Couverture de RFG_283

Article de revue

Création de valeur des écoles de commerce françaises pour leurs diplômés

Pages 73 à 92

Notes

  • [1]
    Un client un peu particulier certes, car il est sélectionné et évalué par le vendeur.
  • [2]
    Les diplômés de formation continue, notamment en MBA, n’entrent pas dans le cadre de nos investigations dans la mesure où leurs motivations et attentes en tant que clients sont de nature différente. La valeur qu’ils attendent ne peut se mesurer de façon similaire. Ils ont pour la plupart déjà un emploi, le rendement financier relève de l’augmentation de salaire et leur satisfaction peut dépendre de critères différents de ceux des diplômés de formation initiale.
  • [3]
    Nous avons retenu une définition plus large de la création de valeur que celle qui prévaut généralement dans le domaine financier en nous fondant sur l’orientation client précédemment mentionnée. Nous avons considéré que la création de valeur pour un diplômé d’école de commerce intégrait plusieurs facettes en relation avec les motivations qui avaient pu présider à son choix d’école.
  • [4]
    Une seule école, l’ISG répondant à ces critères n’a pu être retenue, les données la concernant n’étant pas disponibles sur le site internet de la CEFDG au moment de la constitution de l’échantillon.
  • [5]
    D’autres questions portent sur des satisfactions ciblées par rapport par exemple aux cours, aux locaux, aux relations avec les entreprises, etc.
  • [6]
    Il convient de préciser que ce tarif ne tient pas compte du choix de l’étudiant de faire ou non une année césure, ni du régime de l’apprentissage qui permet aux étudiants de poursuivre gratuitement leurs études et d’être rémunérés par l’entreprise d’accueil. Aussi, le rendement financier comme le rendement employabilité ont peu de sens pour les étudiants en apprentissage.

1Les écoles de commerce françaises, mais aussi étrangères, font l’objet de nombreuses spéculations quant à leur devenir, leur financement, l’impact des classements, la place de la recherche (Denis et Grenier, 2017), mais en définitive on s’interroge assez peu sur leur raison d’être et la façon dont elles peuvent créer de la valeur pour leurs diplômés. En effet, les écoles de commerce fournissent une prestation payante qui repose sur un contrat implicite, celui de trouver un emploi de qualité associé à une rémunération de bon niveau. Certes, les étudiants sont également demandeurs d’un enseignement de qualité, d’infrastructures modernes et accueillantes tant du point de vue immobilier que des systèmes d’information, de services supports efficaces (services des stages et du premier emploi, services des relations internationales, etc.), d’une vie étudiante riche et animée. Mais, in fine, ce qui justifie que des étudiants ou leurs parents payent de 8 000 à 15 000 euros par an la scolarité dans une école de commerce, c’est bien la promesse implicite de leur bonne insertion professionnelle. Une organisation orientée client reconnaît l’importance de coordonner les activités internes pour satisfaire ses clients et leur procurer une valeur supérieure (Grizzle et al., 2009 ; Webster et Hammond, 2011). Cette orientation client conduit à définir les étudiants et les diplômés des écoles de commerce comme des clients [1] et à considérer la création de valeur pour les diplômés comme la raison d’être des écoles de commerce. Se pose alors la question des composantes de la valeur créée pour les diplômés et de la nature des leviers déterminants pour créer cette valeur.

2La littérature empirique sur le sujet est peu abondante, voire inexistante concernant le cas français. Les recherches se sont plutôt intéressées aux différents critères de qualité en fonction des attentes contrastées de différentes parties prenantes plutôt qu’à la création de valeur apportée pour les diplômés. Des travaux ont mis en évidence certaines dimensions clés telles que la pédagogie (Agnew et al., 2016) ou encore l’insertion professionnelle (Martensson et Richtner, 2015). Quand des études s’intéressent à la satisfaction des étudiants, une attention particulière est accordée à la réputation de l’école (Vidaver-Cohen, 2007), voire aux classements des écoles (Locke, 2014 ; Marginson, 2014 ; Subramaniam et al., 2014). Comme le soulignent Martensson et Richtner (2015), les travaux ont identifié plusieurs destinataires intéressés par les classements, mais les moins étudiés sont les étudiants et les diplômés. Pourtant, face à la difficulté à évaluer la qualité d’une école de commerce, on peut envisager les classements d’école comme un signal de qualité important pour les diplômés. Cette approche, fondée sur la théorie du signal (Spence, 1973), pose alors la question du rôle des classements d’écoles pas uniquement en termes d’évaluation de la qualité d’une école, mais aussi pour la création de valeur pour les diplômés. À partir de l’analyse de la littérature et des questions qui restent en suspens, l’objet de cet article est d’identifier les composantes de la valeur créée pour les diplômés et de mettre en évidence ses déterminants avec une attention particulière pour le rôle des classements d’école.

3Pour cela, nous avons conduit une étude quantitative exploratoire sur les données des diplômés de 37 écoles de commerce françaises ayant suivi le diplôme emblématique de ces établissements : le programme grande école (PGE) [2]. Notre focalisation sur les diplômés et non les étudiants s’explique par le fait que la création de valeur se mesure ex-post lorsque les étudiants quittent l’école pour rejoindre le marché du travail et deviennent des diplômés. Sur la base de l’orientation client, nous proposons une approche de la création de valeur [3] pour les diplômés d’école de commerce qui prend en compte une dimension financière, une composante employabilité et une facette relative à la satisfaction globale vis-à-vis de leur école. À partir de cette première contribution, nous identifions trois critères déterminants pour la création de valeur pour les diplômés : les accréditations, le budget par étudiant et le caractère non lucratif des établissements. Enfin, notre recherche montre le rôle singulier des classements d’école, en tant que signal du marché et médiateur entre les caractéristiques de l’école et la création de valeur. Ces résultats contribuent aux recherches sur la création de valeur sur le marché de l’enseignement supérieur. Ils éclairent le rôle des évaluations indépendantes sur des marchés où la qualité des services est difficile à évaluer. Ces contributions permettent de proposer des pistes de réflexion pour les directions d’écoles et leurs gouvernances pour s’assurer que leurs décisions répondent aux aspirations de leurs étudiants. Enfin, cette recherche permet d’éclairer les choix d’école des futurs étudiants (et leurs parents) selon des critères qui influencent réellement la valeur que peut leur apporter une école de commerce à l’issue de leur formation.

