Couverture de RFSP_524

Article de revue

L'expertise : un mode de participation des groupes d'intérêt au processus décisionnel communautaire

Pages 375 à 401

Notes

  • [1]
    Pour des études généralistes, cf. Helen Wallace, William Wallace (eds), Policy-Making in the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; Elisabeth Bomberg, John Peterson, Decision-Making in the European Union, Londres, Macmillan, 1998. Les analyses spécifiques sont nombreuses – pour n’en citer que quelques-unes : Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU : Whither Politics of Expertise ? », Journal of European Public Policy, 6 (5), 1999, p. 757-774 ; Claudio M. Radaelli, Technocracy in the European Union, Londres/ New York, Longman, 1999 ; Ellen Vos, Christian Joerges, Karl-Heinz Ladeur, Integrating Scientific Expertise into Regulatory Decision-making : National Traditions and European Innovations, Baden-Baden, Nomos, 1997 ; « Scientific Expertise in Europe », Science and Public Policy, 1995, 22 (3), p. 137-207 ; Christian Lequesne, Philippe Rivaud, « Les comités d’experts indépendants : l’expertise au service d’une démocratie supranationale », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 867-880 ; Christine Landfried, « Beyond Technocrate Governance : The Case of Biotechnology », European Law Journal, 3 (3), 1997, p. 255-272.
  • [2]
    Giandomenico Majone, Regulating Europe, Londres, Routledge, 1996 ; Fritz W. Scharpf, Governing Europe : Effective and Democratic ?, Oxford, Oxford University Press, 1999.
  • [3]
    Cf. Emiliano Grossman, Sabine Saurugger, « Étudier les groupes d’intérêt en Europe » Politique européenne, 7, printemps 2002, p. 5-18.
  • [4]
    Nous définissons les groupes d’intérêt comme des entités qui cherchent à représenter les intérêts d’une section spécifique de la société afin d’influencer les processus politiques. Cette définition très large nous permet de ne pas seulement prendre en considération les organisations d’action collective, comme les fédérations, mais aussi des entreprises qui représentent leurs intérêts aux niveaux national et communautaire. Pour une discussion de définition, cf. Andrew G. Jordan, Jeremy Richardson, Government and Pressure Groups in Britain, Oxford, Clarendon Press, 1987 ; Martin J. Smith, Pressure, Power and Policy Process. State Autonomy and Policy Networks in Britain and the US, Pittsburgh, Pittsburgh University Press, 1993 ; Wyn P. Grant, Pressure Groups, Politics and Democracy in Britain, Londres, Philipp Allan, 1989 ; Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998.
  • [5]
    Michel Offerlé, op. cit., p. 109-127.
  • [6]
    Le terrain empirique de cette étude est adapté de notre thèse : « Vers un mode communautaire de représentation des intérêts ? Les groupes d’intérêt français et allemands dans l’Ostpolitik de l’Union européenne », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, 2001. La période de recherche est circonscrite de 1989, date de la chute du mur de Berlin à 1998, marquant le début des négociations d’adhésion avec les pays candidats.
  • [7]
    Nous utilisons la traduction « contrastes dramatiques » pour « most different », utilisée dans l’ouvrage de William Genieys, Jean Joana et Andy Smith, « Professionnalisation et condition militaire : une comparaison France Grande/Bretagne », Centre d’études en sciences sociales de la défense, septembre 2000. Le cadre de recherche (research design) est habituellement l’approche « most similar », particulièrement bien adaptée pour découvrir une corrélation entre la variable indépendante X et la variable dépendante Y, puisqu’elle permet de garder constantes les variables indépendantes et exclut donc toute possibilité de trouver une autre raison à une variance dans les résultats. Cette approche comparative a été désignée comme l’approche de préférence puisqu’elle permet de manipuler les variables indépendantes par une sélection de cas et de contrôler les différences étrangères au cas. Adam Przeworski, Henry Teune, The Logic of Comparative Social Inquiry, New York, Wiley-Interscience, 1970.
  • [8]
    Cf. Marie-Christine Kessler, Les grands corps de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 1986 ; Dominique Finon, « Les États et le nucléaire civil depuis 1955 : l’empreinte des structures étatiques et des styles politiques », dans Édith Brenac, Dominique Finon, Pierre Muller (dir.), La grande technologie entre l’État et le marché. Politiques publiques comparées, Grenoble, CERAT, 1991 ; Frédéric Ramel, Taoufik Bourgou, « La transparence dans le nucléaire français », dans Jean-Paul Picaper, Joachim Grawe (dir.), Nucléaire, l’Europe partagée, Paris, Ramsay, 2001. Pour une analyse historique du développement du pouvoir des corps des ingénieurs, cf. Terry Shinn, « Des corps de l’État au secteur industriel : genèse de la profession d’ingénieur, 1750-1920 », Revue française de sociologie, 19 (1), 1978, p. 39-71.
  • [9]
    Cf. Michael Tracy, « Les économistes et la politique agricole », Économie rurale, 223, 1990, p. 7-12 ; Ève Fouilleux, « Idées, institutions et dynamiques du changement de politique publique. La transformation de la Politique agricole commune », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France, 1998.
  • [10]
    Gisela Hendriks, Germany and European Integration. The Common Agricultural Policy : An Area of Conflict, New York/Oxford, Berg, 1991 ; Günter Schmitt, « État actuel et évolution de la recherche en économie rurale dans la République fédérale allemande », Économie rurale, 200, 1990, p. 40-43.
  • [11]
    Daniel Bell, The Comings of Postindustrial Society, New York, Basic Books, 1973 ; Corrine L. Gilb, Hidden Hierarchies, New York, Harper and Row, 1966 ; Robert A. Goldwin (dir.), Bureaucrats, Policy Analysts, Statesmen : Who Leads ?, Washington, American Enterprise Institute, 1980 ; James Everett Katz, Presidential Politics and Science Policy, New York, Praeger, 1978.
  • [12]
    Selon la définition de Christiane Restier-Melleray, l’expert présente les caractéristiques suivantes : c’est un individu ou un groupe d’individus ; il ne tient pas de lui-même sa légitimité, celle-ci lui est conférée par une instance d’autorité qui le mandate ; il est choisi en fonction de la compétence qui lui est reconnue ; son activité, faite d’examens, de constats, de vérifications, d’appréciations, d’estimations, est destinée à apporter à son mandataire des éléments permettant la formulation d’un jugement ou d’une décision ; et, enfin, le mandataire est extérieur à l’instance commanditaire de la mission et indépendant de celle-ci (Christiane Restier-Melleray, « Experts et expertise scientifique, le cas de la France », Revue française de science politique, 40 (4), août 1990, p. 546-585, notamment p. 550-551). Malgré l’indéniable utilité de cette définition, c’est ce dernier élément qui nous semble poser problème, car l’expert, comme va le montrer l’exemple français, n’est pas obligatoirement extérieur à l’instance commanditaire, mais peut en faire partie, comme on le voit dans les grands corps.
  • [13]
    Frank Fischer, Technocracy and the Politics of Expertise, Londres, Sage, 1990, p. 13.
  • [14]
    Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entre les sciences et la démocratie, Paris, La Découverte, 1999 ; Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, 2001.
  • [15]
    Frank Fischer, op. cit., p. 171.
  • [16]
    Jean-François Thuot analyse cette forme politique en terme de démocratie fonctionnelle : « Par le biais de ses procédures (juridicisation du rapport politique, concertation, pratiques consensuelles), par son ouverture sans précédent aux particularismes sociaux (la représentativité se substituant à la représentation), la démocratie fonctionnelle vise ainsi à organiser le rapport social sans injonctions autoritaires, prétendant faire surgir les normes par le bas sans le détour d’un pouvoir situé au-dessus de la société » (Jean-François Thuot, La fin de la représentation et les formes contemporaines de la démocratie, Montréal, Éditions Nota Bene, 1998).
  • [17]
    Jeremy Richardson, « The Market for Political Activism : Interest Groups as a Challenge to Political Parties », West European Politics, 18 (1), 1995, p. 116-139.
  • [18]
    Svein S. Andersen, Tom R. Burns, « The EU and the Erosion of Parliamentary Democracy : A Study of Post-parliamentary Governance », dans Svein S. Andersen, K. A. Eliassen (eds), The EU : How Democratic Is It ?, Londres, Sage, 1996, p. 227-251. Raymond Boudon et François Bourricaud constatent, en 1986, que les groupes professionnels assument un rôle croissant dans les sociétés contemporaines et que le type de représentation légitime qu’ils diffusent est une des caractéristiques essentielles de la reconnaissance de leur capacité d’expertise (Raymond Boudon, François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1986, rubrique « Professions »).
  • [19]
    Cf. aussi Kenneth Featherstone, « Jean Monnet and the Democratic Deficit in the EU », Journal of Common Market Studies, 32 (2), 1994, p. 149-170.
  • [20]
    Les travaux de Jürgen Habermas des années 1970 portaient également sur cette question. Dans son ouvrage Toward a Rational Society (Boston, Beacon, 1970), Habermas différencie trois sphères du gouvernement technocorporatiste (technocorporate government). Le niveau le plus élevé est occupé par des élites politiques et économiques. Ensuite vient une strate d’experts et d’administrateurs spécialisés et enfin, un large public de masse dépolitisé. Toutefois, cette analyse doit être mise en question aujourd’hui, où nous observons l’émergence de plus en plus d’associations et organismes civiques qui peuvent être en mesure de mettre en cause les décisions politiques. Pour une analyse critique, cf. Martine Barthélémy, Associations : le nouvel âge de la participation, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
  • [21]
    Pierre Lascoumes, « La technocratie comme extension, cumul et différenciation continus des pouvoirs », dans Vincent Dubois, Delphine Dulong (dir.), La question technocratique : de l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1999, p. 187.
  • [22]
    Cette dimension d’apprentissage réciproque des acteurs a été particulièrement développée par des chercheurs allemands comme Renate Mayntz et Beate Kohler-Koch. Elles mettent surtout l’accent sur la transformation du processus politique qui prend désormais place dans un système de gouvernance, où les hiérarchies n’existent plus. Les acteurs non-étatiques prennent part au processus de prise de décision. Il s’agit d’un changement de système politique hiérarchisé vers un système horizontal caractérisé par la coopération au lieu de la compétition et des processus d’apprentissage mutuels. Cf. Beate Kohler-Koch, « Catching up with Change : The Transformation of Governance in the European Union », Journal of European Public Policy, 3 (3), 1996, p. 359-380 ; Renate Mayntz, New Challenges to Governance Theory, Florence, EUI, Robert Schuman Center, 50, 1998.
  • [23]
    Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU…, art. cité, p. 762-764 et Technocracy in the European Union, op. cit.
  • [24]
    Selon Claudio Radaelli, la visibilité politique se mesure à l’importance de la couverture médiatique et de la discussion dans l’espace publique d’un problème spécifique.
  • [25]
    Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU… », art. cité, p. 767.
  • [26]
    La typologie suivante se fonde sur le texte de Christian Lequesne et Philippe Rivaud, « Les comités d’experts indépendants : l’expertise au service d’une démocratie supranationale », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 867-880, notamment p. 874.
  • [27]
    Neill Nugent, « The Leadership Capacity of the European Commission », Journal of European Public Policy, 2 (4), août 1995, p. 608.
  • [28]
    Svein S. Andersen, Tom R. Burns, « The EU and the Erosion of Parliamentary Democracy : A Study of Post-parliamentary Governance », dans Svein S. Andersen, K. A. Eliassen (eds), The EU : How Democratic Is It ?, Londres, Sage, 1996, p. 229. Cf. aussi Luc Rouban, La fin des technocrates ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1998, p. 86-89.
  • [29]
    Martin J. Smith, « Changing Agendas and Policy Communities : Agricultural Issues in the 1930s and in the 1980s », Public Administration, 67, 1989, p. 149-165 ; Janet M. Edgen, Kenneth J. Thomson, « The Influence of UK NGOs on the Common Agricultural Policy », Journal of Common Market Studies, 37 (1), 1999, p. 121-131 ; Ève Fouilleux, « Changement de politique publique dans l’Union européenne : la politique agricole commune entre permanences et innovations », Politiques et management public, 15 (1), 1997, p. 117-137 ; Hélène Delorme, « Les agriculteurs et les institutions communautaires : du corporatisme agricole au lobbyisme agro-alimentaire », dans Didier Chabanet, Richard Balme, Vincent Wright (dir.), L’action collective en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 313-346.
  • [30]
    Wyn Grant, The Common Agricultural Policy, Londres, Macmillan, 1997, p. 148.
  • [31]
    Parmi les dix pays candidats de l’Europe centrale et orientale à l’adhésion à l’Union européenne, sept utilisent l’énergie nucléaire pour produire une partie de leur électricité : la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie, la Lituanie, ainsi que la Roumanie où la production a commencé en 1996. Plusieurs d’entre eux, à savoir la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque, ont des réacteurs en construction et disposent de réacteurs de recherche et de test. Seule l’Estonie ne possède aucun réacteur en fonction ou en projet, tandis que la Pologne et la Lettonie ne recourent pas à la production de l’énergie nucléaire.
  • [32]
    Jean-François Thuot, op. cit.
  • [33]
    Gerhard Lehmbruch, « The Organization of Society, Administrative Strategies and Policy Networks : Elements of a Developmental Theory of Interest Systems », dans Roland Czada, Adrienne Héritier (eds), Political Choice : Institutions, Rules and the Limits of Rationality, Frankfort, Campus, 1991.
  • [34]
    Luc Boltanski, Les cadres, Paris, Minuit, 1982.
  • [35]
    Notre recherche englobe la période de 1989 à 1999, date à laquelle le processus de l’élargissement a pris toute son ampleur au travers de la décision du Conseil européen de Helsinki de décembre 1999 d’ouvrir les négociations d’adhésion avec tous les pays candidats, à l’exception de la Turquie. Or, une réforme interne de la Commission a eu lieu en automne 1999, lorsque le nouveau président de la Commission, Romano Prodi, a procédé, entre autres, à une restructuration des directions générales ainsi qu’à un changement de leur appellation. Les chiffres qui, auparavant, désignaient les différentes directions générales ont été remplacés par des noms – la DG VI est ainsi devenue la DG Agriculture. Ce changement d’appellation ainsi que la restructuration d’un grand nombre de directions générales, en particulier dans le domaine de l’élargissement, coïncide avec la fin de notre période de recherche et, pour cette raison, nous avons décidé de ne pas modifier les anciennes appellations des directions générales.
  • [36]
    Cf. pour une analyse générale des préférences « capitalistes » des hauts-fonctionnaires de la Commission : Lisbet Hooghe, « Top Commission Officials on Capitalism : An Institutionalist Understanding of Preferences », dans Mark Aspinwall, Gerald Schneider (eds), The Rules of Integration. Institutionalist Approaches to the Study of Europe, Manchester, Manchester University Press, 2001, p. 152-173. Généralement, sur l’élaboration des idées néo-libérales au sein des forums scientifiques des économistes : Bruno Jobert (dir.), Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 9-20.
  • [37]
    Ève Fouilleux, « Entre production et institutionnalisation des idées : la réforme de la politique agricole commune », Revue française de science politique, 50 (2), avril 2000, p. 277-305, notamment p. 299-300.
  • [38]
    Irène Bellier, « Une culture de la Commission européenne ? De la rencontre des cultures européennes et du multilinguisme des fonctionnaires », dans Yves Mény, Pierre Muller, Jean-Louis Quermonne (dir.), Politiques publiques en Europe, Paris, L’Harmattan, 1995 ; Michelle Cini, « La Commission européenne lieu d’émergence de cultures administratives. L’exemple de la DG IV et de la DG XI », Revue française de science politique, 46 (3), juin 1996, p. 457-472 ; Lisbet Hooghe, cité.
  • [39]
    Pologne-Hongrie aide pour la reconstruction économique.
  • [40]
    Pays d’Europe centrale et orientale.
  • [41]
    Edward C. Page, People Who Run Europe, Oxford, Clarendon Press, 1997 ; Anne Stevens, Handley Stevens, Brussels Bureaucracy ? The Administration of the European Union, Basingstoke, Palgrave, 2001, p. 122-125.
  • [42]
    D’où le savoir-faire dans le domaine de l’économie agricole.
  • [43]
    H. Nallet, A. van Stolk, Les relations de l’Union européenne et des pays d’Europe centrale et orientale dans le domaine agricole et agro-alimentaire, Rapport pour la Commission européenne, 14 juin 1994.
  • [44]
    Ibid. p. 4.
  • [45]
    Entretiens, ministère de l’agriculture français, 19 novembre 1998 ; 11 janvier 2000.
  • [46]
    Banque européenne de reconstruction et de développement.
  • [47]
    H. Nallet, A. van Stolk, op. cit.
  • [48]
    Entretien DG VI, 14 mars 2001.
  • [49]
    Deutscher Bauernverband.
  • [50]
    Agrarwirtschaft, 44 (1), 1995, p. 14.
  • [51]
    Résolution du Conseil du 18 juin 1992 relative aux problèmes technologiques de sûreté nucléaire, point 5. JO C 172 du 8 juillet 1992, p. 2.
  • [52]
    Ce consortium comprend les entreprises d’électricité française EDF, belge TRACTEBEL et italienne ENEL, l’espagnole DTN, la britannique MAGNOX, la suédoise Vattenfall, la néerlandaise GKN, la finlandaise IVO/TVO, et l’association VGB, représentant en particulier l’entreprise allemande RWE.
  • [53]
    Il ne nous a pas été possible d’obtenir une liste, complète ou partielle, des contrats qui ont été conclus entre les services de la Commission et les entreprises individuelles ou les consortia qui ont été tenus confidentiels.
  • [54]
    Entretiens, EDF, 12 juin 1998 et 27 octobre 1998 ; Tractebel, 28 octobre 1999.
  • [55]
    COM(93)635 final, Communication de la Commission sur la sûreté nucléaire dans le contexte du secteur de l’électricité en Europe centrale et orientale, décembre 1993.
  • [56]
    Lors de nos entretiens avec les responsables EDF et TPEG que nous avons réalisés entre 1998 et 1999, cet argument fut souligné à plusieurs reprises.
  • [57]
    Entretien, Preussenelektra, 9 novembre 1999.
  • [58]
    Entretien, Siemens, 16 novembre 1999.
  • [59]
    Rapport spécial n° 25/98 relatif aux opérations engagées par l’Union européenne dans le domaine de la sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale (PECO) et dans les nouveaux États indépendants (NEI) (période 1990-1997) accompagné des réponses de la Commission (présenté en vertu de l’article 188 C, paragraphe 4, deuxième alinéa du traité CE), JO n° C 35/ 1 du 9/2/1999.
  • [60]
    Document interne de la Commission pour les comités de gestion PHARE et TACIS : Stratégie de court à moyen terme pour les programmes de sûreté nucléaire PHARE et TACIS, juin 1996.
  • [61]
    Sabine Saurugger, « A Fragmented Environment ? Interest Groups and the European Commission’s Sectorisation », Politique européenne, 5, automne 2001, p. 43-68.
  • [62]
    Neill Nugent, Sabine Saurugger, « Organisational Structuring : The Case of the European Commission and its External Policy Responsabilities », Journal of European Public Policy, 9 (3), 2002, p. 345-364.
  • [63]
    Final Report, A Survey and Evaluation of the Current Situation and Prospects of Agriculture in the Central and Eastern European Countries, with Emphasis on Six States with Europe Agreements, Université catholique de Louvain (1994) ; Rapport final, L’agriculture et l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale : transition en vue de l’intégration ou intégration pour la transition, par Louis-Pascal Mahé, École nationale supérieure agronomique de Rennes, J. Cordier, H. Guyomard et T. Roe ; Final Report, Pre-accession Agricultural Policies for Central Europe and the European Union, par Stefan Tangermann, Université de Göttingen et Timothy E. Josling, Université de Stanford (1994) ; Final Report, Feasibility of an Agricultural Strategy to prepare the Countries of Central and Eastern Europe for EU-Accession, par Allan Buckwell, Wye College, University of London, Jos Hayes, CEAS Consultants (Wye) ltd. et Bespoke Economics, Kent, UK, Sophia Danidova, Véronique Courboin, Wye College, University of London, Andrzej Kwiecinski, Agricultural Policy Analysis Unit, Warsaw, Poland (1994) ; et, enfin, le Final Report, Agricultural Strategies for the Enlargement of the European Union to Central and Eastern European Countries, par Secondo Tarditi et Susan Senior-Nello, University of Siena, ainsi que John Marsh, University of Reading.
  • [64]
    Cf. aussi Ève Fouilleux, « Idées, institutions et dynamiques du changement de politique publique. La transformation de la Politique agricole commune », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France, 1998 ; Louis-Pascal Mahé, François Ortalo-Magné, Politique agricole : un modèle européen, Paris, Presses de Sciences Po, 2001.
  • [65]
    Rapport final, L’agriculture et l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale : transition en vue de l’intégration ou intégration pour la transition, par Louis-Pascal Mahé, École nationale supérieure agronomique de Rennes, J. Cordier, H. Guyomard et T. Roe, 1994, p. 83-84.
  • [66]
    Final Report, Preaccession Agricultural Policies…, cité, p. 1.
  • [67]
    Final Report, Feasibility of an Agricultural Strategy…, cité, p. 6.
  • [68]
    Le Centre commun de recherche (Joint Research Centre, JRC) est le laboratoire scientifique et technique de l’Union européenne et représente une partie intégrale de la Commission européenne. Le CCR est considéré comme une direction générale à part entière, sa structure fondée sur huit instituts spécialisés, utilisant un budget de 300 millions d’Euros par an (programmes de recherche de la Commission et des revenus propres issus des rapports élaborés pour des acteurs externes à la Commission). 27 % de ses activités relèvent du domaine nucléaire. Situés à Karlsruhe et à Rome, les instituts en question (The Institut for Transuranium Elements et The Institute for Systems, Informatics and Safety) s’intéressent plus particulièrement à des questions de protection nucléaire et à la recherche sur la sûreté opérationnelle des centrales.
  • [69]
    Entretien, Tractebel, 28 octobre 1999.
  • [70]
    Michael Hayns est professeur en mécanique et électrotechnique à l’Université d’Aston, Enno Hickens est directeur de l’institut de recherche sur la technologie nucléaire à Jülich en Allemagne.
  • [71]
    Les membres de TSOG sont l’IPSN français, l’allemand GRS, le britannique AEA-Technology, le belge AVN, l’espagnol CIEMAT, l’italien ANPA.
  • [72]
    M. R. Haynes, E. Hickens, P. Tanguy, Nuclear Safety Assessment Study. An Assessment of the Current Status of Eastern Nuclear Power Plants and some Proposals for Future Policy Directions of the EU Actions in Support of Safety Improvements. Work commissioned by DG IA, octobre 1996.
  • [73]
    Il ne semble pas tout à fait clair dans quelle mesure cette présentation pourrait aider les acteurs à économiser la somme nécessaire.
  • [74]
    Et dont l’unité « Énergie nucléaire » peut être considérée comme pro-nucléaire.
  • [75]
    Il s’agit en particulier des centrales nucléaires bulgares à Kozloduy et slovaques de Bohunice, où un consortium franco-allemand incluant Framatome, EDF et Siemens ont entrepris des travaux importants de mise à niveau.
  • [76]
    Document interne.
  • [77]
    Cf., pour l’analyse d’un cas similaire dans le secteur social, Cécile Robert, « Ressources juridiques et stratégies politiques. Analyse d’une controverse sur la dimension sociale de l’élargissement de l’Union », Sociologie du travail, 2000, p. 203-224.
  • [78]
    Entretiens, DG VI, 14 mars 2001.
  • [79]
    Conseil européen d’Essen, 9-10 décembre 1994 <http:// ue. eu. int/ Newsroom>.
  • [80]
    Le 26 juillet 1995.
  • [81]
    Commission européenne, DG VI, Rapport de synthèse. Situation de l’agriculture et perspectives dans les pays d’Europe centrale et orientale, 1995. La DG VI a actualisé cette étude en 1998. Alain Pouliquen est l’auteur d’un grand nombre d’études sur la situation agricole en Europe centrale et orientale, dont « Agricultural Enlargement of the EU under Agenda 2000 : Surplus of Farm Labour versus Surplus of Farm Products », Economics of Transition, 6 (2), 1998, p. 505-522.
  • [82]
    Entretiens, DG VI, 14 mars 2001.
  • [83]
    CSE (95) 607, Étude sur les différentes stratégies pouvant être suivies pour développer les relations entre l’Union européenne et les pays associés dans le domaine de l’agriculture, dans la perspective de l’adhésion future de ces pays, Document de stratégie agricole, 16 novembre 1995.
  • [84]
    COM(97) 2000 final, 15 juillet 1997.
  • [85]
    Les centrales « upgradeables » peuvent être mises proche du niveau occidental de sûreté nucléaire, les centrales « non-upgradeables » doivent être démantelées.
  • [86]
    Cf. aussi COM(97) 401 final, Communication de la Commission sur les industries nucléaires dans l’UE (programme indicatif nucléaire au sens de l’article 40 du traité Euratom), 25 septembre 1997.
  • [87]
    Elle qui ne possédait juridiquement que très peu des compétences dans ce domaine, créa néanmoins, à partir de 1993, des sous-comités « Énergie et nucléaire », ce qui entraînait des commentaires critiques, notamment de la part des acteurs économiques et administratifs français. Un de nos interlocuteurs s’est exclamé : « Et pendant tout ce temps, la Commission tentait toujours d’avoir plus de compétences dans un domaine où, normalement elle n’en avait aucune » : Entretien, CEA, 7 décembre 1998.
  • [88]
    Rapports réguliers, 1999, <www. europa. eu. int/ comm/ enlargement/ report-11-99/ download-1999. htm> ; en particulier la Lituanie et la Bulgarie.
  • [89]
    Panel of High-Level Advisors on Nuclear Safety in Central and Eastern Europe and in the New Independent States. A Strategic View for the Future of the European Union’s Phare and Tacis Programmes, août 1998.
  • [90]
    Comme l’a montré en particulier Claudio M. Radaelli, « Networks of Expertise and Policy Change in Italy », South European Society and Politics, 3 (2), 1998, p. 1-22 ; Claudio M. Radaelli, Technocracy in the European Union, Harlow, Longman, 1999 ; John Peterson, Elisabeth Bomberg, Decision-Making in the European Union, Basingstoke, Macmillan, 1999.
  • [91]
    Fritz W. Scharpf, op. cit.
  • [92]
    Renate Mayntz, New Challenges to Governance Theory, Florence, EUI, Robert Schuman Center, 1998, 50, p. 15.
  • [93]
    Sabine Saurugger, « Vers un mode communautaire de représentation des intérêts ? Les groupes d’intérêt français et allemands dans l’Ostpolitik de l’Union européenne », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, 2001.
  • [94]
    Pour le cas similaire de Tchernobyl, cf. Emmanuelle Mühlenhöver, « Origines, fonctions et trajectoires de l’argument environnemental en politique étrangère. Une étude des diplomaties électronucléaires françaises et américaines de Tchernobyl à La Haye », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, novembre 2001.
  • [95]
    Justin Greenwood, Jürgen Grote, Karsten Ronit (eds), Organised Interests in the European Community, Londres, Sage 1992 ; Marcus P. C. M. van Schendelen, (ed.), National Public and Private EC Lobbying, Aldershot, Dartmouth, 1992 ; Sonia Mazey, Jeremy J. Richardson (eds), Public Lobbying in the European Community, Oxford, Oxford University Press, 1993 ; Paul-Henri Claeys et al (dir.), Lobbyisme, Pluralisme et Intégration européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1998 ; Franz Traxler, Philippe C. Schmitter, « The Emerging Euro-Polity and Organized Interest », European Journal of International Relations, 1 (2) 1995, p. 200-201 ; Wolfgang Streeck, Philippe C. Schmitter, « From National Corporatism to Transnational Pluralism : Organized Interests and the Single European Market » Politics and Society, 19 (2), 1991, p. 133-164 ; Gerda Falkner, Interest Groups in a Multi-level Polity : The Impact of European Integration on National Systems, RSC 1999/34, EUI Working Papers, 1999.
  • [96]
    COM (2001) 428 final, Gouvernance européenne, Un livre blanc, 25 juillet 2001.
  • [97]
    Ibid., p. 20.
  • [98]
    Julien Weisbein, « Le militant et l’expert : les associations civiques face au système politique européen », Politique européenne, 4, printemps 2001, p. 105-118.
  • [*]
    L’auteur remercie pour leurs commentaires Bastien Irondelle, Patrick Le Galès et Pierre Muller

