parole et le sang. Politique et société en Amérique latine, Paris, Odile Jacob, 1988, p. 240-258 ; et « An Introduction to the Study of Social Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 769-787.
  • [43]
    Pour des indications historiques précises, voir Olivier Dabène, L’Amérique latine au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 1994.
  • [44]
    À l’image de Judith Hellman, « The Study of Social Movements in Latin America and the Question of Autonomy », dans Sonia Alvarez, Arturo Escobar (eds), The Making of Social Movements in Latin America. Identity, Strategy, and Democracy, Boulder, Westview Press, 1992, p. 52-61 ; ou encore de Eder Sader, Quando novos personagens entraram em cena : experiênças de lutas dos trabalhadores da Grande São-Paulo (1970-80), Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1991.
  • [45]
    Ruth Corrêa Leite Cardoso, « Movimentos sociais urbanos : um balanço crítico », dans Bernardo Sorj, María Hermínia Tavares de Almeida (eds), Sociedade e política no Brasil pós-1964, São-Paulo, Brasiliense, 1983, p. 215-239, dont p. 238.
  • [46]
    Tillman Evers, « Identity : The Hidden Side of New Social Movements in Latin America », dans D. Slater (ed.), New Social Movements…, op. cit., p. 43-73, dont p. 67.
  • [47]
    E. Dagnino, « Os movimentos sociais e a emergência de uma nova noção de cidadania », dans Evelina Dagnino (ed.), Anos 90, Política e Sociedade no Brasil, São-Paulo, Brasiliense, 1994, p. 103-115 ; et « Citizenship in Latin America », Latin American Perspectives, 129, 30 (2), mars 2003, p. 211-225.
  • [48]
    E. Sader, Quando novos personagens…, op. cit. Jusqu’à aujourd’hui, les analyses en termes de sujet, d’identité et de culture restent fort présentes, comme dans l’analyse proposée par Alicia C. S. Swords, « Neo-Zapatista Network Politics. Transforming Democracy and Development », Latin American Perspectives, 34 (2), mars 2007, p. 78-93 ; ou encore dans Manuel Antonio Garretón, « La transformacíon de la acción colectiva en América Latina », Revista de la CEPAL (Santiago), 76, avril 2002, p. 7-24.
  • [49]
    Jürgen Habermas, L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1993, p. XXXI.
  • [50]
    N’allant pas jusqu’à évoquer une ressource, elle reconnaît que « la référence à la citoyenneté a procuré un fondement commun et un principe d’articulation à une immense diversité de mouvements sociaux », pour lesquels elle a constitué « un instrument utile » et « un puissant lien » (E. Dagnino, « Citizenship in Latin America », art. cité, p. 3-4.
  • [51]
    Jean-François Véran, L’esclavage en héritage (Brésil). Le droit à la terre des descendants de marrons, Paris, Karthala, 2003 ; Jean-Pierre Lavaud, « Démocratie et éthnicisation en Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, 56, printemps 2005, p. 105-128.
  • [52]
    Voir, par exemple, Fernando Calderón, Movimientos sociales y política. La década de los ochenta en Latino américa, Mexico, Siglo XXI, 1995.
  • [53]
    R. Corrêa Leite Cardoso, « Movimentos sociais urbanos… », cité, p. 219.
  • [54]
    Maria da Glória Gohn, Teorias dos movimentos sociais, São-Paulo, Edições Loyola, 2008, p. 215-218.
  • [55]
    Yves Dezalay, Bryant G. Garth, La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d’État en Amérique latine, entre notables du droit et « Chicago boys », Paris, Seuil, 2002.
  • [56]
    Voir Johan Heilbron, « Qu’est-ce-qu’une tradition nationale en sciences sociales ? », Revue d’histoire des sciences humaines, 18, 2008, p. 3-14 ; Dimitri Della Faille, « La production de la connaissance sociologique à propos de l’Amérique latine durant les années 1960 aux États-Unis », Revue d’histoire des sciences humaines, ibid., p. 179-201. La notion de « tradition nationale » semble d’autant moins adéquate ici que les universitaires circulent entre le nord et le sud du continent de façon régulière, et que certains d’entre eux exercent aux États-Unis après avoir vécu ailleurs. Par exemple, Sonia Alvarez, d’origine cubaine, enseigne à l’Université du Massachussetts, tandis qu’Arturo Escobar, qui enseigne à l’Université du Minnesota, est à la fois colombien et américain.
  • [57]
    Créée par l’UNESCO en 1957, la FLACSO est un organisme de recherche et d’enseignement supérieur, implanté dans 17 pays d’Amérique latine (<http://www.flacso.org>). En 1967, l’UNESCO a créé le Conseil latino-américain des sciences sociales, CLACSO, chargé de promouvoir recherche et enseignement supérieur, et de construire des liens entre centres de recherches sur tout le continent (<http://www.clacso.edu.ar>)
  • [58]
    Ce passage doit beaucoup aux remarques et aux informations transmises par Camila Gutierrez Ruiz, que je remercie ici chaleureusement. Sur les communautés épistémiques, voir Ernst B. Haas, When Knowledge is Power. Three Models of Change in International Relations, Berkeley, University of California Press, 1990.
  • [59]
    M. Antonio Garretón, « La transformación… », art. cité.
  • [60]
    Fernando Calderón, Movimientos sociales…, op. cit.
  • [61]
    Fernando Esteves (ed.), La democracia en América latina. Hacia una democracia de ciudadanas e ciudadanos, Buenos Aires, PNUD, 2004.
  • [62]
    Selon les remarques de Joe Foweraker, Theorizing Social Movements, Boulder, Pluto Press, 1995 (Introduction).
  • [63]
    « Les mouvements de base peuvent disparaître – et c’est souvent le cas – de la scène en tant qu’acteurs autonomes une fois qu’ils accordent leur soutien, qu’ils s’allient de façon formelle, ou que, d’une façon ou d’une autre, ils laissent leur sort entre les mains des partis politiques », estimait ainsi J. Hellman, dans « The study of Social Movements… », cité, p. 59
  • [64]
    Voir Doug MacAdam, Sidney Tarrow, Charles Tilly, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
  • [65]
    Pour une perspective comparée, voir les travaux réunis par Olivier Fillieule (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005.
  • [66]
    D. MacAdam, S. Tarrow, Ch. Tilly, Dynamics of Contention, op. cit. ; et Charles Tilly, Sidney Tarrow, Politique(s) du conflit. De la grève à la révolution, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
  • [67]
    Hélène Combes, « Des militants par intermittence ? Le PRD au Mexique (1989-2000) », Critique internationale, 30, janvier 2006, p. 145-160, dont p. 151.
  • [68]
    H. Combes, « De la politique contestataire… », cité, p. 237-240 et p. 340.
  • [69]
    Sur la création de ce parti voir Margareth E. Keck, « Democratization and Dissension : The Formation of the Workers’Party », Politics and Society, 15 (1), 1986-1987, p. 67-95 ; sur la trajectoire prise par certains dirigeants de l’opposition légale au régime militaire, voir les entretiens publiés par Marieta de Moraes Ferreira et al., Vozes da Oposição, Rio de Janeiro, FGV, 2001.
  • [70]
    Pour cette recherche dans le Nordeste du Brésil ont été associés entretiens semi-directifs, consultation d’archives, et observation menée de 2006 à 2010.
  • [71]
    C’est ce que montrent les travaux publiés dans Juan E. Mendel, Guillermo O’Donnell, Paulo Sérgio Pinheiro (eds), Democracia, violência, e injustiça. O Não-Estado de Direito na América Latina, São-Paulo, Paz e Terra, 2000.
  • [72]
    C’est ce que nous montrons dans La politique des favelas, op. cit., chapitre 6.
  • [73]
    Ana Maria Doimo, A vez e a voz do popular : movimentos sociais e participação política no Brasil, Rio de Janeiro, Relumé-Dumara, 1995, chapitre 4.
  • [74]
    Pedro Jacobi, « Movimentos sociais urbanos : os desafios da construção da cidadania », Cadernos do CEAS, 129, 1990, p. 34-44.
  • [75]
    Jack A. Goldstone, « Bridging Institutionalized and Noninstitutionalized Politics », dans Jack A. Goldstone (ed.), States, Parties and Social Movements, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 1-24, dont p. 7
  • [76]
    Problèmes d’Amérique Latine a publié un dossier sur ce thème : « Le renouvellement du personnel politique », 59, hiver 2005-2006.
  • [77]
    Sydney Tarrow, Power in Movement. Social Movements, Collective Action and Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, chapitre 1.
  • [78]
    J. A. Goldstone, cité, p. 12.
  • [79]
    Olivier Dabène (dir.), Amérique Latine, Les élections contre la démocratie ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2007 ; dossier : « État des lieux des gauches en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 12 (3), 2005.
  • [80]
    Christian Gros, « Demandes ethniques et politiques publiques en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 48, printemps 2003, p. 11-29.
  • [81]
    En ce qui concerne le PT brésilien, dans la région du Nordeste, nous évoquons ces questions dans « Pratiques partisanes et loi électorale au Brésil », dans O. Dabène (dir.), Amérique latine…, op. cit., p. 41-77.
  • [82]
    Pour un aperçu général sur les mobilisations dans les années 2000, voir Susan Eckstein, « Where Have All the Movements Gone ? Latin American Social Movements at the New Millenium », postface à la réédition en 2001 de Power and Protest…, op. cit., p. 351-406. Voir également le dossier « The New Politics of Social Movements in Latin America », Latin American Perspectives, 34 (2), 153, mars 2007.
  • [83]
    Denis Merklen, « Le quartier et la barricade : le local comme lieu de repli et base du rapport au politique dans la révolte populaire en Argentine », L’homme et la société, 143-144, 2002, p. 143-164.
  • [84]
    Kathryn Sikkink en propose un modèle d’analyse à partir de l’observation des mobilisations autour de la justice transitionnelle en Argentine et en Espagne (K. Sikkink, « Patterns of Dynamic Multilevel Governance and the Insider-Outsider Coalition », dans Donatella Della Porta, Sidney Tarrow (eds), Transnational Protest and Global Activism, Lanham, Rowman and Littlefield, 2005, p. 151-173). Sa perspective est enrichie de façon intéressante, à partir d’une étude de cas, par Julie Stewart, « When Local Troubles Become Transnational : The Transformation of a Guatemalan Indigenous Rights Movement », Mobilization, 9 (3), octobre 2004, p. 259-278.
  • [85]
    Jon Schefner, « Current Trends in Latin American Social Movements », Mobilization, 9 (3), 2004, p. 219-222, dont p. 220. Dans notre pratique pédagogique, nous avons par ailleurs remarqué la force de séduction de cette perspective pour les étudiants ; perspective qui répond souvent à leur désarroi face à la dureté, voire la violence de la réalité sociale en Amérique latine, mais qui, en même temps, renforce chez eux les confusions entre discours militant et observation scientifique.
  • [86]
    Yvon Le Bot, La grande révolte indienne, Paris, Robert Laffont, 2009 ; dossier « The New Politics… », Latin American Perspectives, op. cit.
  • [87]
    Joe Foweraker, Todd Landman, Citizenship Rights and Social Movements. A comparative and Statistical Analysis, Oxford, Oxford University Press, 1997 ; Javier Auyero, « The Political Making of the 2001 Lootings in Argentina », Journal of Latin American Studies, 38, 2006, p. 241-265 ; Susan Eckstein, Timothy Wickham-Crowley (eds), Struggles for Social Rights in Latin America, New York, Routledge, 2003 ; dossier « Latin America : Democracy, Globalization, and Protest Culture », Mobilization, 9 (3), octobre 2004. Par ailleurs, la Revue internationale de politique comparée publie en juin 2010, dans son numéro 17 (2), un dossier intitulé : « Répertoires d’action collective en Amérique latine ».