I – Revue de la littérature

1. La raison d’être des écoles de commerce et la création de valeur pour les diplômés

4Les écoles de commerce françaises font apparemment face à des impératifs contradictoires. Tout d’abord, leur modèle économique a considérablement évolué au cours des vingt dernières années. D’écoles centrées sur un seul programme, le programme grande école (PGE), aux effectifs réduits recrutant à la sortie des classes préparatoires, elles se sont transformées en groupes proposant une offre de formation en management à tous les niveaux d’entrée du LMD (licence, master, doctorat) avec des modalités diverses de recrutement et des effectifs beaucoup plus importants. Par ailleurs, bien que payantes depuis toujours, la part des frais de scolarité constitue aujourd’hui l’essentiel de leur financement face à la diminution des autres ressources (les subventions des chambres de commerce et d’industrie en particulier). Cette mutation du modèle économique conduit à placer le client (les étudiants, leurs parents et les diplômés) au cœur des préoccupations des écoles de commerces françaises. En cela elles rejoignent et se conforment aux structures et pratiques de la sphère anglophone (Harker et al., 2016) fondées sur le principe de marchandisation (Khurana, 2010 ; Durand et Dameron, 2011). Bien que des auteurs y voient une évolution et des conséquences négatives au sein des établissements d’enseignement supérieur (Abdessemed et Bueno Merino, 2016), nous pouvons également analyser ces mutations comme une modification de la raison d’être des écoles de commerce qui les poussent vers un management fondé sur l’orientation client. L’orientation client consiste à favoriser une compréhension fine des clients et à définir des produits et services pour répondre au mieux à leurs besoins (Pekovic et Rolland, 2012). Les organisations orientées client œuvrent ainsi à la création d’une plus grande valeur pour leurs clients grâce à l’analyse de leurs besoins et de leurs préférences (Appiah-Adu et Singh, 1998 ; Grizzle et al., 2009).

5L’orientation client des écoles de commerce est renforcée en France par la nature statutaire de la plupart d’entre elles. Elles sont pour beaucoup sans but lucratif avec un pouvoir des actionnaires beaucoup plus diffus et en attente simplement de la préservation des grands équilibres financiers. Dans la gouvernance des écoles de commerce, les étudiants et les parties prenantes internes (personnel) sont en général peu représentés, en revanche les anciens diplômés le sont plus nettement. Ces derniers défendent la valeur de leurs diplômes en tant que passeport de carrière et in fine leur rôle devient de plus en plus important dans une approche d’orientation client. Mettre l’accent sur la raison d’être des écoles de commerce en tant qu’organisation proposant un service marchand avec une partie prenante dominante – les clients étudiants/diplômés ne s’oppose pas à la mission des écoles de commerce qui consiste 1) à former des individus éduqués pour faire face à la complexité de la direction d’une action collective organisée et, 2) à apporter de nouvelles idées pour améliorer la pratique du management pour une variété de formes organisationnelles (Durand et Dameron, 2011). Au contraire, cette approche permet de mettre en lumière la valeur créée pour les clients qui résulte d’une confrontation entre les bénéfices et les sacrifices associés à la consommation d’un produit ou service (Zeithaml, 1988). Au-delà du rapport bénéfices/coûts, la valeur créée pour le client peut également être appréhendée selon les expériences de consommation ou de possession (Aurier et al., 2004) et définie comme une préférence relative de l’expérience d’un individu par rapport à un objet ou à un service (Holbrook et Corfman, 1985). Les écoles de commerce peuvent ainsi créer une valeur expérientielle pour leurs diplômés grâce aux multiples activités pédagogiques proposées. Cette capacité à créer de la valeur pour les clients apporte ainsi potentiellement un avantage concurrentiel indéniable pour les organisations (Jaworski et Kohli, 1993 ; Brady et Cronin, 2001).

6En se fondant sur l’approche de l’orientation client, nous définissons la création de valeur des écoles de commerce française pour les diplômés selon trois dimensions principales : 1) Une facette financière, rapportant le salaire obtenu à la sortie de l’école aux frais de scolarité investis, 2) une facette insertion professionnelle, rapportant la probabilité de trouver un emploi aux frais de scolarité investis et, 3) une facette appréciant la satisfaction des diplômés vis-à-vis de leur école. Ces trois dimensions ont un même niveau d’importance et constituent les fondements de la valeur que les écoles peuvent apporter aux diplômés. Sur la base de cette approche, l’objectif de notre recherche est de comprendre, dans ce contexte en pleine évolution, quels sont les déterminants de ces trois dimensions de la valeur créée pour les diplômés.

