Couverture de RFG_238

Article de revue

Gestion de la relation client et internet

Les impératifs stratégiques pour la mise en place d'un projet e-GRC par les PME

Pages 119 à 137

Notes

  • [1]
    Les questionnaires collectés correspondent à 83 PME différentes.
  • [2]
    Les instruments de mesure ne sont pas présentés faute d’espace. Ils peuvent être demandés auprès de l’auteur.

1 Le développement de relations d’échange fructueuses avec les clients afin de contribuer à une meilleure performance des firmes n’est pas une idée neuve (Morgan et Hunt, 1994 ; Payne et Frow, 2005 ; Reinartz et al., 2004). L’utilisation croissante des applications informatiques orientées client et des nouvelles technologies d’information (TI) a offert de nouvelles possibilités relationnelles et une meilleure connaissance des clients (Vanheems, 2012). La gestion de la relation client (GRC) s’inscrit dans cette tendance dans la mesure où elle concerne aussi bien la réorganisation de l’entreprise autour du client que l’utilisation des TI pour développer des stratégies relationnelles plus efficaces. Avec l’arrivée d’internet, est apparue la gestion électronique de la relation client (e-GRC). Les caractéristiques distinctives de cette technologie par rapport aux TI traditionnelles permettent de se rapprocher encore plus des principaux clients et d’entretenir avec eux des relations plus personnelles (Vanheems, 2012 ; Notebaert, 2009 ; Richard, 2010). Ces avantages ont amené, dans un premier temps, les grandes entreprises à investir dans de tels projets (Sheth et Shainesh, 2005). Actuellement avec la démocratisation d’internet et la diminution des coûts d’investissement, les petites et moyennes entreprises (PME) commencent à investir également dans de telles initiatives (Harrigan et al., 2009 ; Raymond et Bergeron, 2008). Pourtant, la démarche de mise en œuvre de la GRC par les PME est différente de celle des grandes organisations. Cela est dû principalement aux spécificités de ces petites entreprises (Helfer et al., 2008) : elles possèdent une structure organisationnelle simple et personnalisée ; leur degré de spécialisation est faible ; toutes les décisions sont centralisées et la stratégie d’entreprise est peu formalisée et implicite. Vu ces caractéristiques, le dirigeant occupe une position très importante au sein des PME (Becheikh et al., 2006 ; Poisson et al., 2007). En effet, ce dernier conçoit la stratégie selon sa vision, ses valeurs et ses aspirations. Il centralise les décisions au niveau de l’organisation, stimule les changements éventuels et décide de la répartition appropriée des ressources. Il représente l’engagement de la hiérarchie à son plus haut niveau pour réussir la conduite du changement et la mise en place de processus axés sur le client.

2 De ce fait, l’implication du dirigeant est essentielle pour réussir la mise en place de stratégies liées à une gestion en ligne de la relation client (Almotairi, 2009 ; Chen et Chen, 2004). Mais elle ne peut pas à elle seule expliquer la réussite ou l’échec de l’investissement réalisé dans la GRC (Almotairi, 2009 ; Saini et al., 2010). Ainsi, de nombreuses PME ne concrétisent jamais leur démarche d’orientation client sur internet malgré un fort engagement de la part du dirigeant. Alors que d’autres investissent massivement dans des projets e-GRC, avec des résultats loin des attentes et un décalage souvent observé entre les conséquences annoncées et celles constatées.

3 Les quelques explications données dans ce domaine ont été avancées principalement par des professionnels et consultants. Elles sont souvent fragmentaires et concernent, dans la plupart des cas, les grandes organisations. De même, les travaux menés à propos de ce sujet privilégient souvent une perspective plutôt technique de la gestion de la relation client et évoquent rarement le processus par lequel la mise en place de telles stratégies est transformée en performance.

4 Afin de dépasser ces limites, un modèle conceptuel intégré a été élaboré qui présente l’avantage d’étudier aussi bien les antécédents que l’impact de la gestion électronique de la relation client. Ce modèle se place dans une perspective stratégique de la GRC permettant d’avoir une vision plus large et plus complète du phénomène étudié. Enfin, c’est un modèle qui est adapté au milieu PME et tient compte des spécificités de ces entreprises. Dans la suite de l’article ce modèle est testé empiriquement et les résultats discutés. Mais avant cela, les perspectives théoriques de la GRC sont présentées et une définition de la e-GRC et sa relation avec le processus d’achat en ligne sont exposées.

I – LA GESTION DE LA RELATION CLIENT : PERSPECTIVES THÉORIQUES

5 La gestion de la relation client (GRC), connue sous le nom de CRM (Customer Relationship Management), est appréhendée de plusieurs façons. Apparue dans les années 1990, elle est souvent utilisée, par les professionnels et consultants, pour désigner des applications informatiques permettant d’établir des interactions et des relations entre l’entreprise et ses clients.

6 Dans le milieu académique, d’un côté, les chercheurs en marketing utilisent habituellement la GRC pour évoquer le marketing relationnel qui vise à établir, développer et maintenir des relations d’échange fructueuses (Morgan et Hunt, 1994 ; Reinartz et al., 2004). Selon cette conception, la GRC consiste à attirer, maintenir et renforcer la relation avec le client. D’un autre côté, les chercheurs en systèmes d’information adoptent une approche plutôt technologique (Raymond et Bergeron, 2008 ; Trainor et al., 2011). Ils décrivent la GRC par rapport à un ensemble de solutions orientées client, basées sur les TI.

