Notes
-
[1]
Il s’agit du nombre de certifications ministérielles, sachant que les branches professionnelles et les organismes consulaires permettent aussi l’accès à leurs diplômes ou titres professionnels par la VAE.
-
[2]
Niveau V : niveau équivalent aux CAP et BEP de l’Éducation nationale.
-
[3]
En France, les demandeurs d’emploi représentent environ 25 % de l’ensemble des candidats à la VAE.
-
[4]
Il n’a pas pu être vérifié si la non-réponse était corrélée à l’abandon ou au succès de validation car ces informations n’étaient pas disponibles dans la base de données exhaustive d’Uniformation.
-
[5]
Cette condition a changé au 1er octobre 2017 et est passée de 3 à 1 an, que l’activité soit exercée de façon continue ou non.
-
[6]
Pour plus de détails, voir Cleves et al. [2010].
-
[7]
Toutefois, le modèle gamma généralisé donne des résultats très similaires à ceux du modèle log-logistique, en termes de variables significatives et d’ampleur des effets.
-
[8]
Pour tester la robustesse de ce résultat, nous avons réestimé les modèles 2B et 3B en enlevant les candidats qui n’avaient pas bénéficié de prestations d’accompagnement. Les résultats sont alors inchangés pour les variables caractérisant l’organisme en charge des prestations d’accompagnement. Aucune n’est significative, indiquant qu’à profils et projets équivalents, les chances de validation totale et les délais entre la date d’inscription et le passage en jury sont identiques quel que soit l’organisme ayant offert l’accompagnement.
1Les politiques d’éducation se préoccupent de plus en plus des acquis d’apprentissage dans une perspective de formation des individus tout au long de leur vie. Il est en effet admis, de façon consensuelle, que les individus n’acquièrent pas uniquement des savoirs, savoir-faire et compétences dans les contextes formels d’enseignement (écoles, universités, formations professionnelles structurées), mais qu’ils en acquièrent aussi dans leur vie quotidienne (en emploi, lors de leurs activités associatives ou bénévoles etc.). Les décideurs des pays de l’OCDE, conscients que les compétences ainsi acquises constituent une riche source de capital humain, se sont penchés sur la question de la reconnaissance de ces acquis d’apprentissages informels et ont mis en place différents systèmes (Werquin [2010] ; Werquin et Wihak [2011]). En France, cela s’est traduit par l’instauration du droit à la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans la loi de Modernisation sociale du 17 janvier 2002. Il permet d’obtenir tout ou partie d’un diplôme ou d’une certification sans devoir suivre de cursus de formation initiale ou de formation professionnelle continue.
2Le législateur a ainsi mis la progression des salariés au cœur du système de formation en favorisant l’articulation entre formation, certification professionnelle et déroulement des carrières. Pour les personnes pas ou peu qualifiées, souvent en difficulté d’insertion sociale et professionnelle, la VAE peut constituer un outil important dans la sécurisation de leurs parcours. Par exemple, les salariés « faisant fonction », c’est-à-dire qui exercent souvent avec efficacité les mêmes activités que les personnes diplômées, peuvent grâce à la VAE acquérir, en cours de carrière, le diplôme qui est nécessaire à leur évolution statutaire et à leur progression salariale. Mais, plus généralement, quel que soit le niveau de qualification, la VAE peut être un levier dans la gestion du déroulement de carrière (Ballet [2009] ; Labruyère et al. [2002]), les candidats pouvant en attendre des retombées en termes de reconnaissance sociale, de mobilité professionnelle à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise ou une réorientation professionnelle.
3En France, entre 2002 et 2015, un peu plus de 330 000 personnes ont été certifiées par la voie de la VAE [1] (Branche-Seigeot et Ballini [2017]). Après une forte progression entre 2003 et 2009, le nombre de candidats certifiés par an a oscillé, depuis 2007, entre 25 000 et 32 000. Ces chiffres sont loin de l’objectif gouvernemental initial de 60 000 certifications par an (Besson [2008]) et surtout ils sont en baisse depuis 2011 (29 800 en 2011 contre 25 700 en 2014). La VAE reste encore une voie d’accès marginale à la certification : seulement 10 % des diplômes de l’enseignement professionnel et technologique du ministère de l’Éducation nationale obtenus hors formation initiale l’ont été par VAE (Branche-Seigeot et Ballini [2017]).
4Les premiers bilans ont pointé des difficultés inhérentes à ce dispositif (Kogut-Kubiak et al. [2006] ; Besson [2008]) qui ne semblent toujours pas résolues (Chastel et al. [2016]). Parmi elles, il y a le phénomène de déperdition des candidats tout au long de la procédure, jugée longue et complexe. Pourtant, sur le principe, le processus de VAE peut ne pas sembler si compliqué que cela : le candidat doit choisir la certification qu’il souhaite valider, dépose un dossier de recevabilité (livret 1) auprès de l’organisme certificateur qui vérifie si les conditions réglementaires (années d’expérience suffisantes et adéquation entre les activités exercées et celles décrites dans le référentiel de la certification) sont bien remplies, et une fois la recevabilité établie, il doit préparer le « dossier de présentation de l’expérience » (livret 2) remis par le certificateur et le faire examiner et le soutenir devant un jury. Cette soutenance s’accompagne pour certaines certifications d’une mise en situation professionnelle. Toutefois, ce processus est caractérisé par une segmentation des étapes, avec des délais importants pour chacune, et une multiplicité d’interlocuteurs (des acteurs de l’information, de l’accompagnement, du financement et de la certification), qui sont à l’origine de certains abandons (Personnaz, Quintero et Séchaud [2005] ; Havet [2014] ; Chastel et al. [2016]). En outre, les candidats peu qualifiés, non habitués à la rédaction d’écrits professionnels, peuvent être déroutés par les exigences attendues lors de la rédaction du livret 2, ce qui peut aussi susciter des abandons ou tout du moins ralentir l’élaboration d’un tel dossier. En moyenne, seize mois s’écoulent entre la prise de décision de s’engager dans une VAE et le passage devant le jury : deux mois pour le choix de la certification, deux mois pour la rédaction du livret 1 et la recherche de financement, deux mois de délai de réponse de l’organisme pour la recevabilité, six mois pour la rédaction du livret 2 et quatre mois d’attente pour le passage en jury (Chastel et al. [2016]). Cette temporalité est souvent identifiée comme un facteur de démobilisation et donc un obstacle aux réussites (Beaupère et Podevin [2012]). Dès lors, il semble indispensable de comprendre le processus de sélection au sein de ce dispositif et les moyens d’action pour améliorer la réussite des candidats à la validation de leurs acquis d’expérience.
5Certaines études se sont focalisées sur les profils des candidats afin de déterminer les caractéristiques individuelles qui facilitent les chances de réussite dans ce processus (Labruyère [2006] ; Bonaïti [2008] ; Havet [2015]). Par exemple, Havet [2015] met en évidence que les salariés ont des taux de réussite à toutes les étapes (recevabilité, passage en jury, validation totale) plus élevés que les demandeurs d’emploi à autres caractéristiques équivalentes. De même, l’âge joue positivement pour les certifications par la voie de la VAE. Au-delà des caractéristiques individuelles des candidats, nous pouvons nous interroger sur l’influence de caractéristiques propres à la démarche de VAE, sur lesquelles les pouvoirs publics pourraient agir pour dynamiser le dispositif.
6Notre étude s’intéresse en particulier au rôle de l’accompagnement. Est-il un atout pour la réussite de son parcours de VAE ? Si oui, quelles sont les formes particulières d’accompagnement les plus efficaces et à quelle(s) étape(s) du processus est-il le plus pertinent de les faire intervenir ?
7Jusqu’à présent, peu d’études empiriques ont quantifié l’impact des prestations d’accompagnement aux différentes étapes de la démarche de VAE. Havet [2014] a toutefois montré que l’accompagnement pouvait, d’une part, fortement réduire la longueur de la procédure, et d’autre part accroître les chances de validation totale. En effet, selon son étude sur données rhônalpines 2007-2009, la durée entre les décisions de recevabilité et le passage en jury serait en moyenne divisée par deux lorsque le candidat bénéficie de telles prestations et sa probabilité d’obtenir une validation totale serait accrue de 4 points de pourcentage. Ces résultats sont cohérents avec ceux de Bonaïti [2008] qui a uniquement étudié cette question à partir d’une enquête interrogeant des candidats visant des certifications de niveau V [2]. Selon elle, l’accompagnement réduirait la probabilité de ne pas avoir déposé de dossier dans les deux années suivant la recevabilité et augmenterait l’obtention de la certification souhaitée auprès du jury.