1 La place et le rôle de l’expertise dans l’élaboration des politiques publiques européennes sont désormais l’un des thèmes dominants dans l’étude du policy-making européen [1]. Les auteurs soulignent que la recherche d’efficacité du système politique communautaire transforme l’expertise en une ressource centrale. Ainsi, le primat fonctionnel de l’expertise semble devoir être la principale caractéristique du policy-making communautaire, au détriment du suffrage universel [2].

2 Dans ce contexte, la production et l’utilisation de l’expertise sont, le plus souvent, présentées comme des réponses rationnelles à des problèmes précis. L’expertise peut en effet être considérée comme une réponse aux besoins des pouvoirs publics en quête d’informations, d’arguments, de conseils nécessaires à leurs stratégies en vue d’élaborer un compromis. Si cette approche de l’expertise est sans doute pertinente, elle ne doit pas occulter une seconde dimension, trop souvent négligée – celle de son utilisation à des fins d’augmentation de pouvoir. Ne pas être autorisé à fournir de l’expertise aux acteurs politico-administratifs peut priver un acteur de sa capacité à défendre ses intérêts. Nous faisons l’hypothèse que, loin d’être « neutre », l’expertise est profondément politique. Ainsi, de plus en plus souvent, les acteurs défendent leurs intérêts par le biais de l’expertise. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une « représentation de l’expertise ».