7 L’existence de différentes définitions de la gestion de la relation client souligne, d’une part, l’absence d’un consensus entre les praticiens et les chercheurs à propos de ce concept et ses composantes et, d’autre part, la présence de plusieurs points de vue ou angles d’approche. En fait, la façon dont est pensée la gestion de la relation conditionne la façon dont l’entreprise conçoit, accepte et pratique la GRC. Adopter une conception inadéquate ou peu appropriée peut déterminer l’échec ou la réussite de tel projet. Afin de dépasser cette confusion, Payne et Frow (2005) ont proposé de définir la GRC selon trois perspectives situées sur un continuum allant d’une vision tactique en passant par une vision technologique, jusqu’à une vision stratégique.

8 La perspective tactique est plutôt restrictive. Elle considère la GRC comme une application informatique spécifique permettant l’automatisation de certaines activités marketing en relation avec le client comme c’est le cas avec l’automatisation de la force de vente ou SFA (Sales Force Automation).

9 La perspective technologique utilise le terme GRC pour désigner l’implémentation de solutions intégrées orientées client, basées sur les TI. La mise en place par l’entreprise d’un projet ERP (Entreprise Resource Planning) entre dans le cadre de cette approche technologique. Elle est à mi-chemin entre la tactique et le stratégique.

10 La dernière perspective suggérée par Payne et Frow (2005) privilégie une définition large de la GRC s’inscrivant dans une logique stratégique globale permettant à l’entreprise de gérer convenablement ses relations clients et de créer de la valeur ajoutée pour les deux parties. Selon cette perspective, la GRC n’est pas simplement une application informatique ou une solution technologique permettant d’établir ou de développer des relations fructueuses avec le client, c’est une vraie stratégie d’entreprise créatrice de valeur.

11 Elle vise une relation profitable et de longue durée nécessitant une mise en place cohérente et intégrée de compétences humaines, organisationnelles et technologiques.

12 Elle requiert une vision globale de la part de la direction, une connaissance approfondie des clients dans un environnement multicanal, une utilisation appropriée de l’information et une intégration réussie des processus, ressources et activités.

13 Cette recherche s’inscrit bien dans cette perspective stratégique qui privilégie une vision large et non fragmentée de la GRC et essaye de dépasser les limites associées à une perspective tactique plutôt incomplète et réductrice.

II – GESTION ÉLECTRONIQUE DE LA RELATION CLIENT ET PROCESSUS D’ACHAT EN LIGNE

14 Comme la gestion de la relation client est multicanal et a pour objectif de développer une relation durable et profitable avec les clients en s’appuyant sur un ensemble des TI, la gestion électronique de cette relation s’inscrit bien dans une logique de continuité et peut être vue comme une partie intégrante de la GRC. Mais comme le canal internet a acquis une certaine différentiation par rapport aux autres TI (Harrigan et al., 2009 ; Varadarajan et Yadav, 2002) et présente des caractéristiques distinctives, la e-GRC peut être étudiée d’une façon indépendante. Ceci permet d’analyser en profondeur ses spécificités et de déterminer les impératifs stratégiques de sa mise en œuvre dans les PME.

15 En fait, la gestion en ligne de la relation client s’appuie sur la technologie internet pour reconnaître le client, traiter ses demandes et entrer en relation directe avec lui. Par rapport aux autres technologies d’information qui soutiennent l’infrastructure GRC, internet réunit trois caractéristiques spécifiques : personnalisation de la relation, interactivité du canal et traitement à distance des clients (Richard, 2010 ; Varadarajan et Yadav, 2002).

16 La personnalisation est facilitée par les possibilités offertes par les bases de données commerciales constituées en ligne et autres techniques de personnalisation de l’interface et du contenu web. L’interactivité du canal internet permet une communication bidirectionnelle, opportune, mutuellement contrôlable et réactive.

17 Le traitement à distance des clients intervient tout au long du processus d’achat et est devenu possible grâce à l’architecture d’internet comme un réseau non propriétaire à très forte connectivité. Ces caractéristiques peuvent supporter les activités et processus liés à la gestion de la relation, d’une part, et permettent d’apporter de nombreuses solutions aux problèmes que rencontre le client lorsqu’il envisage un achat en ligne, d’autre part.

18 S’inscrivant dans une logique stratégique, la e-GRC est définie comme étant une stratégie orientée client basée sur l’utilisation d’internet. Dans le cadre de cette recherche, l’utilisation d’internet reflète, d’une façon limitative, la mise en place par l’entreprise d’un site web pour atteindre des objectifs marketing.

19 En effet, en tant qu’instrument d’interaction, le site web permet de supporter différentes activités liées à la gestion de la relation client tout au long du processus d’achat en ligne. Ce processus (figure 1) présente plusieurs moments où le consommateur peut avoir besoin d’établir un contact direct et personnalisé avec le marchand en ligne.

1. E-GRC et phase « avant achat »

20 Avant de prendre sa décision et passer sa commande, le client a besoin d’informations, de conseils et d’assistance. C’est la phase de l’avant achat qui peut être dispensée à travers l’interface web (encadré ci-dessous). Ce dernier peut délivrer plusieurs types d’informations (informations sur l’entreprise et le produit, fiches techniques, foire aux questions ou FAQ, etc.). Il peut fournir également différents types de conseils selon la nature du produit ou service (installation, utilisation, maintenance, etc.). Certaines entreprises peuvent délivrer en ligne une assistance plus poussée comme la possibilité de permettre au client d’utiliser des outils sur le site web pour l’aider à concevoir lui-même le produit dont il a besoin selon ses exigences et sans engagement d’achat de sa part.