8Notre article propose de compléter ces rares études quantitatives sur le sujet en s’intéressant à deux aspects originaux. Premièrement, nous traiterons de la question de l’abandon qui n’avait pu être considéré comme variable d’intérêt dans les précédentes études quantitatives faute de données disponibles. L’idée est de voir si les prestations d’accompagnement peuvent constituer un levier pour endiguer les abandons en cours de procédure. Deuxièmement, comme Havet [2014] et Bonaïti [2008], nous examinerons aussi leur lien avec les décisions de validation ; mais cette analyse sera menée en distinguant l’organisme en charge de l’accompagnement et le(s) moment(s) où celui-ci est intervenu dans la démarche s’il a eu lieu. Nous pourrons ainsi avoir des pistes quant aux prestations les plus efficaces en termes de réussite de la VAE.
9Pour ce faire, nous exploiterons une enquête réalisée auprès des salariés ayant bénéficié d’un congé pour validation des acquis de l’expérience entre 2010 et 2013, financée par l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) Uniformation, auquel 49 000 entreprises du secteur de l’économie sociale, de l’habitat et de la protection sociale sont adhérentes, représentant plus d’un million de salariés. Nous nous focaliserons donc sur une population particulière mais relativement homogène : uniquement les salariés - et non les demandeurs d’emploi [3] - exerçant dans un même secteur d’activité, avec des possibilités de prestation d’accompagnement assez similaires. Le congé pour VAE est quasi automatique pour les salariés qui en font la demande et est très court (équivalent à environ 20 heures de temps de travail pour la préparation et la participation aux épreuves de validation). L’aspect séduisant de ces données est qu’elles sont nationales et que parmi les certifications visées par les personnes interrogées, nous retrouvons en bonne place sept des dix certifications les plus présentées en jury par l’ensemble des candidats à la VAE en France (Branche-Seigeot et Ballini [2017]) telles que le diplôme d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS), le diplôme d’État d’aide-soignante (DEAS) ou encore les diplômes d’État d’auxiliaire de puériculture (DEAP) ou d’éducateur spécialisé (DEES). En outre, les bénéficiaires des congés VAE, financés par Uniformation, représentent environ 2 % des candidats qui se présentent devant les jurys de VAE et environ 10 % des certifications validées totalement. La population ciblée par l’enquête a un taux de succès plus élevé (75 %) que l’ensemble des candidats à la VAE au niveau national tous secteurs confondus (environ 60 %), car ils sont salariés (les demandeurs d’emploi ont des taux de validation inférieurs d’environ 4 points de pourcentage (Havet [2015]) et bénéficiaires d’un congé, facilitant la préparation. Toutefois, l’étude de cette population particulière reste riche d’enseignements. En particulier, si notre analyse conclut à une association positive entre accompagnement et réussite de la procédure pour cette population avec un environnement favorable aux démarches de VAE, on pourra supposer que les effets bénéfiques attendus devraient être encore plus marqués pour les candidats demandeurs d’emploi ou n’ayant pas recours au congé VAE.
10Cet article est organisé comme suit. La première section présente les données récoltées auprès des bénéficiaires des congés de VAE. La deuxième section détaille les méthodes économétriques choisies pour identifier les déterminants des décisions d’abandon et de validation par les jurys ainsi que les déterminants des durées de la procédure. Enfin, les résultats des estimations seront commentés dans la troisième section.
Les données
11Selon la base exhaustive fournie par Uniformation, la population totale de bénéficiaires d’un congé VAE sur la période 2010-2013 financé par cet OPCA est de 4 082 salariés. Une enquête administrée en ligne, par questionnaires papier et par téléphone a été réalisée auprès d’eux entre septembre et novembre 2014 par la société Synoptic. Les informations recueillies portent sur l’ensemble de leur parcours VAE de la prise d’information, du choix de la certification visée jusqu’à la rédaction des livrets, l’éventuelle validation et l’accompagnement reçu. Elles ont pu être appariées avec les éléments des bases de données issues d’Uniformation en qualité d’Opacif, ce qui nous permet aussi d’avoir des renseignements sur le profil des répondants (âge, genre, dernier diplôme obtenu, catégorie socioprofessionnelle etc.). Sur la population totale des 4 082 bénéficiaires, 2 121 ont répondu à l’enquête, soit un taux de retour de près de 52 %. Grâce à l’information de certaines variables issues de la base exhaustive d’Uniformation, on a pu vérifier que les répondants à l’enquête étaient représentatifs de la population-mère en termes d’âge, de genre, de niveaux de diplôme initial et visé et d’année du congé de VAE [4].
Profils et motivations des bénéficiaires
12La validation des acquis de l’expérience concerne tous les publics, y compris les fonctionnaires. Selon le Code du travail (art. L 900-1), le congé pour VAE permet aux personnes en emploi de s’absenter pour préparer et participer aux épreuves de validation organisées par les organismes habilités à délivrer une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et éventuellement pour bénéficier d’un accompagnement à la préparation de cette validation (art. R931-34). Tous les actifs, inscrits en démarche de VAE et quelle que soit la nature de leur contrat de travail, ont accès à un congé VAE une fois par an. Sur la période 2010-2013 étudiée, les salariés en CDD pouvaient en bénéficier seulement s’ils remplissaient la condition de 24 mois - consécutifs ou non - en qualité de salarié au cours des cinq dernières années alors qu’il n’y avait pas de condition d’ancienneté pour les salariés en CDI. La durée maximale du congé de VAE correspond à 24 heures de temps de travail, prises consécutivement ou non (art. L931-22), mais elle peut être augmentée par convention ou accord collectif de travail pour les salariés faiblement qualifiés (niveau inférieur au bac ou au brevet professionnel) ou dont l’emploi est menacé par les évolutions économiques ou technologiques. Si le congé VAE est pris en charge par l’un des organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA), le salarié continue de percevoir la rémunération qu’il aurait eue s’il ne s’était pas absenté pour ce congé (art. R931-38) et il a droit à la prise en charge de dépenses afférentes à ce congé par le service qui délivre la validation (comme des frais liés à un accompagnement).
13Au vu de cette législation, les bénéficiaires d’un congé VAE interrogés sont à 95 % des salariés embauchés en contrat à durée indéterminée. Comme la VAE attire massivement les femmes et, en particulier, pour la délivrance de certifications dans le domaine sanitaire et social (Branche-Seigeot et Ballini [2017]), il n’est pas surprenant que 86 % des bénéficiaires d’un congé VAE dans notre enquête soient des femmes (tableau n°1). Leur moyenne d’âge est de 41 ans. Le processus de VAE touche peu les plus jeunes en raison de la condition de trois ans d’expérience professionnelle exigée pour candidater à une VAE [5]. Ainsi, seulement 5,5 % des candidats ont moins de 30 ans contre 30 % entre 30 et 40 ans et 43 % entre 40 et 50 ans. La prédominance des femmes dans ce secteur se traduit par une très forte proportion d’employés (74 %) parmi les bénéficiaires interrogés. Les ingénieurs et les cadres représentent moins de 7 % de notre échantillon. Le processus de VAE semble ainsi remplir son premier objectif d’attirer des adultes peu qualifiés. D’ailleurs, un salarié sur deux, candidat à la VAE, est titulaire au mieux d’un diplôme de niveau V et seulement 13 % ont un diplôme équivalent à une licence ou à un master (niveau I ou II). De même, 53 % des certifications visées sont de niveau V. Le diplôme le plus prisé par les bénéficiaires interrogés est le diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale (29 %), viennent ensuite le diplôme d’État de professeur de musique (9,2 %), le diplôme d’auxiliaire de vie familiale (6,9 %), le diplôme professionnel d’aide-soignante (6,4 %) et le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture (4 %). Ces cinq certifications représentent à elles seules 55 % des certifications demandées par les bénéficiaires d’un congé VAE financé par l’OPCA Uniformation. Comme, parmi ces certifications, quatre d’entre elles sont de niveau V - le diplôme d’État de professeur de musique est de niveau III - il n’est pas surprenant que ce niveau de diplôme visé soit largement majoritaire. Néanmoins, parmi les dix certifications les plus demandées se classe un diplôme de niveau I : le certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unités d’interventions sociales (Caferuis) arrive en 7ème position avec 2,7 % des demandes.
