Notes
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[1]
« L’homme dépend très étroitement de son reflet dans l’âme d’autrui, cette âme fût-elle celle d’un crétin », W. Gombrowicz.
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[2]
Freud écrit, en anglais dans le texte : a narrow escape.
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[3]
En anglais dans le texte : a blessing in disguise.
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[4]
Notre traduction.
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[5]
Là aussi les positions de Lacan reprennent des conceptions anciennes.
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[6]
La formule de Fenichel décrit le transfert : « The patient misunderstands the present in terms of the past. »
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[7]
Cités par D. W. Orr, S. Ferenczi et O. Rank (1923), The Development of Psychoanalysis, New York et Washington, Nervous & Mental Disease Publishing Co., 1925.
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[8]
En 1927, « Lectures on Technique in Psycho-Analysis ».
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[9]
Selon toute vraisemblance, Racker ne connaissait pas l’existence de la conférence de Winnicott lorsqu’il a prononcé la sienne.
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[10]
La première version de cet article, présentée en janvier 2005 dans le cadre du Séminaire de formation permanente de la Société psychanalytique de Paris, comportait une présentation plus développée de l’apport de Racker. L’article que A. Goyena consacre à cet auteur dans ce même numéro de la RFP est très complet. Nous avons également abrégé ce qui concerne l’apport de Paula Heimann, bien connu.
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[11]
Ultérieurement, Margaret Little étendra son approche du contre-transfert et de l’engagement de l’analyste à ce qu’elle appellera la « réponse totale de l’analyste aux besoins du patient ». Elle limitera le terme de contre-transfert aux éléments inconscients susceptibles d’obérer le fonctionnement analytique, partie essentielle mais partie seulement, de la « réponse totale ». Cette réponse totale recouvre tous les éléments du psychisme de l’analyste et exige de sa part « un engagement à 100 % ».
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[12]
Lacan reste l’héritier de l’idée d’une observation objective.
“ Nous nous abusons nous-même si nous pensons que nous échappons au contre-transfert. ”
1Pourrait-on dire que le contre-transfert est le reflet du patient dans l’âme du psychanalyste ? Le rôle de miroir du psychanalyste est en tout cas en cause dans la question du contre-transfert et ce qu’il réfléchit du patient, grandement dépendant de la couleur de son tain [1].
2En tout état de cause la prise en compte du contre-transfert est devenue, avec le temps, l’élément central de la conduite de la cure psychanalytique, au point de constituer actuellement ce qui différencie la pratique psychanalytique traditionnelle – celle qui s’inscrit sans rupture dans la continuité de la pratique développée à partir de celle de Freud – et les formes d’ « analyses » qui s’en éloignent au point de constituer des pratiques si différentes que le terme de « psychanalyse » ne peut plus guère s’appliquer à leur sujet. Cela a été autrefois le cas du jungisme et c’est aujourd’hui celui de nombreuses pratiques qui se réclament de la psychanalyse mais en diffèrent autant que « la craie du fromage » – pour reprendre ici l’expression de Glover.
3Dans « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », publié en 1961, Lacan souligne, dès le premier paragraphe, ce qu’il appelle l’ « impropriété conceptuelle » de la notion de contre-transfert, balayant d’un revers de main toute influence de la personne de l’analyste. Tout son article se déroulera sous le signe d’une démonstration de l’indépendance du déroulement de l’analyse par rapport au psychisme de l’analyste. C’est pourquoi rien ne l’irrite plus que le propos de Sacha Nacht selon lequel « ce n’est pas tant ce que l’analyste dit ou fait » qui compte « mais ce qu’il est ». Pour Lacan, à l’évidence, l’analyste doit être au-dessus de ça. « ... Ce qu’il y a de certain, c’est que les sentiments de l’analyste n’ont qu’une place possible dans ce jeu [le jeu de l’analyse], celle du mort ; et qu’à le ranimer, le jeu se poursuive sans qu’on sache qui le conduit. » En somme tout vient du patient. Aujourd’hui les positions de Jacques Alain Miller sur ce point sont plus radicales encore que celles de Lacan : « Si l’on cherche ce qui sépare les lacaniens et les autres on trouve ceci : le maniement du contre-transfert est absent de la pratique analytique d’orientation lacanienne, il n’y est pas thématisé et cela est cohérent avec la pratique lacanienne de la séance brève comme avec les doctrines lacaniennes de l’inconscient » ; l’attention portée par l’analyste au contre-transfert est non seulement suspecte – « la durée de la séance est comme amputée du temps d’auto-analyse prélevé sur elle » – mais constitue un « obstacle épistémologique à l’élaboration clinique du cas » et doit donc être considérée comme un manquement à l’éthique.
4D’un côté, donc, analyser le contre-transfert est une faute éthique ; de l’autre, l’analyse du contre-transfert est une exigence de tous les instants.
5La position de Lacan selon laquelle à « ranimer » le jeu des sentiments de l’analyste « on ne sache plus qui conduit le jeu » de l’analyse, est, en fait, une transposition à usage personnel des premières formulations concernant le contre-transfert, conçu au début comme un obstacle à la cure.
6La première apparition du terme sous la plume de Freud se trouve dans une lettre à Jung qui lui a appris, par télégramme, qu’il avait eu des relations sexuelles avec sa patiente Sabina Spielrein. Freud se montre particulièrement indulgent et fait porter la responsabilité de l’affaire sur le comportement séducteur féminin :
« De telles expériences, bien que douloureuses, sont nécessaires et difficiles à éviter. Sans elles nous ne connaîtrions pas réellement la vie et ce que nous faisons. En ce qui me concerne, je ne m’y suis jamais fait prendre aussi gravement mais j’en ai été très près à plusieurs reprises et n’y ai échappé que de peu [2]. Je crois que ce sont les tristes nécessités de la vie qui pesaient sur mon travail, et le fait que j’avais dix ans de plus que vous quand j’en suis venu à l’analyse qui m’ont préservé d’expériences semblables. Mais cela ne laisse pas de blessure durable. Elles nous aident à développer la peau épaisse dont nous avons besoin pour dominer “le contre-transfert”, lequel constitue, après tout, un problème permanent pour nous. Elles nous enseignent à placer nos propres affects dans une situation plus avantageuse. C’est un mal pour un bien [3]. La façon dont les femmes s’y prennent pour nous charmer au moyen de toutes les perfections concevables de l’esprit, jusqu’à ce qu’elles atteignent leur but, est l’un des plus grands spectacles de la nature. Une fois le succès obtenu ou que son inverse est devenu certain, la constellation change de façon étonnante. » [4]
8Tout vient du patient, et singulièrement de la patiente, il reste à l’analyste de se cuirasser la peau pour « dominer son contre-transfert » conçu essentiellement comme de l’ordre de la tentation érotique et amoureuse. C’est en fait cette conception qui sous-tend la première apparition officielle du contre-transfert dans la littérature analytique, en 1910, dans « Perspectives d’avenir de la thérapeutique analytique » : « Notre attention s’est portée sur le “contre-transfert” qui s’établit chez le médecin par suite de l’influence qu’exerce le patient sur les sentiments inconscients de son analyste. Nous sommes tout près d’exiger que le médecin reconnaisse et maîtrise en lui-même ce contre-transfert. » Suivent la recommandation d’une analyse de l’analyste – et que celui-ci ne cesse jamais de l’approfondir par l’auto-analyse –, et l’avis selon lequel quiconque ne peut pratiquer une semblable auto-analyse « fera bien de renoncer sans hésitation, à traiter analytiquement des malades ».