3 Dans cet article, nous souhaitons approcher le rôle de l’expertise au niveau communautaire par l’analyse d’un groupe d’acteurs spécifiques, peu étudiés en France : les groupes d’intérêt économiques [3]. Quelles sont les conséquences de ce recours à l’expertise pour les répertoires d’action des groupes d’intérêt [4] au niveau communautaire ?

4 Les répertoires d’action des groupes d’intérêt pour construire et légitimer leurs actions s’articulent autour de trois dimensions [5]. Il s’agit d’abord de l’appel au nombre, qui consiste à s’appuyer sur la quantité des adhérents comme facteur de représentativité. Il s’agit ensuite du recours à la science, en produisant une expertise considérée comme objective, et, enfin, du recours à la morale, qui s’appuie sur une stratégie de scandalisation en invoquant la violation de normes éthiques pour susciter des mobilisations. Compte tenu de la très grande ouverture du système communautaire à toute forme d’expertise, cette dimension du recours à la science, comprise à la fois comme un répertoire d’action et comme une ressource pour les groupes d’intérêt, prédomine-t-elle par rapport aux autres modes de représentation des intérêts ? Ce répertoire d’action est-il accessible à tous les groupes d’intérêt de la même manière ? Quels sont les facteurs qui influent sur son utilisation inégale ?

5 Afin de répondre à ces questions, nous étudions les répertoires d’action des groupes d’intérêts allemands et français dans deux secteurs : l’agriculture et le nucléaire. L’élargissement l’Union européenne (UE) servira pour cela de terrain d’observation [6]. La méthode de comparaison par « contrastes dramatiques » (most different[7]) s’est imposée pour plusieurs raisons. Cette méthode est particulièrement heuristique pour expliquer des phénomènes politiques au niveau du sous-système d’action, c’est-à-dire au niveau de l’individu ou des groupes d’individus, analyse que nous souhaitons entreprendre ici. La constatation que les groupes en question utilisent les mêmes répertoires d’action pour représenter les intérêts dans des secteurs politiques qui sont organisés d’une manière différente, comme l’agriculture et le nucléaire, permet de donner une signification accrue aux résultats de recherche.

6 Au sein de ces quatre systèmes d’action, l’expertise est organisée de façon différente. Dans le domaine nucléaire, si le savoir technique en France se trouve confiné au sein des entreprises et des grandes écoles qui leur sont étroitement liées [8], en Allemagne, l’expertise est concentrée au sein des universités, qui sont considérées comme relativement indépendantes de l’industrie. En ce qui concerne le secteur agricole, l’expertise agro-économique est organisée indépendamment des syndicats agricoles dans les deux pays. En France, elle est organisée autour de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui demeure jusque dans les années 1980 fortement dominée par le paradigme marxiste [9]. En Allemagne, des départements de recherche spécifiques se trouvent au sein des institutions universitaires. Son ouverture à l’international, en particulier vis-à-vis de la recherche américaine, est une caractéristique fondamentale de la communauté scientifique allemande dans le secteur agricole [10].

7 Au niveau communautaire, deux configurations bureaucratiques de l’expertise se dégagent. D’une part, on trouve une situation dans laquelle les services de la Commission possèdent des compétences à la fois dans le champ scientifique et dans le champ de régulation. Le cas de l’agriculture y est exemplaire. Dans ce contexte, les syndicats agricoles s’efforcent de tisser des contacts pour promouvoir leurs intérêts économiques, sociaux ou financiers mais n’ont pas la possibilité d’offrir de l’expertise. En effet, soit les fonctionnaires communautaires possèdent l’expertise nécessaire, soit la Commission la recherche auprès d’un autre groupe : les experts agro-économiques. D’autre part, dans des domaines où la Commission cherche à acquérir des compétences, elle s’appuie sur l’expertise des groupes d’intérêts. Le nucléaire civil constitue un des meilleurs exemples. Dans ce cas, la Commission cherche à regrouper les acteurs individuels et à les organiser dans des groupes ad hoc ou permanents.

8 Cette analyse est divisée en trois parties. Dans une première partie, nous présentons la problématique du lien entre la représentation des intérêts et l’expertise. Une deuxième partie étudie la représentation de l’expertise dans une situation d’incertitude élevée, caractéristique de la période d’émergence des politiques de l’élargissement, avant de se concentrer, dans une troisième partie, sur l’influence du système politique fragmenté et sectorisé sur la représentation de l’expertise.

Expertise et représentation

L’expertise comme mécanisme de représentation ?

9 L’évolution de l’expertise comme caractéristique principale de la gouvernance contemporaine n’est pas un champ d’étude nouveau. Un certain nombre d’auteurs, majoritairement américains, ont développé une réflexion sur ce sujet dans les années 1970 et 1980 [11]. D’un point de vue analytique, Frank Fischer en particulier a présenté une conceptualisation du rôle de l’expertise dans le politique et constate dans ce contexte que la dépendance vis-à-vis des experts [12] dans notre société contemporaine est l’élément central d’une transformation profonde de la forme et du contenu des sociétés industrielles avancées [13]. Les experts techniques partagent de plus en plus le pouvoir avec les autorités publiques, les élites économiques et politiques traditionnelles. D’un point de vue normatif, les travaux de Bruno Latour et, plus récemment, ceux de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe [14], sur l’expertise dans les questions écologiques, mettent en avant la nécessité de redéfinir l’activité scientifique et de la réintégrer dans le jeu normal de la société et de l’activité politique. Selon les auteurs, l’expertise savante comme le volontarisme politique échouent à répondre aux interrogations des citoyens concernés.

10 Ainsi, le rôle des partis et des représentants politiques dans les processus décisionnels des systèmes politiques contemporains a laissé la place à celui des groupes d’experts au sein de l’administration. Bien que les élites politiques conservent le pouvoir dans les processus décisionnels, elles justifient de plus en plus leurs décisions sur la base des analyses techniques des experts avec lesquels elles forment une coalition. Le savoir est en train de devenir le terrain du politique : « Il est évident […] que le savoir et l’expertise jouent actuellement un rôle important dans la médiation des décisions politiques. Les experts ne prennent peut-être pas des décisions finales concernant les politiques publiques, mais ils servent de plus en plus souvent d’intermédiaires entre les élites politiques et le groupe concerné par une politique publique spécifique […] Ceci implique également que, dans certains cas, les experts se trouvent dans le rôle de « courtier » qui marchande des options politiques entre les élites politiques et les groupes d’intérêt concernés. » [15] On constate alors que ce système « post-industriel », fondé sur la mise en réseaux d’une expertise économique et technologique et du pouvoir bureaucratique, met de plus en plus en cause les concepts de démocratie fondés sur la participation représentative individuelle et citoyenne au processus décisionnel [16]. Contrairement aux politiques pluralistes qui incluent la représentation par les groupes d’intérêts dans le processus politique, cette nouvelle formation sociétale constitue un monopole possédant des institutions politiques et économiques fortes et liées [17].

11 Par leur analyse du système politique communautaire, Svein Andersen et Tom Burns renforcent ce propos. En distinguant trois mécanismes de représentation – la représentation des experts, la représentation des groupes d’intérêts et, enfin, la représentation nationale – ils sont d’avis que les deux premiers marquent une dé-politisation des politiques publiques et renforcent leur opacité [18]. La conception originaire de l’intégration européenne met en avant un grand nombre d’éléments fondés sur l’expertise. La période initiale de l’intégration européenne a ainsi été marquée par une approche « technocratique », représentée par le Plan Monnet pour la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier), dans lequel les experts jouaient un rôle spécifique au niveau du policy-making supranational au sein de la Haute Autorité [19]. L’emphase sur la coordination rationnelle des processus institutionnels en vue de pouvoir répondre aux exigences fonctionnelles d’un système productiviste donne lieu à l’émergence d’une conception purement administrative et managériale du système politique, caractérisée comme gouvernance technocratique [20].

12 Cependant, la production de l’expertise peut également être utilisée à des fins politiques dans un jeu de pouvoir qui oppose différents acteurs. L’expert constitue alors lui-même un groupe d’intérêt. Pierre Lascoumes, dans son étude sur les politiques liées à l’environnement, nous rappelle ainsi que « la force de la technocratie est moins la capacité d’un corps préexistant d’experts et de décideurs à reproduire sa domination historique sur un secteur que le résultat d’un travail permanent de construction de savoir-faire et de légitimité » [21].

13 De même, la fragmentation et la sectorisation d’un système politique ont des conséquences importantes. Elles peuvent conduire à une compétition intensive pour le pouvoir. Si cette compétition est forte, elle peut s’opposer aux processus qui se concentrent seulement sur l’apprentissage et la solution des problèmes [22].

Un outil heuristique pour analyser l’expertise dans la fabrication de politiques publiques

14 Dans un effort de conceptualisation de l’expertise au sein du policy-making communautaire, Claudio Radaelli propose quatre modes de processus décisionnel qu’il obtient en croisant deux dimensions (tableau 1) [23]. Il s’agit, premièrement, de la dimension de la visibilité politique (salience) [24] et, secundo, de la dimension d’incertitude, qui peuvent correspondre à un niveau élevé ou bas. Nous pouvons considérer ces deux dimensions comme des facteurs qui influencent la capacité des groupes d’intérêt à avoir recours à l’expertise pour représenter leurs intérêts.

15 Selon cette approche, nous constatons une politisation élevée du policy-making lorsque les problèmes politiques sont très médiatisés et connus de l’opinion publique ou des partis politiques et que l’incertitude est basse. Au contraire, lorsque les informations et les idées ne sont pas accessibles à bas prix, donc lorsque l’incertitude est élevée, tout en laissant la dimension de visibilité politique du problème élevée, nous observons une activité grandissante des entrepreneurs politiques supranationaux ou des communautés d’experts qui peuvent gagner de l’influence. Ce mode de policy-making est celui des « communautés épistémiques ».

16 Un contexte où la visibilité politique et la complexité du problème sont basses facilite l’émergence de luttes bureaucratiques ou de compétitions du pouvoir au lieu d’engendrer un processus d’apprentissage. Enfin, le mode technocratique peut être observé dans des situations où la visibilité politique d’un problème est basse, mais où l’incertitude est élevée. L’influence de l’expertise dans ce contexte est fondée sur la conviction qu’il existe une meilleure solution. Ce contexte technocratique exige des domaines politiques opaques où un répertoire de solutions est lié à un répertoire de problèmes, sans implications politiques.

Tableau 1
Tableau 1
Incertitude basse élevée Visibilité politique basse Luttes bureaucratiques Politiques technocratiques élevée Prise de décision politique Communautés épistémiques Source: Claudio M.Radaelli, Technocracy in the European Union, Londres, Longman, 1999, p.48.

17 Ce modèle a le mérite de permettre de conceptualiser l’utilisation de l’expertise dans le policy-making communautaire. Toutefois, comme le souligne Claudio Radaelli lui-même dans son étude, les différentes études de cas relevant d’une analyse de l’expertise peuvent être attribuées en même temps à différents modes de policy-making selon la période de négociation et selon la situation politique générale [25]. Dans la présente étude, nous utilisons le modèle comme un outil heuristique qui nous permet de structurer les différentes formes d’expertise à différents moments du policy making communautaire. Une autre manière de structurer l’expertise est d’établir une typologie des experts intervenants dans le système politique de l’Union européenne [26]. On peut ainsi distinguer entre l’expert « spécialiste » dont la légitimité repose sur la connaissance d’un savoir-faire technique, l’expert « médiateur » dont la légitimité est construite sur la capacité à rechercher des compromis entre les différents acteurs du système politique polycentrique, et enfin, l’expert « sage » dont la légitimité repose sur l’aptitude à donner du sens à la construction politique de l’Union en formulant une interprétation des valeurs, des normes et des règles qui la régissent. Les experts issus des groupes d’intérêt s’inscrivent clairement dans la première catégorie et fondent leur acceptation par les acteurs du système politique sur leur légitimité professionnelle.

18 Dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne, nous nous situons dans un contexte d’incertitude élevée et de phases de visibilité politique plus ou moins importantes. La comparaison des activités des groupes d’intérêt entre une politique publique communautarisée – l’agriculture – et un domaine dans lequel le mode de décision est purement intergouvernemental – la sûreté nucléaire – nous permet d’analyser les relations entre les groupes d’intérêt et les services de la Commission dans le contexte de la production de l’expertise. Comme le constate Neill Nugent [27], là où la compétence politique de l’Union européenne est clairement et depuis longuement établie, comme dans les domaines de l’agriculture et du commerce extérieur, la Commission possède plus de connaissances et d’expertise que dans les domaines politiques qui émergent au niveau communautaire, comme la santé publique ou l’énergie nucléaire.

19 Ainsi, dans les domaines où la Commission ne possède que peu d’expertise, nous trouvons plus facilement un grand nombre de consultants indépendants, des experts nationaux (détachés) ou des instituts de recherche, ainsi que des comités consultatifs contenant des experts « spécialistes » gouvernementaux et non-gouvernementaux. Face à une telle situation, nous supposons qu’il est plus difficile de représenter des intérêts sous forme d’expertise auprès des services de la Commission pour les groupes d’intérêts agricoles que pour les acteurs du secteur nucléaire. Deux formes de représentation des intérêts émergent alors : la représentation des intérêts sous forme de revendications clairement formulées et une forme de représentation des intérêts qui passe par l’offre d’expertise aux services de la Commission. Alors que nous retrouvons la première forme de représentation dans le secteur de l’agriculture, c’est la seconde qui est prépondérante dans le secteur du nucléaire.

20 Comme le font remarquer Svein Andersen et Tom Burns, le système de gouvernance communautaire est fondé sur la participation directe des intérêts concernés, comme les groupes d’intérêt nationaux, au sein de différentes formes de réseaux de politiques publiques. Le niveau d’expertise nécessaire pour participer à la fabrication des politiques publiques communautaires produit un système dans lequel « la souveraineté d’expertise tend à l’emporter sur la souveraineté populaire ou parlementaire » [28]. Formulé différemment, il semble alors que la représentation des intérêts ayant recours à la science l’emporte sur celle ayant recours au nombre ou à la morale.

La représentation d’expertise dans une situation d’incertitude élevée

21 L’élaboration d’une politique d’élargissement dans le secteur agricole s’est révélée difficile à la suite de la chute du mur de Berlin. Comme dans la plupart des autres secteurs, les connaissances sur l’agriculture est-européenne étaient limitées à la fois au niveau communautaire et au niveau national. Très peu d’éléments étaient connus par les agriculteurs occidentaux mais aussi par les acteurs politico-administratifs sur les potentiels agricoles des pays de l’Europe centrale et orientale. Cette absence de connaissances a mené à la recherche d’expertise à la fois par les acteurs politico-administratifs nationaux et communautaires.