Statistiques descriptives
Nb | % | |
---|---|---|
Genre : Homme Femme | 286 1 835 | 13,48 % 86,52 % |
Âge : Moins de 30 ans [30-35[ans [35-40[ans [40-45[ans [45-50[ans 50 ans et plus | 116 275 352 453 449 464 | 5,50 % 13,04 % 16,69 % 21,48 % 21,29 % 22,00 % |
Catégorie socioprofessionnelle : Agents techniques et de maîtrise Employés Ingénieurs et cadres Ouvriers | 211 1 576 144 190 | 9,95 % 74,30 % 6,79 % 8,96 % |
Contrat de travail : Contrat à durée déterminée Contrat à durée indéterminée | 104 2 017 | 4,90 % 95,10 % |
Niveau de diplôme du candidat avant VAE : Niveau I/II Niveau III Niveau I Niveau V / V bis | 282 262 514 1 063 | 13,30 % 12,35 % 24,23 % 50,12 % |
Niveau du diplôme visé par VAE : Niveau I/II Niveau III Niveau IV Niveau V / V bis | 229 647 128 1 117 | 10,80 % 30,50 % 6,03 % 52,66 % |
Région : Ile-de-France Midi-Pyrénées Nord-Pas-de-Calais PACA Rhône-Alpes Autre | 211 327 158 171 321 933 | 9,95 % 15,42 % 7,45 % 8,06 % 15,13 % 43,99 % |
Les sources de motivations exprimées par la VAE : Obtenir une reconnaissance personnelle Obtenir un diplôme Améliorer son salaire Reconversion professionnelle Préserver son emploi Obtenir une promotion Changer d’emploi Avoir une situation plus stable Autre / Non réponse | 699 529 254 112 107 100 90 87 143 | 32,96% 24,94% 11,98% 5,28% 5,04% 4,71% 4,24% 4,10% 6,74% |
Nombre d’observations | 2 121 |
Statistiques descriptives
14Il est à noter que les salariés bénéficiant d’un congé VAE ne visent pas forcément une certification de niveau supérieur à leur diplôme actuel : 21,4 % des personnes interrogées ont cherché à valider un diplôme de catégorie inférieure. Ceci peut s’expliquer par le fait que certains salariés se sont engagés dans une procédure de VAE dans le but de changer d’emploi (4,2 % des motivations exprimées) ou d’une reconversion professionnelle (5,3 %). Toutefois, les trois principales motivations exprimées pour entamer une démarche de VAE sont, par ordre d’importance : i) obtenir une reconnaissance personnelle (33 %), ii) obtenir un diplôme (25 %) et iii) améliorer son salaire (12 %). Ainsi, il ressort que la reconnaissance est le facteur le plus important dans les motivations des candidats. Pour le comprendre, il faut avoir en tête que la VAE permet d’obtenir une certification ou un diplôme, mais que cette obtention n’entraîne pas, en soi, le droit de bénéficier d’une augmentation ou d’une promotion.
15Certains employeurs engagés dans le cadre d’une démarche d’encouragement à la VAE peuvent récompenser le salarié de leur effort - la promotion à un poste de responsabilité pouvant même être sous-tendue à la réussite de la validation. Mais le Code du travail ne pose aucune obligation en la matière ; cela relève de l’appréciation de l’employeur.
16De même, dans la fonction publique, l’obtention d’un diplôme par VAE n’a pas d’incidence sur le statut : la VAE ne dispense pas de passer les concours. Par conséquent, les retombées sur les carrières se perçoivent, pour beaucoup, à long terme. Par exemple, la reconnaissance obtenue peut permettre à ces salariés d’élargir leur champ des possibles en répondant à des offres plus ciblées ; l’obtention d’un diplôme par VAE peut leur permettre de s’inscrire à un concours de la fonction publique ou s’ils se retrouvent en situation de recherche d’emploi, d’en obtenir un plus facilement.
Les parcours de VAE
17La VAE recouvre plusieurs étapes essentielles, qui vont de l’information initiale du futur candidat à l’examen de son dossier par un jury, en passant par la constitution de ce dossier. Plus précisément, en amont de l’action de validation proprement dite, la première démarche d’un candidat potentiel est donc de s’informer sur la VAE et de définir son projet professionnel. Le tableau n°2 met en évidence que 81 % des personnes interrogées se sont lancés dans leur démarche de VAE de leur propre initiative, 11 % par le biais de leur employeur et 7 % suite à un bilan de compétences. Plus de la moitié d’entre elles (56 %) obtiennent la première information sur la VAE auprès de leurs employeurs ou de leurs collègues et 16 % auprès de leur entourage.
Parcours de VAE
Parcours de VAE
18Durant la phase d’information, le candidat doit se renseigner sur le choix des certifications correspondant à son expérience. Les activités qu’il a exercées doivent en effet correspondre, en tout ou partie, aux activités décrites dans le « référentiel d’activités » de la certification visée. Or, l’identification de la certification appropriée est souvent entravée par l’existence de près de 5 000 diplômes dans le RNCP. En particulier, les personnes au parcours professionnel chaotique, dont les compétences renvoient souvent à des blocs de compétences de certifications différentes, peuvent peiner à identifier la certification adéquate. Cette étape est pourtant déterminante pour la suite du processus afin que le candidat ne se retrouve pas enfermé dans sa démarche de VAE ou ne soit pas obligé d’abandonner en raison d’une erreur dans le choix initial de la formation. Parmi les personnes enquêtées, 86 % ont pu être conseillés dans cette phase de choix de la certification à viser, dont 42 % par leur employeur, avec donc des perspectives professionnelles bien définies. Une fois les informations collectées, l’inscription en VAE n’est pas immédiate pour les salariés ; elle requiert pour beaucoup un délai de réflexion : 17 % ont passé plus de deux ans à envisager la VAE avant de s’inscrire, 20 % entre 1 an et 2 ans et 26 % entre 6 mois et un an.
19Le schéma n°1 représente les situations des bénéficiaires d’un congé VAE par rapport à leur démarche au moment de l’enquête. Parmi les 2 121 répondants, 7,2 % ont abandonné, 81,4 % sont passés devant le jury et ont obtenu une décision vis-à-vis de la validation et 11,3 % sont encore en cours de VAE. Parmi les 1 682 salariés étant passés en jury, le taux de validation totale de la certification choisie est de 77,6 %, le taux de validation partielle de 14,2 % et le taux d’échec de 8,3 %. À titre de comparaison, le taux de validation totale était de 58 % en 2012 pour l’ensemble des candidats, y compris demandeurs d’emploi, présentés par les différents ministères certificateurs (hors ministère de la Jeunesse et des sports) (Legrand [2012]). Notre taux d’abandon est en revanche difficilement comparable, puisqu’il n’existe à ce jour aucune étude, représentative de l’ensemble des candidats à la VAE, ayant des données disponibles pour calculer un taux d’abandon. La seule étude réalisée sur un échantillon un peu conséquent sur le sujet utilise une enquête réalisée en ligne en 2016, auprès de 6 215 usagers inscrits dans les Dispositifs académiques de validation (DAVA) des rectorats. Elle affichait, pour les candidats en emploi, un taux d’abandon de 11 % (Chastel et al. [2016, p. 110]).
Diagramme des situations des bénéficiaires d’un congé VAE enquêtés, par rapport à leur démarche de VAE
Diagramme des situations des bénéficiaires d’un congé VAE enquêtés, par rapport à leur démarche de VAE
20Les abandons en cours d’accompagnement VAE représentent 59,5 %. Toutefois, certains candidats abandonnent plus tardivement dans la démarche de VAE : 19,6 % juste avant la validation de leur « dossier de présentation de l’expérience » qui doit décrire de façon détaillée les activités et qui doit être soumis au jury et 16,3 % juste avant le passage devant leur jury alors qu’ils avaient rédigé leur dossier. Sur l’ensemble, les trois principales raisons avancées de l’abandon sont : i) un manque de temps (26,1 %) ; ii) des raisons personnelles (22,2 %) ; iii) un accompagnement insuffisant ou inadapté (14,4 %). Alors qu’il n’existe pas de différence dans les taux d’abandon entre les démarches entamées à la suite d’une demande de l’employeur et celles à la propre initiative du salarié, le taux d’abandon est en revanche beaucoup plus élevé parmi les candidats qui n’ont pas été accompagnés lors de leur choix de la certification à viser (10,2 %). À titre de comparaison, il n’est que de 5,8 % si le candidat a été conseillé par son employeur dans le choix de sa certification. De même, le taux d’abandon est plus important chez les cadres et ingénieurs (11,1 %) que dans les autres catégories socioprofessionnelles.