1À partir de la fin des années 1960, c’est dans l’ensemble du monde occidental que se sont multipliés des mouvements sociaux dont la sociologie a vite souligné les « nouveautés ». Tant l’Europe que les États-Unis ou l’Amérique latine ont ainsi vu éclore de « nouveaux mouvements sociaux », qui ont contesté l’ordre social en Europe occidentale et aux États-Unis après 1968, ou ont été acteurs des oppositions aux régimes autoritaires d’Europe de l’Est et d’Amérique latine à partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980. S’ils diffèrent par leur organisation et leurs revendications, les mouvements pacifistes ou de défense des droits de l’homme, les mouvements de femmes, d’homosexuels, de noirs, d’écologistes, de quartier… présentent des caractéristiques communes qui ont incité certains sociologues à construire une catégorie d’analyse distincte, celle des « nouveaux » mouvements sociaux. Pourtant, selon les lieux et les périodes, les spécificités propres à chacun des mouvements inclus dans cette catégorie sont frappantes. Aux États-Unis, le mouvement des droits civiques s’est développé à partir de 1955 [1] ; il a ensuite laissé place à des mouvements identitaires plus violents dans les années 1970, construits autour de l’affirmation de la fierté et de la dignité d’être noir, alors que se renforçait l’opposition à la guerre du Vietnam sur les campus. Dans le même temps, en Amérique latine, après l’échec de la plupart des guérillas marxistes-léninistes d’inspiration cubaine [2], dont la mort de Che Guevara en Bolivie en octobre 1967 a marqué la défaite de façon symbolique, les églises catholiques de la théologie de la libération ont porté et soutenu des mobilisations qui, affirmant la dignité des pauvres et des humbles face au pouvoir politique, ont contribué à structurer progressivement les oppositions aux régimes militaires. En Europe occidentale, c’est surtout après 1968 que se sont affirmés différentsmouvements, notamment féministes et écologistes, alors que le pacifisme a connu son apogée en Allemagne avec les grandes manifestations d’octobre 1981, et que les « sociétés civiles » tentaient de structurer les oppositions aux régimes des démocraties populaires, par exemple en Pologne dès 1981 [3]. Quoi de commun entre tous ces « nouveaux mouvements sociaux » ? L’aspiration commune au changement social et politique ne les distingue en rien de mouvements sociaux plus classiques et plus anciens, comme les mouvements ouvriers, qui, en leur temps, ont aussi été porteurs de valeurs et de projets de société alternatifs.

2En réalité, derrière la catégorie « nouveaux mouvements sociaux » se fait jour une double hétérogénéité, qu’une comparaison entre les États-Unis ou l’Europe et l’Amérique latine permet de mettre en valeur. En premier lieu, cette catégorie est appliquée à des environnements politiques et sociaux d’une extrême diversité. En Amérique latine, la contestation s’est développée la plupart du temps face à des régimes autoritaires et répressifs, dans un contexte d’inégalités sociales croissantes et de crise économique de grande ampleur. De plus, l’échec des oppositions armées, associé à un processus de réévaluation du réformisme et de la social-démocratie [4], a engagé une recomposition des gauches et des systèmes partisans et a ainsi ouvert, pour l’expression de la contestation issue des mouvements sociaux, un espace politique qui n’existait pas auparavant. Ce contexte présente des disparités évidentes avec celui des sociétés libérales du Nord, à la fin des Trente Glorieuses.

3En second lieu, les perspectives adoptées à partir des années 1970 par les sciences sociales d’Amérique latine se distinguent avec évidence de celles qui ont été alors préférées en Amérique du Nord, mais aussi sur le Vieux Continent. Si les observateurs ont partout mis l’accent sur la question des valeurs et sur les demandes de changement social, leurs analyses ont reposé sur des cadres conceptuels fort différents. À partir des années 1960, la sociologie des mobilisations aux États-Unis et en Europe a connu, d’une part, un enrichissement très significatif de ses recherches empiriques qui s’est accompagné de la construction de modèles d’analyse novateurs, et d’autre part, de vifs débats entre les défenseurs de différents modèles d’analyse et de recherche, opposant l’approche par la mobilisation des ressources à celle des « nouveaux mouvements sociaux », surtout présente en Europe [5]. Le questionnement autour de l’analyse stratégique et de la rationalité des acteurs [6], de la mobilisation des ressources [7], ou encore de la structure organisationnelle des mouvements sociaux [8] s’est alors généralisé.

4La recherche sur les mouvements sociaux d’Amérique latine a été particulièrement riche au cours des années 1980 et 1990, mais elle n’a fait qu’un écho faible à ces débats venus des États-Unis. Non seulement l’approche par les « nouveaux mouvements sociaux » (NMS) y a été omniprésente, mais les autres regards, passés sous silence, n’y ont pratiquement pas été amendés, enrichis, ou discutés. Dans le même temps, la sociologie des mouvements sociaux d’Europe occidentale, après avoir forgé les analyses en termes de NMS, a aussi largement débattu puis repris l’apport de travaux en général produits d’abord aux États-Unis [9].

5Ces débats, bien que rebattus, voire devenus lassants pour une partie des analystes de l’action collective et de la contestation, n’ont pas perdu sens aujourd’hui. En effet, le recours aux vieilles catégories telles que celles des identités, des valeurs ou des NMS pourrait même sembler éculé, dans la mesure où elles ont été maintes fois discutées et peuvent être considérées aujourd’hui comme dépassées. Pourtant, ces « cases » nous paraissent utiles pour chercher à comprendre pourquoi, à propos de l’Amérique latine, certaines de ces approches ont dominé, tandis que d’autres ont été explicitement et à dessein laissées de côté. En effet, jusqu’à une période récente, la sociologie politique menée sur le continent latino-américain, mais aussi, très souvent, celle des latino-américanistes d’Europe ou d’Amérique du Nord, a structuré son regard sur les mobilisations à partir des questionnements et des enjeux familiers à l’approche par les « nouveaux mouvements sociaux » [10]. Un coup d’œil rapide sur le corpus bibliographique des travaux publiés sur les mobilisations latino-américaines pourrait en donner une première idée au lecteur, qui peinerait à y trouver des références à des travaux aussi fameux que ceux de Charles Tilly, ou Sidney Tarrow [11]. Ainsi l’attention s’est-elle portée sur le rapport entre le changement sociopolitique et l’éclosion de ces mouvements, en même temps que sur leur supposée « nouveauté ». Ce regard a lui-même été inséparable des prises de position politiques et de l’engagement de ceux qui l’ont porté, la frontière entre sociologie et action politique étant alors difficile à identifier, voire inexistante.
L’observation des mobilisations, à propos de cas nord-américains ou européens, a mis en valeur l’importance des caractéristiques organisationnelles des mouvements sociaux, même « nouveaux » et construits autour de valeurs, ainsi que celle de leur environnement et de ses changements. En Amérique latine, l’analyse des organisations a suscité moins d’intérêt que celle des discours, des revendications ou des valeurs, qui renvoient de façon plus large à la signification politique et sociale de ces mouvements. Pourtant, tant dans le monde occidental qu’en Amérique latine à partir des années 1970, l’action collective contestataire a présenté des spécificités comparables, liées à une organisation souvent fragmentaire, territorialisée et associative [12]. Ainsi la contestation portée par les mouvements sociaux « nouveaux » s’est-elle le plus souvent construite hors des espaces traditionnels de la mobilisation, notamment ceux du travail, ici comme là-bas. Certes évoquée, cette question a davantage fait l’objet d’affirmations générales que de recherches systématiques dans le cas de l’Amérique latine [13].
Dans un premier temps, l’objectif de cet article consistera donc à mettre en valeur cette absence de concordance, d’un continent à l’autre, entre les débats et les approches scientifiques, sur un objet pourtant proche, l’objectif n’étant pas de proposer une comparaison systématique, mais de s’interroger sur l’absence des références à la mobilisation des ressources. Quelques tentatives d’explication, sous forme d’hypothèses, seront ensuite proposées. Enfin, seront indiqués non seulement les chemins pris aujourd’hui par cette divergence scientifique, mais aussi les risques qu’elle peut revêtir pour la compréhension ou l’interprétation des mobilisations d’Amérique latine [14]. En particulier, nous évoquerons le débat soulevé par l’institutionnalisation actuelle des mouvements sociaux sur ce continent ; débat dont les limites permettent de souligner l’urgence du renouvellement des modèles aujourd’hui disponibles pour observer les mouvements sociaux de ce continent. Revisiter la façon dont ils ont été pensés et observés depuis les années 1970 constitue, à nos yeux, une démarche essentielle et nécessaire à l’analyse et à la compréhension des mobilisations qui s’y déroulent depuis les années 2000 : piqueteros d’Argentine depuis 1996, mouvements indiens depuis le premier Levantamiento indígena en Equateur en 1990 et la création du Movimiento al socialismo (MAS) en 1999 en Bolivie, Mouvement des Sans Terre du Brésil, dont l’intensité des mobilisations s’est accrue après les répressions violentes de 1995 et 1996 [15], oppositions transnationales au projet de Zone de libre-échange des Amériques ou au Plan Puebla Panama entre 2001 et 2004, mobilisations post-électorales et opposition à l’ouverture du capital de la Pemex au Mexique depuis 2006, mouvement régionaliste dans l’est de la Bolivie, demandes d’apurement du passé et de réouverture des procédures judiciaires en Argentine et au Chili depuis 1998… autant de mobilisations pour l’observation desquelles il parait utile de revisiter les modèles d’analyse disponibles [16].

L’observation des « nouveaux mouvements sociaux », de l’Europe à l’Amérique latine

Le « basisme » dans l’Amérique latine des années 1970 à 1990

6En Amérique latine, pour évoquer les mobilisations, le terme de « mouvement populaire » a souvent été préféré à celui de « nouveaux mouvements sociaux ». En désignant par ces termes à la fois des organisations de classes moyennes, ouvrières et paysannes ou encore celles des habitants des quartiers défavorisés, militants et chercheurs évoquaient la construction d’un maillage des sociétés « par le bas ». La notion de « populaire » a ainsi été préférée à celles de « prolétariat » ou de « peuple », car elle renvoie moins à une représentation des sociétés en « classes », définies par une position dans le système de production, qu’à leur structuration en termes de pouvoirs mais aussi de représentations. Si « populaire » fait parfois office de synonyme de « peuple », c’est surtout au sens de « pauvres », occupant une position basse dans la hiérarchie sociale des pouvoirs et des revenus ; ce à quoi renvoie de façon explicite l’anglais « grass root ». L’expression de « mouvement populaire de base » désigne donc des mobilisations principalement menées par des citadins pauvres, parfois des paysans, dont les revendications très hétérogènes se sont organisées autour de la question des conditions de vie, des services publics et des droits sociaux [17].

7L’émergence du « basisme » en Amérique latine s’est inscrite dans un double processus. D’abord, la libéralisation des systèmes politiques à partir de la fin des années 1970 a rendu possible l’expression des demandes. Mais surtout, ces dernières ont reposé sur la construction d’un cadre de compréhension et d’interprétation des inégalités sociales et politiques, porté par les mouvements « de base » qui ont redéfini les privations de droits sociaux comme des discriminations illégitimes [18]. Conflits autour du sens à donner aux inégalités sociales et politiques, ces mobilisations ont contribué à un travail de réinterprétation des injustices. L’action collective de base a reposé, d’une part, sur la politisation de questions concrètes et immédiates telles que le logement ou les infrastructures urbaines ; d’autre part, sur la perception de la communauté de position des groupes populaires face à des besoins ou des manques (carencia, en espagnol), donc sur la construction d’un « cadre d’injustice » à travers la prise de conscience de l’illégitimité de la privation. La notion de « spoliation urbaine », alors proposée par le brésilien Renato Boschi, désigne ainsi l’injustice de la position occupée dans les villes par les populations défavorisées, dont la marginalité est associée à la négation illégitime des droits [19].

