Couverture de RFDC_109

Article de revue

L’application de l’article 40 de la Constitution : des jurisprudences et des pratiques parlementaires méconnues

Pages 23 à 47

Notes

  • [1]
    V. articles 39 et 44 de la Constitution.
  • [2]
    V. B. Baufumé, Le droit d’amendement et la Constitution sous la Cinquième République, Paris, LGDJ, 1993.
  • [3]
    V. article 16 de la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l’évaluation des voies et moyens du budget de l’exercice 1949 et relative à diverses dispositions d’ordre financier, JORF, 1er janvier 1949, p. 3-4.
  • [4]
    V. P. Chavy, « Les finances locales et sociales : des champs dérogatoires au droit commun de l’article 40 de la Constitution ? », in É. Oliva (dir.) Le Parlement et les finances publiques, à paraître.
  • [5]
    Décret n° 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’État, JORF du 20 juin 1956, p. 5634.
  • [6]
    Rapport d’information (n° 1273, 10e législature) de Jacques Barrot sur la recevabilité financière des amendements présenté au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale, 25 mai 1994, p. 13.
  • [7]
    J.-L. Pezant, « Le contrôle de la recevabilité des initiatives parlementaires. Éléments pour un bilan », Revue française de science politique, vol. 31, n° 1, 1981, p. 168.
  • [8]
    CC, déc. n° 60-11 DC, 20 janvier 1961.
  • [9]
    CC, déc. n° 75-57 DC, 23 juillet 1975.
  • [10]
    Archives nationales, Archives du Conseil constitutionnel, Procès-verbaux des séances et originaux des décisions, 20 040 168/7, « Séance du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975 », p. 15.
  • [11]
    V. par ex. CC, déc. n° 80-132 DC, 16 janvier 1982 et CC, déc. n° 85-203 DC, 28 décembre 1985.
  • [12]
    CC, déc. n° 93-329 DC, 13 janvier 1994.
  • [13]
    CC, déc. n° 77-82 DC, 20 juillet 1977.
  • [14]
    CC, déc. n° 2012-654 DC, 9 août 2012.
  • [15]
    P. Bachschmidt, « Précision sur la règle du préalable parlementaire en matière de recevabilité financière des amendements », Constitutions, 2012, p. 561.
  • [16]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [17]
    Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé, dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, l’élargissement de la définition de la charge publique, voulue par le législateur organique, pour ce qui est des projets de loi de finances ; en vertu de l’article 47 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la mission budgétaire est désormais assimilée à la charge au sens de l’article 40, permettant aux parlementaires de procéder, lors de l’examen du budget, à des transferts de crédits au sein de cet ensemble. De même, dans une décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, le juge constitutionnel a donné son aval au fait que, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, « la charge s’entend […] de chaque objectif de branche ou de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie », conformément à l’article LO 111-7-1 du code de la sécurité sociale.
  • [18]
    CC, déc. n° 63-21 DC, 12 mars 1963.
  • [19]
    CC, déc. n° 99-419 DC, 9 novembre 1999.
  • [20]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires présenté au nom de la commission des finances, de ­l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 21 février 2012, p. 47.
  • [21]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini sur la recevabilité des amendements et des propositions de loi au Sénat fait au nom de la commission des finances du Sénat, 7 janvier 2014, p. 49.
  • [22]
    CC, déc. n° 2011-211 QPC, 17 février 2012, Société Chaudet et Fille et autres.
  • [23]
    V. par ex. rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 15 et s.
  • [24]
    V. F. Crouzatier-Durand, « Réflexions sur le concept d’expérimentation législative », Revue française de droit constitutionnel, n° 56, 2003, p. 675-695.
  • [25]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 100.
  • [26]
    Ibid., p. 101.
  • [27]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 42.
  • [28]
    CE, 13 mars 2006, Eurodif, n° 255333.
  • [29]
    CJUE, 19 décembre 2013, Association Vent de colère ! Fédération nationale, affaire C-262/12.
  • [30]
    J.-F. Kerléo, « Plaidoyer en faveur d’une réforme de l’article 40 de la Constitution », Revue française de droit constitutionnel, n° 99, 2014, p. 518.
  • [31]
    Rapport d’information (n° 1273, 10e législature) de Jacques Barrot, op. cit., p. 13.
  • [32]
    Id.
  • [33]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 62.
  • [34]
    G. Bergougnous, « La controverse sur la mise en œuvre de recevabilité financière : dura lex sed lex », Constitutions, 2013, p. 378.
  • [35]
    R. Laïreche et L. Bretton, « Nouveau coup fourré à l’Assemblée sur le récépissé de contrôle d’identité », Libération, 29 juin 2016, p. 10.
  • [36]
    S. Zappi, « Pas de débat sur les contrôles d’identité », Le Monde, 30 juin 2016, p. 12.
  • [37]
    CC, déc. n° 75-57 DC, op. cit., cons. 4.
  • [38]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [39]
    Rapport d’information (n° 3247, 12e législature) de Pierre Méhaignerie, op. cit.
  • [40]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit.
  • [41]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 40.
  • [42]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du lundi 25 novembre 2013, JORF du 26 novembre 2013, p. 11993.
  • [43]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 68.
  • [44]
    CC, déc. n° 59-3 DC, 25 juin 1959.
  • [45]
    CC, déc. n° 78-94 DC, 14 juin 1978.
  • [46]
    Ibid., cons. 4.
  • [47]
    Ibid., cons. 5.
  • [48]
    CC, déc. n° 2005-519 DC, 29 juillet 2005, cons. 28.
  • [49]
    CC, déc. n° 2006-544 DC, 14 décembre 2006, cons. 12 à 14.
  • [50]
    Service juridique du Conseil constitutionnel, « Commentaire de la décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 2, p. 5.
  • [51]
    Résolution du 2 juin 2009 tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.
  • [52]
    CC, déc. n° 2009-582, 25 juin 2009.
  • [53]
    CC, déc. n° 2012-654 DC, 9 août 2012.
  • [54]
    P. Bachschmidt, op. cit.
  • [55]
    J.-L. Hérin, « La nouvelle procédure législative au Sénat ou comment concilier ­l’accroissement du rôle de la commission avec le primat de la séance plénière », Pouvoirs, n° 139, 2011, p. 122.
  • [56]
    V. article 42 de la Constitution.
  • [57]
    J.-L. Hérin, op. cit., p. 122.
  • [58]
    CC, déc. n° 2009-582, op. cit., cons. 20.
  • [59]
    CC, déc. n° 2009-581 DC, 25 juin 2009, cons. 38.
  • [60]
    Résolution du 13 mai 2015 réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace.
  • [61]
    En raison d’une censure intervenue sur la résolution du 2 juin 2009, l’article 28 ter du règlement du Sénat, dans sa rédaction antérieure à 2015, demeurait incomplet. Pour autant, la pratique, découlant d’une « lecture combinée […] de l’article 28 ter et du sixième alinéa de l’article 45 du règlement du Sénat », consistait d’ores et déjà à ce que le contrôle de la recevabilité financière des amendements soit exercé par le président de la commission saisie au fond, ainsi que l’indiquait Philippe Marini (rapport d’information (n° 263, session 2 013‑2 014) de Philippe Marini, op. cit., p. 24).
  • [62]
    G. Bergougnoux, op. cit., p. 378.
  • [63]
    CC, déc. n° 2009-579, 9 avril 2009.
  • [64]
    Conseil d’État, Rapport public 2 010. Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, Paris, La Documentation française, p. 108.
  • [65]
    Rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit., p. 43.
  • [66]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 12.
  • [67]
    Id.
  • [68]
    CC, déc. n° 93-329 DC, 13 janvier 1994.
  • [69]
    Ibid., cons. 5.
  • [70]
    Ibid., cons. 19.
  • [71]
    V. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 9e éd., 2010, p. 351.
  • [72]
    CC, déc. n° 2015-712, 11 juin 2015, cons. 14.
  • [73]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du jeudi 18 juillet 2013, JORF du 19 juillet 2013, p. 7459-7460.
  • [74]
    V. article 1162 du code civil.
  • [75]
    V. article L. 1235-1 du code du travail.
  • [76]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 30.
  • [77]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 92.
  • [78]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 51.
  • [79]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 52.
  • [80]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [81]
    Conseil constitutionnel, décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976, cons. 1.
  • [82]
    Rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit.
  • [83]
    V. rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 31.
  • [84]
    Id.
  • [85]
    Id.
  • [86]
    P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2010, p. 85.
  • [87]
    J.-F. Kerléo, op. cit.
  • [88]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du mardi 29 avril 1976, JORF du 30 avril 1976, p. 771.
  • [89]
    V. rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit., p. 11.
  • [90]
    C. Goux, « La recevabilité financière des amendements : l’occasion d’un équilibre entre les pouvoirs », Revue française de finances publiques, n° 29, 1989, p. 75.
  • [91]
    P. Gaïa, R. Ghevontian, F. Mélin-Soucramanien, É. Oliva et A. Roux, Les grandes ­décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 17e éd., 2013, p. 251.
  • [92]
    V. D. Migaud et J. Arthuis, « Réforme de la Constitution : supprimons l’article 40 », Le Monde, 17 mai 2008, p. 21.
  • [93]
    Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, Une Ve République plus démocratique, Paris, La Documentation française, 2007.
  • [94]
    J.-F. Kerléo, op. cit.

