Notes
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[1]
Notons que le terme diversification n’a pas exactement le même sens dans la théorie usuelle de l’assurance et dans la théorie financière. Contrairement à la théorie de l’assurance, la théorie financière tend à analyser l’ensemble des risques existants et considère un risque comme non diversifiable s’il est impossible d’obtenir une diversification en appliquant la loi des grands nombres non pas à ce seul risque mais à la combinaison de ce risque avec d’autres types de risques (non corrélés ou corrélés négativement).
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[2]
Arrow et Borch sont les premiers à avoir mis en évidence la distinction entre risque diversifiable et risque systématique indiversifiable
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[3]
Sur quel critère s’effectue la prise de décision dans un univers risqué ? Comme chacun sait, la réponse a été formalisée par Von Neumann & Morgenstern et consiste à considérer une « utilité morale » des montants, i.e. à calculer une espérance d’utilité prenant en considération l’aversion au risque de chaque agent. Cependant, la réponse conceptuelle avait d’ores et déjà été apportée par Bernoulli et critiquée par ses contemporains comme l’illustre le débat entre d’Alembert et Bernoulli sur l’inoculation de la petite vérole (variole), ancêtre de la vaccination. Les arguments avancés par d’Alembert remettant en cause le critère d’espérance d’utilité sont ceux utilisés aujourd’hui par les économistes tenants de l’approche existentielle dont les travaux tendent à établir une formalisation mathématique rigoureuse. Pour une synthèse très détaillée du débat historique et des travaux des tenants de l’approche existentielle, voir l’article de Masson [2010 a]).
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[4]
A l’instar de Gary Becker, Merton Miller ou André Masson, sans nier les apports incontestables de ce courant, nous pensons que cette approche tend à aboutir à une simple description des comportements sans réel pouvoir explicatif. L’approche existentielle tend d’ailleurs à montrer qu’à de nombreuses reprises ce courant taxe à tort d’irrationnels ou d’incompétents des sujets qui ne le sont pas forcément (Masson [2010 a,b]).
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[5]
Brown et Orszag [2006] ont effectué, sur la base du modèle du CBO, 5000 simulations de Monte-Carlo sur des hommes de 65 ans acquérant une assurance en 2006.
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[6]
L’ensemble de ces résultats est obtenu sous l’hypothèse de taux d’intérêt à 3%. Evidemment, si l’hypothèse de taux plus élevés est posée, le chargement de la prime sera moins important (et inversement).
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[7]
Pour les tenants d’un monde déterministe, concernant le risque de longévité, le rôle des facteurs génétiques, du style de vie ou encore l’existence éventuelle d’une limite à la longévité humaine pourront peut-être un jour permettre de déterminer précisément l’espérance de vie des individus rendant ce risque inassurable. La même problématique se présentera si l’on améliore un jour notre capacité à prévoir les catastrophes naturelles.
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[8]
A noter que la distinction entre risque et incertitude définie par Keynes et Knight est souvent abandonnée ou modifiée. Certains auteurs assimilent risque et incertitude ; d’autres, les plus nombreux, différencient l’incertitude du risque par l’incapacité à affecter des probabilités aux possibles états de la nature ; enfin, d’autres encore, tels que J.J. Laffont, qualifient de situation d’incertitude des situations de risque dans lequelles les individus ne sont même pas en mesure de décrire le champ des possibles.
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[9]
Ce point reste encore très discuté (Brown, [2008]), mais nous le prendrons comme hypothèse de travail.
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[10]
Un agent manifeste de l’aversion à l’ambigüité, si pour un même gain il préfère parier sur un événement dont la probabilité p est précisément connue plutôt que sur un événement dont la probabilité [p-e, p+e] est imprécise.
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[11]
L’hypothèse d’un comportement systématique d’aversion à l’ambiguïté est aujourd’hui critiqué (Cabantous et Hilton, [2006])
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[12]
d’Albis et Thibault [2008] interprètent l’aversion à l’ambiguïté pour des probabilités de survie incertaines comme découlant d’une impossibilité pour l’individu de les connaître. L’approche existentielle (Masson, [2010 a,b]) enrichit cette interprétation en y ajoutant la possibilité que l’individu ait la volonté de ne pas connaître ses probabilités de survie. Mais, surtout, comme le montrent les limites interprétatives du modèle développé par Kopczuk et Slemrod [2005], l’approche existentielle tend à mettre en évidence l’importance de prendre en considération la diversité des attitudes rationnelles face à la mort, mise en lumière par l’ensemble de la philosophie, qui pourrait expliquer notamment l’hétérogénéité des comportements d’épargne observés.
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[13]
Selon les hypothèses de la théorie standard, l’individu a un point de vue objectif et permanent sur sa propre existence pour prendre ses décisions.
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[14]
Les individus dotés d’une forte impatience à court terme sont conduits à déprécier fortement le futur proche par rapport au présent.
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[15]
L’aversion à la durée de vie traduit le fait qu’à même espérance de vie, l’individu préfère un moindre aléa. Cette vision est critiquée par ceux qui mettent en avant que l’incertitude sur la date de la mort est essentielle : elle constitue le « sel de l’existence ». Cependant, il apparaît que la préférence pour le présent et donc le désir de consommer aujourd’hui augmentent lorsque l’aléa sur la durée de vie, c’est-à-dire le risque d’une mort prématurée, s’accentue. Peut-être l’orthogonalisation des lois de survie est-elle à l’origine de l’intérêt grandissant pour la retraite ?
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[16]
Les tables homologuées sont les tables prospectives par génération de la population masculine et féminine établies par l’Insee.
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[17]
Mahieu et Sédillot [2000] estiment à 25% la part de la population pratiquant une autosélection du fait d’une tarification paraissant trop élevée.
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[18]
D’autres réponses peuvent être apportées à cette question. En particulier, la théorie moderne des finances d’entreprise met en évidence que d’importantes réserves financières peuvent à la fois être la cause d’inefficacités managériales (moindre attention car moins de risque) et attirer l’intérêt de « raiders » malveillants.
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[19]
Les périodes successives d’inflation ont notamment ruiné de nombreux agriculteurs qui finançaient leurs vieux jours en vendant leurs biens en viager
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[20]
Le travail des enfants de moins de 9 ans était autorisé en France jusqu’au milieu du XIXème siècle.
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[21]
Notons que si l’existence de retraites publiques élevées est évoquée dans la littérature comme facteur limitant la diffusion des rentes viagères, le cas de la France est tout à fait exceptionnel par le niveau élevé de la couverture.
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[22]
Au niveau budgétaire, l’impôt est équivalent à la dette selon le principe d’équivalence Ricardienne (Barro [1974]).
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[23]
Selon les études menées en comptabilité intergénérationnelle, les générations présentes ont d’ores et déjà trop transféré aux générations futures.
1L’espérance de vie à la naissance augmente et ce phénomène quasi-universel est très marqué. En particulier, en France, on observe une progression de près d’un trimestre par an depuis 1960 et, si les tendances de la mortalité par âge des quinze dernières années se poursuivaient, l’espérance de vie à la naissance pourrait dépasser 90 ans à la fin du siècle (Meslé et Vallin [2002]). Cette évolution induit un vieillissement de la population qui accroît la part de la population susceptible de survivre à ses ressources et qui, plus encore, expose les Etats et l’ensemble des institutions à un risque viager d’une ampleur potentielle très élevée. En effet, ce phénomène de masse est accentué par la taille de la génération du baby-boom qui bénéficie collectivement des progrès sanitaires. Par conséquent, l’enjeu est celui de la gestion optimale de ce risque social.