2. Les leviers de la création de valeur pour les diplômés

7La création de valeur pour les diplômés correspond, d’une part, au niveau de satisfaction des diplômés vis-à-vis de l’école, et d’autre part, à des rendements d’employabilité et financier. Concernant les déterminants de la satisfaction des diplômés vis-à-vis des écoles de commerce, ils sont principalement liés à la qualité de l’enseignement et à l’organisation pédagogique (Douglas et al., 2015), mais ne semblent pas tenir aux taux d’encadrement ou encore aux dépenses consacrées par étudiant (Agnew et al., 2016). Par ailleurs, tandis que l’activité de recherche est estimée, par certaines recherches, comme un critère peu important pour évaluer la qualité d’une école de commerce (Martensson et Richtner, 2015), d’autres études montrent que l’activité de recherche augmente les salaires des diplômés de MBA de 24 000 US dollars par an (O’Brien et al., 2010) et ainsi le niveau de satisfaction des diplômés. Parallèlement à ces leviers de la satisfaction qui s’appuient sur les activités des écoles de commerce, l’insertion professionnelle apparaît également essentielle pour expliquer la satisfaction des étudiants (Martensson et Richtner, 2015). Se pose alors la question des déterminants de l’insertion professionnelle et du retour sur investissement par rapport aux frais de scolarité investis. Pour expliquer ces deux composantes de la création de valeur pour les diplômés, le classement des écoles de commerce, en tant qu’indicateur de qualité des établissements tant auprès des étudiants que des employeurs potentiels, est souvent supposé jouer un rôle déterminant (Palocsay et Wood, 2014 ; Vidaver-Cohen, 2007). Toutefois, on sait peu de chose sur le rôle des classements d’école dans la création de valeur pour les diplômés, ce point sera l’objet de la section suivante.

3. La théorie du signal et le rôle spécifique des classements d’écoles

8Dans le monde de l’enseignement supérieur, de nombreuses recherches s’attachent à mieux comprendre le rôle de la réputation et des classements dans le choix des écoles et dans la satisfaction des étudiants (Brown et Mazzarol, 2009 ; Locke, 2014 ; Subramaniam et al., 2014, Vidaver-Cohen, 2007). La réputation correspond à la perception générale d’une entité dans la mémoire collective, indépendamment des actions de communication de celle-ci (Walker, 2010 ; Michel, 2017). Dans le domaine de l’enseignement supérieur, la réputation correspond à la perception que les individus ont de l’institution au-delà de sa communication institutionnelle (Van Vught, 2008 ; Alessandri et al., 2006). Des études ont montré que les étudiants pouvaient choisir leur institution d’enseignement supérieur en raison principalement de sa réputation (Melewar et Akel, 2005). En effet, devant la difficulté à évaluer la qualité intrinsèque de l’école, la réputation prend un poids de plus en plus important dans la décision de choix des étudiants (Jevons, 2006). Dans ce contexte, les classements des écoles, publiés dans la presse, contribuent fortement à leur réputation. Avant que les étudiants puissent évaluer la qualité d’une école, les classements constituent une première étape vers la sélection des écoles et s’apparentent à un signal de qualité.

9Dans cette perspective on peut ici se référer à la théorie du signal (Spence, 1973) qui permet de comprendre les mécanismes du marché lorsque l’information est incomplète, où lorsqu’elle est asymétrique en posant l’idée que les acteurs du marché disposent pour réduire ce problème d’asymétrie d’un instrument, le signal de marché (Taj, 2016). Selon les fondements de la théorie du signal, on peut avancer que lorsque les acteurs sont incapables ou ne souhaitent pas évaluer la qualité de l’école, ils utilisent l’information des classements pour en déduire la qualité de l’école de commerce. De nombreuses recherches ont déjà envisagé l’influence de la marque dans le secteur de l’enseignement supérieur selon l’approche de la théorie du signal (Kalafatis et al., 2016 ; Naidoo et Hollebeek, 2016). Considérer les classements d’écoles de commerce comme des signaux de marché permet d’expliquer pourquoi ils sont si utilisés par les étudiants pour choisir leur école, mais aussi par les entreprises et autres institutions pour recruter des collaborateurs. La théorie du signal est une perspective théorique qui permet de prendre en compte les différentes parties prenantes (Boulding et Kirmani, 1993 ; Taj, 2016). Dans cette section, nous postulons que les classements d’écoles de commerce 1) sont des signaux pour véhiculer une information sur la qualité de l’offre des écoles de commerce 2) que leurs cibles (les étudiants et les entreprises) utilisent pour prendre leur décision. Aussi, on peut en inférer que les classements d’écoles de commerce impactent non seulement le choix d’une école pour un étudiant, mais aussi la valeur créée pour les diplômés puisque cette information est utilisée par les entreprises qui assurent l’insertion professionnelle des diplômés. Toutefois, ce signal de qualité sur le marché doit être perçu comme suffisamment crédible pour être intégré dans le processus de décision des acteurs sur le marché (Taj, 2016). La réputation des éditeurs de classements et la méthodologie suivie représentent des éléments importants pour assurer la crédibilité du classement des écoles de commerce et leur utilisation comme signal de qualité des écoles. Sur cette base théorique, notre recherche s’attache à identifier globalement les déterminants de la création de valeur pour les diplômés et à estimer en particulier l’impact des classements en tant que signal de qualité des écoles de commerce.

