Couverture de RFG_273

Article de revue

Gouvernance et leadership d’une méta-organisation innovante

Le cas d’un pôle dédié aux services médicosociaux à domicile

Pages 11 à 27

Notes

  • [1]
    Pôle PRIDES PSP : pôle services à la personne labélisé PRIDES (pôles régionaux d’innovation et de développement économique solidaire) par la région PACA.
  • [2]
    Terme générique pouvant désigner tout arrangement organisé tel que la méta-organisation.
  • [3]
    Tels que : l’UNA PACA et Corse, l’URIOPSS, le comité régional ADMR, l’Union régionale de la Mutualité française, la CFDT, la Caisse régionale de l’économie sociale et solidaire de PACA, etc.
  • [4]
    L’ouverture au secteur privé dans un contexte contraint (tarif figé des prestations et réglementation des prestations) a révélé la banalisation du secteur. Le PSP a initié puis accompagné la prise de conscience de ce changement de paradigme, tout en utilisant de préférence le terme de « coopération » et non pas de « fusion » pour éviter quelques oppositions. Pour autant, les associations intègrent ce changement de paradigme en privilégiant davantage le terme de « client » à celui de « usager ».
  • [5]
    Le rôle du PSP doit être davantage entendu comme une démarche à faire évoluer la culture de ses membres, en soutenant quelques opérations emblématiques. En 2009, dans son « guide de la coopération », le PSP mentionne l’accompagnement de 7 structures de SAP.
  • [6]
    Depuis 2015, le pôle a commencé une nouvelle réflexion visant à accompagner le développement des opérateurs dans d’autres lieux que le domicile, tels les habitats collectifs non médicalisés.
  • [7]
    Ainsi est-il très difficile de faire financer un « siège social » doté d’un service Développement, sauf à postuler à des financements exceptionnels, mais qui requièrent une expertise ou du temps que les petites structures possèdent très peu.
  • [8]
    Cette capacité à suivre les évolutions du secteur renforce la capacité du Pôle (et donc de certains de ses membres) à répondre à des appels à projet émis par la région, permettant d’accéder à des financements pour mener des opérations de restructuration ou, pour le Pôle, pour assurer son fonctionnement (financement de projets et d’études par exemple).
  • [9]
    Dans le cas du Var, il existe une coordination de la région et du département pour faciliter les innovations organisationnelles comme les rapprochements et les fusions-acquisitions.

1 L’innovation est un produit, service, dispositif, ou modèle organisationnel, définie comme une remise en cause plus ou moins profonde des règles ou normes (Alter, 2000) au regard desquelles les acteurs opèrent habituellement. L’innovation organisationnelle (IO) « peut être définie comme la nouveauté pour l’organisation elle-même » (Dubouloz, 2014, p. 62) visant à proposer un « process interne inédit » (Fonrouge, 2008, p. 108), qui « englobe les nouvelles pratiques managériales, les nouvelles stratégies, procédures, politiques et structures organisationnelles » (Dubouloz, 2014, p. 62) comme celles qui sont déployées lors des fusions et acquisitions d’entreprises, car à l’origine de changements radicaux (Demers, 1999). L’IO résulte d’un processus complexe pour de nombreuses raisons, retenant notamment celle-ci comme point de départ de notre contribution : comment favoriser l’IO, alors que l’environnement ou les routines organisationnelles favorisent l’inertie ?

2 La littérature embrasse cette question dans des directions très variées, telles que : l’acteur-entrepreneur (Fonrouge, 2008), les caractéristiques organisationnelles (ambidextrie, Raisch et al., 2009 ; organisation fluide et organisabilité, Dobusch et Schoeneborn, 2015, etc.), la mise en réseau d’acteurs (Dougherty et Dunne, 2011) ou encore des formes nouvelles de gouvernance collaborative (Moore et Hartley, 2008). En particulier, notre contribution s’appuie sur une littérature encore émergente relative aux nouvelles formes partielles d’organisation, de gouvernance et de collectifs (Crespin-Mazet et al., 2017) qui, parce que dotées de ressources ou de légitimité spécifiques, et opérant de manière fluide, sont capables d’initier des innovations qui remettent en cause profondément des routines.

3 Nous nous intéressons à une forme organisée spécifique, la méta-organisation, forme prometteuse (Bor, 2014) réputée favoriser l’innovation entre ses membres car structurellement faible mais douée d’efficacité (Dumez, 2008). Certains travaux (Leys et Joffre, 2014) analysent comment des organisations innovent en se constituant en méta-organisation ; notre recherche examine la relation inverse en questionnant comment une méta-organisation parvient à favoriser l’innovation entre ses membres (que nous appelons une méta-organisation innovante, MOI). D’autres auteurs (Malcourant et al., 2015) portent leur attention sur la capacité d’une MO à diffuser parmi ses membres de nouveaux standards et pratiques. Notre recherche se situe dans cette lignée, tout en s’en différenciant puisqu’elle analyse la capacité à faire émerger une nouvelle pratique (susceptible de diffusion) qui va à l’encontre des habitudes et valeurs dominantes du contexte.

