Couverture de RFG_245

Article de revue

Les politiques publiques sous l'influence des entreprises

Un regard « gestionnaire »

Pages 101 à 130

Notes

  • [1]
    Par exemple, les entreprises, à titre individuel ou à titre collectif, représentent plus de la moitié des groupes d’intérêt, officiellement enregistrés auprès des institutions européennes : registre de transparence européen, consulté en octobre 2014 (source www.ec.europa.eu). Par ailleurs, une étude sur l’influence des lobbies à l’Assemblée nationale (« Transparence internationale France & Regards citoyens », mars 2011) montre une surreprésentation des entreprises et des lobbies d’entreprises.
  • [2]
    Exploitation de la base de données Factiva : articles parus dans la presse quotidienne nationale et locale, et dans la presse spécialisée. Par ailleurs, nous avons exploité les informations contenues dans un documentaire portant sur les consultants en communication d’influence (« spin doctor ») dans lequel les deux situations de lobbying ont été relatées par les consultants qui les ont pris en charge Documentaire : « Jeu d’influences les stratèges de la communication » de L. Herman et G. Bovon, diffusé le 6 mai 2014 sur France 5.
  • [3]
    Soit 6,2 % de tués en moins en 2002 par rapport à 2001 (7741 tués à 30 jours), 20,9 % de tués en moins en 2003 par rapport à 2002 (soit 6126 tués à 30 jours), 8,7 % de tués en moins en 2004 par rapport à 2003 (5593 tués à 30 jours). Source : Observatoire de la sécurité routière, Bilan SR 2011, p. 15.
  • [4]
    C. Scholly, « Sécurité routière : la réponse est “radars”, mais quelle était la question ? », automobile-club.org.
  • [5]
    Communiqué de presse du 11 mai 2011 : « Mesures du CISR : Trop c’est trop », http://www.lmalemag.info/40- MILLIONS-D-AUTOMOBILISTES-mesures-du-CISR-trop-c-est-trop_a5755.html.
  • [6]
    Sondage Ifop pour Ouest France, du 12-13 mai 2011, ifop.com/media/poll/1500-1-study_file.pdf.
  • [7]
    Coyote a été créé en 2006 par un jeune entrepreneur et est en 2011 le leader de ce marché en France, avec plus de 70 % des ventes et un CA de 50 millions d’euros. A. Devillard, « Comment Coyote a évité la sortie de route », article du 25/04/12 mis à jour le 23/01/14, http://www.capital.fr/enquetes/strategie/comment-coyote-a-evite-la-sortie-de-route-715304.
  • [8]
    Communiqué de presse de l’AFFTAC du 12/05/14 : http://www.moncoyote-forum.com/t10592-lettre-de-afftac#176522.
  • [9]
    Communauté qui est composée de leurs clients et abonnés qui achètent aussi, et surtout, un service leur permettant d’éviter d’être verbalisés pour excès de vitesse en étant avertis en temps réel de la présence de radars fixes et mobiles.
  • [10]
    N. Meunier, « Comité interministériel de la Sécurité routière : les réactions des fabricants de radars et des associations contre la violence routière », www.challenges.fr le 16/05/2011.
  • [11]
    Y. Montuelle et J. Saulnier, « Radars : On tape encore au portefeuille des automobilistes », lexpress.fr, publié le 18/05/2011, http://www.lexpress.fr/actualite/societe/radars-on-tape-encore-au-portefeuille-des-automobi- listes_994068.html.
  • [12]
    Par exemple : Franck Marlin (député UMP, Étampes), Jean Grenet (député UMP, Pyrénées-Atlantiques), Étienne Mourrut (député UMP, Gard), Gérard Cornu (sénateur UMP, Eure-et-Loir, et Président du groupe d’études sur l’automobile). De plus, 73 députés attirent l’attention du Premier ministre sur cette situation dans une lettre le 23 mai 2014.
  • [13]
  • [14]
    T. Serafini, « Les députés de droite antiradars appuient sur le champignon », www.liberation.fr le 23/05/2011 ; A. Guioral et T. Serafini, « Radars : Claude Guéant remet les compteurs à zéro », www.liberation.fr le 25/05/2011.
  • [15]
    Communiqué de Claude Guéant du 27 mai 2011 (mis à jour le 9/11/2012), www.securite-routiere.gouv.fr.
  • [16]
    Voir par exemple les nombreux échanges sur http://www.mesdebats.com/societe/238-pour-ou-contre-le-travail-du-dimanche; un site institutionnel recensant 44 discours politiques sur le travail le dimanche (essentiellement entre 2006 et 2009) : http://www.vie-publique.fr/discours/selection-discours/debat-travail-du-dimanche.html; J. Viard, « Travail le dimanche : 10 idées pour élever et dépassionner le débat » sur http://leplus.nouvelobs.com le 6/10/2014 ; AFP « Travail du dimanche : le débat est ouvert » www.lepoint.fr le 29/09/2013.
  • [17]
    A. Boudet, « Travail le dimanche : des cathos aux syndicats, l’étonnante alliance des opposants », Le Huffington Post, 2/12/2013, www.huffingtonpost.fr.
  • [18]
    Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Informations pratiques, Les fiches pratiques du droit du travail, Durée du travail, Le travail du dimanche, www.travail-emploi.gouv.fr, mis à jour le 11/3/2014.
  • [19]
    Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Informations pratiques, Les fiches pratiques du droit du travail, durée du travail, le travail du dimanche, www.travail-emploi.gouv.fr, mis à jour le 11/3/2014.
  • [20]
    Dares Analyses, op. cit., p. 7.
  • [21]
    Créées par la loi Maillé du 10 août 2009, ces zones sont limités aux régions parisienne, marseillaise et lilloise sont des espaces territoriaux permettant à certaines entreprises de commerce de détail d’obtenir une dérogation au repos dominical obligatoire. Sans compensation pour les salariés pour les premières et avec des compensations pour les secondes.
  • [22]
    Dares Analyses, publication de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, octobre 2012, n° 075.
  • [23]
    A. Bodescot, « Bricorama condamné pour ouverture dominicale illégale », publié le 9/01/2012 sur www.lefigaro.fr.
  • [24]
    Communiqué de presse de Bricorama du 20 juin 2012, http://www.bricorama.fr/_pages/bricorama/docs/Assi- gnation__comparaitre__la_demande_du_syndicat_FO.pdf.
  • [25]
    AFP, « La justice ordonne à Bricorama de cesser d’ouvrir le dimanche sans dérogation », publié le 31/01/2012, www.lemonde.fr.
  • [26]
    L. Peillon, « Bricorama : la justice pince le bricoleur du dimanche » publié le 9/11/2012 sur www.liberation.fr.
  • [27]
    Jg/mw, « Ouverture dominicale : Bricorama assigne 8 Castorama et 12 Leroy-Merlin » publié le 29/11/2012 sur http://tempsreel.nouvelobs.com.
  • [28]
    AFP, « Travail dominical : Castorama demande une modification de la loi », publié le 29/11/2012 sur www. lemonde.fr.
  • [29]
    Cette première journée de pétition fait l’objet de 27 publications (Facebook post) le 9 décembre.
  • [30]
    Notamment dans un clip vidéo humoristique où le porte-parole du collectif, Gérald Fillon, propose des négociations avec le gouvernement au nom de la « République de Bricolie ».
  • [31]
    Sondage CSA (commandité par la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison) : 3 franciliens interrogés sur 4 seraient favorables à l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche, la moitié considèrent que cela leur faciliterait la vie, de façon plus générale, une très large majorité de franciliens (82 %) et de français (73 %) serait favorable au travail le dimanche sur la base du volontariat et avec une contrepartie financière.
  • [32]
    « Sapin refuse de “grignoter le repos dominical” », http://tempsreel.nouvelobs.com le 23/05/2013.
  • [33]
    AFP, « Travail du dimanche : le débat est ouvert » www.lepoint.fr 29/09/2013. Entre les 26 et 30 septembre, les « bricoleurs du dimanche » sont cités dans 59 articles (dont 18 dépêches AFP) dans les médias constituant la base Factiva.
  • [34]
    Les 2 et 3 octobre 2013, « Les bricoleurs du dimanche » sont cités dans 29 articles (dont 10 dépêches AFP et 3 Reuters) dans les médias constituant la base Factiva.
  • [35]
    Sondage réalisé par le CSA et commandé par Les Échos et l’Institut Montaigne, et publié sur le site Facebook du collectif : 80 % des personnes interrogées répondent oui à la question : « Selon-vous, le gouvernement devrait-il laisser les magasins de bricolage qui le souhaitent ouvrir le dimanche ? ».
  • [36]
  • [37]
    Des syndicats de salariés et patronaux, les entreprises et fédérations professionnelles, les ministres et des représentants de leurs services directement concernés par le problème ainsi que des parlementaires, les préfets de la région Île-de-France, la Mairie de Paris, des associations familiales et étudiantes, la CCI Île-de-France, la région Île-de-France. Un autre collectif, défavorable au travail du dimanche, est auditionné le 13 novembre : le « Collectif des Amis du dimanche » dont le site internet est très actif défend le principe du repos dominical.
  • [38]
    L. Martinet, « Travail dominical : comment généraliser sans le dire grâce au rapport Bailly » sur http://lexpansion.lexpress.fr le 02/12/2013.
  • [39]
    T. Thuillier, « Le travail du dimanche : autorisation transitoire pour les magasins de bricolage » sur www.lentreprise.lexpress.fr le 31/12/2013.
  • [40]
    K. Tribouillard, « Le gouvernement autorise les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche » sur http://lexpansion.lexpress.fr le 31/12/2013.
  • [41]
    I. Letessier, « Bricolage : accord syndical sur le travail du dimanche » sur www/lefigaro.fr le 24/01/2014.
  • [42]
    AFP, « Le travail dominical de nouveau autorisé pour les magasins de bricolage » sur http://tempsreel.nouvelobs.com le 08/03/2014.
  • [43]
    AFP, « Travail du dimanche : Castorama et Leroy Merlin “fautifs” mais pas condamnés » sur http://lexpansion. lexpress.fr le 25/02/2014.
  • [44]
    En 2013, Coyotte réalise 90 millions d’euros de chiffre d’affaires et domine le secteur en France avec 80 % de part du marché des systèmes de détection radars (« Coyote-Wikango : leurs alertes radars vont-elles résister à Google ? », Capital.fr, 15/08/2014. Cette part de marché peut être estimé à 90 % en 2011, peu avant le projet d’interdiction des avertisseurs radars.
  • [45]
    Il s’agit du cabinet Les Ateliers Corporate selon les informations diffusées dans le reportage « Jeu d’influences les stratèges de la communication », ibid.
  • [46]
    Selon les informations diffusées dans le documentaire « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid. : Leroy Merlin et Castorama ont fait appel au cabinet Les Ateliers Corporate ; Coyotte a fait appel à Havas (pôle Influence).
  • [47]
    Selon Y.-P. Robert (Havas pôle influence) qui a pris en charge le dossier « Coyotte ». Reportage : « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid.
  • [48]
    Y.-P. Robert, ibid.
  • [49]
    Par exemple, dès 1992, Leroy Merlin faisait partie de l’association « Le Dimanche » créée par J. Séguéla (agence Euro RSCG) au bénéfice des entreprises de la distribution spécialisée (habillement, ameublement, bricolage).
  • [50]
    Par exemple, à travers la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison (FMB).
  • [51]
    Selon S. Attal, de l’agence Les Ateliers Corporate qui a pris en charge ce dossier. Documentaire : « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid.
  • [52]
    Mouvement de défense des entrepreneurs face à un projet de taxation des plus-values de cession d’entreprises. Voir : « Mouvement des Pigeons : retour sur sept mois de prises de bec », par M. Torre, LaTribune.fr, 24 avril 2013.
  • [53]
    Selon l’expression de E. Cohen (1992).
  • [54]
    À partir de 2006, à l’initiative de deux députés UMP : Arlette Grosskost et Patrick Beaudouin.
  • [55]
    Voir par exemple : « Étude sur l’influence à l’Assemblée nationale », Transparence Internationale France & Regards citoyens, mars 2011.