Figure 1

E-GRC et processus d’achat

figure im1

E-GRC et processus d’achat

CONSEIL ET AIDE À LA DÉCISION EN LIGNE CHEZ LEROY MERLIN

Par exemple, l’entreprise Leroy Merlin permet à ses clients de créer leurs projets de cuisine en 3D avec un logiciel téléchargeable sur son site web. Le client commence par insérer les dimensions de sa pièce. Il sélectionne ensuite les couleurs des murs et du sol et place les éléments fixes comme les fenêtres et les portes. Il choisit enfin le modèle de façade et dispose ses meubles. À la fin de cette opération, le client peut visualiser son projet en 3D, changer l’angle de vue à volonté puis enregistrer ou imprimer le projet définitif. Le client peut également accéder à une proposition de prix détaillée pouvant être utilisée lorsqu’il se rend dans les magasins Leroy Merlin afin de rencontrer le conseiller de vente qui l’aidera à prendre sa décision d’achat.

2. E-GRC et phase « achat »

21 La phase d’achat en ligne commence par la prise de décision, puis la passation de la commande et se termine par la livraison. Le client décide et fait son choix en remplissant un formulaire sur le site web du fournisseur dont il mentionne les détails de la transaction (prix unitaire, conditions de vente, moyen de paiement, etc.). La relation que le client entretient déjà avec l’entreprise et la politique de cette dernière en matière de sécurité de paiement et de protection de la vie privée facilitent le passage à l’action et la passation de la commande.

22 D’autres techniques comme le fait d’informer le client par un message de confirmation adressé via sa messagerie électronique permet de rassurer les nouveaux acheteurs en ligne. Lorsque la transaction est conclue, certains sites web offrent la possibilité, dans le cas d’une vente d’un bien matériel, de suivre l’état d’avancement de la commande grâce à la technique de tracking. Dans le cas de vente d’un bien intangible, la livraison représente la réception ou la consommation du service (réservation d’une chambre d’hôtel en ligne, impression d’un billet d’avion électronique, gestion à distance d’un compte bancaire, etc.).

3. E-GRC et phase « après achat »

23 Une fois la livraison assurée, commence la phase de l’après achat. Cette phase a une importance particulière en matière de gestion électronique de la relation client. Elle concerne le traitement des réclamations en ligne, la mise en place de techniques de fidélisation et la constitution de bases de données clients.

24 Le traitement des réclamations se base principalement sur la gestion des messages entrants parvenus via le module de contact du site web. Il existe actuellement des techniques qui permettent de diminuer le délai de réponse et d’assurer le dépannage en ligne grâce à l’automatisation de la gestion des réclamations. Par ailleurs, les techniques de fidélisation permettent au client de revenir plus souvent sur le site et d’entretenir avec l’entreprise une relation plus durable. Des mises à jour téléchargeables, des nouvelles fonctionnalités associées à un produit déjà vendu ou encore le droit d’accès à des services gratuits après l’achat (maintenance, offre promotionnelle, carte de fidélité électronique, etc.) motivent le client à garder le contact avec l’entreprise plus longtemps pour bénéficier des avantages post-achat disponibles en ligne. Enfin, l’alimentation électronique d’une base de données clients permet d’affiner le niveau de segmentation, de personnaliser le message à transmettre à la cible et de mieux adapter l’offre commerciale. L’accès de l’internaute au site web de l’entreprise permet à cette dernière de recueillir et d’accumuler des données individuelles sur ses choix, orientations et goûts. Ceci se fait soit grâce aux logiciels qui permettent de le suivre à la trace, soit grâce aux informations délivrées délibérément par ce dernier en contrepartie de quelques services rendus comme le téléchargement des logiciels, jeux ou documents.

25 Les informations collectées servent ensuite à mieux connaître le client afin de lui proposer des informations plus ciblées et des conseils plus adaptés à ses besoins. Cela permettra de préparer le nouvel achat et de développer des relations d’échange futures avec le client.

III – MODÈLE CONCEPTUEL ET HYPOTHÈSES DE RECHERCHE

26 En s’appuyant sur une synthèse de la littérature à propos des facteurs clés de succès de la GRC (Almotairi, 2009 ; Chen et Chen, 2004 ; Hillebrand et al., 2011 ; Sheth et Shainesh, 2005) et sur d’autres travaux à propos de l’intégration d’internet dans les activités orientées client en milieu PME (Becheikh et al., 2006 ; Harrigan et al., 2009 ; Raymond et Bergeron, 2008), un modèle conceptuel (figure 2) est proposé pour expliquer les déterminants et les conséquences de la mise en place de la e-GRC par les petites et moyennes entreprises.

27 Ce modèle s’inscrit dans une perspective stratégique nourrie des travaux passés présentés plus haut. Selon cette perspective, la gestion électronique de la relation client désigne une stratégie orientée client basée sur l’utilisation d’un site web pour atteindre des objectifs marketing.

28 Bien que la définition de la e-GRC dans sa conception la plus large puisse tenir compte de plusieurs applications basées sur la plateforme internet y compris l’internet mobile, on s’est concentré dans cette recherche sur l’utilisation du site web pour au moins deux raisons. La première tient au fait que le site web est une application assez répandue dans les PME et bien connue des dirigeants. La seconde est la possibilité offerte par le site web d’étudier la gestion de la relation client à travers les différentes étapes du processus d’achat en ligne, comme cela est présenté précédemment.

29 Le modèle conceptuel proposé se divise en deux parties : antécédents et impact de la mise en place d’un projet e-GRC. Pour les antécédents, quatre facteurs ont été retenus dans cette recherche : implication du dirigeant, mobilisation des ressources, cohérence stratégique et intégration technologique. Ces facteurs sont souvent cités dans la littérature académique et professionnelle relative à la GRC d’une part, et demeurent également pertinents dans le milieu PME, d’autre part. Quant à l’impact de la e-GRC, il est analysé en termes de performance marketing de la PME.