2Nous savons depuis Arrow [1965], Borch [1990] et Aase [1993] que le transfert de risque augmente le bien-être social jusqu’à atteindre une répartition Pareto-optimale des risques en termes de bien-être. Cette règle générale s’applique en particulier au risque de longévité. En se constituant une épargne convertible en rente viagère pour couvrir ses besoins en fin de vie, l’individu transfère son risque de longévité au marché, transfert qui peut améliorer le bien-être social et individuel, comme l’ont montré Brown et Orzag [2006]. Le développement par le marché de divers produits financiers ou d’assurance qualifiés de « viager » nous oblige à préciser ici que, dans cet article, le terme de « rente viagère » est employé dans sa signification première, i.e. « rente versée jusqu’au décès du bénéficiaire », le terme « viager » tirant son origine du mot « viage », qui signifiait en vieux français « temps de vie ». La connaissance des caractéristiques du risque de longévité et des freins à son assurabilité pourrait donc accroître le bien-être collectif et individuel dans nos sociétés. En effet, hors régimes de retraite obligatoire et assurances retraite complémentaire collective à l’initiative de l’employeur, le marché de la rente viagère, purement privé et volontaire, est très peu développé aujourd’hui en Europe comme aux Etats-Unis. Cette observation s’oppose à la théorie du cycle de vie qui prédit que la transformation de l’épargne en rente viagère constitue une stratégie optimale en termes de bien-être. En effet, sur la base d’un modèle simple de cycle de vie avec incertitude sur la date de décès, en présence de marchés parfaits et complets, sans motif de transmission, Yaari [1965] montre qu’il est optimal de transformer la totalité de son capital accumulé en rente viagère si celle-ci est calculée de façon actuariellement neutre. Brown, Mitchell et Poterba [2001] estiment que l’accès à un marché de la rente viagère actuariellement neutre équivaut à une augmentation de 50% de la richesse, pour un homme de 65 ans, averse au risque, ayant une espérance de vie correspondant à la moyenne de la population des Etats-Unis. Aussi, différents travaux tendent à expliciter le surcroît d’utilité procuré par une rente plutôt que par un capital dont le montant serait actuariellement équivalent (Mitchell, Poterba et Warshawsky [1997]). Même en introduisant un motif d’héritage, la transformation du capital en rente viagère, hors part destinée à la transmission, reste la stratégie optimale (Modigliani [1986]). Il en est de même en introduisant un chargement de la prime découlant des imperfections de marchés (Davidoff, Brown et Diamond [2005]) et, encore, en combinant une protection préexistante que garantit la retraite publique (Masson [2004]). Selon la théorie du cycle de vie, convertir une part de son épargne en rente viagère demeure une stratégie optimale : la rente offre un rendement supérieur aux placements traditionnels en raison de la mutualisation « unique » des risques de mortalité qu’elle permet (Masson [2010 b]). Aussi, les causes du développement quasi inexistant du marché privé des rentes viagères ne sont pas évidentes. Les courants de pensée de la théorie de la décision remettant en question le processus de décision basé sur le critère de l’espérance d’utilité, combinés aux analyses traditionnelles des défaillances du marché de la rente viagère, semblent cependant pouvoir offrir des explications convaincantes.
3Dans cette étude, après avoir défini le risque de longévité et la notion d’assurabilité, nous nous emploierons à identifier les différents déterminants de l’inassurabilité du risque de longévité, à mettre en évidence leurs interactions, avant d’établir quelques pistes de réflexion quant aux modes de gestion du risque de longévité, et en particulier de financement, les plus adaptés.
Le risque de longévité
4La littérature académique sur le risque de longévité montre que les différents auteurs ne considèrent pas toujours la même définition du risque de longévité et des risques associés tels que le risque de mortalité ou de dépendance. Généralement, on définit le risque de longévité comme étant l’incertitude par rapport à l’âge du décès d’un individu donné. Il a deux composantes : l’une individuelle, spécifique ou idiosyncratique ; l’autre agrégée, systématique ou systémique. La composante individuelle découle de l’impossibilité de prévoir la date de décès d’un individu ; la composante globale reflète l’incapacité à déterminer la durée de vie d’une cohorte de population entière.
5Il est important de noter que le risque de longévité est distinct du risque de dépendance, risque relevant de la branche santé, et ce même si on peut présumer d’une certaine corrélation entre le risque de dépendance et le risque de longévité, présomption qui reste cependant aujourd’hui très discutée (Lakdawalla et Philipson [2002] ; Butler [2008] ; Vaupel [2010]). En revanche, on considère généralement dans la littérature, le risque de longévité comme étant une des deux formes du risque de mortalité qui comprend une composante de court terme, le risque de mortalité catastrophique, soit le risque que le taux de mortalité soit plus important que le taux attendu à court terme et une composante de long terme, le risque de longévité.
6Cette étude porte sur le risque de longévité idiosyncratique, défini ici comme le risque que l’espérance de vie d’un individu dévie de sa valeur attendue à un âge donné, au-delà d’un horizon de temps donné et, surtout, sur le risque systémique de longévité défini ici comme le risque que la mortalité agrégée d’une population de référence spécifique dévie, à long terme, de sa valeur attendue à un âge donné, au-delà d’un horizon de temps donné. Aussi, le risque de longévité est-il ici différencié du risque de l’augmentation du taux de survie à la naissance et lors de la première année de vie.
7Finalement, le risque de longévité comme défini ci-avant, n’est autre que le risque viager, risque porté par les individus, les institutions de retraite, les compagnies d’assurance, les organismes de protection sociale et l’Etat.
L’assurabilité des risques
8La conception actuarielle des limites de l’assurabilité définit un risque assurable comme un risque auquel peut s’appliquer la loi des grands nombres. Dans ce cas, le risque est diversifiable, au sens de l’assurance [1], et disparaît complètement si l’assureur est capable de se constituer une mutualité suffisamment grande ; au contraire, un risque indiversifiable [2] ne disparait pas par mutualisation et, de ce fait, est difficilement assurable. Cependant, cette conception actuarielle des limites de l’assurabilité n’est pas satisfaisante : il existe des risques assurés alors que la loi des grands nombres est non applicable, l’assurance spatiale en est un exemple, et inversement, il existe des risques pour lesquels la loi des grands nombres est applicable qui ne sont pas assurés, tel que le risque de divorce. Il apparaît ici que l’assurabilité d’un risque correspond à une réalité simple : un risque est assurable s’il peut être transféré sur le marché. Pour se faire, il faut que l’acheteur de la couverture soit prêt à payer un prix plus important que le prix minimum auquel le vendeur est prêt à vendre. Aussi, un risque inassurable peut-il être défini comme un risque ne pouvant faire l’objet d’aucun échange mutuellement avantageux entre deux agents économiques. Sur cette base, on différencie une inassurabilité totale, cas dans lequel il n’y a strictement aucun transfert de risque, d’une inassurabilité partielle, cas dans lequel l’échange entre les parties ne porte que sur une part du risque.
9Il n’existe pas de théorie unifiée traitant de l’assurabilité des risques. Cependant, il existe une vaste littérature d’analyse économique tendant à mettre en évidence les déterminants de l’inassurabilité des risques. Le courant principal repose sur la critique des hypothèses du modèle économique standard d’échanges de risques, introduit par Arrow [1953] et Borch [1962], qui établit que la concurrence parfaite sur les marchés d’assurance engendre une allocation des risques Pareto-efficace dans l’économie. Ce résultat implique notamment que tous les risques sont transférés sur les marchés ; tous les risques diversifiables sont éliminés au moyen d’accords mutuels ; le risque systématique est porté par les agents ayant un avantage comparatif dans la gestion des risques. L’observation ne confirme pas ces conclusions ce qui peut s’expliquer par les entorses faites à la réalité par les hypothèses du modèle. Aussi, les travaux qui traitent des facteurs d’inassurabilité vont de la critique simple de l’hypothèse de concurrence pure et parfaite entre agents parfaitement informés à la remise en cause même du critère d’utilité espérée, développé par Bernoulli [1738] et formalisé par Von Neumann et Morgenstern [1944] [3]. Nombre des facteurs d’inassurabilité identifiés par les critiques de la théorie standard d’échanges de risques concernent le risque de longévité.
Particularité de l’inassurabilité du risque de longévité
10Pour les individus, le risque de longévité, risque de survivre à ses ressources, peut être couvert par la constitution d’une épargne de long terme avec sortie en rente viagère. Une des particularités de l’assurance du risque de longévité est donc qu’elle prend la forme d’une épargne de long terme. Les déterminants de l’épargne de long terme sont le motif de précaution à long terme, le motif de prévoyance et le motif de transmission. La rente viagère répond au motif de précaution et de prévoyance mais pas à celui de transmission. L’achat d’une rente viagère peut alors être perçu comme un refus de transmettre à ses enfants et avoir une connotation antifamiliale. Nous supposerons que ce résultat est vrai même si la littérature a des difficultés à formellement le démontrer (Brown [2001 a,b]). La théorie économique fournit d’autres éléments d’explication à la demande quasi nulle d’assurances du risque de longévité et notamment de rentes viagères, découlant de l’analyse des « anomalies » des comportements d’épargne observées par rapport aux prédictions du modèle standard de la théorie du cycle de vie. Deux courants de pensée distincts, s’inscrivant dans la théorie de la décision, suggèrent que les approches basées sur l’espérance d’utilité échouent à décrire le processus de décision. La psycho-économie, ou approche comportementaliste, aboutit à des explications portant sur les limites de la rationalité des agents économiques (Laibson [1997]) ou, tout au moins, sur une rationalité autre que standard (Kahneman et Tversky [1979]). Impatience à court terme poussant à une consommation immédiate excessive, aversion à la perte se traduisant par une évaluation différente des gains et des pertes en termes d’utilité, préférence pour la flexibilité conduisant à opter pour des stratégies non optimales mais réversibles et altruisme tempéré motivant le désir de transmission sont des éléments expliquant en partie la rationalité pratique des épargnants, notamment français (Masson [2010 a]). L’approche existentielle (Masson [2010 a,b]) s’appuyant sur le contexte situationnel et la subjectivité humaine, notamment les projets en cours, les ruptures qui jalonnent l’existence et l’attitude spécifique de chaque individu par rapport à sa propre mort, offre un autre cadre d’analyse apportant de nouveaux éléments d’explication aux comportements d’épargne observés tout en réhabilitant la rationalité des épargnants.