4 Pour ce faire, nous mobilisons deux leviers identifiés dans la littérature sur l’innovation, (Chapman et al., 2010) : la gouvernance (Moore et Hartley, 2008) et le leadership (Denis et al., 2012). La manière dont ces leviers favorisent un arrangement organisé innovant (ou MOI en particulier) appelle encore des investigations. Nous nous intéressons aux fusions, catégorie particulière d’innovation organisationnelle visant la « création de valeur supplémentaire plus importante » (Meier et Schier, 2012, p. 119). Notre recherche analyse le secteur des services médicosociaux à domicile (SAD). Au côté de quelques structures nationales ou régionales, il est très largement composé d’organisations de services à la personne (OSP) de très petite taille qui peinent à innover pour répondre aux attentes des usagers tout autant qu’à percevoir les conséquences importantes de la loi Borloo (2005), qui, ouvrant le secteur aux entreprises privées, a fortement renforcé la concurrence, le besoin de professionnalisation et la recherche d’une taille critique. C’est pour soutenir leur prise de conscience et des stratégies de réaction, que le pôle régional PRIDES PSP PACA [1] a multiplié des actions d’information et a soutenu politiquement et méthodologiquement des OSP dans cette absolue nécessité à fusionner. Cette quasi-injonction a fait débat et a rencontré de fortes oppositions. Dans ce contexte, nous questionnons les leviers particuliers de la gouvernance et du leadership du PSP, que nous considérons comme une MO, qui permettent à ce pôle de soutenir les fusions (et d’être une MOI).

I – Gouvernance et leadership de la moi

1. Modèle générique de la MO

5 La méta-organisation (Ahrne et Brunsson, 2008) est une forme organisée (Bor, 2014) « dont les membres sont eux-mêmes des organisations » (Leys et Joffre, 2014, p. 122). Elle est réputée incomplète ou structurellement faible (Dumez, 2008 ; Bor, 2014 ; Malcourant et al., 2015) : absence de règles formelles et de système hiérarchique de pilotage, forme souple d’appartenance (puisqu’il est facile d’en sortir) (Malcourant et al., 2015). La MO est régie par des mécanismes dits faibles, volontairement élaborés par ses membres (Ahrne et Brunsson, 2008) et portant essentiellement sur des procédures permettant l’action collective. Ses frontières ainsi que ses modalités d’entrée et de sortie sont souples ; les règles d’adhésion sont volontairement définies (Malcourant et al., 2015) afin de promouvoir des activités collectives, selon « des formes de contrepartie non pécuniaires, notamment par l’échange d’expériences » (Gadille et al., 2013, p. 8), et laissant libres les membres de poursuivre leurs propres buts et de s’approprier à leur convenance ce que la MO aura collectivement élaboré.

6 Le secrétariat de la MO joue un rôle important en prévenant tout risque de dilution ou, au contraire, de centralisation et de formalisme excessifs. Il s’agit d’une structure permanente qui constitue la mémoire de la MO, palliant la discontinuité des réunions et sa faiblesse structurelle. Son rôle est de préparer la rédaction des standards et la prise de décision (Dumez, 2008) ; sa légitimité et son autorité sont construites sur son expertise du secteur d’activité et son expertise méthodologique pour accompagner l’élaboration de ces règles souples.

2. Grille d’analyse de la MOI

7 Questionnant une forme particulière de MO, la MOI, nous avons retenu les travaux de Dougherty et Dunne (2011) comme grille d’analyse de la capacité d’une telle organisation à favoriser l’innovation. L’intérêt de ces travaux est d’étudier la capacité d’« écologies » [2] à favoriser des innovations dans des contextes similaires à la MO, à savoir entre une variété d’organisations aux compétences distribuées dans des environnements contraints ou incertains. Ces travaux rejoignent une littérature récente sur les MO (Gadille et al., 2013) qui mobilise une approche cognitive pour étudier des arrangements dédiés à l’innovation. Dougherty et Dunne postulent qu’un arrangement organisé peut favoriser l’innovation s’il parvient à développer trois pratiques.

8 La première pratique est relative à la capacité à orchestrer des savoirs, en mettant en relation les acteurs pour articuler différents domaines de connaissance ; la seconde concerne la capacité à élaborer en continue une vision stratégique ; et la troisième la capacité à influencer les politiques publiques. Nous complétons cette grille en interrogeant deux leviers réputés soutenir la capacité d’une organisation à innover, et pourtant peu analysés dans les travaux sur la MO : la gouvernance, notamment dans sa forme collaborative et partagée (Gadille et al., 2013) et les phénomènes de leadership souvent repérés dans les démarches d’innovation (Bor, 2014).

3. Gouvernance et leadership d’une MOI

9 Concept caractérisé par une forte polysémie (van Kersbergen et van Waarden, 2004), nous considérons dans notre recherche la gouvernance comme un « espace de jeu » (Moreau Defarges, 2011, p. 13), régi par des règles que les acteurs mobilisent pour « s’assurer [qu’ils] s’engagent dans des actions collectives et mutuellement bénéfiques, que les conflits sont pris en compte, [et] que des ressources sont disponibles et utilisées correctement » (Provan et Kenis, 2008, p. 231).

10 En complément de cette approche fonctionnelle de la gouvernance, ces auteurs ont élaboré une typologie de trois formes génériques de leadership dans des contextes similaires à la MO, à savoir entre organisations autonomes et membres de dispositifs faiblement structurés qui peuvent donner lieu à des arrangements formalisés ou informels (Chabault, 2009).