1 Que peuvent apporter les sciences de gestion à l’analyse d’un phénomène sociopolitique comme le lobbying ? Le lobbying – terme d’origine américaine – désigne les tentatives d’influence informelle des élus (Ornstein et Elder, 1978) et, plus largement, les processus d’influence des décisions publiques de la part de groupes d’intérêt (McGrath, 2005). Le lobbying est donc un phénomène qui intéresse d’abord la recherche en sciences politiques, en sociologie politique ou en droit. Les travaux sur les politiques publiques (Hassenteufel, 2011 ; Mény et Thoening, 1989), sur les groupes d’intérêt (Courty, 2006 ; Graziano, 2001 ; Grossman et Saurugger, 2006 ; Offerlé, 1998), sur la corruption (Lascoumes, 2011) ou encore sur la construction des règles de droit public (Basilien-Gainche, 2004 ; de Beaufort et Masson, 2011 ; Houillon, 2012) abordent différentes facettes du lobbying comme pratique de défense des intérêts privés et en étudient les caractéristiques et les conséquences sur le plan politique, social et juridique. Que peut donc apporter un regard « gestionnaire » sur ce même phénomène ? Il s’agit principalement de deux apports.

2 D’une part, un regard gestionnaire permet un changement d’objet d’analyse. Le lobbying est habituellement abordé à travers les processus dans lequel il se manifeste (les processus de décision publique), les acteurs qui en sont la cible (les décideurs publics ou institutions publiques), les résultats qu’il engendre (les décisions publiques, les politiques publiques, les règles) ou encore les conditions dans lesquelles il se manifeste (légitimité, réglementation, éthique). Le lobbying est également abordé sous l’angle de l’activité des « groupes » porteurs d’intérêts (Grossman et Saurugger, 2006). Le regard gestionnaire permet d’étudier le phénomène du lobbying du point de vue de l’activité d’une catégorie particulière d’acteurs, les entreprises. Ce regard se justifie doublement : les entreprises, et plus généralement les lobbies économiques, représentent la majorité des acteurs du lobbying [1] ; les entreprises, en tant qu’acteur politique autonome et doté d’intérêts et de ressources spécifiques, sont rarement étudiées comme tel dans les recherches en sciences politiques. D’autre part, un regard gestionnaire permet de mieux appréhender les stratégies d’influence des acteurs du lobbying. Comme le souligne Epstein (1969), le lobbying n’est pas une fin en soi pour l’entreprise mais une continuation, par des moyens politiques, de sa quête de performance économique (profits, parts de marché). S’intéresser au lobbying revient à s’intéresser à l’entreprise comme acteur politique (Martinet, 1984), à s’intéresser à ce qui motive ses activités politiques, à s’intéresser aux ressources qu’elle déploie pour parvenir à ses fins et aux stratégies d’influence qu’elle met en œuvre. Or à l’échelle de l’entreprise, les stratégies d’influence peuvent être beaucoup plus variées que ne le sont les stratégies collectives des groupes d’intérêt (Dahan, 2009 ; Hillman et Hitt, 1999).

3 Un regard « gestionnaire », voire « stratégique », du lobbying se justifie donc de par l’originalité de son éclairage sur ce phénomène. Au-delà de l’apport instrumental pour les entreprises elles-mêmes (pourquoi et comment faire du lobbying ?), à l’instar des guides ou manuels issus des praticiens du lobbying (Clamen, 2007 ; Daridan et Luneau, 2012), ce regard présente également une utilité pour les décideurs publics, cibles du lobbying, et pour les analystes et observateurs de ce phénomène (les régulateurs du lobbying par exemple). Comprendre les motivations, les ressorts d’action et les stratégies des acteurs du lobbying permet aux responsables publics de mieux intégrer cette pratique dans leurs activités décisionnelles et de mieux en encadrer les conditions d’exercice et les conséquences publiques, notamment sur le plan institutionnel.

4 Cette contribution est ainsi organisée en trois parties. Nous étudions dans un premier temps les principaux éclairages théoriques permettant d’appréhender le phénomène de lobbying d’un point de vue sociopolitique (vision politique) et d’un point de vue stratégique (vision gestionnaire). Nous abordons ensuite l’utilité et l’originalité du regard gestionnaire du lobbying à travers deux cas concrets de décisions publiques qui ont été soumises à des actions de lobbying menées par des entreprises : la décision en 2011 portée par le ministre de l’Intérieur de l’interdiction des détecteurs de radars dans le cadre de la politique publique de sécurité routière et la décision, adoptée en 2014, d’assouplir la réglementation sur l’ouverture dominicale des magasins de bricolage. Ces deux cas permettent de porter un regard « stratégique », du point de vue des entreprises, sur des décisions publiques et des controverses sociopolitiques. Nous terminons notre réflexion par une discussion sur les apports de ce regard gestionnaire du lobbying et son utilité pour les pouvoirs publics.

I – LES FONDEMENTS DE L’ACTION POLITIQUE DES ENTREPRISES

1. Le lobbying comme pratique d’influence des décisions publiques

5 Le terme anglo-saxon de « lobbying » désigne toutes les actions qui visent à influencer de façon informelle les décideurs publics et, de façon générale, les décisions publiques. Dans la tradition politique américaine, le lobbying renvoie à tous ces « gens qui flânent dans les antichambres et les couloirs des bâtiments du gouvernement, en particulier les chambres législatives, dans l’espoir d’orienter la politique du gouvernement » (Pasley, 2002, p. 59). Ces « gens » – appelés lobbyistes – sont des intermédiaires qui disposent des réseaux politiques et du capital social permettant d’évoluer parmi les responsables politiques, ce qui facilite les décisions bienveillantes de leur part. Mais les lobbyistes ne sont que des intermédiaires au service de groupes d’intérêt ou lobbies.

6 Les groupes d’intérêt sont des organisations qui cherchent à orienter les décisions publiques dans un sens favorable à leurs intérêts particuliers, des organisations qui chercher à peser sur les pouvoirs publics mais sans chercher à exercer le pouvoir politique (Meynaud, 1960). Les registres des actions de lobbying sont nombreux. Grossman et Saurugger (2006) proposent une grille de lecture distinguant, deux « stratégies » d’influence qualifiées de « lobbying interne » et de « lobbying externe » (p. 83). Le lobbying « interne » renvoie à toutes les actions qui visent à nouer des relations avec les pouvoirs publics et à les informer des intérêts défendus par le groupe (démarcher les responsables publics ; fournir des informations et des analyses ; participer à des auditions ; participer à des comités d’experts…). Le lobbying « externe » renvoie à des actions qui s’appuient sur des relais extérieurs au groupe d’intérêt : présence dans les médias, construction de coalitions politiques plus larges, pétitions, développement d’un débat public, recours à des sondages, à des conseillers en communication, à des soutiens électoraux, etc.

7 La distinction entre stratégie interne et stratégie exter ne renvoie à la visibilité publique des actions d’influence engagées. Le lobbying interne se déroule de façon discrète, voire secrète. Les actions sont engagées au sein d’un cercle restreint (responsable politiques, fonctionnaires, experts) et le groupe ne cherche pas à faire connaître ces initiatives. Dans son lobbying externe, le groupe d’intérêt recherche, au contraire, à médiatiser les actions d’influence pour toucher des cibles plus larges (citoyens, prescripteurs, relais d’opinion, alliés potentiels…). Le recours à telle ou telle initiative d’influence va dépendre de facteurs « internes » relatifs aux caractéristiques du groupe d’intérêt (taille, capacité à mobiliser des alliés politiques, moyens organisationnels, ressources financières, réputation auprès des responsables politiques…) et à la nature même de l’intérêt défendu, mais aussi de facteurs « externes » relatifs au contexte politique dans lequel le groupe évolue.

2. Le lobbying dans la stratégie des entreprises

8 Dans son étude sur la place des entreprises dans la vie politique américaine, Epstein (1969) montre que les entreprises ont recours aux activités politiques, dont le lobbying, pour influer sur les responsables politiques et les décideurs publics. Ces activités peuvent être menées dans le cadre d’organisations collectives mais aussi à titre individuel, notamment s’agissant des grandes entreprises multinationales. Il s’est ainsi développé tout un champ de recherche en management stratégique des entreprises qui s’intéresse à la dimension politique des activités des firmes et à l’intégration du lobbying dans leurs stratégies (Bonardi et al., 2005 ; Dahan, 2009 ; Dahan et al., 2013 ; Epstein, 1969 ; Getz, 1997 ; Hillman et Hitt, 1999 ; Hillman et al., 2004 ; Mitnick, 1993 ; Oberman, 2004 ; Rehbein et Schuler, 1999).

Tableau 1

Lobbying interne vs lobbying externe

Lobbying interne Lobbying externe
Rencontrer des membres du gouvernement, des parlementaires et des hauts fonctionnaires
Fournir des analyses et/ou de l’expertise aux ministères et aux commissions parlementaires
Participer à des auditions/concertations
Participer à des comités d’experts
Négocier avec les pouvoirs publics et d’autres groupes d’intérêt
Présence dans les médias (conférences de presse, sujets placés dans les médias, expertises et informations fournies aux médias…)
Construire des coalitions larges et diverses
Pétitions, lettres ouvertes, appels au gouvernement, aux parlementaires
Manifestations, débats publics, évènement de tout genre…
Recours aux sondages
Recours à des conseillers en communication
Déclarer des soutiens à des candidats aux élections
figure im1

Lobbying interne vs lobbying externe

Grossman et Saurugger (2006, p. 83).

9 Comme le souligne Epstein (1969), le lobbying doit être d’abord vu comme un moyen au service de la stratégie générale des entreprises, comme une voie pouvant être empruntée dans le sillage de la stratégie de l’entreprise, c’est-à-dire un instrument managérial au service de la réalisation de ses objectifs. Le lobbying permet à l’entreprise d’utiliser son pouvoir pour « capter » de la valeur dans le champ politique afin de défendre des positions acquises et/ou pour créer de nouvelles opportunités de marchés (Reich, 2008). Plus généralement, le lobbying permet à l’entreprise de façonner un environnement institutionnel qui soit le plus favorable à ses intérêts et à la réalisation de ses objectifs (Hillman et Hitt, 1999 ; Keim, 2001 ; Mitnick, 1993).

10 Plusieurs auteurs ont ainsi développé le concept de « stratégie politique des entreprises » ou corporate political strategy (Getz, 1997 ; Hillman et Hitt, 1999 ; Hillman et al., 2004 ; Mitnick, 1993 ; Oberman, 2004) pour rendre compte des différentes activités d’influence mises en œuvre par une entreprises : lobbying direct des décideurs publics, témoignages devant des commissions parlementaires, production d’études et d’informations stratégiques, financement des partis politiques, communication et publicité politique, mobilisation des citoyens, relations publiques ou encore relations avec les médias, etc. Nous retrouvons ici ce que Grossman et Saurugger (2006) désignent par stratégie de lobbying interne et stratégie de lobbying externe.

11 Les auteurs en management stratégique donnent cependant un sens plus précis à la notion de « stratégie » politique. Il s’agit bien de la logique générale adoptée par l’entreprise dans ses tentatives d’influence des pouvoirs publics. Ainsi, Hillman et Hitt (1999) proposent une véritable lecture stratégique des relations entre l’entreprise, en tant qu’acteur autonome et doté de ressources propres, et son environnement politique. Pour les auteurs, il est possible de distinguer les approches politiques « relationnelles », c’est-à-dire fondées sur des relations et une vision à long terme, et les approches « transactionnelles », c’est-à-dire ponctuelles et avec une vision de court terme. Cette distinction permet de différencier d’une part, les entreprises qui intègrent l’environnement politique dans leur réflexion stratégique et développent une véritable stratégie et une vision des relations entre l’entreprise et son environnement politique, et d’autre part, les entreprises qui réagissent au cas par cas à des décisions publiques et/ou à des enjeux de nature politique. Les entreprises ayant une stratégie « relationnelle » peuvent par exemple s’appuyer sur un personnel et des structures organisationnelles propres, dédiés à leurs relations avec les pouvoirs publics. Plusieurs entreprises ont ainsi mis en place des départements ou des services dit « Public Affairs » (Harris et Fleisher, 2005 ; Rival, 2011) et recruté leurs propres lobbyistes, pour prendre en charge leurs activités de lobbying et plus généralement les relations avec les pouvoirs publics (veille institutionnelle, relations avec les élus et les fonctionnaires…).