1En dépit de son caractère méconnu, l’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution constitue l’expression la plus « visible » du parlementarisme rationalisé, dans la mesure où elle trouve à s’appliquer quotidiennement aux amendements parlementaires et aux propositions de loi. En effet, l’article 40 précité interdit aux membres du Parlement de diminuer les ressources publiques et de créer ou aggraver une charge publique, venant ainsi limiter l’initiative de la loi et le droit d’amendement [1].

2S’il s’avère contraignant, l’encadrement des pouvoirs financiers du Parlement n’en a pas moins été, originellement, en grande partie le fait des parlementaires. Un premier pas en ce sens est franchi en 1900, avec l’adoption de la résolution dite « Berthelot [2] », qui interdisait les créations de dépenses lors de l’examen du budget, suivi, en 1920, d’une modification du règlement de la Chambre des députés élargissant l’application de ce principe – étendu aux réductions de recettes – à l’ensemble des textes et non plus aux seules lois de finances. La Constitution du 27 octobre 1946 ne s’inscrira que partiellement dans ce mouvement ; son article 17 ne concernait que les propositions tendant à augmenter les dépenses lors de la discussion budgétaire, alors que son article 14, plus large, ne trouvait à s’appliquer qu’aux propositions de loi émanant du Conseil de la République.

3 Aussi faut-il attendre l’adoption de la « loi des maxima » pour voir émerger le dispositif qui allait largement inspirer la rédaction du futur article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958. Introduite pour la première fois en 1948 [3] et reconduite d’année en année, la « loi des maxima », prohibait, au cours d’un exercice budgétaire, toute mesure législative ou réglementaire susceptible d’accroître une dépense publique au-delà des maximas prévus, sauf à ce qu’elle soit compensée. À compter du milieu des années 1950, ce mécanisme couvrait l’ensemble des finances publiques, ayant progressivement intégré, en plus des dépenses et des ressources de l’État, celles des collectivités territoriales et des régimes de Sécurité sociale [4] – évolution consacrée par l’article 10 du décret-loi du 19 juin 1956 [5].

4 En somme, l’article 40 de la Constitution apparaît moins comme une innovation de la Ve République que comme l’aboutissement d’un long processus tendant à encadrer les pouvoirs financiers du Parlement. Surtout, l’existence d’une tradition ancienne en ce domaine a conduit à ce que le contrôle de la recevabilité financière des initiatives des membres du Parlement demeure du ressort des instances parlementaires. Il en résulte que l’application de l’article 40 repose, avant tout, sur des pratiques parlementaires et sur des jurisprudences développées par les assemblées elles-mêmes. Pourtant, alors que les décisions du Conseil constitutionnel portant sur la recevabilité financière sont abondamment commentées, ces pratiques et jurisprudences font l’objet d’un nombre réduit de travaux académiques.

5 Par conséquent, le présent travail se propose d’explorer les pratiques concrètes mises en place par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de l’application de l’article 40 de la Constitution, de même que le processus d’élaboration par les organes compétents de jurisprudences – c’est-à-dire de systèmes cohérents de précédents faisant autorité – dont le développement a été rendu nécessaire par la concision de l’article susmentionné.

6 Par suite, l’étude qui suit s’attache, dans un premier temps, à présenter les sources des jurisprudences applicables, au sein des assemblées parlementaires, en matière de recevabilité financière et les principes selon lesquels celles-ci se construisent – soit leurs fondements et leurs dynamiques (I). Dans un second temps, sont examinées les pratiques développées, dans un cadre procédural précisé par le juge constitutionnel, par les instances compétentes du Parlement dans la mise en œuvre de cette recevabilité, celles-ci cherchant généralement à concilier le respect de la lettre de l’article 40 de la Constitution et la préservation de l’initiative parlementaire (II).

I – La construction des jurisprudences parlementaires en matière de recevabilité financière : fondements et dynamiques

7 L’article 40 de la Constitution s’illustre par sa concision. Celui-ci se borne à disposer que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Aussi a-t-il été nécessaire que les instances parlementaires chargées de sa mise en œuvre, soit, en particulier, les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, élaborent des jurisprudences afin d’être en mesure d’appliquer les principes qu’il pose à la grande diversité des initiatives des membres du Parlement ; à ce titre, Jacques Barrot a pu parler de « “juridicisation” de cette fraction du droit parlementaire [6] ».

8Afin de permettre une meilleure appréhension du processus de formation des jurisprudences parlementaires, les développements qui suivent s’attachent à présenter les sources de ces dernières (A), de même que les principes selon lesquelles elles se construisent, soit essentiellement la rigueur juridique et le réalisme budgétaire (B).

A – les sources des jurisprudences parlementaires en matière de recevabilité financière

9Sans que cela puisse surprendre, la première source des jurisprudences parlementaires en matière de recevabilité financière réside dans les décisions du Conseil constitutionnel (1) ; pour autant, d’autres sources existent, parmi lesquelles figurent les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, les travaux gouvernementaux et parlementaires préfigurant les révisions constitutionnelles, de même que les décisions des juridictions administratives et judiciaires (2).

1 – Le Conseil constitutionnel, « juge d’appel » des instances parlementaires

10Si l’article 62 de la Constitution prévoit bien que les « décisions du Conseil constitutionnel […] s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles », la compétence du juge constitutionnel en matière de recevabilité financière n’était pas acquise aux premières heures de la Ve République. Dès l’origine et conformément aux pratiques apparues durant les républiques précédentes, l’application de l’article 40 de la Constitution se voulait avant tout une procédure parlementaire.

11Cependant, fidèle à sa vocation de « gardien de la Constitution », le Conseil constitutionnel est venu s’assurer de la bonne application de l’article 40 par les assemblées. Aussi, désormais, comme l’écrivait Jean-Louis Pezant, « le Conseil intervient comme juge d’appel en dernier ressort des décisions des organes parlementaires compétents en matière de recevabilité [7] ». À compter de sa décision du 20 janvier 1961 [8], le Conseil constitutionnel est venu censurer des dispositions introduites à l’initiative de parlementaires qui n’avaient pas été, à tort, déclarées irrecevables par la commission des finances du Sénat. De même, dans sa décision du 23 juillet 1975 [9], celui-ci a accueilli le grief, soulevé par les députés à l’origine de la saisine, tiré d’une « application indue d’une irrecevabilité fondée sur l’article 40 », qui viendrait violer l’initiative des lois et le droit d’amendement qui appartiennent aux membres du Parlement en vertu des articles 39 et 44 de la Constitution.

12Autant le fait qu’il puisse se prononcer lorsque l’article 40 de la Constitution n’a pas été appliqué, et ce à tort, ne semble pas avoir posé de difficulté parmi les membres de la Haute juridiction en 1961, autant le fait que cette dernière vérifie si l’irrecevabilité a été opposée à juste titre a été débattu. Ainsi, lors de la séance du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975, Georges-Léon Dubois a souligné le « caractère dangereux » de la conséquence rattachée à une décision du juge constitutionnel déclarant que l’article 40 avait été indûment appliqué ; en effet, selon François Goguel et Pierre Chatenet, celle-ci n’était autre que l’annulation de « toute la loi » déférée [10]. Aussi est-ce peut-être l’une des raisons pour lesquelles le grief tiré d’une application « excessive » de l’article 40 de la Constitution, parfois soulevé dans le cadre des saisines, n’a jamais été amené à prospérer [11]. Toutefois, compte tenu de la « gravité » d’une censure de la loi en son entier, il y a lieu de se demander si le Conseil, dans l’hypothèse où il serait amené à constater une application indue de l’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution, n’appliquerait pas la distinction entre irrégularité substantielle et non substantielle opérée dans sa décision du 13 janvier 1994 [12].

13Si la compétence du Conseil constitutionnel pour contrôler l’application de l’article 40 par les autorités parlementaires ne fait plus aucun doute, il convient néanmoins de relever que l’office du juge constitutionnel en ce domaine connaît un tempérament non négligeable, résidant dans l’existence de la règle du « préalable parlementaire ». En vertu de cette dernière, le Conseil n’examine la conformité d’un amendement ou d’une proposition de loi à l’article 40 de la Constitution que si l’exception d’irrecevabilité a été soulevée devant la première assemblée qui en a été saisie. Ce principe a été posé par une décision du 20 juillet 1977 [13], puis confirmé à plusieurs reprises, notamment par une décision du 9 août 2012 [14] ; dans cette dernière, le juge constitutionnel a même précisé que la première assemblée saisie était « celle qui adopte l’amendement, quand bien même l’autre Assemblée aurait eu à connaître antérieurement d’un amendement similaire sans l’adopter [15] ».