21Des disparités existent aussi en fonction du niveau de certification visé. Le taux d’abandon est croissant avec le niveau de diplôme visé et le taux de validation totale est au contraire décroissant. Par exemple, 6 % des salariés visant une certification de niveau V ont abandonné contre plus du double (13,5 %) pour ceux visant un diplôme de niveau I ou II. De même, on note une différence de 9 points de pourcentage dans le taux de validation totale entre ceux visant les niveaux de diplôme les plus bas et ceux visant les diplômes les plus élevés (79,4 % versus 70,5 %). Parmi les dix certifications les plus demandées, le diplôme d’auxiliaire de vie familiale (ADVF) présente le taux de validation totale le plus élevé (87 %). La démarche de VAE pour cette certification est souvent à l’initiative de l’employeur (37 %), dans le cadre de projets collectifs de VAE, qui tendent à accroître la motivation et la ténacité des candidats et l’obtention de meilleurs résultats de validation par rapport aux procédures de VAE individuelles. En effet, dans ces projets collectifs, à l’initiative de l’employeur, il est proposé aux personnes, même si la rédaction des dossiers est individuelle, de bénéficier d’une logistique mobilisée par l’ensemble des salariés ; les acteurs se concertent pour définir les calendriers et optimiser les différentes séquences de la VAE (Beaupère et Podevin [2002]). Havet [2014, 2015] avait mis en évidence que les diplômes relevant des secteurs des Affaires sanitaires et sociales et de l’Enseignement supérieur présentaient des taux de validation totale relativement faibles au profit de validations partielles. L’explication avancée était que ces secteurs voulaient sans doute mieux maîtriser l’homogénéité des certifications délivrées et ne pas décrédibiliser le signal associé à l’obtention de leurs diplômes. Nos résultats vont dans le sens de ces précédentes études. Par exemple, le DE d’aide-soignant n’a un taux de validation totale que de 48 % pour un taux de validation partielle de 32 % (tableau en annexe). C’est aussi le cas du DE d’éducateur jeunes enfants et du DE d’éducateur spécialisé.
Les prestations d’accompagnement
22En général, les prestations d’accompagnement à proprement parler ne concernent pas l’amont de la procédure (recherche de la certification la plus adaptée, recherche du financement de l’accompagnement) ni la constitution du dossier de recevabilité (Chastel et al. [2016]). En effet, selon la législation (décret n°2014-1304), l’accompagnement consiste principalement en une aide méthodologique pour la formulation de l’expérience à valider, la constitution du dossier de validation et la préparation à l’entretien avec le jury. Ces prestations d’accompagnement peuvent prendre différentes formes telles que des entretiens individuels (en présentiel ou par téléphone), des réunions/ateliers en petits groupes, un accompagnement à distance via internet ou un mixte de ces solutions (Chastel et al. [2016]). Elles sont assurées, soit par les certificateurs eux-mêmes, soit par des prestataires publics ou privés, et leur qualité et leur intensité sont variables (Personnaz, Quintero et Séchaud [2005]).
23Or, les branches du segment associatif du secteur sanitaire et social ont mis en place des dispositifs et des financements complémentaires permettant d’apporter à leurs salariés un accompagnement et un soutien tout au long du parcours de VAE. Par exemple, un accord de branche signé en 2004 dans le secteur de l’aide à domicile permet à des associations de petite taille de soutenir leurs salariés en mobilisant des fonds mutualisés, via l’OPCA de la branche, Uniformation (Labruyère et Quintero [2009]). Ce type de dispositifs semble avoir des effets sur l’accès aux prestations d’accompagnement. Parmi les personnes interrogées, bénéficiaires d’un congé VAE financé par Uniformation, 96 % ont été accompagnées lors de leur parcours : 74 % par un organisme de formation, 12 % par un centre académique et 5 % par leur employeur. Même si, traditionnellement, la grande majorité a été aidée pour l’élaboration de leur livret 2 (80 %) et la préparation à l’entretien avec le jury (63 %), certains ont aussi bénéficié d’un accompagnement pour le diagnostic de leurs compétences (18 %) ou pour l’élaboration de leur dossier de recevabilité (livret 1,44 %). D’ailleurs, les prestations d’accompagnement peuvent intervenir à plusieurs moments du processus : 27 % ont été accompagnés pour l’élaboration de leurs deux livrets et la préparation à l’entretien et 27 % ont été uniquement aidés pour les deux dernières étapes (constitution du livret 2 et entretien).
24Dans le cadre d’un congé VAE, Uniformation prend en charge le financement des prestations d’accompagnement pour une durée maximale de 24 heures pouvant être portée à 72 heures pour les demandes de certifications visant un niveau V. Ainsi, le nombre minimal d’heures d’accompagnement enregistré pour les enquêtés est de 1 heure et le nombre maximal est de 72 heures. En moyenne, les bénéficiaires d’un congé VAE interrogés bénéficient de 21 heures d’accompagnement financées. Les salariés visant un diplôme de niveau I/II sont accompagnés en moyenne 20 heures et les salariés visant un diplôme de niveau V presque 22 heures. Parmi les répondants 63 % trouvent la durée de l’accompagnement adaptée alors que 36 % la trouvent trop courte. Sur l’ensemble, 85 % sont satisfaits de leur accompagnement et 4 % pas du tout satisfaits (tableau n°2).
25Dans ce contexte, on peut alors se demander si les prestations d’accompagnement peuvent réduire les abandons et faciliter la validation de la certification visée. Le tableau n°3 met en évidence une différence significative et d’ampleur importante (+19,5 points de pourcentage) dans les taux d’abandon de la procédure de VAE entre les salariés n’ayant pas bénéficié de prestations d’accompagnement et ceux en ayant bénéficié. En revanche, l’influence de l’accompagnement est moins nette sur les chances d’obtenir un diplôme. Parmi les 1 682 répondants ayant fini leur VAE, le taux de refus de validation par le jury est plus élevé (+3 points de pourcentage) parmi ceux n’ayant pas bénéficié de prestations d’accompagnement. Mais ces derniers présentent un taux de validation totale plus important : 81 % versus 77,5 % pour ceux ayant été aidés. Toutefois, il faut rester prudent quant à ces comparaisons car le nombre des candidats non accompagnés étant restreint (4 % de l’échantillon), les refus de validation ou les abandons ne correspondent qu’à très peu d’individus. Ainsi, les résultats sur l’accompagnement pourraient être tirés par quelques individus dans ces petits groupes. Les salariés qui ont été accompagnés à l’ensemble des étapes (diagnostic des compétences, élaboration des livrets 1 et 2, préparation à l’entretien) ont, quant à eux, le plus fort taux de validation totale (84,6 %) et le taux de refus le plus faible (7 %).
Taux d’abandon et de validation en fonction de l’accompagnement
Abandon | Validation totale | Validation partielle | Refus | |
---|---|---|---|---|
Ensemble | 7,21 % | 77,59 % | 14,15 % | 8,26 % |
Non accompagné | 25,93 % | 80,95 % | 7,14 % | 11,90 % |
Accompagné | 6,47 % | 77,50 % | 14,33 % | 8,17 % |
Taux d’abandon et de validation en fonction de l’accompagnement
26Ces résultats « bruts » ne suffisent pas pour conclure définitivement que les prestations d’accompagnement réduisent le nombre d’abandons en cours de procédure et ont un effet mitigé sur les chances de réussite au processus de reconnaissance des compétences. Une vision plus fine nécessite d’étudier les associations entre accompagnement et abandons/succès de la procédure de certification en purgeant les effets conjoints de variables individuelles telles que le niveau de diplôme visé, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, etc. C’est pourquoi, nous avons eu recours à des modélisations économétriques qui intègreront non seulement certaines caractéristiques sociodémographiques observables des candidats, mais aussi le type d’accompagnement reçu.
Modélisations économétriques
27Notre but est d’avoir des spécifications économétriques qui modélisent l’incidence des prestations d’accompagnement sur les parcours individuels de VAE. D’une part, nous proposons d’estimer un logit simple sur l’ensemble des candidats expliquant la décision d’abandonner ou non en cours de processus de VAE. D’autre part, nous utiliserons un logit ordonné pour modéliser la décision de validation du jury, une fois l’échantillon restreint aux seuls candidats ayant terminé leur parcours. Enfin, pour compléter l’analyse de ces phénomènes, nous étudierons si les prestations d’accompagnement jouent sur le délai entre les décisions d’inscription en VAE et de validation du jury à l’aide de modèles de durée.
La décision d’abandonner en cours de VAE
28Notre première spécification modélise la probabilité d’abandon et, ce, par un modèle logit simple, la variable à expliquer étant dichotomique :
30où Xi représente le vecteur de caractéristiques sociodémographiques du candidat et des soutiens reçus pendant la procédure, γ les paramètres inconnus captant leur influence et u est un terme d’erreur distribué selon une loi logistique. Les paramètres seront estimés par maximisation de leur fonction de vraisemblance, qui s’écrit :
32avec F la fonction de répartition du terme d’erreur u.