9Cette définition est toujours la nôtre, mais l’arrière-plan érotique des comportements de Jung (et d’autres...) fait insister Freud sur la « maîtrise » du contre-transfert et sa domination, alors même que sa définition est plus large et porte sur les « sentiments inconscients de l’analyste » plus difficiles à repérer que les sentiments amoureux ou érotiques, fort conscients, soulevés chez l’analyste par la séduction de telle patiente. Et Freud de recommander une attitude analogue à celle du chirurgien :
« Je ne saurais trop instamment recommander à mes collègues de prendre comme modèle, au cours du traitement analytique, le chirurgien. Celui-ci, en effet, laissant de côté toute réaction affective et jusqu’à toute sympathie humaine, ne poursuit qu’un seul but : mener aussi habilement que possible son opération à bien. Dans les conditions actuelles, la tendance affective la plus dangereuse, celle qui menace le plus l’analyste, c’est l’orgueil thérapeutique... »
11La nécessaire reconnaissance et l’élaboration du contre-transfert dans sa dimension inconsciente, présentes dans la définition de 1910, devront attendre presque quarante ans pour se développer véritablement.
12La difficulté à gérer le contre-transfert et ses paradoxes a été admirablement exprimée par Ferenczi dans Élasticité de la technique psychanalytique :
« ... On se rend compte à quel point le travail psychique fourni par l’analyste est compliqué, en vérité. On laisse agir sur soi les associations libres du patient et en même temps on laisse sa propre fantaisie jouer avec ce matériel associatif ; entre-temps on compare les connexions nouvelles avec les résultats antérieurs de l’analyse sans négliger, fût-ce un seul instant, la prise en compte et la critique de ses tendances propres. »
L’ATTITUDE DE L’ANALYSTE ET LE TRANSFERT
14L’idée que tout vient du patient dans le contre-transfert, idée manifeste dans la lettre à Jung que nous venons de citer, n’a pas seulement valeur d’excuse pour les transgressions sexuelles et amoureuses trop nombreuses – et qui font finalement perdre à Freud sa belle indulgence du début – mais constitue le symétrique de la conception selon laquelle le transfert est un phénomène spontané qui se développe chez le patient de façon indépendante par rapport à l’attitude de l’analyste [5]. Bien que Freud ait invoqué la nécessité d’« attacher l’analysé à son traitement et à la personne du praticien », il élimine ou réduit au minimum tout ce qui pourrait constituer une attitude active de l’analyste dans le surgissement du transfert, il écrit en effet :
« Le premier but de l’analyse est d’attacher l’analysé à son traitement et à la personne du praticien. Pour ce faire, laissons agir le temps. Si le médecin témoigne d’un sérieux intérêt à son malade, s’il supprime avec soin les premières résistances qui surgissent et qu’il évite certaines bévues, le malade s’attache de lui-même à l’analyste et le range parmi les imagos de ceux dont il avait accoutumé d’être aimé. L’analyste risquerait de réduire à néant ce premier succès s’il témoignait envers son patient d’autres sentiments que celui d’une sympathie compréhensive... »
16Freud cherche à distinguer ainsi la pratique de la psychanalyse de celle de l’hypnose et de toutes les formes de suggestion directe. Il soumet cependant l’analyste à une situation paradoxale : faire cohabiter en lui la froideur du chirurgien et « la sympathie compréhensive ». Les discussions actuelles sur le contre-transfert continuent, du reste, d’opposer ces deux pôles : l’analyste miroir et l’analyste être humain empathique.
17Mais l’imposition du cadre, qui remplace l’imposition des mains, représente en fait à elle seule un coup de force, une action de l’analyste, qui provoque le transfert, en particulier dans ses dimensions régressives.
18C’est Ida Mac Alpine qui, beaucoup plus tard, développera les conséquences de cet acte inaugural de l’analyste – placer le patient dans la situation analytique – sur les aspects régressifs du déroulement du transfert liés au cadre lui-même : « La technique analytique crée une situation infantile dont la neutralité de l’analyste est seulement un élément parmi d’autres. » Elle reprend pourtant l’essentiel de la perspective classique de Freud et formule ainsi son point de vue :
« La relation transférentielle analytique, à rigoureusement parler, ne doit pas être décrite comme une relation entre l’analysé et l’analyste, mais plus précisément comme la relation de l’analysé à son analyste. L’analyse maintient le patient en situation d’isolement. Dans sa nature essentielle, l’analyse, en opposition à l’hypnose, ne constitue pas une foule à deux. Il ne faut pas nier pour autant que l’analyse est un “travail d’équipe” ; dans cette mesure une relation “objective” existe entre l’analyste et l’analysé. Parce que l’analyste reste en dehors du mouvement régressif, parce que c’est son devoir de se montrer résistant au contre-transfert grâce à sa propre analyse, la suggestion n’a pas de part intrinsèque dans la méthode psychanalytique classique. »
20Elle tire cependant quelques conséquences sur le contre-transfert des aspects régressifs qu’elle souligne dans la situation analytique :
« L’analyste lui-même est également soumis à la situation infantile dont il fait partie. En fait, la situation infantile à laquelle il est exposé contient un facteur infantile plus important encore, l’analysé qui régresse. Le Moi de l’analyste est aussi scindé en une part qui observe et une part qui éprouve. L’analyste a l’expérience de sa minutieuse analyse personnelle et sait ce qui l’attend, et, de surcroît, à l’inverse de son analysé, se trouve dans une situation d’autorité. Alors que c’est le travail de l’analysé que de s’adapter par la régression à la situation infantile, il incombe à l’analyste de résister à une adaptation de cet ordre. Alors que l’analysé doit faire l’expérience du passé et observer le présent, l’analyste doit éprouver le présent et observer le passé ; il doit résister à toute tendance intérieure à la régression. S’il devient la victime de sa propre technique et éprouve le passé au lieu de l’observer, il est sujet à une contre-résistance. Le phénomène du contre-transfert peut être très bien décrit en paraphrasant la formule de Fenichel : l’analyste déforme le passé par référence au présent. » [6]
22La potentialité contre-transférentielle d’une régression est donc bien perçue par Ida Mac Alpine, en particulier l’invitation à la régression constituée par la régression transférentielle de son patient, mais elle reprend à sa manière la conception de Freud : contrôler, maîtriser le contre-transfert. L’importance attachée à l’expérience du présent est dans la ligne des précepts techniques qui privilégient l’analyse du hic et nunc de la séance.