12 La notion de « stratégie » politique recouvre également les différents choix tactiques pour l’influence d’une décision publique : quelles actions ou combinaisons faut-il mener, à quel moment, avec qui, etc.? Plusieurs auteurs ont étudié – sur la base d’études de cas, d’enquêtes statistiques ou d’analyses purement conceptuelles – les différentes tactiques d’influence des décisions publiques auxquelles ont recours les entreprises. Ainsi Jacomet (2000) ou encore Yoffie (1988) montrent l’intérêt d’une démarche d’influence collective par rapport à une démarche uniquement individuelle notamment dans la construction d’une légitimité plus importante. Les coalitions politiques ad hoc (Pijnenburg, 1997) permettent de disposer d’instruments d’influence collectifs tout en évitant l’inertie des groupes d’intérêt permanents. Yoffie (1988) met en exergue les stratégies où les entreprises se comportent en « entrepreneur politique » et parviennent à rallier d’autres acteurs politiques (concurrents, clients, fournisseurs, médias, etc.) au bénéfice de la défense de leurs propres intérêts individuels. Quelle que soit la nature, individuelle et/ou collective, de l’action politique toute entreprise aura à définir les leviers d’influence les plus pertinents. Hillman et Hitt (1999) ont discuté les avantages respectifs de ce qu’ils estiment être les trois principaux leviers d’une tactique d’influence : l’information, le financement politique et la mobilisation publique.

13 Ces différents choix ne sont pas exclusifs et s’inscrivent dans une démarche dynamique dans le sens où ils peuvent être ajustés/ composés en fonction de l’évolution du processus de décision publique et des résultats intermédiaires des actions d’influence. Reprenant les modélisations des processus de décision publique, plusieurs auteurs (Lord, 2000 ; Shaffer, 1992) ont ainsi étudié la pertinence des actions d’influence en fonction des phases de la décision publique (émergence, recherche de solutions, prise de décision, mise en œuvre de la décision, évaluation des résultats de la décision publique).

14 Les analyses stratégiques du lobbying, avec une approche plus orientée « entreprise », recoupent en partie – et s’appuient très largement sur – les analyses des politiques publiques et des groupes d’intérêt. L’approche stratégique permet néanmoins une finesse d’analyse quant aux objectifs de l’action d’influence aux leviers d’action. En partant de l’unité d’analyse « entreprise », il est ainsi possible de mieux éclairer les enjeux de certaines actions de lobbying, notamment en les mettant en perspective avec les stratégies économiques, et donc de mieux éclairer les stratégies d’influence mises en œuvre. Par ailleurs, les actions d’influence des décisions publiques s’appuient de plus en plus sur des techniques de communication (Koutroubas et Lits, 2011) largement inspirées des techniques habituelles de marketing et de communication d’entreprise. Une lecture « managériale » du lobbying apporte donc également un éclairage complémentaire sur les pratiques politiques mises en œuvre par les entreprises ou par des groupements d’entreprises.

15 La seconde partie de cet article développe deux cas d’opérations de lobbying dont les acteurs principaux sont des entreprises agissant comme acteurs individuels.

II – DEUX ÉTUDES DE CAS D’OPÉRATIONS DE LOBBYING MENÉES PAR DES ENTREPRISES

16 Nous présentons dans ce qui suit deux études de cas relatives à des situations de lobbying dans lesquelles des entreprises sont des parties à titre individuel. Elles concernent respectivement le projet d’interdiction des avertisseurs radars (politique publique de sécurité routière) et une des facettes de la réglementation sur le travail dominical (ouverture des commerces de distribution de produits de bricolage). Ces études de cas nous permettent d’analyser le phénomène du lobbying à travers les objectifs et les démarches d’influence du point de vue des entreprises. Ces deux situations ont été choisies de par leur actualité mais, surtout, parce qu’elles semblent être représentatives des pratiques actuelles d’influence des entreprises mêlant négociation directe avec les responsables publics et mise sous pression de la décision publique à travers une forte mobilisation publique.

17 Les études de cas ont été réalisées sur la base de données secondaires : analyse rétrospective des articles de presse [2] publiés au sujet des deux situations étudiées ; analyse systématique des différentes informations produites par les lobbies concernés (sites internet, compte Facebook).

1. De « l’avertisseur de radar » au « dispositif d’aide à la conduite » : une révolution (langagière) ?

Le contexte

18 Déclarée chantier présidentiel en 2002, la politique de sécurité routière a fait l’objet d’une attention politique et médiatique accrue qui se traduit régulièrement par des mesures législatives ou réglementaires visant à la renforcer. Les mesures les plus perceptibles par les usagers ont été la mise en place des radars automatiques, le Contrôle sanction automatique (CSA), et l’application stricte des règles en matière de sécurité routière (Chomienne et Lavoisier, 2010). Cette impulsion politique, largement relayée par les médias et soutenue par des sondages d’opinion favorables, n’a pas suscité d’opposition organisée et visible. L’obtention de résultats rapides et sensibles en matière de sécurité routière [3] ont alors permis de légitimer cette politique publique auprès de ses parties prenantes.

19 Ainsi, les acteurs économiques les plus concernés par les questions de sécurité routière que sont les constructeurs automobiles et le secteur des boissons alcoolisées n’ont pas été sensiblement impactés par le CSA : en ciblant le problème de la vitesse, il n’affecte pas les véhicules et ne conduit pas à l’interdiction totale de consommation d’alcool pour les conducteurs. Pour d’autres acteurs économiques, le CSA constitue même une opportunité, voire une aubaine (Boulard, 2012, p. 73-81) : fabricants de radars fixes et mobiles, opérateurs d’installation et de maintenance, entreprises de service informatique, fabricants et distributeurs d’avertisseurs de radars, et dans une moindre mesure de GPS. Le CSA va aussi amener un nombre croissant d’usagers à perdre rapidement les points de leurs permis de conduire et favoriser ainsi l’activité d’organismes organisant des stages permettant de récupérer des points, d’avocats spécialistes des recours en matière de réglementation routière et, pour ceux qui ont perdu tous leurs points, de constructeurs et distributeurs de voitures sans permis et de scooters.

20 Concernant les usagers, le déploiement régulier du CSA augmente très fortement la probabilité de contrôle et donc de verbalisation. Cette probabilité a augmenté avec la mise en place des radars mobiles. De ce fait, dès 2008, une étude (Hamelin, 2008) mettait en évidence la dégradation du relatif consensus qu’avait initialement suscité le CSA. Plus les usagers sont touchés par ce dernier, plus la prise de parole contestatrice quant à sa légitimité semble trouver un écho favorable sans toutefois que cela ne se traduise par un rapport de force ouvert ou à une contestation massive de ce dispositif. C’est en mai 2011, suite à l’annonce de nouvelles mesures relatives à la sécurité routière par le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qu’une coalition d’acteurs s’est formée et a mené des actions de protestation et d’influence pour s’y opposer.

La décision déclenchant les actions de lobbying

21 Constatant une hausse alarmante de 10 % de la mortalité routière au premier trimestre 2011, le Premier ministre réunit un Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) le 11 mai 2011 et annonce 18 nouvelles mesures visant à lutter contre l’insécurité routière, dont 11 accroissent les sanctions ou contraintes (vitesse, alcool, téléphone mobile et écrans, lisibilité des plaques d’immatriculation, circulation sur bande d’arrêt d’urgence) et 5 concernent directement la vitesse. Parmi ces mesures il est prévu l’interdiction des « avertisseurs de radars » présentés comme étant une « incitation à enfreindre les règles en matière de limitation des vitesses ».

22 Via des communiqués de presse, les différentes associations concernées par la sécurité routière réagissent assez, voire très, négativement à ces annonces à l’exception de la Prévention routière qui salue ces mesures et la Ligue contre la violence routière qui les considère comme insuffisantes. Du côté des associations d’usagers critiques, voire hostiles, vis-à-vis du CSA, les réactions sont très négatives. Des organisations comme l’Automobile Club [4], l’association « 40 millions d’automobilistes » [5] ou encore la « Fédération française des motards en colère » (FFMC), expriment leur désapprobation face à ces nouvelles mesures qu’elles jugent répressives, prises dans la précipitation et sans concertation. Les réactions négatives de ces associations sont confortées par un sondage d’opinion [6] qui relève qu’une majorité des sondés se déclarent opposés à la suppression des panneaux indiquant la présence des radars automatiques sur les routes (68 %) et opposés à « l’augmentation importante des amendes pour l’utilisation des avertisseurs de radars sur les téléphones portables » (67 %).

L’émergence d’un lobby et ses actions de lobbying

23 Le projet d’interdiction des avertisseurs de radars a fait l’objet d’une très forte opposition. Cette interdiction met immédiatement et directement en cause la survie des entreprises spécialisées dans la conception, la fabrication et la distribution de ces dispositifs, principalement l’entreprise Coyote, le leader du marché et ses deux principaux concurrents, Inforad et Wikango [7].

24 La mise en place du CSA à partir de 2002 a en effet contribué à l’émergence d’un nouveau marché, celui des « avertisseurs radars » : les avertisseurs de radars fixes (comme les systèmes intégrés dans les GPS ou les téléphones mobiles) mais aussi des systèmes plus sophistiqués, appelés « systèmes communautaires » qui permettent en plus de signaler en temps réel les emplacements des radars mobiles et des contrôles routiers. Le marché de ces systèmes a enregistré une très forte croissance, directement liée au nombre de radars installés mais aussi aux évolutions technologiques qui rendent de plus en plus accessibles ces systèmes aux conducteurs (GPS, GPS intégrés dans les véhicules, smartphone). L’envolée de ce marché a rapidement suscité les réactions négatives de la part des associations luttant contre l’insécurité routière qui ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur les dangers de l’usage de ces systèmes, contraire selon eux à l’esprit du CSA. Toutefois, l’annonce de leur interdiction est tout à fait inattendue car elle n’a fait l’objet d’aucune consultation – ou même information – auprès des fabricants, des PME françaises qui apprennent cette décision en même temps que le public.

25 Dès le 11 mai 2011, sous l’impulsion du principal fond d’investissement présent dans le capital de Coyote, les trois fabricants de systèmes dédiés de détection de radars (Coyote, Inforad, et Wikango) créent l’« Association française des fournisseurs et utilisateurs de technologies d’aide à la conduite » (AFFTAC) dont l’objet est de « promouvoir et défendre l’ensemble des technologies embarquées permettant l’aide à la conduite et un usage serein et sécurisé de la route » [8]. Réunis le 12 mai au siège de l’Automobile Club à Paris, ses fondateurs dénoncent « une annonce faite dans la précipitation, sans concertation (…), une décision injuste, injustifiée et aveugle », estimant que « les 4,7 millions d’utilisateurs ne sont pas des délinquants ! ». Ils annoncent « le lancement d’une campagne pour défendre leur communauté, qui sera relayée par leurs utilisateurs et appellent à la mobilisation le mercredi 18 mai à 13 h, partout en France. (…) Les utilisateurs seront avertis par message via leurs appareils ». De plus, ils estiment soutenir « une communauté de conducteurs qui défend une route plus sûre et le droit de partager des informations pour plus de sécurité » [9]. Enfin, ils considèrent que leurs appareils offrent déjà les services d’aide à la conduite que souhaite développer le gouvernement : affichage permanent de la limite de vitesse, accroissement de la vigilance des conducteurs, signalement des zones à risques. Le communiqué de presse se termine par un appel au gouvernement à comprendre leur rôle et revenir « sur sa décision d’interdiction des avertisseurs ».

26 Ainsi, Fabrice Pierlot, PDG de Coyote, déclare : « nous avons été surpris par cette décision. Aucune concertation avec le gouvernement n’a eu lieu. Nous demandons aujourd’hui un dialogue. Les avertisseurs de radars sont un type d’aide à la conduite qui aide à respecter les limites de vitesse et permet de signaler les perturbations du trafic. Ils vont dans le sens de la sécurité routière » [10]. Il affirme par ailleurs que « le secteur concerne entre 2000 et 2500 emplois directs ». De même, pour Loïc Rattier, co-fondateur de Wikango, les conséquences économiques de cette mesure sont importantes : « si cette interdiction entre en vigueur, nous pouvons nous attendre à mettre la clé sous la porte » [11].

