Notes
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[1]
Les débats sont particulièrement animés à New York, qui est le foyer de cette effervescence intellectuelle et artistique. Clement Greenberg, Rosalind Krauss, Michael Fried, William Rubin, Barbara Rose dominent alors la critique, sans compter les artistes qui produisent aussi des textes critiques comme Ad Reinhard, Robert Morris ou Robert Smithson.
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[2]
À qui l’on doit le terme de Land Art.
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[3]
Tiberghien, 1993, 26. Le Land Art est en fait la résultante d’un entrecroisement de trajectoires d’artistes appartenant à une même génération intellectuelle et venant tous du minimalisme américain ou ayant évolué parallèlement à lui ; l’utilisation par les minimalistes de matériaux bruts, dont la terre comme médium artistique, et de l’environnement comme support et comme cadre paysager, ont en effet joué un rôle décisif dans l’émergence du Land Art.
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[4]
À laquelle participèrent des artistes comme Carl Andre, Walter De Maria, Michael Heizer, Robert Smithson.
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[5]
Voir sur le sujet le catalogue de l’exposition Virginia Dawn Art Minimal – Art Conceptuel – Earthworks. New York, les années 60-70, Galerie Montaigne, 1er octobre-14 décembre 1991.
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[6]
Voir sur le sujet l’article de Michael Heizer, « Interview in Reverse » in Brown (1984).
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[7]
Voir sur le sujet l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
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[8]
Cette forme d’art n’est pas sans rappeler le Junk Art ou art des détritus dont la vocation est de témoigner de la richesse expressive du réel sociologique au travers des résidus de la consommation. Pour plus d’information sur l’art des détritus, voir l’ouvrage de Pierre Restany, Les Nouveaux Réalistes (Paris : Galilée, 1986).
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[9]
Voir sur le sujet les écrits de Robert Smithson dans l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
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[10]
Sur les paysages américains et les promenades des artistes dans les déserts de l’Ouest, voir l’ouvrage d’Elizabeth Baker (1976).
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[11]
De Maria, cité par Lucy Lippard (1983) 22.
-
[12]
Robert Morris, « Observatory », Avalanche 3 (1971).
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[13]
L’idée selon laquelle il existe un rapport nécessaire et réciproque entre l’œuvre et son espace d’exposition est également très présente dans les recherches des minimalistes, dont les installations invitent le spectateur à appréhender d’une nouvelle manière l’espace architectural des musées et des galeries. Voir sur le sujet les ouvrages de Gregory Battcock (1996) et Lucy Lippard (1983).
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[14]
Site guatémaltèque d’un observatoire Maya dont s’est inspiré Morris pour son Observatory.
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[15]
Telles que The Long Man of Willington, en Angleterre, The Giant of Cerne Abbas, dans le Dorset, ou The White Horse of Uffington, dans le Berkshire.
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[16]
Pour plus d’information sur ce concept, voir l’ouvrage de Gilles Tiberghien (1993).
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[17]
Depuis que la spirale a été construite, les variations du niveau de l’eau ont fait que l’œuvre a été pendant longtemps inondée, mais elle est, depuis peu, à nouveau visible. Voir Lawrence Alloway. « Robert Smithson’s Development », Artforum 5 (Nov. 1972).
-
[18]
Formulation de Robert Smithson.
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[19]
L’artiste, Robert Morris, redessina la colline, creusant la terre pour la cercler d’un chemin à la base et d’un autre au sommet, reliés par deux voies en X tracées sur son flanc.
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[20]
Voir l’ouvrage de Beardsley (1984) et les écrits de Robert Smithson dans l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
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[21]
Voir l’article de Robert Morris, « Notes on Art as/and Land Reclamation », Artforum 7 (Dec. 1972) : 88.
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[22]
Pour Double Negative, 240 000 tonnes de terre furent déplacées.
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[23]
Voir sur le sujet les articles de Jean-Pierre Deffontaines, « L’agriculteur-artisan, producteur de formes », Natures, Sciences, Sociétés 2 4 (1994) : 337-342 et Nils-Udo, « Dessiner avec des fleurs. Peindre avec des nuages. Écrire avec de l’eau. Enregistrer le vent de mai », Canal 56/57 (1984) : 32-33. L’activité agricole, qui représente l’un des principaux facteurs qui façonnent les paysages ruraux européens, comme les préoccupations esthétiques qui lui sont liées, sont pratiquement absentes des références du Land Art, qui s’inscrit de préférence dans l’espace des immenses déserts américains. Morris, De Maria et Smithson ont cependant réalisé plusieurs œuvres majeures en Europe, aux Pays-Bas et en Allemagne.
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[24]
C’est particulièrement évident pour les œuvres de Christo qui organise la présentation de ses œuvres avec toute la méthodologie et la rigueur professionnelle d’une entreprise.
-
[25]
Parmi eux, Virginia Dawn, Heiner Friedrich, The Dia Art Foundation, Robert Scull, Horace Solomon, John De Menil. Robert Scull, à l’instar d’un certain nombre de musées et d’institutions, achetait les œuvres in situ.