Les décisions de validation
33Pour les décisions de validation, nous avons choisi d’estimer un logit ordonné car les jurys délivrent trois réponses possibles à l’issue de la procédure de VAE : refus de validation, validation partielle, validation totale, trois modalités ayant un ordre sous-jacent. Plus précisément, le modèle économétrique retenu peut s’écrire à l’aide du modèle à variable latente suivant :
35avec val*i = Xiβ + vi, X le vecteur des caractéristiques de l’individu i et de son parcours de VAE, v le terme d’erreur, β et μ les paramètres à estimer. Ce modèle sera de nouveau estimé par maximisation de la fonction de vraisemblance qui a pour expression :
37en posant μ0 = -∞, μ3 = +∞ et valij = 1 si vali = j et 0 sinon. F représente la fonction de répartition du terme v, c’est-à-dire la fonction de répartition d’une loi logistique.
Les durées entre inscriptions et décisions de validation du jury
38Comme nous disposons, pour l’ensemble des candidats, de la date de début de leur VAE, et, pour la plupart de ceux s’étant présentés aux jurys, de leur date de passage, nous avons aussi estimé des modèles de durées pour étudier les déterminants du délai entre ces deux étapes et plus particulièrement l’incidence des prestations d’accompagnement. Pour les 222 candidats qui sont encore en cours de procédure et donc pas encore passés devant un jury au moment de l’enquête, ce délai a été calculé à partir de la durée entre la date d’inscription et la date de l’enquête, et nous avons bien sûr considéré ces observations comme censurées à droite lors des estimations.
39Nous avons choisi de modéliser les durées entre l’inscription et la décision du jury, notées t, par des modèles paramétriques à vie accélérée (Accelerated Failure Time (AFT) Model) puisque l’analyse des résidus de Cox-Snell d’une modélisation préliminaire semi-paramétrique de Cox a mis en évidence la non-proportionnalité de nos fonctions de hasard. Pour déterminer le modèle paramétrique le plus approprié, nous avons commencé nos estimations en considérant une loi de distribution Gamma généralisée pour les durées :
41où λi = e-(Xiβ) et σ et κ sont des paramètres qui sont liés à la fonction de hasard. Ces deux paramètres permettent une fonction de hasard relativement flexible, non monotone, incluant par exemple une forme en U. L’avantage du modèle gamma généralisé est qu’il emboîte les distributions les plus couramment utilisées dans les études de durées : les distributions de Weibull (κ = 1), exponentielle (κ = σ = 1), log-normale (κ = 0) et gamma (σ = 1). Il est donc possible, à l’aide de tests simples sur les paramètres, d’apprécier les hypothèses alternatives quant à l’allure du taux de hasard et de juger de la pertinence relative de ces différents modèles. Toutefois, comme la distribution log-logistique, aussi usuellement utilisée, n’est pas un cas particulier de la distribution Gamma généralisée, nous avons eu recours au critère informationnel d’Akaike (AIC) pour déterminer si le modèle log-logistique n’était pas à privilégier par rapport aux autres spécifications. Pour le modèle log-logistique, il est supposé que :
43avec de nouveau λi = e-(Xiβ).
44La vraisemblance, associée à ces modèles de durée paramétriques, a pour expression :
46où f et S sont respectivement les fonctions de densité et de survie associées aux distributions choisies et di est une variable dichotomique qui vaut 1 si les données sont censurées et 0 si elles sont complètes [6].
Résultats
47Les résultats de l’estimation de nos trois modèles économétriques sont respectivement reportés dans les tableaux nos 4, 5 et 6. Le tableau n°4 présente les résultats du logit simple relatifs à la probabilité d’abandonner sa démarche de VAE. Les aides et l’accompagnement reçus ont été modélisés de trois manières différentes : à l’aide simplement de dichotomiques (aidé/non aidé pour le choix de la certification, accompagné/ non accompagné) (modèle 1A), en ajoutant des termes d’interaction pour savoir si leur effet était similaire selon le niveau de diplôme visé (modèle 1B), et en distinguant le type d’accompagnateurs (modèle 1C). Le tableau n°5 reporte les résultats du logit ordonné expliquant les décisions de validation des jurys et le tableau n°6 ceux expliquant la durée de la VAE. De nouveau, les aides et accompagnements reçus par les candidats sont modélisés par des dichotomiques (modèles 2A et 3A), en distinguant le type d’accompagnateur (modèle 2B et 3B), mais aussi le moment où les prestations d’accompagnement sont intervenues (modèle 2C et 3C). Pour les modèles de durées, la mise en concurrence des différentes spécifications (gamma, Weibull, exponentielle, log-normale, log-logistique) indique que la loi log-logistique est la mieux adaptée aux données. En effet, les paramètres κ et σ dans le modèle gamma généralisé sont tous significativement différents de 0 ou de 1, rejetant ainsi tous les cas particuliers. En revanche, selon le critère AIC, il vaut mieux privilégier le modèle log-logistique que le modèle gamma généralisé [7]. En outre, comme le paramètre γ du modèle log-logistique est inférieur à 1, cela signifie que le taux de hasard est monotone décroissant.
Logits expliquant l’abandon en cours de VAE
Logits expliquant l’abandon en cours de VAE
Note : * significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, ***significatif à 1 %.Logits ordonnés expliquant les décisions de validation des jurys
Logits ordonnés expliquant les décisions de validation des jurys
Note : * significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, ***significatif à 1 %.Modèles multivariés expliquant la durée du parcours de VAE*
Modèles multivariés expliquant la durée du parcours de VAE*
Note : * significatif à 10 %, ** significatif à 5 %, ***significatif à 1 %.Les abandons plus influencés par les caractéristiques du projet de VAE que par les facteurs sociodémographiques
48Pour notre population particulière de candidats à la VAE, c’est-à-dire salariés, bénéficiaires d’un congé VAE dans le secteur de l’économie sociale, de l’habitat et de la protection sociale, aucune des caractéristiques individuelles sociodémographiques introduites (genre, âge, catégorie socioprofessionnelle, type de contrat, région) n’a d’influence significative sur la probabilité d’abandonner en cours de VAE. En revanche, les caractéristiques du projet VAE semblent des déterminants importants. En premier lieu, le sens que donne le candidat à sa VAE joue significativement sur ses chances de mener à terme sa démarche de VAE, quelle que soit son issue. Selon Personnaz et al. [2005], il existe 4 types de logiques d’accès à la démarche VAE : i) la logique de protection, qui concerne les salariés menacés par un licenciement et pour lesquels l’obtention d’une certification permettrait de préserver leur emploi ; ii) la logique d’insertion différée, qui concerne les salariés dont les débuts de vie active sont marqués par l’instabilité et/ou la précarité salariale et qui voient en la VAE un moyen de stabiliser et sécuriser leur carrière ; iii) la logique de réorientation professionnelle pour les salariés qui souhaitent une reconversion ou changer d’emploi ; iv) la logique de promotion, qui concerne des salariés espérant une évolution professionnelle ascendante, une reconnaissance sociale et personnelle, afin de rééquilibrer la différence entre le poste occupé, les fonctions exercées et la formation initiale du salarié. Or, notre étude met en évidence que les salariés dont la logique d’accès à la démarche VAE est dictée par une réorientation professionnelle sont davantage touchés par les risques d’abandon. En effet, les salariés dont la motivation principale est la reconversion professionnelle ou un changement d’emploi ont des probabilités plus élevées d’abandonner en cours de VAE (respectivement +6,8 et +11,4 points de pourcentage) par rapport aux salariés avec d’autres motivations. En revanche, nous trouvons que le type de personnes ou d’organismes auprès desquels les salariés se sont renseignés sur la VAE et la personne à l’initiative de la VAE (le salarié, l’employeur, le référent du bilan de compétences) n’ont pas d’influence sur les risques d’abandon.
49Le niveau de diplôme visé semble important. Les salariés visant une certification de niveau V/V bis ont une probabilité d’abandonner en cours de VAE inférieure, en moyenne, de 4,6 points de pourcentage que leurs homologues visant des diplômes de niveaux plus élevés. En outre, le fait de viser un diplôme inférieur à celui déjà obtenu est associé à un taux d’abandon moyen inférieur de 2,7 points de pourcentage. Par contre, les variables associées à la catégorie socioprofessionnelle ne sont pas statistiquement significatives. Or, ce résultat n’est pas contradictoire avec les taux d’abandon effectifs plus importants chez les cadres et les ingénieurs, mis en évidence par les statistiques descriptives : il révèle simplement que les taux d’abandon plus élevés chez les cadres et ingénieurs sont en partie attribuables aux différences de diplômes visés et non à un effet propre de la catégorie socioprofessionnelle.