11Dans cet article, nous nous intéressons aux déterminants de l’inassurabilité du risque de longévité découlant des caractéristiques du risque, des imperfections des marchés, d’éléments propres aux individus et de leurs combinaisons et qui nous offrent des éclairages pour identifier les modes les plus adéquats de gestion et de financement du risque de longévité. Nous faisons le choix de ne pas exposer en détail les développements multiples de la psycho-économie aboutissant à une profonde remise en cause de la rationalité des épargnants, la raison principale tenant au fait que ces études aboutissent à une conclusion unique : l’amélioration de l’information et de l’éducation financières [4]. Sur la base de notre analyse, des pistes de réflexions pour améliorer l’assurabilité du risque de longévité pourront être dégagées.
Les caractéristiques du risque de longévité
Un risque comportant une composante systémique
12Le risque de longévité comprend une part systémique. Il s’agit du risque que la mortalité agrégée de la population de référence spécifique dévie, à long terme, de sa valeur attendue à un âge et au-delà d’un horizon de temps donné. Le risque systémique de longévité est non diversifiable au sens de l’assurance contrairement au risque de longévité individuel qui peut être aisément éliminé par mutualisation au sein d’un portefeuille bien diversifié comme le prédit la loi des grands nombres. En outre, selon le FMI, les capacités des compagnies d’assurance, des fonds de pension, comme des caisses de retraite en répartition sont insuffisantes pour couvrir le risque de longévité. En d’autres termes, le risque de longévité augmenterait le risque d’insolvabilité des institutions qui le portent.
13Le risque de longévité est donc partiellement « indiversifiable » et « de forte ampleur » au même titre qu’un risque de catastrophes naturelles. Dans ce cas précis, l’assureur n’accepte de couvrir le risque qu’en le tarifant bien au-delà de sa valeur actuarielle ce qui pousse le souscripteur à acquérir une assurance partielle (Mossin [1968] ; Raviv [1979]). Plus la prime sera chargée, moins la couverture demandée sera complète. Différents travaux ont été menés, reposant sur différents modèles de mortalité qui montrent l’existence d’une surprime pour la couverture du risque de longévité. Selon les travaux menés par Friedberg et Webb [2006] sur la base d’un modèle de mortalité de Lee-Carter, un assureur qui souhaiterait réduire sa probabilité d’insolvabilité découlant de son risque de longévité systémique respectivement à 1% et 5% devrait charger ses prix respectivement de 5% à 3.7%. Selon les travaux menés par Brown et Orszag [2006] sur la base du modèle développé par le Congressional Budget Office (CBO) [5], l’espérance de valeur actuelle moyenne du paiement d’une annuité de 1$ par an est de 12.59 $. Elle ne dépasse pas 13.96 $ dans 99 % des cas et 13.53 $ dans 95 % des cas, soit un chargement de la prime respectivement de près de 11 % et 7.5% [6]. Des études antérieures telles que celle de Brown, Mitchell et Poterba [2001] basées sur des méthodologies différentes donnent des résultats similaires. Cependant, ces résultats restent à considérer avec prudence car l’espérance de vie est un risque peu compris : les experts semblent généralement avoir tendance à le sous-estimer à l’instar des professionnels qui se basent sur des tables de mortalité parfois obsolètes (Mahieu et Sédillot [2000] ; Leppisaari [2008]). Dans ce sens, un modèle de prévision du taux de mortalité développé récemment, a montré que les personnes vivraient plus longtemps, la longévité augmenterait beaucoup plus rapidement et l’espérance de vie à venir présenterait des incertitudes bien plus considérables que ne le décrivent les modèles habituellement usités (Dowd, Blake et Cairns [2010]). Pour illustration, bien que l’espérance de vie d’un homme britannique âgée de 65 ans en 2027 soit estimée actuellement à 22 années, il y a 10 % de risque qu’elle dépasse en réalité les 25 ans. Aussi, Dowd, Blake et Cairns [2010] estiment-ils qu’un allongement d’un an de la durée de la vie accentue d’environ 3 à 4% les passifs des plans de retraite. Finalement, il apparaît clairement que le modèle de mortalité utilisé pour l’estimation de l’impact du risque systémique de longévité influence fortement les résultats, à l’instar des conclusions des travaux de Leppisaari [2008].
Un risque à la distribution de probabilité ambiguë
14Un autre élément d’inassurabilité est mis en évidence : plus que la part systémique du risque, l’ambiguïté apparaît comme un obstacle au développement du risque de longévité. Dans son acception générale, le terme « ambiguïté » fait référence à un manque de clarté d’un énoncé ou d’une situation. Cependant, depuis l’article d’Ellsberg [1961], le terme d’ambiguïté fait précisément référence, en économie, à l’ambiguïté des probabilités. Or, pour qu’un risque soit assurable, il est nécessaire de déterminer sa distribution de probabilité : le niveau des connaissances scientifiques et des informations historiques sur un risque ainsi que la dimension d’incertitude de son environnement déterminent en partie la possibilité ou non de l’assurer. On distingue trois cas de figure : le risque, le risque réalisé, le risque ambigu. Lorsque l’information est suffisante, la distribution de probabilités est établie de manière objective. A l’extrême, si le niveau de connaissances est tel que l’on peut prévoir le risque, sa date de survenance, son ampleur, etc., on se trouve en situation d’un risque réalisé, non assurable par définition (Hirshleifer [1971]). Peut-être à l’avenir serons-nous dans ce cas de figure concernant le risque de longévité mais aujourd’hui cela n’est pas le cas [7]. A l’opposé, s’il n’est pas possible de déterminer une distribution de probabilité objective, en d’autres termes si les états de la nature et/ou les probabilités associées ne sont pas connus, la distribution de probabilité du risque est qualifiée d’ambigüe. Se pose alors la question de l’assurabilité du risque. Sur un simple plan actuariel, par définition, l’ambiguïté empêche la diversification. Rappelons que pour diversifier un portefeuille, il est nécessaire de le composer de risques suffisamment indépendants, dont la perte potentielle maximale possible n’est pas trop élevée et pour lesquels une fonction de distribution objective peut être évaluée. Ainsi, l’ambiguïté semble limiter l’assurabilité d’abord parce qu’elle rend difficile le recours aux méthodes classiques de calcul actuariel. Concernant le risque de longévité, les connaissances actuelles sont insuffisantes pour cerner pleinement le risque. L’évolution de l’espérance de vie reste une grande inconnue : l’influence de la génétique, des styles de vie est très discutée ; la question d’une limite biologique à la vie humaine reste entière ; l’évolution et l’impact de l’environnement biologique, climatique, économique sur l’espérance de vie sont difficilement estimables. Conséquence concernant le risque de longévité : la prime d’assurance est très dépendante du modèle de mortalité choisi (Leppisaari [2008]).
15Nous sommes donc en présence d’une situation d’incertitude au sens de Keynes [1921] et Knight [1921], une situation où les probabilités ne sont pas connues [8]. La question se pose donc de savoir comment les agents prennent leurs décisions en situation d’incertitude et si un échange de risques mutuellement avantageux est possible dans ce cas. Il est ici important de préciser que le terme « ambiguïté des probabilités » renvoie, dans la littérature, à des définitions relativement différentes (Camerer et Weber [1992]) et, par conséquent, à des opérationnalisations et des protocoles différents (Cabantous et Hilton [2004]). Ici, nous ne détaillons pas les différents modèles, nous nous limitons aux principaux résultats de ce courant de recherche pouvant alimenter notre réflexion.
16Les tenants de la théorie orthodoxe de « l’espérance d’utilité subjective » soutiennent que l’ambiguïté n’est pas un problème. Le modèle de l’espérance d’utilité subjective énonce que, sous certains axiomes relatifs au comportement d’un agent dans un contexte d’incertitude, celui-ci utilise une certaine probabilité de distribution subjective pour estimer son bien-être (Savage [1954]). Dans ce cas, le problème de l’ambigüité peut être contourné si l’assureur et l’assuré ont les mêmes croyances, c’est-à-dire si les probabilités de distribution subjectives de l’assureur et de l’assuré sont identiques. Cependant, même dans ce cadre théorique, si leurs croyances ne sont pas les mêmes, l’effet de l’ambiguïté sur l’assurabilité n’est pas neutre. Quand l’assureur est plus pessimiste que l’assuré, l’assuré peut considérer que l’assureur surestime la gravité de son risque et donc la prime. Dans cette hypothèse, la demande d’assurance est inférieure à celle obtenue dans l’hypothèse de croyances préalables analogues. Dans la littérature, concernant le risque de longévité, il est souvent considéré que les individus ont naturellement tendance à minorer leurs gains d’espérance de vie par rapport aux assureurs mieux informés [9] (Mahieu et Sédillot [2000], Sheshinski [2008]). Assureurs et assurés n’ont donc pas la même perception du risque.