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[26]
La critique a souvent classé le Land Art dans la catégorie postmoderne des arts conceptuels, ce qui se justifie si l’on considère que les documents d’accompagnement et les textes des artistes et des critiques eux-mêmes sont indispensables à la compréhension des œuvres. Ce besoin d’expliquer a été revendiqué de manière particulièrement claire par Morris et Smithson par exemple, qui ont affirmé à maintes reprises que leurs textes étaient constitutifs de leurs œuvres.
1 Aux États-Unis, le passage des années soixante aux années soixante-dix voit l’émergence d’arts avant-gardistes, rejetant jusqu’au concept d’œuvre d’art en tant qu’objet esthétique. L’objectif d’un certain nombre d’artistes est de « briser les cadres » et de transgresser les frontières entre les différents arts. Ils revendiquent un engagement politique et social, et conçoivent leur art comme le témoignage de leur contestation de « l’ordre établi » et de l’appareil culturel, en particulier de l’institution muséale, lieu symbolique de la culture avec laquelle ils se veulent en rupture ; ils tentent en fait d’échapper à la notion traditionnelle d’exposition, au musée, à la galerie, aux circuits restreints, accusés de les maintenir à l’écart de la société et de creuser le fossé entre eux et le public ; leur désir est de réinventer des formes et des lieux d’expression pour donner à leurs créations des espaces nouveaux, naturels ou urbains. Dans ce contexte, leurs propos écrits, relayés par ceux des critiques, prennent une importance considérable [1].
2 L’aventure intellectuelle du Land Art s’est pour l’essentiel déroulée aux États-Unis, entre la fin des années soixante et le début des années soixante-dix. Les véritables piliers du Land Art, Walter de Maria [2], Michael Heizer, Robert Smithson, Robert Morris et Denis Oppenheim n’ont d’ailleurs jamais fait mystère de leur désir de contribuer à la naissance d’un art typiquement américain dans lequel les grands espaces (les déserts de l’Utah, du Nevada et du Nouveau Mexique, le Grand Canyon…) jouent un rôle prépondérant. Leur objectif était de transférer dans la nature le principe de l’installation et, simultanément, de développer leur intérêt pour les substances naturelles brutes. La terre, avec sa charge symbolique considérable, allait représenter le matériau privilégié.
3 Cet article se propose d’examiner la nature profondément contradictoire du Land Art au travers de l’étude, non seulement des œuvres désignées sous le terme de « earthworks », c’est-à-dire dont le médium est la terre elle-même, mais aussi des réalisations qui engagent le « land » dans le sens terre/territoire. Mon objectif est de montrer l’ambiguïté du Land Art et ses impacts et significations contradictoires, aux niveaux social, culturel, économique et politique.
Le Land Art entre sens et non-sens
4 Le Land Art n’a jamais constitué un mouvement artistique organisé dont le sens pouvait émaner indubitablement de certaines pratiques. On pourrait reprendre, pour le définir, la formule de Gilles Tiberghien qui explique que le Land Art n’est qu’une « appellation commode pour désigner des pratiques artistiques qui ont élu la nature comme matériau et comme surface d’inscription [3] ». Il émergea en tant que tel en 1968, avec une exposition intitulée Earthworks ou encore Back-to-the-Landscape à la Dawn Gallery de New York [4], exposition ayant pour objet la terre, à la fois médium et message. La contribution de Robert Morris se présentait sous la forme d’un bloc de terre ferme de 2 m sur 2. L’une des pièces de Claes Oldenburg était constituée d’un terreau grouillant de vers. L’œuvre de Walter De Maria consistait en un agrandissement photographique représentant une galerie entièrement tapissée de boue. Robert Smithson proposait une série de cinq conteneurs de bois alignés verticalement et remplis de calcaire extrait d’un gisement minier du New Jersey. Michael Heizer présentait deux séries de photos : des marqueurs de terrain reliant un chapelet de lacs asséchés sur une distance de 835 km de Las Vegas jusqu’à l’Oregon, et des tranchées creusées à même la terre du désert du Nevada. L’œuvre centrale de l’exposition, exécutée en fait en 1955 à Aspen dans le Colorado, était un gigantesque talus circulaire de 12 m de diamètre, monté sur un agrandissement photographique [5]. Toutes les œuvres présentées mettaient en scène la terre, terre labourée, creusée, déplacée, amoncelée. Les artistes abandonnaient là les valeurs rattachées aux Beaux-Arts : qualités esthétiques, préciosité de l’objet d’art, hiérarchie des genres artistiques, pureté du médium [6].
5 Cette exposition s’insérait en fait dans la réflexion qui s’élaborait alors sur la nature de l’objet d’art. Par la négation du geste pictural s’exprimait le dédain pour l’objet d’art, lié à l’opinion que celui-ci n’était qu’une simple monnaie d’échange dans le marché de l’art. Si sa fonction devait être économique, alors, en aucun cas, une œuvre consistant en un tas de cailloux ou un amas de terre ne pouvait avoir un tel usage.