Des facteurs spécifiques pour les abandons et les non-validations par les jurys
50Les tableaux nos 4, 5 et 6 montrent que de vrais mécanismes de différenciation ont lieu au sein du dispositif, tout au long des parcours de VAE. Certains profils de candidats semblent plus à même de mettre en œuvre leur droit individuel de validation des acquis de l’expérience. Toutefois, peu de facteurs se révèlent être des atouts pour l’ensemble du processus. Ce ne sont effectivement pas les mêmes caractéristiques qui limitent les risques d’abandon et qui accroissent les chances de validation des acquis par les jurys. De même, les facteurs influençant positivement l’obtention du diplôme visé, ne réduisent pas pour autant systématiquement les temps de travail réflexif et de rédaction et donc la durée totale de la démarche de VAE. Par exemple, pour les salariés qui sont passés en jury, des différences significatives en fonction des facteurs sociodémographiques sont observées pour la validation totale ou la durée de la démarche, alors que ce n’était pas le cas pour les risques d’abandon. Conformément aux précédentes études empiriques (Havet [2014, 2015]), nous trouvons que les hommes bénéficient de décisions de validation de leur acquis de l’expérience plus favorables que les femmes, à profils et motivations équivalents. Plus précisément, la probabilité d’obtenir une validation totale du diplôme visé serait inférieure de plus de 6 points de pourcentage, en moyenne, pour les femmes par rapport à leurs homologues masculins. Notre étude confirme aussi un effet marqué de l’âge sur la validation totale (Havet [2014, 2015]). Les salariés de 50 ans et plus ont une probabilité de validation totale de 8 points supérieure aux autres catégories d’âge. L’influence positive de l’âge sur les décisions de validation semble suggérer que, pour les plus âgés, leurs années d’expérience à valider au sein du dispositif ne sont pas devenues obsolètes ou moins en accord avec les exigences des diplômes délivrés. Au contraire, ils ont en général par définition plus d’expérience et ont donc pu acquérir une plus grande variété de compétences. En outre, les salariés les plus âgés pourraient avoir plus de recul et de maturité pour mieux appréhender le travail réflexif nécessaire à la constitution de leur livret 2.
51Toutefois, la durée totale de la VAE n’est pas significativement affectée par l’âge ou le genre. La procédure de VAE est, elle, plus longue pour les cadres et les ingénieurs que pour les autres catégories socioprofessionnelles (environ trois mois supplémentaires) et pour les salariés en contrat à durée indéterminée versus ceux en contrats temporaires (+2,5 mois en moyenne). Les salariés s’étant inscrits en Occitanie bénéficient d’une longueur de procédure plus faible en moyenne que les autres et font partie des quatre régions avec des taux de validation totale significativement plus élevés à profils de candidats équivalents. Les régions d’Auvergne-Rhône Alpes, Grand Est et Ile-de-France ont des taux de validation totale comparables à l’Occitanie, mais des démarches qui durent entre 1,5 et 2 mois de plus en moyenne.
52L’influence du niveau de certification visé sur les décisions de validation est conforme à celle usuellement évoquée dans la littérature (Havet [2014, 2015]) et à celle obtenue sur les risques d’abandon. Les individus candidatant pour les certifications les plus faibles (V/Vbis) ont plus de chances d’obtenir une validation totale du diplôme visé par leurs acquis d’expérience que les individus visant des niveaux de certification plus élevés (+11,4 points de pourcentage). Ce résultat pourrait en partie refléter la crainte des « valideurs » d’une éventuelle dévalorisation de leurs diplômes qui est d’autant plus étendue lorsque la certification visée dispose d’une forte valeur sociale, comme cela peut l’être par exemple à l’université. Il n’est en effet a priori pas attribuable au fait que l’écart entre le niveau de diplôme initial et celui visé par la VAE est plus important lors des certifications de niveau III ou plus puisque les variables caractérisant si le niveau visé est inférieur ou supérieur à celui du candidat sont non significatives dans les régressions expliquant les décisions de jury. En revanche, le fait de viser une certification inférieure à son niveau de diplôme initial rallonge la durée de la démarche de VAE. Nous pouvons suspecter que, dans ce cas de projet de VAE, les compétences à valider concernent des domaines très différents de celles de leur diplôme initial ou des capacités plus transversales qui nécessitent plus de mises en perspectives et de travail réflexif que dans le cadre de projets VAE qui visent une certification de la même branche mais de niveau supérieur à la sienne.
53D’ailleurs, les décisions de validation et la durée de la démarche sont aussi influencées par la logique d’accès du candidat. En particulier, les salariés qui se sont lancés dans une VAE dans le but principal d’obtenir une situation professionnelle plus stable ou de changer d’emploi ont, à autres caractéristiques observables équivalentes, des chances de réussite plus faibles. Leurs probabilités de validation totale sont respectivement inférieures de 15 à 17 points de pourcentage, en moyenne, par rapport à leurs homologues inscrits selon d’autres logiques d’accès. Ces motifs font aussi partie de ceux qui débouchent sur des démarches de VAE plus longues. En effet, les VAE qui présentent les durées les plus courtes sont celles dictées par une volonté de reconversion, de préservation de son emploi et de hausse salariale.
L’impact des prestations d’accompagnement et des aides dans le choix de la certification
54Comme nous avons vu précédemment que certaines caractéristiques sociodémographiques et certaines caractéristiques du projet VAE, notamment les logiques d’accès et le niveau de diplôme visé, jouent sur les risques d’abandon, les chances de réussite devant le jury et la longueur de la procédure, nous pouvons par exemple nous demander si les plus faibles taux d’abandon observés pour les candidats qui ont été conseillés lors de leur choix de la certification à viser et pour les salariés ayant bénéficié de prestations d’accompagnement ne sont pas seulement le reflet de l’hétérogénéité (en termes de caractéristiques individuelles et de projet) des candidats entre ces groupes. Les conseils reçus lors du choix de la certification et les prestations d’accompagnement réduisent-ils réellement les abandons, facilitent-ils la validation du diplôme visé et diminuent-ils la longueur de la procédure ?
55Nos modèles économétriques permettent de quantifier l’effet de l’aide reçue au moment du choix de la certification, à autres caractéristiques observables équivalentes. Les résultats du modèle 1A suggèrent que le fait d’avoir bénéficié ou non d’une aide pour le choix de sa certification n’influence pas significativement la probabilité d’abandon de la procédure. Toutefois, derrière cette non-significativité se cachent des effets opposés selon le niveau de diplôme visé. Le modèle 1B met en évidence que les candidats qui visent une certification de niveau V ou de niveau III ont des probabilités plus élevées d’abandonner en cours de démarche VAE quand ils ont été aidés pour le choix de leur certification (+4,8 points par rapport à leurs homologues non aidés). Ce résultat pourrait en partie refléter un phénomène de sélection : ce sont probablement les candidats qui ont des doutes sur leur dossier et leur expérience (en raison par exemple de parcours professionnels plus morcelés ou chaotiques) qui ont demandé à être conseillés et donc pour qui le travail attendu dans le dossier de preuve est moins évident et plus complexe. La demande d’aide dans le choix de la certification pourrait ainsi davantage concerner les candidats les plus fragiles, qui risquent de se décourager plus rapidement. Ce résultat mériterait d’être étayé grâce à des données détaillées sur les parcours professionnels antérieurs des candidats, voire grâce à des données qualitatives. En revanche, pour les candidats visant un diplôme de niveau I ou II, l’aide reçue lors du choix de la certification est fortement associée à une diminution des risques d’abandon (-9 points). Enfin, les résultats du modèle 1C suggèrent que les candidats abandonnent moins quand ils ont été aidés dans leur choix de certification directement par un centre académique (école/université), un centre de bilan de compétences ou par leur employeur que par leur entourage ou leur OPCA. Ces différences en fonction de l’organisme qui a aidé pour ce choix sont à relier avec certaines différences observées en fonction du niveau de diplôme visé. En effet, 15 % des candidats visant un diplôme équivalent à une licence ou un master (niveau I/II) ont demandé conseil à un centre académique contre seulement 1,5 % pour les candidats visant un diplôme de niveau V/Vbis. Ainsi, selon nos régressions, pour réduire les abandons en cours de procédure de VAE, il semblerait efficace de renforcer l’aide apportée dès la phase du choix de certification pour les candidats souhaitant obtenir un diplôme de niveau élevé (niveau I/II) et notamment en les rapprochant et orientant plus systématiquement vers les centres académiques.