17Une autre explication possible à l’impact de l’ambiguïté sur l’inassurabilité repose sur une théorie issue du paradoxe d’Ellsberg [1961]. Ellsberg remet en cause les prédictions de la théorie de l’espérance d’utilité espérée en mettant en évidence le choix en faveur de « loteries » aux probabilités certaines, ne correspondant à aucun critère d’utilité espérée : l’agent manifeste de l’aversion à l’ambiguïté [10]. Précisément, Ellsberg [1961] énonce que, contrairement à ce que postule Savage [1954], les croyances des décideurs ne sont pas uniques et cohérentes. L’ambiguïté peut ici être interprétée comme l’inverse de la confiance que le décideur a dans son jugement de probabilité et rend compte de la nature incertaine de la situation et des croyances du décideur (Cabantous et Hilton [2006]). De nombreux modèles de la théorie économique de la décision rendent aujourd’hui compte du paradoxe d’Ellsberg [1961] (Camerer et Weber [1992], Gilboa [2004]). Les plus développés à ce jour sont ceux initiés par Schmeidler à la fin des années 1980 (Gilboa et Schmeidler [1989] ; Schmeidler [1989]). Ces modèles, tout en adhérant à la critique d’Ellsberg [1961], renouvellent l’approche économique de l’incertitude fondée sur la théorie subjectiviste des probabilités de Savage [1954]. Ils critiquent le principe selon lequel l’incertitude peut être représentée par une mesure unique et additive de probabilité : le modèle de Gilboa et Schmeidler [1989] considère que les décideurs ont, non pas une croyance c’est-à-dire une distribution subjective unique de probabilités sur les événements possibles, mais un ensemble de croyances c’est-à-dire un ensemble de distributions de probabilités subjectives de second ordre, tandis que le modèle de Schmeidler [1989] considère que les croyances subjectives sur la vraisemblance des événements peuvent être représentées par des probabilités non additives. Plus avant, selon la théorie développée sur la base du modèle de Gilboa et Schmeidler [1989], les individus ont un comportement systématique d’aversion à l’ambiguïté [11] qui les conduit à sélectionner, parmi les distributions de probabilités possibles, celle qui leur est le moins favorable plutôt que la distribution moyenne (modèle du maximin). Face à l’ambiguïté, toute décision est fondée sur une représentation d’un ensemble de probabilités a priori et la maximisation du minimum des espérances d’utilité. Le résultat principal de cette théorie est que, si le degré d’aversion à l’ambiguïté des assureurs est supérieur à celui des assurés, les assureurs fixent le prix du risque à un niveau qui semble excessif à l’assuré. Pour confirmer ce résultat théorique, des séries d’études empiriques ont été réalisées pour déterminer le degré d’aversion à l’ambiguïté des assureurs et mettre en évidence qu’un manque de connaissance sur les risques et les événements assurés peut conduire les assureurs et réassureurs à fixer des primes élevées. Les résultats de ces études tendent à montrer que nombre d’assureurs présente un degré très élevé d’aversion à l’ambiguïté et que cette forte aversion à l’ambiguïté conduit les assureurs à pratiquer des tarifs largement supérieurs à ceux relatifs à des risques clairement spécifiés (Kunreuther, Hogarth et Meszaros [1993] ; Kunreuther, Meszaros, Hogarth et Spranca [1995]). De manière générale, cette surtarification peut expliquer pourquoi tant de risques ambigus ne sont pas assurés de façon efficace. A l’inverse, d’autres études tendent à minimiser l’effet de l’ambiguïté sur la tarification. Froot et Posner [2000] montrent que si le paramètre d’incertitude augmente le rendement exigé par les investisseurs, son effet est dérisoire et, par conséquent, l’ambiguïté des probabilités n’explique pas l’exigence de rendement supplémentaire et donc la limitation des transactions d’assurance.
18Plus récemment, des travaux, prenant en considération l’aversion à l’ambiguïté de l’assuré et non de l’assureur, tendent à confirmer le point de vue d’une limite à l’assurabilité découlant de l’ambiguïté des distributions de probabilités décrivant le risque. Ainsi, concernant le risque de longévité, s’appuyant sur des modélisations opératoires récentes (Klibanoff et al. [2005]) permettant de considérer l’hypothèse où l’agent a une aversion limitée à l’ambiguïté et une connaissance réelle mais limitée de sa probabilité de survie, d’Albis et Thibault [2008], montrent que, pour tout rendement des rentes, même actuariellement neutre, il existe un seuil d’aversion à l’ambiguïté tel que l’individu ne possède pas de rentes viagères au-delà de ce seuil. Ici, l’effet de l’ambiguïté sur l’assurabilité ne découle pas d’un chargement de prime excessif affaiblissant la demande d’assurance mais d’une aversion à l’ambiguïté de l’assuré, variable selon les individus, le conduisant à surestimer sa probabilité de mort précoce et, par conséquent, à privilégier son bien-être à court terme. L’intérêt des travaux menés par d’Albis et Thibault [2008], par rapport à d’autres relevant de l’approche psycho-économique, est d’expliquer l’absence de détention de rentes en conservant l’hypothèse de rationalité des agents grâce à l’introduction du point de vue subjectif de l’épargnant par rapport à sa propre mort, dont la survenue revêt un caractère incertain et endogène [12], se différenciant ainsi du point de vue objectif et permanent de l’assureur, raisonnant sur des grands nombres et des probabilités non ambiguës [13] (Masson [2010 a,b]).
19Concernant le risque de longévité, on met ici en évidence toute la complexité liée au fait que vivre longtemps est d’abord et avant tout un événement favorable à l’assuré. Précédemment, nous avons vu que l’aversion à l’ambiguïté de l’assureur peut empêcher le transfert de risque entre assurés et assureurs du fait d’un niveau de tarification qui peut paraître excessif à l’assuré. En revanche, nous avons vu que, de manière générale, si l’assureur et l’assuré ont le même degré d’aversion à l’ambiguïté, il est souvent considéré qu’aucun problème d’assurance ne devrait se poser car si l’ambiguïté augmente la prime proposée par l’assureur, elle augmente le consentement à payer de l’assuré (Gollier [2005]). Or, concernant le risque de longévité, si l’aversion à l’ambiguïté de l’assureur offrant une assurance viagère le conduit à considérer une espérance de vie de l’assuré plus élevée que la moyenne et donc à augmenter sa tarification, l’aversion à l’ambiguïté de l’assuré le conduit à surestimer son risque de mort précoce et donc, non pas à surestimer, mais à sous-estimer son risque de longévité. Finalement, que l’assureur et/ou l’assuré soit averse à l’ambiguïté, et même dans le cas où les deux ont le même niveau d’aversion à l’ambiguïté, l’assurabilité du risque de longévité est limitée.
Un risque de long terme
20Les risques de long terme s’avèrent souvent difficiles à assurer. Généralement, « la difficulté à établir une garantie à long terme vient de l’option qu’a le souscripteur de résilier le contrat à tout instant » (Gollier [2003]). Ainsi, les assurés se sachant peu exposés au risque, peuvent soumettre l’assureur à la pression de la concurrence et exiger une révision à la baisse de leur cotisation. Dans ce cas, la redistribution générée par la mutualisation des risques est limitée car il n’y a pas d’échange entre risques élevés et risques faibles. L’inefficacité sociale de ce système conduit généralement l’Etat à intervenir, comme en France dans la branche santé par la sécurité sociale. Concernant le risque de longévité, l’option de résiliation du souscripteur est très limitée : les contrats d’assurance existants engagent fermement à long terme chacune des parties, avec peu de possibilités de révisions des termes du contrat. Cependant, ces engagements fermes de long terme ont aussi un effet sur l’assurabilité du risque. Du côté de l’assureur, la composante de long terme accentuera l’impact d’une évolution défavorable du risque. Or, le risque de longévité n’a pas une distribution de probabilité stable dans le temps et celle-ci évolue à un rythme élevé et défavorable à l’assureur depuis plus de deux siècles ! Il est facile d’envisager, de ce point de vue, quelques réticences de la part de l’assureur à s’engager dans ce type de contrat ou son incitation à fortement charger la prime pour compenser l’évolution défavorable anticipée. En résumé, le caractère de long terme du risque de longévité accentue les conséquences négatives, décrites précédemment, du caractère ambigu de la distribution de probabilité. Du côté du souscripteur, l’engagement ferme combiné à la composante de long terme revient à constituer une épargne de long terme qui n’est pas liquide. Or, la possibilité d’une forte impatience à court terme [14] (Kahneman et Tversky [1979]) ou, plus simplement, d’une aversion à la durée de vie [15] (Rotschild et Stiglitz [1970]) peut conduire les individus à souhaiter consommer davantage aujourd’hui pour réduire le risque d’une vie « courte et monotone », c’est-à-dire à faible consommation (Bommier [2008]). Plus simplement, le motif de précaution, la volonté de se constituer une épargne pour faire face aux imprévus, est le premier motif d’épargne. Rappelons que, pendant la période d’activité, les individus encourent un risque de décès assez faible et sont parallèlement confrontés à un risque important de baisse du niveau de leur revenu, découlant notamment des rigidités de l’offre de travail (chômage), ou encore, subissent des fluctuations importantes de leurs dépenses suivant les projets poursuivis (acquisition d’un logement, financement des études des enfants,…).