14 La règle du « préalable parlementaire » trouve son origine dans le fait que, lors des travaux préparatoires de la Constitution de 1958, il a été explicitement exclu que le Conseil constitutionnel intervienne au cours de la procédure législative pour trancher un éventuel désaccord entre le Gouvernement et une assemblée parlementaire, contrairement à ce que prévoit l’article 41 de la Constitution pour les initiatives parlementaires ne relevant pas du domaine de la loi.

15 Quoi qu’il en soit, malgré l’existence du principe du « préalable parlementaire », le Conseil constitutionnel est parvenu à définir le cadre juridique des modalités de contrôle de la recevabilité financière, dont la teneur est examinée ultérieurement dans le présent travail. De même, il est venu poser des règles de fond relatives à l’application de l’article 40 de la Constitution ; en particulier, il a précisé le sens de la notion de charge publique dans une décision du 20 janvier 1961 [16], indiquant qu’elle englobait non seulement les dépenses de l’État, mais aussi, notamment, celles de la Sécurité sociale [17], rappelé l’interdiction de compenser la création

16 ou l’aggravation d’une charge publique par la création d’une ressource ou la suppression d’une autre charge dans une décision du 12 mars 1963 [18], ou encore admis les charges dites de gestion dans une décision du 9 novembre 1999 [19] – autorisant ainsi qu’une initiative parlementaire crée une compétence nouvelle à la condition qu’elle puisse être mise en œuvre à moyens constants par l’administration concernée.

17 Si la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’application de l’article 40 n’est pas suffisamment « étoffée » pour apporter des solutions à l’ensemble des cas qu’ont à connaître les juges de la recevabilité, elle n’en vient moins pas largement irriguer les jurisprudences développées par les organes parlementaires chargés du contrôle de la recevabilité financière.

18 À cet égard, il est intéressant de relever que, désormais, les commissions des finances comptent également parmi leurs sources les décisions rendues par le Conseil dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) instituée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ainsi, à titre d’exemple, tant la commission des finances de l’Assemblée nationale [20] que celle du Sénat [21] justifient l’exclusion du champ d’application de l’article 40 de la Constitution des ordres professionnels, des organisations syndicales ou patronales, ainsi que des fédérations sportives ou de chasse au motif, notamment, que les contributions volontaires obligatoires (CVO) qui les financent ne constituent pas, comme l’a précisé le Conseil constitutionnel dans une décision du 17 février 2012 [22], des impositions de toutes natures.

2 – Les autres sources du contrôle de la recevabilité financière

19Tout naturellement, les sources auxquelles les juges de la recevabilité financière se réfèrent comprennent aussi les travaux préparatoires de la Constitution du 4 octobre 1958. Ceci apparaît clairement à la lecture des rapports des présidents des commissions des finances relatifs à l’application de l’article 40 dans les deux assemblées [23].

20Les travaux gouvernementaux et parlementaires préfigurant les révisions constitutionnelles semblent également être pris en compte, pouvant même motiver des inflexions jurisprudentielles en matière de recevabilité financière. À titre d’exemple, la commission des finances de l’Assemblée nationale s’est appuyée sur l’introduction par le Constituant, lors de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, d’un nouvel article 37-1 dans la Constitution concernant les expérimentations législatives [24] pour justifier un « assouplissement de la jurisprudence [25] » consistant à considérer comme recevables les initiatives parlementaires aggravant, à titre expérimental, une charge publique ; à ce titre, Jérôme Cahuzac a précisé que « cette jurisprudence assez audacieuse [était] guidée par la volonté de permettre aux parlementaires de faire usage des nouvelles dispositions constitutionnelles [26] ».

21 Par ailleurs, les jurisprudences développées par les instances parlementaires semblent puiser leur inspiration dans les décisions des juridictions administratives et judiciaires, ce qui ne saurait surprendre dans la mesure où celles-ci sont susceptibles de servir de base de référence lors de l’examen de la recevabilité financière d’une initiative, point qui est aussi explicité ultérieurement dans le présent article.

22 Afin d’illustrer l’influence des décisions juridictionnelles sur les jurisprudences des instances parlementaires appliquant l’article 40, il convient de s’arrêter quelques instants sur un revirement jurisprudentiel opéré par la commission des finances du Sénat au cours de l’année 2013. Il était d’usage de considérer, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, que les charges de service public de l’électricité supportées par les opérateurs, dont Électricité de France (EDF), ne constituaient pas une charge publique au sens de l’article 40 de la Constitution dès lors qu’elles étaient « financées au sein du secteur concerné [27] », laissant ainsi toute latitude aux initiatives parlementaires d’accroître les obligations de service public qui incombent à ces opérateurs. À titre indicatif, ces charges de service public sont compensées par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui est acquittée par chaque consommateur d’électricité au prorata de sa consommation et dont les recettes transitent par un fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations.

23 Toutefois, plusieurs décisions de juridictions nationales et européenne ont contribué à ce que la commission des finances de la Haute assemblée modifie sa jurisprudence en ce domaine. En premier lieu, la CSPE a été qualifiée d’impôt par le Conseil d’État dans une décision du 13 mars 2006 [28]. En second lieu, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré, dans un arrêt du 19 décembre 2013 [29], que la compensation par la CSPE du surcoût inhérent à l’obligation d’achat d’électricité d’origine éolienne à tarif déterminé constituait « une intervention au moyen de ressources de l’État » au sens de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif aux aides d’État – suivant en cela les conclusions de son avocat général, Niilo Jääskinen, présentées le 11 juillet 2013.

24 Au total, le juge de la recevabilité financière sénatorial a déduit de ces différentes décisions juridictionnelles, d’une part, que les obligations de service public supportées par les opérateurs d’électricité constituaient une charge publique au sens de l’article 40, aboutissant à considérer comme irrecevable toute initiative parlementaire tendant à alourdir de telles obligations et, d’autre part, que la CSPE devait être analysée comme une ressource publique, impliquant que toute proposition d’un sénateur ayant pour effet d’en réduire le rendement soit compensée. Ce revirement de jurisprudence a été suivi par la commission des finances de l’Assemblée nationale à compter de 2014.

B – des jurisprudences qui cherchent à concilier rigueur juridique et réalisme budgétaire

25Sur la base de ces nombreuses sources, les instances parlementaires chargées du contrôle de la recevabilité financière ont élaboré des jurisprudences afin d’être en mesure d’appliquer les principes arrêtés par l’article 40 de la Constitution aux différentes formes que peuvent prendre les initiatives des membres du Parlement. Aussi, la construction de ces jurisprudences semble répondre à deux exigences principales soit, d’une part, la rigueur juridique, dès lors que le contrôle de la recevabilité financière s’appuie sur des critères strictement juridiques (1), et, d’autre part, le réalisme budgétaire, de manière à ce que la mise en œuvre de l’article 40 puisse s’adapter aux évolutions du cadre des finances publiques (2).

1 – Un contrôle de la recevabilité financière fondé sur des critères juridiques

26 Il peut paraître surprenant de rappeler la rigueur juridique inhérente à l’élaboration d’une jurisprudence tant ces deux notions semblent indissociables. Cependant, force est de constater qu’en matière d’application de l’article 40 de la Constitution, cette rigueur est parfois contestée, sans doute parce qu’elle est assurée par des organes politiques, que cela soit par les parlementaires eux-mêmes, voire par certains travaux universitaires ; à ce titre, d’aucuns ont pu avancer qu’un tel contrôle constituait un « tri politique des initiatives parlementaires [30] ». Les présidents des commissions des finances du Parlement ne manquent cependant pas d’insister sur le fait que le « contrôle de recevabilité financière est exercé selon des critères objectifs [31] », selon des « critères juridiques [32] ».

27Ce souci constant de rappeler la rigueur juridique sous-jacente au contrôle de la recevabilité financière est également lié à la nature de ce dernier ; dès lors qu’un tel contrôle a pour finalité d’éviter les initiatives aggravant une charge publique ou diminuant les ressources publiques, l’on pourrait s’attendre à ce que celui-ci s’appuie sur une logique économique et financière. Toutefois, il n’en est rien. Ceci a été explicité par Philippe Marini pour ce qui est de la définition d’une charge publique :

28

La charge publique est, avant tout, une notion juridique ; elle est constituée dès lors qu’une initiative parlementaire en ouvre la possibilité juridique – en accordant, par exemple, la possibilité d’exercer une compétence nouvelle, soit en octroyant un nouveau « droit de dépenser ». Par conséquent, ne sont pas opposables les raisonnements faisant valoir le caractère facultatif du dispositif proposé, impliquant que la personne concernée puisse ne pas faire usage de ce droit nouveau [33].

29 Ainsi, la question n’est pas tant de savoir si une initiative parlementaire est coûteuse, mais si elle crée une possibilité juridique de dépenser. Un raisonnement analogue peut aussi être tenu en ce qui concerne les ressources publiques. Il en résulte que tout raisonnement de nature économique doit être écarté. À titre d’exemple, un amendement parlementaire tendant à élargir un crédit d’impôt ou à réduire une imposition ne saurait être considéré comme recevable au motif qu’il aurait un effet dynamique sur les ressources fiscales par le regain d’activité qu’il pourrait susciter.