27 Pour contrer la mesure gouvernementale, l’association utilise ses propres systèmes communautaires pour mobiliser ses clients mais aussi, plus largement, les usagers, les responsables politiques et les autres entreprises du secteur. Dès le 11 mai, elle crée un compte Facebook et un compte Tweeter. Le lendemain, l’appel à manifester, lancé lors de la conférence de presse, est relayé par ces médias sociaux. Un appel à manifester est lancé pour le 18 mai 2011. Le mot d’ordre de l’AFFTAC est « Déjà 4 millions 700000 à dire NON ! Coyote, Inforad et Wikango appellent à la mobilisation contre la décision d’interdire les avertisseurs de radars ». Parallèlement, l’association envoie un courrier aux élus de l’Assemblée nationale et du Sénat, et une lettre-pétition est organisée à destination du Premier ministre. Les communiqués de presse et la lettre-pétition de l’association sont relayés auprès des usagers par les internautes et les réseaux sociaux. Ainsi, entre le 12 et le 18 mai, une cinquantaine de messages sont postés sur le compte Facebook de l’AFFTAC pour mobiliser les sympathisants de sa cause à signer la pétition et se préparer à manifester le 18 mai au niveau national. La principale manifestation se déroule alors à Paris, devant les locaux de l’entreprise Coyote le 18 mai 2011 avec, notamment, la participation de l’association « 40 millions d’automobilistes » et de la FFMC. L’association bénéficie du soutien – et de la présence – de clients et usagers (chauffeurs routiers, ambulanciers, taxis, commerciaux), d’entreprises du secteur, mais aussi de plusieurs élus. En marge de la manifestation, une conférence de presse est organisée pour demander « au Président Sarkozy, au nom de l’AFFTAC et nos 6 millions d’utilisateurs de revenir sur l’interdiction des avertisseurs ». Revendiquant « des centaines de milliers de soutiens » et « plus de 1 million de signatures à notre pétition ». Les dirigeants de l’AFFTAC lancent un nouvel appel à mobilisation visant à « bloquer les routes de France » le 2 juin 2011, tandis que plusieurs autres entreprises du secteur rejoignent l’association : Eklaireur, Takara, Avertinoo, Eco & logic.

28 Entre le 16 et le 24 mai, l’association reçoit plusieurs lettres de soutien de personnalités politiques, notamment de parlementaires de la majorité UMP [12]. Par ailleurs, un groupe de 73 députés UMP interpellent par courrier [13] le Premier ministre pour attirer son attention sur le fait que « les Français semblent de plus en plus agacés du comportement de leurs élites et notamment des politiques ». Par voie de presse [14], ces élus reprochent également au gouvernement l’adoption de mesures de nature réglementaire excluant ainsi tout débat parlementaire.

29 Face à cette mobilisation orchestrée par l’AFFTAC, une rencontre est prévue le 27 mai entre le ministre de l’Intérieur et les représentants de l’association, bien que la manifestation du 2 juin soit maintenue. À l’issue de cette rencontre, un communiqué de presse du ministre de l’Intérieur [15] considère que cette réunion « très constructive, a permis à chacun d’exprimer son analyse de la situation et ses propositions ». Tout en défendant la cohérence de décision du CISR d’interdire d’avertir de la position exacte des radars, le ministre déclare entendre le « souci préventif et informatif des produits » des membres de l’AFFTAC. Il est donc « convenu d’engager un travail en commun en vue de développer un ensemble de fonctionnalités contribuant à améliorer la sécurité routière ». Il est ainsi décidé de transformer les avertisseurs de radars en « assistants d’aide à la conduite permettant de signaler les zones dangereuses » qui correspondront à un tronçon et non plus en la localisation précise des radars. Il est enfin annoncé que cette « coopération » débouchera dans les semaines suivantes à l’élaboration d’un protocole d’accord fixant les modalités de cette évolution.

30 Dans son communiqué de presse du 30 mai 2011 via son site Facebook, l’AFFTAC se félicite que le ministre de l’Intérieur reconnaisse « l’utilité des services proposés par les membres de l’AFFTAC et ne remet pas en cause la possibilité de partage et d’échange d’informations entre utilisateurs d’une même communauté ». Loïc Rattier, président de l’AFFTAC conclut : « nous avons à cœur, à notre échelle, de contribuer à une route plus sereine et nous veillerons à ce que les termes du protocole respectent les engagements pris par le ministre lors de cette rencontre. De notre côté nous continuerons à améliorer nos produits et services, au profit de nos utilisateurs et de la sécurité de chacun ». La manifestation initialement prévue le 2 juin est annoncée pour le 18 juin, organisée par l’Union des usagers de la route.

31 Finalement, le 29 juillet 2011, le protocole d’accord est signé entre le ministère de l’Intérieur et l’AFFTAC. Pour le délégué interministériel à la Sécurité routière, ce protocole correspond à « un accord gagnant-gagnant ». Ce protocole satisfait également l’AFFTAC car il permet de préserver le caractère communautaire de leurs systèmes et donc le principe même de leur offre commerciale. De plus, les entreprises ne sont pas tenues de divulguer les informations qu’elles détiennent aux pouvoirs publics et un label, contrôlé par un tiers, sera mis en place par l’AFFTAC pour valider la mise en conformité des systèmes de ses entreprises adhérentes. Enfin, l’AFFTAC est reconnue comme une organisation professionnelle représentative des fournisseurs de systèmes d’aide à la conduite et devient un interlocuteur régulier des pouvoirs publics.

Épilogue

32 L’activité du site Facebook qui avait déjà fortement diminuée depuis la rencontre avec le ministre de l’Intérieur (un seul message appelle à la manifestation du 18 juin et un de remerciement le 21 juin) se limite ensuite à quelques messages, dont le communiqué de presse du 29 juillet pour cesser après le 8 décembre 2011. Un décret du 4 janvier 2012 vient confirmer l’interdiction des avertisseurs de radars. Les « systèmes d’aide à la conduite » doivent être mis à jour : ils ne signalent plus les positions exactes des radars mais indiquent des zones de circulation dangereuse (listes fournies par les préfets) et permettent le partage d’informations communautaires. L’AFFTAC est reconnue comme interlocuteur institutionnel.

2. Ouvrir tous les magasins de bricolage le dimanche en Île-de-France : « Yes week-end » ?

Le contexte

33 Le travail du dimanche est l’un de ces sujets de société qui suscite des débats enflammés entre ses partisans et opposants bien au-delà des clivages politiques traditionnels [16]. Libéraux de droite ou de gauche favorables à une plus grande liberté d’ouverture des commerces le dimanche se heurtent aux syndicats nationaux de salariés mais aussi aux défenseurs du maintien d’un jour chômé fixe pour la grande majorité des salariés au nom de la « protection de la famille » et plus largement du « lien social », des « relations humaines ». Les premiers se réclament de la liberté individuelle, de l’adaptation nécessaire de la société aux nouveaux modes de vie et à la concurrence du e-commerce qui ne connaît pas de dimanche, les seconds affirment défendre le droit des salariés au repos, les individus contre le consumérisme effréné, les familles contre une fragmentation accrue du « vivre ensemble ». [17]

34 Si la loi (article L. 3132-3 du Code du travail) dispose, depuis 1906, que « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche » [18], de très nombreuses dérogations existent, principalement pour permettre la continuité de la vie sociale et pour tenir compte des impératifs de production de certaines industries. Plusieurs secteurs d’activité disposent ainsi de dérogations de droit (santé, sécurité, restauration, transport). Avec le développement de la grande distribution, de nombreux commerces disposent de dérogations exceptionnelles. Les maires peuvent ainsi accorder aux entreprises de commerce de détail des autorisations d’ouverture dominicale pour 5 dimanches par an. Surtout, les préfets peuvent accorder des autorisations d’ouverture ponctuelles ou permanentes « afin d’éviter un préjudice au public ou au fonctionnement normal de l’établissement » [19] avec néanmoins des contreparties et garanties (dont le volontariat) pour les salariés.

35 Sous la pression des entreprises de la grande distribution, les autorisations de dérogation se sont multipliées ces dernières années. Ainsi, les commerces de vente de biens culturels, sportifs et touristiques situés dans les zones de for te affluence peuvent bénéficier, depuis 1993, de dérogations pour l’ouverture dominicale. Grâce à des initiatives répétées d’entreprises comme Ikea ou Conforama, le commerce de détail d’ameublement bénéficie, depuis 2008, d’une dérogation de droit. Sous la pression des grands centres commerciaux, comme « Plan de Campagne » dans l’agglomération marseillaise, les commerces situés dans les zones touristiques et les « périmètres d’usage de consommation exceptionnel » (Puce) [20] sont également soumis à un régime dérogatoire [21].

36 Ainsi, les mesures dérogatoires qui se sont multipliées depuis 2008 ont contribué à accroitre la complexité de la réglementation en matière de travail dominical et à créer des situations de tensions entre les entreprises pouvant bénéficier d’un statut dérogatoire, du fait de leur activité (notamment le commerce d’ameublement) ou de leur localisation géographique, et des entreprises dont les activités ou l’emplacement sont proches mais qui ne bénéficient pas de dérogations. De plus, la multiplication des mesures dérogatoires a contribué à un début de banalisation du travail dominical. Une étude de la Dares [22], souvent citée dans les médias, montre que, dans les faits, de nombreux français travaillent le dimanche : en 2011, 29 % des salariés (8,2 millions) ont travaillé le dimanche de manière habituelle (13 %) ou occasionnelle (16 %), contre 20 % en 1990.

La décision déclenchant les actions de lobbying et les premières réactions des parties prenantes

37 À la suite d’une plainte du syndicat Force Ouvrière à l’encontre de l’enseigne de bricolage Bricorama pour ouverture illégale le dimanche de ses 30 magasins en Île-de-France, le tribunal de grande instance de Pontoise lui a ordonné de cesser ses activités dominicales sous peine d’astreinte de 30000 euros par infraction et par établissement [23]. La direction de l’enseigne fait alors appel du jugement et poursuit ses ouvertures dominicales tout en essayant d’obtenir des dérogations préfectorales et de convaincre les pouvoirs publics d’assouplir la réglementation, mais en vain. Le fait de ne pas respecter le jugement de première instance lui vaut une deuxième assignation par le même syndicat pour que cessent ces ouvertures et que les astreintes dues soient augmentées et payées par l’entreprise. En réponse, Bricorama publie un communiqué de presse rappelant la situation, jugeant déraisonnables les demandes de FO et dénonçant la situation de distorsion avec ses concurrents (Leroy Merlin et Castorama) dont les magasins sont ouverts le dimanche en Île-de-France. L’entreprise estime qu’une fermeture définitive de ses magasins le dimanche entraînerait une perte de 4,5 millions d’euros de CA par an et aurait un impact sur l’emploi de 300 à 400 salariés [24].

38 En octobre 2012, la cour d’appel de Versailles confirme le jugement de première instance. En réaction, Bricorama « annonce avoir déposé des référés pour faire condamner pour concurrence déloyale tous les autres magasins de bricolage ouvrant le dimanche » [25] illégalement ou dans le cadre de « Puce » qui « s’arrêtent parfois à quelques kilomètres seulement de nos établissements » [26]. Le mot d’ordre de Bricorama est alors « Tous fermés ou tous ouverts, mais tous égaux ! ».

39 En novembre Bricorama annonce avoir assigné en justice une vingtaine de magasins Leroy-Merlin et Castorama situés en Île-de-France. Dans le même temps, le syndicat FO assigne en justice deux magasins Castorama, aussi concernés par la plainte de Bricorama, pour ouverture illégale du dimanche ce que conteste la direction du groupe qui appelle ses salariés à manifester quelques jours plus tard devant le tribunal autour du mot d’ordre : « Non, à la distorsion de concurrence. Oui, à la liberté de travailler » [27]. Dans un communiqué de presse, Castorama demande à son tour que les magasins de bricolage bénéficient tous d’une dérogation permanente d’ouverture dominicale, au même titre que le secteur de l’ameublement et du jardinage, pour « mettre fin à des situations totalement inégalitaires ». Dans ce même communiqué, Castorama rappelle que 3 000 de ses collaborateurs « seront impactés par toute décision de fermeture » ce qui « représenterait un gâchis humain incompréhensible dans le contexte économique que nous connaissons » [28].