56En revanche, parmi les candidats qui mènent leur démarche de VAE à leur terme, le fait d’avoir reçu ou non une aide lors de leur choix de certification ne semble pas jouer significativement sur la longueur de la procédure (tableau n°4) et peu sur les décisions de validation. Les modèles 2B et 2C mettent seulement en évidence que les candidats qui ont reçu, lors du choix de leur certification, une aide de la part d’un centre de bilan de compétences ou d’un OPCA ont moins de chances d’obtenir une décision de validation totale par le jury que les candidats conseillés par leur employeur ou par un centre académique. En revanche, le fait d’être aidé par un centre de bilan de compétences ou un OPCA accroît la probabilité d’obtenir une validation partielle (+6 points) de la certification visée. De nouveau, nous pouvons suspecter que les candidats qui demandent conseil à ces organismes ont des parcours professionnels plus chaotiques et/ou un projet de VAE plus flou en raison d’un plus fort éloignement par rapport aux sources d’information relatives à la VAE. S’ils demandent conseil à ces organismes, c’est probablement que leur employeur n’est pas un relais pertinent pour les orienter et qu’il n’a pas initié de réunions d’information au sein de son entreprise. Par ailleurs, les candidats qui se font aider par un centre académique sont probablement ceux qui ont déjà réussi à identifier une ou plusieurs certifications correspondant à leur expérience et demandent en quelque sorte une confirmation de leur choix alors que ceux qui se font aider par un centre de bilan de compétences ou un OPCA sont plus en amont de leur réflexion et peinent à identifier la certification adéquate et donc ne peuvent demander conseil à l’organisme certificateur faute de l’avoir identifié.
57Même si les données disponibles ne permettent pas de mener une analyse causale des effets des prestations d’accompagnement, nos modélisations économétriques apportent des éclairages concernant leur rôle sur le déroulement des parcours de VAE, et en particulier sur les risques d’abandon en cours de procédure. Le tableau n°4 confirme qu’une fois les impacts des caractéristiques individuelles et des caractéristiques des projets VAE observables contrôlés, les prestations d’accompagnement restent significativement associées à un moindre risque d’abandon. En effet, les modèles 1A et 1B montrent qu’à profils et projets équivalents, les candidats qui n’ont pas bénéficié de prestations d’accompagnement ont une probabilité d’abandonner beaucoup plus élevée que ceux en ayant bénéficié (+19 points). Or, cette diminution du risque d’abandon est d’ampleur similaire quel que soit l’organisme fournissant les prestations d’accompagnement (cabinet privé, employeur, organisme de formation ou centre académique) : dans le modèle 1C, les coefficients associés aux types d’accompagnateurs sont tous statistiquement significatifs par rapport à la référence (la situation de non-accompagnement), mais les écarts entre eux ne le sont pas. En outre, dans le modèle 1B, les termes d’interaction entre prestations d’accompagnement et niveau de diplôme visé ne sont pas non plus statistiquement significatifs. Par conséquent, les prestations d’accompagnement jouent de manière identique sur les risques d’abandon quel que soit le niveau de diplôme visé, contrairement à l’aide reçue pour le choix de sa certification, plus bénéfique pour les diplômes élevés.
58Pour les candidats qui sont passés devant le jury et qui ont obtenu une décision vis-à-vis de leur validation, il est plus difficile de mettre en évidence un effet positif des prestations d’accompagnement sur les chances de réussite et sur la durée de la procédure, en raison d’un manque de puissance statistique (modèles 2A et 3A). En effet, seulement 2,5 % des candidats qui ont mené leur démarche à leur terme n’ont pas bénéficié de prestations d’accompagnement. Toutefois, les modèles 2B et 3B nous permettent d’affirmer que la longueur de la procédure et les chances de validation totale ne varient pas selon l’organisme en charge des prestations d’accompagnement (cabinet privé, centre académique, employeur, organisme de formation) [8]. En revanche, le modèle 2C indique qu’il serait plus pertinent de faire intervenir l’accompagnement au moment de la préparation à l’entretien qu’aux autres étapes. La probabilité d’obtenir une validation totale est accrue de 5 points lorsque le candidat bénéficie de prestations à une telle étape. En outre, un accompagnement pour la préparation à l’entretien diminue significativement le délai entre l’inscription en VAE et la décision rendue par le jury (modèle 3C) : - 2,6 mois, en moyenne. D’ailleurs, le fait d’être accompagné en amont de l’étape de recevabilité, c’est-à-dire soit au moment d’un diagnostic de compétences, soit de la constitution du livret 1, réduit aussi la longueur de la procédure. A contrario, les candidats qui sont aidés pour l’élaboration de leur dossier de preuve (livret 2) ont des démarches qui durent plus longtemps.
59En résumé, pour l’ensemble des bénéficiaires d’un congé VAE, l’accompagnement, et ce, quel que soit l’organisme qui en a la charge, semble associé à une forte réduction des abandons lors des démarches de VAE. Toutefois, notre analyse descriptive et non causale ne nous permet pas de conclure définitivement que les prestations d’accompagnement sont de forts atouts pour endiguer les abandons. L’effet propre des prestations pourrait être moindre que celui quantifié dans cette étude car une partie du résultat observé pourrait être attribuable à des mécanismes de sélection. En effet, il se pourrait que les personnes les plus motivées sollicitent davantage un accompagnement et abandonnent moins fréquemment, non pas parce qu’elles ont été accompagnées, mais parce qu’elles sont plus motivées. La causalité pourrait aussi se trouver inversée, les candidats ayant abandonné tôt n’ayant pas eu le temps d’être accompagné pour la rédaction de leur dossier de preuve ou la préparation de leur entretien devant le jury. Les conseils des centres académiques lors du choix de la certification à viser semblent eux primordiaux pour diminuer les abandons parmi les candidats souhaitant valider un diplôme équivalent à un niveau licence ou master. Parmi les salariés allant au bout de leur démarche, les prestations d’accompagnement réduisent la durée de la procédure, comme l’avait déjà suggéré l’étude de Havet [2014], sauf si elles sont axées sur l’élaboration du livret 2. Nous pouvons suspecter que, comme une très grande majorité (80 %) des bénéficiaires d’un congé de VAE a été accompagnée à cette étape, les prestations prennent davantage la forme de réunions/ateliers méthodologiques que d’entretiens individuels, par rapport aux aides reçues aux autres moments de la procédure. Or, si l’accompagnement est en partie collectif, il impose une logistique et des calendriers peu modifiables qui peuvent ralentir l’avancement de la rédaction des salariés les plus motivés. Toutefois, si les candidats peuvent bénéficier d’un accompagnement aux autres étapes et notamment pour préparer leur entretien, ce laps de temps supplémentaire est plus que rattrapé. Ainsi, les initiatives permettant d’apporter un soutien tout au long du parcours de VAE sont à favoriser.
60Puisque l’exigence de certification se généralise à tous les métiers, la Validation des acquis de l’expérience (VAE), telle qu’instituée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, devait constituer une réelle opportunité pour les adultes n’ayant pas eu la possibilité d’obtenir un diplôme en formation initiale ou n’ayant pas le temps nécessaire pour suivre un cursus complet de formation continue. La VAE met en effet l’expérience professionnelle sur un pied d’égalité avec la formation initiale, la formation continue et la formation en alternance. L’objectif affiché de la VAE par le législateur était double : d’une part, les actifs concernés, et notamment ceux aux parcours professionnels les plus chaotiques, pourraient espérer une amélioration de leurs perspectives de carrières, et d’autre part, les entreprises pourraient plus aisément identifier les compétences des candidats dans un emploi et être ainsi plus réactives et efficaces dans un monde professionnel aux changements technologiques et réglementaires permanents.
61Toutefois, les premiers rapports d’évaluation du dispositif de VAE ont mis en exergue que la complexité et la longueur de la procédure ainsi que le faible taux d’accompagnement des candidats étaient les maillons faibles du dispositif (Kogut-Kubiak et al. [2006] ; Besson [2008] ; Chastel et al. [2016]). C’est pourquoi, notre étude s’est focalisée sur la question des abandons, souvent cités comme conséquence directe de la complexité de la procédure et sur le rôle que pouvaient jouer les prestations d’accompagnement tout au long de la démarche. Notre article propose de répondre à cette problématique grâce à une étude quantitative originale sur les salariés, bénéficiaires d’un congé VAE dans le secteur de l’économie sociale, de l’habitat et de la protection sociale, secteur très dynamique dans la mise en place des VAE. De nombreux candidats à une certification dans ce champ professionnel sont issus du secteur public et associatif et font déjà office de « faisant-fonction », la certification étant une obligation pour continuer dans l’emploi en raison de nouvelles réglementations.