6 Suite à cette exposition et dans la même perspective, plusieurs artistes revendiquèrent un certain goût pour la terre meuble et malléable, la boue, qu’ils considéraient comme un matériau privilégié dans « la mise en évidence du processus de gestation d’une œuvre [7] ». Selon Robert Smithson, draguer les marécages boueux des bassins de déversement sur lesquels pouvaient flotter des gobelets en plastique et s’enliser des caddies de supermarché abandonnés, pour déverser cette boue avec son contenu sur un site, permettait de réaliser des sculptures non composées, prenant forme sous l’effet de la pesanteur à mesure que ces matériaux se répandaient sur le sol [8].
7 Instaurer la déliquescence, l’informe, et le chaotique dans l’œuvre, c’était aussi revendiquer le non-sens, quitte à tourner le dos à la création artistique pour rendre l’art insignifiant. Ainsi, Smithson, intéressé par la pesée sur le sol des matériaux, empila-t-il de la terre sur une cabane située sur le campus de Kent State University dans l’Ohio, jusqu’à ce que la poutre centrale craque sous le poids de vingt bennes de terre (Partially Buried Woodshed,1970). Il pratiqua également l’écoulement, déversant sur une pente rocailleuse un fût de colle (Glue Pour, 1969) ou un camion d’asphalte (Asphalt Rundown, 1969), en des œuvres in situ, qui étaient censées renvoyer le spectateur à l’évidence physique de la pesanteur et de la déliquescence. Les matériaux déversés étaient terreux, rocailleux, sablonneux, boueux, visqueux, et mettaient le public face à la pollution et à la pourriture, tandis que les procédés évacuaient l’intentionnalité pour laisser libre cours au hasard, ou à un déterminisme purement mécanique. Ceci n’est pas sans rappeler les procédés de Jackson Pollock, figure emblématique de l’Action Painting ou « Expressionnisme abstrait », et sa pratique de l’aléatoire, avec le geste du dripping, apparemment incontrôlé. Sa peinture semble informe, c’est-à-dire que la structure que l’on y décèle relève moins des codes visuels hérités de l’histoire de l’art que de la conscience même du spectateur. Pollock travaillait sa toile posée sur le sol, laissant la pesanteur agir : le dripping est une chute, un écoulement. La main de l’artiste ne se prolongeait plus dans l’œuvre, de sorte qu’à l’instar des déversements de Smithson, cette dernière était tributaire presque uniquement de la physique.
8 Ainsi, faisant fi de l’objet d’art en tant que tel, Smithson, mais aussi Morris, Heizer et De Maria se sont surtout interrogés sur les processus de production et les structures sous-jacentes qui les gouvernaient. Pour bien révéler ces processus et ces structures, ils ont opté pour des propositions très minimales aux dépens d’une finition plastique. Le processus de création prenait le dessus sur le produit fini. Dans cette approche très conceptuelle de la pratique artistique, l’artificialité des œuvres était en général délibérément soulignée par la divulgation des plans et des différentes étapes des processus de production. L’insignifiant voulait nier l’idée de représentation, d’expression d’un « au-delà de l’œuvre » et dénoncer ainsi le « trucage du formalisme » qui dissimulait la superficialité [9]. Cette remise en question du formalisme et de la superficialité se faisait au bénéfice d’un art informel revendiquant le non-sens de l’œuvre. C’est la raison pour laquelle on a pu parler d’une certaine pratique de la dérision : l’art devient un pur exercice de dénégation et se présente comme ce qu’il n’est pas et ce qu’il rejette.
9 Cependant, si l’absence de l’objet d’art pouvait être symptomatique du non-sens de certaines œuvres, le territoire, lui, pouvait faire sens. Dans le sillage d’une importante réflexion sur la question du site, certains artistes décident de pratiquer un art dont le sens émerge essentiellement du contact avec le sol et la surface terrestre. En effet, les artistes qui avaient transporté divers matériaux naturels dans les galeries, désiraient en sortir pour les présenter in situ. La question du rapport réciproque de l’œuvre au site et du site à l’œuvre les préoccupait, et leurs promenades dans les déserts de l’Ouest américain faisaient écho au sentiment d’être confrontés à une réalité que l’art n’avait jamais exprimée [10]. Ces déserts pouvaient satisfaire à leurs exigences plastiques car ils leur offraient non seulement les matériaux bruts, c’est-à-dire aussi bien les rochers, le sable, la boue, les dépôts volcaniques, l’étendue, mais aussi la possibilité de déplacer des masses considérables ou de tracer au sol des figures gigantesques.