L’émergence d’un nouveau lobby et ses actions de lobbying

40 Le 8 décembre 2012, soit une dizaine de jours après l’assignation en justice de Castorama et de Leroy Merlin par Bricorama, des salariés de ces deux enseignes « décident » de conduire des actions visant l’opinion publique et le gouvernement. Un collectif dénommé « Les bricoleurs du dimanche » et ayant pour slogan « Yes week-end » émerge « spontanément » sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Dès le lendemain, le site Facebook publie [29] des photos de membres de ce collectif portant des tee-shirts avec les slogans « Oui à l’ouverture le dimanche ! » en recto et « Yes week-end » en verso, et posant devant des bannières « Rejoignez les travailleurs du dimanche » et « Oui à la liberté de travailler le dimanche » déployées devant et dans leurs magasins. Des panneaux invitent les clients à signer une pétition de soutien que des salariés présentent, parfois devant des rafraichissements, donnant un côté sympathique et festif à cette démarche. Le 12 décembre, le collectif revendique déjà 12000 signatures. Cette action se poursuit durant tout le mois de janvier 2013. Le 31 janvier 2013, 123067 signatures sont revendiquées.

41 Un tract précise que « le collectif Les bricoleurs du dimanche a été créé par plusieurs centaines de salariés des 45 magasins Castorama et Leroy-Merlin d’Île-de-France ». Ceux-ci affirment avoir fait « le choix de nous unir sous une barrière commune et indépendante pour défendre notre droit au travail volontaire du dimanche » qui leur permet d’améliorer significativement leurs revenus, « aux étudiants de financer leurs études », d’offrir « un service adapté au mode de vie de nos clients franciliens ». Ils revendiquent la création d’un « décret Yes week-end » afin de leur offrir « la sécurité juridique nécessaire à la conservation de nos acquis en termes de liberté de travail et de rémunération ». Ces arguments seront le fil conducteur de toutes les déclarations et actions que ce collectif réalisera par la suite en direction des médias, du public et des décideurs politiques [30].

42 En février 2013, en réponse à un courrier adressé par le collectif au président de la République, le chef de cabinet du Président assure « de l’attention portée à votre souhait que soient ouvertes le dimanche, de façon pérenne, les enseignes de bricolage en Île-de-France » et précise que le dossier est confié à la ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme qui tiendra informé le collectif des suites accordées à sa demande. Ceci marque la première étape de la reconnaissance du collectif comme interlocuteur par les pouvoirs publics.

43 Confortés en avril 2013 par les résultats favorables d’un sondage [31], le collectif annonce une « descente dans la rue » visant à « informer l’opinion publique et se faire entendre des politiques, à défaut d’avoir été écouté ». Cette manifestation d’une centaine de personnes se tient à proximité de l’Élysée et bénéficie d’une couverture de l’AFP et de la « Une » du Parisien le lendemain. Une lettre est diffusée pour être envoyée aux ministres et au Président. Une deuxième manifestation est organisée à Paris un mois plus tard avec pour objectif de remettre la pétition au ministère du travail. Le site Facebook ne fait mention que de la couverture médiatique obtenue : les principales chaînes de télévision et de radios nationales, l’AFP et des médias en ligne. Les déclarations du ministre du Travail [32] dans les jours qui suivent la manifestation restent cependant peu favorables à une évolution en matière de travail dominical.

44 C’est une nouvelle décision de justice qui va accélérer l’activisme du collectif : la condamnation, en septembre 2013 par le tribunal de commerce de Bobigny, de 15 magasins Castorama et Leroy-Merlin à fermer le dimanche suite à la plainte de Bricorama. Une astreinte de 120000 euros par établissement et par dimanche d’ouverture est prononcée pour appuyer ce jugement. Les deux enseignes annoncent alors leur intention d’une part, de faire appel de cette décision d’autre part, de maintenir l’ouverture de leurs magasins le dimanche. Dans un communiqué de presse, le collectif se dit choqué par cette décision et proclame que « la liberté de travailler en France est victime de la loi des séries et d’un acharnement sans précédent ». Il accuse le gouvernement, et particulièrement le président de la République, de manque d’écoute et annonce préparer des « actions d’envergure » pour se faire entendre.

45 L’ouverture dominicale le 28 septembre 2013 des magasins condamnés à ne pas ouvrir constitue un coup de force de la part des deux enseignes. Les clients reçoivent des SMS de la part des directions des magasins pour les inciter à venir faire leurs courses ce jour-là par solidarité. Les médias relaient très largement cette opération de contestation de la décision de justice. Devant l’ampleur des réactions et l’impact médiatique de cette affaire, le Premier ministre organise en urgence une réunion interministérielle sur cette question. L’ouverture des magasins franciliens le dimanche devient officiellement un problème politique au sein même de la majorité gouvernementale qui apparaît assez partagée sur le sujet et dont les ministres prennent des positions parfois contradictoires dans les médias ce qui ravive fortement l’intérêt de ces derniers pour ce sujet [33]. Comme souvent face à un problème complexe et politiquement délicat, la principale décision de la réunion est de créer une Mission (conduite par l’ancien PDG de La Poste, Jean-Paul Bailly), visant à « examiner les difficultés posées par le dispositif actuel et d’éclairer les enjeux multiples de l’ouverture de certains commerces le dimanche – enjeux sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux » (Bailly, 2013, p. 8) et devant présenter ses résultats d’ici la fin novembre 2013.

46 La réaction du collectif à la nomination de cette commission est très négative. Dans un communiqué de presse, le collectif se dit en colère car il considère que « le gouvernement se borne à reporter à plus tard les décisions courageuses ». Il oppose des salariés se trouvant face à une « situation d’urgence absolue » quant à la question du travail dominical et des gouvernants « loin des réalités » qui « réfléchissent, étudient, consultent, concertent ». Il oppose également la simplicité du changement à opérer à l’imbroglio absurde de la réglementation actuelle, l’impatience à l’immobilisme, le pragmatisme aux « intérêts dogmatiques ».

47 En octobre 2013 le collectif maintient la pression sur le gouvernement et 150 « bricoleurs du dimanche » manifestent devant Matignon où une délégation est reçue par les services du Premier ministre tout en bénéficiant, à cette occasion, de la couverture de médias nationaux [34]. Un nouveau sondage [35] vient conforter la position du collectif qui lance une nouvelle pétition, cette fois en ligne [36], avec pour slogan : « Laissez-nous travailler ! ». Le 8 octobre, les représentants du collectif sont auditionnés par la mission Bailly au même titre que les interlocuteurs institutionnels [37].

48 Fin octobre 2013, des représentants du collectif tentent d’engager un dialogue direct avec Michel Sapin, ministre du Travail et peu favorable à l’assouplissement de la réglementation du travail dominical. Ils manifestent devant le ministère du travail « pour demander à Michel Sapin de signer le “décret Bricolage” permettant à tous les salariés du bricolage en Île-de-France de travailler sereinement chaque dimanche, comme les jardineries et les magasins d’ameublement ». Ils sont reçus le lendemain par le directeur de cabinet du ministre mais cette réunion est qualifiée de « stérile ». Ils demandent alors à être reçus par le président de la République. Le jour même, Castorama et Leroy Merlin sont autorisés à ouvrir leurs magasins le dimanche par la cour d’appel de Paris. Toutefois, Bricorama ayant déposé une nouvelle plainte, le collectif maintient la pression dans la perspective du prochain jugement prévu en novembre et les conclusions du rapport Bailly.

49 Le 2 décembre, les conclusions du rapport Bailly sont présentées par le Premier ministre qui en retient l’essentiel. Concernant le cas des magasins de bricolage, il déplore des situations inégales et incohérentes entre magasins et secteurs d’activités voisins. Il estime donc nécessaire de clarifier la situation par une refonte de la loi en insistant sur les contreparties nécessaires pour les salariés acceptant de travailler le dimanche. À titre transitoire, il annonce la publication d’un décret permettant l’ouverture dominicale des magasins de bricolage en Île-de-France [38].

50 Dans une interview de son porte-parole puis dans un communiqué de presse, le collectif affirme que « la décision du gouvernement de suivre la recommandation du rapport Bailly quant à la mise en place d’un décret transitoire représente un véritable soulagement » et « une reconnaissance de la politique » qualifiée de référence en matière de travail dominical. Il se termine par un appel à la vigilance et à la mobilisation tant que la situation ne sera pas stabilisée.

Épilogue

51 Le 31 décembre 2013 le gouvernement présente un décret autorisant jusqu’au 1er juillet 2015 le travail dominical pour les magasins de bricolage franciliens afin de se donner le temps de refondre la loi sur la base d’une large concertation sachant que repos dominical doit rester la règle [39]. Les contreparties pour les salariés au travail dominical doivent faire l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux concernés sachant qu’il est impératif que les salariés soient volontaires, que la rémunération soit doublée au minimum, que des repos compensatoires soient accordés et que les employeurs prennent des engagements en termes d’emploi et de formation [40]. Après deux semaines de négociations la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC du secteur acceptent le 24 janvier 2014 de signer un accord avec le patronat alors que la CGT et FO refusent mais les premiers sont assez représentatifs (53 %) pour que l’accord soit validé [41]. Toutefois, les syndicats non-signataires déposent un recours devant le Conseil d’État qui suspend le décret. Le gouvernement représente quelques jours plus tard un nouveau décret supprimant le caractère temporaire de la dérogation mise en cause par le Conseil d’État. Suite à un nouveau recours des syndicats, le nouveau décret est confirmé par le Conseil d’État le 8 mars 2014 [42]. Le 24 février le tribunal de commerce de Bobigny reconnait que Castorama et Leroy Merlin sont fautifs d’avoir ouverts sans autorisation les dimanches mais déboute Bricorama de sa demande d’indemnisation pour concurrence déloyale [43]. Le 15 octobre 2014, le nouveau ministre de l’Économie présente son projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques » dont l’une des mesures vise à assouplir le travail dominical.

III – DISCUSSION ET MISE EN PERSPECTIVES

1. Les enseignements des deux études de cas en termes de stratégie politique des entreprises

52 Les deux études de cas présentées ci-avant peuvent apparaître comme étant relativement classiques du point de vue de l’analyse des groupes d’intérêt. Dans le premier cas, nous avons un groupe d’intérêt économique, de type association professionnelle sectorielle, qui s’oppose à une décision gouvernementale mettant en cause les intérêts de ses membres. Dans le second cas, nous sommes face à un groupe d’intérêt social, sous forme d’un groupement de salariés, qui demande une révision ou à défaut une dérogation du Code du travail. Toutefois, l’action de ce dernier permet aussi de défendre les intérêts économiques de leurs employeurs qui initient discrètement puis favorisent leur démarche.

53 Une lecture stratégique, c’est-à-dire focalisée sur la stratégie politique et concurrentielle des entreprises en jeu, permet de mieux mettre en perspective les actions de lobbying.

Coalition ad hoc et instrumentalisation

54 Même si dans les deux cas, la dimension collective de l’action politique est évidente, les deux situations renvoient à des stratégies politiques fondamentalement individuelles. Dans le cas des avertisseurs radars, la décision publique met en cause la pérennité même du leader et principal acteur du secteur (Coyotte [44]). Par ailleurs, cette entreprise, comme les autres acteurs de ce secteur – des PME – encore en émergence, ne bénéficie pas d’une reconnaissance institutionnelle lui permettant d’être associée au processus de décision publique. La mobilisation des autres acteurs du secteur et la création d’une coalition ad hoc (Pijnenburg, 1998) apparaît comme une réponse politique indispensable pour tenter de peser sur le cours des décisions publiques. Cette coalition est d’autant plus facile à mettre en place que le nombre d’acteurs impactés par l’interdiction des avertisseurs radars est limité et que leurs intérêts politiques sont identiques. Coyotte, à travers son PDG, assure, en quelques jours, un rôle d’entrepreneuriat politique (Yoffie, 1987) particulièrement efficace, notamment à travers la création de l’AFFTAC qui permet de donner un caractère « sectoriel » à des intérêts d’abord particuliers.