ÉVOLUTION DE LA NOTION DE CONTRE-TRANSFERT
23Il est frappant de constater la rareté des articles sur le contre-transfert entre les deux guerres mondiales et l’efflorescence de la littérature sur le sujet après 1945, au point que la question du contre-transfert infiltre même nombre d’articles qui ne lui sont pas explicitement consacrés. Il serait hors de proportions de chercher à donner une revue exhaustive de la littérature sur le sujet. Nous nous bornerons à évoquer quelques articles qui font figure de jalons dans l’évolution des conceptions sur le sujet. Cette évolution conduira peu à peu à un usage du contre-transfert fondamental pour le déroulement de la cure mais aussi à des positions intersubjectivistes ou à des recommandations techniques qui défendent la communication, partielle le plus souvent, mais parfois extensive, le dévoilement, d’éléments contre-transférentiels aux patients, qui se rapprochent finalement des tentatives d’analyse mutuelle de Ferenczi. Nous renvoyons, pour une étude plus approfondie, aux travaux qu’a présentés Louise de Urtubey.
24On verra progressivement se développer un mouvement de conquête du contre-transfert. Celui-ci s’enrichira de trois courants d’influences : un courant dérivé de la méfiance freudienne à l’égard des incartades contre-transférentielles, valorisant le rôle de miroir de l’analyste et la métaphore du chirurgien, mais qui prendra de plus en plus en compte la dimension de transfert de l’analyste sur le patient ; un courant ferenczien mettant en évidence le rôle actif de l’analyste dans la situation analytique et la possibilité de communiquer au patient un certain nombre de sentiments de l’analyste, enfin l’influence kleinienne qui développera l’aspect projectif de l’ensemble transfert-contre-transfert et sa description en termes d’identification projective.
25Selon D. W. Orr, auteur d’une revue historique sur les notions de transfert et de contre-transfert, c’est en 1923 qu’a été présentée, par Adolph Stern, la première étude consistante sur le thème du contre-transfert ; celui-ci le définit comme « le transfert que l’analyste développe sur son patient ». Il s’agit donc d’une définition forte qui dépasse le registre de la séduction amoureuse ou de réactions au transfert du patient. Pour Stern, le contre-transfert a la même origine que le transfert du patient : les éléments infantiles de l’analyste ; pour la même raison, il se manifeste de la même manière que le transfert. Il souligne cependant que, du fait de la formation qu’a entreprise l’analyste, ses connaissances théoriques et sa réelle expérience clinique « réduisent considérablement le champ d’activité du contre-transfert en comparaison des formes multiples que prend le transfert chez les patients ». Il cherche également à distinguer les composantes libidinales du contre-transfert et celles qui appartiennent au Moi. On retrouvera ultérieurement des tentatives analogues de distinguer différents aspects du contre-transfert en fonction de l’importance des aspects libidinaux mais aussi des instances ou du narcissisme de l’analyste.
26C’est le cas de Ferenczi et Rank [7] : « Le narcissisme de l’analyste semble favoriser l’apparition d’une source particulièrement féconde en erreurs ; parmi celles-ci le développement d’une sorte de contre-transfert narcissique qui induit la personne en analyse à mettre en avant des choses qui flattent l’analyste, et d’un autre côté à supprimer remarques et associations de nature déplaisante en relation avec celui-ci. » Plus tard, Fenichel formulera que « l’expérience montre que les tensions libidinales de l’analyste sont beaucoup moins dangereuses que ses besoins narcissiques et ses luttes contre ses angoisses ».
27On voit apparaître chez Glover [8] la notion de contre-transfert négatif (par opposition au contre-transfert positif) et de contre-résistance ; sans négliger les facteurs liés à la personnalité de l’analyste, il évoque surtout ces notions par rapport aux réactions de transfert du patient et à sa névrose de transfert. C’est lui qui introduira l’expression de « toilette contre-transférentielle » pour désigner une forme de questionnement sur soi-même, nécessaire avant de recevoir chaque patient...
28Mais si un consensus n’apparaît pas quant à une définition serrée du contre-transfert, les analystes sont finalement d’accord sur l’universalité du phénomène et pourraient souscrire à la formulation suivante : « Il est impossible pour le médecin de ne pas avoir de réaction à l’égard du patient et c’est ce que l’on appelle contre-transfert » (English et Pearson).
29On voit donc bien apparaître peu à peu le caractère inéluctable du contre-transfert, cependant celui-ci reste perçu comme un obstacle, une source d’erreurs ou de fautes, et l’idée se maintient d’une neutralité possible et souhaitable de l’analyste par rapport au déroulement du transfert. Ce n’est que par à-coups que l’omniprésence de l’analyste et de son psychisme pour le patient tiendra de plus en plus de place dans la compréhension du déroulement du transfert lui-même.
Alice et Michael Balint
30Alice et Michael Balint, juste avant la guerre, abordent précisément cette question : le transfert est-il apporté par le patient tout seul, l’analyste ne constituant qu’un parfait miroir, ou le comportement de l’analyste y est-il pour quelque chose ? « La croyance initiale dans la valeur absolue de l’attitude en miroir était si forte que la contester pouvait être considéré comme un signe de trahison. » Ils résument d’une formule lapidaire l’opinion la plus fréquemment en cours à l’époque : « Si, et quand, l’analyste a influencé la situation transférentielle par quelqu’autre moyen que l’interprétation, il a commis une faute lourde. » Ils ont beau jeu de montrer – en dehors même de toute réaction contre-transférentielle proprement dite – que l’analyste influence le patient de mille manières, que ce soit du fait de son sexe, de sa vêture, de la décoration de son appartement, de la façon dont il traite la question du coussin placé sous la tête du patient – avec ou sans serviette de papier – la façon dont il met fin à la séance, par le rythme et la quantité de ses interventions, toutes choses qui lui sont personnelles. La personnalité de l’analyste, laquelle transparaît à travers tous ces éléments, a, qu’il le veuille ou non, un impact sur l’organisation du transfert de ses patients.
31L’idée que la situation analytique pourrait être d’une asepsie toute chirurgicale leur paraît fondée sur un idéal inatteignable en pratique. Pour les Balint donc, « la situation analytique est le résultat d’une interaction entre le transfert du patient et le contre-transfert de l’analyste ». Notons qu’ils parlent de « la situation analytique » et non de ce qui constitue l’analyse proprement dite et qu’ils maintiennent le point de vue d’un écart, d’une asymétrie de situation entre l’analysé et l’analyste et que l’analyste doit maintenir. Complémentairement, ils relativisent l’importance des variables individuelles liées à chaque analyste : alors que l’on pourrait penser que ces particularités de styles peuvent avoir une influence considérable sur le résultat du traitement, « assez curieusement cela ne semble pas être le cas. Nos patients, à quelques rares exceptions près, sont susceptibles de s’adapter d’eux-mêmes à ces atmosphères individuelles et à développer leur propre transfert, presque sans altération due au contre-transfert de l’analyste ».
32On ne peut donc faire de leur article une préfiguration des points de vue des intersubjectivistes, et ils insistent sur le fait que l’analyse du patient exige que celui-ci « apprenne à connaître son propre psychisme inconscient et non celui de son analyste ».
33Il reste que l’influence inéluctable de la personnalité de l’analyste, de son style – l’ « homme même », selon Buffon – sur le transfert, n’élimine pas l’idée que chercher à « influencer la situation transférentielle » par d’autres moyens que l’interprétation ne soit un écart par rapport à la méthode analytique elle-même ; d’autre part, la question de l’influence de la personnalité de l’analyste sur le déroulement du transfert est distincte de la question du contre-transfert en tant que mouvement psychique spécifiquement déclenché, chez l’analyste, par chacun de ses patients.