11 Quant aux innovations que nous étudions, portées par une pluralité d’acteurs désireux de pérenniser leur organisation (Pearce, 2004), la littérature a principalement analysé des formes variées de leadership au pluriel (Denis et al., 2012) que l’on définit comme « un processus collectif où le leadership est distribué entre les membres d’un groupe qui exercent une influence latérale entre eux et qui possèdent les habiletés et la motivation nécessaire pour influencer et motiver leurs collègues afin de les amener à contribuer à l’atteinte des objectifs du groupe ou de l’organisation » (Doucet et Sweeney, 2010, p. 149). Ce leadership repose sur la confiance entre ceux qui l’exercent, de manière horizontale (Pearce, 2004), ce qui leur permet de développer une capacité à influencer les membres de leur organisation ou de leur environnement. Ce leadership partagé et horizontal est alors différencié d’un leadership plus traditionnel, hiérarchique et vertical même si ces deux formes peuvent se compléter (Gronn, 2002).

II – Le pôle PSP : une moi en devenir pour favoriser les fusions organisationnelles

1. Présentation du secteur des SAD et du pôle PSP

12 Les SAD regroupent en France un ensemble d’activités (aide-ménagère, course, démarche administrative, petit soin, etc.) dédiées aux personnes dépendantes ou fragiles vivant à domicile. Le secteur est historiquement tenu par des associations à but non lucratif et a connu une croissance soutenue (vieillissement de la population, soutien financier des politiques publiques). Or depuis quelques années, ce secteur subit une diminution des aides publiques et de fortes contraintes qui poussent à sa banalisation dans un contexte de consolidation, par des fusions, fortement encouragées par les pouvoirs publics.

MÉTHODOLOGIE

Désireux d’étudier les formes de gouvernance et de leadership d’une MO habile à favoriser des innovations (MOI), nous avons retenu le cas du pôle des services à la personne en région PACA (PSP PACA). Celui-ci est confronté au dilemme suivant : continuer à rassembler le plus grand nombre d’adhérents en les accompagnant dans la professionnalisation de leurs métiers et l’innovation de services au cœur de leurs activités habituelles, ou soutenir des opérations de fusion, qui sont fortement encouragées par les autorités publiques, mais largement contestées par les opérateurs. C’est pour comprendre comment ce pôle est parvenu à gérer ce dilemme que nous l’avons retenu comme un cas unique et révélateur (Yin, 2003). Sur une période de 3 ans (2011-2014) nous avons collecté et analysé des données secondaires (rapport d’activités du PSP, procès-verbaux de réunion, business plans des projets de fusions, etc.) et avons réalisé 31 entretiens semi-directifs : 18 auprès de dirigeants d’OSP et d’un responsable d’agence membres du PSP ; 5 auprès de la directrice et des chargés de mission, 3 auprès d’une structure associative finançant notamment des opérations de coopération et de fusion dans le secteur des SAD en PACA ; 2 auprès de fédérations de prestataires et 2 auprès d’acteurs publics (DIRRECTE et la région).
Nous avons suivi les préconisations de Miles et Huberman (2007) pour coder et analyser nos données au regard de notre cadre théorique.

13 Mais ces projets de fusion ont été rejeté car ils heurtaient les valeurs prégnantes dans ce secteur (proximité des intervenants, personnalisation des services, etc.) et qu’ils imposaient des logiques de l’économie « marchande » désormais permises par la loi Borloo (2005).

14 « Avec la loi Borloo, il y a eu une forte concurrence, car le secteur a été ouvert aux sociétés privées, […] la loi Borloo a ouvert la boîte de Pandore… » (entretien dirigeant).

15 C’est pourtant dans ce contexte que le pôle PSP (fondé sur les valeurs de l’économie sociale et solidaire) a entamé une évolution radicale en décidant récemment d’aider ses membres qui souhaitaient mener de telles innovations organisationnelles (notamment avec une première publication en 2009 d’un guide d’accompagnement à la coopération).

2. Pôle PSP : une méta-organisation au service des OSP

16 Créé en 2007, le pôle PSP de la région PACA rassemble 150 membres (à fin 2014) : environ 130 OSP (dont 68 % associatives) ainsi que des fédérations, syndicats et regroupements divers [3], qui auront signé une charte portant des principes de solidarité, de responsabilité sociale et environnementale. Organisation incomplète, nous qualifions cet arrangement d’organisations, une MO. La gouvernance formelle du PSP est portée par une assemblée générale, un conseil d’administration et un bureau. Son secrétariat, au sens de Dumez, 2008, est constitué par la directrice du pôle. Ses missions traditionnelles sont celles de la représentation et de la défense des intérêts de ses membres auprès des pouvoirs publics (conseils régional et départementaux, agence régionale de santé principalement), le soutien à la professionnalisation des équipes ainsi qu’à des innovations de service au cœur du métier des opérateurs (personnalisation des interventions, GPEC, gestion des risques, etc.). Le pôle édite divers documents pour soutenir ses membres dans le développement de leur activité. Son activité intense est le fruit de groupes de travail réunissant des membres, selon leurs intérêts propres, des experts et toute autre partie extérieure en raison de leurs compétences ou de leur rôle institutionnel.