II – Méthodologie

1. Collecte de données et échantillon

10Une base de données a été construite en récoltant les informations auprès de différents organismes. L’essentiel des données sur les écoles et les programmes grandes écoles (PGE) a été collecté sur le site internet de la CEFDG (Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion) entre novembre 2017 et janvier 2018. Cette source nous paraît la plus fiable pour différentes raisons. D’une part, les écoles doivent obligatoirement chaque année produire ces informations quantitatives pour maintenir leur autorisation à délivrer leur diplôme revêtu du grade de Master. D’autre part, les informations fournies sur le site de la CEFDG engagent la responsabilité des écoles de commerce vis-à-vis de leur ministère de tutelle, contrairement aux données fournies aux organes de presse produisant des classements. Cela n’exclut pas que des données puissent avoir été « optimisées », mais cela réduit considérablement la probabilité. Cette source peut donc être considérée comme la plus fiable pour obtenir des données sur les écoles de management. Nous avons également intégré des données publiées par le magazine L’Étudiant (classement des écoles de commerces, satisfaction des diplômés, salaire 3 ans après la sortie et salaire à la sortie). Sur la base de l’expérience des auteurs, le magazine L’Étudiant présente le plus de garanties et de transparence sur sa méthodologie. Les indicateurs de satisfaction des diplômés et ceux sur leurs salaires sont le résultat d’une enquête indépendante commanditée par L’Étudiant, ce ne sont pas des informations déclaratives des écoles. In fine, l’échantillon est constitué de 37 écoles de commerce françaises délivrant le grade de master pour la formation historique des écoles de management françaises : le programme grande école (PGE/Master in Management) dont la liste figure dans le tableau 1 [4]. Ce choix contient une part d’arbitraire car il existe d’autres établissements en France qui pourraient plus ou moins légitimement revendiquer l’appellation d’école de commerce ou de business school voire de grande école, comme les IAE par exemple. Pour autant, leurs caractéristiques sont très différentes en termes de modèle économique (quasi-gratuité pour certaines), d’autonomie de gestion (composantes d’université), de modalités de sélection (pas de concours nationaux), de sources de recrutement (pas de recrutement dans les classes préparatoires). Aussi, notamment pour la consistance et l’homogénéité tant des données que des résultats, nous avons choisi de ne retenir que les écoles délivrant le grade de master par le biais de la CEFDG.

Tableau 1

Liste des écoles de commerce de l’échantillon (ordre alphabétique)

AudenciaGrenoble EM
Brest BSHEC
Burgundy SBICD
EBSICN
EDCIDRAC
EDHECIESEG
EM LyonINSEEC
EM NormandieIPAG
EM StrasbourgISC
EMLVISTEC
ESC ClermontKEDGE
ESC La RochelleMontpellier BS
ESC PauNEOMA
ESC TroyesPSB
ESCERennes SB
ESCP EuropeSKEMA
ESDESTelecom EM
ESSCAToulouse BS
ESSEC
Liste des écoles de commerce de l’échantillon (ordre alphabétique)

Liste des écoles de commerce de l’échantillon (ordre alphabétique)

2. Les variables

Variables dépendantes

11Pour apprécier la création de valeur pour les diplômés, trois variables ont été retenues :

12

  • La satisfaction des diplômés est notée de 1 (pas du tout satisfait) à 5 (entièrement satisfait) sur la base d’une enquête réalisée, en juillet 2017, par l’ENSAI junior consultant pour L’Étudiant auprès des promotions diplômées en 2013 et 2016. Il s’agit de la satisfaction globale par rapport à leur école [5]. C’est la satisfaction des diplômés qui sont déjà sur le marché du travail à l’issue de leur formation et qui ont pu prendre du recul sur la valeur ajoutée de leur école pour leur insertion professionnelle.
  • Le rendement employabilité est calculé par un ratio qui mesure le retour sur investissement en employabilité des diplômés. Ce ratio rapporte le pourcentage des diplômés qui soit n’ont pas trouvé d’emploi, soit sont en situation de précarité (CDD) au coût de la formation.

13Rdt employabilité = (1/ ((% Recherche emploi + % CDD/Tarif M1 - M2))/100 000

14Le « % en recherche d’emploi » correspond au pourcentage de diplômés qui sont à la recherche d’un emploi. Le « % CDD » correspond au pourcentage de diplômés qui sont en situation d’emploi en contrat à durée déterminée. Le « tarif M1-M2 » correspond au coût de la scolarité sur 3 ou 5 ans divisé par 3 ou 5 (selon s’il qu’agit d’un diplôme en 3 ans ou en 5 ans) et multiplié par 2 pour avoir un tarif moyen M1-M2. Cela permet de rendre comparable le coût des études quelle que soit la durée de la scolarité et de prendre en compte le fait que de nombreux étudiants intègrent les PGE en admissions parallèles uniquement pour le cycle master [6]. La transformation 1/X permet de lire le ratio plus facilement. Plus le chiffre obtenu est élevé, plus le rendement employabilité est fort.

15– Le rendement financier est calculé par un ratio. L’idée sous-jacente de ce ratio est de mesurer le retour sur investissement financier des diplômés en rapportant les salaires perçus à la sortie de l’école, mais aussi trois ans après pour tenir compte des trajectoires à l’intérieur des entreprises au coût de la formation.

16Rdt financier = ((Salaire 3 ans après la sortie + Salaire à la sortie/Tarif M1 - M2)) ∗ 100000

17Le « salaire 3 ans après la sortie » correspond aux salaires bruts hors primes des diplômés 2013, à l’été 2017, classés en 5 tranches de 1 (la plus faible) à 5 (la plus élevée). Le « salaire à la sortie » correspond aux salaires bruts hors primes des diplômés 2016 à l’été 2017 classés en 5 tranches de 1 (la plus faible) à 5 (la plus élevée).

Variables indépendantes

18Plusieurs variables indépendantes représentatives de la diversité des caractéristiques des écoles ont été sélectionnées pour évaluer l’influence qu’elles pourraient avoir sur la création de valeur pour les diplômés (tableau 2).

19Par ailleurs, les variables « Rendement financier » et « Rendement employabilité » sont également supposées avoir une influence sur la satisfaction des diplômés. Nous analysons donc comment ces deux variables impactent la satisfaction des diplômés.

