Pierre-François Gouiffès, L’Âge d’or des déficits. 40 ans de politique budgétaire française, Préface de Michel Pébereau, coll. « Les études », La Documentation française, 2013, 233 pages

1Pierre-François Gouiffès a rédigé une authentique chronique des finances publiques françaises depuis 1974, qui comporte une approche tant de sciences des finances publiques que d’histoire et d’économie. L’auteur, inspecteur général des Finances, Maître de conférences à Sciences-Po et observateur attentif des processus de réforme des politiques publiques [1], a, en effet, choisi d’étudier l’entremêlement des principales données macro-budgétaires [2] avec les décisions des exécutifs politiques, les évolutions économiques et sociales ainsi que les théories budgétaires développées tout au long de la période. Quarante années d’évolutions politique et financière sont évoquées à travers la revue des comptes de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales. L’auteur ne s’interdit ni des retours en arrière, l’impact de l’histoire longue de France jusqu’au médiéval capétien, ni des approches comparatives à l’international. Scindé en cinq chapitres d’inégales longueurs, ce travail évoque les déficits avant 1974, propose une analyse financière des quarante derniers budgets et décrit le feuilleton politico-budgétaire hexagonal de 1973 à 2013. Scrutant l’évolution des budgets (performance économique, environnement financier et endettement, répartition des revenus, etc.), il en fait les témoins de la transformation économique et sociale de la France. Pierre-François Gouiffès se penche tout particulièrement sur les discours économiques, les approches keynésiennes et néo-ricardienne, en analysant les choix publics qui peuvent en résulter, mais aussi le verbe politique, programmes électoraux et mise en œuvre, dont la constance du choix européen sert souvent d’impératif pour justifier une discipline budgétaire « plus délicate [à] assumer directement ». L’auteur intègre bien sûr les fondamentaux tendanciels que sont l’affaiblissement constant du taux de croissance, l’impact de la construction européenne et de l’euro et la problématique très française de la pertinence des dépenses publiques. Á la suite de Michel Pébereau [3], on peut souligner les lignes de force de l’ouvrage et tout d’abord le souci de la mise en perspective historique du sujet traité et notamment le penchant de l’État pour les déficits à travers les siècles ainsi que l’utilisation de l’inflation et des dévaluations comme variables d’ajustement. Le choix de l’année 1974, ensuite, lequel s’impose non parce qu’il débute la longue série des budgets de l’Etat exécutés en déficit, mais parce que 1974 est une année de rupture dans le contexte international économique et financier en raison du choc pétrolier, du flottement généralisé des monnaies, de la démonétisation de l’or et que débute à ce moment le plan par étapes de l’Union économique et monétaire, dont la maîtrise des finances publiques sera le corollaire de l’existence d’une monnaie commune. La confirmation, enfin, d’une dette issue d’une progression ininterrompue des dépenses publiques dont la France détient le record des pays de l’OCDE au nom de la défense du modèle économique et social français dont la pérennité et la quasi-sacralisation apparaissent en fait comme le fond du problème.

2L’ouvrage comporte une bibliographie importante (5 p.), de nombreux tableaux et figures tout à fait illustratifs, un important glossaire des principaux termes utilisés (18 p.) et la présentation de la méthodologie de la partie statistique et comptable (4 p.) au sein de ses annexes.