8Quelques éléments de rappel permettront de donner, ici, de rapides précisions sur le processus historique de construction de ces mouvements. À partir de la fin des années 1970, dans l’ensemble du continent, des mouvements de contestation se sont organisés au sein des milieux populaires, dans différents secteurs : crèches associatives, coopératives alimentaires ou soupes populaires, le plus souvent organisées par des femmes ; protestation contre la vie chère et demande d’accès aux soins médicaux au Brésil ; opposition à la politique de destruction des bidonvilles à partir de 1977 ; demandes de reconnaissance de la propriété de la terre, par les habitants de lotissements urbains non régularisés ou par des groupes indiens en milieu rural, ou encore par le Mouvement des Sans Terre à partir de 1981 au Brésil. Au sein des classes moyennes, d’autres mouvements ont mis l’accent sur des questions différentes, comme les mouvements de défense des droits de l’homme dans les pays du Cône sud ; comme les mouvements féministes qui ont donné la priorité aux droits reproductifs et à la parité en politique ; ou encore le mouvement de dénonciation de la fraude électorale au Mexique [20]

9Plusieurs facteurs peuvent être évoqués pour expliquer la montée de ces mobilisations à cette période. En premier lieu, le rôle des églises catholiques a été fondamental pour la structuration des oppositions aux régimes autoritaires, mais aussi pour la formation et la politisation des jeunes militants qui ont mis en place les organisations locales de mouvement social. À partir de 1968 et de la conférence des évêques latino-américains de Medellín qui, en août, a défini « l’option pour les pauvres », les Églises nationales ont ouvert un espace d’opposition politique, inexistant auparavant. En partie sous l’influence de la théologie de la libération, les églises catholiques ont participé à construire puis à soutenir les revendications des populations indiennes, au moment où certains de ses membres confirmaient un soutien actif aux guérillas, comme l’évêque Ernesto Cardenal, d’abord membre actif de l’organisation sandiniste puis ministre de la Culture du Nicaragua entre 1979 et 1987. Tant dans les bidonvilles des grandes villes que dans les campagnes les plus défavorisées, des prêtres ont suscité la politisation des militants et aidé à structurer leurs premières actions [21]. Les communautés ecclésiales de base (CEB), espaces de rassemblement et de discussion organisés par des prêtres proches de la théologie de la libération, ont constitué des espaces de socialisation et de politisation qui ont largement contribué à mettre en avant les valeurs de participation, de respect et de justice, très présentes dans le « basisme » des années 1980, en particulier au sein des mouvements de quartier, comme l’indiquait Paulo Krischke en 1991 [22].
En second lieu, l’association entre la libéralisation progressive d’une partie des régimes autoritaires, l’épuisement des idéologies et des groupes révolutionnaires qui défendaient la lutte armée, et la crise économique qui s’est déclenchée brutalement à partir de 1982 explique que les mobilisations aient inauguré de nouvelles formes d’organisation tout en présentant une forte hétérogénéité. Ces transformations se sont d’abord traduites par la fragilisation puis le démantèlement des corporatismes d’État, qui avaient longtemps constitué des instruments d’encadrement des mobilisations pour les dirigeants des régimes nationaux-populaires [23]. En parallèle, les associations et les ONG sont devenues des canaux importants de la participation sociale et politique pour les classes moyennes et populaires, souvent soutenues par des membres des professions libérales tels des assistants sociaux et des éducateurs, des avocats ou des médecins.
Pour cette période, Susan Eckstein a souligné la coexistence de répertoires d’action collective fort divers. Elle distingue, d’un côté, les émeutes de la faim, les pillages et les invasions de terres, d’un autre côté, les grèves organisées par de gros syndicats, les grands meetings politiques, voire l’engagement au sein des nouveaux partis de gauche comme le PT brésilien ou le PRD mexicain. Pour expliquer cette opposition, Susan Eckstein estime que les formes prises par la contestation ont dépendu, dans les années 1980, du degré d’industrialisation, de la structure du système syndical et des inégalités sociales, ainsi que du degré d’ouverture du système politique, dans chaque pays du continent. Elle a ainsi montré comment la politisation des demandes a varié selon la position sociale occupée par les groupes mobilisés. Les classes moyennes et supérieures ont ainsi porté les revendications institutionnelles et les demandes de démocratisation politique, alors que les classes populaires ont donné la priorité aux questions économiques et aux conditions de vie. Ces différences ont trouvé une traduction dans les répertoires d’action collective disponibles pour ces différents groupes. À partir des exemples de la Bolivie, du Pérou ou du Mexique, Susan Eckstein indique que les groupes populaires, dominés du point de vue économique, ont eu davantage tendance que les autres à organiser la contestation « dans les rues », dans la mesure où leur capacité à influencer la politique reposait sur des mobilisations sur le terrain plutôt que sur des médiations formelles, par exemple partisanes [24]. Marquant son désaccord avec la perspective de classe adoptée par Susan Eckstein, David Slater soulignait cependant, en 1994, certaines spécificités des luttes menées par les groupes populaires en Amérique latine, qui donnaient une dimension fortement territoriale et sociale à l’engagement démocratique, au-delà de l’arène électorale [25].

Quelles « nouveautés » ? Sociologies des valeurs et des identités

10En ce qui concerne l’Europe et l’Amérique du Nord, l’observation des mouvements sociaux des années 1960 à 1980 s’est organisée autour de quelques questions principales, dont la présence est inégale en Amérique latine : d’abord, celle de leurs ressources et de leurs stratégies ; ensuite, celle des valeurs fondatrices des revendications et de leur rapport au changement social ; enfin, celle de l’hétérogénéité et de la fluidité des organisations d’action collective et de l’espace social occupé par les mobilisations. En effet, au premier abord, la « nouveauté » de ces mouvements sociaux a semblé résider dans des caractéristiques à la fois organisationnelles et idéologiques. Moins structurés que les mouvements ouvriers traditionnels, affirmant leur volonté d’autonomie par rapport à l’État, aux partis et à la plupart des syndicats, ils ne reposaient plus exclusivement sur les rapports de production ou de classe mais contestaient aussi l’ordre social existant sur le fondement de demandes non matérielles. Cette approche, par les valeurs et par les identités, a été adoptée très largement par les analystes de l’Amérique latine, très fortement inspirés par ces catégories issues de la perspective des « nouveaux mouvements sociaux ». L’observation de ces mobilisations a ainsi mis l’accent sur le changement des valeurs et des clivages sociaux dominants qu’elles exprimaient, ainsi que sur l’affirmation d’identités spécifiques qu’elles favorisaient.

11En premier lieu, certains analystes européens et nord-américains des nouveaux mouvements sociaux ont souligné le lien étroit avec les processus de transformation en profondeur des sociétés occidentales et les spécificités des modes d’organisation de ces mobilisations, parfois instables, souvent localisées et fragmentaires, la plupart du temps situées à distance des formes d’engagement traditionnelles. Selon la perspective ouverte par Ronald Inglehart [26], la caractéristique essentielle de ces mouvements a été constituée par l’accent qu’ils ont mis sur des valeurs telles que l’identité, la reconnaissance sociale, le respect de l’individu, les droits de l’homme, les conditions de vie, ainsi que par la priorité donnée aux demandes de participation dans la prise de décision. Alors que les revendications matérielles, et en particulier la question salariale, ont perdu en partie leur centralité pour ces mobilisations, ces dernières ont, dans le même temps, contribué à politiser la vie quotidienne et les relations sociales, en les constituant en objet légitime de demandes. Autour d’enjeux liés, par exemple, à la protection de l’environnement, au genre, aux rapports sexuels ou à la moralité, ces demandes ont renvoyé aux questions directement politiques des libertés d’expression et d’association, de la reconnaissance des droits sociaux et de la lutte contre les discriminations.

12Ronald Inglehart a ainsi montré que le point commun et la « nouveauté » de ces mouvements sociaux reposaient sur une aspiration à la construction d’une nouvelle société, sur le rejet des valeurs matérielles associées à la production, au revenu ou à la consommation, et sur l’affirmation de valeurs telles que l’autonomie et les libertés de l’individu. Ces mouvements, dont la composition sociale hétérogène n’a pas empêché une certaine prédominance des classes moyennes [27], ont été cimentés par des constructions identitaires qui ont prétendu rompre avec les appartenances de classe pour donner une place centrale à des identités transversales telles que le genre, la couleur de peau ou les pratiques sexuelles. Autour de ces identités, la recherche de l’estime de soi et de la dignité, ainsi que les discours participatifs ont constitué des enjeux fondateurs de l’engagement [28]. Selon les travaux très cités de Ronald Inglehart, la consolidation de ces types de mobilisation exprime la redéfinition des clivages fondamentaux des sociétés contemporaines [29]. Il a aussi montré que la dimension opposant le matérialisme au post-matérialisme pouvait rendre compte, depuis les années 1960, de la mise sur agenda politique de nouveaux enjeux et était associée à des réalignements partisans. Ainsi Ronald Inglehart a-t-il montré en quoi, en Europe occidentale, « la montée du postmatérialisme a placé les alignements partisans sous tension chronique », imposant une refonte des systèmes partisans – changements dont les contours sont bien connus aujourd’hui en ce qui concerne l’Europe occidentale [30].

13En second lieu, les analystes d’Amérique latine ont souvent accompagné leurs collègues européens dans l’attention qu’ils ont portée à la structure hétérogène, instable, voire fluide des mobilisations. Selon les mots d’Alberto Melucci, celles-ci ont occasionné la construction de larges « espaces de mouvement », au sein de la « nébuleuse aux contours imparfaits » des sympathisants occasionnels, bien plus étendue que le noyau assez restreint des activistes engagés [31]. Appuyée sur des organisations décentralisées et souples, la participation aux nouveaux mouvements sociaux a présenté un caractère changeant, peu homogène, souvent informel ou discontinu, marquée par le rejet des systèmes dominants de représentation des intérêts. Ces mouvements sociaux ont ainsi reposé sur une multiplicité de micro-organisations, d’associations de proximité, d’« unités diversifiées et autonomes », de caractère « dispersé, composé, fluide », occupant un espace social « aux confins incertains et à la densité variable » [32]. Sur le fondement des demandes, parfois très localisées, formulées par chaque organisation, ainsi que sur celui de la circulation des individus et des groupes au sein de réseaux de mobilisation entrecroisés, c’est un large « espace de mouvement » qui s’est peu à peu constitué [33].

14Au sein de ces espaces, constitués de réseaux informels et fluides liant entre eux des individus et des micro-organisations locales, les rapprochements stratégiques ou la simple solidarité sont parfois restés limités, voire problématiques. Selon cette analyse, l’influence de ce type de mobilisations sur les systèmes sociaux et politiques s’est exercée de façon très indirecte, par le biais de la diffusion aléatoire de modèles de comportement communs ou de représentations partagées. Dans cette perspective, Alberto Melucci définissait, au milieu des années 1980, les mouvements sociaux comme « des systèmes d’action et d’opportunités, et des champs de possibilités et de limites » [34]. De façon générale, derrière la cohésion apparente d’un mouvement social, les motivations, les représentations et les comportements collectifs sont marqués par le caractère hétérogène, voire contradictoire des modes d’action politique, en particulier au sein des milieux populaires [35]. Ainsi la mise en forme politique de ces actions souvent hétéroclites peut-elle présenter un caractère aléatoire.

15À la même époque, Jean-François Bayart soulignait, à partir d’une perspective différente et à propos de l’Afrique, que le poids non négligeable des mouvements sociaux « du bas » imposait de s’interroger sur « l’unification problématique de ces modes d’action hétérogènes et ponctuels en un mouvement social couvrant la surface du système d’action historique » [36]. En ce qui concerne l’Amérique latine des années 2000, où, par exemple, les mobilizations des piqueteros argentins depuis 1996 renvoient bien à une organisation en « nébuleuse », la question de l’unification du mouvement social et de son sens politique reste d’actualité [37]. Denis Merklen a montré que l’hétérogénéité et la territorialisation de ce mouvement s’associent à la diffusion d’un ensemble de représentations et de pratiques politiques qui dessinent une nouvelle « politicité » des classes populaires [38]. Le mouvement social tire ici son unité du fait que des individus et des groupes gravitent dans un même système d’action, c’est-à-dire qu’ils poursuivent des objectifs communs, partagent des symboles, voire l’affirmation d’une identité et circulent dans un espace militant partagé. Malgré la fragmentation des organisations et des symboles, les échanges individuels et les rassemblements ponctuels fondent donc une unité instable, à la fois des représentations et des réseaux sociaux d’interaction.
Si l’on accepte de suivre cette perspective, les associations des quartiers pauvres du Brésil des années 1980 ont bien été constitutives d’un mouvement social. En effet, en première analyse, l’observateur est d’abord frappé par la grande hétérogénéité des modes d’action politique de leurs dirigeants, par l’absence d’unité de cette nébuleuse associative, par l’impossibilité d’identifier son impact politique [39]. Le recours à la notion de « système d’action » permet, justement, d’en rendre compte. Les liens interindividuels tissés entre ces microorganisations, leur représentation commune de leur position dans la ville, les usages communs des discours du droit et de la justice sociale, ou encore le recours à un répertoire d’action collective partagé, permettent bien d’évoquer ici un mouvement social.
De façon plus générale, les mouvements sociaux qui se sont affirmés en Amérique latine à partir de la fin des années 1970 ont été présentés comme « nouveaux » et comparés à ceux du Nord, en raison de leur proximité avec le post-matérialisme et de leur recours à des discours construits autour des demandes de dignité et de respect, du refus des discriminations et de l’invocation de la « participation ». Pourtant, ces mouvements latino-américains se sont aussi distingués par des revendications en priorité concrètes et matérielles, par une composition sociale populaire, ainsi que par leurs effets limités sur les alignements partisans jusque dans les années 2000 [40]. Le point commun entre ces différentes mobilisations, qui a trait à leur structure et à leur mode d’organisation, a finalement été considéré comme secondaire pour la construction des analyses. En effet, l’instabilité, la fragmentation et l’hétérogénéité des mouvements latino-américains ont bien davantage été déplorées qu’observées de façon systématique, par exemple en termes de ressources, de modes d’action ou d’opportunités. De plus, l’attention s’étant portée vers la question des valeurs et des identités, elle s’est détournée du contenu matériel des revendications, bien qu’il ait constitué un facteur structurant essentiel dans la plupart des mobilisations [41]. C’est ainsi que, dans le contexte politique et scientifique de la construction des gouvernements représentatifs, l’analyse de ces mouvements sociaux a pris un chemin différent de celui qu’elle suivait ailleurs.