22 Les experts économistes semblent avoir été en concurrence avec les syndicats agricoles dans le contexte de l’élargissement. Cette concurrence n’est toutefois qu’une parmi d’autres, étudiées depuis les années 1990 par de nombreux chercheurs [29]. Comme le constate Wyn Grant, la Politique agricole commune entraîne un jeu d’acteurs plus complexe que la seule opposition entre économistes et syndicats : « Les critiques de la PAC émergent des organisations de consommateurs, des groupes environnementaux qui s’occupent de questions beaucoup plus vastes que celles relevant seulement de l’agriculture, et des économistes agricoles qui, malgré leurs capacités analytiques, manquent souvent de soutien politique. » [30] Notre choix de terrain nous amène cependant à nous concentrer sur les rapports de force entre les économistes et les syndicats agricoles, car les groupes environnementaux, ou encore les organisations de consommateurs, ne jouent pas encore de rôle dans le contexte de l’élargissement.

23 Dans le domaine nucléaire, l’accident survenu dans la centrale nucléaire de Tchernobyl en avril 1986 a été le premier événement d’une longue série qui a montré que la situation des réacteurs nucléaires en Europe centrale et orientale et dans les nouveaux Etats indépendants (NEI) pose un grave problème de sûreté. Dans la plupart des cas, l’état de sûreté des centrales nucléaires de ces pays ne satisfait pas aux exigences des normes internationales de sécurité [31].

24 Face aux situations préoccupantes dans le secteur de l’énergie nucléaire en Europe centrale et orientale, les gouvernements des pays membres de la Communauté européenne possédant des centrales nucléaires, ainsi que les industries nucléaires, ont commencé à se mobiliser, en particulier après l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Cet accident peut être considéré comme l’élément légitimant les activités des acteurs économiques en Europe centrale et orientale autour de la notion de sûreté nucléaire. L’événement a révélé les défaillances majeures du système de sûreté nucléaire à l’Est à la fois aux gouvernements et aux citoyens européens. L’industrie nucléaire a été désignée par le public et les autorités politiques en question à la fois comme le responsable de cet accident et comme l’acteur possédant le savoir-faire requis pour intervenir dans cette situation en vue de retrouver un niveau de sûreté nucléaire considéré comme adéquat, voire de démanteler des centrales nucléaires jugées trop dangereuses. L’incitation à la création d’un groupe ad hoc d’acteurs électronucléaires peut être également perçue comme l’élément légitimant ces activités agissant à la fois aux niveaux national, communautaire et international. Mais l’argument de la nécessité d’intervention de la part des acteurs de l’industrie nucléaire en Europe centrale et orientale a été élaboré par les industries nucléaires elles-mêmes. Dans ce contexte se pose effectivement la question de la légitimité des actions des acteurs privés mais aussi de celles de la Commission. Peut-on tirer la conclusion que nous assistons à un transfert de la légitimité représentative vers les intérêts privés qui créent ainsi une légitimité fonctionnelle [32] ? Nous sommes plutôt d’avis que l’analyse des activités des groupes d’intérêts en question montre, comme le suggère Gerhard Lehmbruch, que le degré selon lequel la participation des intérêts organisés est généralement considéré comme légitime varie considérablement [33]. L’intérêt représenté doit être mis en forme, mis en scène et mis en voix pour exister et pour être légitime [34].

L’organisation communautaire de l’expertise

25 Au sein de la Commission européenne, les politiques agricoles sont élaborées par la direction générale agriculture (DG VI) [35]. Son unité 01 est chargée de préparer des documents stratégiques et économiques sur l’agriculture européenne. Elle est en contact étroit avec le cabinet du commissaire de l’agriculture. Dans ses travaux, Ève Fouilleux souligne que l’unité en question a gagné en importance à partir de l’arrivée de l’équipe de J. Delors à la tête de la Commission. À travers l’investissement et la revalorisation des activités de prospective au sein de la DG VI, les fonctionnaires « réformistes » et néo-libéraux [36], qui, pour la plupart d’entre eux, ont reçu une formation dans le cadre du paradigme scientifique dominant en économie, ont peu à peu fait progresser leurs idées [37].

26 À partir de 1995, la DG VI fut chargée de l’élaboration des propositions pour la réforme de la PAC, décision fondée sur l’ouverture prochaine des négociations au sein de l’OMC et l’élargissement de l’Union aux pays candidats de l’Europe centrale et orientale.

27 Dans le contexte de l’élargissement de l’Union, deux DG joignent cette coordination entre les directions générales déjà mentionnées. Il s’agit de la DG I et, après sa création en 1994, de la DG IA, responsables des relations extérieures et de l’élargissement de l’Union. Ces deux directions générales entrent alors dans un rapport de force avec la DG VI. Comme plusieurs chercheurs l’ont mis en avant [38], on peut observer l’existence de conflits idéologiques entre les DG vis-à-vis des approches et des solutions politiques. Alors que la DG I considérait l’élargissement comme une possibilité d’acquérir des compétences supplémentaires vis-à-vis du Conseil de l’UE et des États membres, elle cherchait également à renforcer sa position à l’intérieur de la Commission. Elle utilisa en particulier les fonds du programme PHARE [39] pour financer des études concernant la situation de l’agriculture dans les PECO [40] et son impact sur la Politique agricole commune, mouton noir de la DG I dans le contexte des relations commerciales avec les pays tiers, comme l’ont montré les négociations du GATT au début des années 1990. Elle a donc cherché à fournir des études sur l’agriculture et l’élargissement produites par des économistes agronomes européens et américains pro-libéraux de bonne renommée, afin de bâtir sa légitimité face à la DG VI. Les syndicats agricoles n’ont à aucun moment été invités à participer. Nous allons ainsi observer le rapport entre la représentation par l’expertise (économistes agronomes), le recours au nombre et à la morale (syndicats agricoles) et le processus de légitimation d’une bureaucratie. Cette situation, caractérisée par un niveau élevé d’incertitude mais aussi par une visibilité politique élevée, étant donnée l’importance du secteur agricole en Europe centrale et orientale, ne donne toutefois pas lieu à des décisions politiques prises par le Conseil des ministres mais à des luttes bureaucratiques.

28 Contrairement au secteur agricole, la Commission européenne ne possède guère de savoir technique dans le domaine nucléaire. Lorsque le G7, suite à sa réunion de 1989 à Paris, transfère la gestion des programmes d’aides à l’Europe centrale et orientale à la Commission, celle-ci se voit confrontée à une situation dans laquelle ses fonctionnaires ne possèdent pas suffisamment de savoir-faire dans un domaine de haute importance. Les raisons de cette situation peuvent être attribuées au système de recrutement de la Commission [41]. Les fonctionnaires recrutés par la Commission dans la plupart des pays membres de l’Union ont effectué des études de droit, en particulier en ce qui concerne l’Allemagne et le Danemark, d’économie ou de sciences sociales, comme en Espagne ou en France [42]. Les sciences « dures » ne sont que peu représentées parmi le personnel de la Commission, bien que le service de la Commission responsable de l’énergie, et en particulier de l’énergie nucléaire, emploie un certain nombre d’ingénieurs.

29 Face à cette situation, la Commission a cherché de l’expertise à l’extérieur, en particulier auprès des entreprises de l’industrie nucléaire et auprès des agences nationales de sûreté nucléaire compétentes. Tout comme dans le secteur agricole, nous observons un degré d’incertitude si élevé que les décideurs politiques et les gestionnaires des politiques ont dû se référer à l’expertise offerte par des « savants » extérieurs. Toutefois, ce groupe ne correspondait guère à une communauté épistémique homogène mais véhiculait différents intérêts à travers l’expertise proposée.

Les services de la commission à la recherche de l’expertise

Une expertise politique proche de la représentation des intérêts agricoles français

30 L’ouverture des relations entre la Communauté européenne et les pays d’Europe centrale et orientale dans le domaine de l’agriculture était caractérisée par une absence réciproque de connaissances des politiques agricoles de chaque côté des frontières. La Commission, les gouvernements nationaux et les acteurs économiques étaient donc dans une situation de besoin d’expertise concernant l’agriculture est-européenne, nécessaire pour diminuer l’insécurité dans la prise de décision. Cette absence de connaissance a conduit à de très fortes craintes de la part des agriculteurs vis-à-vis de l’agriculture de l’Europe centrale et orientale. Confrontée à cette situation, la Commission a initié des rapports pour essayer de répondre aux problèmes qui s’étaient présentés dans ce contexte.

31 Le premier rapport publié dans la série des rapports agricoles fut le rapport « Nallet-Van Stolk », cité de multiples fois en France [43]. Le rapport fait des propositions quant à la question politique des relations agricoles entre l’Union et les PECO. « [D]es mesures sont à prendre pour accompagner un processus de convergence graduelle entre l’agriculture dans l’UE et les PECO. Ces mesures auraient pour but de mettre efficacement à profit les possibilités d’échanges et d’éliminer les tensions inutiles… » [44]. les auteurs proposent de restructurer phare et de permettre aux projets d’être suivis attentivement et efficacement par les « “résidents” agricoles » sur place. avec ses propositions, h. nallet, ancien ministre de l’agriculture français et a. van stolk, se rapprochent de la position du ministère de l’agriculture français qui insistait pour une réforme rapide du programme phare [45].

32 Les auteurs proposent de prendre des mesures pour garantir aux producteurs agricoles des PECO, en même temps qu’une rémunération marginale de leur travail, l’octroi d’une indemnisation sur les intrants, tels que les carburants, l’utilisation des machines, les engrais, les semences, les produits phytosanitaires, qu’ils doivent acheter pour assurer une production efficace. Par ailleurs, des mesures sont à prendre pour assouplir l’économie agricole et créer un marché des terres agricoles pour faire progresser la restructuration graduelle de la production agricole lorsque celle-ci aura acquis une rentabilité potentielle. Il est proposé que la terre puisse servir de garantie aux prêts, dans le contexte d’une « banque foncière ». Cette banque pourrait également détenir des terres pour les revendre et veiller ainsi à une régulation des prix des terrains et favoriser la création d’unités de production viables. Ces banques foncières pourraient être fondées en collaboration avec les gouvernements des PECO, la BERD [46] et la Banque mondiale.

33 Enfin, des mesures sont à prendre pour accompagner un processus de convergence graduelle entre l’agriculture dans l’UE et les PECO. Ces mesures auraient pour but de mettre efficacement à profit les possibilités d’échanges et d’éliminer les tensions inutiles dans des domaines tels que les dispositions vétérinaires et phytosanitaires, grâce à l’organisation de contacts réguliers entre les fonctionnaires et les professionnels des deux partis. Les auteurs conseillent aussi très fortement de renforcer les contacts entre les agriculteurs des PECO et de l’UE et exigent que des fonds soient consacrés à l’explication aux syndicats centre et est-européens du fonctionnement de la PAC [47].

34 En France, la presse, certains responsables politiques et administratifs et les syndicats agricoles font régulièrement référence à ce rapport, considéré comme le « rapport majeur dans ce domaine ». À la Commission, nos interlocuteurs à la DG VI sont restés prudents : « Ce rapport a le mérite de poser un certain nombre de questions. Il avait comme objectif de démystifier le débat et a été un bon rapport pour cela. » [48] Malgré l’accueil positif de ce rapport en France, il était peu connu en Allemagne en dehors des forums spécialisés comme le syndicat agricole allemand, le DBV [49]. L’attitude positive française peut être analysée sous l’angle de la proposition du transfert d’un modèle national. La forme de la banque foncière proposée par le rapport n’est pas sans rappeler les SAFER français (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), qui ont joué un rôle très important dans la restructuration des exploitations agricoles après 1962. Le rapport ne préconise à aucun moment une réforme radicale de la PAC, mais reste très prudent sur les possibilités d’une intégration rapide des PECO dans la PAC.

35 Les critiques allemandes vont plutôt dans le sens opposé. La revue principale des économistes agricoles allemands lui a consacré un rapport très critique : « Non pas des analyses trop rapides, mais des études objectives et soigneuses sont nécessaires. L’étude « stratégique » sur les relations de l’Union européenne et des pays d’Europe centrale et orientale dans le domaine agricole et agroalimentaire, fortement influencée par les intérêts des producteurs agricoles, ne peut pas prétendre répondre à cette exigence… Les auteurs ne semblent pas remarquer que, bien que les PECO cherchent des relations économiques étroites avec l’Union européenne, ils ne peuvent aucunement être intéressés par l’imitation de la politique agricole protectionniste pour des raisons qui relèvent déjà de leurs possibilités financières limitées et de désavantages économiques généraux. » [50]

36 Dans cette même optique, le rapport fut également critiqué par la direction générale responsable de la gestion de l’élargissement. Selon les responsables de la DG I, il était nécessaire de traiter le problème de l’impact de l’élargissement sur la Politique agricole commune, et pas seulement la question des relations agricoles entre les PECO et l’UE.

Le nucléaire : la création du rôle d’expert au sein du système

37 Une des tâches initiales de la Commission face aux problèmes que représentaient les centrales nucléaires de l’Europe centrale et orientale a été d’élaborer une classification des centrales nucléaires afin de décider des stratégies à suivre dans le domaine des aides financières. L’ensemble des actions devait permettre d’aider les pays de l’Est à amener leur parc de réacteurs à un niveau de sûreté comparable à celui des centrales occidentales, comme le conseil de préparation du conseil européen d’Edimbourg l’avait rappelé dans sa résolution du 18 juin 1992 [51].

38 Dès le début des années 1990, la Commission a regroupé le savoir-faire de ses services et des acteurs externes à la Commission dans la cellule de coordination de l’aide pour la sûreté nucléaire (G 24 Nuclear Safety Assistance Coordination : NUSAC) au sein de ses services.

39 En général, les entreprises et industries nucléaires des pays membres de l’Union ont été étroitement associées à la cellule NUSAC, notamment dans le cadre de TPEG (Twinning Programme Engeneering Group) [52]. Les premières études techniques [53] commandées par la Commission auprès de TPEG ont été réalisées par les entreprises. Dans ce contexte, EDF a joué un rôle principal grâce à son expertise technique [54].

40 Quel rôle a donc joué l’expertise des acteurs économiques fournie aux institutions européennes ? Les premières études techniques du secteur de la production d’électricité d’origine nucléaire ont montré que les systèmes développés par l’ancien système soviétique, largement répandus en Europe centrale et orientale et inspirés par les besoins de la filière nucléaire militaire, répondaient à des impératifs de production, mais que les questions de sûreté opérationnelle et de l’environnement avaient été délaissées. La Commission, et avant tout la direction générale I, ensuite IA, considérait que l’amélioration de la sûreté devait s’inscrire dans une stratégie d’ensemble pour le secteur énergétique des pays de l’Est, au sein desquels le traitement des déchets posait des difficultés aiguës, mais le monde nucléaire représentait une force socio-économique importante et jusque là privilégiée par rapport à d’autres secteurs industriels.