21L’existence de besoins de consommation ou d’autres risques financiers auxquels sont confrontés les ménages explique en partie la désaffection pour l’assurance du risque de longévité. L’approche existentielle des comportements d’épargne en considérant que les décisions de l’individu partent du présent, de la situation actuelle, des projets du moment fonction de la subjectivité de chacun, et en envisageant une fragmentation de l’horizon décisionnel pouvant impliquer une mobilisation de la totalité des ressources disponibles (emprunt compris) sur le projet en cours, permet d’expliquer en quoi la demande de couverture du risque de longévité peut être nulle (Masson [2010 a,b]). En outre, exposé aux aléas des revenus et des dépenses, risques dans une certaine mesure inévitables et inassurables, l’individu « standard » tempère les risques qu’il contrôle, ce qui peut être interprété comme une augmentation de son aversion au risque (Gollier [2001]). Aussi, dans l’hypothèse d’un horizon décisionnel fragmenté, faisant preuve d’une plus grande aversion au risque dans ce contexte, l’individu a intérêt à se constituer une épargne de précaution dans le but de faire face à ces risques financiers. Caroll [1992] montre d’ailleurs que face aux aléas sur le niveau des revenus et des dépenses, les individus ont intérêt à se constituer une épargne suffisamment liquide. La rente viagère est, de ce point de vue, inadaptée. Plus avant, sous contrainte de liquidité (revenu disponible et capacité d’emprunt limités), Kreps [1979], s’inscrivant dans le courant de la psycho-économie, montre que les individus ont une préférence non standard pour la flexibilité les menant à opter pour des stratégies d’épargne sous-optimales mais réversibles.
La rente viagère, un produit d’épargne plus qu’un produit d’assurance
22Les tests expérimentaux mettent en évidence que les individus considèrent la rente viagère comme un placement financier, dont ils comparent les caractéristiques avec d’autres placements, et non comme un instrument de couverture contre la baisse de leur capacité à consommer en fin de vie (Brown, Kling, Mullainathan et Wrobel [2008]). Dans cette perspective, les individus ne s’orientent pas vers la rente viagère parce qu’elle est perçue comme peu rentable et, ce d’autant plus s’ils sont averses à la perte et donc sensibles au risque d’un investissement à fonds perdus en cas de mort précoce (Brown, Kling, Mullainathan et Wrobel [2008]). Le fait que les individus semblent souvent omettre que la rente viagère offre une couverture contre le risque de longévité peut s’expliquer partiellement par un problème cognitif : « Vivre plus longtemps est une bonne nouvelle, pourquoi s’assurer ? ». Par ailleurs, l’analyse de Gollier [1996] sur les risques de long terme est riche d’enseignements. Rappelons que les risques peuvent être transférés de deux manières : entre les agents économiques et dans le temps via les marchés du crédit. Face à cette alternative, la question se pose de savoir quelle est la stratégie optimale d’un agent riscophobe supportant un risque assurable. Gollier [1994] conclut que, dans le court terme, l’assurance est nécessaire du fait de l’absence de réserves constituées ; en revanche, dans le long terme, si la constitution de réserves a été possible, l’épargne de précaution est supérieure à l’assurance car les réserves génèrent un rendement espéré positif alors que l’assurance est coûteuse. En conséquence, suivant les conclusions de Gollier [1994], il est justifié de considérer la rente viagère comme une réserve à constituer et donc de comparer sa rentabilité avec les autres placements financiers disponibles. Pour rester rentable, la prime d’assurance ne doit pas être trop élevée. Or, l’ambiguïté des probabilités de survie expliquant une différence de perceptions du risque de longévité entre l’assuré et l’assureur peut suffire à ce que l’assuré ne considère pas la rente viagère comme rentable. Ceci constitue donc une autre explication à la désaffection pour la rente viagère.
Les imperfections de marché
Les causes d’anti-sélection : asymétries d’information et réglementation
23Un autre déterminant de l’inassurabilité des risques découle de la remise en cause du modèle de concurrence pure et parfaite qui suppose que les agents économiques ont une information parfaite. Sur les marchés réels, cette hypothèse est refutée en particulier il existe des asymétries d’information qui limitent les échanges (Akerlof [1970]). Les marchés de l’assurance en sont une excellente illustration : l’hétérogénéité des risques supportés par les agents économiques, non observable par les assureurs, est une source d’inefficacité sur les marchés d’assurance (Rotschild et Stiglitz [1976]). Pour de nombreux risques, l’observation seule ne permet pas d’estimer l’intensité du risque supporté par chaque individu, pour d’autres risques, même si l’intensité du risque supporté par chaque agent est estimable, toute discrimination entre assurés est prohibée. Par conséquent, si les compagnies d’assurance calculent le taux de prime sur la base de la probabilité moyenne de la distribution du risque de la population hétérogène, alors les agents économiques dont le risque est le moins élevé, ne trouvant pas de couverture à un taux de prime acceptable, ne sont pas incités à s’assurer au contraire des agents dont le risque est le plus élevé : il s’agit d’antisélection. L’existence de ce phénomène est l’une des explications les plus couramment avancées quant aux limites de l’assurabilité du risque de longévité (Brown [2007]). Ceci découle d’abord d’un constat simple et très logique confirmé par les études empiriques : les individus les plus sensibles au risque viager sont ceux dont l’espérance de vie est la plus longue (Finkelstein et Poterba [1999] ; Brown [1999]). En ce sens, Mahieu et Sédillot [2000] montrent, sur des données françaises, que les individus ayant souscrit des retraites complémentaires volontaires ont « l’équivalent patrimonial à l’annuité le plus important ». En d’autres termes, ce sont les individus pour lesquels il est le plus rentable d’adhérer à un plan de retraite complémentaire qui souscrivent effectivement. Ensuite, l’effet d’autosélection peut être accru par des contraintes réglementaires ou des désincitations fiscales, comme le montrent Mahieu et Sédillot [2000] dans le cas de la France. En France, les annuités sont tarifées au-dessus de leur valeur actuarielle pour la part de la population ayant une espérance de vie en deçà de la moyenne notamment du fait de la réglementation qui impose que le tarif pratiqué ne soit pas inférieur à celui des tables homologuées [16]. La tarification du risque viager de l’assureur est donc bien supérieure à celle estimée par l’assuré qui sous-estime les progrès de l’espérance de vie.
24A cela s’ajoutent des conditions fiscales peu avantageuses pour la sortie en rente pour de nombreux contrats d’assurance vie. Ainsi, une part importante des individus ne trouvent plus intérêt à souscrire la rente [17]. Face à ce risque d’autosélection, les assureurs ont tendance à augmenter le taux de cotisation afin de sauvegarder leur rentabilité. Des travaux, dans la lignée du modèle de Yaari [1965], tendent à montrer en effet une fréquente absence de tarification actuarielle pour la couverture du risque de longévité découlant notamment du fait que les assureurs chargent la prime pour compenser la sélection adverse (Friedman et Warshawsky [1988] ; Mitchell, Poterba et Warshawsky [1997]). En particulier, Mitchell, Poterba et Warshawsky [1997] évaluent, sur des données nord-américaines, le coût de l’antisélection à 10% de la prime, soit la moitié du chargement au-delà de valeur actuariellement neutre. Murthi et Orszag [1999] trouvent des résultats similaires pour la Grande-Bretagne à l’instar de la revue de la littérature effectuée par James et Vittas [1999] sur de nombreuses nations.
La présence de coûts de transaction face à un risque indiversifiable
25Quand la tarification s’éloigne de son niveau actuariellement neutre, il y a une diminution de la demande d’assurance. C’est pourquoi l’existence de coûts de transaction dans le secteur de l’assurance semble être une source d’inassurabilité partielle. Intuitivement, il est bien évident que certains individus, avec un faible degré d’aversion au risque, trouvent ces coûts trop élevés par rapport au bénéfice de la couverture. Nombre de ces coûts sont liés à des questions d’information et, de ce fait, sont difficilement compressibles. Aussi, l’assuré effectue-t-il un arbitrage entre son désir de certitude, donc de couverture complète découlant de son aversion au risque, et le souhait de diminuer le coût du transfert de risque. La littérature tend à montrer que la solution de cet arbitrage consiste à s’assurer complètement à partir d’un certain seuil. Arrow [1963, 1965, 1971] démontre que, si en l’absence de coûts de transaction, il est optimal qu’un assuré présentant de l’aversion au risque transfère la totalité du risque à l’assureur (dès lors que ce dernier est neutre au risque), en revanche, en présence de coûts de transaction, lorsque le chargement de la prime est fonction de la valeur actuarielle du contrat, la forme optimale du contrat d’assurance est le contrat de pleine assurance au-delà d’une franchise absolue. Dans le même sens, Mossin [1968] démontre qu’il n’est jamais optimal d’acheter un contrat de pleine assurance lorsque la prime contient un chargement. Ces résultats sont intuitifs : soit le transfert de risque n’est pas coûteux et il est optimal de transférer tout le risque d’un agent qui présente de l’aversion au risque, l’assuré, vers un agent qui est neutre au risque, l’assureur ; soit le transfert de risque est coûteux et il est optimal d’appliquer une franchise limitant le coût du transfert. Précisément, Drèze [1981] évalue le niveau optimal de la franchise comme une fonction décroissante de l’aversion au risque de l’assuré, ce qui s’explique aisément par le fait que plus l’assuré présente une aversion au risque importante, plus il est enclin à consentir à payer un chargement de prime élevé.