Figure 2

Antécédents et impact de la mise en place de la gestion électronique de la relation client

figure im2

Antécédents et impact de la mise en place de la gestion électronique de la relation client

30 Il est à noter, enfin, que l’intensité concurrentielle a été introduite comme une variable modératrice dans ce modèle.

1. Antécédents de la mise en place de la gestion électronique de la relation client

La cohérence stratégique

31 La cohérence stratégique reflète que la stratégie internet est en harmonie avec les objectifs stratégiques de la PME. Le projet e-GRC découle, dans la plupart des cas, d’une stratégie voire d’une vision stratégique déterminée. Une PME peut être motivée par la volonté de personnaliser sa relation avec ses clients. Une autre peut être motivée par l’opportunité de réduire ses coûts en automatisant une partie de son processus commercial. D’autres entreprises peuvent être intéressées par une meilleure compréhension des clients en exploitant des bases de données centralisant différents types d’informations sur les prospects ou les consommateurs.

32 Quelle que soit la stratégie poursuivie, la PME est amenée à assurer une certaine cohérence entre ses objectifs stratégiques et la stratégie qu’elle mène sur internet. Cette cohérence est d’autant plus importante lorsque l’entreprise gère plusieurs points de contact ou évolue dans un contexte multicanal.

33 Plusieurs travaux (Almotairi, 2009 ; Chen et Chen, 2004 ; Raymond et Bergeron, 2008) ont montré que les entreprises qui ont su assurer un certain degré de cohérence entre leurs stratégies d’affaires et leurs stratégies TI ont pu réussir leurs investissements en GRC. Dans le contexte des petites entreprises, d’autres travaux (Raymond et Bergeron, 2008), bien qu’ils soient relativement moins abondants, ont mis en avant que la cohérence entre les composantes stratégique et technologique est considérée comme un préalable au succès de la mise en place de projets internet orientés client. D’où l’hypothèse suivante :

34 H1. La cohérence stratégique influence positivement la mise en place de la gestion électronique de la relation client.

L’intégration technologique

35 L’intégration technologique reflète que le front-office (site web dans notre cas) est intégré au back-office (ensemble de solutions informatiques permettant de supporter la e-GRC). Plus concrètement, l’intégration technologique indique que le site web de la PME, en tant qu’interface de contact et outil d’affichage de contenu, est interrelié aux systèmes d’information (SI) de l’entreprise pour constituer une véritable solution e-GRC. Afin de permettre à l’entreprise d’identifier le client, d’analyser son comportement et d’agir en fonction de son profil dans un environnement multicanal, la e-GRC ne doit pas être présentée comme une solution isolée du reste du SI. L’interconnexion de l’interface web avec l’architecture informatique globale permet d’éviter une organisation en silo de l’entreprise. En outre, l’intégration du front-office au back-office permet de compléter et centraliser des informations sur les clients, venant de plusieurs canaux, dans une même base de données. Ceci permettra une meilleure compréhension des consommateurs et donc des actions marketing plus pertinentes.

36 Quelques recherches (Harrigan et al., 2009 ; Sheth et Shainesh, 2005) ont montré que le projet e-GRC n’est pas de la responsabilité de l’entité qui gère le site web ou le département marketing uniquement. La réussite de sa mise en place dépend notamment des possibilités de son intégration dans le système d’information et le système décisionnel de l’entreprise. Même dans les petites et moyennes entreprises qui se caractérisent par une organisation simple et un système d’information peu élaboré, l’intégration du site web aux applications informatiques internes facilite la mise en place d’une vraie solution de gestion de la relation client, cohérente et peu fragmentée. D’où l’hypothèse suivante :

37 H2. L’intégration technologique influence positivement la mise en place de la gestion électronique de la relation client.

La mobilisation des ressources

38 La mobilisation des ressources reflète le déploiement de ressources humaines, financières et technologiques nécessaires pour la mise en place de la e-GRC. Ce projet est complexe et multidimensionnel. Il nécessite la mobilisation de compétences techniques, mais aussi managériales. Il touche également plusieurs personnes et différentes unités. La difficulté de mise en place de solutions GRC réside dans le fait que de tels projets visent à rassembler plusieurs personnes et à coordonner différents processus et technologies qui ont été, jusqu’alors, séparés (Sheth et Shainesh, 2005). Réussir un tel défi nécessite, bien évidement, une mobilisation des ressources adéquates. Et un bon pilotage des ressources est une condition nécessaire pour réussir la mise en place de la e-GRC. Certains travaux (Harrigan et al., 2009 ; Hillebrand et al., 2011) ont ainsi montré qu’une mauvaise spécification des moyens et compétences et un déploiement limité des ressources diminuent considérablement les chances de succès de la gestion de relation client dans les petites et moyennes entreprises. D’où l’hypothèse suivante :

39 H3. La mobilisation des ressources influence positivement la mise en place de la gestion électronique de la relation client.

Implication du dirigeant

40 La gestion électronique de la relation client est un projet nécessitant une implication du dirigeant, surtout dans le cas des PME. Dans ces entreprises, le dirigeant a un pouvoir considérable et décide en matière de stratégies et de pilotage de projets (Becheikh et al., 2006 ; Helfer et al., 2008 ; Poisson et al., 2007). C’est le dirigeant qui donne à la PME sa direction pour l’avenir, orchestre sa stratégie, met en place sa structure et ses procédés et alloue les ressources nécessaires pour que l’entreprise puisse fonctionner efficacement. Le dirigeant joue, également, un rôle majeur dans la PME puisqu’il participe activement à la gestion courante de l’entreprise (Helfer et al., 2008). Cette diversité des tâches et activités rend floue la frontière entre décision stratégique et décision opérationnelle.