Les sciences sociales latino-américaines face aux nouveaux mouvements sociaux

16Très cités par les latino-américanistes, aux côtés d’Alberto Melucci, Manuel Castells ou Claus Offe, les travaux de Jürgen Habermas, d’une part, et ceux d’Alain Touraine, d’autre part, ont marqué durablement les sciences sociales, et en particulier la recherche sur les mouvements sociaux d’Amérique du Sud. Celle-ci a surtout mis l’accent sur l’évaluation de leur potentiel « transformateur », sur l’analyse de leur rapport avec la structure sociale des économies dépendantes, et sur celle de leur opposition aux appareils des États autoritaires. Alain Touraine doutait de l’existence de « mouvements » urbains, dans la mesure où ils ne s’appuyaient sur aucune organisation unitaire, ne participaient pas à la construction d’une conscience de classe et ne pouvaient donc pas, selon lui, promouvoir un changement politique profond [42]. À côté de cette réflexion sur les limites du changement politique insufflé par ces mouvements, c’est autour de la question de l’autonomie par rapport aux structures sociales et politiques de l’autoritarisme que la recherche sur les mouvements sociaux s’est organisée en Amérique latine. Et c’est aussi sur le fondement de cette question qu’elle a cherché à évaluer leur capacité à changer les systèmes politiques et les sociétés.

La question de l’autonomie

17Les répressions menées par les gouvernements autoritaires depuis les années 1960 [43], la fin des guérillas castristes et la fragilisation des partis communistes ont non seulement laissé un vide politique à gauche, mais ont aussi été associées à la méfiance des acteurs des mobilisations vis-à-vis des corporatismes d’État, des populismes et, plus largement, vis-à-vis de toute tentative « d’instrumentalisation ». L’ensemble a mené les organisations de mouvement social à présenter l’autonomie non seulement comme une stratégie mais aussi comme une valeur en soi. Souvent hostiles aux organisations traditionnelles de mobilisation, en particulier aux syndicats et aux partis politiques, les mouvements associatifs ont valorisé les organisations présentées comme « communautaires ». Dans une très large mesure, la sociologie politique latino-américaine s’est alors approprié cette question. L’attention étant tournée en priorité vers le rapport entre mouvements sociaux et institutions politiques, l’autonomie a été présentée non seulement comme une spécificité des « nouveaux mouvements », comme un objectif posé par leurs acteurs, mais aussi comme une nécessité politique. À la recherche d’une voie alternative entre autoritarisme, populisme et révolution, beaucoup d’analystes ont vu dans les mouvements autonomes des sociétés civiles une source possible d’innovation sociale [44]. Le plus souvent, le questionnement et l’observation ont laissé de côté les perspectives ouvertes ailleurs par les théories des mobilisations, pour privilégier le débat sur les enjeux soulevés par les mouvements sociaux eux-mêmes ; débat imposé par l’urgence du moment politique, dans lequel les intellectuels étaient eux-mêmes plongés. Trois questions ont dominé. D’abord, la participation politique a fait l’objet à la fois de revendications des mouvements sociaux et de propositions pour le renouvellement de l’action publique locale ; rares sont les observations dépourvues de positionnement normatif sur cette question. Ensuite, la volonté des mouvements sociaux de remettre en cause les médiations traditionnelles opérées par les partis et les syndicats a été pensée comme un facteur nécessaire à la démocratisation des pratiques politiques. Enfin, l’organisation des mouvements sociaux sur un fondement local a renforcé les discours sur les « communautés » ; discours diffusés à la fois par les acteurs locaux, par les pouvoirs publics à plusieurs niveaux et par les observateurs.

18Selon Ruth Cardoso en 1983, dont l’analyse nous paraît assez représentative, l’enjeu représenté par ces mouvements, en l’absence d’objectif révolutionnaire clair ou même de revendications démocratiques explicites, ne résidait pas dans une transformation radicale des systèmes politiques et des sociétés, mais dans le processus d’inclusion politique auquel ils contribuaient.

« Par leur face revendicative, les mouvements de quartier ne paraissent pas capables de grandes transformations, mais si on les regarde comme l’expression d’une nouvelle identité, il est possible de penser qu’ils deviennent une nouvelle pièce dans le jeu politique. » [45]

Les enjeux identitaires

19L’évaluation du changement introduit par les mouvements « de base » a donc mis l’accent sur leur apport en termes non pas politiques, mais socioculturels. Leur inscription dans l’espace des sociétés civiles et leur autonomie vis-à-vis des pouvoirs politiques a ainsi été comprise comme reposant sur une affirmation identitaire, ainsi que sur une capacité à inventer de nouvelles relations sociales dans la vie quotidienne. Selon les analyses proposées par Willem Assies ou Tillman Evers, par exemple, ces « fragments de nouvelles pratiques sociales », ont participé à la construction d’une dignité émancipatrice pour les catégories populaires, quelle qu’ait pu être la fragilité de leurs organisations. « L’essence de ces mouvements est, à mon avis, leur capacité à générer une nouvelle subjectivité sociale ; nouvelle autant par son contenu que par la conscience d’elle-même », estimait Tillman Evers en 1985 [46]. Selon cette perspective, ces mobilisations ont reposé sur l’affirmation d’un ensemble de valeurs nouvelles en politique, comme l’égalité, la citoyenneté ou la participation, appuyées sur la construction d’une estime de soi pour leurs participants.

20Alors que les acteurs locaux des mouvements sociaux refusaient la plupart du temps de dépasser une formulation très matérielle, concrète et territorialisée de leurs demandes, leurs observateurs ont préféré souligner leur contenu éthique implicite, conjugué en une triple demande : reconnaissance de la dignité des pauvres, adoption de droits sociaux, participation citoyenne. L’ensemble a suscité une prolifération des discours sur la citoyenneté et la participation, appuyée sur une sociologie du sujet, qui a vu dans les mouvements sociaux « de base » un facteur d’affirmation des pauvres comme « sujets » sociaux autonomes et porteurs de droits. Par exemple, en 1994, Evelina Dagnino considérait que les nouveaux mouvements sociaux contribuaient à « l’invention d’une nouvelle société » et à la construction d’une « nouvelle conception de la citoyenneté » [47], et que l’affirmation du « droit à avoir des droits » avait « servi de fondement à l’émergence d’un nouveau sujet social […] luttant pour la reconnaissance ». De même, en 1989, Eder Sader annonçait-il l’entrée en scène de « nouveaux sujets politiques » autonomes et indépendants [48]. C’est dans cette perspective, inspirée des travaux de Jürgen Habermas, que ces mouvements sociaux ont été considérés comme participant à la démocratisation des sociétés, car ils rendaient possible la circulation des idées au sein « d’un espace public non investi par le pouvoir », où les « pratiques associatives ont formé le substrat social de la sphère publique » [49].
Marquée par la recherche d’une « autre » démocratie, entre libéralisme et marxisme, par l’urgence de la réflexion sur les droits et par une forte tradition d’intervention politique des intellectuels, la sociologie de l’Amérique latine a adopté une approche interprétative, qui n’a été complétée que très récemment. Par exemple, en 2003, Evelina Dagnino soulignait encore les aspects culturels de la construction citoyenne, mais remarquait aussi le caractère stratégique des discours de la citoyenneté [50]. Des travaux plus récents sur la « construction » des identités, voire sur l’invention de la mémoire et des racines, se sont démarqués de cette approche, pour montrer comment elles ont structuré les stratégies de mobilisation dès les années 1980. C’est le cas, comme l’a montré Jean-François Véran, de paysans de l’intérieur du Brésil qui, d’abord mobilisés au sein de syndicats, se sont découverts descendants d’esclaves marrons dans les années 1990 après que la Constitution ait reconnu un droit à la propriété de la terre pour cette catégorie de population. Les paysans boliviens ont aussi compris tout l’intérêt qu’ils pourraient avoir à se mobiliser comme Indiens, après plusieurs décennies de mobilisations syndicales [51].

La production de sciences sociales, entre observation et intervention

21Si les sociologues de l’Amérique latine n’ont pas tous été militants, leur production s’est souvent faite l’écho direct des luttes et des demandes formulées par les mouvements sociaux. Au moment des changements de régime, mettre en avant les enjeux politiques représentés par les mobilisations a souvent équivalu à appeler à la démocratisation des institutions et à la mise en place de procédures participatives [52]. Comme le remarquait en 1983 la sociologue Ruth Cardoso, « au moment où les théoriciens français, nos inspirateurs, parlaient des changements qualitatifs dans les fonctions de l’État […], nous, Latino-américains, pour expliquer des phénomènes similaires, nous sommes ancrés dans la critique de l’autoritarisme de nos gouvernements, laissant de côté les transformations substantielles de l’appareil d’État » [53]. Les transitions démocratiques ont donné un caractère urgent à des analyses en termes de changement socioculturel, qui pouvaient donner un sens aux interventions et à l’engagement des intellectuels et universitaires dans les luttes politiques. Ces dernières liaient la construction des nouvelles institutions politiques et le libéralisme économique avec l’ouverture aux « sociétés civiles », incarnées dans les organisations de mouvement social nées durant la décennie précédente. Maria da Glória Gohn estime que, pour des universitaires avides de prendre part au processus de démocratisation, l’analyse culturelle des mouvements sociaux a constitué un « guide pour l’action ». C’est ainsi qu’ils les ont définis comme des « éléments stratégiques d’une redémocratisation de l’État », dans un contexte où « la production de connaissance et l’élaboration de stratégies politiques se sont croisées ». Face à cette exigence posée par l’action politique, une approche comme celle de la mobilisation des ressources « n’avait pas le moindre sens », conclut Maria da Glória Gohn pour expliquer l’absence de dialogue entre deux sociologies de l’action collective restées étrangères l’une à l’autre [54].

22Pour expliquer la prégnance de ces approches, quelques autres fragments d’hypothèses peuvent être proposés, quitte à être approfondis ailleurs. Durant la période autoritaire, l’exil de nombreux universitaires et intellectuels pourrait avoir favorisé la formation de réseaux sociaux qui se sont ensuite révélés propices à la diffusion de ce positionnement, à mi-chemin entre l’analyse et l’intervention politique. Ce phénomène semble avoir été accentué par la centralité de certaines institutions, consacrées à la recherche, à l’enseignement ou à la réflexion sur les politiques publiques, et qui ont présidé à la diffusion de la « pensée du développement », en particulier en ce qui concerne la question du rapport entre démocratie et sociétés civiles. Plusieurs indices épars peuvent être identifiés à ce propos. Notons par exemple le rôle joué, des années 1970 à aujourd’hui, par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris pour la formation des universitaires et pour la consolidation des troisièmes cycles en sciences sociales dans les pays du Cône sud, par exemple avec la mise en place d’une coopération de longue durée avec l’Université de Buenos Aires (UBA). En nous inspirant de la perspective ouverte par Yves Dezalay et Bryant Garth, on pourrait faire l’hypothèse, qui reste à vérifier empiriquement, que les universitaires passés par cette École ont largement abordé les mouvements sociaux avec les outils conceptuels de la sociologie qu’ils y avaient apprise [55]. Il s’agit donc moins ici de penser la construction de « traditions nationales » que de s’interroger sur la façon dont la circulation des élites universitaires, et leur passage par certaines institutions, a pu favoriser la prédominance d’une approche scientifique sur un enjeu et une région du monde [56].