Variable médiatrice

20Le classement des écoles de commerce est supposé être une variable médiatrice dans le modèle explicatif de la création de valeur pour les diplômés. Le classement des écoles utilisé dans cette recherche est le palmarès 2018 de L’Étudiant publié à l’automne 2017. Le modèle testé est présenté dans la figure 1.

III – Résultats

21Pour tester l’impact direct de chacune des variables indépendantes sur la création de valeur pour les diplômés, des régressions linéaires simples (univariées) avec le logiciel SPSS ont été mises en œuvre. Les résultats des régressions simples sont présentés dans le tableau 2.

22Si l’on considère le rendement financier comme critère de création de valeur pour les diplômés, on identifie trois variables explicatives significatives : les accréditations internationales (B = 0,366*, R2 = 0,134), la durée du grade (B = 0,380*, R2 = 0,145), et le niveau de budget par étudiant (B = 0,366*, R2 = 0,144). Elles influencent positivement le rendement financier des diplômés (tableau 2). Le pourcentage de variance expliqué par chacune des variables est important et oscille entre 0,13 et 0,14.

23Si l’on analyse le rendement employabilité des diplômés, les régressions simples mettent en évidence les trois mêmes variables explicatives significatives : les accréditations internationales (B = 0,298*, R2 = 0,08), la durée du grade (B = 0,545**, R2 = 0,297) et le niveau de budget par étudiant (B = 0,434**, R2 = 0,486). Elles influencent positivement le rendement employabilité des diplômés (tableau 3). Le pourcentage de variance expliqué par chacune des variables est important et oscille entre 0,08 et 0,486.

24Concernant la satisfaction des diplômés, les régressions simples montrent également une influence positive et significative des accréditations internationales (B = 0,516**, R2 = 0,266), de la durée du grade (B = 0,602**, R2 = 0,362) et du niveau de budget par étudiant (B = 0,474**, R2 = 0,225) (tableau 2). Trois autres variables jouent un rôle significatif dans la satisfaction des diplômés. Les écoles de commerce non lucratives engendrent une satisfaction des diplômés plus grande que les écoles de commerce lucratives (B = 0,556**, R2 = 0,309). Enfin, les rendements financiers (B = 0,594**, R2 = 0,353) et employabilité (B = 0,456**, R2 = 0,208) influencent de façon positive et significative la satisfaction des diplômés. Le pourcentage de variance expliqué par chacune des variables est important [0,20-0,36].

Tableau 2

Les variables indépendantes

VariablesDéfinitionPropositions / HypothèsesSigne attendu
Taux d’encadrementNombre d’étudiants de l’école / Nombre de professeurs permanents.Ce ratio mesure la capacité d’encadrement pédagogique. Il est supposé avoir une influence positive sur la création de valeur pour les diplômés.+
Productivité de la rechercheNombre d’articles publiés / Nombre de professeurs permanentsCe ratio mesure l’intensité de l’activité de recherche qui peut se faire au détriment de l’encadrement pédagogique, mais indirectement contribue au rayonnement externe de l’école. Son influence sur la création de valeur pour les diplômés peut donc être négative ou positive.+/-
Productivité pédagogiqueNombre d’études de cas / Nombre de professeurs permanentsCe ratio mesure l’intensité de l’investissement dans la création de supports pédagogiques au service de la formation des étudiants. Il est supposé avoir une influence positive sur la création de valeur pour les diplômés.+
Caractère lucratif2 catégories :
– public et privé non lucratif,
– privé lucratif
Cet indicateur permet de tester si le caractère lucratif ou non de l’école a un impact en allouant des ressources aux actionnaires au détriment des étudiants (-), mais pourrait également se traduire par une gestion plus stricte des ressources et la possibilité de faire plus d’investissements (+)+/ -
Accréditations internationales2 catégories : – accrédité EQUIS et/ou AACSB, – non accréditéLes accréditations ont pris une importance considérable dans la gestion des écoles. Elles sont censées évaluer la qualité des établissements selon une approche multicritère. L’obtention d’une accréditation est supposée avoir une influence positive sur la création de valeur pour les diplômés.+
Durée du grade de MasterDe 2 à 6 ansLa CEFDG joue le même rôle que les accréditations internationales au niveau français. Plus la durée du grade est élevée, plus la qualité intrinsèque du diplôme est supposée élevée.+
Les variables indépendantes
Les variables indépendantes
Ouverture socialePourcentage de boursiers parmi les diplômésCet indicateur mesure l’ouverture sociale du PGE. La reproduction sociale est souvent reprochée aux écoles de commerces dont l’efficacité serait plus due aux réseaux sociaux familiaux des étudiants qu’au processus de formation. Ce critère est donc supposé avoir une influence négative sur la création de valeur pour les diplômés.-
DiversificationNombre d’étudiants du PGE / Nombre d’étudiants de l’école de commerceCe ratio mesure l’intensité de la diversification du groupe. Plus il est faible, plus l’école a développé un portefeuille diversifié de formations, ce qui d’un côté contribue à améliorer la visibilité (+) de l’école et d’un autre dilue son image (-). Son influence sur la création de valeur pour les diplômés peut donc être négative ou positive+/-
Budget par étudiantBudget du groupe / Nombre d’étudiants du groupeCe ratio mesure les moyens de l’école par étudiant. A priori, plus l’école dispose de ressources financières par étudiant, plus elle peut mettre en œuvre des actions pédagogiques et de support à leur profit. Ce critère est donc supposé avoir une influence + sur la création de valeur pour les diplômés.+