10 Pour les artistes donc, le territoire devient le lieu d’une expérience intellectuelle ; plus qu’un objet de contemplation, il devient partenaire, parfois même partenaire esthétique. Tout contribue à mettre en valeur les œuvres des artistes : les chemins qui y conduisent, l’horizon sur lequel elles se découpent, la couleur de la terre… Pour voir les œuvres de Michael Heizer, Double Negative, dans le désert du Nevada ou Five Conic Displacements dans le désert du Mojave en Californie, ou encore les Sun Tunnels de Nancy Holt dans le Great Basin Desert (Utah), le spectateur doit traverser de vastes étendues presque totalement dépourvues de relief. Le site s’efface devant l’œuvre qui suscite, chez le spectateur qui déambule, un effet d’autant plus saisissant qu’il est le plus souvent seul sur les plateaux désertiques du Nevada ou dans les déserts de l’Arizona. « Isolation is the essence of Land Art » a d’ailleurs déclaré Walter De Maria [11]. Robert Morris qualifie ces réalisations dans ces lieux désolés de complexes « para-architecturaux », résultant de préoccupations sculpturales et graphiques appliquées « soit par addition, soit par soustraction, à un site existant [12] ». De telles structures dans un paysage vaste et désolé contribuent à créer une dimension esthétique qui passait, pour certains artistes, par sa mise en relation avec les « forces spirituelles » du lieu.
11 « Forces spirituelles » et « forces naturelles » pouvaient se conjuguer pour donner sens au territoire. Walter De Maria ruse ainsi avec l’indomptable, avec son Lightning Field, ensemble de 400 mâts d’acier poli à pointes acérées, régulièrement espacés, dressés dans le désert parfaitement plat du Nouveau-Mexique, où ils forment un rectangle de un mile sur un kilomètre de côté. Les mâts, tous identiques, provoquent une indifférenciation des points de vue, les silhouettes des reliefs rocheux visibles à l’horizon semblant se déplacer avec le spectateur. Cette expérience très particulière du rapport au site se complexifie encore avec la survenue de l’événement en prévision duquel The Lightning Field est censé avoir été construit : la foudre qui, en s’abattant, transfigure à la fois l’œuvre et le site, renouant avec une expérience archaïque du sacré. L’œuvre de Walter De Maria instaure le désert en un espace signifiant, structuré, où la terre, la lumière, les phénomènes météorologiques mais aussi le territoire, qui évoque la rencontre entre la culture hispanique et anglo-saxonne, interagissent avec le visiteur pour constituer, à chaque instant, un événement unique. Le spectateur est amené à participer à l’œuvre dans la mesure où il entre dans son espace et peut l’appréhender selon différents rapports. Ainsi, ce n’est pas l’artiste seul qui construit et imprime son sens à l’œuvre.
12 Ainsi, que les œuvres fassent sens ou non, les land artists ont souligné le caractère subjectif de leur perception en valorisant la conception, voire l’idée première qui déclenche leur processus de création, et en disqualifiant leur support matériel. Le signifiant et l’insignifiant ont pu apparaître comme des aspects contradictoires du Land Art, alors que ces deux paramètres fonctionnaient dans un rapport dialectique inhérent à l’art et à la nature.
Le Land Art entre l’intemporel et l’éphémère
13 En général, l’œuvre du Land Art est durable. C’est même le souci de la durée qui a conduit Heizer à choisir la terre comme matériau principal. Par ailleurs, le problème du lieu, ou plus précisément de la spécificité du site, a été posé par un certain nombre d’artistes du Land Art qui ont tenté de revenir à une époque mythique antérieure à la division de la sculpture et de l’architecture. De fait, l’œuvre construite du Land Art correspond à des objets « indépendants », ni sculpture, ni architecture, mais tenant à la fois de l’une et de l’autre, leur taille monumentale les apparentant à l’architecture, la simplicité de leur forme, l’utilisation de la terre et l’absence de fonction apparente, les rapprochant des structures minimalistes et primitives [13]. Les artistes ont en effet établi in situ des observatoires dont l’archaïsme renoue avec les cosmologies primitives, ils ont édifié des sculptures de type mégalithique, ou ont sacralisé le désert, tous actes qui tendaient à donner à leurs œuvres une dimension spirituelle. La correspondance entre l’œuvre, sa fonction de médiation, et le territoire, est caractéristique des esthétiques dites primitives. Les artistes du Land Art ont d’ailleurs souvent explicitement puisé leurs références dans les réalisations des civilisations disparues, les hommes de bronze de Stonehenge et de Carnac, les Égyptiens de Gizeh et de Saqqarah, les Mayas de Chitchen Itza et de Uaxactum [14], mais aussi les concepteurs des énigmatiques figures gravées dans le sol anglais [15] et dans le désert de Nazca, au Pérou. Ainsi, les réalisations d’Heizer ne sont pas sans rappeler les sites archéologiques précolombiens. Par ailleurs, ce dernier a également rendu hommage aux anciennes civilisations indiennes du Mississippi dites des « Mound Builders », en construisant, sur un site d’exploitation minière abandonné, des sculptures de terre zoomorphes, représentant des animaux appartenant à la faune locale, comparables à celles que ces civilisations édifièrent. En renouant ainsi avec l’archaïsme, le primitivisme, les civilisations disparues, cet art joue le jeu de la transmission culturelle, situe les œuvres en référence à un vécu culturel et historique qui serait transmis à la postérité ; les artistes tentent, d’une certaine manière, de rendre leurs œuvres éternelles.