23L’inscription organisationnelle des sociologues qui ont produit cette réflexion sur les mouvements sociaux d’Amérique latine reste marquée, jusqu’à aujourd’hui, par la centralité de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (FLACSO) [57] mais surtout par celle de la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), lieux de passage et de socialisation importants pour ces élites. Depuis sa création en 1948 à Santiago du Chili, la CEPAL a fortement influencé la pensée sociologique et les politiques du développement sur le continent latino-américain. À partir du début des années 1990, elle a participé à la diffusion de politiques libérales assises sur une « gouvernabilité démocratique ». Cette dernière associe les démocratisations et les réformes des États au renforcement des sociétés civiles par la participation et la consolidation du capital social. Le lien est ici direct avec une approche des mouvements sociaux qui les conçoit comme porteurs d’un changement social par le bas et hors de l’État. Berceau de la sociologie latino-américaine, la CEPAL a constitué un point de rencontre pour de nombreux sociologues, qui, comme Fernando Henrique Cardoso, y ont travaillé avant le coup de d’État de 1973 ou ont pu y retourner après 1989. La CEPAL et le réseau des FLASCO ont donc pu participer à la constitution d’une communauté épistémique, à la construction d’une pensée homogène sur les mouvements sociaux, puis à la définition d’enjeux et de choix politiques [58].

24Positionnés à la frontière entre recherche et action politique, plusieurs sociologues et politistes de renom, dont la pensée sur les mouvements sociaux a été largement diffusée, sont ainsi passés par la CEPAL et par la FLACSO. C’est par exemple le cas du chilien Manuel Antonio Garretón. Issu d’une famille influente en politique, lui-même militant de la démocratie chrétienne avant 1973, ce sociologue de l’Université du Chili formé à l’EHESS a été beaucoup publié par la CEPAL et écrit aujourd’hui fréquemment dans la presse quotidienne chilienne. Il estimait encore en 2002 que les mobilisations sur le continent latino-américain reposaient sur de « nouvelles » formes d’action sociale, participaient à la « redéfinition d’un modèle de modernité » et à l’affirmation de « sujets », et se structuraient autour d’objectifs démocratiques [59]. De son côté, le sociologue bolivien Fernando Calderón a travaillé tant comme chercheur pour la CLACSO que comme expert à la CEPAL, tout en publiant plusieurs textes fort cités sur les mouvements sociaux en Amérique latine, et qui s’inscrivent dans une approche similaire [60]. Quant à Ruth Cardoso, épouse de l’ancien président brésilien, elle a enseigné à la FLACSO avant d’être en poste à l’université de São-Paulo (USP), tout en dirigeant le Centre brésilien d’analyse et de planification (CEBRAP), centre privé de recherche et d’intervention politique. Très renommée pour ses travaux sur les mouvements populaires, cette sociologue – qui a notamment collaboré avec Sonia Alvarez et Arturo Escobar – a pris la tête, pendant la présidence de son époux, du programme fédéral « communauté solidaire » qui a mis en place une politique de lutte contre la pauvreté appuyée sur les organisations de mouvement populaire. Enfin, notons que le rapport publié par le PNUD sur la démocratie latino-américaine en 2004 [61], qui érigeait la participation citoyenne des associations indépendantes de la société civile en condition de la démocratisation et de la gouvernabilité, a été produit par un groupe de sociologues où l’on retrouve les noms cités plus haut, avec les contributions de Fernando Calderón, Manuel Antonio Garretón et Alain Touraine, parmi d’autres.
Ces remarques éparses et incomplètes, auxquelles il faudrait ajouter une analyse de la circulation des universitaires entre les universités du nord et du sud des Amériques, suggèrent en quoi certaines institutions telles que la CEPAL ou la FLACSO sont au cœur de réseaux sociaux multipositionnés, entre production scientifique et action publique, et participent à la diffusion d’approches conceptuelles, de problématiques et d’interprétations homogènes. Elles indiquent peut-être aussi en partie pourquoi les efforts de théorisation ont été si partiels et, finalement, si limités [62].
La prédominance de cette approche des mouvements sociaux en termes d’autonomie, de transformation sociale ou d’affirmation identitaire a eu pour conséquence que la baisse d’intensité des mobilisations de rue, à partir du milieu des années 1990, a été comprise comme un « reflux », tandis que le rapprochement avec les partis de gauche était interprété comme une perte d’autonomie [63]. Pourtant, l’observation peut aussi indiquer que les mobilisations apparues à partir des années 1970 n’ont pas toujours introduit de rupture brutale dans les systèmes politiques et se sont souvent construites dans la proximité avec les organisations militantes « classiques ». En effet, derrière les enjeux de l’autonomie et des identités, c’est plutôt l’hypothèse d’une dynamique d’interactions multiples entre les différents acteurs de la « politique contestataire » qui semble confirmée, tant par les parcours individuels des militants que par leur multipositionnalité ou par la convergence de la contestation vers certaines organisations [64]. La prédominance des approches identitaires et culturelles a eu pour conséquence que d’autres processus ont été peu explorés, tels que la professionnalisation politique des militants, la distanciation entre dirigeants et simples adhérents au sein des organisations, les trajectoires d’ascension sociale des militants, ou encore la démobilisation et les parcours de sortie des organisations [65]. C’est ainsi que la sociologie des organisations d’action collective d’Amérique latine reste, encore aujourd’hui, à enrichir.

Mouvements sociaux, partis politiques et institutions

25En effet, l’autonomie des nouveaux mouvements sociaux, si elle a été réelle, a surtout constitué une situation temporaire, liée au contexte très spécifique et transitoire créé par les changements de régime politique. Situées hors des cadres offerts par les gauches révolutionnaires fragilisées, inexistantes ou discréditées, les mobilisations se sont d’abord organisées en dehors, voire dans l’opposition aux institutions politiques existantes. Dans un environnement encore autoritaire, mais déjà en cours de libéralisation, les mouvements sociaux ont permis l’expression de demandes sociales dont les systèmes de partis en cours de construction ne pouvaient pas encore assurer la médiation. La création de nouveaux partis politiques de gauche, loin de constituer une perte d’autonomie pour ces mouvements sociaux, a parfois reposé sur leur initiative. La fabrique des « partis-mouvements » comme dans les cas du Frente Amplio en Uruguay, du PT brésilien, du PRD mexicain ou encore du MAS bolivien, respectivement à partir de 1971, 1980, 1988 et 1999, a permis à certains mouvements sociaux de passer au politique, soit en tant qu’organisations, soit à travers les parcours individuels de leurs militants.

26À l’occasion de plusieurs publications à partir de 2001, Doug McAdam, Sidney Tarrow et Charles Tilly ont proposé d’élargir le champ d’observation de la sociologie des mobilisations sur le fondement de la notion de « politique contestataire » ou de « politique du conflit », qui prend en compte les interactions incessantes entre les sphères institutionnelle et non institutionnelle, l’entrecroisement des acteurs, des identités et des mobilisations, ainsi que les processus individuels d’entrée et de sortie des organisations [66]. L’action collective s’inscrit donc dans un continuum, à la fois en termes de réseaux sociaux et de rapport entre institutions, et en termes historiques. Partis et organisations « amies » forment ainsi un « espace de mobilisation » aux contours sociaux flous, constitué par des réseaux militants, au sein desquels les individus circulent. Dans sa recherche sur le PRD, Hélène Combes a ainsi montré que la création de ce parti en 1989 a reposé sur le rapprochement d’acteurs militants, issus d’organisations diverses : « Plus que par diffusion territoriale, le PRD s’est construit par “agrégation” territoriale autour d’organisations sociales, qui se sont transformées en véritables structures d’encadrement des militants » [67]. Ainsi les militants issus d’organisations contestataires constituaient-ils dans les années 1990 une proportion importante du personnel de ce parti, puisque, d’après l’auteur, au moment de sa création, seul un quart des dirigeants du PRD n’avait pas milité dans la période antérieure et, jusqu’en 1994, la part des militants issus des mouvements sociaux a augmenté jusqu’à constituer la moitié des dirigeants de ce parti. Par la suite, l’organisation, secouée par d’intenses luttes de courant a cherché à renforcer sa cohésion, par exemple par l’introduction des élections internes, dans l’objectif de faire « prendre corps au parti » [68].
Par beaucoup d’aspects, la construction du Parti des Travailleurs, au Brésil, a suivi des modalités comparables à celle du PRD. Rassemblement de multiples organisations de mouvement social et de petits partis d’extrême gauche devenus « tendances » en son sein, le PT a été marqué pendant ses vingt premières années d’existence par de grandes difficultés à unifier ses stratégies, ses discours et son organisation. Ce parti n’est pas issu d’une scission du seul parti d’opposition toléré par le régime militaire jusqu’à la réintroduction du multipartisme en décembre 1979, mais d’un projet politique pensé comme nouveau [69]. Refusant le retour au système partisan de la période républicaine des années 1945-64, les fondateurs du PT ont cherché à traduire, dans l’action politique, les revendications pluralistes des syndicats indépendants nés des grèves de 1978 et 1979, ainsi qu’à réunir des acteurs entrés en politique au cours de la période autoritaire. Conçu comme un moyen stratégique d’unir les oppositions plutôt que comme un instrument de médiation des demandes, ce parti a été pensé par ses fondateurs comme une ressource nécessaire pour rassembler des mouvements fragmentés et pour transposer leur lutte au plan politique. Nos recherches menées au niveau local, dans l’État du Pernambouc au Brésil, confirment que la fondation du PT a bien suivi un processus « d’agrégation territoriale » comparable à celui évoqué par Hélène Combes à propos du PRD [70]. Arrivés au parti par le militantisme social, les adhérents du PT ont conservé, tout au long de leur vie militante, un double engagement partisan et social. Dans le cas des syndicalistes de la compagnie régionale d’hydro-électricité ou de la métallurgie, par exemple, le militantisme partisan s’est ancré sur des mobilisations menées dans le milieu professionnel et a reposé, pour son organisation, sur les ressources fournies par les syndicats, en termes d’adhésions, de logistique ou de légitimité. De façon plus large, on remarque que l’organisation du PT, avec des « cellules » (núcleos) implantées sur les lieux de travail, a reflété pendant ses premières années, entre 1980 et 1991, l’engagement syndical prioritaire de ses membres. La fondation du PT au début des années 1980 est ainsi évoquée par ces syndicalistes comme un moyen « d’aller plus loin », c’est-à-dire, d’une part, de renforcer la mobilisation sur le lieu de travail par des revendications politiques d’ordre plus général, d’autre part, d’investir les institutions représentatives afin d’accroître les ressources disponibles pour l’action collective. À ce sujet, les hypothèses de la « multipositionnalité » des militants et du « continuum » de l’action collective éclairent les stratégies des mouvements sociaux « de base », ainsi que les trajectoires de leurs militants. Elles suggèrent aussi que la question de l’autonomie relève moins de la stratégie historique des organisations contestataires que de discours, savants ou militants.

Reflux et renaissance des nouveaux mouvements sociaux en Amérique latine

L’institutionnalisation est-elle un échec ?