Les variables indépendantes

25Pour tester le rôle médiateur des classements d’écoles, nous avons utilisé la procédure Bootstrap (échantillon : 5 000) de la macro Process (model 4, Hayes, 2013). Les résultats sont présentés dans le tableau 4. Comme nous l’avancions, le classement des écoles de commerce joue un rôle médiateur dans le modèle explicatif de la création de valeur pour les diplômés. De surcroît, le classement des écoles accentue l’impact des accréditations internationales (Bsatisfaction= 1,009** ; Brdtfinancier= 0,919** ; Brdtemployabilité = 0,755**), de la durée du grade (Bsatisfaction = 0,372* ; Brdtfinancier= 0,433** ; Brdtemployabilité= 0,166*) et du budget consacré par étudiant (Bsatisfaction= 0,771** ; Brdtfinancier= 0,037* ; Brdtemployabilité = 0,018*) sur les trois dimensions de la création de valeur. Le test de Sobel sur ces 9 liens montre que l’effet indirect de ces trois variables est plus important que leur effet direct sur les trois dimensions de la création de valeur pour les diplômés (rendement financier, rendement employabilité, satisfaction des diplômés). Par ailleurs, les analyses montrent que le classement des écoles de commerce joue un rôle médiateur total entre le caractère lucratif des écoles et la création de valeur pour les diplômés. Le caractère lucratif de l’école n’a pas d’effet direct sur le rendement financier et employabilité, mais son effet indirect via le classement des écoles est significatif sur ces deux dimensions de la création de valeur pour les diplômés (Brdtfinancier = -0,676** ; Brdtemployabilité = -0,437*). Enfin, les résultats montrent que bien que le caractère lucratif de l’école ait un effet direct sur la satisfaction des diplômés, son effet indirect via le classement des écoles est plus élevé (Bsatisfaction = -0,609* ; test de Sobel P = 0,026).

Figure 1

Modèle à tester

Modèle à tester

Modèle à tester

IV – Discussion

1. Contributions théoriques

26L’étude auprès de 37 écoles de commerces française met en évidence deux principaux résultats qui viennent compléter deux champs théoriques que sont la création de valeur et le rôle des signaux de qualité sur les marchés.

Contribution aux recherches sur la création de valeur des écoles de commerce

27En premier lieu, dans la perspective de l’orientation client, cette recherche contribue à mieux comprendre comment les écoles de commerce créent de la valeur pour leurs diplômés. Nous proposons une mesure qui prend en compte trois facettes de la création de valeur : la valeur créée en termes financiers (ratio entre le coût de scolarité et le salaire à la sortie de l’école et 3 ans plus tard), d’employabilité (ratio entre le pourcentage de recherche d’emploi et de CDD et le coût de scolarité) et de satisfaction vis-à-vis de l’école. L’intérêt de cette évaluation tridimensionnelle est qu’elle permet de proposer une vision multidimensionnelle de la création de valeur pour les diplômés et de mieux définir la raison d’être des écoles de commerce autour de ces trois dimensions. Cette approche complète ainsi les travaux antérieurs qui étudiaient de façon isolée la satisfaction des diplômés ou leur insertion professionnelle (Agnew et al., 2016, Ali et al., 2016), en apportant une vision multidimensionnelle de la création de valeur.

Tableau 3

Les leviers de la création de valeur pour les diplômés

Rendement financierRendement employabilitéSatisfaction des diplômés
Variables indépendantesBetaR2BetaR2BetaR2
Accréditations0,366*0,1340,298*0,0890,516**0,266
Durée du grade de Master0,380*0,1450,545**0,2970,602**0,362
Caractère lucratif de l’école- 0,1620,026- 0,2020,041- 0,556**0,309
Budget/étudiant0,380*0,1440,434**0,4860,474**0,225
Taux d’encadrement- 0,1290,0170,0050,000- 0,1220,015
Productivité pédagogique0,0980,0100,0110,0000,0710,005
Productivité recherche- 0,0310,0010,0250,001- 0,0660,004
Ouverture sociale0,2200,048- 0,2250,050- 0,1130,013
Indice de diversification- 0,1290,0170,1200,015- 0,0460,002
Classement des écoles0,557**0,3100,586**0,3440,641**0,410
Rendement financier0,594**0,353
Rendement employabilité0,456**0,208
Les leviers de la création de valeur pour les diplômés

Les leviers de la création de valeur pour les diplômés

* < 0,05 ; ** < 0,01.
Tableau 4

Le rôle médiateur du classement des écoles pour expliquer la création de valeur pour les diplômés

Effets indirectsBLLCIULCIP-value test de Sobel
LucratifClassement école
→ satisfaction- 0,609- 1,168- 2,2620,026*
→ rendement financier- 0,676- 1,309- 0,3190,005**
→ rendement employabilité- 0,437- 0,945- 0,1620,013*
Durée du gradeClassement école
→ satisfaction0,3720,0600,7490,039*
→ rendement financier0,4330,1540,6680,006**
→ rendement employabilité0,1660,0600,3330,079*
AccréditationsClassement école
→ satisfaction1,0090,3001,9050,008**
→ rendement financier0,9190,2201,9530,007**
→ rendement employabilité0,7550,7531,4910,000**
Taux d’encadrement
Classement école
→ satisfaction0,005- 0,0150,0230,625
→ rendement financier0,007- 0,0060,0230,318
→ rendement employabilité0,005- 0,0030,0190,318
Productivité pédagogique
Classement école
→ satisfaction3,481- 0,2177,6820,095
→ rendement financier1,841- 0,4204,3760,183
→ rendement employabilité1,286- 0,2233,9890,174
Productivité recherche
Classement école
→ satisfaction0,357- 1,1412,3160,641
→ rendement financier0,279- 0,5751,5870,582
→ rendement employabilité0,186- 0,3661,2310,587
Le rôle médiateur du classement des écoles pour expliquer la création de valeur pour les diplômés
Le rôle médiateur du classement des écoles pour expliquer la création de valeur pour les diplômés
Budget/étudiantClassement école
→ satisfaction0,7710,0370,1430,009**
→ rendement financier0,0370,0030,0680,073*
→ rendement employabilité0,0180,0040,0400,071*
% boursierClassement école
→ satisfaction- 0,006- 0,0300,0160,607
→ rendement financier- 0,002- 0,0270,0190,802
→ rendement employabilité- 0,001- 0,0160,0080,802
Indice de diversification
Classement école
→ satisfaction0,003- 0,0070,0200,613
→ rendement financier0,000- 0,0080,0150,852
→ rendement employabilité0,000- 0,0080,0140,852