14 Les œuvres vont cependant entrer, sous l’influence des éléments naturels, dans un processus de modification, de décomposition et de dégradation. Ce processus, généralement considéré par l’artiste comme faisant partie de l’œuvre, a été au centre des réflexions de Robert Smithson, qui s’est passionné pour le concept « d’entropie [16] ». Ainsi, le mobile réel de la création de ses sites qui, sauf exceptions, furent tous conçus pour disparaître, est d’exposer le travail humain à l’érosion naturelle. Spiral Jetty, spirale de 6 000 tonnes de rochers noirs, de cristaux de sel et de terre, élaborée au bord du Grand Lac Salé dans l’Utah (1971), si elle se réfère sans nul doute aux configurations anciennes découvertes dans les vallées du Mississippi et de l’Ohio, est avant tout une figuration symbolique des forces naturelles, au travers du cercle et de la spirale. Le temps a travaillé pour l’artiste, non pour imposer l’œuvre mais pour décomposer une matière vouée au changement [17]. Son objectif était de montrer que toute entreprise humaine est tributaire des lois de la nature. Smithson, De Maria et Oppenheim se refusaient ainsi à laisser leur empreinte dans la nature autrement que par le biais d’œuvres périssables, soumises, comme tout être vivant, au joug de la finitude, et ont cédé à une véritable fascination devant la « vie » de leurs œuvres, leur modification sous l’action des éléments naturels, leur effacement et leur lente disparition.
15 Par ailleurs, les artistes mettaient à contribution d’autres éléments naturels, l’air, l’eau, le feu, la foudre, inséparables de la terre, faisant parfois corps avec elle, pour leurs propriétés physiques : densité, viscosité, opacité… Tableaux éphémères par lâchers de ballons (Hans Haacke, Sky Line, 1967), gigantesque sculpture gonflable (Christo, Cubicmeter Package, 1967), effets visuels provoqués par des émanations de vapeur (Robert Morris, Steam, 1974), dessins sur le ciel à l’aide de jets de fumée lâchés par un petit avion (Denis Oppenheim, Whirlpool Eye of the Storm, 1973), pulvérisations (Peter Hutchinson, Spray of Ithaca, 1969) ou encore coulées de glace sur différents supports (Haacke, Fog, Water, Erosion, 1969), étaient autant de réalisations qui témoignaient de la tension constante entre les forces naturelles et « l’inexorabilité de l’entropie [18] ».
16 Ces pratiques établissaient une critique radicale de la pérennité de l’œuvre au profit de la temporalité, de l’éphémère, démarche qui fait écho à la remise en question de l’œuvre comme objet-marchandise. La pérennité et, avec elle, la volonté d’une transmission assumée jusqu’à présent par les arts constituent donc également la cible des artistes. L’art devient un produit éphémère et le choix délibéré et stratégique de matériaux périssables comme vecteur et signifiant de l’art relève alors d’une tactique d’opposition à la production académique, support idéologique des valeurs dominantes, et à la marchandisation de l’œuvre d’art en tant qu’objet décoratif. De façon paradoxale, ce choix renoue aussi avec l’authenticité formelle de l’engagement artistique.
17 En jouant l’éphémère contre l’éternité, les land artists ont affirmé la présence à l’instant de l’œuvre, et les matériaux périssables ont en fait mis en évidence l’anhistoricité, l’intemporalité de l’art. Dépassant le caractère éternel ou intemporel traditionnellement lié à l’existence d’une œuvre d’art, les productions artistiques ont visé à renouer avec la conscience de la durée, de l’écoulement du temps, et bien entendu de la mort : l’œuvre est mortelle ; mais la conscience même de son caractère mortel lui restitue une vie : l’œuvre est vivante, mouvante, elle s’accomplit dans la durée.
Art écologique ou « scarificateur » ?
18 Il n’est pas surprenant que l’arrivée de ces earthworks ait coïncidé avec le mouvement de « retour à la terre », associé à une prise de conscience de la menace représentée par les technologies nouvelles sur l’environnement. Vers la fin des années soixante, le Land Art semblait amorcer un tournant annonçant une approche écologique des arts plastiques. Le premier earthwork financé par une ville et un certain nombre d’institutions fut un projet de réhabilitation d’une colline abandonnée dans les faubourgs de la ville de Grand Rapid dans le Michigan en 1973 [19]. C’est à partir de ce projet que s’imposa l’idée, parmi les responsables étatiques ou municipaux, selon laquelle les artistes n’avaient pas seulement la capacité, mais l’obligation sociale de contribuer, pour le bien de la communauté, à la restauration du paysage, en réhabilitant notamment des sites dévastés. C’est ainsi que furent proposés des projets concernant une sablière, un site minier, un vallon inondé, dans diverses parties du territoire [20].