27À partir du milieu des années 1990, les observateurs des mouvements sociaux latino-américains ont été frappés non seulement par la baisse d’intensité des mobilisations mais aussi par les limites importantes de leurs conquêtes. En effet, la mise en place de gouvernements représentatifs n’a pas reposé, dans l’immédiat, sur une démocratisation en profondeur des sociétés, de plus en plus violentes et inégalitaires [71]. Une fois leurs demandes matérielles satisfaites, les micro-organisations locales nées dans les années 1980 ont, pour beaucoup, perdu leur capacité revendicative et mobilisatrice. Ce processus de démobilisation peut s’expliquer par de multiples facteurs, que, pour notre part, nous avons observés dans les bidonvilles de Rio de Janeiro. D’abord, la satisfaction de certaines demandes matérielles, exprimée par exemple par l’idée que « maintenant, on a tout »… Ensuite, fatigues et lassitudes entrent aussi en compte, associées à la volonté de se consacrer davantage aux affaires privées [72]. À partir d’un travail de recherche quantitatif sur la production documentaire des organisations de mouvement social au Brésil, Ana Maria Doimo a montré que la décennie 1990 avait connu moins de mobilisations que la précédente [73]. Face à cette érosion, observateurs, intellectuels et universitaires de gauche ont exprimé un désenchantement et des désillusions à la mesure des espoirs qu’ils avaient placés, quelques années auparavant, dans les mobilisations populaires. Soulignant leurs échecs et leurs fragilités, beaucoup ont déploré les limites du changement social imposé par « le mouvement populaire » (au singulier), finalement éphémère et marqué par l’« esprit de clocher » [74]. Considérée comme une perte d’autonomie et d’identité, voire comme une compromission, l’institutionnalisation des nouveaux mouvements sociaux a ainsi été interprétée comme leur échec.

28Le « reflux » des nouveaux mouvements sociaux a donc fait couler beaucoup d’encre à partir du milieu des années 1990. Pour être pertinente en ce qui concerne la baisse d’intensité des mobilisations contestataires nées dans les années 1980, cette analyse n’en est pas moins incomplète, pour au moins deux raisons. D’abord, parce qu’elle repose sur l’idée d’une opposition radicale entre mouvements sociaux et politique institutionnelle ; idée qui ne tient compte ni des acquis des travaux classiques sur la participation politique qui indiquent que les individus engagés sont aussi ceux qui ont la plus grande propension à participer à la politique conventionnelle, ni de la « complémentarité de la protestation et de l’action politique conventionnelle », telle que l’évoque par exemple Jack Goldstone [75]. Ensuite, parce qu’un regard sur les trajectoires individuelles des militants, et sur les espaces sociaux et politiques qu’elles traversent, permet de nuancer le diagnostic du « reflux » ou de l’échec. Il indique dans quelle mesure le cycle de protestation né dans les années 1980, d’une part a occasionné la formation d’un nouveau personnel politique et administratif [76], d’autre part a permis la reconnaissance de certains droits fondamentaux. De plus, les années 2000 ont montré que ce cycle de protestation n’était sans doute pas clos.

29Remarquons que le sens pris par l’institutionnalisation des mouvements sociaux nés dans les années 1970 n’est pas univoque. En ce qui concerne les associations de quartier, par exemple, deux interprétations se font concurrence. La première souligne le caractère peu ou pas politisé, volatile et hétérogène de ces micro-organisations, tournées en priorité vers la satisfaction de demandes matérielles localisées, au seul bénéfice de leurs membres. Dans cette perspective, institutionnalisation a pu signifier clientélisation, voire démobilisation. D’un autre côté, ces organisations s’insèrent dans un système d’action large, construit par l’intense circulation de leurs militants et par leurs positions multiples, entre mouvement social, partis politiques, administrations publiques locales et professions de l’aide sociale. Par ailleurs, Sydney Tarrow a montré que les cycles de protestation commencent, mais aussi se poursuivent avec des changements dans la structure des opportunités politiques. Selon lui, la fin des cycles de protestation est marquée par des recompositions de la politique institutionnelle, et notamment par l’intégration des dirigeants des groupes contestataires aux systèmes politiques [77], leur nouveau positionnement ne les empêchant pas automatiquement de conserver leurs anciennes loyautés militantes. Jack Goldstone estime ainsi que « comprendre comment les mouvements sociaux donnent naissance à des partis, dessinent les alignements politiques, et interagissent avec les institutions de la politique “normale” ; tout cela est essentiel pour comprendre les dynamiques politiques » [78].
Dans l’Amérique latine des années 2000, les victoires électorales de partis de gauche construits dans la contestation depuis les années 1980 s’inscrivent dans un tel processus [79]. En réalité, les dynamiques de ces recompositions sont multiples. En premier lieu, une partie de demandes de droits des mouvements populaires ont été mises sur les agendas politiques nationaux et font objet, aujourd’hui, de politiques publiques. C’est le cas par exemple des revendications indianistes dans les pays andins qui ont tous adopté de nouvelles constitutions dans les années 1990 ou 2000 et reconnu le caractère « multiculturel » de leurs nations [80]. En second lieu, un nombre important de militants issus des mouvements populaires est entré en politique. Deux anciens syndicalistes fameux, Evo Morales et Luis Inacio da Silva, dirigent aujourd’hui la Bolivie et le Brésil, par exemple. Au niveau local, les dirigeants des partis de gauche bénéficient, dans l’exercice de leurs mandats législatifs, d’un fort ancrage au sein des milieux associatifs et syndicaux [81]. En troisième lieu, une partie des dirigeants associatifs a pu convertir les compétences acquises dans la mobilisation en ressources professionnelles, par exemple au sein des administrations municipales de gauche. Dans la ville de Recife au Brésil, qui est dirigée depuis 2001 par le PT, les anciens militants associatifs sont nombreux au sein des services municipaux chargés du logement social, de l’aménagement urbain, ou encore de l’élaboration participative du budget. Enfin, sur tout le continent, l’introduction généralisée des politiques municipales dites « participatives » s’inscrit aussi dans cette dynamique de recomposition, puisqu’elle a institutionnalisé de nouveaux canaux de médiation des demandes sociales et accentué la routinisation des mouvements. Cependant, les recherches restent insuffisantes sur la façon dont ces dispositifs de participation et de consultation contribuent à transformer les logiques du pouvoir local et ouvrent des espaces nouveaux pour l’action politique. Au total, les dynamiques de la mobilisation passent par ces reconfigurations des rapports de forces locaux, par cette double histoire où les constructions institutionnelles rencontrent les trajectoires individuelles – dynamiques dont l’observation précise, au local, reste à faire.

L’analyse de la contestation dans les années 2000

30Les publications de sciences sociales sur les mouvements sociaux d’Amérique latine ont vu leur rythme baisser depuis la fin des années 1990, alors même que les mobilisations retrouvaient une intensité forte et que l’environnement politique et social se transformait radicalement. Avec la libéralisation des régimes politiques mais aussi des économies, non seulement les enjeux mais aussi le cadre des mobilisations ont été redéfinis. C’est bien ce que soulignent quelques travaux collectifs publiés depuis 2000. Avec Susan Eckstein, on peut différencier les dynamiques d’érosion de celles du renforcement de la contestation. Les premières concernent surtout le mouvement ouvrier, qui a poursuivi son déclin, comme en témoigne la baisse du nombre de grèves au cours des années 1990 [82]. Tandis que les mobilisations continuent à s’éloigner de la sphère du travail, à se territorialiser et se construire autour de l’affirmation d’identités culturelles [83], les invasions de terre en milieu urbain perdent leur fréquence et l’Église catholique effectue un retour vers la foi et l’action religieuse. Pourtant, dans le même temps, d’autres mobilisations paraissent suivre des dynamiques différentes et gagner en force : les répertoires d’action collective continuent à s’enrichir, avec les longues marches pacifiques vers les capitales, comme celle qui a convergé vers Quito en novembre 2002 ; les mouvements de défense des droits ne faiblissent pas au Chili et en Argentine où ils ont obtenu que les lois d’amnistie soient annulées entre 2003 et 2005 ; les organisations indianistes ont montré leur capacité de mobilisation en Bolivie, d’abord lors de la « guerre de l’eau » à Cochabamba en 2000, puis de la « guerre du gaz » à El Alto en 2003, et depuis l’élection d’Evo Morales à la présidence en 2006 ; la contestation des classes politiques a ébranlé les régimes politiques argentin en 2001 et équatorien en 2004 puis 2007 aux cris de « Qu’ils s’en aillent tous !… », tandis que les Mexicains occupaient les places publiques pour contester le résultat de l’élection présidentielle ou la légitimité du gouverneur de l’État du Oaxaca à partir de juillet 2006… L’ensemble de ces mobilisations se déroule dans un environnement renouvelé, qui offre de multiples ressources aux organisations d’action collective. D’abord, malgré les limites des démocratisations, les systèmes politiques nationaux sont plus favorables à l’expression de leurs revendications et à la médiation de leurs demandes, comme nous l’avons évoqué. Ensuite, les mouvements nés depuis les années 1970 s’insèrent de plus en plus dans des réseaux transnationaux qui contribuent à leur légitimation, à la diffusion de leurs mots d’ordre et à la construction d’alliances à des niveaux multiples [84].
Dans la seconde moitié des années 2000, ces mobilisations ont été l’occasion de quelques publications, qui montrent que la perspective identitaire n’a pas perdu ses attraits. Ainsi que le déplorait Jon Shefner en 2004 dans la revue Mobilization, « le modèle de la politique contestataire n’a pas encore pénétré les travaux actuels sur l’Amérique latine » [85], et l’approche culturelle « basiste », défendue par exemple par Sonia Alvarez et Arturo Escobar, reste « tenace », quels qu’aient pu être les dégâts imposés par les politiques néolibérales pour la construction des droits sociaux, comme l’indique le dossier publié par exemple par Latin American Perspectives en 2007, ou encore le récent ouvrage de Yvon Le Bot [86]. Pourtant, des approches théoriques diversifiées remplacent peu à peu la précédente, par exemple dans les travaux menés par Joe Foweraker et Todd Landman sur le rapport entre mouvements sociaux et droits citoyens, par Javier Auyero sur les pillages de magasins en Argentine en 2001, ou encore dans le dossier publié en 2004 par la revue Mobilization[87]. Pour observer ces mobilisations, il paraît indispensable de ne plus se limiter à l’évaluation de l’impact, de l’apport ou du sens de la contestation et que le recours se généralise à d’autres instruments conceptuels et méthologiques de la sociologie de l’action collective : non seulement l’identification des ressources et des stratégies mobilisées par les acteurs, l’observation des pratiques de la contestation, l’analyse des logiques des organisations, mais aussi un regard sur les trajectoires militantes, la reconstitution de l’espace social et politique occupé par les mouvements… autant d’entrées nécessaires pour renouveler notre approche des mouvements sociaux d’Amérique latine.