41 Dans un premier document que la Commission publia en décembre 1993 [55], élaboré sur la base du Plan directeur (Master Plan) préparé suite à un rapport technique fourni par TPEG, elle avait exprimé le soutien de l’Union au plan d’action adopté par le G7 lors du sommet de Munich et soulignait l’importance d’un secteur énergétique efficace pour l’amélioration durable de la sûreté nucléaire. Dans son rapport, elle conclut que la fermeture immédiate des réacteurs moins sûrs serait « économiquement difficile » quels que soient les vœux exprimés par la communauté internationale, dans la mesure où tous ces pays dépendent plus ou moins de l’électricité générée par l’énergie nucléaire. La Commission estime alors qu’il serait inopportun de subordonner l’assistance à une fermeture rapide des centrales, puisque ni l’assistance technique, ni le marché de l’énergie dans les pays concernés ne pouvaient garantir la fourniture d’énergie alternative. La stratégie présentée par la Commission dans son rapport englobait deux aspects : le premier concernant les installations nucléaires civiles les moins sûres et le second les centrales nucléaires relativement plus sûres. Dans les rapports fournis par les entreprises ouest-européennes, le même argumentaire était avancé : la fermeture des centrales serait économiquement très difficile, puisque les pays en question dépendaient de cette source d’électricité [56].

42 Cette activité grandissante de la part de la Commission est toutefois ponctuée par un « abandon » des entreprises électronucléaires allemandes. RWE et Preussenelektra se sont graduellement retirés du « marché de fabrication de rapports ». Un de nos interlocuteurs a souligné : « Nous n’avons pas le personnel pour pouvoir réaliser les grandes études. Nous n’avons donc plus participé à ces études ; parce que c’était pénible, ne menait à rien et parce que trop de personnes avaient été nécessaires. » [57] Toutefois, le constructeur de centrales nucléaires allemand Siemens KWU et ses homologues français ont continué à produire de l’expertise, pour « empêcher qu’un accident comme Tchernobyl ne se répète encore une fois. Ce serait très mauvais pour les affaires, comme vous pouvez l’imaginer. » [58]

43 Malgré une production importante d’études, aucune stratégie d’ensemble énoncée de façon explicite n’a pu être élaborée par les services de la Commission sur cette base. Au cours de la période 1990 à 1999, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes de l’Union européenne [59], les fonds PHARE ont été principalement orientés vers les questions relatives aux réacteurs de la centrale nucléaire de Kozloduy en Bulgarie. Les programmes financiers de la Commission ont tout d’abord consisté en des études permettant aux acteurs de l’UE de comprendre les technologies et d’analyser les problèmes de sûreté des centrales nucléaires de conception soviétique, puis ont été orientés vers l’assistance sur site accompagnée de fourniture d’équipements et complétée par une assistance aux autorités de sûreté. Ce n’est que suite aux demandes du Conseil et du Parlement qu’une réflexion plus globale a été engagée en 1995, conduisant la Commission à proposer en juin 1996 une stratégie couvrant l’ensemble des domaines d’actions relatifs à la sûreté nucléaire. Elle propose de conserver le principal objectif de ces programmes à court et à moyen terme, à savoir l’amélioration de la sûreté des centrales nucléaires et le renforcement des pouvoirs réglementaires [60].

44 Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer le retard subi dans l’élaboration d’une stratégie claire et globale vis-à-vis de la sûreté nucléaire. D’une part, les conflits bureaucratiques au sein de la Commission [61] ont rendu très difficile toute élaboration cohérente d’une stratégie unifiée. Les luttes d’influence, et, in fine, de survie des services responsables de l’énergie nucléaire ont entraîné une oscillation entre le sujet de l’énergie nucléaire et celui de la sûreté nucléaire. D’autre part, la multitude des acteurs – économiques, politico-administratifs des niveaux nationaux, communautaires et internationaux, liés dans un réseau de compétences partagées et diverses – n’a pas permis de créer une instance coordinatrice permettant d’élaborer une stratégie homogène dans le contexte de la sûreté nucléaire en Europe de l’Est.

45 Nous constatons ainsi que, dans un contexte d’incertitude et de visibilité politique élevée, deux attitudes différentes se présentent vis-à-vis de la production d’expertise. Les services de la Commission européenne perçoivent les syndicats agricoles comme peu capables d’abstraire leurs revendications sectorielles et de fournir l’expertise nécessaire pour l’élaboration d’une stratégie vis-à-vis de l’Europe centrale et orientale. Cette attitude est d’autant plus forte que l’expertise économique peut être trouvée au sein des services communautaires responsables des questions agricoles.

46 Au contraire, dans le secteur nucléaire, l’expertise au sein de la Commission est presque totalement absente, et les services communautaires responsables de la gestion de la sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale ont fait appel aux entreprises électronucléaires individuelles, regroupées dans des groupes de travail ad hoc. Toutefois, comme dans le domaine agricole, les Eurogroupes, fédérant les entreprises électronucléaires, n’ont pas été invités à participer. L’absence de savoir-faire dans les Eurogroupes, dont le rôle principal est d’observer les développements au niveau communautaire et d’en informer les membres s’est révélé un obstacle dans l’exercice de fabrication d’expertise.

47 L’expertise présentée par des groupes d’intérêt nucléaires ou des experts économiques agricoles n’est toutefois pas neutre, mais peut être utilisée par des services administratifs dans des luttes bureaucratiques.

La représentation de l’expertise dans un système politique fragmenté

Les luttes inter-bureaucratiques

La commande d’une contre-expertise

48 À travers la gestion de l’élargissement, la DG I a vu la possibilité d’accroître son poids relatif dans les affaires extérieures communautaires de l’Union, mais aussi l’opportunité de mettre clairement en avant la nécessité de réformer la Politique agricole commune, perçue comme trop protectionniste. Au début de l’année 1994, la DG I décida d’utiliser des fonds du programme PHARE pour financer un certain nombre d’études à la fois sur la politique agricole en Europe centrale et orientale et sur l’influence que ces agricultures auraient sur l’avenir de la Politique agricole commune. La DG I gérait, jusqu’à la fin de l’année 1994 encore, les questions liées à l’élargissement à l’Est avant de les transférer à la DG IA, créée par une restructuration bureaucratique déclenchée par Jacques Delors [62]. Alors que la responsabilité générale pour l’élargissement se trouvait auprès de la DG I, la gestion des questions « sectorielles », comme l’agriculture, même dans le contexte de l’élargissement, a toujours été confiée aux directions générales spécialisées. Face à cette concurrence, la DG I, soucieuse de ne pas perdre son leadership dans l’élargissement, a donc décidé de fournir de l’expertise agricole en associant les économistes agricoles néo-libéraux les plus renommés dans ce domaine. À aucun moment, les syndicats agricoles n’ont été considérés comme des experts fiables. Jugés partisans, ils ont été écartés de « l’industrie » lucrative de fournisseur d’expertise.

49 Le rapport Nallet-Van Stolk fut suivi à la fin de l’année 1994 et au début de l’année 1995 par cinq autres rapports qui, cette fois–ci, étaient commandés par le Commissaire de la DG I, responsable pour le commerce extérieur, Sir Léon Brittan [63].

50 Tous les rapports soulignent la difficulté d’adapter l’agriculture des PECO à l’adhésion à l’Union européenne et prônent la nécessité d’une réforme profonde de la PAC. Le rapport de Louis-Pascal Mahé, économiste français connu pour ses positions critiques vis-à-vis de la PAC [64], constate que l’ouverture des échanges, la privatisation plus aisée de l’import-export et du secteur du détail ainsi que la tendance à surévaluer la monnaie contribueront à une détérioration de la balance agroalimentaire des PECO [65].

51 Tout comme Louis-Pascal Mahé et al., Stefan Tangerman et Timothy Josling, économistes agricoles respectivement allemand et américain, conseillent d’adopter une approche plus flexible dans la négociation avec les pays candidats. L’Union européenne pourrait cette fois envisager de réformer l’acquis communautaire avant le début de négociations d’adhésion. Une possibilité serait de rendre la responsabilité financière aux États membres [66].

52 Le rapport final d’Allan Buckwell, Jos Hayes et al., comme celui de Secundo Tarditi et Susan Senior Nello, conseille fortement une réforme rapide de la PAC, en réduisant les prix de manière significative et en soutenant les agriculteurs au travers d’autres moyens [67].

53 Les cinq rapports présentés sont, comme nous l’avons vu, imprégnés d’idées néo-libérales et semblent très proches des discours tenus par la DG I. Contrairement au rapport Nallet-Van Stolk, ces rapports préconisent une réforme radicale de la PAC avant l’entrée des PECO dans l’Union européenne. Les syndicats agricoles sont tenus pour responsables de l’inefficacité de la PAC actuelle. Toutefois, il nous semble que le contenu des rapports est moins éloigné du paradigme économique qui prévaut au sein de l’unité de prévision de la DG VI que l’on pourrait croire. Il s’agit davantage d’une opposition bureaucratique et d’un rapport de force entre les deux DG que d’une véritable opposition idéologique.

54 Dans le secteur nucléaire, l’utilisation de l’expertise à des fins de lutte bureaucratique semble encore davantage visible.

À la recherche de l’expertise « neutre » dans le nucléaire

55 L’accès des acteurs économiques à la Commission a été rendu plus difficile par deux événements. Il s’agit premièrement d’une modification des structures au sein de la Commission. Lors de la signature du deuxième contrat entre la Commission et TPEG, les services de la Commission et, en particulier, la DG IA ont commencé à manifester leur préoccupation vis-à-vis du fait que le groupement écrit ses propres « termes de référence » pour ses propres projets, attitude pourtant jugée acceptable jusqu’alors. Cette tâche a alors été attribuée au Centre commun de recherche, organisme interne à la Commission [68]. La gestion financière des accords a été transférée dès sa création en 1997 au Service commun des relations extérieures, chargé de gérer les contrats financiers avec les acteurs et groupes extérieurs à la Commission. « La décision de créer le SCR et de le charger de gérer nos contrats a vraiment été une coupure de la part de la Commission. D’abord, les relations avec la DG IA étaient très conviviales, mais ça s’est arrêté là. Monsieur van den Broek [le Commissaire chargé des Affaires extérieures] a d’ailleurs commencé à avoir des ennuis et c’est là où il a fait appel à des rapports externes » [69].

56 En avril 1996, Hans van den Broek avait donc exigé un rapport sur l’état actuel de sûreté nucléaire des centrales nucléaires de l’Europe de l’Est, sur le coût nécessaire pour réaliser des modernisations permettant que les centrales atteignent le « standard internationalement reconnu » de sûreté nucléaire et, enfin, des propositions pour les politiques futures de la Commission dans ce domaine.

57 Michael Hayns, Enno Hicken et Pierre Tanguy, consultants externes à la Commission et à tout groupe de travail attaché à la Commission, et donc a priori à toute entreprise électronucléaire [70], ont été chargés de préparer le rapport. Ces auteurs se fondent sur une quinzaine de rapports, élaborés par les groupes consultatifs, comme le TPEG, le TSOG (Technical Safety Organisation Group) [71], le RAMG (Regulatory Assistance Management Group), un sous-groupe de CONCERT, composé d’autorités de sûreté d’Europe occidentale, les rapports de l’AIEA (Agence internationale d’éner-gie atomique) et une trentaine d’entretiens avec des acteurs internes et externes à la Commission [72]. Le rapport, fondé ainsi sur d’autres expertises, fut nommé, au sein de la Commission, le « rapport des rapports ».

58 L’élément central de ce rapport est la distinction entre deux groupes de réacteurs, à savoir les réacteurs qui pourraient être modernisés et ceux qui doivent être fermés. Les auteurs constatent que les réacteurs de type VVER 440-213, VVER-1000 et les RBMK de la seconde et troisième génération pourraient être modernisés et atteindre un niveau de sûreté occidental. En ce qui concerne les coûts nécessaires pour mettre les centrales à niveau, les auteurs ont avancé les chiffres suivants : un coût total de 240 à 288 millions US$ doit être prévu pour les réacteurs VVER 440-213, entre 153 et 192 millions US$ pour les VVER 1000, et 300 millions US$ sont prévus pour un réacteur RBMK. Ces coûts ne peuvent évidemment pas être portés seulement par les programmes PHARE et TACIS. Les auteurs recommandent alors d’apporter des conseils tout en laissant œuvrer les opérateurs (« self-help ») ou de démontrer la faisabilité du processus de la mise à niveau auprès d’un certain nombre de centrales choisies [73].

59 Les auteurs sont d’avis que les pays d’Europe centrale et orientale et les NEI ont fait des progrès dans la mise à niveau de leurs réacteurs, ce qui rend un nouvel accident de type Tchernobyl peu probable. Cependant, ils ont produit une trentaine de recommandations. Deux types de recommandation sont particulièrement significatifs dans le contexte de notre questionnement sur les modes de représentation d’expertise des groupes d’intérêt. Les auteurs recommandent premièrement des modifications dans la gestion des projets entre la Commission et les consortia créés. Les fonctions que partageaient l’organisme consultatif regroupant les organes techniques de la sûreté nucléaire des pays membres (TSOG) et le groupe des autorités régulatrices (RAMG) devaient être plus clairement séparées, alors que le TPEG et le TSOG devaient coopérer plus étroitement. Le deuxième élément central concerne la stratégie de la Commission elle-même. Les auteurs soulignent la nécessité pour la Commission d’adopter une position plus ferme vis-à-vis des pays de l’Est, en vue de les obliger à accepter les obligations de sûreté occidentales. Une stratégie cohérente devrait être trouvée parmi les acteurs travaillant avec l’Europe centrale et orientale au plus haut niveau. Enfin, tous les projets futurs devraient obligatoirement inclure les autorités de sûreté nucléaire occidentales.

60 Confrontés à ce rapport, les acteurs économiques français et allemands ont cherché du soutien auprès les services de la DG XVII, responsable pour la politique énergétique [74]. La classification des centrales en deux groupes, qui incluent notamment des centrales sur lesquelles des programmes importants de mise à niveau ont été engagés par les entreprises [75], pose problème. Dans un commentaire général adressé à la DG IA, la DG XVII met en garde contre le traitement en bloc des réacteurs en fonction de leur type, et donc, de leur âge. Cette approche semble trop simpliste et pourrait amener à des jugements hâtifs qui risquent de ne pas être corroborés par une analyse en profondeur ultérieure. S’il était vrai que les réacteurs de première génération VVER 230 et les premiers RBMK présentent les plus grandes faiblesses de conception, les mettre tous sur le même pied n’est pas apparu approprié à la DG XVII [76].

61 Cependant, face à la DG IA, la direction générale XVII n’avait que peu d’influence dans le débat sur la sûreté nucléaire et la prise de contact des groupes d’intérêt économiques avec cette dernière n’a pas produit le résultat recherché.

La construction d’un leadership bureaucratique

La formation d’une stratégie agricole à l’aide d’experts économiques

62 L’attitude de la DG I dans la préparation d’une politique agricole vis-à-vis des PECO correspond à une stratégie d’intervention dans le domaine réservé de la direction de l’agriculture [77]. L’initiative de la DG I a en effet été vécue par les fonctionnaires de la DG VI comme une double destitution. La réaction des fonctionnaires et du commissaire de la DG VI fut catégorique : « Nous étions très mécontents de ces rapports et les avons mis dans un tiroir et c’est là qu’ils devraient encore être. Ils ne nous servaient à rien, ces rapports et on les a fait oublier… On a réfléchi : est-ce que l’on entre dans une guerre avec la DG I ? Mais après l’on s’est dit que ce n’est pas notre style et que nous allions faire autre chose » [78]. La DG VI a donc adopté une approche « scientifique » vis-à-vis de la DG I et a lancé trois nouveaux projets agricoles dans le contexte de l’élargissement.