41 Vu ce poids central du dirigeant, il n’est pas surprenant de constater que plusieurs chercheurs (Almotairi, 2009 ; Chen et Chen, 2004 ; Saini et al., 2010) ont trouvé que l’implication de la direction conditionne la réussite de la mise en place de projets associés à la gestion électronique de la relation client. Certains d’entre eux ont mis en avant que l’implication de dirigeant de PME affecte positivement l’adoption et la réussite de projets internet orientés client (Harrigan et al., 2009 ; Sheth et Shainesh, 2005).

42 Dans notre cas, l’implication renvoie à deux idées importantes. La première concerne le fait que l’implication traduit une certaine vision du dirigeant quant au degré d’importance qu’il accorde au projet internet orienté client. Un chef d’entreprise impliqué est une personne qui considère la gestion électronique de la relation client comme une opportunité de croissance future ou une possibilité de rentabilité meilleure. La seconde idée tient au fait qu’un dirigeant impliqué permet d’allouer les ressources nécessaires, d’établir en amont une stratégie internet en harmonie avec les objectifs stratégiques et de soutenir le développement d’une architecture technologique intégrée permettant de centraliser les données de différents canaux (online et offline).

43 Donc, l’implication du dirigeant influence la mise en place de la e-GRC à travers trois mécanismes : la cohérence stratégique, l’intégration technologique et l’allocation des ressources.

44 D’où les hypothèses suivantes :

45 H4. L’implication du dirigeant influence positivement la cohérence stratégique.

46 H5. L’implication du dirigeant influence positivement l’intégration technologique.

47 H6. L’implication du dirigeant influence positivement la mobilisation des ressources.

2. Impact de la mise en place de la e-GRC et effet modérateur de l’intensité concurrentielle

Performance de la PME

48 L’impact de la gestion électronique de la relation client est analysé par rapport à l’amélioration de la performance marketing suite à la mise en place d’un projet e-GRC. Toutefois, la notion de performance reste une notion assez floue. Pour essayer de délimiter ses contours, il est judicieux de revenir sur deux éléments essentiels. Premièrement, la performance est traitée ici en tant que résultat marketing de la mise en place d’une stratégie internet orientée client. Or les objectifs recherchés, dans ce cas, consistent à attirer, maintenir et renforcer la relation avec le client. Deuxièmement, il ne faut pas perdre de vue que les résultats recherchés par une PME lorsqu’elle opte pour une stratégie e-GRC peuvent être différents de ceux des grandes organisations (Harrigan et al., 2009 ; Raymond et Bergeron, 2008). Les dirigeants des PME visent généralement un niveau de croissance suffisant pour qu’ils puissent assurer la pérennité de leurs entreprises et une autonomie confortable. Les objectifs poursuivis sont donc basés sur une augmentation de la valeur client et une amélioration de la rentabilité (Helfer et al., 2008).

49 En prenant en compte ces remarques, la performance marketing constatée suite à la mise en place de la gestion électronique de la relation client dans le contexte des PME est traitée selon trois volets : attirer de nouveaux clients (augmenter le volume des ventes et/ou la part de marché), fidéliser (à travers le renforcement de la relation et la crédibilité) et rentabiliser (grâce à l’automatisation de certains processus orientés client avant et post-achat).

50 Plusieurs travaux (Payne et Frow, 2005 ; Reinartz et al., 2004 ; Saini et al., 2010 ; Srinivasan et Moorman, 2005) ont montré que l’orientation client est une stratégie pouvant contribuer à la performance des entreprises. En s’inscrivant dans cette perspective, d’autres études ont trouvé que la mise en place d’un projet GRC peut améliorer les résultats des petites entreprises (Harrigan et al., 2009 ; Raymond et Bergeron, 2008). Ces dernières se caractérisent par leur proximité vis-à-vis des clients ; ce qui suppose que la mise en place d’une stratégie e-GRC permet de renforcer les liens avec eux et pourra améliorer la performance. D’où l’hypothèse suivante : H6.La mise en place de la gestion électronique de la relation client influence positivement la performance de la PME.

Effet modérateur de l’intensité concurrentielle

51 Si les grandes entreprises peuvent avoir un impact important sur leur environnement, cela n’est pas le cas des petites entreprises. Compte tenu d’un pouvoir limité lié à leur taille, les PME s’adaptent, en général, aux conditions environnementales au lieu de les modifier. Cet environnement influence, à des degrés divers, les décisions des entreprises y compris celles liées à la mise en œuvre des stratégies innovantes (Becheikh et al., 2006).

52 Si l’environnement concurrentiel est composé de plusieurs acteurs, les concurrents demeurent le facteur le plus redoutable pour les PME. Ces dernières surveillent de près leurs rivaux et essayent de détecter tout changement éventuel dans leurs comportements, surtout ceux en relation directe avec les clients.

53 De même, si la PME est très souvent handicapée par sa capacité limitée à modifier son environnement et sa vulnérabilité par rapport aux grandes organisations, elle est avantagée, d’un autre côté, par la personnalisation des rapports qu’elle entretient avec ses clients. Ainsi, dans un environnement concurrentiel, les PME cherchent souvent à renforcer cet avantage de proximité par le développement de nouveaux outils et dispositifs permettant de mieux comprendre les clients afin de tisser avec eux des liens plus personnels et durables. La mise en place d’un projet e-GRC s’inscrit dans cette logique.

54 Ainsi, plus la pression concurrentielle est forte, plus la PME a tendance à mettre en place des solutions GRC afin d’améliorer sa position concurrentielle et accentuer sa différenciation par rapport à ses concurrents. D’où l’hypothèse suivante :

55 H7. Plus l’intensité concurrentielle est forte, plus l’effet de la mise en place de la gestion électronique de la relation client sur la performance de la PME est important.