3. Pôle PSP : quatre pratiques diversement acquises pour favoriser les fusions

17 Appuyé par quelques opérateurs de taille importante, le pôle a opéré un virage important en se saisissant de la question controversée des fusions. Dans un secteur historiquement tenu par des structures associatives (souvent à but non lucratif), le pôle a multiplié les occasions d’informations sur les tendances de fond qui s’opéraient sur le secteur par l’ouverture au secteur privé marchand (voir loi Borloo [4] : nécessité d’atteindre une taille critique (pour réaliser notamment des économies d’échelle) et professionnalisation du secteur.

18 Par ailleurs des acteurs se sont rencontrés au PSP et ont initié des opérations de fusion (rôle direct ou indirect du pôle). Sur la période 2010-2014, cinq opérations de fusion ont en moyenne été accompagnées par le pôle par an [5]. Aux trois pratiques identifiées par Dougherty et Dunne (2011), diversement acquises, un premier résultat est l’identification d’une quatrième pratique, relative à la capacité à théoriser l’innovation (Munir, 2005) qui repose sur la capacité à élaborer un discours justifiant l’innovation et sa plus-value, et à mobiliser des alliés. Le tableau 1 présente ces quatre pratiques, qui montre une capacité contrastée à être une MOI.

19 Le repérage des acteurs et experts pertinents et leur mise en relation de manière souple ont permis au pôle d’orchestrer des savoirs nouveaux pour accompagner les fusions. Pour autant, et parce que ces dernières sont souvent de survie, il fut difficile pour le PSP d’élaborer une véritable approche stratégique qui ferait des fusions une opportunité de restructurer durablement le secteur (pour développer de nouveaux services par exemple [6]). Mais un premier pas a été réalisé par le recrutement d’une compétence dédiée à l’élaboration de la stratégie. Finalement, le faible nombre de fusions mené à fin 2014 ou la faible représentativité objective du SAP dans l’économie régionale permet peu au PSP d’influer structurellement sur l’orientation des politiques publiques, dont le principe d’intervention reste celui de l’allocation de budget en fonction du nombre d’heures d’intervention au domicile [7]. Ces deux dernières pratiques (strategizer et influencer les politiques publiques) sont cependant en voie d’acquisition.

20 Durant cette période, nous avons enfin observé combien le pôle a su développer une nouvelle capacité à théoriser (quatrième pratique) pour promouvoir et mettre en valeur les avantages des fusions. Cette pratique de théorisation est autant tournée vers l’interne (envers des membres de moins en moins réticents à évoquer cette question) que l’externe. Ainsi, en dépit de la faiblesse objective des SAP dans l’économie régionale, un responsable de la région nous a-t-il déclaré :

21 « … Le secteur du service à la personne est stratégique puisque l’emploi-formation est une thématique importante. En PACA, nous avons un chômage très important dans notre région, or il se trouve que le premier secteur employeur est constitué de l’ensemble des secteurs des services à la personne et de la santé. » (représentant de la région).

22 Le pôle a su réarchitecturer les réseaux entre dirigeants des OSP, leur offrant un espace d’échanges unique, en leur permettant par exemple de s’imprégner des référentiels de l’économie de marché, en côtoyant lors de manifestation (séminaire, groupe de travail) du PSP des entreprises à but lucratif, ou à encourager l’émergence d’idées nouvelles, comme celle de diversifier leurs activités vers les secteurs sanitaire et médico-social. Ces évolutions importantes ont été portées par des changements notables dans la gouvernance et le leadership du PSP. Le pôle a ainsi modifié ses statuts en 2011 de la manière suivante : 8 sièges du conseil d’administration sur 54 réservés à des opérateurs lucratifs ; entrée dans des groupes de travail d’opérateurs sanitaires et médico-sociaux à partir de 2014. Par ailleurs, le pôle bénéficie du leadership de sa directrice auprès des membres et des pouvoirs publics, celle-ci ayant eu une forte influence sur le lancement par la région d’appels à projets favorables aux regroupements. Ces deux leviers combinés ont ainsi accompagné l’acquisition des quatre pratiques comme une réponse aux enjeux de survie dans le secteur et à la banalisation de son offre, tout en évitant le double risque d’une désaffection par ses membres traditionnels (petits opérateurs du secteur associatif) et d’un rejet du discours et de l’orientation en faveur des fusions. Nous allons dans la partie suivante analyser plus finement ces deux leviers essentiels d’une MOI.

Tableau 1

Les quatre pratiques du pôle PSP comme une MOI soutenant les fusions entre OSP

Pratiques Orchestrer des capacités de savoirs Elaborer la stratégie en continu Influencer les politiques publiques Théoriser l’innovation
Degré de maîtrise Fort Moyen Faible Fort
Orchestration de savoirs :
– savoirs relatifs au cœur de métier et savoirs portés par des experts pour mener les fusions ;
– transformation des savoirs managériaux par intégration de savoirs sur l’économie et la gestion marchande des structures.
Mise en relation :
– entre OSP désireux de fusionner ;
– entre OSP et experts
Elaboration d’une vision stratégique :
– quant aux fusions par un accroissement des compétences stratégiques et managériales issues des fusions ;
– quant au PSP : élaborer une politique stratégique Mais difficultés relatives car la grande majorité des fusions étudiées sont « de survie » et donnent peu de latitude et de moyens additionnels aux opérateurs à imaginer de nouveaux axes de développement et au pôle PSP à valoriser une extension dans le champ sanitaire.
Recherche de différents soutiens auprès des acteurs publics (région et départements) pour faciliter la mise en œuvre des fusions.
Mais pratique limitée du fait de la richesse relative créée par les SAP dans l’économie régionale (bien qu’étant en volume le premier secteur employeur).
Interprétation (« framing ») de l’environnement contraint et concurrentiel ; Elaboration d’un discours sur les enjeux de la fusion Elaboration d’un discours sur l’importance économique et sociale du secteur en direction des acteurs publics de la région.
Elaboration de guides méthodologiques sur les fusions (ou plus généralement les approches coopératives)
figure im1