30 L’application de l’article 40 sur la base de critères juridiques, et non pas économiques ou financiers, présente deux avantages. Tout d’abord, elle permet d’éviter une dépendance à l’expertise gouvernementale ; en particulier, connaître les incidences dynamiques d’une mesure fiscale implique de disposer de modèles et de données dont seules la Direction générale du Trésor ou la direction de la législation fiscale sont dotées. Aussi, si elle n’empêche pas la consultation, en tant que de besoin, des services de l’administration, cette autonomie des organes parlementaires dans le contrôle de la recevabilité financière semble plus conforme à la volonté du Constituant, qui a souhaité laisser la mise en œuvre de l’article 40 de la Constitution au Parlement.

31 Ensuite, en se fondant sur des critères exclusivement juridiques, le contrôle de la recevabilité financière est davantage prévisible et, donc, crédible. Les jurisprudences des organes parlementaires chargés de l’application de l’article 40 se veulent des systèmes cohérents, disposant d’une logique interne que chacun doit être en mesure de s’approprier. Par ailleurs, ceci évite d’avoir à mobiliser des réflexions de nature économique, aux contours nécessairement plus flous, ce qui aurait pour possible conséquence d’introduire de la subjectivité, voire de l’arbitraire dans le contrôle de la recevabilité financière. Surtout, les fondements des décisions des instances parlementaires seraient plus délicats à expliciter et la contestation de ces décisions devant ces mêmes instances ou devant le Conseil constitutionnel serait rendue difficile, sinon impossible.

32 Comment cette rigueur juridique inhérente aux jurisprudences des organes assurant le contrôle de la recevabilité financière se matérialise-t-elle ? Outre le fait qu’ils semblent appuyer leurs décisions sur des sources juridiques nombreuses, ces organes tendent à accorder une grande importance aux précédents. Aussi l’application de la règle du précédent vient-elle garantir que des initiatives aux conséquences analogues connaîtront un sort identique. Afin de faciliter la conservation et le classement des précédents, la commission des finances du Sénat s’est dotée d’un logiciel développé à cet effet dénommé « AMELI-Recevabilité » qui permet, notamment, des recherches par mots-clefs, etc.

33Par ailleurs, les présidents des commissions des finances des deux assemblées s’appliquent à publier des recueils des précédents les plus « éclairants » dont les motivations sont explicitées et commentées ; ainsi, ont publié de tels recueils, sous la forme de rapports d’informations, à l’Assemblée nationale, Jean Charbonnel, en 1971, Robert-André Vivien, en 1980, Christian Goux, en 1982 et 1983, Jacques Barrot, en 1994, Pierre Méhaignerie, en 2006, et Jérôme Cahuzac, en 2012, et, au Sénat, Jean Arthuis, en 2008, et Philippe Marini, en 2014. Ces rapports d’information, à la dimension pédagogique affirmée, contribuent à la transparence et à la prévisibilité des jurisprudences élaborées par les commissions des finances des deux assemblées.

34Pour conclure ce développement, il convient de souligner l’absolue nécessité pour les organes parlementaires de faire preuve de rigueur juridique dans la mise en œuvre de l’article 40 de la Constitution. Tout manquement à cette exigence pourrait être à l’origine d’une sanction du Conseil constitutionnel qui, comme cela a été souligné, joue un rôle de « juge d’appel » en ce domaine. Or, le fait d’être désavoué par le juge constitutionnel, en particulier dans l’hypothèse d’une application indue de l’irrecevabilité – qui serait d’ailleurs susceptible d’entraîner, si l’on en croit les comptes rendus du Conseil susmentionnés, une annulation de la totalité de la loi déférée –, pourrait gravement nuire à la crédibilité des juges chargés du contrôle de la recevabilité financière qui font déjà l’objet de contestations. Ainsi, Georges Bergougnous a rappelé le conflit survenu à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, au cours duquel plusieurs députés de la majorité ont exigé du président de la commission des finances qu’il explique les modalités d’application de l’article 40, « ce conflit technique prenant en outre un tour politique en raison de l’appartenance à un groupe d’opposition du président de cette commission [34] ».

35 En outre, il apparaît que les contentieux relatifs au contrôle de la recevabilité financière tendent de plus en plus à trouver des échos dans la presse. À titre d’illustration, la censure d’amendements visant à instaurer des récépissés de contrôles d’identité déposés lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté » par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale a été relatée dans l’édition de Libération du 29 juin 2016 [35] ou encore dans Le Monde du 30 juin 2016 [36]. Il en ressort qu’une application arbitraire de l’article 40 exposerait les organes parlementaires compétents, et notamment les présidents des commissions des finances, à des conséquences juridiques et politiques, voire médiatiques, qui ne sauraient être négligées. Aussi, en dépit de l’autonomie parlementaire qui prévaut en matière de contrôle de la recevabilité financière, celle-ci n’en fait pas moins l’objet d’une « hétéro-limitation » de nature à en prévenir les excès potentiels.

2 – Une adaptation des jurisprudences aux évolutions du cadre budgétaire

36L’exigence de rigueur juridique semblant guider la mise en œuvre du contrôle de la recevabilité financière, qui exclut tout raisonnement de nature économique, n’est pas pour autant synonyme de détachement à l’égard de la réalité budgétaire. Dans sa décision du 23 juillet 1975, le Conseil constitutionnel rappelle que l’article 40 de la Constitution vise à éviter que des initiatives parlementaires puissent être adoptées « sans qu’il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter sur la situation d’ensemble des finances publiques [37] » ; par suite, l’application de la recevabilité financière ne saurait être dissociée de la réalité des finances publiques et de leurs évolutions. À cet égard, les jurisprudences des commissions des finances des deux assemblées paraissent également innervées par un autre impératif, celui de réalisme budgétaire.

37 L’adaptation du contrôle de la recevabilité financière aux changements du cadre budgétaire transparaît clairement dans l’évolution de la définition retenue par les instances parlementaires de la charge publique au sens de l’article 40. Originellement, cette dernière correspondait à la définition qu’en donnait l’article 10 du décret-loi n° 56-601 du 19 juin 1956, ce que montrent les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 ainsi que la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1961 [38]. Toutefois, cette définition ne pouvait rester inchangée au regard des mutations du périmètre des finances publiques. Aussi, la référence au champ des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale s’est progressivement imposée. Une telle référence apparaît une première fois dans le rapport présenté par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Pierre Méhaignerie [39], en 2006, puis dans celui de Jérôme Cahuzac [40], publié en 2012 ; même, en 2014, le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, écrira :

38Au regard de la volonté du constituant et de l’interprétation qui en a été donnée par le Conseil constitutionnel, il apparaît que le champ de l’article 40 recouvre, a minima, celui des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, dont les règles sont définies par le système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 95) [41].

39Ce recours assumé aux règles de la comptabilité nationale, s’il peut surprendre, se justifie par la nécessité, d’une part, de préserver la pertinence de la recevabilité financière au regard du cadre budgétaire applicable – le Pacte de stabilité et de croissance ou encore la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques faisant appel aux mêmes règles – et, d’autre part, d’asseoir la définition du champ d’application de l’article 40 de la Constitution sur des normes juridiques dont l’objectivité paraît d’autant mieux établie qu’elles sont définies par des organes tiers, soit, en l’espèce, les institutions européennes.

40 Ce souci de réalisme budgétaire apparaît également à travers une évolution intervenue, au cours de la période récente, dans la jurisprudence de la commission des finances du Sénat. Ainsi, à la suite de l’instauration d’un plafonnement des taxes affectées à certains opérateurs de l’État par l’article 46 de la loi n° 2011-1977 de finances pour 2012, il a été considéré que toute initiative parlementaire tendant à supprimer ou à relever un tel plafonnement était irrecevable en ce qu’elle aggravait une charge publique. Les contours de cette jurisprudence ont été précisés par Philippe Marini, au cours d’une séance de novembre 2013, qui a alors indiqué s’appuyer sur « une jurisprudence ancienne de la commission des finances du Sénat [qui] prévoit que l’attribution d’une ressource supplémentaire à un organisme public est susceptible d’être analysée non pas comme une simple augmentation de recettes, mais comme une aggravation de charges publiques, entraînant l’irrecevabilité de l’amendement concerné [42] », citant à ce titre le rapport publié par son prédécesseur Jean Arthuis.

41Aussi le souci de concilier tradition et modernité apparaît-il clairement : si la jurisprudence a su s’adapter à des circonstances budgétaires nouvelles, soit, dans le cas considéré, l’introduction d’un plafonnement des taxes affectées aux opérateurs de l’État, elle n’en demeure pas moins fondée sur des précédents bien établis.

42Cet exemple permet, pour conclure cette première partie, d’aborder la question des différences jurisprudentielles pouvant exister en matière de recevabilité financière entre l’Assemblée nationale et le Sénat. À cet égard, il apparaît que la commission des finances de l’Assemblée nationale ne considère pas que le relèvement ou la suppression du plafonnement d’une taxe affectée puisse être analysé comme une aggravation de charge publique au sens de l’article 40. De même, comme cela a été évoqué, celle-ci autorise, dans certaines conditions, les initiatives parlementaires accroissant une charge publique à titre expérimental ; à l’inverse, la commission des finances du Sénat estime que « si les articles 37-1 et 72 de la Constitution affirment que la loi peut permettre d’aggraver temporairement les charges de l’État ou les collectivités, ils n’autorisent pas pour autant l’initiative parlementaire à y procéder [43] ». Par suite, bien que les inspirations mutuelles soient fortes et que les principes qui président à leur élaboration soient identiques, les jurisprudences des deux assemblées peuvent laisser apparaître des différences, même si ces dernières restent rares.