Notes

  • [1]
    Sur l’enjeu représenté par la datation des débuts de ce mouvement, voir les remarques de Doug McAdam, Freedom Summer, Oxford, Oxford University Press, 1988, p. 117.
  • [2]
    Voir, par exemple, Timothy Wickham-Crowley, « A Qualitative Approach to Latin American Revolutions », International Journal of Comparative Sociology, 32 (1-2), avril 1991, p. 82-109.
  • [3]
    Voir, par exemple, Russell J. Dalton et Manfred Kuechler (eds), Challenging the Political Order. New Social and Political Movements in Western Democracies, Oxford, Polity Press, 1990. Sur le mouvement pacifiste allemand, voir Marine Walle, « Des femmes dans les mouvements pacifistes en Allemagne fédérale (1979-1983). Pour quelle paix ? Contre quelle guerre ? », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2 (210), 2003, p. 65-76.
  • [4]
    C’est ce qu’évoquait, par exemple, Norbert Lechner dès les années 1980 dans Los patios interiores de la democracia : subjetividade y política, Santiago, Facultad Latinoamericana de ciencias sociales, 1988.
  • [5]
    Bert Klandermans, « New Social Movements and Resource Mobilization : The European and the American Approach », International Journal of Mass Emergencies and Disasters, 4 (2), août 1986, p. 13-37 ; cité dans Olivier Fillieule, Cécile Péchu, Lutter ensemble : les théories de l’action collective, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 79.
  • [6]
    Nous pensons, notamment, aux travaux de Mancur Olson ou de J. G. March et Herbert Simon sur l’action collective et les organisations.
  • [7]
    Voir notamment Anthony Oberschall, Social Conflict and Social Movements, Englewood cliffs (NJ), Prentice-Hall, 1973 ; John D. MacCarthy, Mayer N. Zald, « Resource Mobilization and Social Movements : A Partial Theory », The American Journal of Sociology, 82 (6), mai 1977, p. 1212-1241 ; Charles Tilly, From Mobilization to Revolution, Reading, Addisson-Wesley, 1978.
  • [8]
    Ronald Inglehart, The Silent Revolution. Changing Values and Political Styles Among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977 ; Alberto Melucci, « The Symbolic Challenge of Contemporary Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 789-816.
  • [9]
    L’objectif de ce texte ne consiste pas à proposer une revue de la littérature sur les mouvements sociaux et l’action collective depuis les années 1960. C’est pourquoi ne sont cités, dans les notes suivantes, que quelques auteurs ou travaux marquants, sans aucune prétention d’exhaustivité. Les références proposées ici, ainsi que les brèves évocations des thématiques de recherche, ne constituent donc que des indications allusives.
  • [10]
    À partir des années 1980, de nombreux travaux ont été menés sur cette question et ont donné lieu à des publications comparatives d’assez grande ampleur. Par exemple : Sonia Alvarez, Arturo Escobar (eds.), The Making of Social Movements in Latin America. Identity, Strategy and Democracy, Boulder, Westview Press, 1992. Des travaux publiés hors d’Amérique latine ont adopté des approches assez comparables, notamment dirigés par David Slater, dans New Social Movements and the State in Latin America, Amsterdam, CEDLA, 1985, puis dans deux dossiers de la revue Latin American Perspectives (21 (2) et 21 (3), 1994).
  • [11]
    Pour les citer de façon arbitraire, c’est par exemple le cas des travaux publiés par Elizabeth Jelin, Evelina Dagnino, Wilhem Assies, ou encore Fernando Calderón.
  • [12]
    Pour la France, cette question a été abordée, par exemple, par Martine Barthélémy, Les associations : un nouvel âge de la participation ? Paris, Presses de Sciences Po, 2000 ; ou encore par Jacques Ion, La fin des militants, Paris, Éd. de l’Atelier, 1997. Sur un tout autre terrain, c’est aussi ce que nous avons constaté à Rio de Janeiro pour la décennie 1990. Voir Camille Goirand, La politique des favelas, Paris, Karthala, 2000.
  • [13]
    Notons quelques exceptions, comme par exemple les travaux de Paulo Sérgio da Costa Neves, « L’action syndicale des travailleurs du pétrole à Bahia, Brésil. Pétrole, nationalisme et politique », thèse de sociologie dirigée par Jean Bunel, Lyon, Université Lyon II, 1999.
  • [14]
    Ici, sont considérés les travaux qui ont pour objet les mobilisations en Amérique latine, qu’ils soient produits sur place ou ailleurs, par des latino-américains ou non.
  • [15]
    Voir Gabriel Ondetti, « Repression, Opportunity and Protest : Explaining the Takeoff of Brazil’s Landless Movement », Latin American Politics and Society (Miami), 48 (2), été 2006, p. 61-96.
  • [16]
    Le présent texte adopte le plus souvent un mode de datation large. Il fait référence à des périodes définies par des décennies, plutôt qu’à des événements clairement datés, dont il ne prétend pas reconstituer la chronologie. En effet, l’analyse présentée ici ne porte ni sur des mobilisations précises, ni sur un système politique en particulier, mais bien plutôt sur la façon dont elles ont été analysées.
  • [17]
    Willem Assies montre comment les approches des mobilisations se sont structurées autour de cette notion de « mouvement populaire » dans « Urban Social Movements in Brazil : A Debate and its Dynamics », Latin American Perspectives, 21 (2), 1994, p. 81-105. Dans la mesure où elles prennent en compte la composition sociale et les demandes des mobilisations, ces définitions sont plus restrictives que celle que proposait, par exemple, François Chazel en 1992. Celui-ci définissait alors un « mouvement social » comme une « entreprise collective de protestation et de contestation visant à imposer des changements – d’une importance variable – dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent – mais pas nécessairement exclusif – à des moyens non institutionnalisés » (François Chazel, « La mobilisation politique : problèmes et dimensions », Revue française de science politique, 25 (3), juin 1975, p. 502-516).
  • [18]
    David Snow et al. ont montré que les membres d’un mouvement social opèrent un travail de définition d’une situation, qui repose en partie sur son interprétation comme inacceptable, contestable, injuste : « En donnant sens à des événements, les dispositions d’esprit permettent d’organiser l’expérience et de guider l’action, soit individuellement soit collectivement » (David Snow et al., « Frame Alignment Processes, Micromobilization, and Movement Participation », American Sociological Review, 51, 1986, p. 464-548, p. 464).
  • [19]
    Renato Boschi, A Arte da Associação : Política de base e democracia no Brasil, São-Paulo, Vértice-IUPERJ, 1987. Pour la notion de « cadre d’injustice », voir William Gamson et al. Encounters with Unjust Authorities, Homewood, The Dorsey Press, 1982.
  • [20]
    Sur les féminismes et les droits reproductifs, voir Bérengère Marques-Pereira, Florence Raes, « Trois décennies de mobilisations féminines en Amérique latine », Cahiers des Amériques latines, Paris, 39 (1), 2002, p. 17-36. Sur le mouvement contre la fraude électorale au Mexique, voir Hélène Combes, « De la politique contestataire à la fabrique partisane. Le cas du PRD au Mexique (1989-2000) », thèse de science politique dirigée par Olivier Dabène, Paris, IHEAL, 2004, chapitre 1. Pour un panorama large des mobilisations de la décennie 1980, voir Susan Eckstein (ed.), Power and Popular Protest. Latin American Social Movements, Berkeley, California University Press, 2001.
  • [21]
    À l’occasion de nos propres recherches sur les parcours individuels des dirigeants associatifs à Rio de Janeiro, puis sur ceux de militants du Parti des Travailleurs dans le Nordeste du Brésil, nous avons constaté la fréquence de la socialisation politique au sein des organisations catholiques comme la Pastorale des favelas ou la Pastorale rurale, dans les années 1970. Pour une comparaison du rôle joué par les églises catholiques selon les pays, voir Daniel Levine et Scott Mainwaring, « Religion and Popular Protest in Latin America : Contrasting Experiences », dans S. Eckstein (ed.), Power and Popular Protest…, op. cit., p. 203-239.
  • [22]
    « Le processus de resocialisation engagé par les CEB a servi de fondement à des motivations qui ont promu l’action et la conscience démocratique parmi les dirigeants de quartier » : Paulo Krischke, « Church Base Communities and Democratic Change in Brazilian Society », Comparative Political Studies, 24 (2), juillet 1991, p. 186-210, citation p. 193.
  • [23]
    Pour une analyse comparée du passage des corporatismes d’État à des systèmes pluralistes voir : Philip Oxhorn, « Is the Century of Corporatism Over ? Neoliberalism and the Rise of Neopluralism », dans Philip Oxhorn, Graciela Ducatenzeiler (eds), What Kind of Democracy ? What Kind of Market ? Latin America in the Age of Neoliberalism, University Parc, The Pennsylvania State University Press, 1998, p. 195-217 ; et Steven Levitsky, Scott Mainwaring, « Organized Labor and Democracy in Latin America », Comparative Politics, 39 (1), 2006, p. 21-42.
  • [24]
    S. Eckstein (ed.), Power and Popular Protest…, op. cit., chap. 1.
  • [25]
    David Slater, « Power and Social Movements in the Other Occident, Latin America in an International Order », Latin American Perspectives, 21 (2), 81, printemps 1994, p. 11-37.
  • [26]
    Ronald Inglehart, « The Changing Structure of Political Cleavages in Western Society », dans Russel J. Dalton, Scott C. Flanagan, Paul Allen Beck (eds), Electoral Change in Advanced Industrial Democracies : Realignment or Dealignment ?, Princeton, Princeton University Press, 1984, p. 25-69.
  • [27]
    Les recherches menées par Ronald Inglehart indiquent avec clarté que les groupes qui défendent les valeurs post-matérialistes sont en majorité composés d’individus qui ont toujours connu la sécurité physique et économique. À la lumière de ce constat, les clivages qui traversent certains mouvements sociaux latino-américains trouvent un premier facteur d’explication. Par exemple, au sein des féminismes, l’opposition est évidente entre les enjeux défendus par les femmes de catégories moyennes et supérieures, qui relèvent bien du post-matérialisme, et les demandes formulées par les groupes issus des classes populaires, beaucoup plus matérielles et immédiates. On distingue, par exemple, la défense de la parité en politique et la lutte contre les discriminations de genre, d’une part, et les demandes d’amélioration des soins maternels et infantiles ou des systèmes de garde d’enfants, d’autre part. Voir B. Marques-Pereira, F. Raes, « Trois décennies de mobilisations féminines en Amérique latine », art. cité.
  • [28]
    Claus Offe, « New Social Movements : Challenging the Boundaries of Institutional Politics », Social Research, 52 (4), 1985, p. 817-868.
  • [29]
    Selon lui, « le fait que ces mouvements ont occupé le centre de la scène de la politique contemporaine reflète un glissement de long terme dans les priorités des populations occidentales en termes de valeurs » (R. Inglehart, « The Changing Structure… », cité, p. 26).
  • [30]
    R. Inglehart, ibid., p. 68. C’est une thèse discutée par exemple par Peter Mair, Wolfgang Müller et Fritz Plasser (eds), Political Parties and Electoral Change. Party Responses to Electoral Markets, Londres, Sage, 2004. Notons que les systèmes partisans d’Amérique latine ont vu l’émergence de nouveaux partis sociaux-démocrates dans les années 1980, puis leur consolidation dans les années 1990. Avec leurs victoires électorales des années 2000, une partie de leurs dirigeants a réaffirmé son attachement aux valeurs qui avaient fondé leurs mobilisations des décennies précédentes, avec la mise en place d’institutions de la démocratie « participative ».
  • [31]
    Cette expression est empruntée à Alberto Melucci, « Mouvements sociaux, mouvements post-politiques », Revue internationale d’action communautaire, 10 (50), automne 1983, p. 13-30. La notion d’espace de mouvement a été reprise et approfondie par Lilian Mathieu, « Rapport au politique, dimensions cognitives et perspectives pragmatiques dans l’analyse des mouvements sociaux », Revue française de science politique, 52 (1), février 2002, p. 75-100.
  • [32]
    A. Melucci, « Mouvements sociaux… », art. cité.
  • [33]
    Selon cette perspective, l’espace de mouvement « englobe non seulement les organisations “formelles” mais aussi le réseau des relations “informelles” qui lie entre eux les individus du centre et les groupes à l’espace plus large des participants et des “utilisateurs” de services et de biens culturels produits par le mouvement »
    (A. Melucci, ibid.).
  • [34]
    Pour Alberto Melucci, encore, « ce que l’on nomme de façon empirique un “mouvement social” est un système d’action qui relie entre elles des orientations et des significations plurielles », voire divergentes (A. Melucci, « The Symbolic Challenge of Contemporary Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 789-816).
  • [35]
    C’est ce que nous avons pu constater dans les banlieues de Rio de Janeiro, dans les années 1990 (C. Goirand, La politique des favelas, op. cit., chapitres 9 et 10).