IV – MISE EN PLACE D’UNE ÉTUDE QUANTITATIVE AUPRÈS DES PME

56 Notre unité d’analyse est la petite et moyenne entreprise (PME) tunisienne qui a une présence physique et qui est engagée dans un projet de gestion électronique de la relation client. Une entreprise est considérée comme PME, si elle possède un effectif inférieur ou égal à 250 employés. Elle est engagée dans un projet e-GRC, si elle possède un site web renfermant des fonctionnalités qui supportent des activités de gestion de la relation client tout au long du processus d’achat en ligne (avant et post-achat). Une liste représentant cette population d’entreprises n’étant pas disponible au moment de l’étude, l’application d’une méthode d’échantillonnage était impossible.

57 L’échantillonnage de convenance a donc été choisi dans la mesure où il est utile dans ces conditions. Sur la base d’une liste renfermant plus de 300 PME, constituée au fur et à mesure du déroulement de l’étude, 83 questionnaires [1] auto-administrés, utilisables et répondant à nos critères de sélection prédéfinis plus haut, ont été finalement collectés. 67 % des répondants sont des dirigeants, des directeurs marketing ou des responsables commerciaux et 23 % sont des responsables informatiques ou des responsables administratifs et financiers. L’échantillon est composé, globalement, de 70 % d’entreprises de services et 30 % d’entreprises industrielles. Dans cette recherche, toutes les mesures [2] sont extraites des travaux passés et adaptées, si nécessaire, au contexte de cette étude. Elles sont multi-items, de type réflexif, mesurées sur une échelle de Likert à sept points.

58 Compte tenu du modèle conceptuel testé, une modélisation par équations structurelles avec l’approche PLS a été retenue comme méthode d’analyse de données. Les équations structurelles permettent, d’une part, d’utiliser des variables latentes (non directement observables) et, d’autre part, d’étudier simultanément la mesure de ces variables et les relations entre elles. La procédure d’estimation utilisée est celle des moindres carrés partiels ou Partial Least Square (PLS). Elle a l’avantage, par rapport à la procédure usuelle d’estimation fondée sur le maximum de vraisemblance, de ne pas exiger la multinormalité et une taille importante de l’échantillon (Henseler et al., 2009 ; Wetzels et al., 2009).

59 L’approche PLS s’applique pour tester aussi bien un modèle de mesure (la qualité des instruments de mesure) qu’un modèle de structure (hypothèses de la recherche). La procédure utilisée pour évaluer les modèles de mesure (outer model) et de structure (inner model) est présentée dans le tableau 1. Une analyse en composantes principales sous SPSS 18 a été, tout d’abord, menée pour vérifier l’unidimensionnalité. Lors de cette première étape, un seul item lié au construit « intensité concurrentielle » a été éliminé à cause de sa mauvaise qualité de représentation. Pour les autres construits, chacun d’entre eux présente une valeur propre l supérieure à 1, une variance restituée supérieure à 50 % et un coefficient alpha de Cronbach (a) supérieur à 0,7.

60 Les modèles de mesure et de structure ont été ensuite testés avec le logiciel Smart-PLS 2.0 suivant une démarche méthodologique présentée dans le tableau 1.

61 Pour l’évaluation du modèle de mesure, la lecture des résultats présentés dans le tableau 2 permet de conclure que la fiabilité et la validité convergente sont vérifiées pour les instruments de mesure. À titre indicatif, la composite reliability (cr) de chaque construit est supérieure à 0,7, les contributions factorielles (loadings) sont supérieures à 0,7 et statistiquement significatives et la variance moyenne extraite (AVE) de chaque construit dépasse 50 %. De même, les résultats de l’analyse exposés dans le tableau 3 montrent que la validité discriminante est également vérifiée. En fait, les racines carrées de l’AVE sont supérieures aux corrélations entre les variables latentes, d’une part, et les loadings sont plus élevés que les cross loadings, d’autre part.

62 Quant à l’évaluation du modèle de structure, quatre critères ont été utilisés : le coefficient de détermination R2, la significativité des coefficients des chemins, l’effet de taille f2 et l’indicateur d’ajustement global du modèle GoF.

Tableau 1

Méthodologie d’évaluation des modèles de mesure et de structure avec l’approche PLS

Évaluation du modèle de mesure (variables réflexives)
Unidimensionnalité Analyse en composantes principales. Valeur propre λ >1 et variance restituée du facteur > 50 %.
Fiabilité Analyse de la cohérence interne par coefficients alpha de Cronbach (α) et composite reliability (cr) > 0,7.
Validité convergente – Contributions factorielles (loadings) > 0,7 et statistiquement significatives.
– Variance moyenne extraite (ou AVE) > 0,5 (la variable latente partage plus de 50 % de sa variance avec ses mesures).
Validité discriminante – Contributions factorielles (loadings) > cross loadings.
– Critère de Fornell et Larcker (1981) : comparaison du carré de la corrélation entre les variables latentes avec la variance moyenne extraite.
– (ou plus simple, comparaison de la corrélation entre les variables latentes avec la racine carrée de l’AVE)
Évaluation du modèle de structure
Coefficient de détermination R2
des variables latentes endogènes
Pourcentage de variance expliquée pour chaque variable latente endogène. Valeur de 0,67, 0,33 et 0,19 est considérée comme forte, moyenne et faible, respectivement.
Significativité des coefficients des chemins Significativité des coefficients des relations causales évaluée par une procédure de bootstrap. Les valeurs du test t de Student supérieures à |2,58|, |1,96| et |1,65| indiquent des paramètres significatifs au seuil de 1 %, 5 % et 10 %, respectivement.
Effet de taille f2 Calcul de l’effet de taille de chaque variable latente exogène sur la variable latente endogène à laquelle elle est liée.
f2= (R2inclu – R2exclu) / (1 – R2inclu). Valeurs de 0,02, 0,15 et 0,35 sont considérées comme faible, moyenne et forte respectivement.
Indicateur d’ajustement global du modèle GoF – Évaluation globale du modèle
– GoF = √̿AV̿E̿x̿R̄̿2. GoFfaible = 0,1, GoFmoyen = 0,25 et GoFfort = 0,36.
figure im3