II – Le contrôle de recevabilité financière : cadre procédural et pratiques concrètes

43Il convient désormais d’examiner les pratiques développées dans ce cadre par les assemblées. Le terme « pratiques » désigne, ici, tout à la fois les modalités procédurales du contrôle de la recevabilité financière des initiatives parlementaires et les réalités concrètes de sa mise en œuvre. Si le cadre procédural applicable au contrôle de la recevabilité financière, fixé par les règlements des assemblées, a été précisé par le Conseil constitutionnel (A), les organes parlementaires compétents ont su faire usage des marges de manœuvre qui leur étaient laissées afin de développer des pratiques permettant de concilier le respect de la lettre de l’article 40 de la Constitution et la préservation de l’initiative parlementaire (B).

A – un cadre procédural fixé par les règlements des assemblées mais précisé par le juge constitutionnel

44Ainsi que l’a souligné le juge constitutionnel dans une décision du 25 juin 1959 [44], si les modalités du contrôle de la recevabilité financière des initiatives parlementaires sont déterminées librement par chaque assemblée, leurs règlements doivent néanmoins prévoir l’application des dispositions de l’article 40 de la Constitution. Poursuivant dans cette logique, le Conseil constitutionnel est donc venu préciser les exigences procédurales inhérentes à la mise en œuvre la recevabilité financière (1), qui structurent tout à la fois le contrôle des initiatives parlementaires au moment de leur dépôt (2) et le contrôle a posteriori, aussi dit « sur invocation », de ces dernières (3).

1 – Les exigences procédurales posées par le Conseil constitutionnel

45Dans une décision du 14 juin 1978 [45], le Conseil constitutionnel a estimé que l’application de la recevabilité financière impliquait que les règlements prévoient, d’une part, un « examen systématique de la recevabilité » des propositions de loi « antérieurement à l’annonce par le Président de leur dépôt et donc qu’elles ne puissent être imprimées, distribuées et renvoyées en commission » [46] et, d’autre part, la possibilité que puisse être constatée, « au cours de la procédure législative, l’irrecevabilité des propositions qui auraient, à tort, été déclarées recevables [47] » au moment de leur dépôt. Ainsi, en l’espèce, en déclarant non conforme une modification du règlement du Sénat, le juge constitutionnel venait valider et pérenniser la procédure instituée en 1959 par la Haute assemblée.

46 Près de trois décennies plus tard, dans une décision du 29 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a indiqué que les procédures d’examen de la recevabilité financière « doivent s’exercer au moment du dépôt d’un amendement [48] ». Ainsi ce dernier affirmait-il pour la première fois de manière explicite la nécessité de procéder à un contrôle a priori de la recevabilité financière des amendements parlementaires.

47Tirant les conséquences de l’exigence susmentionnée, le juge constitutionnel a indiqué au Sénat, dans sa décision du 14 décembre 2006 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qu’il devait assurer l’instauration « d’un contrôle de la recevabilité effectif […] systématique au moment du dépôt [49] », des amendements. Aussi avait-il précisé qu’à défaut de l’instauration d’une telle procédure, il ne serait plus lié par la règle du « préalable parlementaire » évoquée précédemment. D’ailleurs, le Commentaire aux Cahiers accompagnant cette décision relevait que cette « inflexion de la jurisprudence [aurait] entraîn[é] en l’espèce la censure d’une bonne vingtaine d’articles si les dispositions en cause avaient subi d’office le test de l’article 40 » [50]. Ainsi, le juge constitutionnel invitait le Sénat à aligner sa procédure sur celle appliquée à l’Assemblée nationale.

48 Il convient de ne pas déduire de cette décision que les amendements sénatoriaux ne faisaient pas l’objet d’un contrôle préalable de recevabilité financière. En effet, la pratique sénatoriale consistait à contrôler la recevabilité des amendements au moment de leur dépôt, mais à laisser « venir » les initiatives irrecevables en séance plénière de manière à ce qu’elles puissent être présentées et discutées, leur irrecevabilité n’étant constatée qu’à la condition qu’elle ait été invoquée par un sénateur ou un membre du Gouvernement. En cela, l’usage sénatorial demeurait proche de la procédure applicable dans le cadre de la « loi des maxima », dont il a été montré qu’elle avait fortement inspiré la rédaction de l’article 40 de la Constitution.

49 Pour autant, afin de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel, le Sénat a institué un contrôle systématique a priori de la recevabilité financière des amendements. Cette procédure, en vigueur à compter du 1er juillet 2007, a été inscrite dans le règlement du Sénat par la résolution du 2 juin 2009 [51]. Implicitement avalisée par une décision du 25 juin 2009 [52], le juge constitutionnel a confirmé la conformité de la nouvelle procédure dans sa décision du 9 août 2012 [53], ainsi que l’a souligné Philippe Bachschmidt [54].

50 Enfin, il convenait d’adapter le contrôle de la recevabilité financière des initiatives parlementaires à cette « révolution constitutionnelle [55] » qu’a été, selon les termes de l’actuel secrétaire général de la Présidence du Sénat, Jean-Louis Hérin, la révision constitutionnelle de 2008 en ce qu’elle a prévu que « la discussion des projets et propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie […] ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie [56] » – exception faite des projets de loi de finances, de financement de la sécurité sociale et des révisions constitutionnelles. Aussi s’agissait-il de s’assurer que les commissions, dont la réforme a « sonn[é] le retour en grâce [57] », fassent application de l’article 40 lors de l’élaboration de « leur » version du texte. Saisi, en 2009, de résolutions tendant à modifier les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Conseil constitutionnel a relevé, d’une part, « que chaque assemblée doit avoir mis en œuvre un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt des amendements y compris auprès de la commission saisie au fond[58] » et, d’autre part, que le respect de l’article 40 de la Constitution « impos[ait] également que l’irrecevabilité financière des amendements et des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies puisse être soulevée à tout moment [59] ».

2 – Le contrôle des initiatives parlementaires au moment de leur dépôt

51Ainsi, à ce jour, conformément aux exigences procédurales posées par le Conseil constitutionnel, aussi bien l’Assemblée nationale que le Sénat mettent en œuvre un contrôle a priori, soit au moment du dépôt, et un contrôle a posteriori de la recevabilité financière des initiatives parlementaires sous leurs différentes formes.

52S’agissant du contrôle a priori, celui-ci s’applique, en premier lieu, aux amendements ainsi qu’aux sous-amendements d’origine parlementaire déposés en vue et au cours de la séance publique. En application de l’alinéa 3 de l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale, ce contrôle est exercé par le Président de l’assemblée, avec une possible consultation, « en cas de doute », du président ou du rapporteur général de la commission des finances, ou encore un membre de son bureau désigné à cet effet. Néanmoins, dans les faits, l’exercice de cette compétence est délégué au président de cette même commission. L’article 45 du règlement du Sénat prévoit, quant à lui, que la « commission des finances contrôle la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution », la coutume ayant cependant dévolu, là aussi, la mise en œuvre de cette prérogative au président de la commission.

53Le contrôle a priori de la recevabilité financière s’applique également aux amendements déposés en vue de l’établissement, en vertu de l’article 42 de la Constitution, du texte par la commission saisie au fond ; dans ce cas, le contrôle relève du président de cette dernière, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale de même que, depuis l’adoption de la résolution du 13 mai 2015 [60], l’article 28 ter du règlement du Sénat [61].

54Afin de limiter l’apparition de divergences dans l’application de l’article 40 de la Constitution entre les différentes commissions, l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale permet au président de la commission saisie au fond de consulter le président de la commission des finances quant à la recevabilité des amendements qu’il a à connaître. À ce titre, Georges Bergougnous relève que cette procédure était régulièrement usitée, « par exemple, [par] les présidents de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann et Jean-Jacques Urvoas [62] ». Par ailleurs, la résolution du 13 mai 2015 est venue graver dans le règlement du Sénat une pratique instituée dès 2009, en inscrivant à l’article 28 ter que « les amendements peuvent être communiqués à la commission des finances, qui rend un avis sur leur recevabilité ». Il faut souligner que les avis rendus par les présidents des commissions des finances ne lient pas les présidents de commissions qui les sollicitent, même si ceux-ci sont généralement suivis. À titre liminaire, il convient également de rappeler que, dans sa décision du 9 avril 2009 [63], le Conseil constitutionnel avait conforté la capacité du Gouvernement à participer effectivement aux travaux des commissions, notamment pour lui permettre d’être en mesure de s’opposer, à ce stade, à la recevabilité des propositions et des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution.