Le rôle médiateur du classement des écoles pour expliquer la création de valeur pour les diplômés

* < 0,05, ** < 0,01.

28Sur cette base, notre recherche permet d’identifier les principaux déterminants de la création de valeur auprès des diplômés. Le rôle des accréditations, qu’elles soient nationale (CEFDG) ou internationales (AACSB et EQUIS), dans la création de valeur apportée aux diplômés est ainsi conforté. Les accréditations expliquent de façon positive et significative à la fois la performance financière, la performance employabilité et la satisfaction des diplômés. Nos résultats montrent également le rôle positif du budget par étudiant pour expliquer les trois facettes de la création de valeur. Les diplômés seront d’autant plus satisfaits, auront un retour sur investissement financier et en employabilité d’autant plus élevé que les moyens consacrés à leur formation seront importants. Ce résultat vient compléter d’autres études qui montraient que les budgets par étudiant n’influençaient pas la satisfaction des étudiants dans un contexte anglais (Agnew et al., 2016). Parallèlement, l’influence négative du caractère lucratif (vs. la non- « lucrativité ») des établissements sur l’ensemble des critères de création de valeur pour les diplômés suggère que la dimension lucrative des écoles s’opère au détriment de la valeur ajoutée créée pour les diplômés.

29Par ailleurs, nos résultats montrent que le taux d’encadrement, l’ouverture sociale, l’indice de diversification, la productivité recherche et pédagogique n’ont pas d’impact significatif sur la création de valeur pour les diplômés et ceci sur les trois facettes. Ces résultats rejoignent ceux obtenus par Martensson et Richtner (2015), en Suède, sur le faible poids de l’activité de recherche des écoles comme critères de qualité pour les étudiants. Ils corroborent également les travaux menés au Royaume-Uni (Agnew et al., 2016) montrant la non-influence du taux d’encadrement sur la satisfaction des diplômés. Cela signifie-t-il que ces variables, qu’il s’agisse de la recherche, de la pédagogie, du taux d’encadrement, de l’ouverture sociale et de la diversification, ne jouent pas de rôle dans la valeur ajoutée créée pour les diplômés ? Pas nécessairement, cela indique simplement que ces variables considérées individuellement n’ont pas d’impact. Ce n’est que remises en perspective dans le cadre d’une stratégie cohérente d’établissement qu’elles peuvent prendre toute leur place, ce que sanctionnent justement les accréditations nationales et internationales.

Contributions aux recherches sur le rôle des classements en tant que signal de qualité

30Aux côtés des accréditations, des budgets par étudiant et du caractère non lucratif de l’établissement, notre étude montre le rôle singulier des classements d’écoles établis par les organes de presse. En effet, notre étude met en évidence que le classement des écoles de commerce influence directement la création de valeur pour les diplômés à la fois en termes financier, d’employabilité et de satisfaction. Par ailleurs, résultat très intéressant, le classement des écoles joue pleinement son rôle médiateur entre les critères de qualité des écoles et la création de valeur pour les diplômés. Cela souligne le fait que les accréditations, le budget par étudiant et le caractère lucratif de l’école ont un poids d’autant plus important sur la création de valeur pour les diplômés qu’ils influencent le classement des écoles. Dans la perspective de la théorie du signal, les classements jouent un rôle important car ils représentent un signal de qualité qui valorisent les diplômés sur le marché du travail et qui est notamment pris en compte par les entreprises dans leur recrutement de nouveaux collaborateurs. En d’autres termes, si les classements d’écoles de commerce peuvent être considérés comme un signal de qualité par les différents acteurs du marché, cela signifie que la qualité des écoles de commerce est d’autant plus déterminante dans la création de valeur qu’elle est reconnue sur le marché via les classements des écoles. Ainsi, les classements d’écoles publiés dans la presse nationale et internationale ont un rôle déterminant dans la création de valeur pour les diplômés. L’attention accordée par les directions d’écoles et leur gouvernance aux classements des écoles s’en trouve ainsi pleinement légitimée. Même si les classements font l‘objet de nombreuses critiques et controverses notamment en termes de rigueur méthodologique et de circularité de la réputation (Marginson, 2014), force est de constater que leur rôle est décisif pour comprendre la formation de la création de valeur pour les diplômés d’écoles de commerce françaises. Ces résultats permettent d’enrichir les travaux qui considèrent la marque comme un signal nécessaire à l’évaluation de la qualité des établissements dans l’enseignement supérieur (Kalafatis et al., 2016 ; Naidoo et Hollebeek, 2016).

31En effet, nos résultats montrent que les classements d’écoles peuvent également être appréhendés comme des signaux de qualité qui jouent un rôle essentiel dans la création de valeur pour les diplômés d’école de commerce.