34Le transfert est bien provoqué par le coup de force de l’analyste, qui plonge le sujet dans une situation inédite, et influencé par son style personnel ; mais le contre-transfert, même s’il se fonde sur un mouvement préalable, sur une attitude préexistante de l’analyste, prend sa spécificité dans la rencontre avec le patient plongé dans la situation analytique.
D. W. Winnicott
35L’après-guerre voit apparaître une efflorescence de contributions sur le contre-transfert. La plus célèbre et la première, est celle de D. W. Winnicott, « La haine dans le contre-transfert », conférence donnée en 1947 et publiée deux ans après ; elle est suivie un an plus tard par celle de Heinrich Racker qui évoque aussi dans « Contribution au problème du contre-transfert », mais d’une autre manière, la question de la haine dans le contre-transfert [9]. Ils précèdent de peu Margaret Little, Annie Reich, Paula Heimann, Harold Searles ...
36Prononcée donc en 1947 et publiée en 1949, la conférence de Winnicott constitue un point d’inflexion dans l’histoire de la psychanalyse. Écrire que l’analyste pouvait éprouver des sentiments de haine pour son patient avait peut-être été déjà fait à l’occasion, mais en faire tranquillement le sujet de tout un article était radicalement nouveau. Ce qu’il développe dans cette contribution repose essentiellement sur ses tentatives de traitement psychanalytique des psychotiques, et sur la place que la haine y occupe : « Je pense que le travail de l’analyste (disons analyste d’investigation) qui entreprend l’analyse d’un psychotique est sérieusement grevé par ce phénomène, et que l’analyse des psychotiques s’avère impossible tant que la haine propre à l’analyste n’est pas parfaitement perçue et consciente. » Il admet en effet – pour tout soignant – le caractère « irritant » du travail avec les psychotiques, le « fardeau émotionnel » que cela implique d’assumer : « Quel que soit son amour pour ses malades, il ne peut éviter de les ha ïr et de les craindre, et mieux il le sait, moins il laissera la haine et la crainte déterminer ce qu’il fait à ses patients. »
37Mais il apparaît au cours de l’article que ce qui est vrai avec les patients psychotiques l’est aussi avec les patients ordinaires. Il est nécessaire pour l’analyste de ne pas « nier la haine qui existe réellement en lui ». « L’une des tâches principales de l’analyste, avec tout patient, est de rester objectif à l’égard de tout ce que le patient provoque, et en particulier par rapport à la nécessité pour l’analyste d’être en mesure de ha ïr son patient objectivement. » La haine « objective » est pour Winnicott une haine justifiée par le comportement du patient ou par son état qui le rend ha ïssable et non par des projections de l’analyste. Toute la difficulté est évidemment de délimiter le rôle des projections de l’analyste dans la perception même de ce qui se passe chez le patient. La difficulté à manier sa propre haine est, nous dit Winnicott, moins malaisée dans l’analyse des névrosés : « Dans l’analyse ordinaire, l’analyste n’a pas de difficultés à manier sa propre haine. Cette haine reste latente. (...) La haine reste inexprimée ou n’est même pas ressentie. » L’analyste a du reste le moyen de faire usage de sa haine : « En outre, comme analyste, j’ai des façons d’exprimer la haine. La haine s’exprime par le fait que chaque séance a une fin. »
38Cependant cette moins grande difficulté à gérer la haine avec les névrosés n’est que relative – Racker l’illustrera très bien de son côté – et ce que nous dit Winnicott montre que les choses ne sont pas si simples de rester plus facilement latentes. L’inventaire qu’il fait par exemple des possibles motifs de haine d’une mère pour son enfant est transposable en termes de motifs de haine que l’analyste est susceptible d’éprouver dans les situations ordinaires de l’analyse. On pourrait presque traduire ligne à ligne : « Il [l’enfant] l’excite mais la frustre – elle ne doit pas le manger ni avoir de commerce sexuel avec lui », devient dans le cadre de la cure une formulation de la règle d’abstinence, motif de haine pour l’analyste, et ainsi de suite.
39Mais comment traduire en termes contre-transférentiels cette formule : « J’émets l’hypothèse que la mère hait le bébé avant que le bébé ne puisse ha ïr la mère et avant de savoir que sa mère le hait ? » Cette formule, qui semble dérivée de celle de Freud selon laquelle l’objet est connu dans la haine, impliquerait une sorte de précession de la haine dans le contre-transfert, nécessaire au déroulement du transfert dans tous ses aspects. Les aménagements du cadre analytique seraient ainsi, comme la fin de chaque séance, une façon de formuler d’emblée une haine préalable et bien tempérée. La revendication, fréquente aujourd’hui, de « souplesse du cadre » irait alors dans le sens d’un évitement de cette part de haine, fondatrice de la situation analytique. L’accent mis sur l’empathie, si nécessaire qu’elle soit, pourrait ainsi entraîner vers une forme de sentimentalité dont Winnicott nous indique les inconvénients :
« La sentimentalité est inutile pour les parents car elle implique un déni de la haine, et la sentimentalité chez une mère n’est pas du tout bonne du point de vue de l’enfant. Je doute grandement qu’un petit d’homme au cours de son développement soit capable de tolérer toute l’étendue de sa haine dans un environnement sentimental. Il lui faut haine pour haine. » « Si tout cela est vrai, on ne peut attendre d’un patient psychotique en analyse qu’il tolère sa haine de l’analyste, sauf si l’analyste peut le ha ïr. »
41Formule sans doute exacte pour tout patient...
42Quant à la question de l’interprétation, au patient, de la haine de l’analyste, Winnicott considère qu’il s’agit « à l’évidence d’un sujet lourd de dangers, et qui nécessite que le moment soit choisi avec le plus grand soin ». Pourtant il semble persuadé
« qu’une analyse est incomplète si, même à la fin de l’analyse, il n’a pas été possible à l’analyste de parler au patient de ce que lui, l’analyste, a fait à l’insu du patient pendant qu’il était malade, dans les premiers temps [de l’analyse]. Tant que cette interprétation n’est pas faite, le patient est en quelque sorte maintenu dans la position d’un enfant, d’un enfant qui ne peut comprendre ce qu’il doit à sa mère ».
44Ce n’est pas tout à fait de la self disclosure mais il est possible que l’influence de Winnicott ait joué un rôle dans le développement des tenants d’une intersubjectivité ouverte aux éclats de la transparence. Notons au passage que la self disclosure, pour être valable, exigerait une connaissance précise par l’analyste de ce qui se passe en lui, ce qui est impossible du fait de la lenteur des mouvements de prise de conscience des phénomènes inconscients, et que ce n’est souvent qu’après coup, parfois après la fin d’une analyse, que l’analyste comprend ce qui a pu réellement se passer lors de telle séance avec ce patient-là. Le « dévoilement » de l’analyste pourrait bien être guidé souvent par la haine. Pour l’analyste, étudier les conditions d’apparition de la haine en lui est la condition par laquelle on peut « espérer éviter que le traitement ne soit adapté aux besoins du thérapeute plutôt qu’à ceux du patient », comme le formule Winnicott.