63 En décembre 1994, constatant que « l’agriculture représente un élément clé » de la stratégie pré-adhésion, le Conseil européen d’Essen a invité la Commission à présenter au cours du second semestre de 1995, une étude sur « les moyens permettant de développer les relations entre l’Union européenne et les pays associés d’Europe centrale et orientale en vue de leur adhésion future » [79].

64 La DG VI a décidé de procéder en deux temps : au cours du premier semestre 1995 [80], une dizaine de rapports par pays candidat, portant sur la situation agricole et les perspectives dans les PECO, ont été produits par les services de la Commission en collaboration avec des experts nationaux des pays concernés ainsi qu’avec le concours de conseillers scientifiques de l’Union européenne. Le rapport de synthèse a été élaboré par l’économiste français Alain Pouliquen, directeur de recherche à l’INRA [81]. La DG VI a ainsi choisi deux experts internes à la DG VI, deux experts en provenance des pays candidats, ainsi que des experts issus du groupe Est-Ouest au sein de l’OCDE. Le choix des experts s’est fait sur la base des « réseaux, des gens que l’on connaissait » [82]. Ces études ont été réalisées selon la « technologie de la DG VI. On sait faire des études, on a des compétences », comme le soulignait l’un de nos interlocuteurs. Il opposait les études de la DG VI, qui étaient des études sérieuses et très reconnues sur les PECO, aux nombreuses études réalisées avec le soutien financier de la DG I.

65 Sur la base de ces travaux, un deuxième projet est élaboré en décembre 1995, commandé par le Conseil européen d’Essen [83]. Ce rapport constate dès 1995 qu’il ne sera pas nécessaire de prévoir des paiements compensatoires pour les agriculteurs en Europe centrale et orientale : « En matière d’élargissement, il n’est pas prévu de procéder à de fortes réductions de prix dans les PECO. Au contraire, pour certains produits, l’adhésion pourrait conduire à une hausse modérée des prix. Si tel est le cas, il n’y aura pas de raison économique de prévoir des compensations, du moins dans le cadre de la logique des réformes de 1992, et une plus grande attention pourra être accordée à d’autres aspects […] Dans une telle situation, une forte augmentation des revenus des seuls agriculteurs par le biais de paiements directs (compensatoires) – qui ne ferait pendant à aucune réduction de prix et s’ajouteraient même, dans certains cas, aux hausses de prix – risque de créer des disparités de revenu pouvant aboutir rapidement à des malaises sociaux dans les pays ou régions concernés. »

66 La Commission propose dans le document un approfondissement de l’approche de 1992, premièrement vers une compétitivité accrue, deuxièmement vers une politique rurale intégrée et, enfin, vers une simplification : « Poursuivre résolument l’approche présidant à la réforme de 1992 conduirait à faire une distinction plus claire entre la politique de marché et l’aide au revenu, entraînerait non seulement moins de distorsions sur le plan économique en axant d’avantage le secteur sur le marché et en contribuant à en accroître la compétitivité, mais tendrait également à faciliter l’intégration future des PECO. »

67 Enfin, le troisième projet de la DG VI était, à partir de 1995 et sur la base du document stratégique rédigé pour le Conseil de Madrid en décembre 1995, de préparer une réforme de la PAC. Elle a formé autour de l’économiste britannique Alan Buckwell, l’un des auteurs des rapports « DG I », un groupe de neuf experts économistes et quelques fonctionnaires de la Commission afin de réfléchir sur l’avenir de la Politique agricole commune. Le rapport Buckwell, à son tour, a servi de fondement à l’élaboration de l’Agenda 2000. Les deux piliers de la PAC, le pilier du développement rural et le pilier environnemental, sont ainsi dessinés. Le choix des économistes nous semble significatif puisque l’on y retrouve, tout comme parmi ceux qui avaient préparé les rapports sur l’état de l’agriculture dans les pays d’Europe centrale et orientale, les noms des experts qui ont préparé les rapports « DG I », tant rejetés par la DG VI. Toutefois, les économistes, auteurs des rapports de 1994 rédigés pour le compte de la DG I, sont des experts renommés, qui possèdent le savoir recherché par la DG VI. Nous observons ainsi comment l’expertise, même fournie par la même communauté scientifique, peut être utilisée dans la lutte bureaucratique entre les directions générales au sein de la Commission.

Une « politisation » du problème nucléaire ?

68 Dans l’Agenda 2000 que la Commission publia en juillet 1997 [84], la différenciation entre les centrales « upgradeable » et « non-upgradeable » [85] était au cœur du chapitre sur la sécurité nucléaire. Les décisions prises dans le cadre de l’Agenda 2000, fondées sur le « rapport des rapports », ont conféré aux relations entre l’UE et les pays candidats d’Europe centrale une dimension différente dans le domaine de la coopération pour la sûreté nucléaire [86]. En effet, des décisions politiques ont été prises sur la base de l’expertise et de considérations stratégico-politiques, comme l’a montré l’analyse des documents et communications internes à la Commission de 1994 à 1999. Il importait, pour les fonctionnaires travaillant au sein de la DG IA, de classifier clairement et nominalement les différentes centrales dans les pays candidats. On observe alors l’émergence d’une approche qui lie les critères d’adhésion à l’Union européenne au degré de sûreté nucléaire des centrales nucléaires, attitude très sévèrement critiquée par les groupes d’intérêt économiques et la direction générale XVII, qui est, à partir de 1996, de nouveau perçue par les groupes comme un partenaire dans le jeu intra-institutionnel.

69 La tendance à « politiser » l’expertise a été renforcée par un jeu complexe d’acteurs : la direction générale responsable de la gestion de l’élargissement (DG IA) a perçu une possibilité d’ajouter ses exigences dans le domaine de la sûreté nucléaire, pour lesquelles il n’existe pourtant pas d’acquis communautaire, aux exigences liées aux conditions d’adhésion des pays candidats de l’Europe centrale et orientale. Les groupes d’intérêt économiques actifs dans ce domaine étaient confrontés à une double contrainte : d’une part, la production de l’électricité nucléaire ne pouvait continuer que sous condition de sûreté des centrales nucléaires est-européennes ; un autre accident comme celui de Tchernobyl aurait discrédité l’énergie nucléaire dans son ensemble et, pour cette raison, toute ambiguïté en ce qui concerne le niveau de sûreté des centrales devait être exclue. D’autre part, comme nous l’avons souligné plus haut, les investissements d’un certain nombre d’industries nucléaires françaises et allemandes dans les centrales nucléaires de Mohovce, Bohunice et Kozloduy avaient été importants, et une fermeture de ces centrales mettait en cause non seulement l’effort financier entrepris, mais également la perception de la qualité du travail fourni.

70 L’examen des documents internes à la Commission montre que le sujet de la sûreté nucléaire est devenu de plus en plus important dans les discussions entre les représentants des pays candidats et la Commission à partir de 1995 [87]. Dans les rapports réguliers sur les progrès des PECO dans la transposition de l’acquis communautaire publiés en novembre 1999, la Commission rappelait les conclusions du Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999 qui a mis en avant l’importance de standards élevés de sûreté en Europe centrale et orientale et la place centrale qu’ils occupent dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne. La situation des centrales nucléaires dans les pays candidats concernés est décrite en détail et des propositions d’amélioration sont inclues [88]. Dans un certain nombre de cas, et en particulier en ce qui concerne la Bulgarie, des recommandations sont formulées sous forme d’obligations.

71 Par ailleurs, les comptes rendus des discussions nous permettent également d’observer que les pays candidats, et en particulier la Bulgarie, ont rappelé de plus en plus souvent que les compétences dans le domaine de la sûreté nucléaire appartiennent à l’État et non pas à la Commission. Face à ce discours, les fonctionnaires de la DG IA ont renforcé leurs efforts de conviction au sein de la Commission en vue de créer une approche homogène à ce problème. Ils ont également adopté un discours plus « dur » vis-à-vis des pays candidats en question, tout en intensifiant les discussions avec les pays membres. Au cours des échanges et des discussions, les responsables de la Commission argumentaient que, bien que les questions de sûreté nucléaire ne fassent pas partie de l’acquis communautaire, il était nécessaire de renforcer le sentiment de l’importance extrême que revêt pour les États membres l’acceptation et la mise en œuvre des accords internationaux de sûreté nucléaire.

72 De nouveau confronté à un certain nombre de critiques concernant sa stratégie de sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale, le Commissaire des relations extérieures politiques, Hans van den Broek, a commandé un rapport pour la fin de l’année 1997 en vue de donner suite aux recommandations formulées par le rapport des rapports. Le rapport « Contzen » a connu un développement mouvementé. Selon le président du groupe de travail (Panel of High-level Advisors) Jean-Pierre Contzen, ancien directeur général du Centre commun de recherche de la Commission, le rapport avait pour objectif de présenter une stratégie cohérente que la Commission et le Conseil puissent suivre dans le contexte de la sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale [89]. Aucun représentant des groupes d’intérêt économiques n’en faisait partie, seulement des membres des instituts de recherche universitaires. L’importance qu’accorda la Commission à ces deux rapports montre la baisse de légitimité de l’expertise fournie par les groupes d’intérêt économiques. D’une manière similaire à la situation dans le domaine agricole, la Commission, ou mieux, les services de la Commission détenant le pouvoir principal de négociation choisissent les experts selon leurs exigences du moment.

73 Dans le secteur nucléaire notamment, nous observons ainsi l’utilisation de l’expertise à des fins politiques par la Commission, constat qui n’a, en soi, rien de surprenant [90]. Cependant, l’analyse des stratégies des groupes d’intérêt économiques a montré le rôle central des services de la Commission dans l’utilisation sélective de l’expertise. C’est à la Commission que revient le choix des experts, et après s’être appuyée longuement sur l’expertise technique des acteurs économiques, la Commission a changé de partenaires experts, suite à des critiques sévères venant de l’extérieur.

74 **

75 L’analyse de ces deux études de cas nous a permis d’observer que le répertoire d’action du recours à la science n’est pas accessible à tous les groupes d’intérêt de la même manière. L’étude de la production des rapports d’expertise agricole dans le contexte de l’élargissement a montré l’absence des syndicats agricoles. Ceux-ci, représentants partisans, ne sont pas perçus comme fournisseurs d’expertise et ne se perçoivent eux-mêmes pas comme tels. La Commission, aussi bien la DG VI que la DG I ou DG IA, perçoivent les syndicats comme des représentants partisans d’un groupe de producteurs ou encore, des « clients qui cherchent de l’information ». En effet, les fonctionnaires de la DG VI constatent une augmentation des prises de contact de la part des syndicats sectoriels, transnationaux et nationaux en vue d’obtenir de l’information sur la situation agricole en Europe centrale et orientale. Il est très rare que les syndicats souhaitent présenter leurs propres études à la Commission. Ils acceptent d’emblée que l’expertise soit fournie par d’autres acteurs, ou qu’elle soit déjà existante au sein même de la Commission en ce qui concerne les documents de synthèse ou dits « stratégiques », dans la mesure où cette expertise ne contredit pas leurs positions de manière significative. Ce schéma est toutefois modifié et suit une toute autre logique dans le processus du policy-making quotidien. Les syndicats agricoles y jouent un rôle d’informateur et de contact avec le « terrain » qui est accepté, et même recherché par les fonctionnaires de la Commission. Le syndicat agricole joue donc son « rôle » vis-à-vis des acteurs politico-administratifs : cet ensemble d’attitudes et de comportements est le résultat du statut et de la position sociale dans un espace social.

76 Cependant, comme Fritz Scharpf l’avait démontré [91], l’élaboration réglementaire par la Commission européenne est fondée sur l’expertise lorsque les activités dépassent la mise en œuvre de l’intérêt commun de tous les États membres. Lorsque les intérêts nationaux divergent, ce qui est généralement le cas lors de décisions entraînant des conséquences redistributives, comme une réforme de la Politique agricole commune, l’expertise est alors nécessaire, mais ne peut pas seule légitimer les interventions [92]. Nous observons donc deux stades successifs. Lors de la préparation de l’élargissement dans le domaine agricole, nous constatons l’élaboration de l’expertise par des économistes, un processus duquel les syndicats agricoles sont exclus et s’excluent eux-mêmes, comme le montre l’analyse ci-dessus. Le second stade est celui de la négociation de la réforme de la Politique agricole commune, perçue comme nécessaire avant un élargissement, pour laquelle les syndicats agricoles interviennent à nouveau massivement [93].

77 L’analyse des stratégies et répertoires d’action des acteurs électronucléaires, quant à elle, a montré une différence d’approche lors de l’élaboration d’expertise dans le domaine de la sûreté nucléaire. La production de l’expertise a été utilisée à des fins de représentation d’intérêts. Ce répertoire d’action, que nous pouvons appeler « indirect », est utilisé pour représenter des intérêts des acteurs économiques vis-à-vis d’une administration à la recherche d’expertise.

78 Il faut souligner le rôle secondaire que jouent les ONG environnementalistes dans la production de l’expertise dans le contexte de la sûreté nucléaire en Europe centrale ou orientale. En dehors de l’expertise transmise par le gouvernement autrichien à la Commission dans le cas des centrales nucléaires de Mohovce et Bohunice et qui se fondent sur des études préparées en partie par Greenpeace Autriche, aucune contre-expertise relevant des ONG environnementalistes ne peut être trouvée dans les archives de la Commission auxquelles nous avons eu accès [94].

79 Il semble donc que nous avons observé, lors de cette étude, non pas une forme pluraliste ou néo-corporatiste des relations entre les acteurs politico-administratifs et les groupes d’intérêt au niveau communautaire, opposition sur laquelle se fondent une grande partie des recherches sur les groupes d’intérêt [95], mais une forme de représentation ad hoc, fondée sur l’expertise jugée nécessaire pour gouverner l’Europe de manière efficace. Néanmoins, l’analyse a mis en lumière l’importance de l’« interaction » entre les services de la Commission européenne et les groupes d’intérêt. Ce sont les services de la Commission qui décident de l’utilité politique de l’expertise.