Méthodologie d’évaluation des modèles de mesure et de structure avec l’approche PLS

63 Le coefficient de détermination R2 représente le pourcentage de variance expliquée pour chaque variable latente endogène. La significativité des coefficients des chemins est liée à la significativité des coefficients des relations causales évaluée par une procédure de bootstrap. L’effet de taille f2 calcule l’effet de taille de chaque variable latente exogène par rapport à la variable latente endogène à laquelle elle est liée. L’indicateur d’ajustement GoF donne une évaluation globale du modèle testé compte tenu de toutes les variables. Les résultats présentés (figure 3) montrent que toutes les hypothèses sont vérifiées (les valeurs du test t de Student sont supérieures à |1,96| indiquant des paramètres significatifs au seuil de 5 %). Les valeurs du coefficient de détermination R2 varient de 0,08 à 0,430. Les valeurs de l’effet de taille f2 varient de 0,05 a 0,16. L’évaluation globale du modèle est très satisfaisante (GoF = 0,484> 0,36).

Tableau 2

Unidimensionnalité, fiabilité et validité convergente

Construit Unidimensionnalité Fiabilité Validité convergente
λ %
variance
α cr loading AVE
Implication de la direction (3 items) 2,32 77 % 0,80 0,88 0,81-0,88 0,71
Cohérence stratégique (3 items) 2,74 91 % 0,93 0,96 0,92-0,95 0,88
Mobilisation des ressources (3 items) 2,73 91 % 0,94 0,96 0,92-0,97 0,89
Intégration technologique (3 items) 2,58 86 % 0,89 0,93 0,87-0,92 0,82
Mise en place de la e-GRC (5 items) 2,97 59 % 0,82 0,87 0,67-0,82 0,58
Intensité concurrentielle (2 items) 1,70 85 % 0,80 0,89 0,83-0,96 0,82
Performance de la PME (6 items) 4,81 80 % 0,94 0,96 0,78-0,92 0,78
figure im4

Unidimensionnalité, fiabilité et validité convergente

Note : λ : valeur propre ; % variance : pourcentage de la variance restituée par le facteur ; α : alpha de Cronbach ; cr : composite reliability ; loading : contribution factorielle ; AVE : variance moyenne extraite.
Les loadings sont tous significatifs au seuil de 1 %. La significativité des coefficients est évaluée par une procédure de bootstrap.
Tableau 3

Validité discriminante

Construit ID CS MR IT MeG IC PP
Implication de la direction (ID) 0,84
Cohérence stratégique (CS) 0,61 0,94
Mobilisation des ressources (MR) 0,56 0,41 0,94
Intégration technologique (IT) 0,28 0,35 0,33 0,90
Mise en place de la e-GRC (MeG) 0,45 0,45 0,53 0,50 0,76
Intensité concurrentielle (IC) 0,03 0,16 0,06 0,12 0,18 0,90
Performance de la PME (PP) 0,44 0,49 0,43 0,25 0,47 0,22 0,88
figure im5

Validité discriminante

Note : les racines carrées des AVE figurent sur les diagonales ; les autres valeurs correspondent aux corrélations entre construits. Les contributions factorielles (loadings) sont supérieures aux cross loadings, mais les résultats n’ont pu être présentés ici.
Figure 3

Test des hypothèses

figure im6

Test des hypothèses

Paramètres significatifs : ** au seuil de 1 %,* au seuil de 5 %
() valeur du test t de Student. Des valeurs supérieures à |2,58| et |1,96| indiquent des paramètres significatifs au seuil de 1 % et 5 %, respectivement.

V – ANALYSE DES RÉSULTATS ET IMPLICATIONS MANAGÉRIALES

1. Rôle du dirigeant : planifier, mobiliser et coordonner

64 Le projet de gestion électronique de la relation client est assez complexe et ses retombées sont potentiellement importantes pour les petites entreprises. Ainsi, la démarche de sa mise en place, les objectifs qui lui sont assignés et les moyens qu’il nécessite sont des facteurs importants que le dirigeant de la PME doit prendre en considération.

65 Ce dernier est amené à bâtir une vision claire à propos des bénéfices attendus, à faciliter le déploiement de cette solution aussi bien sur le plan organisationnel que technique et à allouer les ressources financières, humaines et technologiques suffisantes. Si la structure relativement simple de la PME peut aider à la diffusion de la technologie au niveau interne, le faible niveau de spécialisation des employés peut constituer un obstacle à l’utilisation de la e-GRC. Le rôle du dirigeant consiste donc à faire participer les employés aux différentes étapes de déploiement, à communiquer sur les objectifs poursuivis et à apaiser les contraintes suscitées par la mise en place de ce projet. Investir massivement dans la technologie sans prendre en considération la restructuration organisationnelle nécessaire et la mobilisation des équipes et du personnel peut entraîner l’échec de telle initiative.