Les quatre pratiques du pôle PSP comme une MOI soutenant les fusions entre OSP

III – Gouvernance ouverte et duale et leadership mixte du pôle PSP comme une moi

23 L’analyse révèle combien une gouvernance évolutive, duale (formelle et informelle) et ouverte (Gimet, 2014), et un leadership mixte (horizontal et vertical) s’enrichissent mutuellement et permettent au PSP de développer les quatre pratiques favorisant l’émergence d’une MOI capable de promouvoir les fusions. Le tableau 2 décrit la capacité de ces deux leviers à soutenir ces quatre pratiques.

1. Une gouvernance ouverte formelle et informelle

24 Notre analyse enrichit la littérature (Gulati et al., 2012 ; Bor, 2014) en révélant le caractère clairement ouvert (Gimet, 2014) de la gouvernance du PSP, en réponse aux évolutions du secteur des SAP et ainsi acter que le pôle entendait répondre aux enjeux nouveaux. Cette évolution permet également de faire « entrer » en son sein des points de vue différents et d’alimenter le travail du PSP, lui offrant des ressorts d’adaptabilité [8] renforcés par l’hétérogénéité de ses membres, qui l’instrumentalisent pour véhiculer des attentes dans une démarche ascendante : « Du point de vue notamment de la coopération les niveaux d’appréhension sont différents en fonction de nos administrateurs, parce que leurs réalités sont différentes, ils ne sont pas d’un même département, ils n’ont pas la même taille, ils n’ont pas les mêmes ambitions personnelles… » (chargé de mission, PSP).

25 Cette gouvernance ouverte alimente tant la gouvernance formelle (AG, bureau et conseil d’administration) que la gouvernance dite informelle (Chabault, 2009), qui se constitue de manière ad hoc au gré des opérations réalisées par le pôle.

26 Il s’agit d’une démarche construite par le pôle qui évolue en fonction des interventions et des compétences requises :

27 « Il nous faut identifier les partenaires techniques pertinents, les mettre en relation pour voir s’ils peuvent faire des choses ensemble si on peut les accompagner, voire construire un projet d’expérimentation puisqu’une fois qu’ils se sont identifiés les uns les autres, très souvent, il faut les accompagner dans la démarche… » (chargé de mission, PSP).

28 L’articulation entre ces deux gouvernances (qui s’alimentent mutuellement) permet au pôle de développer (de manière variable, tableau 1) les quatre pratiques d’une MOI (tableau 2). La capacité de la gouvernance à développer la troisième pratique (influencer les politiques publiques) est ainsi quasi inexistante. Pourtant le pôle PSP est-il parvenu à orienter l’action de la région qui lance régulièrement des appels à projets permettant de financer des opérations de restructuration (ou des études en vue de stabiliser la connaissance méthodologique pour les mener). Cela a été essentiellement rendu possible par le second levier du leadership.

2. Un leadership mixte horizontal et vertical

29 Le fonctionnement ouvert et flexible du PSP facilite (tout autant qu’il en découle) l’exercice d’un leadership horizontal et partagé (Denis et al., 2012), largement repéré dans la littérature sur le management de l’innovation collective. Ce leadership émerge des influences latérales entre des dirigeants d’OSP et d’experts leaders apportant des savoirs indispensables pour mener des fusions Il se constitue selon une logique de contribution intellectuelle d’experts aux compétences élevées (Pearce, 2004), créant de la valeur cognitive dans un contexte vital pour les opérateurs, offrant une « contribution collective des ressources des acteurs dans une démarche de collaboration » (Gimet, 2014, p. 168) ; ce que résume un chargé de mission du PSP :

Tableau 2

Gouvernance et leadership du pôle PSP comme une MOI accompagnant les fusions

Orchestrer des capacités de savoirs Élaborer la stratégie en continu Influencer les politiques publiques
Gouvernance Forte influence de la gouvernance informelle en perpétuelle remodelage. Faible influence de la gouvernance formelle Influence de la gouvernance formelle qui parvient, par le poids récent des nouveaux membres, à faire évoluer le contenu du projet stratégique du PSP en AG ou au sein de son bureau.
Influence permise par l’appui de la gouvernance informelle
Pas d’influence particulière sur cette pratique
Leadership Forte influence du leadership vertical pour mobiliser des réseaux d’expertises.
Forte influence du leadership horizontal pour faire circuler les connaissances
Pas d’influence particulière sur cette pratique Forte influence du leadership vertical pour influencer l’action de la région
Théorisation
Gouvernance Forte influence de la gouvernance informelle (bâtie sur la mobilisation ad hoc d’experts) qui permet au PSP de construire un discours en faveur des fusions et de leur plus-value et de soutenir la gouvernance formelle (quand par exemple, l’AG ou son bureau font évoluer le projet stratégique du PSP et permettent l’entrée de nouveaux membres).
Leadership Forte influence du leadership vertical en faveur des fusions, porteur d’un discours renforcé par un leadership horizontal (experts et certains OSP importants).
figure im2