Heinrich Racker [10]
45Contemporaine du texte de Winnicott que nous venons d’évoquer, la contribution de Racker lui est parfaitement complémentaire. Tout son article illustre le caractère inéluctable du contre-transfert : l’analyste est prédisposé à des sentiments vis-à-vis du patient « avant même de l’avoir rencontré ».
46Là encore le contre-transfert reste envisagé par Racker dans toutes ses dimensions négatives ; ce qui l’intéresse le plus, « c’est la part névrotique du contre-transfert qui perturbe le travail de l’analyste ». « La part pathologique du contre-transfert est l’expression d’une névrose comme un autre, et doit être explorée avec tous les moyens dont dispose l’analyse. » Ainsi ce qu’il désigne comme « névrose de contre-transfert » n’est pas le symétrique de la névrose de transfert mais décrit une pathologie du contre-transfert. Il rapporte d’ailleurs dans son article des cas de véritables maladies contre-transférentielles.
47La question de la haine dans le contre-transfert est envisagée par Racker – en toute méconnaissance de ce que Winnicott avait pu en dire – d’une façon qui lui donne une place quasi inéluctable dans toute analyse.
« Ainsi la résistance, dans l’un de ses aspects, est la haine, à laquelle l’analyste réagit parfois par de la haine de sa part, il tombe alors dans un piège tendu pour lui par sa propre névrose. (...) Et il y croit parce que le patient a un allié puissant à l’intérieur de la propre personnalité de l’analyste – les mauvais objets de ce dernier qui le ha ïssent et qu’il hait. Et un analyste peut en venir à ha ïr au même degré un patient qui se trouve dans une intense résistance. (...) L’analyste se défend des attaques de son surmoi par sa haine contre le patient. »
Paula Heimann
49C’est à Paula Heimann – en 1949 – que l’on doit l’idée que le contre-transfert doit être considéré comme un outil et non comme un obstacle à éliminer : « Ma thèse est que la réponse émotionnelle de l’analyste à son patient dans la situation analytique constitue l’un des outils les plus importants pour son travail. Le contre-transfert de l’analyste est un instrument d’investigation de l’inconscient du patient. » Elle donne du contre-transfert une définition assez large et pragmatique :
« ... j’utilise le terme de contre-transfert pour rassembler toutes les impressions qu’éprouve l’analyste par rapport à son patient. On peut avancer que cet usage n’est pas correct et que le contre-transfert désigne simplement le transfert de la part de l’analyste. Cependant je suggère que le préfixe “contre” implique des facteurs supplémentaires. »
51La relation entre l’analyste et son patient se distingue d’autres formes de relations non pas tant par l’asymétrie des sentiments entre les deux partenaires de cette relation que par l’intensité des sentiments soulevés et l’usage qui en est fait. Quant à l’analyse de l’analyste, « elle n’a pas pour but d’en faire un cerveau mécanique capable de produire des interprétations sur un mode intellectuel mais de le rendre capable de soutenir les sentiments soulevés en lui, au lieu de les décharger (comme le fait le patient), afin de les subordonner au travail analytique dans lequel il fonctionne pour le patient comme un reflet dans un miroir ». Du fait que des émotions trop violentes sont capables de fausser la perception juste de ce qui se passe, il s’ensuit que « la sensibilité émotionnelle de l’analyste doit être plus extensive qu’intensive, discriminante et mobile ». Nous sommes donc devant une formulation tout à fait nouvelle et qui établit le contre-transfert comme outil de travail et, plus encore, comme création du patient : « Du point de vue sur lequel j’insiste, le contre-transfert de l’analyste n’est pas seulement un fragment de la relation analytique, mais il est la création du patient, il est une part de la personnalité du patient. » Elle ajoute que cette conception rend nécessaire que l’analyste remette sans cesse sur le métier l’analyse de ses propres problèmes mais précise bien que cela doit rester de son domaine à lui : « Cela, cependant, est son affaire privée, et je ne considère pas qu’il soit juste pour l’analyste de communiquer ses sentiments au patient. À mon sens, une telle honnêteté est plus de la nature d’une confession et un fardeau pour le patient. Quel que soit le cas, cela conduit hors de l’analyse. »
Margaret Little
52Margaret Little s’avance également, quoique de façon moins radicale, peu après Paula Heiman, dans la direction où l’on doit considérer le contre-transfert comme un outil et non comme un obstacle à éliminer, mais nous verrons qu’elle propose dans certains cas de communiquer quelque chose au patient de ce que l’analyste a vécu.
53C’est dans son article « Counter-Transference and the Patient’s Response to It », paru en 1951, mais présenté en 1950, que Margaret Little donne un éclairage nouveau à la question du contre-transfert et en souligne l’importance, non seulement pour la conduite des analyses mais pour que la psychanalyse elle-même puisse progresser :
54« Je me demande si le défaut d’utilisation du contre-transfert ne pourrait avoir un effet exactement similaire, par rapport au progrès de la psychanalyse, à celui de l’ignorance ou de la négligence du transfert ; et si nous pouvions faire un juste usage du contre-transfert ne constaterions nous pas que nous avons encore un autre outil extrêmement précieux, si ce n’est indispensable ? »
55Elle constate, comme beaucoup d’auteurs avant elle, qu’il est difficile de donner une définition univoque de la notion et en recense les raisons :
- le contre-transfert inconscient est quelque chose qui ne peut être observé directement en tant que tel, mais seulement dans ses effets ;
- du point de vue métapsychologique, l’attitude globale de l’analyste engage la totalité de son psychisme, Moi, Ça et Surmoi, et qu’il n’y a pas de frontières claires pour différencier ces éléments ;
- toute analyse, y compris l’auto-analyse, implique à la fois un analysant et un analyste ; en un sens ils sont inséparables. De la même façon, transfert et contre-transfert sont inséparables... ;
- enfin, et c’est le plus important, on peut constater à l’égard du contre-transfert, c’est-à-dire à l’égard de nos propres sentiments ou idées, une attitude réellement délirante ou phobique.
56Elle fait remarquer que, de même que pour Freud les progrès de la psychanalyse ont été freinés par la peur d’interpréter le transfert, la même chose se reproduit par rapport au contre-transfert : le phénomène est connu et reconnu mais on considère qu’il n’est pas nécessaire, voire dangereux de l’interpréter.
57Elle s’écarte de ses prédécesseurs dans la mesure où, pour eux comme pour Winnicott, le terme contre-transfert désigne un ensemble de phénomènes inconscients qui chez l’analyste fait obstacle à l’analyse du patient. La notion d’obstacle et de pathologie, comme faisant partie de la définition même du contre-transfert, perd du terrain avec Margaret Little : « ... les éléments inconscients peuvent être aussi bien normaux que pathologiques, et tout refoulement n’est pas pathologique pas plus que tout élément conscient n’est “normal”. » La relation patient-analyste dans son ensemble comporte donc à la fois, en proportion variable, un transfert et un contre-transfert, à la fois « normal » et pathologique, conscient et inconscient pour chacun d’eux.