19 Si certains des artistes qui participèrent à ces projets pensaient, comme Smithson, que l’art pouvait être un médiateur entre intérêt économique et intérêt écologique, ou comme Nancy Holt, que le Land Art était profondément écologique car il permettait de se reconnecter avec la terre et l’environnement, d’autres ne croyaient guère à l’engagement social des artistes. Ainsi, Robert Morris pensait que l’art pouvait faire l’objet de toutes sortes d’appropriations et servait toujours des intérêts qui le dépassent ; selon lui, les artistes financés pour travailler dans des paysages dévastés, transformant ces sites en des lieux idylliques, rachetaient socialement, en même temps, ceux qui les avaient ravagés [21]. Ce paradoxe du « rachat social » était au cœur même des polémiques sur le Land Art, dont l’utilisation par des promoteurs industriels démontre les effets pervers d’un art qualifié, à tort pour certains, d’art « environnemental ».
20 Lorsque les réalisations des artistes transformaient les paysages avec violence (Robert Smithson déversant des mètres cubes d’asphalte dans une carrière, ou encore Michael Heizer entaillant un ravin dans le désert [22]), le Land Art n’était plus du tout perçu comme un art écologique. À partir de la seconde partie des années soixante, lorsque les excavations à grande échelle se multiplièrent, de telles opérations de « scarification de sites » soulevèrent de nombreuses controverses dont beaucoup visaient leur caractère brutal et « anti-écologique ». Certaines œuvres, généralement immenses, et aux dimensions architecturales, semblaient, pour certains critiques d’art, s’apparenter davantage aux travaux publics qu’aux « Beaux-Arts » car tronçonneuses, pelleteuses, bombes et forages ne pouvaient se trouver investis d’une mission artistique. Michael Heizer incarnait pour eux la brute sans scrupule qui entaillait la terre, violait à coups de bulldozers les sols vierges des déserts américains, et cautionnait trop facilement les exactions de la société contemporaine, à travers de multiples projets de réhabilitation de friches industrielles.
21 Ces controverses et polémiques provenaient en partie d’une interprétation courante considérant que la démarche des artistes du Land Art participe du retour à la terre, caractéristique de l’idéologie de l’époque. En fait, la plupart des artistes rejetaient la conception de la nature comme dernier refuge contre les maux de la civilisation. Ils considéraient le paysage comme coextensif à la galerie et n’envisageaient pas le Land Art en termes de retour à la terre ou à la nature. La nature offrait à leurs pratiques support et matériaux, elle était partie prenante de l’œuvre et principal agent de sa lente dégradation, mais elle n’était jamais au centre du projet. On est loin des références écologiques qui sous-tendent l’œuvre d’artistes européens dont l’objectif consistait précisément à rendre sensible, pour le spectateur, le spectacle de la nature et à faire d’un paysage une œuvre négociée avec elle [23]. La complexité de tous ces paramètres, prenant en compte théories et pratiques des artistes, explique pourquoi le Land Art était perçu comme un art à double face, pris entre une fonction pseudo-écologique et une pratique scarificatrice.
Entre « authenticité » et marchandisation
22 Si l’on a pu qualifier le Land Art d’art « environnemental », on ne peut cependant pas dire que le mode d’appropriation s’écarte pour autant du règne de la marchandise, ou du moins d’une logique propre au caractère privé des activités productives. Quand les earthworks furent conçus, ils avaient une orientation non commerciale ; cependant, toujours liées à un site particulier, ne pouvant être déplacées, difficilement accessibles, les œuvres du Land Art restent en général invisibles pour le public. Par ailleurs, leur production a nécessité des soutiens financiers substantiels, fournis en grande partie par des musées et des galeries qui, en retour de ces subventions, ont largement médiatisé les œuvres, grâce à la photographie, généralement accompagnée de tout un travail éditorial. Et le monopole que certaines entreprises se réservent sur les reproductions photographiques témoigne de cette volonté, toujours présente, de privatisation de l’activité artistique.
23 Ainsi, si les œuvres du Land Art ont échappé au destin classique de l’objet marchand, le travail éditorial s’est inséré dans le marché de l’art, comme source de revenu et de financement des expéditions [24]. Bien que désirant défier le marché, les artistes sont devenus rapidement dépendants des mécènes généreux et visionnaires ou des institutions les finançant [25]. Les documents qui présentent leurs œuvres sont très variés, depuis les cartes montrant l’inscription dans le site, les diagrammes, rapports dactylographiés, ronéotypés, fac-similés et photocopies, les cassettes vidéo, les photographies aériennes et les clichés panoramiques, jusqu’aux photographies en très gros plan insistant sur la rugosité des matériaux utilisés, en passant par les plans intermédiaires qui tentent de reconstituer un itinéraire possible de découverte. Mais la présentation même de ces œuvres, qui constitue la présentation des indices d’une œuvre plus que celle de l’œuvre elle-même, marque une distanciation entre le geste artistique et sa représentation muséale, et se rapproche d’un acte didactique, s’appropriant des codes propres à la muséographie scientifique [26]. Les indices deviennent les matériaux de la mise en évidence d’un concept, plus que de celle de l’œuvre elle-même.