Tableau 2

Deux cas de stratégie d’influence de lobbies d’entreprise

Interdiction des avertisseurs radars Fermeture dominicale des magasins de bricolage
Processus de décision publique Descendant – Sans concertation
Recherche d’un effet d’annonce
Décisions dérogatoires perçues comme inéquitables
Contexte politique et sociale Problème d’acceptation sociale : « trop c’est trop »
Agenda politique (élections nationales l’année suivante) défavorable aux mesures répressives
Problème d’acceptation sociale :
« Travailler si je veux » & « Consommer quand je veux »
Contexte social et politique favorable : problème d’emploi et de pouvoir d’achat
Rôle des lobbies d’entreprises Rôle d’entrepreneuriat politique : mobilisation des usagers mécontents Rôle de management politique : accompagnement d’une démarche des salariés
Actions d’influence Création d’une coalition ad hoc entre concurrents du secteur +
Mobilisation des clients
Solliciter le soutien d’élus à Légitimation : exercice d’une pression pour être reconnue par les pouvoirs publics et recherche d’un compromis (proposer un cadre acceptable politiquement pour pérenniser l’activité)
Action souterraine pour mobiliser clients et salariés contre la mesure d’interdiction et s’opposer à la remise en cause des dérogations
Instrumentalisation des salariés (définition de la stratégie d’action et soutien logistique) à Pression : prise de parole/ médiatisation/défiance des pouvoirs publics
à Légitimation : négociation et justification des intérêts défendus (sociaux)
Forme du lobbying Actions externes (médiatisées mais transparentes) et internes (négociation) Actions externes (médiatisées mais souterraines) et internes (négociation)
Portée du lobbying Durable : de lobby à partenaire social Durable : obtenir un statut définitif pour le secteur de la distribution de bricolage
figure im2

Deux cas de stratégie d’influence de lobbies d’entreprise

55 Dans le cas du travail dominical, les deux entreprises leaders du secteur (Leroy Merlin et Castorama) sont mises en cause par le n° 3 du secteur pour concurrence déloyale. Les trois entreprises militent cependant pour la même décision : bénéficier d’une dérogation permanente pour leur secteur de la distribution de produits de bricolage. La mobilisation des salariés, à travers la création du collectif « Les bricoleurs du dimanche » permet aux entreprises de décentrer les débats politiques et de faire d’un problème de concurrence un problème d’emploi et de « liberté » de travail et de consommation. Les deux entreprises concurrentes, qui partagent parfaitement les mêmes intérêts, instrumentalisent leurs salariés et confient à une agence de communication d’influence [45] la création et l’animation du « collectif » qui devient ainsi le porte-parole des intérêts de la direction. La mobilisation « spontanée » des salariés permet aux deux entreprises de ne pas apparaître au-devant de la scène politique pour légitimer une décision publique dérogatoire. Ce qui semble relever de l’activité d’un groupe d’intérêt social n’est qu’une mise en scène parfaitement orchestrée par un cabinet de lobbying, et le levier d’une stratégie d’influence formulée par/et pour leurs employeurs.

Une forte propension au lobbying « externe »

56 Dans les deux cas étudiés, les entreprises ont privilégié, de façon transparente (avertisseurs radars) ou souterraine (ouverture dominicale), des actions d’influence « externe » (Grossman et Saurugger, 2006) : mobilisation de soutiens internes (salariés) ou externes (clients, opinion, élus), pétitions, manifestations publiques, recours aux réseaux sociaux, communiqués de presse, médiatisation, etc.

57 Face à des décisions publiques qui remettent directement en cause leurs intérêts économiques, les entreprises mettent d’abord en avant le « corps social » impacté par ces décisions : utilisateurs des avertisseurs radars, clients des magasins de bricolage, salariés travaillant le dimanche, etc. Les entreprises minimisent ainsi leurs objectifs financiers au profit d’enjeux sociaux ou sociétaux : l’emploi, le pouvoir d’achat, la liberté, la sécurité, etc. Le débat est déplacé de l’intérêt économique des entreprises et de leurs dirigeants vers des registres moraux valorisant la liberté individuelle (« laissez-nous rouler », « laissez-nous travailler »), l’action du citoyen de « base », du faible (l’usager ou le salarié) face à des institutions présentées comme déconnectées voire rétrogrades comme les syndicats ou l’État. Les contestataires sont ainsi des Robins des Bois contemporains agissant, avec l’aide bienveillante des entreprises, contre une forme de tyrannie étatique qui se manifeste par des mesures liberticides et destructrices d’emplois et de revenus.

58 Les actions d’influence mises en œuvre ont par ailleurs comme constante le fait d’attirer l’attention des médias et la sympathie du public représenté à travers des pétitions et des sondages de circonstance. La très forte médiatisation qui s’en est suivie a facilité l’interpellation publique des responsables politiques (députés, ministres, président de la République) et a contribué fortement à la politisation des problèmes.

59 Mais la pression exercée sur les responsables publics n’a d’autres objectifs que de préparer une négociation. Aussi, dans les deux cas, l’objectif stratégique des entreprises est d’obtenir une décision publique « spécifique » à leurs problèmes, c’est-à-dire l’autorisation de poursuivre leurs activités conformément à un modèle d’affaires défini à partir de considérations purement économiques et concurrentielles : explosion du marché des détecteurs de radars liée à la mise en place du CSA, développement du marché du bricolage. Les positions défendues par les entreprises, et les « éléments de langage » auxquels elles ont eu recours alternent ainsi la reformulation des objectifs des décideurs publics pour montrer qu’ils sont partagés par les porteurs d’intérêts avec des critiques sur l’irréalisme, l’absurdité, la complexité et l’injustice de la règle publique, et le manque d’écoute et de pragmatisme des décideurs publics.

60 En alliant ainsi une stratégie simultanément de pression et de légitimation, mais aussi en politisant un problème d’abord économique et concurrentiel, les entreprises sont parvenues à leurs fins et elles ont obtenu des décisions publiques dérogatoires et/ ou spécifiques, adaptées à leurs situations particulières. Il faut dire que les entreprises ont réussi à exploiter les opportunités d’un contexte social et politique favorable à ce type de décisions publiques : agenda électoral et sentiment de « ras-le-bol » d’un nombre croissant de français vis-à-vis d’une politique publique de sécurité routière jugée trop répressive, contexte général de crise économique, situation défavorable de l’emploi et du pouvoir d’achat en France et échec du gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de création d’emplois.

Un lobbying sous forme de stratégie d’influence

61 Dans les deux cas étudiés, les entreprises ont fait appel à des cabinets de conseil en communication d’influence [46]. Les opérations de lobbying ne relèvent donc pas d’une démarche spontanée ou improvisée mais elles ont été pensées, planifiées et mises en œuvre avec le soutien de professionnels de la communication politique et du lobbying : des professionnels aguerris aux outils de communication et de gestion de crise, habitués aux relations avec les médias, sachant gérer les relations avec les responsables politiques et disposant d’un réseau relationnel politique et de relais auprès des décideurs publics.

62 Dans le cas des détecteurs de radars, les consultants en communication d’influence ont conseillé le PDG de Coyotte dans le cadre d’une action de communication de crise. La réaction de l’entreprise, à l’annonce des projets de décisions du CISR, a en effet été extrêmement rapide. Une « task force » a été mise en place au sein même de l’agence de communication pour la prise en charge de cette situation [47]. La stratégie de « pression/légitimation » suivie par Coyotte a été pensée par les conseils en lobbying. Elle est résumée par la formule suivante : « notre stratégie est très simple, [elle consiste à] se servir de l’inarrêtable force de l’opinion, [nous sommes] beaucoup plus fort dans la négociation [politique] quand nous sommes précédés par une belle mobilisation de l’opinion publique » [48]. L’ensemble des initiatives politiques prises par Coyotte auraient donc été décidées avec les conseils en communication, qui ont par ailleurs piloté et orchestré les différentes actions d’influence : création d’une coalition à travers l’AFFTAC, rédaction des éléments de langage, rédaction des communiqués de presse et des pétitions, organisation des manifestations, gestion du site internet, etc. Les consultants ont par ailleurs assuré l’intermédiation entre le PDG de Coyotte et le ministère de l’Intérieur et organisé les réunions de travail qui ont débouché sur un compromis favorable pour les fabricants des systèmes de détection de radars. Le rôle et la personnalité du PDG de Coyotte, qui a pris le leadership de l’action politique, a cependant également contribué à l’obtention d’une issue favorable au problème.

63 Dans le cas de l’ouverture dominicale, les deux entreprises concurrentes (Leroy Merlin et Castorama) possèdent une longue expérience des relations avec les pouvoirs publics sur cette problématique. En effet, dès les années 1980, les deux grandes enseignes leaders du secteur de la distribution de bricolage posent le problème de l’ouverture dominicale de leurs magasins [49]. L’ouverture dominicale des magasins (et notamment les magasins franciliens) de ces deux enseignes est d’ailleurs la conséquence de leurs nombreuses actions de lobbying menées à titre individuel ou dans le cadre collectif de leur syndicat professionnel [50]. Le recours à un cabinet de lobbying en 2013 répond vraisemblablement à un souci de coordination d’une action concertée mais aussi au besoin de politiser le problème en mobilisant les salariés, les clients et plus généralement l’opinion publique. Ainsi, ce sont bien les consultants en communication d’influence qui orchestrent les activités du collectif « Les bricoleurs du dimanche » et parviennent à inscrire la question de l’ouverture dominicale dans l’agenda politique. Selon l’agence de communication [51] mandatée par Leroy Merlin et Castorama, un groupe de salariés volontaires, issus des deux entreprises, a été pris en charge par des consultants et organisés en groupes de travail pour définir et mettre en œuvre la stratégie d’influence. La forme du « collectif », son nom (« Les bricoleurs du dimanche »), son slogan (« Yes week-end ») ainsi que les positions à défendre et les éléments de langage (« volontariat », « majoration salariale » et « repos compensateur ») ont été suggérés ou « conseillés » au groupe de salariés. Par ailleurs, les consultants ont accompagné le « collectif » dans toutes ses initiatives d’influence : création et animation du site Facebook et du compte Tweeter, rédaction des communiqués de presse, formation des porte-paroles du collectif à la prise de parole devant les médias, organisation logistique des manifestations et des pétitions, commandes des sondages, relations avec les médias, relations avec les cabinets ministériels, etc.

64 S’il est difficile d’évaluer précisément la part des consultants dans le succès des opérations de lobbying étudiées, dans les deux cas, il est manifeste que le recours à des professionnels s’est traduit par des actions d’influence élaborées dans leur forme (pétitions, lettres ouvertes, manifestations, etc.) comme dans leur fond (notamment la construction des argumentaires qui déplacent les problèmes dans des registres qui interpellent les responsables politiques). Surtout, le recours aux professionnels de l’influence a pu aider les entreprises concernées à intégrer la dimension politique dans leurs initiatives, à développer leur conception du rapport de force politique et donc à déployer non pas seulement des actions de lobbying mais une véritable stratégie d’influence combinant ou alternant différentes actions de pression et de légitimation.