« Le contre-transfert contiendra donc toujours quelque chose de spécifique à chacune des deux individualités, celle du patient et celle de l’analyste. C’est-à-dire que chaque contre-transfert est différent de tout autre de même que chaque transfert est différent, et qu’il varie en son sein même d’un jour à l’autre, selon les changements à la fois chez le patient et chez l’analyste et dans le monde extérieur. »
59On se trouve dès lors devant une définition dynamique du contre-transfert :
60« Tel que je le vois, le contre-transfert est l’une de ces formations de compromis dans la création desquelles le Moi montre des capacités si surprenantes ; il est essentiellement, de ce point de vue, du même ordre qu’un symptôme névrotique, une perversion ou une sublimation. En lui une satisfaction libidinale est à la fois interdite et partiellement acceptée ; un élément d’agression est tressé en lui avec à la fois la satisfaction et l’interdiction, et le partage de l’agression détermine les proportions relatives de chacun. »
61L’originalité de son approche, sans doute liée à son expérience du contre-transfert de son analyste, Winnicott, et à la façon d’être de celui-ci dans son traitement, est en fait fondée sur la profondeur de l’engagement de l’analyste et la prise en compte des conséquences de cet engagement :
« Un patient qui a été en analyse pendant un temps assez considérable est habituellement devenu objet d’amour pour son analyste. Il est la personne que l’analyste souhaite restaurer, et les mouvements réparateurs, même lorsqu’ils sont conscients, peuvent, du fait d’un refoulement partiel, tomber sous la coupe de la compulsion de répétition, de telle sorte qu’il devient nécessaire que le même patient aille mieux, et mieux à nouveau, ce qui en pratique signifie le rendre malade et malade à nouveau afin d’en disposer pour le faire aller bien. »
63On retrouve ici un prolongement des constatations cliniques de Racker, à l’origine possible d’analyses interminables. Consciente de la difficulté de gérer les mouvements contre-transférentiels et du fait que « le remède toujours cité aux difficultés contre-transférentielles – une analyse plus profonde et plus attentive de l’analyste – peut au mieux n’être qu’incomplet, car la tendance à développer des contre-transferts infantiles inconscients est condamnée à se maintenir », elle constate le caractère inéluctable des erreurs et les difficultés des analystes à les admettre et à en parler : « Nous avons tous nos cimetières privés mais toutes les tombes n’ont pas leur stèle. » Elle engage donc l’analyste à parler au patient de ses erreurs contre-transférentielles et finalement à utiliser ses erreurs. Par exemple lorsqu’une interprétation inexacte, fautive du fait d’un mouvement contre-transférentiel, concerne plus l’analyste que le patient, « donner l’interprétation “correcte” quand l’occasion se présente ne suffit pas ».
« Non seulement il faut admettre l’erreur (et le patient a le droit non seulement à l’expression de sa propre colère mais aussi à l’expression de quelque regret de la part de l’analyste pour ce qui est arrivé, tout autant que pour une erreur intervenue sur le montant de sa note ou sur l’horaire de son rendez-vous), mais son origine dans le contre-transfert inconscient peut être expliquée, à moins qu’il n’y ait une contre-indication précise pour le faire, en ce cas elle sera différée jusqu’à l’apparition d’un moment favorable, comme cela arrivera certainement. Une telle explication peut être essentielle pour les progrès ultérieurs de l’analyse, et elle ne peut avoir que de bons effets, augmentant la confiance du patient dans l’honnêteté et le bon vouloir de l’analyste, le montrant comme assez humain pour commettre des erreurs, et rendant évidente l’universalité du phénomène de transfert et la façon dont il peut se manifester dans toute relation. Il ne peut résulter qu’une blessure du refus de donner une telle interprétation. Qu’il soit bien clair que je ne pense pas qu’il faille déverser des interprétations de contre-transfert de façon intempestive ou irréfléchie sur la tête des malheureux patients, pas plus que les interprétations de transfert ne sont données sans y regarder à deux fois. Je veux dire qu’elles ne doivent pas être délibérément évitées ni peut-être réduites aux impressions justifiées ou objectives, comme celles auxquelles se réfère le Dr Winnicott dans son article sur “La haine dans le contre-transfert”. »
65Margaret Little soutient finalement la confiance des analystes dans l’appréhension de ce qui se passe en eux et considère comme désastreux la phobie ou les craintes délirantes de ceux-ci par rapport à ce qu’ils éprouvent :
« À mon sens, c’est la question de l’attitude délirante ou phobique par rapport aux propres sentiments de l’analyste qui constitue le plus grand danger et la plus grande difficulté du contre-transfert. La peur même d’être réellement submergé de sentiments de toutes sortes, rage, anxiété, amour, etc., en relation avec son patient et d’être livré passivement à lui et à sa merci, conduit à un évitement inconscient ou à un déni. Reconnaître honnêtement de tels sentiments est essentiel au processus analytique, et l’analysé est naturellement sensible à toute insincérité de son analyste, et y répondra inévitablement par de l’hostilité. Il s’identifiera en cela (par introjection) à l’analyste, ce sera le moyen pour lui de dénier ses propres sentiments, moyen qu’il exploitera généralement de toutes les façons possibles au détriment de son analyse. »
67L’article de Margaret Little aurait pu s’appeler « Qui a peur du contre-transfert ? », bien qu’elle ne méconnaisse pas les risques de « névrose de contre-transfert » (au sens de Racker) :
« Mais c’est seulement dans la mesure où l’analyse est une véritable sublimation pour l’analyste et non une perversion ou une addiction (comme je pense qu’elle peut être quelquefois) que nous pouvons éviter une névrose de contre-transfert. Des lambeaux de névrose de contre-transfert transitoire peuvent apparaître de temps en temps même chez le plus adroit, le plus expérimenté et le mieux analysé des analystes, et il est possible de les utiliser délibérément pour faire avancer les patients vers la guérison au moyen de leurs propres transferts. »
69Finalement « ... le contre-transfert n’a pas à être plus redouté ou évité que le transfert ; en fait il ne peut être évité, il peut seulement être détecté, contrôlé dans une certaine mesure, et parfois utilisé » [11].
ASPECTS DE L’INVESTISSEMENT DE L’ANALYSTE
70Il est curieux que la notion d’investissement ait tenu aussi peu de place dans les considérations des psychanalystes sur le contre-transfert. Pourtant la dimension économique du contre-transfert est évoquée indirectement par Racker, jusque dans ses conséquences psychosomatiques, et l’exigence de Margaret Little d’un « engagement à 100 % » de l’analyste avec ses patients indique bien son importance.
71Il arrive qu’un analyste soit malade de l’un de ses patients ; pas seulement fou de l’un de ses patients (ou patiente) mais malade comme l’a rapporté Racker. L’effet traumatique de certains patients ou de certaines séances sur l’analyste se traduit parfois par des somatisations diverses, une fatigue excessive en forme d’épuisement. L’investissement par Winnicott de son patient Masud Kahn était à n’en pas douter considérable, démesuré, ayant entraîné une sorte d’indulgence complice par rapport à des comportements clairement délictueux.