55Pour ce qui est des propositions de loi, les Bureaux des deux assemblées, ou « certains de [leurs] membres » désignés à cet effet, sont compétents pour apprécier leur conformité à l’article 40 de la Constitution en application de l’alinéa 1er de l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale et de l’article 24 du règlement du Sénat. La compétence exclusive des Bureaux pour connaître de la recevabilité des propositions de loi a, d’ailleurs, été confortée par le refus du Conseil d’État d’examiner cette question lorsqu’il est saisi pour avis en vertu de la procédure prévue par le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution ; dans son rapport public de l’année 2010, celui-ci a estimé que « tel n’est pas le but […] que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a poursuivi en instituant cette nouvelle procédure de consultation, qui porte sur le contenu de la proposition de loi et non sur sa recevabilité [64] ».

56En tout état de cause, ainsi que le soulignait Jean Arthuis, « selon une pratique constante et commune aux deux assemblées du Parlement », les propositions de loi créant ou aggravant une charge publique « sont admises, à la condition d’être assorties d’une compensation en recettes, signalant que le dispositif proposé comporte des incidences financières » [65]. De même, Jérôme Cahuzac relevait que « la délégation du bureau de l’Assemblée […] a une interprétation très souple [des dispositions de l’article 40], qui permet le dépôt et donc la publication de textes pouvant contenir des mesures créatrices de charges publiques [66] » ; selon celui-ci, cette « souplesse » se justifierait d’autant plus depuis que « l’institution de la semaine d’initiative parlementaire va de pair avec l’inscription à l’ordre du jour de nombreuses propositions de loi qui pourraient être vidées de leur substance par l’application rigoureuse de cette règle » [67].

3 – Le contrôle a posteriori, ou sur invocation, des initiatives parlementaires

57Le contrôle a posteriori, également appelé contrôle sur invocation, est susceptible de s’appliquer à tous les amendements et sous-amendements, aux propositions de loi, ainsi qu’aux modifications apportées par les commissions aux textes dont elles sont saisies en application de l’article 42 de la Constitution. Pour ce faire, il est nécessaire que la disposition litigieuse ait fait l’objet d’une « invocation » formelle et non d’une simple « évocation » de l’article 40 de la Constitution par un membre du Gouvernement ou un parlementaire. Reprenant sa jurisprudence relative au « préalable parlementaire », le Conseil constitutionnel a précisé, dans une décision du 13 janvier 1994 [68], le sens de la formule « soulever la question de la recevabilité » en distinguant, d’une part, l’hypothèse où la décision des instances chargées du contrôle de la recevabilité financière a été « contestée durant le débat » [69], auquel cas il lui est possible d’exercer son rôle de « juge d’appel », et, d’autre part, celle où la décision est seulement « discutée » [70], ce qui le conduit à décliner sa compétence [71].

58 L’invocation des dispositions de l’article 40 à l’encontre d’une initiative parlementaire peut intervenir « à tout moment », selon les termes de l’article 89 du règlement de l’Assemblée nationale. L’article 45 du règlement du Sénat prévoit, lui, que « tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 » ; pour autant, l’invocation peut également intervenir à des stades plus précoces de la procédure législative, comme l’a rappelé la réserve d’interprétation formulée par le juge constitutionnel dans sa décision du 11 juin 2015, qui a considéré que la compétence reconnue au président de la commission saisie au fond par l’article 28 ter du règlement du Sénat pour contrôler la recevabilité financière des amendements déposés en vue de l’élaboration d’un texte en application de l’article 42 de la Constitution ne saurait « avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à ce que l’irrecevabilité financière des amendements et des propositions de loi puisse être soulevée à tout moment lors de leur examen en commission » [72].

59 Quoi qu’il en soit, la lettre des règlements ainsi que les pratiques en vigueur semblent indiquer que le contrôle a posteriori relève de la compétence des commissions des finances. Ainsi, à titre d’exemple, la commission des finances du Sénat a été amenée, en juillet 2013, à censurer un article inséré par la commission saisie au fond dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, après que l’exception d’irrecevabilité a été soulevée à son encontre par une sénatrice [73].

B – le développement de pratiques favorables à l’initiative parlementaire

60Si l’irrecevabilité prévue par l’article 40 de la Constitution présente un « caractère absolu », pour reprendre les termes de la décision du 14 juin 1978 du Conseil constitutionnel, il n’en demeure pas moins qu’elle doit être conciliée avec l’initiative parlementaire, qui s’exprime à travers l’initiative des lois et le droit d’amendement. Ce souci de conciliation a toujours guidé la mise en œuvre du contrôle de la recevabilité financière tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat et s’est traduit par le développement d’une jurisprudence et de pratiques qui permettent de respecter, autant que faire se peut, l’initiative des parlementaires.

61 Aussi, dans le cadre du contrôle de la recevabilité financière, les commissions des finances des deux assemblées appliquent le principe selon lequel le « doute profite à l’auteur de l’amendement » (1) et s’attachent à rechercher la base de référence la plus favorable à l’initiative parlementaire (2). Par ailleurs, la commission des finances du Sénat a développé une pratique consistant à ajouter les « gages » manquants aux amendements qui tendent à réduire les ressources publiques (3) et se contraint désormais, dans un souci de transparence et de pédagogie, à motiver de manière circonstanciée ses décisions d’irrecevabilité (4).

1 – Le « doute profite à l’auteur de l’amendement »

62Reprenant un principe structurant du droit français, présent dans les droits civil [74], du travail [75], mais aussi pénal, les commissions des finances estiment que le « doute profite toujours à l’auteur de l’amendement [76] ». À cet égard, s’agissant du Sénat, Philippe Marini indique que, « dans certains cas, une incertitude peut exister s’agissant des conséquences financières de l’amendement ou de la proposition de loi, soit parce que plusieurs interprétations peuvent être faites de l’initiative concernée, soit parce que son caractère coûteux n’est pas évident » et conclut que « dans de tels cas, il est d’usage que la solution retenue par le juge de la recevabilité financière soit la plus favorable à l’auteur de l’initiative ». De même, à l’Assemblée nationale, comme le rappelle Jérôme Cahuzac, « les dispositions d’origine parlementaire dont les effets sont incertains sont recevables au bénéfice du doute [77] », précisant à ce titre qu’« il s’agit des dispositions dépourvues de portée normative, ou a minima dont la portée est floue ».

2 – La recherche de la base de référence la plus favorable à l’initiative parlementaire

63En outre, selon une pratique constante des deux assemblées, l’incidence financière d’une initiative parlementaire – soit l’aggravation d’une charge publique ou la diminution des ressources publiques qu’elle est susceptible d’entraîner – s’apprécie par rapport à la base de référence la plus favorable à cette initiative.

64 Il peut s’agir, tout d’abord, du droit existant, qui comprend la législation et la réglementation en vigueur – sauf à ce que cette dernière soit contra legem – ainsi que, dans certaines conditions, le droit international et de l’Union européenne régulièrement applicable, de même que la jurisprudence nationale et internationale. Sur ce dernier point, une légère différence paraît exister entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Alors que Jérôme Cahuzac ne semble considérer que les décisions rendues par les juridictions suprêmes, mentionnant le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État, la Cour de cassation, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’Homme [78], Philippe Marini retient l’ensemble des « décisions définitives, interprétant le droit et s’imposant à tous [79] », soit celles relevant du contentieux pour excès de pouvoir, du plein contentieux objectif – notamment du contentieux fiscal – et du contentieux par voie d’exception.

65 Ensuite, le droit proposé à la discussion parlementaire peut, lui aussi, constituer une base de référence pour le contrôle de la recevabilité financière. Concrètement, sont concernés les projets de loi, ainsi que les projets et propositions de loi adoptés et transmis par l’autre assemblée qui incluent, le cas échéant, les modifications votées par cette dernière. Par ailleurs, dans certaines conditions, le droit proposé intègre les intentions formelles du Gouvernement – exprimées au sein d’une enceinte parlementaire ou encore dans les études d’impact annexées aux projets de loi ; le Gouvernement est alors regardé comme l’« initiateur » – même s’il n’en est pas l’auteur – de l’amendement tendant à accroître une charge ou réduire les ressources publiques. Il convient de souligner que l’application de l’article 40 au regard du droit proposé, lorsque celui-ci est plus favorable à l’initiative parlementaire, a reçu l’aval du Conseil constitutionnel dès sa décision du 20 janvier 1961 [80].

3 – L’ajout des « gages » manquants au Sénat

66Enfin, en application de l’article 40 de la Constitution, toute diminution d’une ressource publique doit être compensée ; à cet égard, dans une décision du 2 juin 1976 [81], le Conseil constitutionnel a imposé « que la ressource destinée à compenser la diminution d’une ressource publique soit réelle, qu’elle bénéficie aux mêmes collectivités ou organismes que ceux au profit desquels est perçue la ressource qui fait l’objet d’une diminution et que la compensation soit immédiate ». Par conséquent, toute initiative prévoyant la diminution d’une ressource publique qui ne serait pas « gagée », ou qui ne serait pas réellement et immédiatement compensée dans le chef de la personne publique concernée doit être regardée comme étant irrecevable.