80 Dans son Livre blanc sur la gouvernance européenne [96], la Commission propose toutefois des mesures pour changer cette situation : « Il y a actuellement un manque de clarté en ce qui concerne la manière dont les consultations sont menées et dont les institutions tiennent compte des avis exprimés… La Commission estime qu’elle doit rationaliser ce système peu maniable, non pour étouffer la discussion, mais pour rendre le système plus efficace et plus fiable, à la fois pour ceux qui sont consultés et pour ceux qui recueillent les avis. » Elle constate d’ailleurs que l’« on ne peut créer une culture de consultation en adoptant des réglementations qui introduiraient une rigidité excessive et risqueraient de ralentir l’adoption de politiques spécifiques. Une telle culture doit au contraire être soutenue par un code de conduite qui fixe des normes minimales et qui porte essentiellement sur les sujets, le moment, les publics et les méthodes. Par ces normes, on pourra aussi réduire les risques de voir les décideurs se contenter de tenir compte d’un seul aspect de la question ou de voir certains groupes jouir d’un accès privilégié en raison d’intérêts sectoriels ou nationaux, – talon d’Achille évident de la méthode actuelle des consultations ad hoc. » [97]

81 Enfin, comme le souligne Julien Weisbein, nous observons une tension entre deux répertoires d’action, celui de la « rue » et celui du « couloir », qui semblent emblématiques de la gouvernance elle-même [98]. Le Livre blanc sur la gouvernance en est la preuve. Toutefois, dans un contexte d’incertitude élevée ou de complexité technique, comme nous l’avons observé dans le cadre de l’élargissement, le répertoire d’action du recours à la science utilisé par les groupes d’intérêt est celui qui offre un accès au policy-making communautaire. Le groupe d’intérêt qui n’a pas recours à l’expertise pour représenter ses intérêts en reste exclu [*].

