La pandémie de Covid 19 et le confinement ont constitué une situation « extraordinaire » (confinement au domicile, caractère mondial de la crise, « mise en pause » de l’économie mondiale, etc.) et généré de très nombreux récits : récits individuels ou collectifs, intimes ou politiques, récits d’intellectuels, d’artistes, de soignants et du public. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce phénomène : écrire nous aiderait à nous comprendre et à mieux comprendre les événements. Face au caractère traumatique de l’événement, l’écriture pourrait avoir un effet thérapeutique déjà établi dans d’autres circonstances. Écrire permettrait d’imaginer le futur et de se projeter vers d’autres possibles, de s’évader ou de partager alors que le quotidien est profondément transformé et incertain. Écrire permettrait enfin de lutter politiquement contre les causes structurelles qui contribuent à la pandémie (crise écologique, accentuation des inégalités sociales et de santé) en proposant des narrations pour un avenir meilleur.
Cet article est le fruit d’une recherche menées sur les récits partagés en France pendant le premier confinement dans une période où les mesures sanitaires contraignaient à l’isolement. Ces récits étaient conçus comme autant de possibilités d’accéder aux expériences vécues de la pandémie. Les objectifs de la recherche étaient de trois ordres. En premier lieu, il s’agissait de comprendre les pluralités des vécus de la pandémie, leurs points communs et différences, en documentant les récits de trois catégories de narrateurs : les intellectuels et journalistes, les soignants et soignés, et le public. En deuxième lieu, la recherche visait à mettre en lumière les imaginaires et les fonctions psychiques de la narration mobilisés par ces narrateurs. Enfin, la recherche visait à comprendre comment les questions éthiques et politiques posées au fil de la crise avaient été pensées par ces différents narrateurs.