66 En outre, la e-GRC est un projet qui n’est pas de la responsabilité de l’entité qui gère le site web ou du responsable marketing uniquement. Pour réussir sa mise en place, il doit être accompagné par une évolution des pratiques et concerner l’ensemble des processus de management de la relation client avant et post-achat. Développer cette cohérence d’ensemble nécessite de la part du dirigeant la mise en œuvre de trois mécanismes distincts, mais complémentaires : la cohérence stratégique, l’intégration technologique et la mobilisation des ressources.

2. La cohérence stratégique pour réussir le multicanal

67 La e-GRC ne peut pas être en désaccord avec les objectifs stratégiques, ni en contradiction avec la stratégie marketing de l’entreprise. La cohérence stratégique garanti le fait que la stratégie conçue pour la relation client sur internet est en harmonie avec les objectifs et les orientations managériales de la PME. Cette cohérence permet d’éviter les conflits entre les canaux dans un contexte où les points de contact sont multiples. La cohérence stratégique permet également de s’assurer que l’entreprise parle au client d’une seule voix et qu’elle l’écoute d’une même oreille, même si ce dernier a des comportements multicanaux.

3. L’intégration technologique pour gagner en efficacité

68 La e-GRC ne peut pas être isolée du reste du système d’information de la PME. La présence d’une architecture globale intégrée permet non seulement de faciliter la mise en place d’un outil qui centralise les informations, mais également le déploiement d’une vraie solution concernant l’ensemble des processus d’achat en ligne : assistance avant achat, passation de commande, suivie, service après-vente, alimentation de base de données clients, etc.

69 L’intégration technologique permettra au site web de la PME d’être interrelié au back-office ce qui contribuera à une meilleure gestion électronique de la relation client. La convergence de la technologie internet et du système d’information interne favorise la centralisation des données de différents canaux (online et offline) et la capitalisation sur les expériences passées avec les clients. Une telle convergence, si elle est bien menée, permet ensuite une meilleure compréhension des besoins des acheteurs et une connaissance plus développée de leurs comportements dans un contexte multicanal.

4. Le bon pilotage des ressources est essentiel

70 La cohérence stratégique et l’intégration technologique sont, certes, indispensables pour réussir l’implémentation de la e-GRC, mais un bon pilotage des ressources est également essentiel. Le manque de moyens et la mauvaise identification des compétences peuvent limiter l’efficacité du dispositif. La complexité des stratégies GRC réside dans le fait de rassembler diverses ressources et de coordonner l’effort de plusieurs personnes. Afin d’assurer cette gestion intégrée, la PME a besoin de mobiliser les moyens financiers nécessaires, les personnes compétentes et les équipements et technologies adéquats. Un déploiement suffisant et réfléchi des ressources financières, humaines et technologiques est une condition indispensable pour éviter les déceptions dans la mise en place de telles initiatives.

5. Réussir la mise en place de la e-GRC pour améliorer la performance de la PME

71 Pris ensembles, les trois mécanismes (cohérence stratégique, intégration technologique et mobilisation des ressources) permettent aux entreprises qui ont investi dans des initiatives e-GRC d’améliorer leur performance. Même s’il n’est pas évident d’évaluer concrètement le succès, particulièrement pour une PME, il convient de souligner que les retombées de tels projets peuvent être évaluées par rapport à trois éléments complémentaires : attirer de nouveaux clients grâce à l’interface de contact, fidéliser à travers le renforcement de la relation et rentabiliser par le biais de l’automatisation de certains processus axés sur le client.

72 Cette amélioration de la performance semble, toutefois, dépendre du niveau de l’intensité concurrentielle. Plus la PME est soumise à des pressions concurrentielles fortes, plus elle cherche à utiliser la e-GRC pour se différencier et lutter contre la concurrence. La démarche e-GRC permettra ainsi à la PME de mieux servir ses clients et de tisser avec eux des liens plus personnels et donc plus stables.

CONCLUSION

73 La relation entre les stratégies orientées client et la performance des entreprises a été largement documentée dans plusieurs travaux. Pourtant, beaucoup d’expériences de gestion de la relation client se sont soldées par un échec et les investissements réalisés dans ce domaine ne sont pas tous rentables. Avec l’arrivée d’internet, les PME ont commencé à investir dans des initiatives e-GRC en espérant bénéficier des avantages de cette technologie et des opportunités offertes en matière de personnalisation et de management de la relation client. Toutefois, les faits ont montré que les expériences réussies ne sont pas toujours au rendez-vous et beaucoup de PME n’arrivent pas encore à tirer profit de ces initiatives.

74 Cette recherche essaye de répondre à cette problématique. Ainsi, un modèle intégrant les antécédents et les conséquences de la mise en place de la gestion électronique de la relation client a été élaboré puis testé empiriquement. Les résultats ont montré que la réussite d’un projet e-GRC au sein des PME dépend de trois mécanismes complémentaires (la cohérence stratégique, l’intégration technologique et la mobilisation des ressources) qui nécessitent une forte implication de la part du dirigeant.

75 Ce dernier veillera à la cohérence stratégique, facilitera le processus d’intégration technologique et autorisera le déploiement des ressources humaines, financières et technologiques. Autrement dit, le dirigeant de la PME qui élabore une vision d’ensemble bien réfléchie pour son projet e-GRC, met en place des ressources et des processus intégrés orientés client et adopte une conception cohérente entre stratégie et technologie, bénéficie des meilleurs résultats et améliore la performance de son entreprise. Dans le cas contraire, la PME adopte la e-GRC dans le seul intérêt de la technologie pour elle-même et le projet peut avoir des résultats mitigés voire décevants.

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Notes

  • [1]
    Les questionnaires collectés correspondent à 83 PME différentes.
  • [2]
    Les instruments de mesure ne sont pas présentés faute d’espace. Ils peuvent être demandés auprès de l’auteur.
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