Notes

  • [1]
    Pour des études généralistes, cf. Helen Wallace, William Wallace (eds), Policy-Making in the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; Elisabeth Bomberg, John Peterson, Decision-Making in the European Union, Londres, Macmillan, 1998. Les analyses spécifiques sont nombreuses – pour n’en citer que quelques-unes : Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU : Whither Politics of Expertise ? », Journal of European Public Policy, 6 (5), 1999, p. 757-774 ; Claudio M. Radaelli, Technocracy in the European Union, Londres/ New York, Longman, 1999 ; Ellen Vos, Christian Joerges, Karl-Heinz Ladeur, Integrating Scientific Expertise into Regulatory Decision-making : National Traditions and European Innovations, Baden-Baden, Nomos, 1997 ; « Scientific Expertise in Europe », Science and Public Policy, 1995, 22 (3), p. 137-207 ; Christian Lequesne, Philippe Rivaud, « Les comités d’experts indépendants : l’expertise au service d’une démocratie supranationale », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 867-880 ; Christine Landfried, « Beyond Technocrate Governance : The Case of Biotechnology », European Law Journal, 3 (3), 1997, p. 255-272.
  • [2]
    Giandomenico Majone, Regulating Europe, Londres, Routledge, 1996 ; Fritz W. Scharpf, Governing Europe : Effective and Democratic ?, Oxford, Oxford University Press, 1999.
  • [3]
    Cf. Emiliano Grossman, Sabine Saurugger, « Étudier les groupes d’intérêt en Europe » Politique européenne, 7, printemps 2002, p. 5-18.
  • [4]
    Nous définissons les groupes d’intérêt comme des entités qui cherchent à représenter les intérêts d’une section spécifique de la société afin d’influencer les processus politiques. Cette définition très large nous permet de ne pas seulement prendre en considération les organisations d’action collective, comme les fédérations, mais aussi des entreprises qui représentent leurs intérêts aux niveaux national et communautaire. Pour une discussion de définition, cf. Andrew G. Jordan, Jeremy Richardson, Government and Pressure Groups in Britain, Oxford, Clarendon Press, 1987 ; Martin J. Smith, Pressure, Power and Policy Process. State Autonomy and Policy Networks in Britain and the US, Pittsburgh, Pittsburgh University Press, 1993 ; Wyn P. Grant, Pressure Groups, Politics and Democracy in Britain, Londres, Philipp Allan, 1989 ; Michel Offerlé, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1998.
  • [5]
    Michel Offerlé, op. cit., p. 109-127.
  • [6]
    Le terrain empirique de cette étude est adapté de notre thèse : « Vers un mode communautaire de représentation des intérêts ? Les groupes d’intérêt français et allemands dans l’Ostpolitik de l’Union européenne », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, 2001. La période de recherche est circonscrite de 1989, date de la chute du mur de Berlin à 1998, marquant le début des négociations d’adhésion avec les pays candidats.
  • [7]
    Nous utilisons la traduction « contrastes dramatiques » pour « most different », utilisée dans l’ouvrage de William Genieys, Jean Joana et Andy Smith, « Professionnalisation et condition militaire : une comparaison France Grande/Bretagne », Centre d’études en sciences sociales de la défense, septembre 2000. Le cadre de recherche (research design) est habituellement l’approche « most similar », particulièrement bien adaptée pour découvrir une corrélation entre la variable indépendante X et la variable dépendante Y, puisqu’elle permet de garder constantes les variables indépendantes et exclut donc toute possibilité de trouver une autre raison à une variance dans les résultats. Cette approche comparative a été désignée comme l’approche de préférence puisqu’elle permet de manipuler les variables indépendantes par une sélection de cas et de contrôler les différences étrangères au cas. Adam Przeworski, Henry Teune, The Logic of Comparative Social Inquiry, New York, Wiley-Interscience, 1970.
  • [8]
    Cf. Marie-Christine Kessler, Les grands corps de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 1986 ; Dominique Finon, « Les États et le nucléaire civil depuis 1955 : l’empreinte des structures étatiques et des styles politiques », dans Édith Brenac, Dominique Finon, Pierre Muller (dir.), La grande technologie entre l’État et le marché. Politiques publiques comparées, Grenoble, CERAT, 1991 ; Frédéric Ramel, Taoufik Bourgou, « La transparence dans le nucléaire français », dans Jean-Paul Picaper, Joachim Grawe (dir.), Nucléaire, l’Europe partagée, Paris, Ramsay, 2001. Pour une analyse historique du développement du pouvoir des corps des ingénieurs, cf. Terry Shinn, « Des corps de l’État au secteur industriel : genèse de la profession d’ingénieur, 1750-1920 », Revue française de sociologie, 19 (1), 1978, p. 39-71.
  • [9]
    Cf. Michael Tracy, « Les économistes et la politique agricole », Économie rurale, 223, 1990, p. 7-12 ; Ève Fouilleux, « Idées, institutions et dynamiques du changement de politique publique. La transformation de la Politique agricole commune », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France, 1998.
  • [10]
    Gisela Hendriks, Germany and European Integration. The Common Agricultural Policy : An Area of Conflict, New York/Oxford, Berg, 1991 ; Günter Schmitt, « État actuel et évolution de la recherche en économie rurale dans la République fédérale allemande », Économie rurale, 200, 1990, p. 40-43.
  • [11]
    Daniel Bell, The Comings of Postindustrial Society, New York, Basic Books, 1973 ; Corrine L. Gilb, Hidden Hierarchies, New York, Harper and Row, 1966 ; Robert A. Goldwin (dir.), Bureaucrats, Policy Analysts, Statesmen : Who Leads ?, Washington, American Enterprise Institute, 1980 ; James Everett Katz, Presidential Politics and Science Policy, New York, Praeger, 1978.
  • [12]
    Selon la définition de Christiane Restier-Melleray, l’expert présente les caractéristiques suivantes : c’est un individu ou un groupe d’individus ; il ne tient pas de lui-même sa légitimité, celle-ci lui est conférée par une instance d’autorité qui le mandate ; il est choisi en fonction de la compétence qui lui est reconnue ; son activité, faite d’examens, de constats, de vérifications, d’appréciations, d’estimations, est destinée à apporter à son mandataire des éléments permettant la formulation d’un jugement ou d’une décision ; et, enfin, le mandataire est extérieur à l’instance commanditaire de la mission et indépendant de celle-ci (Christiane Restier-Melleray, « Experts et expertise scientifique, le cas de la France », Revue française de science politique, 40 (4), août 1990, p. 546-585, notamment p. 550-551). Malgré l’indéniable utilité de cette définition, c’est ce dernier élément qui nous semble poser problème, car l’expert, comme va le montrer l’exemple français, n’est pas obligatoirement extérieur à l’instance commanditaire, mais peut en faire partie, comme on le voit dans les grands corps.
  • [13]
    Frank Fischer, Technocracy and the Politics of Expertise, Londres, Sage, 1990, p. 13.
  • [14]
    Bruno Latour, Politiques de la nature. Comment faire entre les sciences et la démocratie, Paris, La Découverte, 1999 ; Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil, 2001.
  • [15]
    Frank Fischer, op. cit., p. 171.
  • [16]
    Jean-François Thuot analyse cette forme politique en terme de démocratie fonctionnelle : « Par le biais de ses procédures (juridicisation du rapport politique, concertation, pratiques consensuelles), par son ouverture sans précédent aux particularismes sociaux (la représentativité se substituant à la représentation), la démocratie fonctionnelle vise ainsi à organiser le rapport social sans injonctions autoritaires, prétendant faire surgir les normes par le bas sans le détour d’un pouvoir situé au-dessus de la société » (Jean-François Thuot, La fin de la représentation et les formes contemporaines de la démocratie, Montréal, Éditions Nota Bene, 1998).
  • [17]
    Jeremy Richardson, « The Market for Political Activism : Interest Groups as a Challenge to Political Parties », West European Politics, 18 (1), 1995, p. 116-139.
  • [18]
    Svein S. Andersen, Tom R. Burns, « The EU and the Erosion of Parliamentary Democracy : A Study of Post-parliamentary Governance », dans Svein S. Andersen, K. A. Eliassen (eds), The EU : How Democratic Is It ?, Londres, Sage, 1996, p. 227-251. Raymond Boudon et François Bourricaud constatent, en 1986, que les groupes professionnels assument un rôle croissant dans les sociétés contemporaines et que le type de représentation légitime qu’ils diffusent est une des caractéristiques essentielles de la reconnaissance de leur capacité d’expertise (Raymond Boudon, François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, PUF, 1986, rubrique « Professions »).
  • [19]
    Cf. aussi Kenneth Featherstone, « Jean Monnet and the Democratic Deficit in the EU », Journal of Common Market Studies, 32 (2), 1994, p. 149-170.
  • [20]
    Les travaux de Jürgen Habermas des années 1970 portaient également sur cette question. Dans son ouvrage Toward a Rational Society (Boston, Beacon, 1970), Habermas différencie trois sphères du gouvernement technocorporatiste (technocorporate government). Le niveau le plus élevé est occupé par des élites politiques et économiques. Ensuite vient une strate d’experts et d’administrateurs spécialisés et enfin, un large public de masse dépolitisé. Toutefois, cette analyse doit être mise en question aujourd’hui, où nous observons l’émergence de plus en plus d’associations et organismes civiques qui peuvent être en mesure de mettre en cause les décisions politiques. Pour une analyse critique, cf. Martine Barthélémy, Associations : le nouvel âge de la participation, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
  • [21]
    Pierre Lascoumes, « La technocratie comme extension, cumul et différenciation continus des pouvoirs », dans Vincent Dubois, Delphine Dulong (dir.), La question technocratique : de l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1999, p. 187.
  • [22]
    Cette dimension d’apprentissage réciproque des acteurs a été particulièrement développée par des chercheurs allemands comme Renate Mayntz et Beate Kohler-Koch. Elles mettent surtout l’accent sur la transformation du processus politique qui prend désormais place dans un système de gouvernance, où les hiérarchies n’existent plus. Les acteurs non-étatiques prennent part au processus de prise de décision. Il s’agit d’un changement de système politique hiérarchisé vers un système horizontal caractérisé par la coopération au lieu de la compétition et des processus d’apprentissage mutuels. Cf. Beate Kohler-Koch, « Catching up with Change : The Transformation of Governance in the European Union », Journal of European Public Policy, 3 (3), 1996, p. 359-380 ; Renate Mayntz, New Challenges to Governance Theory, Florence, EUI, Robert Schuman Center, 50, 1998.
  • [23]
    Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU…, art. cité, p. 762-764 et Technocracy in the European Union, op. cit.
  • [24]
    Selon Claudio Radaelli, la visibilité politique se mesure à l’importance de la couverture médiatique et de la discussion dans l’espace publique d’un problème spécifique.
  • [25]
    Claudio M. Radaelli, « The Public Policy of the EU… », art. cité, p. 767.
  • [26]
    La typologie suivante se fonde sur le texte de Christian Lequesne et Philippe Rivaud, « Les comités d’experts indépendants : l’expertise au service d’une démocratie supranationale », Revue française de science politique, 51 (6), décembre 2001, p. 867-880, notamment p. 874.
  • [27]
    Neill Nugent, « The Leadership Capacity of the European Commission », Journal of European Public Policy, 2 (4), août 1995, p. 608.
  • [28]
    Svein S. Andersen, Tom R. Burns, « The EU and the Erosion of Parliamentary Democracy : A Study of Post-parliamentary Governance », dans Svein S. Andersen, K. A. Eliassen (eds), The EU : How Democratic Is It ?, Londres, Sage, 1996, p. 229. Cf. aussi Luc Rouban, La fin des technocrates ?, Paris, Presses de Sciences Po, 1998, p. 86-89.
  • [29]
    Martin J. Smith, « Changing Agendas and Policy Communities : Agricultural Issues in the 1930s and in the 1980s », Public Administration, 67, 1989, p. 149-165 ; Janet M. Edgen, Kenneth J. Thomson, « The Influence of UK NGOs on the Common Agricultural Policy », Journal of Common Market Studies, 37 (1), 1999, p. 121-131 ; Ève Fouilleux, « Changement de politique publique dans l’Union européenne : la politique agricole commune entre permanences et innovations », Politiques et management public, 15 (1), 1997, p. 117-137 ; Hélène Delorme, « Les agriculteurs et les institutions communautaires : du corporatisme agricole au lobbyisme agro-alimentaire », dans Didier Chabanet, Richard Balme, Vincent Wright (dir.), L’action collective en Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 313-346.
  • [30]
    Wyn Grant, The Common Agricultural Policy, Londres, Macmillan, 1997, p. 148.
  • [31]
    Parmi les dix pays candidats de l’Europe centrale et orientale à l’adhésion à l’Union européenne, sept utilisent l’énergie nucléaire pour produire une partie de leur électricité : la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie, la Lituanie, ainsi que la Roumanie où la production a commencé en 1996. Plusieurs d’entre eux, à savoir la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque, ont des réacteurs en construction et disposent de réacteurs de recherche et de test. Seule l’Estonie ne possède aucun réacteur en fonction ou en projet, tandis que la Pologne et la Lettonie ne recourent pas à la production de l’énergie nucléaire.
  • [32]
    Jean-François Thuot, op. cit.
  • [33]
    Gerhard Lehmbruch, « The Organization of Society, Administrative Strategies and Policy Networks : Elements of a Developmental Theory of Interest Systems », dans Roland Czada, Adrienne Héritier (eds), Political Choice : Institutions, Rules and the Limits of Rationality, Frankfort, Campus, 1991.
  • [34]
    Luc Boltanski, Les cadres, Paris, Minuit, 1982.
  • [35]
    Notre recherche englobe la période de 1989 à 1999, date à laquelle le processus de l’élargissement a pris toute son ampleur au travers de la décision du Conseil européen de Helsinki de décembre 1999 d’ouvrir les négociations d’adhésion avec tous les pays candidats, à l’exception de la Turquie. Or, une réforme interne de la Commission a eu lieu en automne 1999, lorsque le nouveau président de la Commission, Romano Prodi, a procédé, entre autres, à une restructuration des directions générales ainsi qu’à un changement de leur appellation. Les chiffres qui, auparavant, désignaient les différentes directions générales ont été remplacés par des noms – la DG VI est ainsi devenue la DG Agriculture. Ce changement d’appellation ainsi que la restructuration d’un grand nombre de directions générales, en particulier dans le domaine de l’élargissement, coïncide avec la fin de notre période de recherche et, pour cette raison, nous avons décidé de ne pas modifier les anciennes appellations des directions générales.
  • [36]
    Cf. pour une analyse générale des préférences « capitalistes » des hauts-fonctionnaires de la Commission : Lisbet Hooghe, « Top Commission Officials on Capitalism : An Institutionalist Understanding of Preferences », dans Mark Aspinwall, Gerald Schneider (eds), The Rules of Integration. Institutionalist Approaches to the Study of Europe, Manchester, Manchester University Press, 2001, p. 152-173. Généralement, sur l’élaboration des idées néo-libérales au sein des forums scientifiques des économistes : Bruno Jobert (dir.), Le tournant néo-libéral en Europe, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 9-20.
  • [37]
    Ève Fouilleux, « Entre production et institutionnalisation des idées : la réforme de la politique agricole commune », Revue française de science politique, 50 (2), avril 2000, p. 277-305, notamment p. 299-300.
  • [38]
    Irène Bellier, « Une culture de la Commission européenne ? De la rencontre des cultures européennes et du multilinguisme des fonctionnaires », dans Yves Mény, Pierre Muller, Jean-Louis Quermonne (dir.), Politiques publiques en Europe, Paris, L’Harmattan, 1995 ; Michelle Cini, « La Commission européenne lieu d’émergence de cultures administratives. L’exemple de la DG IV et de la DG XI », Revue française de science politique, 46 (3), juin 1996, p. 457-472 ; Lisbet Hooghe, cité.
  • [39]
    Pologne-Hongrie aide pour la reconstruction économique.
  • [40]
    Pays d’Europe centrale et orientale.
  • [41]
    Edward C. Page, People Who Run Europe, Oxford, Clarendon Press, 1997 ; Anne Stevens, Handley Stevens, Brussels Bureaucracy ? The Administration of the European Union, Basingstoke, Palgrave, 2001, p. 122-125.
  • [42]
    D’où le savoir-faire dans le domaine de l’économie agricole.
  • [43]
    H. Nallet, A. van Stolk, Les relations de l’Union européenne et des pays d’Europe centrale et orientale dans le domaine agricole et agro-alimentaire, Rapport pour la Commission européenne, 14 juin 1994.
  • [44]
    Ibid. p. 4.
  • [45]
    Entretiens, ministère de l’agriculture français, 19 novembre 1998 ; 11 janvier 2000.
  • [46]
    Banque européenne de reconstruction et de développement.
  • [47]
    H. Nallet, A. van Stolk, op. cit.
  • [48]
    Entretien DG VI, 14 mars 2001.
  • [49]
    Deutscher Bauernverband.
  • [50]
    Agrarwirtschaft, 44 (1), 1995, p. 14.
  • [51]
    Résolution du Conseil du 18 juin 1992 relative aux problèmes technologiques de sûreté nucléaire, point 5. JO C 172 du 8 juillet 1992, p. 2.
  • [52]
    Ce consortium comprend les entreprises d’électricité française EDF, belge TRACTEBEL et italienne ENEL, l’espagnole DTN, la britannique MAGNOX, la suédoise Vattenfall, la néerlandaise GKN, la finlandaise IVO/TVO, et l’association VGB, représentant en particulier l’entreprise allemande RWE.
  • [53]
    Il ne nous a pas été possible d’obtenir une liste, complète ou partielle, des contrats qui ont été conclus entre les services de la Commission et les entreprises individuelles ou les consortia qui ont été tenus confidentiels.
  • [54]
    Entretiens, EDF, 12 juin 1998 et 27 octobre 1998 ; Tractebel, 28 octobre 1999.
  • [55]
    COM(93)635 final, Communication de la Commission sur la sûreté nucléaire dans le contexte du secteur de l’électricité en Europe centrale et orientale, décembre 1993.
  • [56]
    Lors de nos entretiens avec les responsables EDF et TPEG que nous avons réalisés entre 1998 et 1999, cet argument fut souligné à plusieurs reprises.
  • [57]
    Entretien, Preussenelektra, 9 novembre 1999.
  • [58]
    Entretien, Siemens, 16 novembre 1999.
  • [59]
    Rapport spécial n° 25/98 relatif aux opérations engagées par l’Union européenne dans le domaine de la sûreté nucléaire en Europe centrale et orientale (PECO) et dans les nouveaux États indépendants (NEI) (période 1990-1997) accompagné des réponses de la Commission (présenté en vertu de l’article 188 C, paragraphe 4, deuxième alinéa du traité CE), JO n° C 35/ 1 du 9/2/1999.
  • [60]
    Document interne de la Commission pour les comités de gestion PHARE et TACIS : Stratégie de court à moyen terme pour les programmes de sûreté nucléaire PHARE et TACIS, juin 1996.
  • [61]
    Sabine Saurugger, « A Fragmented Environment ? Interest Groups and the European Commission’s Sectorisation », Politique européenne, 5, automne 2001, p. 43-68.
  • [62]
    Neill Nugent, Sabine Saurugger, « Organisational Structuring : The Case of the European Commission and its External Policy Responsabilities », Journal of European Public Policy, 9 (3), 2002, p. 345-364.
  • [63]
    Final Report, A Survey and Evaluation of the Current Situation and Prospects of Agriculture in the Central and Eastern European Countries, with Emphasis on Six States with Europe Agreements, Université catholique de Louvain (1994) ; Rapport final, L’agriculture et l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale : transition en vue de l’intégration ou intégration pour la transition, par Louis-Pascal Mahé, École nationale supérieure agronomique de Rennes, J. Cordier, H. Guyomard et T. Roe ; Final Report, Pre-accession Agricultural Policies for Central Europe and the European Union, par Stefan Tangermann, Université de Göttingen et Timothy E. Josling, Université de Stanford (1994) ; Final Report, Feasibility of an Agricultural Strategy to prepare the Countries of Central and Eastern Europe for EU-Accession, par Allan Buckwell, Wye College, University of London, Jos Hayes, CEAS Consultants (Wye) ltd. et Bespoke Economics, Kent, UK, Sophia Danidova, Véronique Courboin, Wye College, University of London, Andrzej Kwiecinski, Agricultural Policy Analysis Unit, Warsaw, Poland (1994) ; et, enfin, le Final Report, Agricultural Strategies for the Enlargement of the European Union to Central and Eastern European Countries, par Secondo Tarditi et Susan Senior-Nello, University of Siena, ainsi que John Marsh, University of Reading.
  • [64]
    Cf. aussi Ève Fouilleux, « Idées, institutions et dynamiques du changement de politique publique. La transformation de la Politique agricole commune », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France, 1998 ; Louis-Pascal Mahé, François Ortalo-Magné, Politique agricole : un modèle européen, Paris, Presses de Sciences Po, 2001.
  • [65]
    Rapport final, L’agriculture et l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale : transition en vue de l’intégration ou intégration pour la transition, par Louis-Pascal Mahé, École nationale supérieure agronomique de Rennes, J. Cordier, H. Guyomard et T. Roe, 1994, p. 83-84.
  • [66]
    Final Report, Preaccession Agricultural Policies…, cité, p. 1.
  • [67]
    Final Report, Feasibility of an Agricultural Strategy…, cité, p. 6.
  • [68]
    Le Centre commun de recherche (Joint Research Centre, JRC) est le laboratoire scientifique et technique de l’Union européenne et représente une partie intégrale de la Commission européenne. Le CCR est considéré comme une direction générale à part entière, sa structure fondée sur huit instituts spécialisés, utilisant un budget de 300 millions d’Euros par an (programmes de recherche de la Commission et des revenus propres issus des rapports élaborés pour des acteurs externes à la Commission). 27 % de ses activités relèvent du domaine nucléaire. Situés à Karlsruhe et à Rome, les instituts en question (The Institut for Transuranium Elements et The Institute for Systems, Informatics and Safety) s’intéressent plus particulièrement à des questions de protection nucléaire et à la recherche sur la sûreté opérationnelle des centrales.
  • [69]
    Entretien, Tractebel, 28 octobre 1999.
  • [70]
    Michael Hayns est professeur en mécanique et électrotechnique à l’Université d’Aston, Enno Hickens est directeur de l’institut de recherche sur la technologie nucléaire à Jülich en Allemagne.
  • [71]
    Les membres de TSOG sont l’IPSN français, l’allemand GRS, le britannique AEA-Technology, le belge AVN, l’espagnol CIEMAT, l’italien ANPA.
  • [72]
    M. R. Haynes, E. Hickens, P. Tanguy, Nuclear Safety Assessment Study. An Assessment of the Current Status of Eastern Nuclear Power Plants and some Proposals for Future Policy Directions of the EU Actions in Support of Safety Improvements. Work commissioned by DG IA, octobre 1996.
  • [73]
    Il ne semble pas tout à fait clair dans quelle mesure cette présentation pourrait aider les acteurs à économiser la somme nécessaire.
  • [74]
    Et dont l’unité « Énergie nucléaire » peut être considérée comme pro-nucléaire.
  • [75]
    Il s’agit en particulier des centrales nucléaires bulgares à Kozloduy et slovaques de Bohunice, où un consortium franco-allemand incluant Framatome, EDF et Siemens ont entrepris des travaux importants de mise à niveau.
  • [76]
    Document interne.
  • [77]
    Cf., pour l’analyse d’un cas similaire dans le secteur social, Cécile Robert, « Ressources juridiques et stratégies politiques. Analyse d’une controverse sur la dimension sociale de l’élargissement de l’Union », Sociologie du travail, 2000, p. 203-224.
  • [78]
    Entretiens, DG VI, 14 mars 2001.
  • [79]
    Conseil européen d’Essen, 9-10 décembre 1994 <http:// ue. eu. int/ Newsroom>.
  • [80]
    Le 26 juillet 1995.
  • [81]
    Commission européenne, DG VI, Rapport de synthèse. Situation de l’agriculture et perspectives dans les pays d’Europe centrale et orientale, 1995. La DG VI a actualisé cette étude en 1998. Alain Pouliquen est l’auteur d’un grand nombre d’études sur la situation agricole en Europe centrale et orientale, dont « Agricultural Enlargement of the EU under Agenda 2000 : Surplus of Farm Labour versus Surplus of Farm Products », Economics of Transition, 6 (2), 1998, p. 505-522.
  • [82]
    Entretiens, DG VI, 14 mars 2001.
  • [83]
    CSE (95) 607, Étude sur les différentes stratégies pouvant être suivies pour développer les relations entre l’Union européenne et les pays associés dans le domaine de l’agriculture, dans la perspective de l’adhésion future de ces pays, Document de stratégie agricole, 16 novembre 1995.
  • [84]
    COM(97) 2000 final, 15 juillet 1997.
  • [85]
    Les centrales « upgradeables » peuvent être mises proche du niveau occidental de sûreté nucléaire, les centrales « non-upgradeables » doivent être démantelées.
  • [86]
    Cf. aussi COM(97) 401 final, Communication de la Commission sur les industries nucléaires dans l’UE (programme indicatif nucléaire au sens de l’article 40 du traité Euratom), 25 septembre 1997.
  • [87]
    Elle qui ne possédait juridiquement que très peu des compétences dans ce domaine, créa néanmoins, à partir de 1993, des sous-comités « Énergie et nucléaire », ce qui entraînait des commentaires critiques, notamment de la part des acteurs économiques et administratifs français. Un de nos interlocuteurs s’est exclamé : « Et pendant tout ce temps, la Commission tentait toujours d’avoir plus de compétences dans un domaine où, normalement elle n’en avait aucune » : Entretien, CEA, 7 décembre 1998.
  • [88]
    Rapports réguliers, 1999, <www. europa. eu. int/ comm/ enlargement/ report-11-99/ download-1999. htm> ; en particulier la Lituanie et la Bulgarie.
  • [89]
    Panel of High-Level Advisors on Nuclear Safety in Central and Eastern Europe and in the New Independent States. A Strategic View for the Future of the European Union’s Phare and Tacis Programmes, août 1998.
  • [90]
    Comme l’a montré en particulier Claudio M. Radaelli, « Networks of Expertise and Policy Change in Italy », South European Society and Politics, 3 (2), 1998, p. 1-22 ; Claudio M. Radaelli, Technocracy in the European Union, Harlow, Longman, 1999 ; John Peterson, Elisabeth Bomberg, Decision-Making in the European Union, Basingstoke, Macmillan, 1999.
  • [91]
    Fritz W. Scharpf, op. cit.
  • [92]
    Renate Mayntz, New Challenges to Governance Theory, Florence, EUI, Robert Schuman Center, 1998, 50, p. 15.
  • [93]
    Sabine Saurugger, « Vers un mode communautaire de représentation des intérêts ? Les groupes d’intérêt français et allemands dans l’Ostpolitik de l’Union européenne », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, 2001.
  • [94]
    Pour le cas similaire de Tchernobyl, cf. Emmanuelle Mühlenhöver, « Origines, fonctions et trajectoires de l’argument environnemental en politique étrangère. Une étude des diplomaties électronucléaires françaises et américaines de Tchernobyl à La Haye », thèse de doctorat, Institut d’études politiques de Paris, novembre 2001.
  • [95]
    Justin Greenwood, Jürgen Grote, Karsten Ronit (eds), Organised Interests in the European Community, Londres, Sage 1992 ; Marcus P. C. M. van Schendelen, (ed.), National Public and Private EC Lobbying, Aldershot, Dartmouth, 1992 ; Sonia Mazey, Jeremy J. Richardson (eds), Public Lobbying in the European Community, Oxford, Oxford University Press, 1993 ; Paul-Henri Claeys et al (dir.), Lobbyisme, Pluralisme et Intégration européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1998 ; Franz Traxler, Philippe C. Schmitter, « The Emerging Euro-Polity and Organized Interest », European Journal of International Relations, 1 (2) 1995, p. 200-201 ; Wolfgang Streeck, Philippe C. Schmitter, « From National Corporatism to Transnational Pluralism : Organized Interests and the Single European Market » Politics and Society, 19 (2), 1991, p. 133-164 ; Gerda Falkner, Interest Groups in a Multi-level Polity : The Impact of European Integration on National Systems, RSC 1999/34, EUI Working Papers, 1999.
  • [96]
    COM (2001) 428 final, Gouvernance européenne, Un livre blanc, 25 juillet 2001.
  • [97]
    Ibid., p. 20.
  • [98]
    Julien Weisbein, « Le militant et l’expert : les associations civiques face au système politique européen », Politique européenne, 4, printemps 2001, p. 105-118.
  • [*]
    L’auteur remercie pour leurs commentaires Bastien Irondelle, Patrick Le Galès et Pierre Muller
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