67La pratique veut que, de manière générale, les gages apposés sur les propositions de loi et les amendements tendant à réduire les ressources publiques résident dans la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts ; le recours fréquent à un tel « gage tabac » se justifie par le fait que celui-ci est « idéologiquement » neutre, pour reprendre les termes de Jean Arthuis [82]. Pour autant, les gages consistant en des augmentations du taux de l’impôt sur les sociétés, de la taxe sur les transactions financières, ou encore de la contribution sociale généralisée (CSG) ne sont pas rares.

68Quoi qu’il en soit, il apparaît que dans l’hypothèse où un gage serait manquant, il est d’usage, à l’Assemblée nationale, que l’amendement concerné soit déclaré irrecevable, alors que la commission des finances du Sénat, elle, s’attache à ajouter, de sa propre initiative, les gages faisant défaut [83]. Si les deux assemblées ont en commun de corriger les gages qui ne seraient pas adéquats – en particulier lorsqu’ils ne visent pas la personne publique dont les ressources publiques sont réduites par l’initiative parlementaire –, cette différence de pratique concernant les gages manquants semble largement participer à ce que le taux d’irrecevabilité au Sénat soit plus faible qu’à l’Assemblée nationale ; celui-ci s’est élevé à 5,2 % au sein de cette dernière au cours de la 13e législature et à 4 % au Sénat pour la période 2007-2013. Un tel écart ne paraît pas pouvoir être imputé à une application plus « souple » de l’article 40 au Sénat, comme cela est souvent avancé en raison des pratiques passées en ce domaine de la Haute assemblée.

69En outre, il y a lieu de souligner l’institutionnalisation, dans les deux assemblées, du « rôle de conseil de la commission des finances [84] » auprès des parlementaires afin de les assister dans la rédaction d’initiatives ne contrevenant pas aux dispositions de l’article 40 de la Constitution. Ainsi que l’indique Philippe Marini, « en pratique, les sénateurs peuvent prendre attache avec le service de la commission des finances en charge de l’instruction de la recevabilité financière [85] ». En effet, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les présidents des commissions des finances sont assistés de fonctionnaires désignés à cet effet, chargés d’instruire la recevabilité des initiatives parlementaires ; sur la base de cette instruction, ils s’attachent, au sein d’une formation collégiale, à arrêter une « position » qui est ensuite proposée au président de la commission des finances, seul habilité à décider si une initiative est recevable ou non. Il semble que le fait de confier l’instruction de la recevabilité financière à des fonctionnaires parlementaires constitue une garantie supplémentaire en faveur de l’indépendance du contrôle de recevabilité ; comme le rappellent les professeurs Pierre Avril et Jean Gicquel, ces fonctionnaires « sont indépendants du pouvoir exécutif et relèvent d’un statut particulier [86] », évitant une application de l’article 40 sujette aux pressions politiques et des lobbyistes comme le suggèrent certains commentateurs [87].

4 – La question de la motivation des décisions des instances parlementaires

70Au sein de la commission des finances du Sénat, les fonctionnaires chargés de l’instruction de la recevabilité financière ont aussi pour mission d’élaborer des projets de motivations qui accompagnent systématiquement les avis d’irrecevabilité transmis aux auteurs des initiatives concernées. En avril 1976, « la commission des finances […] a pris l’engagement d’envoyer une lettre à chacun des commissaires de la commission des finances, pour leur demander de motiver chaque fois leur avis [88] ». Par suite, lors de l’institution du contrôle a priori, Jean Arthuis s’est donc engagé à envoyer un courrier aux auteurs d’amendements déclarés irrecevables afin de leur en préciser les motifs [89]. Aussi, depuis lors, les sénateurs dont un amendement a été déclaré contraire à l’article 40 se voient notifier la décision du président de la commission des finances accompagnée de sa motivation. Cette dernière s’est peu à peu étoffée ; à cet égard, une véritable inflexion semble s’être produite avec la Présidente Michèle André dans la mesure où, désormais, la motivation des décisions doit expliciter, de manière circonstanciée, les motifs en faits et en droit de l’irrecevabilité.

71 Cette exigence de motivation des décisions d’irrecevabilité qui prévaut au Sénat ne connaît pas d’équivalent à l’Assemblée nationale. Dès lors, les auteurs d’amendements déclarés irrecevables ne reçoivent pas de motivation écrite des décisions prises par le président de la commission des finances. À ce titre, Christian Goux indiquait que « si les présidents successifs se sont toujours refusé à motiver leurs décisions, ils n’ont jamais refusé d’en expliquer les motifs lors de la séance publique lorsque l’affaire soulevait une question de principe ou en cas de changement de jurisprudence [90] ».

Conclusion

72Le présent article visait à apporter un éclairage sur la manière dont est mise en œuvre, dans les faits, l’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution dans les assemblées parlementaires. Les procédures applicables en ce domaine de même que les pratiques développées par les instances parlementaires demeurent relativement méconnues, et ce en dépit des rapports publiés par les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Aussi y a-t-il lieu d’espérer que les éléments ici développés permettront une meilleure appréhension des enjeux inhérents au contrôle de la recevabilité financière.

73En premier lieu, alors que certains auteurs se sont « demand[é] s’il subsist[ait] des limites au pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière [91] », il apparaît que l’article 40 demeure bel et bien une contrainte pour ces derniers, en dépit du développement de pratiques se voulant favorables à l’initiative parlementaire. Ceci se traduit par un taux d’irrecevabilité qui, s’il reste faible, n’en est pas pour autant négligeable, mais aussi par une autolimitation des membres du Parlement qui, le plus souvent, s’appliqueront à ne pas déposer de propositions susceptibles d’être déclarées irrecevables. Par suite, une éventuelle abrogation de l’article 40, envisagée par Didier Migaud et Jean Arthuis en 2008 [92], ou encore le fait d’autoriser les parlementaires à procéder à une augmentation de charge publique dès lors qu’elle est compensée, comme l’a proposé, en 2007, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par Édouard Balladur [93], ne constituent aucunement des questions théoriques mais relèvent de véritables choix politiques et institutionnels.

74En second lieu, s’agissant des évolutions de nature procédurale qui ont pu être envisagées concernant le contrôle de la recevabilité financière, il apparaît que conférer au Gouvernement la compétence de déterminer si une initiative est ou non conforme à l’article 40 constituerait un recul des droits du Parlement, ce qui pourrait paraître paradoxal à l’heure où nombreux sont ceux qui appellent de leur vœu un rééquilibrage institutionnel en faveur de ce dernier. Une telle réforme signerait probablement la fin de la poursuite d’un équilibre entre le respect de la lettre de l’article 40 et la recherche de solutions favorables à l’initiative parlementaire qui caractérise les pratiques actuelles. De même, l’instauration d’une saisine du Conseil constitutionnel au cours de la procédure législative – à l’instar de celle prévue par l’article 41 de la Constitution – pour trancher un éventuel désaccord entre, d’une part, les instances chargées du contrôle de la recevabilité financière et, d’autre part, le Gouvernement ou des parlementaires, pourrait s’avérer délicate compte tenu de la fréquence à laquelle le juge constitutionnel pourrait être saisi et des contraintes temporelles qui encadrent l’examen des textes législatifs et, notamment, les projets de lois financières ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles une telle saisine avait été écartée par le Constituant de 1958. Cela laisse à penser que si procédure d’appel il doit y avoir, celle-ci devrait rester du ressort du seul Parlement.

75 S’il est fait le choix de maintenir l’article 40 dans sa forme actuelle, les évolutions concernant sa mise en œuvre doivent donc être pensées dans un esprit d’humilité et de pragmatisme compte tenu des contraintes opérationnelles fortes et des équilibres complexes qui se sont institués en la matière. À titre d’exemple, comme le suggère Jean‑François Kerléo [94], l’analyse de la recevabilité financière des initiatives parlementaires serait enrichie par le développement des capacités d’évaluation des effets des amendements et des propositions de loi – qui constitue, d’ailleurs, l’une des missions confiées au Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) créé par l’Assemblée nationale en 2009 – même si, pour les raisons évoquées précédemment, le contrôle de recevabilité devrait continuer à s’appuyer, au premier chef, sur des critères juridiques. En outre, le même auteur avance la possibilité d’inscrire dans le règlement des assemblées le principe d’une motivation des décisions d’irrecevabilité ; or, une telle piste ne semble pas manquer de pertinence, la pratique sénatoriale récente ayant clairement montré les avantages d’une telle motivation.