2. Une évolution des stratégies politiques des entreprises

65 Traditionnellement, en France, le lobbying fut l’apanage des grandes entreprises qui disposent de leurs entrées au sein des administrations, des cabinets ministériels et des parlementaires (Debouzy, 2003). Comme nous l’avons abordé dans la première partie, le lobbying « à la française » est ainsi souvent décrit comme une pratique discrète, visant d’abord le pouvoir exécutif et basée sur les relations informelles qu’entretiennent les dirigeants et managers des grandes entreprises avec des élites publiques issues des mêmes grandes écoles (ENA, Polytechnique, HEC). À côté de cette forme traditionnelle de lobbying, verticale et descendante, adaptée à une conception colbertiste et jacobine de l’État désormais en crise (Lascoumes et Le Galès, 2012), nous assistons, comme nous l’avons montré dans les deux études de cas précédentes, au développement de nouvelles formes d’influence de la part des entreprises :

66

  • Le développement d’un lobbying « par le bas » : ce type de lobbying privilégie les actions venant « du terrain ». Il est fondé sur la mobilisation d’alliés objectifs : des entreprises concurrentes, des fournisseurs, des clients, des salariés, des citoyens, bref de toutes les parties prenantes de l’entreprise. C’est un lobbying qui utilise largement les techniques de communication ouverte et s’appuie sur les forums ou les réseaux sociaux. L’influence de la décision publique passe par le recours à des pétitions et à des manifestations et donc à une forme de pression exercée sur le décideur public au nom de l’expression « spontanée » d’un intérêt public pragmatique. Ainsi, le discours politique et technocratique est mis en concurrence avec l’orchestration d’une expression directe des « gens normaux » et le bon sens qu’ils véhiculeraient. Les deux exemples que nous avons développés, représentent une tendance lourde qui s’est manifestée dans de nombreux autres cas récents de lobbying : loi Hadopi, baisse de la TVA pour la restauration, mouvements des « Pigeons » [52], etc. Bien entendu, tous les intérêts ne se prêtent pas à des actions de lobbying « par le bas » et le recours à ce type d’influence présente également des limites (difficultés à mobiliser les parties prenantes, risques de non-maîtrise de l’évolution des processus d’influence, simplification – et donc fragilité – des positions défendues).
  • Le lobbying « pour tous » : il s’agit d’actions de lobbying menées par des coalitions ad hoc d’entreprises, souvent de taille modeste. Ces coalitions permettent de mutualiser les ressources et l’énergie nécessaires à l’action politique tout en donnant une plus grande légitimité aux intérêts défendus. Par ailleurs, ces coalitions peuvent s’appuyer sur les cabinets professionnels spécialisés en lobbying ou en « affaires publiques » qui se sont développés en France à l’instar de ce qui existe aux États-Unis ou à Bruxelles. Ainsi le lobbying devient à la portée d’entreprises n’ayant pas a priori l’expérience, le savoir-faire ou les ressources relationnelles nécessaires. De fait, comme nous l’avons vu dans les deux cas qui ont été présentés, cela contribue à démultiplier les « lobbies » qui peuvent influer potentiellement sur les décisions publiques et à complexifier les situations de lobbying. Le cas sur le travail dominical est en ce sens significatif puisque chaque décision de dérogation appelait elle-même à de nouvelles actions de lobbying de par les distorsions créées.

67 Ces deux évolutions suivent un mouvement qui est assez commun notamment aux États-Unis où, au nom du pluralisme dans la représentation d’intérêts, les activités de lobbying sont fortement développées (Holyoke, 2014). Sur le « marché » de la représentation des intérêts, les entreprises ont ainsi largement recours au lobbying par la base appelé « grass-root lobbying » et au lobbying pour tous désigné par « constituency building » (McGrath, 2005). Ce type de pratiques était plus rare en France où les pouvoirs publics privilégient les approches descendantes et la négociation avec des représentants d’intérêts intermédiaires reconnus comme légitimes. Le recours aux actions de lobbying « externe » représentait également l’exception. Il est ainsi intéressant de rappeler ce commentaire de Meynaud (1960) qui, dans son analyse de l’activité des groupes de pression en France, soulignait que « les groupes doivent compter avec (…) un facteur limitatif : une sorte d’embargo social qui interdit souvent en pratique le recours à certains procédés (…) Le souci de ménager l’opinion publique incite aussi à la modération. Mais la restriction la plus sérieuse provient de l’état des mœurs » (p. 45). Ce sont pourtant les nouvelles mœurs, qui font largement la part belle à l’individualisme, au consumérisme et au rejet des responsables politiques jugés éloignés des citoyens de « base », qui ont assuré le succès des actions de lobbying des fabricants de détecteurs de radars et des entreprises de distribution des produits de bricolage. « L’embargo social » constitue en fait le contexte social et politique au sein duquel les actions d’influence sont considérées comme légitimes. Au travers de ces deux études de cas, il faut relever que les stratégies d’influence actuellement mises en œuvre par les entreprises peuvent apparaître comme étant assez « formatées » et basés sur le triptyque suivant : 1) recours à l’argument de l’emploi qui est ainsi placé au cœur des « plaidoyers » des entreprises et devient le sésame de leur influence ; 2) recours à l’exper tise qui permet de créer une asymétrie d’information avec les décideurs publics ; 3) mise en scène d’une forme de convergence des intérêts particuliers de l’entreprise avec l’intérêt général. Le développement des cabinets de communication d’influence et de lobbying (Daridan et Luneau, 2012) n’est vraisemblablement pas étranger à cette forme de standardisation de l’influence.

CONCLUSION

68 Nous avons ainsi tenté de monter dans cette communication tout l’intérêt d’un regard « gestionnaire » et « stratégique » sur un phénomène sociopolitique comme celui du lobbying.

69 Une approche purement politiste des deux études de cas mobilisées aurait certainement plus mis l’accent sur l’analyse des processus de décision publique et des jeux d’acteurs – notamment au sein de l’appareil d’État – qui ont conduit aux deux décisions en jeu. L’approche politiste aurait également mis en perspective les différentes positions des décideurs publics et leurs évolutions au regard de leurs référentiels idéologiques (respectivement, les conceptions de la sécurité routière et de ses instruments, la place du travail dans la vie économique et sociale). De même, une approche purement juridique des mêmes études de cas aurait privilégiée l’analyse des fondements des règles de droit et de leurs évolutions en matière de sécurité routière ou de travail dominical. L’approche « gestionnaire » apporte des éclairages complémentaires quant à l’analyse du système d’action politique. Elle permet d’avoir un regard décentré sur les processus de décision publique en mettant l’accent sur les intérêts particuliers des acteurs individuels. Elle apporte également un éclairage sur les tactiques d’influence mises en œuvre par les lobbies en reliant ces choix non seulement aux intérêts en jeu mais aussi aux ressources politiques dont disposent les lobbies.

70 Pour les entreprises, nous pourrons retenir que l’influence des décisions publiques devient aujourd’hui un véritable enjeu stratégique. Dans la crise actuelle, et face à l’exacerbation de la concurrence, la décision publique peut constituer une véritable opportunité pour les entreprises. Aussi, la décision publique devient un « objet » autour duquel les entreprises peuvent déployer de véritables stratégies d’actions pour créer de la valeur économique. Comme nous l’avons vu dans les cas étudiés, le lobbying relève de véritables stratégies d’influence structurées, planifiées et coordonnées. Elles reposent sur des démarches et des outils largement inspirés du management stratégique : la veille institutionnelle pour anticiper les évolutions politiques, l’analyse et la cartographie des acteurs pour évaluer les forces politiques en présence, l’élaboration de « plaidoyer » pour optimiser l’impact des arguments à tenir devant les médias ou face aux responsables publics, l’organisation de coalitions pour mieux légitimer les intérêts défendus, le recours à la communication pour mobiliser les alliés potentiels et renforcer la pression exercée sur les décideurs publics. Au-delà de cette vision purement instrumentale, les activités de lobbying mises en œuvre par des entreprises posent la question du pouvoir politique des entreprises et de leur rôle dans le système de représentation démocratique. Comme le souligne Basilien (2009), « le lobbying suscite des réactions fortes et éveille des positions dures ; soit il est célébré de manière exagérée : le lobbying est regardé comme le mode moderne de pratique de la démocratie directe ; soit il est dénigré, appréhendé comme la manifestation de la soumission du politique à l’économique, voire l’invasion de la corruption dans la sphère publique ». Dans les deux cas étudiés, il apparaît clairement que les décisions publiques ont été très largement influencées par les intérêts des entreprises et l’issue de ces deux décisions peut en effet conforter l’idée selon laquelle le politique est sous l’influence de l’économique. Cette conclusion s’impose d’autant plus dans le cas du travail dominical où l’évolution de la législation française apparaît comme une réponse à l’évolution des enjeux et des intérêts économiques des entreprises, notamment celles de la grande distribution. Cette conclusion va dans le sens des analyses qui considèrent que les pouvoirs publics sont aujourd’hui soumis à la pression des entreprises qui se comportent parfois en véritables « gouvernements privés [53] » : elles orientent les décisions publiques et les mettent au service de leurs stratégies de développement en s’appuyant sur des ressources – financières, organisationnelles, relationnelles – dont la légitimité, sinon la légalité, est questionnée (Sachet-Milliat, 2010). Dans un contexte plus général, Reich (2008) montre que le lobbying des entreprises est l’une des manifestations du « supercapitalisme ». Dans un contexte de crise, la maximisation du profit des entreprises multinationales passe désormais par des décisions publiques qu’il devient stratégique d’influencer. Le lobbying représente alors la forme « politique » de la bataille économique que se livre les entreprises en concurrence. L’analyse des deux études de cas que nous avons présentées nous amène cependant à nuancer cette vision critique du lobbying. Dans les deux cas, les intérêts des entreprises rejoignent, au moins à court terme, les intérêts d’autres acteurs sociaux (certaines catégories de salariés, de consommateurs, d’usagers, etc.) et les actions d’influence ont reposé sur des leviers parfaitement légaux dans un système démocratique (manifestations, pétitions, etc.). Pour autant, il est clair que les deux cas interrogent le rôle de l’entreprise en tant qu’acteur politique et sa place dans un système de représentation démocratique. Ils interrogent également l’importance des enjeux économiques – notamment ceux liés à l’emploi – dans les politiques publiques et leurs instrumentalisation par les entreprises au service de leurs intérêts.

71 C’est dans ce contexte que, par exemple, les élus de l’Assemblée nationale ont mené une réflexion sur la place des lobbies – et notamment les lobbies représentant les entreprises – dans le processus législatif [54]. Le rapport parlementaire Sirugue (2013) souligne ainsi que les lobbies peuvent contribuer, à travers leur rôle de médiation et de transmissions d’informations, à améliorer la prise de décision publique et à en faciliter la mise en œuvre. Cette analyse rejoint celle de Basilien (2009) qui estime que le lobbying « n’est pas à appréhender comme un concurrent ou un suppléant de la représentation (démocratique) mais comme le « complément nécessaire, le supplément fonctionnel ». Les lobbies représentent une réalité socio-économique, des enjeux et des rapports de force que les responsables publics ne peuvent ignorer. Il n’en demeure pas moins que les entreprises restent largement surreprésentées auprès des responsables publics et peuvent disposer de moyens d’influence plus importants que les autres groupes d’intérêts [55]. Les décideurs publics doivent être en capacité de discerner ce qui relève de la tentative d’influence, malgré tout utile pour éclairer la décision, de ce qui relève de la tentative de manipulation ou de la manœuvre d’intimidation afin de s’en prémunir. Que peuvent donc faire les pouvoirs publics face aux nouvelles formes d’influence des entreprises et à leur sophistication ?

72 Les éclairages des approches « gestionnaires » du lobbying peuvent contribuer à une meilleure prise en compte de ce phénomène par les responsables publics. En effet, face à des lobbies d’entreprises stratèges, l’État doit également agir en acteur stratège dans l’élaboration des normes et dans la formulation des politiques publiques. Leurs concepteurs doivent ainsi réaliser une analyse stratégique de l’environnement de la décision publique, évaluer les positions des acteurs et des parties prenantes de cette décision – et notamment celle les lobbies – et prendre en compte dans celle-ci les modalités de sa mise en œuvre et les conditions de sa réception par les parties prenantes. Une telle posture permettrait aux pouvoirs publics de mieux anticiper les positions et les actions des lobbies existant, ou pouvant émerger à cette occasion, afin de prévenir, voire désamorcer, les éventuels blocages ou mouvements « spontanés » de protestation citoyenne. En conclusion, les décideurs publics doivent notamment apprendre à intégrer les stratégies de lobbying des entreprises, dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques : pour le meilleur, c’est-à-dire pour une décision publique plus éclairée et pragmatique, ou pour le pire, c’est-à-dire une décision publique asservie aux intérêts individuels les plus habiles à la manœuvre, marquant ainsi la fin de toute idée d’intérêt général.

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  • Yoffie, David B. (1988). “How an industry builds political advantage”, Harvard Business Review, May-June, p. 82-89.