62Notre étude met en évidence que, parmi ces salariés, les caractéristiques du projet VAE et les prestations d’accompagnement sont les plus décisives pour les risques d’abandon. En particulier, la probabilité d’abandonner en cours de démarche VAE est plus élevée si la logique d’accès est une réorientation professionnelle et elle est croissante avec le niveau de diplôme visé. Or, pour les candidats souhaitant valider un diplôme de niveau licence ou supérieur (niveau I et II), un levier pour réduire leurs forts risques d’abandon est de les aider à se rapprocher des centres académiques pour qu’ils soient le plus efficacement conseillés dans leur choix de certification. En outre, quel que soit le niveau de diplôme visé, les prestations d’accompagnement diminuent de façon importante les risques d’abandon. On peut noter un écart d’environ 20 points dans les taux d’abandon entre les salariés n’ayant pas bénéficié d’accompagnement et leurs homologues en ayant bénéficié. Notre étude quantitative conforte ainsi les résultats, de nature qualitative, de multiples enquêtes régionales.
63L’impact des prestations d’accompagnement est moins marqué sur les chances de réussite et sur la durée de la procédure. Néanmoins, il ressort qu’il ne faudrait pas sous-estimer le rôle et les bénéfices associés à un accompagnement destiné à préparer l’entretien, alors qu’actuellement l’accompagnement concerne majoritairement l’étape de l’élaboration du dossier de preuve. Ce type d’accompagnement accroît en effet significativement les chances de validation totale de la certification visée, tout en diminuant la durée totale de la procédure. Nos résultats sont dans la lignée de ceux de Havet [2014], qui avait mis en évidence un effet important de l’accompagnement (au sens large) sur la durée de la procédure et un impact positif mais plus modéré sur les chances de validation totale. Il faut néanmoins garder en tête que la population considérée dans cette précédente étude n’était pas la même que dans notre article. Havet [2014] s’intéressait à tous les candidats à la VAE de la région Rhône-Alpes, qu’ils soient chômeurs ou salariés, sans forcément que ces derniers bénéficient d’un congé VAE. Or, parmi les bénéficiaires d’un congé de VAE, une très grande majorité bénéficie de prestations d’accompagnement car il est associé à ce congé un financement partiel ou total pour prendre en charge les coûts supportés, dont ceux de l’accompagnement. Ainsi, en étant salarié et en mobilisant ce congé VAE, ils sont déjà dans un cadre plus propice à la réussite de leur VAE. Néanmoins, même pour cette population avec un environnement et un encadrement favorable aux démarches de VAE, le fait d’être accompagné reste un véritable atout, notamment pour éviter de se décourager et abandonner la procédure avant qu’elle porte ses fruits.
64Une étude quantitative similaire, s’intéressant simultanément à la question de l’abandon et du rôle de l’accompagnement, mériterait d’être répliquée sur une population de demandeurs d’emploi car il est fort probable que l’effet des prestations d’accompagnement et de l’orientation dans le choix de la certification à viser soit plus fort en raison de leur plus grand éloignement du marché du travail et de l’accès à un ensemble d’informations relatives à la VAE que relaient les employeurs au sein de leur entreprise. En outre, la nature des prestations d’accompagnement la plus efficace pour accroître les chances de validation totale ou diminuer la longueur de la procédure pourrait être davantage celle axée sur l’élaboration du livret 2 que sur la préparation à l’entretien. Nous pouvons imaginer que le travail réflexif et la phase d’explication de l’expérience ainsi que la mise en concordance des compétences avec le référentiel de certifications est plus complexe pour les demandeurs d’emploi, qui bénéficient, à âge équivalent, d’une expérience et d’une ancienneté moyenne plus faibles que les salariés et qui s’engagent dans leur démarche de VAE de manière plus isolée avec des logiques d’accès différentes. Ces recherches complémentaires permettraient de faire des préconisations précises sur le type d’accompagnement à proposer en fonction des différentes populations cibles.
Les 10 certifications les plus demandées par les candidats à la VAE
Les 10 certifications les plus demandées par les candidats à la VAE
Légende : DEAVS : diplôme d’État d’auxiliaire de vie sociale ; DE Prof MUSIQUE : diplôme d’État de professeur de musique ; ADVF : diplôme d’auxiliaire de vie familiale ; DEAS : diplôme professionnel d’aide-soignante ; DEAP : diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture ; DEEJE : diplôme d’État d’éducateur jeunes enfants ; CAFERUIS : Certificat d’aptitude aux fonctions encadrement et responsable d’unités d’intervention sociales ; DE AMP : diplôme d’État d’aide médico-psychologique ; BPJEPS : brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport ; DE ED SPE : diplôme d’État d’éducateur spécialisé.Bibliographie
Références
- N. Beaupère et G. Podevin [2012] : Pour un accompagnement global des parcours de VAE, Bref-Céreq, 302, pp. 1-4.
- E. Besson [2008] : Valoriser l’acquis de l’expérience : une évaluation du dispositif de VAE, Rapport au Premier ministre du secrétariat d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique, septembre, 76 p.
- C. Bonaïti [2008] : Le parcours des candidats à la validation par les acquis de l’expérience des titres et diplômes de niveau V : mieux vaut être accompagné et diplômé pour réussir, Premières synthèses, 34.2, août, Dares.
- A. Branche-Seigeot et C. Ballini [2017] : La validation des acquis de l’expérience en 2015 dans les ministères certificateurs : le nombre de diplômés par la voie de la VAE continue de diminuer, Dares Résultats, 038 (juin), 8 p.
- X. Chastel, I. Menant, P. Le Pivert, P. Santona et P. Sultan [2016] : Évaluation de la politique publique de la validation des acquis de l’expérience, Rapport IGAS n°2016-013R / IGAENR 2016-065, 241 p.
- M. Cleves, W. Gould, R. Guittierrez et Y. Marchenko [2010] : Introduction to Survival Analysis using Stata, Stata Press, College Station Texas, 3ème éd.
- N. Havet [2014] : Le rôle de l’accompagnement dans la réussite des parcours de validation des acquis de l’expérience, Formation-emploi, 125 (janvier-mars), pp. 47-68.
- N. Havet [2015] : Les bénéficiaires de la validation des acquis de l’expérience : l’exemple de la région Rhône-Alpes, Revue économique, 66(6), pp. 1131-1158.
- C. Labruyère, J. Paddeu, A. Savoyant, J. Tessier et B. Rivoire [2002] : La validation des acquis professionnels : bilans des pratiques actuelles, enjeux pour les dispositifs futurs, Bref-Céreq, 185, pp. 1-4.
- C. Labruyère [2006] : La VAE, quels candidats pour quels diplômes, Bref-Céreq, 230, pp.1-6.
- C. Labruyère, N. Quintero et A. Delanoë [2009] : Des candidats inégalement soutenus dans leur démarche de VAE, Bref-Céreq, 263 (avril), pp. 1-4.
- Z. Legrand [2014] : La VAE en 2012 dans les ministères certificateurs, Dares-analyses, 002 (janvier), pp. 1-8.
- E. Personnaz, N. Quintero et F. Séchaud [2005] : Parcours de VAE, des itinéraires complexes, longs, à l’issue incertaine, Bref-Céreq, 224 (novembre), pp. 1-5.
- P. Werquin [2010] : Recognising Non-Formal and Informal Learning : Outcomes, Policies and Practices, OECD Publishing, Paris, 91 p.
- P. Werquin et C. Wihak [2011] : Islands of Good Practice : Recognising Non-formal and Informal Learning, in Harris J. (ed.) Researching Recognition of Prior Learning, NIACE, UK.
Notes
-
[1]
Il s’agit du nombre de certifications ministérielles, sachant que les branches professionnelles et les organismes consulaires permettent aussi l’accès à leurs diplômes ou titres professionnels par la VAE.
-
[2]
Niveau V : niveau équivalent aux CAP et BEP de l’Éducation nationale.
-
[3]
En France, les demandeurs d’emploi représentent environ 25 % de l’ensemble des candidats à la VAE.
-
[4]
Il n’a pas pu être vérifié si la non-réponse était corrélée à l’abandon ou au succès de validation car ces informations n’étaient pas disponibles dans la base de données exhaustive d’Uniformation.
-
[5]
Cette condition a changé au 1er octobre 2017 et est passée de 3 à 1 an, que l’activité soit exercée de façon continue ou non.
-
[6]
Pour plus de détails, voir Cleves et al. [2010].
-
[7]
Toutefois, le modèle gamma généralisé donne des résultats très similaires à ceux du modèle log-logistique, en termes de variables significatives et d’ampleur des effets.
-
[8]
Pour tester la robustesse de ce résultat, nous avons réestimé les modèles 2B et 3B en enlevant les candidats qui n’avaient pas bénéficié de prestations d’accompagnement. Les résultats sont alors inchangés pour les variables caractérisant l’organisme en charge des prestations d’accompagnement. Aucune n’est significative, indiquant qu’à profils et projets équivalents, les chances de validation totale et les délais entre la date d’inscription et le passage en jury sont identiques quel que soit l’organisme ayant offert l’accompagnement.