Gouvernance et leadership du pôle PSP comme une MOI accompagnant les fusions

30 « Pour la journée Anticipation de Crise organisée avec le DLA 83 (dispositif local d’accompagnement du Var) et le PSP, nous avons fait intervenir pour leurs compétences spécifiques, un dirigeant de structure en redressement judiciaire, un administrateur judiciaire, une avocate, un expert-comptable et juge au tribunal de commerce… ». Le leadership horizontal permet essentiellement de maîtriser la pratique « Orchestrer des savoirs » au profit des opérateurs entrés dans un processus de fusion, et au profit du PSP qui, par le jeu de sa gouvernance (notamment informelle) peut capitaliser sur ces connaissances nouvelles. À ce leadership d’expertise (de type empowerment, Pearce, 2004) on a pu observer très clairement un leadership vertical, de nature transformationnelle (ibid.) et stratégique, porté principalement par la directrice du pôle (et parfois ses chargés de mission), et permettant une mise en relation des acteurs, un travail de théorisation sur les fusions, et voire une certaine influence sur les politiques publiques, notamment lors de réunions régulières de travail menées avec les services de la région :

31 « Nous avons un temps fort en fin d’année pour préparer la nouvelle année. Nous avons également des suivis mensuels, souvent partagés avec des invités, selon des ordres du jour définis. Nous pouvons inviter des tiers pour faire le point sur les actions en cours, les animations à venir, les difficultés qui peuvent être rencontrées, les opportunités, […] à côté de cela il y a des échanges hebdomadaires avec les chargés de mission, enfin personnellement mon téléphone est ouvert et il est possible de communiquer assez souplement. » (responsable à la région).

32 Ce leadership vertical offre pour la région un cadre « non officiel » de soutien aux nouvelles orientations du PSP (ce que ne pouvait permettre sa gouvernance formelle) ; en contrepartie, les actions du PSP sont facilitées par les tutelles, notamment par l’attribution de financements spécifiques :

33 « … la coopération s’est inscrite dans nos plans stratégiques, nos financeurs soutiennent ces stratégies puisqu’ils nous financent, […] du coup pour la première fois nous allons avoir courant 2014 une convention avec le Conseil général du Vaucluse, sous couvert de sa convention avec le CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie], qui missionne le Pôle services à la personne pour accompagner des structures d’aide à domicile du département à s’engager sur des logiques de coopération, de rapprochement… » (direction du PSP) [9]. Gouvernance et leadership interagissent pour accompagner le pôle dans la maîtrise (plus ou moins avérée) des quatre pratiques d’une MOI. Ainsi, selon Ansell et Gash (2008), le leadership (appelé « leadership facilitateur », ibid, p. 554) est un des facteurs explicatifs de la capacité d’une gouvernance collaborative à réellement produire de la coopération entre acteurs. Nos résultats nous permettent d’approfondir cette relation quand la nature des acteurs (opérateurs, experts ou acteurs publics) et la nature de ce qui est au cœur de la collaboration (expertise ou jeu politique) requièrent deux formes différenciées de leadership (respectivement horizontal et vertical). Selon ces mêmes auteurs, la collaboration émerge quand la gouvernance s’appuie sur le dialogue, la confiance et le sentiment d’engagement réciproque. Dans le cas étudié, cela a été rendu possible par l’enrichissement mutuel entre gouvernance formelle et informelle, quand la gouvernance informelle permet de faire entrer au sein du PSP de nouveaux acteurs et compétences, tout en préservant l’orientation officielle de ce pôle qui, bien qu’ayant adopté de nouvelles orientations stratégiques, peine encore à parler ouvertement de fusion comme condition de survie et nécessaire restructuration du secteur des SAP.

IV – La moi : gouvernance, leadership et théorisation pour éviter les pièges des organisations incomplètes

34 Nous avons analysé comment les ressorts de la gouvernance et du leadership soutiennent des pratiques d’une écologie (Dougherty et Dunne, 2011) en faveur de l’IO, au sein d’une MO dans un contexte peu favorable. Ces résultats nous conduisent à approfondir la notion de MOI et les pratiques (notamment celle qui émerge de notre travail, la théorisation) permettant d’asseoir la capacité à promouvoir l’innovation.

1. La MOI : entre capacité à soutenir des innovations et piège de la MO

35 Alors que la MOI est une forme organisationnelle souple potentiellement favorable à soutenir l’innovation, elle n’est pas exempte de pièges qui l’empêcheraient de jouer ce rôle. En raison de sa faiblesse structurelle, un premier risque est celui de dilution ou d’affaiblissement des orientations nouvelles qu’elle veut promouvoir ; un second risque serait à l’inverse celui d’un excès de formalisation ou d’une dépendance politique en raison de la dominance de certains acteurs (Malcourant et al., 2015). Ainsi, la MO serait davantage une « organisation soft » (Chapman et al., 2010), dédiée à la promotion de certains acteurs, alors que le pôle se veut être un espace généraliste au profit des OSP, ou préservant le statut quo, alors que le pôle cherche à initier ou soutenir des innovations. L’enjeu critique pour une MOI est donc de maintenir une identité forte (i.e. intérêt pour ses membres à continuer à participer à cet arrangement) autour de nouveaux projets acceptés. L’articulation fine que nous avons observée sur notre terrain entre différentes formes de gouvernance et de leadership permet d’émettre des propositions pour éviter ces pièges de la MOI.