72Dans le courant ordinaire de la vie d’un analyste, l’investissement de chaque patient se trouve généralement limité, en quelque sorte, par son partage avec les autres patients. Il est très difficile d’être analyste d’un seul patient ; c’est ce que l’on peut observer dans certaines situations de supervision où le surinvestissement du « cas de supervision », et souvent unique patient, est une gêne considérable pour l’établissement d’un contre-transfert « assez bon », pour paraphraser Winnicott. L’investissement de plusieurs patients simultanément répartit les potentialités de folie de l’analyste sur différents supports possibles, mais surtout permet, par contraste, de mieux percevoir ce qui est propre à chaque patient dans ce qu’il induit chez l’analyste. Une irritation permanente de l’analyste avec tous ses patients lui appartient, une impatience éprouvée uniquement avec tel patient est sans doute le révélateur d’un mouvement particulier de celui-ci, même si c’est par un phénomène de résonance avec un point sensible de l’analyste qu’il apparaît.
73L’investissement d’un patient par l’analyste intéresse une situation où de nombreux éléments non spécifiques interviennent : le fait que l’analyste ait besoin de patients pour gagner sa vie – « déjà midi et pas un seul nègre » –, son statut social, ses phobies éventuelles ou son avidité concernant l’argent, le temps consacré à cette activité, le fait d’être enfermé toute la journée, d’être observé par ses patients, le souci d’une réputation professionnelle, le désir de publier, etc. L’investissement de l’analyste est modulé par toutes ces contingences. D’autre part, la personne du patient – de tout patient – est, que l’analyste le veuille ou non, l’objet d’un investissement libidinal avec lequel il faudra compter. Le désir de soigner, d’aider, de comprendre autrui, de le libérer de ses entraves intérieures, est confronté au désir de tirer bénéfice de la situation de demande du patient, de se l’attacher, de le maîtriser, de le posséder, de lui prendre tout ce qu’il a, d’en faire notre chose : esclave, élève, admirateur, partenaire sexuel, mécène, protecteur, substitut d’enfants ou de parents... Bertram Lewin pensait que le patient idéal de l’analyste était peu ou prou le même que celui du médecin : le cadavre de la salle d’anatomie. Il est difficile d’aller plus loin dans l’évocation du besoin d’emprise de l’analyste sur son patient.
74L’important est de bien mesurer que nos investissements en emprise sur le patient sont d’autant plus difficiles à gérer que les satisfactions qui pourraient les limiter sont plus indirectes : d’ordre sublimatoire pour les unes, par identification au patient qui développe ses capacités psychiques pour les autres. C’est sur ce faible socle de satisfactions que repose la possibilité que s’établisse un rapport transfert contre-transfert fécond, susceptible de donner lieu à un processus psychanalytique.
75La situation analytique est ainsi particulièrement exigeante pour l’analyste. Comme l’a dit Samuel Abrams, « l’analyste se livre à quelque chose qui dépasse son savoir ». Qui dépasse son savoir mais qui est surtout au-delà de son pouvoir. Le besoin de pouvoir de l’analyste resurgit inévitablement sous une forme ou sous une autre, furor sanandi ou dominandi. Racker soulignait que « bien que nous le sachions, il semble qu’il nous soit difficile de nous libérer de l’ “éducateur” qui est en nous, avec toutes ses motivations névrotiques et les idéaux correspondants ». Dans une certaine mesure, l’idée d’une « technique analytique » vise à combler ce sentiment pénible de n’avoir qu’un pouvoir indirect. Il faut pourtant constater que les règles prescrites par la « technique analytique » sont surtout négatives.
76Il est aisé de constater que les règles qui établissent le cadre font presque toutes la part du feu : elles font droit a minima au besoin de pouvoir de l’analyste ; le contrat analytique est « léonin », nous dit Neyraut, et ses dispositions imposent au patient, mais sur des points limités, la volonté appropriative de l’analyste : montant et conditions de paiement des honoraires, durée et rythme des séances (de durée prolongée et nombreuses), durée des vacances, position allongée... La règle fondamentale, qu’elle soit formulée ou non comme une injonction, une invitation ou une possibilité, est néanmoins un mouvement appropriatif sur le monde interne du patient. Emprise limitée au cadre, donc, et il est intéressant de constater que tout laxisme par rapport au cadre – quelles qu’en soient les justifications – ouvre la porte à la possibilité d’un abus de pouvoir de l’analyste.
77L’analyste se place délibérément en situation d’être obligé de ne vivre que des satisfactions indirectes ; il brûle ses vaisseaux et doit se contenter de satisfactions sublimatoires ou par délégation. C’est ce que Freud finalement indique à Jung lorsqu’il lui dit que les expériences contre-transférentielles malheureuses « nous enseignent à placer nos propres affects dans une situation plus avantageuse ». La situation analytique impose à l’analyste une exigence d’élaboration mais elle l’impose aussi au patient, et lorsque Freud parle de ces patientes qui ne veulent connaître que « la logique de la soupe et les arguments des quenelles » et réclament des satisfactions directes de leur analyste, il indique la mesure de l’exigence d’élaboration imposée au patient. En effet, si l’idée de Ida Mac Alpine est juste, selon laquelle « la technique analytique crée une situation infantile dont la neutralité de l’analyste est seulement un élément parmi d’autres », il faut ajouter que, simultanément, la situation n’est pas si infantile que cela, ni si régressive que cela, dans la mesure où aucune gratification directe n’est prodiguée au patient alors que c’est largement le cas dans l’enfance ; la situation analytique impose des conditions d’élaboration aux conflits en interdisant le recours à l’acte ; elle impose au patient un recours à une activité « auto », elle lui demande de lâcher l’emprise sur différents éléments du monde extérieur pour investir le monde interne, ce qui a une valeur progrédiente pour le psychisme. L’attitude de l’analyste est ici essentielle : si l’analyste pense la situation analytique comme infantile, il aura tendance à se comporter en parent ou en compagnon de jeu... Nous aurions ici à ouvrir le chapitre de l’influence des théories de l’analyste sur son contre-transfert.
LE CONTRE-TRANSFERT CONDITION DU TRANSFERT
78La difficulté à cerner la notion de contre-transfert tient naturellement à la multiplicité des facteurs qui entrent en ligne de compte mais surtout à l’encombrante dimension inconsciente de l’essentiel de ces facteurs. La notion même de contre-transfert répond au fait que l’analyse est un processus intrapsychique qui n’est perceptible que de l’intérieur du psychisme des deux protagonistes de la cure et n’est en rien un phénomène observable de l’extérieur, qui serait non seulement observable mais objectivable d’un point de vue intellectuel [12].
79Si nous nous mettons à la mode des formulations en termes de contenant contenu, il serait tentant de dire que le contre-transfert est le contenant du transfert. De fait, il ne peut y avoir transfert au sens spécifique du mot – désignant la transposition progressive et évolutive du spectre de l’ensemble des relations d’objet du patient – sans que l’attitude profonde de l’analyste le permette. Nous suivons ici la ligne dégagée par Michel Neyraut que S. Dreyfus résume ainsi : « La question se pose alors de savoir en quoi l’instauration d’une situation analytique peut se constituer comme spécifique. La réponse de Michel Neyraut, qui est aussi sa thèse, fait tenir la différence précisément au contre-transfert. »
80Que nous le voulions ou non, le contre-transfert est l’espace même qui s’offre à l’expression du transfert. Il le contient, en permet le développement extensif ou au contraire le limite ou en brise le mouvement.