  • [36]
    Jean-François Bayart, Achille Mbembe, Comi Toulabor, La politique par le bas en Afrique noire : contributions à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 1992, p. 83.
  • [37]
    À propos de ce mouvement, voir les travaux de Maristella Svampa et Sebastián Pereyra, Entre la ruta y el barrio. La experiencia de las organizaciones piqueteras, Buenos Aires, Biblios, 2003.
  • [38]
    Denis Merklen, « Une nouvelle politicité pour les classes populaires. Les piqueteros en Argentine », Tumultes, 27, décembre 2006, p. 173-201. Par « politicité », l’auteur désigne des formes d’action collective, mises en œuvre par les classes populaires, qui relèvent à la fois de stratégies de survie, de la contestation des institutions et de la classe politique, et de la participation politique démocratique.
  • [39]
    C. Goirand, La politique des favelas, op. cit.
  • [40]
    C’est ce qu’ont mis en valeur plusieurs publications récentes sur les gauches en Amérique latine : dossier « Gauches de gouvernement, gauches de rejet », Problèmes d’Amérique Latine, 55, hiver 2004-2005 ; dossier « État des lieux des gauches en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 12 (3), 2005.
  • [41]
    C’est ce que démontrent très clairement Timothy Wickham-Crowley et Susan Eckstein dans « Économie et sociologie politiques de l’activisme et des répertoires en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 17 (2), juin 2010.
  • [42]
    Alain Touraine, « Existe-t-il des mouvements urbains », dans La parole et le sang. Politique et société en Amérique latine, Paris, Odile Jacob, 1988, p. 240-258 ; et « An Introduction to the Study of Social Movements », Social Research, 52 (4), hiver 1985, p. 769-787.
  • [43]
    Pour des indications historiques précises, voir Olivier Dabène, L’Amérique latine au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 1994.
  • [44]
    À l’image de Judith Hellman, « The Study of Social Movements in Latin America and the Question of Autonomy », dans Sonia Alvarez, Arturo Escobar (eds), The Making of Social Movements in Latin America. Identity, Strategy, and Democracy, Boulder, Westview Press, 1992, p. 52-61 ; ou encore de Eder Sader, Quando novos personagens entraram em cena : experiênças de lutas dos trabalhadores da Grande São-Paulo (1970-80), Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1991.
  • [45]
    Ruth Corrêa Leite Cardoso, « Movimentos sociais urbanos : um balanço crítico », dans Bernardo Sorj, María Hermínia Tavares de Almeida (eds), Sociedade e política no Brasil pós-1964, São-Paulo, Brasiliense, 1983, p. 215-239, dont p. 238.
  • [46]
    Tillman Evers, « Identity : The Hidden Side of New Social Movements in Latin America », dans D. Slater (ed.), New Social Movements…, op. cit., p. 43-73, dont p. 67.
  • [47]
    E. Dagnino, « Os movimentos sociais e a emergência de uma nova noção de cidadania », dans Evelina Dagnino (ed.), Anos 90, Política e Sociedade no Brasil, São-Paulo, Brasiliense, 1994, p. 103-115 ; et « Citizenship in Latin America », Latin American Perspectives, 129, 30 (2), mars 2003, p. 211-225.
  • [48]
    E. Sader, Quando novos personagens…, op. cit. Jusqu’à aujourd’hui, les analyses en termes de sujet, d’identité et de culture restent fort présentes, comme dans l’analyse proposée par Alicia C. S. Swords, « Neo-Zapatista Network Politics. Transforming Democracy and Development », Latin American Perspectives, 34 (2), mars 2007, p. 78-93 ; ou encore dans Manuel Antonio Garretón, « La transformacíon de la acción colectiva en América Latina », Revista de la CEPAL (Santiago), 76, avril 2002, p. 7-24.
  • [49]
    Jürgen Habermas, L’espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1993, p. XXXI.
  • [50]
    N’allant pas jusqu’à évoquer une ressource, elle reconnaît que « la référence à la citoyenneté a procuré un fondement commun et un principe d’articulation à une immense diversité de mouvements sociaux », pour lesquels elle a constitué « un instrument utile » et « un puissant lien » (E. Dagnino, « Citizenship in Latin America », art. cité, p. 3-4.
  • [51]
    Jean-François Véran, L’esclavage en héritage (Brésil). Le droit à la terre des descendants de marrons, Paris, Karthala, 2003 ; Jean-Pierre Lavaud, « Démocratie et éthnicisation en Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, 56, printemps 2005, p. 105-128.
  • [52]
    Voir, par exemple, Fernando Calderón, Movimientos sociales y política. La década de los ochenta en Latino américa, Mexico, Siglo XXI, 1995.
  • [53]
    R. Corrêa Leite Cardoso, « Movimentos sociais urbanos… », cité, p. 219.
  • [54]
    Maria da Glória Gohn, Teorias dos movimentos sociais, São-Paulo, Edições Loyola, 2008, p. 215-218.
  • [55]
    Yves Dezalay, Bryant G. Garth, La mondialisation des guerres de palais. La restructuration du pouvoir d’État en Amérique latine, entre notables du droit et « Chicago boys », Paris, Seuil, 2002.
  • [56]
    Voir Johan Heilbron, « Qu’est-ce-qu’une tradition nationale en sciences sociales ? », Revue d’histoire des sciences humaines, 18, 2008, p. 3-14 ; Dimitri Della Faille, « La production de la connaissance sociologique à propos de l’Amérique latine durant les années 1960 aux États-Unis », Revue d’histoire des sciences humaines, ibid., p. 179-201. La notion de « tradition nationale » semble d’autant moins adéquate ici que les universitaires circulent entre le nord et le sud du continent de façon régulière, et que certains d’entre eux exercent aux États-Unis après avoir vécu ailleurs. Par exemple, Sonia Alvarez, d’origine cubaine, enseigne à l’Université du Massachussetts, tandis qu’Arturo Escobar, qui enseigne à l’Université du Minnesota, est à la fois colombien et américain.
  • [57]
    Créée par l’UNESCO en 1957, la FLACSO est un organisme de recherche et d’enseignement supérieur, implanté dans 17 pays d’Amérique latine (<http://www.flacso.org>). En 1967, l’UNESCO a créé le Conseil latino-américain des sciences sociales, CLACSO, chargé de promouvoir recherche et enseignement supérieur, et de construire des liens entre centres de recherches sur tout le continent (<http://www.clacso.edu.ar>)
  • [58]
    Ce passage doit beaucoup aux remarques et aux informations transmises par Camila Gutierrez Ruiz, que je remercie ici chaleureusement. Sur les communautés épistémiques, voir Ernst B. Haas, When Knowledge is Power. Three Models of Change in International Relations, Berkeley, University of California Press, 1990.
  • [59]
    M. Antonio Garretón, « La transformación… », art. cité.
  • [60]
    Fernando Calderón, Movimientos sociales…, op. cit.
  • [61]
    Fernando Esteves (ed.), La democracia en América latina. Hacia una democracia de ciudadanas e ciudadanos, Buenos Aires, PNUD, 2004.
  • [62]
    Selon les remarques de Joe Foweraker, Theorizing Social Movements, Boulder, Pluto Press, 1995 (Introduction).
  • [63]
    « Les mouvements de base peuvent disparaître – et c’est souvent le cas – de la scène en tant qu’acteurs autonomes une fois qu’ils accordent leur soutien, qu’ils s’allient de façon formelle, ou que, d’une façon ou d’une autre, ils laissent leur sort entre les mains des partis politiques », estimait ainsi J. Hellman, dans « The study of Social Movements… », cité, p. 59
  • [64]
    Voir Doug MacAdam, Sidney Tarrow, Charles Tilly, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
  • [65]
    Pour une perspective comparée, voir les travaux réunis par Olivier Fillieule (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005.
  • [66]
    D. MacAdam, S. Tarrow, Ch. Tilly, Dynamics of Contention, op. cit. ; et Charles Tilly, Sidney Tarrow, Politique(s) du conflit. De la grève à la révolution, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
  • [67]
    Hélène Combes, « Des militants par intermittence ? Le PRD au Mexique (1989-2000) », Critique internationale, 30, janvier 2006, p. 145-160, dont p. 151.
  • [68]
    H. Combes, « De la politique contestataire… », cité, p. 237-240 et p. 340.
  • [69]
    Sur la création de ce parti voir Margareth E. Keck, « Democratization and Dissension : The Formation of the Workers’Party », Politics and Society, 15 (1), 1986-1987, p. 67-95 ; sur la trajectoire prise par certains dirigeants de l’opposition légale au régime militaire, voir les entretiens publiés par Marieta de Moraes Ferreira et al., Vozes da Oposição, Rio de Janeiro, FGV, 2001.
  • [70]
    Pour cette recherche dans le Nordeste du Brésil ont été associés entretiens semi-directifs, consultation d’archives, et observation menée de 2006 à 2010.
  • [71]
    C’est ce que montrent les travaux publiés dans Juan E. Mendel, Guillermo O’Donnell, Paulo Sérgio Pinheiro (eds), Democracia, violência, e injustiça. O Não-Estado de Direito na América Latina, São-Paulo, Paz e Terra, 2000.
  • [72]
    C’est ce que nous montrons dans La politique des favelas, op. cit., chapitre 6.
  • [73]
    Ana Maria Doimo, A vez e a voz do popular : movimentos sociais e participação política no Brasil, Rio de Janeiro, Relumé-Dumara, 1995, chapitre 4.
  • [74]
    Pedro Jacobi, « Movimentos sociais urbanos : os desafios da construção da cidadania », Cadernos do CEAS, 129, 1990, p. 34-44.
  • [75]
    Jack A. Goldstone, « Bridging Institutionalized and Noninstitutionalized Politics », dans Jack A. Goldstone (ed.), States, Parties and Social Movements, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 1-24, dont p. 7
  • [76]
    Problèmes d’Amérique Latine a publié un dossier sur ce thème : « Le renouvellement du personnel politique », 59, hiver 2005-2006.
  • [77]
    Sydney Tarrow, Power in Movement. Social Movements, Collective Action and Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, chapitre 1.
  • [78]
    J. A. Goldstone, cité, p. 12.
  • [79]
    Olivier Dabène (dir.), Amérique Latine, Les élections contre la démocratie ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2007 ; dossier : « État des lieux des gauches en Amérique latine », Revue internationale de politique comparée, 12 (3), 2005.
  • [80]
    Christian Gros, « Demandes ethniques et politiques publiques en Amérique latine », Problèmes d’Amérique latine, 48, printemps 2003, p. 11-29.
  • [81]
    En ce qui concerne le PT brésilien, dans la région du Nordeste, nous évoquons ces questions dans « Pratiques partisanes et loi électorale au Brésil », dans O. Dabène (dir.), Amérique latine…, op. cit., p. 41-77.
  • [82]
    Pour un aperçu général sur les mobilisations dans les années 2000, voir Susan Eckstein, « Where Have All the Movements Gone ? Latin American Social Movements at the New Millenium », postface à la réédition en 2001 de Power and Protest…, op. cit., p. 351-406. Voir également le dossier « The New Politics of Social Movements in Latin America », Latin American Perspectives, 34 (2), 153, mars 2007.
  • [83]
    Denis Merklen, « Le quartier et la barricade : le local comme lieu de repli et base du rapport au politique dans la révolte populaire en Argentine », L’homme et la société, 143-144, 2002, p. 143-164.
  • [84]
    Kathryn Sikkink en propose un modèle d’analyse à partir de l’observation des mobilisations autour de la justice transitionnelle en Argentine et en Espagne (K. Sikkink, « Patterns of Dynamic Multilevel Governance and the Insider-Outsider Coalition », dans Donatella Della Porta, Sidney Tarrow (eds), Transnational Protest and Global Activism, Lanham, Rowman and Littlefield, 2005, p. 151-173). Sa perspective est enrichie de façon intéressante, à partir d’une étude de cas, par Julie Stewart, « When Local Troubles Become Transnational : The Transformation of a Guatemalan Indigenous Rights Movement », Mobilization, 9 (3), octobre 2004, p. 259-278.
  • [85]
    Jon Schefner, « Current Trends in Latin American Social Movements », Mobilization, 9 (3), 2004, p. 219-222, dont p. 220. Dans notre pratique pédagogique, nous avons par ailleurs remarqué la force de séduction de cette perspective pour les étudiants ; perspective qui répond souvent à leur désarroi face à la dureté, voire la violence de la réalité sociale en Amérique latine, mais qui, en même temps, renforce chez eux les confusions entre discours militant et observation scientifique.
  • [86]
    Yvon Le Bot, La grande révolte indienne, Paris, Robert Laffont, 2009 ; dossier « The New Politics… », Latin American Perspectives, op. cit.
  • [87]
    Joe Foweraker, Todd Landman, Citizenship Rights and Social Movements. A comparative and Statistical Analysis, Oxford, Oxford University Press, 1997 ; Javier Auyero, « The Political Making of the 2001 Lootings in Argentina », Journal of Latin American Studies, 38, 2006, p. 241-265 ; Susan Eckstein, Timothy Wickham-Crowley (eds), Struggles for Social Rights in Latin America, New York, Routledge, 2003 ; dossier « Latin America : Democracy, Globalization, and Protest Culture », Mobilization, 9 (3), octobre 2004. Par ailleurs, la Revue internationale de politique comparée publie en juin 2010, dans son numéro 17 (2), un dossier intitulé : « Répertoires d’action collective en Amérique latine ».
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