26Plus récemment, Gollier [1997] remarque que, dans le cas du contrat optimal d’Arrow, quand on réduit la taille d’un risque, les coûts de transaction diminuent dans les mêmes proportions alors que la volonté de payer diminue proportionnellement au carré de la réduction de la taille du risque, c’est-àdire bien plus vite. L’effet des coûts de transaction est donc amoindri par la taille du risque et, par conséquent, les risques de forte ampleur devraient être les moins concernés par ce facteur d’inassurabilité. L’observation de l’inassurabilité totale de nombreux risques de forte ampleur ne corroborant pas cette conclusion, Gollier [1997] avance l’argument selon lequel c’est la conjonction de coûts de transaction et d’un risque indiversifiable qui peut pleinement expliquer l’inassurabilité de certains risques, tels que le risque de longévité. Ces risques ont une composante systématique qui les rend difficiles à éliminer en recourant au principe de la mutualité. Aussi, les compagnies d’assurances sont-elles réticentes à couvrir ces risques en raison de leurs capacités limitées et des possibilités de diversification mondiale limitées par les coûts de transaction existants entre chaque maillon de la chaîne de réassurance. Face à l’existence d’un risque systémique résiduel, l’assureur sera incité au mieux à un chargement positif des primes d’assurance mais, plus fréquemment encore, au refus de la souscription de tels risques. La question se pose alors de savoir pourquoi les compagnies d’assurance ayant une structure de propriété bien diversifiée sont incapables de lever assez de réserves sur les marchés financiers pour souscrire de tels risques ? Simplement, parce que l’accumulation de capital n’est pas un mécanisme efficace de financement des sinistres : détenir des capitaux au sein d’une compagnie d’assurance est coûteux et ceci est d’autant plus vérifié que la diversification internationale des portefeuilles financiers individuels est imparfaite. De ce fait, les actionnaires doivent être récompensés par une cotisation positive pour accepter des risques qui auraient pu être éliminés complètement si les portefeuilles des actionnaires avaient été mieux diversifiés à l’échelle internationale. Finalement, les actionnaires des compagnies couvrant ces risques, pouvant difficilement diversifier les risques associés à leurs dividendes, exigeront une prime de risque qui augmentera le coût du capital de ces compagnies. Ce coût sera reporté sur les assurés au moyen d’un chargement positif des primes, incitant les assurés à retenir une partie de leur risque individuel pour limiter leur prime.
27En présence de marchés financiers imparfaits, les coûts de transaction et la difficulté à diversifier le risque sont, a minima, la cause d’un chargement positif de la prime entrainant une diminution de la demande d’assurance d’autant plus importante que les individus ont une faible aversion au risque. A l’extrême, ces deux éléments conduisent à une absence totale d’offre de couverture d’assurance, les assureurs renonçant au marché. [18]
Un produit complexe : assurance imparfaite, distorsion fiscale et déficit d’éducation financière
28Parmi les défauts traditionnellement évoqués comme pouvant expliquer la désaffection pour la rente viagère, la non-indexation sur l’inflation est l’un des principaux (Brown [2007] ; Davidoff, Brown et Diamond [2005]). En effet, en Amérique du Nord, les engagements des plans à prestations définies sont souvent nominaux. L’inflation est, dans ce cas, la source d’un risque majeur d’investissement à fonds perdu, la rente n’assurant plus que partiellement son rôle de couverture du risque de longévité. En revanche, en Europe, les contrats comprennent généralement une assurance au moins partielle contre l’inflation. On serait donc tenté de dire que l’argument de la non-indexation sur l’inflation ne vaut qu’outre-Atlantique. Ce serait méconnaitre l’histoire, notamment le cas tout à fait particulier de la France. En effet, au cours des XVIIIe et XIXe siècle, la rente viagère a connu un très grand succès avant de tomber en désuétude jusqu’à aujourd’hui. Plusieurs explications à cette évolution sont avancées. L’absence d’inflation jusqu’en 1914 et les conséquences traumatisantes des périodes successives d’inflation qui l’ont suivie et qui ont ruiné de nombreux Français en est la principale [19]. A cela s’ajouteraient des aspects culturels : le souci de transmettre un héritage était moindre, l’enfant étant surtout considéré comme une ressource jusqu’au milieu du XIXe siècle au moins [20]. Aujourd’hui, la couverture sociale française tout-à-fait exceptionnelle [21], avec un taux de remplacement offert par la retraite publique de l’ordre de 60 %, et le succès de l’épargne assurance de long terme (8-10 ans) fiscalement avantagée alors que la rente viagère est fiscalement désavantagée ne conduisent pas les individus à reconsidérer la rente viagère (Masson [2010 b]). En outre, si l’Etat ne provoque pas toujours un effet d’éviction par la retraite publique qu’il assure, on observe souvent une mutualisation du risque de survie au sein du couple ou de la famille (Kotlikoff et Spivak [1981]). On retrouve sans surprise l’Etat et la famille au côté du marché comme pourvoyeurs de bien-être, ce qui peut expliquer une part de l’inassurabilité de certains risques, notamment les risques sociaux tels que celui de longévité.
29Cependant, la méconnaissance passée des phénomènes d’inflation nous amène tout naturellement au problème d’une éducation financière insuffisante, souvent évoqué dans la littérature traitant des anomalies des comportements d’épargne par rapport aux prédictions des modèles de la théorie du cycle de vie. En effet, associées aux imperfections des marchés de capitaux, les limites de l’information financière semblent fournir des explications aux comportements d’épargne, notamment des ménages français (Arrondel et Masson [2007]). Pour les économistes du courant psycho-économique, qui croient en une rationalité limitée des épargnants, et les professionnels de l’assurance, l’éducation financière a un rôle majeur à jouer dans la correction des « anomalies » des comportements d’épargne observées. Cependant, la littérature économique, tels les travaux de Lusardi [2009], tend à mettre en évidence les effets modestes de la formation financière des épargnants. En fait, si les limites de l’information financière semblent incontestablement entraver la possibilité de constituer une épargne « optimale », l’éducation financière ne semble pas pouvoir s’acquérir aisément, mais au contraire paraît essentiellement relever d’un processus long et spécifique de transmission par le milieu familial (Masson [2010 a,b]).
Les modes de gestion et de financement du risque de longévité
30Au vu des déterminants de l’inassurabilité du risque de longévité mis en évidence précédemment, nous allons exposer des pistes de réflexion sur les modes de gestion et de financement du risque de longévité les plus efficaces, sans toutefois chercher à formuler des recommandations strictes car ces dernières nécessitent de prendre en considération bien d’autres facteurs que simplement ceux limitant l’assurabilité.
Adapter le produit à la rationalité pratique des épargnants
31Le comportement parfois surprenant des épargnants, et notamment la désaffection pour la rente viagère, ont conduit de nombreux auteurs, tenants de l’approche psycho-économique ou comportementale, à simplement préconiser une amélioration de l’éducation financière. Cependant, dans la réalité, celle-ci a montré ses limites. En outre, nombre de comportements qualifiés d’irrationnels trouvent des explications rationnelles dans les développements récents de l’approche existentielle. En ce sens, plutôt que de préconiser une adaptation de l’épargnant au produit comme certains courants de la neuro-économie le suggèrent, il nous semble plus pertinent de préconiser une adaptation des produits à l’épargnant, en d’autres termes, à la demande. Sans entrer dans le détail technique de produits adaptés tels que le viager intermédié proposé par Masson [2009], il nous semble essentiel de retenir deux points. La méfiance actuelle pour les produits complexes et risqués conduit, en premier lieu, à préconiser une simplification des produits et une limitation des risques qu’ils font porter, tels que l’inflation. En second lieu, une flexibilité accrue par l’introduction d’options permettant de résilier son contrat en cas d’événements défavorables majeurs semble tout à fait indispensable pour répondre au besoin de précaution.