Date de mise en ligne : 04/04/2017.

https://doi.org/10.3917/rfdc.109.0023

Notes

  • [1]
    V. articles 39 et 44 de la Constitution.
  • [2]
    V. B. Baufumé, Le droit d’amendement et la Constitution sous la Cinquième République, Paris, LGDJ, 1993.
  • [3]
    V. article 16 de la loi n° 48-1974 du 31 décembre 1948 fixant l’évaluation des voies et moyens du budget de l’exercice 1949 et relative à diverses dispositions d’ordre financier, JORF, 1er janvier 1949, p. 3-4.
  • [4]
    V. P. Chavy, « Les finances locales et sociales : des champs dérogatoires au droit commun de l’article 40 de la Constitution ? », in É. Oliva (dir.) Le Parlement et les finances publiques, à paraître.
  • [5]
    Décret n° 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’État, JORF du 20 juin 1956, p. 5634.
  • [6]
    Rapport d’information (n° 1273, 10e législature) de Jacques Barrot sur la recevabilité financière des amendements présenté au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale, 25 mai 1994, p. 13.
  • [7]
    J.-L. Pezant, « Le contrôle de la recevabilité des initiatives parlementaires. Éléments pour un bilan », Revue française de science politique, vol. 31, n° 1, 1981, p. 168.
  • [8]
    CC, déc. n° 60-11 DC, 20 janvier 1961.
  • [9]
    CC, déc. n° 75-57 DC, 23 juillet 1975.
  • [10]
    Archives nationales, Archives du Conseil constitutionnel, Procès-verbaux des séances et originaux des décisions, 20 040 168/7, « Séance du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1975 », p. 15.
  • [11]
    V. par ex. CC, déc. n° 80-132 DC, 16 janvier 1982 et CC, déc. n° 85-203 DC, 28 décembre 1985.
  • [12]
    CC, déc. n° 93-329 DC, 13 janvier 1994.
  • [13]
    CC, déc. n° 77-82 DC, 20 juillet 1977.
  • [14]
    CC, déc. n° 2012-654 DC, 9 août 2012.
  • [15]
    P. Bachschmidt, « Précision sur la règle du préalable parlementaire en matière de recevabilité financière des amendements », Constitutions, 2012, p. 561.
  • [16]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [17]
    Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé, dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, l’élargissement de la définition de la charge publique, voulue par le législateur organique, pour ce qui est des projets de loi de finances ; en vertu de l’article 47 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la mission budgétaire est désormais assimilée à la charge au sens de l’article 40, permettant aux parlementaires de procéder, lors de l’examen du budget, à des transferts de crédits au sein de cet ensemble. De même, dans une décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, le juge constitutionnel a donné son aval au fait que, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, « la charge s’entend […] de chaque objectif de branche ou de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie », conformément à l’article LO 111-7-1 du code de la sécurité sociale.
  • [18]
    CC, déc. n° 63-21 DC, 12 mars 1963.
  • [19]
    CC, déc. n° 99-419 DC, 9 novembre 1999.
  • [20]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires présenté au nom de la commission des finances, de ­l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, 21 février 2012, p. 47.
  • [21]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini sur la recevabilité des amendements et des propositions de loi au Sénat fait au nom de la commission des finances du Sénat, 7 janvier 2014, p. 49.
  • [22]
    CC, déc. n° 2011-211 QPC, 17 février 2012, Société Chaudet et Fille et autres.
  • [23]
    V. par ex. rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 15 et s.
  • [24]
    V. F. Crouzatier-Durand, « Réflexions sur le concept d’expérimentation législative », Revue française de droit constitutionnel, n° 56, 2003, p. 675-695.
  • [25]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 100.
  • [26]
    Ibid., p. 101.
  • [27]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 42.
  • [28]
    CE, 13 mars 2006, Eurodif, n° 255333.
  • [29]
    CJUE, 19 décembre 2013, Association Vent de colère ! Fédération nationale, affaire C-262/12.
  • [30]
    J.-F. Kerléo, « Plaidoyer en faveur d’une réforme de l’article 40 de la Constitution », Revue française de droit constitutionnel, n° 99, 2014, p. 518.
  • [31]
    Rapport d’information (n° 1273, 10e législature) de Jacques Barrot, op. cit., p. 13.
  • [32]
    Id.
  • [33]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 62.
  • [34]
    G. Bergougnous, « La controverse sur la mise en œuvre de recevabilité financière : dura lex sed lex », Constitutions, 2013, p. 378.
  • [35]
    R. Laïreche et L. Bretton, « Nouveau coup fourré à l’Assemblée sur le récépissé de contrôle d’identité », Libération, 29 juin 2016, p. 10.
  • [36]
    S. Zappi, « Pas de débat sur les contrôles d’identité », Le Monde, 30 juin 2016, p. 12.
  • [37]
    CC, déc. n° 75-57 DC, op. cit., cons. 4.
  • [38]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [39]
    Rapport d’information (n° 3247, 12e législature) de Pierre Méhaignerie, op. cit.
  • [40]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit.
  • [41]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 40.
  • [42]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du lundi 25 novembre 2013, JORF du 26 novembre 2013, p. 11993.
  • [43]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 68.
  • [44]
    CC, déc. n° 59-3 DC, 25 juin 1959.
  • [45]
    CC, déc. n° 78-94 DC, 14 juin 1978.
  • [46]
    Ibid., cons. 4.
  • [47]
    Ibid., cons. 5.
  • [48]
    CC, déc. n° 2005-519 DC, 29 juillet 2005, cons. 28.
  • [49]
    CC, déc. n° 2006-544 DC, 14 décembre 2006, cons. 12 à 14.
  • [50]
    Service juridique du Conseil constitutionnel, « Commentaire de la décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 2, p. 5.
  • [51]
    Résolution du 2 juin 2009 tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.
  • [52]
    CC, déc. n° 2009-582, 25 juin 2009.
  • [53]
    CC, déc. n° 2012-654 DC, 9 août 2012.
  • [54]
    P. Bachschmidt, op. cit.
  • [55]
    J.-L. Hérin, « La nouvelle procédure législative au Sénat ou comment concilier ­l’accroissement du rôle de la commission avec le primat de la séance plénière », Pouvoirs, n° 139, 2011, p. 122.
  • [56]
    V. article 42 de la Constitution.
  • [57]
    J.-L. Hérin, op. cit., p. 122.
  • [58]
    CC, déc. n° 2009-582, op. cit., cons. 20.
  • [59]
    CC, déc. n° 2009-581 DC, 25 juin 2009, cons. 38.
  • [60]
    Résolution du 13 mai 2015 réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace.
  • [61]
    En raison d’une censure intervenue sur la résolution du 2 juin 2009, l’article 28 ter du règlement du Sénat, dans sa rédaction antérieure à 2015, demeurait incomplet. Pour autant, la pratique, découlant d’une « lecture combinée […] de l’article 28 ter et du sixième alinéa de l’article 45 du règlement du Sénat », consistait d’ores et déjà à ce que le contrôle de la recevabilité financière des amendements soit exercé par le président de la commission saisie au fond, ainsi que l’indiquait Philippe Marini (rapport d’information (n° 263, session 2 013‑2 014) de Philippe Marini, op. cit., p. 24).
  • [62]
    G. Bergougnoux, op. cit., p. 378.
  • [63]
    CC, déc. n° 2009-579, 9 avril 2009.
  • [64]
    Conseil d’État, Rapport public 2 010. Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, Paris, La Documentation française, p. 108.
  • [65]
    Rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit., p. 43.
  • [66]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 12.
  • [67]
    Id.
  • [68]
    CC, déc. n° 93-329 DC, 13 janvier 1994.
  • [69]
    Ibid., cons. 5.
  • [70]
    Ibid., cons. 19.
  • [71]
    V. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 9e éd., 2010, p. 351.
  • [72]
    CC, déc. n° 2015-712, 11 juin 2015, cons. 14.
  • [73]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du jeudi 18 juillet 2013, JORF du 19 juillet 2013, p. 7459-7460.
  • [74]
    V. article 1162 du code civil.
  • [75]
    V. article L. 1235-1 du code du travail.
  • [76]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 30.
  • [77]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 92.
  • [78]
    Rapport d’information (n° 4392, 13e législature) de Jérôme Cahuzac, op. cit., p. 51.
  • [79]
    Rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 52.
  • [80]
    CC, déc. n° 60-11 DC, op. cit.
  • [81]
    Conseil constitutionnel, décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976, cons. 1.
  • [82]
    Rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit.
  • [83]
    V. rapport d’information (n° 263, session 2013-2014) de Philippe Marini, op. cit., p. 31.
  • [84]
    Id.
  • [85]
    Id.
  • [86]
    P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2010, p. 85.
  • [87]
    J.-F. Kerléo, op. cit.
  • [88]
    Sénat, compte rendu intégral de la séance du mardi 29 avril 1976, JORF du 30 avril 1976, p. 771.
  • [89]
    V. rapport d’information (n° 401, session 2007-2008) de Jean Arthuis, op. cit., p. 11.
  • [90]
    C. Goux, « La recevabilité financière des amendements : l’occasion d’un équilibre entre les pouvoirs », Revue française de finances publiques, n° 29, 1989, p. 75.
  • [91]
    P. Gaïa, R. Ghevontian, F. Mélin-Soucramanien, É. Oliva et A. Roux, Les grandes ­décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 17e éd., 2013, p. 251.
  • [92]
    V. D. Migaud et J. Arthuis, « Réforme de la Constitution : supprimons l’article 40 », Le Monde, 17 mai 2008, p. 21.
  • [93]
    Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, Une Ve République plus démocratique, Paris, La Documentation française, 2007.
  • [94]
    J.-F. Kerléo, op. cit.
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