36 Le leadership vertical permet au secrétariat de la MO de maintenir des liens avec un acteur public essentiel (la région), pour ainsi maintenir sa crédibilité vis-à-vis de ses membres et pouvoir accéder à des ressources financières et politiques pour soutenir les fusions. Il permet également de faire « avancer en douceur », en apparaissant peu intrusif (Ansell et Gash, 2008) une gouvernance formelle qui, bien que récemment ouverte (Gimet, 2014) à de nouvelles catégories de membres, et ayant adopté un nouveau projet stratégique, ne peut encore clairement se prononcer sur une promotion des fusions. C’est donc par le biais de ce leadership vertical que le secrétariat de la MOI a entendu agir sur la restructuration du secteur régional des SAP.

37 La gouvernance informelle permet d’acquérir au gré des opérations d’innovation, de nouvelles connaissances et de nouvelles mises en relation entre acteurs. Et parce que ces opérations ont rencontré le succès attendu, le PSP peut communiquer légitimement et peu à peu sur ces nouvelles orientations, et justifier la modification des instances de sa gouvernance formelle. Il est apparu que ce mécanisme de diffusion permis par la gouvernance informelle évite au secrétariat de devoir jouer sur des armes telles que la hiérarchisation ou le leadership individuel directif (préservation d’un leadership horizontal et d’un leadership vertical d’influence d’un acteur public) qui pourraient conduire à un formalisme plus fort, faisant dévier alors la MOI vers une structure organisationnelle plus classique, ou un affaiblissement des nouvelles orientations, mettant à mal la légitimité même de la MOI. Ainsi par le jeu de ces deux ressorts (gouvernance ouverte et leadership mixte), la MOI que nous avons étudiée parvient à continuer à fonctionner selon une MO (Gimet, 2014), propice à rendre inéluctable (i.e. théoriser) et à accompagner l’innovation. Cette capacité est possible car cette MOI présente les caractéristiques propres d’une MO : une faible stratification hiérarchique (Gulati et al., 2012 ; Bor, 2014), une faible formalisme et une porosité de ses frontières qui permet de facilement diffuser savoirs et nouvelles relations.

38 Pour autant, les formes de gouvernance et de leadership observées peuvent avoir un impact faible, en particulier quand elles sont déployées au gré d’opérations de fusion au devenir incertain et en nombre limité et au gré de relations avec la région pour qui le secteur des SAP reste relativement « marginal » pour son économie. Cela aurait pour effet d’affaiblir la capacité de la MOI à développer les pratiques nécessaires au soutien à l’innovation. Nos résultats nous permettent alors d’émettre un second ensemble de propositions quant à l’importance d’une quatrième pratique qui a émergé de nos résultats, celle de théorisation de l’innovation.

2. Théoriser l’innovation pour créer une fenêtre d’intervention à long terme

39 Nous avons mobilisé les travaux de Dougherty et Dunne (2011) pour nous doter d’une grille d’analyse de la MOI. Les trois pratiques que ces auteurs proposent sont présentées comme s’enrichissant, la troisième (influencer les politiques publiques) requérant l’élaboration d’une vision stratégique (deuxième pratique) adossée sur l’orchestration de nouveaux savoirs (première pratique). Or cette relation peut potentiellement être affaiblie dans le contexte de notre recherche qui porte sur un cas d’innovation (fusion) spécifique à bien des égards : heurtant les valeurs et pratiques des membres traditionnels et le positionnement historique du PSP, et dont l’enjeu perçu par la MO (son secrétariat et quelques-uns de ses membres) est celui d’une restructuration profonde du secteur d’activité. Ceci requiert au-delà de l’acquisition de savoirs pour mener les fusions, une mise en perspective stratégique et une action sur les politiques publiques.

40 Nous avons alors observé combien la MOI, et en particulier son secrétariat, a développé une habileté à théoriser ce qu’elle faisait (promouvoir et accompagner les fusions). Cette pratique de théorisation permet de construire et de proposer un cadre cognitif (arguments) et politique (mobilisation d’alliés) pour problématiser (Munir, 2005) l’évolution du secteur et justifier la fusion comme une réponse pertinente aux enjeux du secteur.

41 La théorisation a consisté à mettre en scène l’évènement « loi 2005 », certes fortement perturbatrice, mais dont l’effet continue à être ignoré par nombre d’OSP dès lors que les aides publiques parviennent encore à financer leurs heures d’intervention ; elle a articulé deux ensembles d’arguments, issus de l’économie sociale et solidaire (le bien-être de la personne dépendante, l’accès à tous aux services, etc.) et de l’économie marchande (fins des aides publiques et recherche de moyens alternatifs de développement, etc.) et en démontrant l’intérêt à articuler progressivement la logique traditionnelle mais au futur incertain (recherche de subvention publique) avec une nouvelle logique basée sur une approche économique et stratégique du développement des structures. Cette manière à théoriser a permis d’offrir une vision inspirante et porteuse de motivation (Bamford-Wade et Moss, 2010) pour l’ensemble des membres de la MOI, en ayant su articuler arguments discursifs et à mobiliser des acteurs qui appartenaient à la logique dominante (secteur social) et à la logique émergente (secteur marchand). Ce résultat enrichit la littérature récente (Malcourant et al., 2015) qui a principalement porté son attention sur les mécanismes d’identification à une MO pour expliquer l’appropriation par ses membres de nouvelles pratiques que cette dernière a promues. La spécificité de notre terrain, à savoir les efforts à produire pour innover à l’encontre des normes et pratiques établies, portées par des acteurs encore dominants en termes de légitimité, nous ont conduits à mettre en évidence ce travail institutionnel de théorisation, à savoir de justification de l’action et de mobilisation des alliés pour diffuser de nouveaux schémas cognitifs.