32Ces évolutions peuvent être imposées par le législateur. En effet, l’histoire montre que, face aux difficultés du secteur de l’assurance, l’intervention de l’Etat se révèle souvent nécessaire en tant que législateur et parfois en tant qu’assureur. Appartenant à la catégorie des risques sociaux de la branche vie et possédant une composante systémique conséquente, le risque de longévité semble posséder les caractéristiques typiques ayant, d’un point de vue historique, amené l’Etat à intervenir (Halpérin [1946]). En effet, l’augmentation du marché de la rente viagère est un objectif de politique publique raisonnable au vu de la robustesse des résultats sur l’augmentation du bien-être que procure la rente. Si le gouvernement a un avantage comparatif au marché privé, il semble légitime qu’il intervienne.
Atténuer les imperfections de marché par l’intervention du législateur
33L’Etat peut intervenir à différents niveaux pour pallier à certaines caractéristiques du risque de longévité mais surtout pour corriger certaines imperfections de marché. L’existence d’une sélection adverse est généralement résolue par l’obligation légale de souscrire une assurance. Cependant, comme le souligne Brown [2003], dans un monde où l’espérance de vie est inversement corrélée au niveau des revenus (Finkelstein et Poterba [2002]), l’obligation de souscrire une assurance avec une prime unique crée une redistribution inversée des individus à bas revenus vers les individus à hauts revenus qui va à l’encontre des objectifs de politique publique d’égalité. Afin de limiter le transfert non souhaitable de richesse des moins riches vers les plus riches, une tarification partiellement discriminante suivant des critères strictement définis par l’Etat, par exemple relatifs au revenu et à la catégorie socioprofessionnelle, pourrait être mis en œuvre. Ceci permettrait en outre d’éviter la sélection effectuée par les assurés entre les différents produits offerts et qui va à l’encontre d’un partage efficace des risques puisqu’elle se révèle défavorable aux catégories les moins aisées, les hauts revenus à espérance de vie élevée choisissant des rentes indexées sur l’inflation alors que les bas revenus, pour limiter la prime, choisissent des rentes nominales ne les couvrant pas contre le risque d’inflation (Finkelstein et Poterba [2004]). Aussi, la distribution de probabilité ambigüe de ce risque impactant négativement le comportement des assureurs et des assurés amène-t-elle à penser que l’Etat pourrait intervenir favorablement en encadrant strictement la tarification de ce risque. Toutefois, si l’obligation d’assurance semble intéressante, il convient de ne pas l’imposer, ni même l’encourager, sur la totalité des ressources. Les motivations d’héritage individuel, ou encore le motif de précaution en présence de marchés d’assurance incomplets transforment la conversion de la totalité des ressources en rente sous-optimale pour l’individu (Turra et Mitchel [2004] ; Sinclair et Smetters, [2004]). Si l’assurance reste facultative, a minima, la fiscalité devrait encourager la rente viagère, seule à offrir une couverture du risque de longévité par la mutualisation des risques de mortalité qu’elle comporte.
Répartir le risque systémique de longévité entre les générations
34Une des raisons expliquant la difficulté du secteur de l’assurance à offrir des couvertures adéquates pour le risque de longévité est évidemment le caractère non diversifiable de ce risque. Cependant, cette impossibilité à diversifier est totalement réelle au sens de l’assurance mais pas au sens de la finance. En effet, il est possible de diversifier, au sens de la finance, le risque de longévité au sein d’un portefeuille d’assurance par la mutualisation avec d’autres risques non corrélés telle que l’assurance-vie en cas de décès (Dowd [2003] ; Milevsky et Promislow [2003]). Cependant, la couverture sera imparfaite car la duration des contrats est différente. Par conséquent, le risque non diversifiable ne disparaissant pas par mutualisation, il faut trouver un capital financier pour compenser les pertes potentielles. La constitution de réserves financières n’étant pas un moyen efficace, il s’agit de le répartir entre les agents économiques les plus aptes à le porter, en d’autres termes les agents économiques les moins averses au risque et les mieux capitalisés. Les acteurs du secteur de l’assurance possèdent, en plus d’une capitalisation financière élevée nécessaire à leur métier, une aversion aux risques limitée du fait de leurs connaissances et compétences en matière de risques. Le transfert au marché de la réassurance a donc été envisagé par différents auteurs (Dowd [2003]). Cependant, les coûts de transaction entre acteurs de la chaîne de réassurance limitent cette répartition qui, en outre, ne donnera pas totalement les résultats escomptés puisqu’il existe une corrélation entre les risques de mortalité, le phénomène de l’augmentation de l’espérance de vie étant mondial. Aussi l’idée de faire appel est-elle apparue (Blake et Burrows [2001]) aux marchés de capitaux à l’instar de ce qui se fait pour les risques de catastrophes (Cummins et Trainar [2009]). Ce transfert permet d’élargir le « cercle » des porteurs de risques en y introduisant les investisseurs des marchés de capitaux. Ces derniers sont des agents économiques particulièrement aptes à porter des risques assurantiels car, outre leur grande capacité financière, ils supportent traditionnellement des risques non corrélés (Froot [1999]). Cependant, le marché de ce type de produits reste à ce jour confidentiel malgré quelques émissions remarquées (BNP, Scor, Swiss-Re). Une explication repose sur le rejet des produits complexes (Cowley et Cummins [2005]), particulièrement accru actuellement. Cependant, il existe une explication plus fondamentale : le fait que les investisseurs des marchés de capitaux portent déjà une part du risque systémique de longévité puisqu’ils appartiennent à la génération dont on cherche à couvrir le risque. Aussi, les contrats participatifs qui font porter le risque systémique par les assurés eux-mêmes se heurtent-t-ils à une limite similaire. Dans ces deux derniers cas, le risque n’est ni éliminé, ni réparti sur les agents les plus aptes à le porter. On comprend pourquoi aujourd’hui, la solution adoptée est le chargement de la prime, les actionnaires exigeant une rémunération très élevée pour supporter ce risque. Aussi, Blake et Burrow [2001] ont-ils proposé que l’Etat intervienne en proposant une couverture de ce risque aux assureurs par le biais d’instruments tels que les « survivor bonds » ou les « longevity bond », obligations dont le montant des coupons est contingent au taux de survie d’une cohorte d’une population donnée. L’inconvénient de cette solution est qu’elle augmente la part du risque systémique de longévité portée par l’Etat. Cependant, l’Etat a la capacité, quasi unique, de transférer la charge de ce risque sur les générations futures, via la dette qui permet de différer l’impôt [22]. L’Etat rend en fait le marché plus complet en y introduisant les générations futures, peut-être moins exposées au risque de longévité (Bohn [2005])… mais cela n’est pas sûr ! Aussi, pour augmenter le bien-être social, il ne suffit pas que l’Etat transfère n’importe quelle quantité de risques dans n’importe quelles conditions sur les générations futures.
35En effet, l’Etat est par nature destiné à gérer les risques de long terme. A l’opposé des agents privés, l’Etat, dans les démocraties, est par l’influence des cycles électoraux hostile à prendre des risques de court terme. En outre, et surtout, l’Etat peut diversifier, au sens de l’assurance, le risque de long terme dans le temps par la dette permettant le transfert d’une part de la charge de financement sur les générations futures. Dans ce cas, il faut être attentif à ne pas faire bénéficier des avantages correspondants uniquement aux générations présentes [23]. Ce phénomène est fréquent et s’explique notamment par le problème des enjeux électoraux auxquels est soumis le décideur (Bohn, [2003]). Finalement, la dette n’est acceptable que si elle sert à des investissements productifs. Dans notre cas, il pourrait être envisagé d’effectuer des investissements permettant de soulager les générations futures, par exemple de la gestion pratique de la population âgée dépendante. Des investissements dans l’industrialisation des innovations de la robotique, de la surveillance à distance,… pourraient être judicieux et la longévité se révéler un vecteur de croissance économique. Cependant, certains objecteront que l’augmentation de la dette, compte tenu de son niveau actuel, n’est pas envisageable. S’il faut, bien évidemment, être attentif au fait que la dette ne continue pas à croître, il faut surtout veiller à ce qu’elle cesse de servir à financer la part du déficit correspondant à des dépenses de fonctionnement. En outre, il est important de rappeler que l’objectif pertinent en termes d’endettement n’est pas la stabilisation du montant absolu de la dette mais la stabilisation du ratio dette/PIB. Des choix pertinents en termes d’investissement pourraient permettre non seulement de stabiliser ce ratio mais peut-être, plus encore, de l’améliorer. D’autres relèveront que l’émission d’obligations d’Etat est difficile en pleine crise économique, alors que certains Etats d’Europe sont au bord de la faillite. Il est effectivement juste que, dans ce contexte, les Etats subiront un coût plus élevé de la dette. La comptabilité intergénérationnelle pourrait se révéler ici un outil utile pour évaluer la répartition du bien-être issue de tels choix (Auerbach, Gokhale, Kotlikoff [1994]), cependant, comme le souligne Pierre Pestieau [2010], si le concept est utile, les résultats obtenus sont très sensibles aux hypothèses initiales et doivent par conséquent être considérés avec prudence.