2. Les implications managériales

32D’un point de vue managérial, notre recherche apporte plusieurs recommandations pour le management des écoles de commerce. Tout d’abord, en raison du poids des accréditations nationales et internationales, on ne peut que conseiller aux établissements de s’inscrire dans les différentes démarches d’accréditation et de se conformer à leurs exigences de qualité pour créer de la valeur ajoutée pour leurs diplômés.

33Par ailleurs, notre recherche montre que les classements, en tant que signal de qualité, reconnus à la fois par les étudiants et les recruteurs, jouent un rôle important dans la capacité des écoles à créer de la valeur pour les diplômés. Toutefois, pour être intégré dans le processus de décision des différents parties prenantes, ces classements doivent être perçus comme suffisamment crédibles. Il est essentiel pour les éditeurs de classements de suivre une approche rigoureuse et de communiquer sur la robustesse de leur processus d’évaluation des écoles. Nous leurs recommandons de faire preuve de transparence, en communiquant de façon claire sur la collecte de données, les méthodologies et les traitements de données utilisés pour établir ces classements.

34Enfin, étant donné le rôle essentiel des classements, en tant que signal de qualité auprès des recruteurs, notre recherche conduit également à recommander aux étudiants et à leurs parents de s’informer auprès d’organismes tiers indépendants tels que les accréditeurs et la presse pour choisir l’école de commerce française dans laquelle ils poursuivront leurs études.

3. Limites et voies de recherche

35Au-delà de nos résultats et recommandations, notre recherche accuse certaines limites que nous nous proposons de lever en identifiant des voies de recherche futures. La plupart de nos données ont été collectées sur le site internet de la CEFDG, ce qui minimise le risque d’optimisation des critères de qualité. Toutefois, les variables « satisfaction des diplômés », « salaires à la sortie » et « classement des écoles » sont des données qui émanent du magazine L’Étudiant. Là encore, les biais sont minimisés car pour la « satisfaction des diplômés » et les « salaires à la sortie », les études sont réalisées par des instituts indépendants. Pour autant, il serait intéressant de prendre en compte différents classements d’écoles tels que ceux du Point ou du Figaro. Toujours dans le domaine des données que nous avons utilisées, on peut noter que des dimensions n’ont pas été retenues dans notre étude empirique comme par exemple la puissance du réseau des anciens, la richesse et qualité de l’offre pédagogique, la segmentation des étudiants selon leur mode d’entrée (classes préparatoires ou admissions parallèles) ou leur statut (apprentis) dont on pourrait considérer qu’elles ont potentiellement une influence sur les variables dépendantes tant en termes de rendement que de satisfaction. Cette absence s’explique par l’impossibilité d’opérationnaliser de façon fiable et claire ces variables dans le cadre d’une étude quantitative. Pour y parvenir, il serait pertinent d’envisager des méthodes qualitatives (études de cas) fondées sur l’analyse en profondeur des pratiques des écoles en la matière. De même, la problématique de l’apprentissage et donc de la part des étudiants qui ne payent pas de frais de scolarité, n’a pas été retenue dans le champ de notre étude, ce qui limite la portée des résultats pour cette catégorie spécifique de diplômés pour qui nos variables rendement financier et rendement employabilité ne sont pas pertinentes. Il pourrait ainsi être intéressant sous réserve de la disponibilité des données nécessaires de mettre en œuvre une recherche spécifique à cette catégorie de diplômés.

36Notre étude se limite à 37 écoles françaises délivrant un diplôme Grande École avec le grade de Master, ce qui limite la portée des résultats à cet univers spécifique. En termes de perspective de développement d’investigations futures, une comparaison avec les établissements de formation purement publics comme les IAE qui préparent à des fonctions identiques ou bien avec des écoles privées payantes qui ne délivrent pas le grade de Master pourrait contribuer à une vision plus large de l’enseignement supérieur en management. Par ailleurs, une comparaison avec des établissements étrangers de même nature serait vraisemblablement porteuse d’enseignements fructueux.

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Date de mise en ligne : 17/12/2019

https://doi.org/10.3166/rfg.2019.00368

Notes

  • [1]
    Un client un peu particulier certes, car il est sélectionné et évalué par le vendeur.
  • [2]
    Les diplômés de formation continue, notamment en MBA, n’entrent pas dans le cadre de nos investigations dans la mesure où leurs motivations et attentes en tant que clients sont de nature différente. La valeur qu’ils attendent ne peut se mesurer de façon similaire. Ils ont pour la plupart déjà un emploi, le rendement financier relève de l’augmentation de salaire et leur satisfaction peut dépendre de critères différents de ceux des diplômés de formation initiale.
  • [3]
    Nous avons retenu une définition plus large de la création de valeur que celle qui prévaut généralement dans le domaine financier en nous fondant sur l’orientation client précédemment mentionnée. Nous avons considéré que la création de valeur pour un diplômé d’école de commerce intégrait plusieurs facettes en relation avec les motivations qui avaient pu présider à son choix d’école.
  • [4]
    Une seule école, l’ISG répondant à ces critères n’a pu être retenue, les données la concernant n’étant pas disponibles sur le site internet de la CEFDG au moment de la constitution de l’échantillon.
  • [5]
    D’autres questions portent sur des satisfactions ciblées par rapport par exemple aux cours, aux locaux, aux relations avec les entreprises, etc.
  • [6]
    Il convient de préciser que ce tarif ne tient pas compte du choix de l’étudiant de faire ou non une année césure, ni du régime de l’apprentissage qui permet aux étudiants de poursuivre gratuitement leurs études et d’être rémunérés par l’entreprise d’accueil. Aussi, le rendement financier comme le rendement employabilité ont peu de sens pour les étudiants en apprentissage.

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