42 Le travail de théorisation a essentiellement été porté par le secrétariat de la MOI, jouant à la fois de son leadership vertical, pour s’assurer du soutien de la région, et de son leadership horizontal, pour diffuser arguments et justifications parmi l’ensemble des membres du PSP.

Conclusion et pistes de recherche

43 Entre organisation formelle et environnement, entre réseau et institution, la MO apparaît comme une forme organisée incomplète (Ahrne et Brunsson, 2008) qui fédère autour d’enjeux et d’actions collectifs des membres aux statuts et formes variés. Si elle est réputée potentiellement favorable à l’innovation, peu de travaux ont finement exploré les ressorts d’une MO à soutenir des innovations. Notre recherche a visé à contribuer à cette question, en mobilisant les travaux de Dougherty et Dunne (2011) pour nous doter d’une grille de lecture d’une organisation favorable à l’innovation, et en analysant le leadership et la gouvernance comme deux leviers possibles d’une telle organisation à développer les trois pratiques mises en évidence par ces auteurs. Un premier résultat nous permet d’enrichir le modèle de la MOI en ayant identifié des formes spécifiques de gouvernance ouverte et de leadership à la fois vertical et horizontal, qui se soutiennent mutuellement, alors que l’interaction entre gouvernance et leadership reste encore peu explorée (Chapman et al., 2010). Un second résultat nous permet d’enrichir le modèle de Dougherty et Dunne (2011) en proposant une quatrième pratique (théorisation) qui argumente et légitime de nouvelles orientations, et de mobiliser des alliés pour se faire. Cette pratique additionnelle agit davantage comme une « méta-pratique » qui soutient le développement des trois autres (orchestrer des savoirs, strategizer et influencer les politiques publiques). Nous entendons poursuivre notre travail dans trois directions. Une première recherche sera de poursuivre ce même terrain en analysant la force du travail de théorisation menée par cette MO à soutenir l’appropriation des IO par ses membres, alors de que nombreux travaux (Dubouloz, 2014) montrent au contraire combien les organisations peinent à maintenir effective une telle IO. Une deuxième piste visera à analyser la capacité de cette MOI à promouvoir de nouvelles activités qui continuent à rompre avec les pratiques habituelles du secteur. Enfin, une troisième piste aura une visée comparative, en confrontant les pratiques et leviers identifiés au sein du PSP avec d’autres MO désireuses de promouvoir des innovations dans des secteurs soumis à des changements institutionnels plus ou moins forts (en l’absence de toute contrainte de survie pour les membres par ex.)

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Date de mise en ligne : 24/10/2018

https://doi.org/10.3166/rfg.2018.00222

Notes

  • [1]
    Pôle PRIDES PSP : pôle services à la personne labélisé PRIDES (pôles régionaux d’innovation et de développement économique solidaire) par la région PACA.
  • [2]
    Terme générique pouvant désigner tout arrangement organisé tel que la méta-organisation.
  • [3]
    Tels que : l’UNA PACA et Corse, l’URIOPSS, le comité régional ADMR, l’Union régionale de la Mutualité française, la CFDT, la Caisse régionale de l’économie sociale et solidaire de PACA, etc.
  • [4]
    L’ouverture au secteur privé dans un contexte contraint (tarif figé des prestations et réglementation des prestations) a révélé la banalisation du secteur. Le PSP a initié puis accompagné la prise de conscience de ce changement de paradigme, tout en utilisant de préférence le terme de « coopération » et non pas de « fusion » pour éviter quelques oppositions. Pour autant, les associations intègrent ce changement de paradigme en privilégiant davantage le terme de « client » à celui de « usager ».
  • [5]
    Le rôle du PSP doit être davantage entendu comme une démarche à faire évoluer la culture de ses membres, en soutenant quelques opérations emblématiques. En 2009, dans son « guide de la coopération », le PSP mentionne l’accompagnement de 7 structures de SAP.
  • [6]
    Depuis 2015, le pôle a commencé une nouvelle réflexion visant à accompagner le développement des opérateurs dans d’autres lieux que le domicile, tels les habitats collectifs non médicalisés.
  • [7]
    Ainsi est-il très difficile de faire financer un « siège social » doté d’un service Développement, sauf à postuler à des financements exceptionnels, mais qui requièrent une expertise ou du temps que les petites structures possèdent très peu.
  • [8]
    Cette capacité à suivre les évolutions du secteur renforce la capacité du Pôle (et donc de certains de ses membres) à répondre à des appels à projet émis par la région, permettant d’accéder à des financements pour mener des opérations de restructuration ou, pour le Pôle, pour assurer son fonctionnement (financement de projets et d’études par exemple).
  • [9]
    Dans le cas du Var, il existe une coordination de la région et du département pour faciliter les innovations organisationnelles comme les rapprochements et les fusions-acquisitions.

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