81La condition essentielle qui fait la spécificité du contre-transfert par rapport à tout autre type de contre attitude est la nécessité pour l’analyste de se comporter en « anti-objet », c’est-à-dire de ne pas laisser se fixer sur lui une configuration relationnelle stable qui arrêterait le mouvement transférentiel et par conséquent le processus analytique. Ce qui spécifie ainsi le rôle de l’analyste c’est d’éviter toute confusion entre l’investissement transférentiel de son personnage et celui de sa personne, et complémentairement de déplacer son investissement de la personne du patient au fonctionnement psychique de celui-ci.
82Au cœur même de l’ensemble désigné comme contre-transfert, l’élément qui lui donne sa spécificité et la maintient, est une attitude d’accueil à l’expression de l’inconscient du patient. Si cette attitude d’accueil – avec la capacité qui la soutient – s’efface ou devient impossible, le contre-transfert disparaît dans sa spécificité et la relation, analytique jusque-là, se dégrade en une relation ordinaire, utile ou inutile, réputée bonne ou mauvaise, peu importe : elle a perdu sa spécificité psychanalytique. Ce qui donne sa valeur de transfert aux investissements du patient dans la situation analytique c’est la manière dont ils sont reçus, c’est-à-dire interprétés par le contre-transfert de l’analyste, que cette interprétation soit implicite ou explicite. Comme l’écrit Neyraut, par rapport à ce que le patient lui adresse, l’analyste « n’a d’autre recours que d’interpréter le sens de cette adresse, de s’y reconnaître ou de se démettre ». Le contre-transfert est la condition du transfert, et c’est leur jeu réciproque qui constitue l’articulation très particulière entre l’analyste et l’analysé. Il ne s’agit pas d’intersubjectivité mais de l’articulation de deux mouvements psychiques spécifiques et de leur élaboration conjointe : la cure psychanalytique n’est pas une interaction mais l’analyse d’une interaction.
83Ce foyer du processus analytique, où, comme au foyer d’une optique, l’inconscient apparaît, est difficile à établir et à maintenir. Les tensions du cadre visent à maintenir dans la durée l’activité de ce foyer comme il est nécessaire d’établir un champ de forces pour confiner un plasma. C’est l’investissement par l’analyste du fonctionnement psychique du patient, de ce qui peut se passer en lui d’inconscient, qui constitue l’élément positif, central, actif, du contre-transfert. Il s’agit naturellement d’un investissement libidinal – comment pourrait-il en être autrement ? – mais où l’investissement de la personne du patient ne tient pas la place prépondérante ; le jeu du déplacement de l’investissement libidinal sur un autre objet et celui de l’inhibition de but apparentent les conditions de cette attitude à la sublimation. Il ne s’agit plus d’amour ou de haine pour le patient mais d’un investissement de ce qui se déroule en lui et dont les sentiments éventuels d’amour et de haine vis-à-vis de lui ne doivent être considérés que comme des révélateurs.
84Cet investissement libidinal positif de l’activité psychique du patient conditionne la valeur dynamique du contre-transfert et son organisation spécifique. « L’attitude professionnelle » de l’analyste, toujours menacée, invoquée par Winnicott ne peut se fonder que sur ce type d’investissement.
Bibliographie
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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- Balint A. et M., Transfert et contre-transfert, in Amour primaire et technique Psychanalytique, Paris, Payot, 1972, pp. 229-236.
- Denis P., L’avenir d’une désillusion : le contre-transfert, destin du transfert, RFP, t. LII, no 4, 1988.
- Dreyfus S., Michel Neyraut, Paris, PUF, « Psychanalystes d’aujourd’hui », 1999.
- Heimann P., On counter-transference, Int. J. Psycho-Anal., 31, 81-84, 1951.
- Little M., Le contre-transfert et la réponse qu’y apporte le patient, in M. Little, Des états limites. L’alliance thérapeutique (également in P. Heimann, M. Little, A. Reich et I. Tower, Le contre-transfert, Paris, Navarin, 1987).
- Macalpine I., The development of the transference, Psychoanal. Q., 19, 501-539, 1950.
- Orr D. W. Transference and countertransference : A historical survey, Journal of the American Psychoanalytic Association, 2, 621-670, 1954.
- Neyraut M., Le transfert, Paris, PUF, 1974.
- Racker H., A contribution to the problem of counter-transference, Int. J. Psycho-Anal., 34, 313-324, 1953.
- Searles H., Le contre-transfert : un instrument pour comprendre et aider le patient, in Mon expérience des états limites, Paris, Gallimard, 1994, pp. 131-166.
- Urtubey L. de, Le travail de contre-transfert, RFP, 1994, t. LVIII, numéro spécial Congrès, p. 1271-1372 ; « Travail de contre-transfert et fonction contenante », p. 54.
- Winnicott D. W., Hate in the counter-transference, Int. J. Psycho-Anal., 30, 69-74, 1949 ; La haine dans le contre-transfert, in De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot, 1969.
Mots-clés éditeurs : Processus analytique, Haine, Affect, Relation d'objet, Cadre analytique, Transfert, Névrose de contre-transfert
Notes
-
[1]
« L’homme dépend très étroitement de son reflet dans l’âme d’autrui, cette âme fût-elle celle d’un crétin », W. Gombrowicz.
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[2]
Freud écrit, en anglais dans le texte : a narrow escape.
-
[3]
En anglais dans le texte : a blessing in disguise.
-
[4]
Notre traduction.
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[5]
Là aussi les positions de Lacan reprennent des conceptions anciennes.
-
[6]
La formule de Fenichel décrit le transfert : « The patient misunderstands the present in terms of the past. »
-
[7]
Cités par D. W. Orr, S. Ferenczi et O. Rank (1923), The Development of Psychoanalysis, New York et Washington, Nervous & Mental Disease Publishing Co., 1925.
-
[8]
En 1927, « Lectures on Technique in Psycho-Analysis ».
-
[9]
Selon toute vraisemblance, Racker ne connaissait pas l’existence de la conférence de Winnicott lorsqu’il a prononcé la sienne.
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[10]
La première version de cet article, présentée en janvier 2005 dans le cadre du Séminaire de formation permanente de la Société psychanalytique de Paris, comportait une présentation plus développée de l’apport de Racker. L’article que A. Goyena consacre à cet auteur dans ce même numéro de la RFP est très complet. Nous avons également abrégé ce qui concerne l’apport de Paula Heimann, bien connu.
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[11]
Ultérieurement, Margaret Little étendra son approche du contre-transfert et de l’engagement de l’analyste à ce qu’elle appellera la « réponse totale de l’analyste aux besoins du patient ». Elle limitera le terme de contre-transfert aux éléments inconscients susceptibles d’obérer le fonctionnement analytique, partie essentielle mais partie seulement, de la « réponse totale ». Cette réponse totale recouvre tous les éléments du psychisme de l’analyste et exige de sa part « un engagement à 100 % ».
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[12]
Lacan reste l’héritier de l’idée d’une observation objective.