Mise en ligne 09/03/2015

Notes

  • [1]
    Par exemple, les entreprises, à titre individuel ou à titre collectif, représentent plus de la moitié des groupes d’intérêt, officiellement enregistrés auprès des institutions européennes : registre de transparence européen, consulté en octobre 2014 (source www.ec.europa.eu). Par ailleurs, une étude sur l’influence des lobbies à l’Assemblée nationale (« Transparence internationale France & Regards citoyens », mars 2011) montre une surreprésentation des entreprises et des lobbies d’entreprises.
  • [2]
    Exploitation de la base de données Factiva : articles parus dans la presse quotidienne nationale et locale, et dans la presse spécialisée. Par ailleurs, nous avons exploité les informations contenues dans un documentaire portant sur les consultants en communication d’influence (« spin doctor ») dans lequel les deux situations de lobbying ont été relatées par les consultants qui les ont pris en charge Documentaire : « Jeu d’influences les stratèges de la communication » de L. Herman et G. Bovon, diffusé le 6 mai 2014 sur France 5.
  • [3]
    Soit 6,2 % de tués en moins en 2002 par rapport à 2001 (7741 tués à 30 jours), 20,9 % de tués en moins en 2003 par rapport à 2002 (soit 6126 tués à 30 jours), 8,7 % de tués en moins en 2004 par rapport à 2003 (5593 tués à 30 jours). Source : Observatoire de la sécurité routière, Bilan SR 2011, p. 15.
  • [4]
    C. Scholly, « Sécurité routière : la réponse est “radars”, mais quelle était la question ? », automobile-club.org.
  • [5]
    Communiqué de presse du 11 mai 2011 : « Mesures du CISR : Trop c’est trop », http://www.lmalemag.info/40- MILLIONS-D-AUTOMOBILISTES-mesures-du-CISR-trop-c-est-trop_a5755.html.
  • [6]
    Sondage Ifop pour Ouest France, du 12-13 mai 2011, ifop.com/media/poll/1500-1-study_file.pdf.
  • [7]
    Coyote a été créé en 2006 par un jeune entrepreneur et est en 2011 le leader de ce marché en France, avec plus de 70 % des ventes et un CA de 50 millions d’euros. A. Devillard, « Comment Coyote a évité la sortie de route », article du 25/04/12 mis à jour le 23/01/14, http://www.capital.fr/enquetes/strategie/comment-coyote-a-evite-la-sortie-de-route-715304.
  • [8]
    Communiqué de presse de l’AFFTAC du 12/05/14 : http://www.moncoyote-forum.com/t10592-lettre-de-afftac#176522.
  • [9]
    Communauté qui est composée de leurs clients et abonnés qui achètent aussi, et surtout, un service leur permettant d’éviter d’être verbalisés pour excès de vitesse en étant avertis en temps réel de la présence de radars fixes et mobiles.
  • [10]
    N. Meunier, « Comité interministériel de la Sécurité routière : les réactions des fabricants de radars et des associations contre la violence routière », www.challenges.fr le 16/05/2011.
  • [11]
    Y. Montuelle et J. Saulnier, « Radars : On tape encore au portefeuille des automobilistes », lexpress.fr, publié le 18/05/2011, http://www.lexpress.fr/actualite/societe/radars-on-tape-encore-au-portefeuille-des-automobi- listes_994068.html.
  • [12]
    Par exemple : Franck Marlin (député UMP, Étampes), Jean Grenet (député UMP, Pyrénées-Atlantiques), Étienne Mourrut (député UMP, Gard), Gérard Cornu (sénateur UMP, Eure-et-Loir, et Président du groupe d’études sur l’automobile). De plus, 73 députés attirent l’attention du Premier ministre sur cette situation dans une lettre le 23 mai 2014.
  • [13]
  • [14]
    T. Serafini, « Les députés de droite antiradars appuient sur le champignon », www.liberation.fr le 23/05/2011 ; A. Guioral et T. Serafini, « Radars : Claude Guéant remet les compteurs à zéro », www.liberation.fr le 25/05/2011.
  • [15]
    Communiqué de Claude Guéant du 27 mai 2011 (mis à jour le 9/11/2012), www.securite-routiere.gouv.fr.
  • [16]
    Voir par exemple les nombreux échanges sur http://www.mesdebats.com/societe/238-pour-ou-contre-le-travail-du-dimanche; un site institutionnel recensant 44 discours politiques sur le travail le dimanche (essentiellement entre 2006 et 2009) : http://www.vie-publique.fr/discours/selection-discours/debat-travail-du-dimanche.html; J. Viard, « Travail le dimanche : 10 idées pour élever et dépassionner le débat » sur http://leplus.nouvelobs.com le 6/10/2014 ; AFP « Travail du dimanche : le débat est ouvert » www.lepoint.fr le 29/09/2013.
  • [17]
    A. Boudet, « Travail le dimanche : des cathos aux syndicats, l’étonnante alliance des opposants », Le Huffington Post, 2/12/2013, www.huffingtonpost.fr.
  • [18]
    Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Informations pratiques, Les fiches pratiques du droit du travail, Durée du travail, Le travail du dimanche, www.travail-emploi.gouv.fr, mis à jour le 11/3/2014.
  • [19]
    Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, Informations pratiques, Les fiches pratiques du droit du travail, durée du travail, le travail du dimanche, www.travail-emploi.gouv.fr, mis à jour le 11/3/2014.
  • [20]
    Dares Analyses, op. cit., p. 7.
  • [21]
    Créées par la loi Maillé du 10 août 2009, ces zones sont limités aux régions parisienne, marseillaise et lilloise sont des espaces territoriaux permettant à certaines entreprises de commerce de détail d’obtenir une dérogation au repos dominical obligatoire. Sans compensation pour les salariés pour les premières et avec des compensations pour les secondes.
  • [22]
    Dares Analyses, publication de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, octobre 2012, n° 075.
  • [23]
    A. Bodescot, « Bricorama condamné pour ouverture dominicale illégale », publié le 9/01/2012 sur www.lefigaro.fr.
  • [24]
    Communiqué de presse de Bricorama du 20 juin 2012, http://www.bricorama.fr/_pages/bricorama/docs/Assi- gnation__comparaitre__la_demande_du_syndicat_FO.pdf.
  • [25]
    AFP, « La justice ordonne à Bricorama de cesser d’ouvrir le dimanche sans dérogation », publié le 31/01/2012, www.lemonde.fr.
  • [26]
    L. Peillon, « Bricorama : la justice pince le bricoleur du dimanche » publié le 9/11/2012 sur www.liberation.fr.
  • [27]
    Jg/mw, « Ouverture dominicale : Bricorama assigne 8 Castorama et 12 Leroy-Merlin » publié le 29/11/2012 sur http://tempsreel.nouvelobs.com.
  • [28]
    AFP, « Travail dominical : Castorama demande une modification de la loi », publié le 29/11/2012 sur www. lemonde.fr.
  • [29]
    Cette première journée de pétition fait l’objet de 27 publications (Facebook post) le 9 décembre.
  • [30]
    Notamment dans un clip vidéo humoristique où le porte-parole du collectif, Gérald Fillon, propose des négociations avec le gouvernement au nom de la « République de Bricolie ».
  • [31]
    Sondage CSA (commandité par la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison) : 3 franciliens interrogés sur 4 seraient favorables à l’ouverture des magasins de bricolage le dimanche, la moitié considèrent que cela leur faciliterait la vie, de façon plus générale, une très large majorité de franciliens (82 %) et de français (73 %) serait favorable au travail le dimanche sur la base du volontariat et avec une contrepartie financière.
  • [32]
    « Sapin refuse de “grignoter le repos dominical” », http://tempsreel.nouvelobs.com le 23/05/2013.
  • [33]
    AFP, « Travail du dimanche : le débat est ouvert » www.lepoint.fr 29/09/2013. Entre les 26 et 30 septembre, les « bricoleurs du dimanche » sont cités dans 59 articles (dont 18 dépêches AFP) dans les médias constituant la base Factiva.
  • [34]
    Les 2 et 3 octobre 2013, « Les bricoleurs du dimanche » sont cités dans 29 articles (dont 10 dépêches AFP et 3 Reuters) dans les médias constituant la base Factiva.
  • [35]
    Sondage réalisé par le CSA et commandé par Les Échos et l’Institut Montaigne, et publié sur le site Facebook du collectif : 80 % des personnes interrogées répondent oui à la question : « Selon-vous, le gouvernement devrait-il laisser les magasins de bricolage qui le souhaitent ouvrir le dimanche ? ».
  • [36]
  • [37]
    Des syndicats de salariés et patronaux, les entreprises et fédérations professionnelles, les ministres et des représentants de leurs services directement concernés par le problème ainsi que des parlementaires, les préfets de la région Île-de-France, la Mairie de Paris, des associations familiales et étudiantes, la CCI Île-de-France, la région Île-de-France. Un autre collectif, défavorable au travail du dimanche, est auditionné le 13 novembre : le « Collectif des Amis du dimanche » dont le site internet est très actif défend le principe du repos dominical.
  • [38]
    L. Martinet, « Travail dominical : comment généraliser sans le dire grâce au rapport Bailly » sur http://lexpansion.lexpress.fr le 02/12/2013.
  • [39]
    T. Thuillier, « Le travail du dimanche : autorisation transitoire pour les magasins de bricolage » sur www.lentreprise.lexpress.fr le 31/12/2013.
  • [40]
    K. Tribouillard, « Le gouvernement autorise les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche » sur http://lexpansion.lexpress.fr le 31/12/2013.
  • [41]
    I. Letessier, « Bricolage : accord syndical sur le travail du dimanche » sur www/lefigaro.fr le 24/01/2014.
  • [42]
    AFP, « Le travail dominical de nouveau autorisé pour les magasins de bricolage » sur http://tempsreel.nouvelobs.com le 08/03/2014.
  • [43]
    AFP, « Travail du dimanche : Castorama et Leroy Merlin “fautifs” mais pas condamnés » sur http://lexpansion. lexpress.fr le 25/02/2014.
  • [44]
    En 2013, Coyotte réalise 90 millions d’euros de chiffre d’affaires et domine le secteur en France avec 80 % de part du marché des systèmes de détection radars (« Coyote-Wikango : leurs alertes radars vont-elles résister à Google ? », Capital.fr, 15/08/2014. Cette part de marché peut être estimé à 90 % en 2011, peu avant le projet d’interdiction des avertisseurs radars.
  • [45]
    Il s’agit du cabinet Les Ateliers Corporate selon les informations diffusées dans le reportage « Jeu d’influences les stratèges de la communication », ibid.
  • [46]
    Selon les informations diffusées dans le documentaire « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid. : Leroy Merlin et Castorama ont fait appel au cabinet Les Ateliers Corporate ; Coyotte a fait appel à Havas (pôle Influence).
  • [47]
    Selon Y.-P. Robert (Havas pôle influence) qui a pris en charge le dossier « Coyotte ». Reportage : « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid.
  • [48]
    Y.-P. Robert, ibid.
  • [49]
    Par exemple, dès 1992, Leroy Merlin faisait partie de l’association « Le Dimanche » créée par J. Séguéla (agence Euro RSCG) au bénéfice des entreprises de la distribution spécialisée (habillement, ameublement, bricolage).
  • [50]
    Par exemple, à travers la Fédération des magasins de bricolage et d’aménagement de la maison (FMB).
  • [51]
    Selon S. Attal, de l’agence Les Ateliers Corporate qui a pris en charge ce dossier. Documentaire : « Jeu d’influences, les stratèges de la communication », ibid.
  • [52]
    Mouvement de défense des entrepreneurs face à un projet de taxation des plus-values de cession d’entreprises. Voir : « Mouvement des Pigeons : retour sur sept mois de prises de bec », par M. Torre, LaTribune.fr, 24 avril 2013.
  • [53]
    Selon l’expression de E. Cohen (1992).
  • [54]
    À partir de 2006, à l’initiative de deux députés UMP : Arlette Grosskost et Patrick Beaudouin.
  • [55]
    Voir par exemple : « Étude sur l’influence à l’Assemblée nationale », Transparence Internationale France & Regards citoyens, mars 2011.
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