24 Cette distanciation a été particulièrement explorée dans l’œuvre de Richard Long : marquages territoriaux d’espaces vierges à l’aide de constructions lithiques, parcours balisés et soigneusement cartographiés lors de randonnées, accompagnaient un travail en galerie : cercles de pierres importées des régions explorées ou d’empreintes palmaires murales élaboraient une symbolique solaire où l’homme marquait d’une trace sa présence au monde. Ces œuvres n’existaient que par une étroite interrelation entre une démarche accomplie de fait et l’appareil représentatif et signalétique dont l’artiste entourait ses performances nomades.
25 Ainsi, au travers de ses travaux éditoriaux, le land artist a relevé aussi de la culture-marchandise, et a vécu une contradiction qui était celle, en fait, de tout producteur culturel. L’œuvre, la terre, le territoire, prenaient également sens comme produit de consommation. L’artiste a participé, en tant qu’agent culturel, et à la fois comme héritier et créateur, à la construction d’un patrimoine artistique, véhiculant des valeurs esthétiques et idéologiques qui ont été reçues, intégrées et partagées par le public. Dans cette perspective, il est devenu un facteur de transmission de la culture, rôle qui lui fut attribué par l’institution muséale. La reconnaissance institutionnelle est cependant seconde par rapport à l’insertion dans le circuit marchand, car sa production répond aux contraintes économiques classiques, trouvant sa viabilité à travers un processus socialisé de financement, public ou privé, qui est resté, quant à lui, soumis aux impératifs de rentabilité. Ainsi, les artistes ont adopté une stratégie paradoxale : d’une part il se sont insérés dans le circuit de distribution en se positionnant dans le marché et en se créant une image propre à les faire reconnaître comme artistes, et d’autre part, leurs œuvres ont échappé au destin classique de l’objet-marchand, particulièrement celles qui établissaient une critique radicale de la pérennité de l’œuvre. L’image romantique de l’indépendance « bohème » de l’artiste, sacrifiant sa sécurité au profit de « l’authenticité » a fait partie de cette stratégie de légitimation et de présentation de soi que les artistes du Land Art ont utilisée.
26 Le Land Art reste en effet l’une des tentatives les plus achevées de dépassement de la clôture marchande de l’art. Une commune volonté de rébellion contre l’institution muséale a conduit les artistes à expérimenter des voies parallèles pour contourner les réseaux traditionnels de l’establishment et du marché de l’art, et à entreprendre de nouvelles recherches plastiques à travers l’exploration d’espaces nouveaux alternatifs. Cependant, aucun de ceux qui accédèrent à la notoriété n’échappa entièrement à l’emprise hégémonique de la marchandise.
27 Le Land Art fait donc l’éloge des matériaux bruts, des ressources naturelles, mais aussi de la fragilité, du transitoire, de l’éphémère… Le Land Art fait apparaître la thématique de la nature, qui agit comme une interrogation sur l’avenir. Les artistes parcourent les déserts ou les montagnes, utilisent les éléments naturels et marquent le paysage de figures anthropomorphes ; ils réhabilitent des sites dévastés par des promoteurs industriels et déversent des mètres cubes d’asphalte dans une carrière abandonnée ou encore scarifient le paysage en entaillant la terre ; ils édifient des structures les rapprochant des civilisations primitives, tentant de laisser leur empreinte dans la nature par des œuvres intemporelles, et ils établissent une critique radicale de la pérennité de l’œuvre d’art ; ils adoptent une tactique d’opposition à la production académique renouant avec l’image « d’authenticité » de l’artiste, et participent à la construction d’un patrimoine artistique. Toutes ces démarches ont en fait tendu à investir des espaces vierges pour leur donner sens. C’est à travers la dialectique du formel et de l’informel, du signifiant et de l’insignifiant, du construit et de l’informe, de l’intemporel et de l’éphémère, appliquée à la substance brute qu’est la terre que le Land Art a permis à la nature, à la terre, aux déserts, de devenir signifiants de l’art.
Bibliographie
Ouvrages cités
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Notes
-
[1]
Les débats sont particulièrement animés à New York, qui est le foyer de cette effervescence intellectuelle et artistique. Clement Greenberg, Rosalind Krauss, Michael Fried, William Rubin, Barbara Rose dominent alors la critique, sans compter les artistes qui produisent aussi des textes critiques comme Ad Reinhard, Robert Morris ou Robert Smithson.
-
[2]
À qui l’on doit le terme de Land Art.
-
[3]
Tiberghien, 1993, 26. Le Land Art est en fait la résultante d’un entrecroisement de trajectoires d’artistes appartenant à une même génération intellectuelle et venant tous du minimalisme américain ou ayant évolué parallèlement à lui ; l’utilisation par les minimalistes de matériaux bruts, dont la terre comme médium artistique, et de l’environnement comme support et comme cadre paysager, ont en effet joué un rôle décisif dans l’émergence du Land Art.
-
[4]
À laquelle participèrent des artistes comme Carl Andre, Walter De Maria, Michael Heizer, Robert Smithson.
-
[5]
Voir sur le sujet le catalogue de l’exposition Virginia Dawn Art Minimal – Art Conceptuel – Earthworks. New York, les années 60-70, Galerie Montaigne, 1er octobre-14 décembre 1991.
-
[6]
Voir sur le sujet l’article de Michael Heizer, « Interview in Reverse » in Brown (1984).
-
[7]
Voir sur le sujet l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
-
[8]
Cette forme d’art n’est pas sans rappeler le Junk Art ou art des détritus dont la vocation est de témoigner de la richesse expressive du réel sociologique au travers des résidus de la consommation. Pour plus d’information sur l’art des détritus, voir l’ouvrage de Pierre Restany, Les Nouveaux Réalistes (Paris : Galilée, 1986).
-
[9]
Voir sur le sujet les écrits de Robert Smithson dans l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
-
[10]
Sur les paysages américains et les promenades des artistes dans les déserts de l’Ouest, voir l’ouvrage d’Elizabeth Baker (1976).
-
[11]
De Maria, cité par Lucy Lippard (1983) 22.
-
[12]
Robert Morris, « Observatory », Avalanche 3 (1971).
-
[13]
L’idée selon laquelle il existe un rapport nécessaire et réciproque entre l’œuvre et son espace d’exposition est également très présente dans les recherches des minimalistes, dont les installations invitent le spectateur à appréhender d’une nouvelle manière l’espace architectural des musées et des galeries. Voir sur le sujet les ouvrages de Gregory Battcock (1996) et Lucy Lippard (1983).
-
[14]
Site guatémaltèque d’un observatoire Maya dont s’est inspiré Morris pour son Observatory.
-
[15]
Telles que The Long Man of Willington, en Angleterre, The Giant of Cerne Abbas, dans le Dorset, ou The White Horse of Uffington, dans le Berkshire.
-
[16]
Pour plus d’information sur ce concept, voir l’ouvrage de Gilles Tiberghien (1993).
-
[17]
Depuis que la spirale a été construite, les variations du niveau de l’eau ont fait que l’œuvre a été pendant longtemps inondée, mais elle est, depuis peu, à nouveau visible. Voir Lawrence Alloway. « Robert Smithson’s Development », Artforum 5 (Nov. 1972).
-
[18]
Formulation de Robert Smithson.
-
[19]
L’artiste, Robert Morris, redessina la colline, creusant la terre pour la cercler d’un chemin à la base et d’un autre au sommet, reliés par deux voies en X tracées sur son flanc.
-
[20]
Voir l’ouvrage de Beardsley (1984) et les écrits de Robert Smithson dans l’ouvrage de Nancy Holt (1979).
-
[21]
Voir l’article de Robert Morris, « Notes on Art as/and Land Reclamation », Artforum 7 (Dec. 1972) : 88.
-
[22]
Pour Double Negative, 240 000 tonnes de terre furent déplacées.
-
[23]
Voir sur le sujet les articles de Jean-Pierre Deffontaines, « L’agriculteur-artisan, producteur de formes », Natures, Sciences, Sociétés 2 4 (1994) : 337-342 et Nils-Udo, « Dessiner avec des fleurs. Peindre avec des nuages. Écrire avec de l’eau. Enregistrer le vent de mai », Canal 56/57 (1984) : 32-33. L’activité agricole, qui représente l’un des principaux facteurs qui façonnent les paysages ruraux européens, comme les préoccupations esthétiques qui lui sont liées, sont pratiquement absentes des références du Land Art, qui s’inscrit de préférence dans l’espace des immenses déserts américains. Morris, De Maria et Smithson ont cependant réalisé plusieurs œuvres majeures en Europe, aux Pays-Bas et en Allemagne.
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[24]
C’est particulièrement évident pour les œuvres de Christo qui organise la présentation de ses œuvres avec toute la méthodologie et la rigueur professionnelle d’une entreprise.
-
[25]
Parmi eux, Virginia Dawn, Heiner Friedrich, The Dia Art Foundation, Robert Scull, Horace Solomon, John De Menil. Robert Scull, à l’instar d’un certain nombre de musées et d’institutions, achetait les œuvres in situ.
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[26]
La critique a souvent classé le Land Art dans la catégorie postmoderne des arts conceptuels, ce qui se justifie si l’on considère que les documents d’accompagnement et les textes des artistes et des critiques eux-mêmes sont indispensables à la compréhension des œuvres. Ce besoin d’expliquer a été revendiqué de manière particulièrement claire par Morris et Smithson par exemple, qui ont affirmé à maintes reprises que leurs textes étaient constitutifs de leurs œuvres.