36Dans toute société, existe le souci de la répartition du bien-être et, plus encore, de la satisfaction des besoins de ceux qui sont économiquement dépendants tels que les personnes âgées à la retraite. Or, à côté des retraites publiques, la rente viagère est la seule forme d’épargne offrant une couverture contre le risque de longévité. Aussi, en plus d’assurer la pérennité du système de retraite obligatoire, développer le marché privé de la rente viagère, en particulier « volontaire et individuel », est un objectif de politique économique défendable au vu des gains de bien-être social et individuel qu’il permet d’obtenir. L’étude des déterminants de l’inassurabilité du risque de longévité, nous conduit à préconiser d’une part, une simplification et une adaptation des produits existants à la rationnalité pratique des épargnants et, d’autre part, une intervention du législateur en vue de limiter les imperfections de ce marché. En outre, la composante systémique du risque de longévité se révélant difficile à répartir au sein de la génération actuelle qui porte d’ores et déjà ce risque à titre individuel, nous préconisons une répartition adéquate du risque de longévité entre les différentes générations. Pour ce faire, une intervention de l’Etat en tant qu’assureur, via les marchés de capitaux, pourrait se révéler nécessaire, ce dernier ayant la capacité, quasi unique, de transférer la charge de ce risque sur les générations futures.
37Cependant, comme l’a décrit André Masson [2010 c], il existe plusieurs paradigmes pour penser le rapport entre les générations qui induisent, selon les différentes sociétés, de ne pas privilégier les mêmes pourvoyeurs de bien-être parmi la famille, le marché et l’Etat. Ces paradigmes reposent sur trois courants de pensée, ceux des libéraux, des sociaux-démocrates et du solidarisme, basés sur des visions du monde et « des postulats métaphysiques irréconciliables » qui conduisent à des diagnostics et des solutions adoptées très différents. De ce point de vue, l’hypothèse d’un unique mode de gestion et de financement optimum pour toute société paraît utopique. La question de la gestion et du financement du risque de longévité semble donc plutôt devoir être abordée en adoptant l’hypothèse qu’il existe des modes de financement adaptés à la culture de chaque société. Il n’en demeure pas moins que le mode de financement choisi doit limiter au mieux les effets des différents déterminants d’inassurabilité. Historiquement, c’est le développement des techniques assurantielles doublé d’une intervention croissante de l’Etat qui a permis de limiter les conséquences des déterminants de l’inassurabilité (Rochet [1998]). Le risque de longévité ne semble pas déroger à la règle.
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Notes
-
[1]
Notons que le terme diversification n’a pas exactement le même sens dans la théorie usuelle de l’assurance et dans la théorie financière. Contrairement à la théorie de l’assurance, la théorie financière tend à analyser l’ensemble des risques existants et considère un risque comme non diversifiable s’il est impossible d’obtenir une diversification en appliquant la loi des grands nombres non pas à ce seul risque mais à la combinaison de ce risque avec d’autres types de risques (non corrélés ou corrélés négativement).
-
[2]
Arrow et Borch sont les premiers à avoir mis en évidence la distinction entre risque diversifiable et risque systématique indiversifiable
-
[3]
Sur quel critère s’effectue la prise de décision dans un univers risqué ? Comme chacun sait, la réponse a été formalisée par Von Neumann & Morgenstern et consiste à considérer une « utilité morale » des montants, i.e. à calculer une espérance d’utilité prenant en considération l’aversion au risque de chaque agent. Cependant, la réponse conceptuelle avait d’ores et déjà été apportée par Bernoulli et critiquée par ses contemporains comme l’illustre le débat entre d’Alembert et Bernoulli sur l’inoculation de la petite vérole (variole), ancêtre de la vaccination. Les arguments avancés par d’Alembert remettant en cause le critère d’espérance d’utilité sont ceux utilisés aujourd’hui par les économistes tenants de l’approche existentielle dont les travaux tendent à établir une formalisation mathématique rigoureuse. Pour une synthèse très détaillée du débat historique et des travaux des tenants de l’approche existentielle, voir l’article de Masson [2010 a]).
-
[4]
A l’instar de Gary Becker, Merton Miller ou André Masson, sans nier les apports incontestables de ce courant, nous pensons que cette approche tend à aboutir à une simple description des comportements sans réel pouvoir explicatif. L’approche existentielle tend d’ailleurs à montrer qu’à de nombreuses reprises ce courant taxe à tort d’irrationnels ou d’incompétents des sujets qui ne le sont pas forcément (Masson [2010 a,b]).
-
[5]
Brown et Orszag [2006] ont effectué, sur la base du modèle du CBO, 5000 simulations de Monte-Carlo sur des hommes de 65 ans acquérant une assurance en 2006.
-
[6]
L’ensemble de ces résultats est obtenu sous l’hypothèse de taux d’intérêt à 3%. Evidemment, si l’hypothèse de taux plus élevés est posée, le chargement de la prime sera moins important (et inversement).
-
[7]
Pour les tenants d’un monde déterministe, concernant le risque de longévité, le rôle des facteurs génétiques, du style de vie ou encore l’existence éventuelle d’une limite à la longévité humaine pourront peut-être un jour permettre de déterminer précisément l’espérance de vie des individus rendant ce risque inassurable. La même problématique se présentera si l’on améliore un jour notre capacité à prévoir les catastrophes naturelles.
-
[8]
A noter que la distinction entre risque et incertitude définie par Keynes et Knight est souvent abandonnée ou modifiée. Certains auteurs assimilent risque et incertitude ; d’autres, les plus nombreux, différencient l’incertitude du risque par l’incapacité à affecter des probabilités aux possibles états de la nature ; enfin, d’autres encore, tels que J.J. Laffont, qualifient de situation d’incertitude des situations de risque dans lequelles les individus ne sont même pas en mesure de décrire le champ des possibles.
-
[9]
Ce point reste encore très discuté (Brown, [2008]), mais nous le prendrons comme hypothèse de travail.
-
[10]
Un agent manifeste de l’aversion à l’ambigüité, si pour un même gain il préfère parier sur un événement dont la probabilité p est précisément connue plutôt que sur un événement dont la probabilité [p-e, p+e] est imprécise.
-
[11]
L’hypothèse d’un comportement systématique d’aversion à l’ambiguïté est aujourd’hui critiqué (Cabantous et Hilton, [2006])
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[12]
d’Albis et Thibault [2008] interprètent l’aversion à l’ambiguïté pour des probabilités de survie incertaines comme découlant d’une impossibilité pour l’individu de les connaître. L’approche existentielle (Masson, [2010 a,b]) enrichit cette interprétation en y ajoutant la possibilité que l’individu ait la volonté de ne pas connaître ses probabilités de survie. Mais, surtout, comme le montrent les limites interprétatives du modèle développé par Kopczuk et Slemrod [2005], l’approche existentielle tend à mettre en évidence l’importance de prendre en considération la diversité des attitudes rationnelles face à la mort, mise en lumière par l’ensemble de la philosophie, qui pourrait expliquer notamment l’hétérogénéité des comportements d’épargne observés.
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Selon les hypothèses de la théorie standard, l’individu a un point de vue objectif et permanent sur sa propre existence pour prendre ses décisions.
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Les individus dotés d’une forte impatience à court terme sont conduits à déprécier fortement le futur proche par rapport au présent.
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L’aversion à la durée de vie traduit le fait qu’à même espérance de vie, l’individu préfère un moindre aléa. Cette vision est critiquée par ceux qui mettent en avant que l’incertitude sur la date de la mort est essentielle : elle constitue le « sel de l’existence ». Cependant, il apparaît que la préférence pour le présent et donc le désir de consommer aujourd’hui augmentent lorsque l’aléa sur la durée de vie, c’est-à-dire le risque d’une mort prématurée, s’accentue. Peut-être l’orthogonalisation des lois de survie est-elle à l’origine de l’intérêt grandissant pour la retraite ?
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[16]
Les tables homologuées sont les tables prospectives par génération de la population masculine et féminine établies par l’Insee.
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Mahieu et Sédillot [2000] estiment à 25% la part de la population pratiquant une autosélection du fait d’une tarification paraissant trop élevée.
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[18]
D’autres réponses peuvent être apportées à cette question. En particulier, la théorie moderne des finances d’entreprise met en évidence que d’importantes réserves financières peuvent à la fois être la cause d’inefficacités managériales (moindre attention car moins de risque) et attirer l’intérêt de « raiders » malveillants.
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Les périodes successives d’inflation ont notamment ruiné de nombreux agriculteurs qui finançaient leurs vieux jours en vendant leurs biens en viager
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Le travail des enfants de moins de 9 ans était autorisé en France jusqu’au milieu du XIXème siècle.
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Notons que si l’existence de retraites publiques élevées est évoquée dans la littérature comme facteur limitant la diffusion des rentes viagères, le cas de la France est tout à fait exceptionnel par le niveau élevé de la couverture.
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Au niveau budgétaire, l’impôt est équivalent à la dette selon le principe d’équivalence Ricardienne (Barro [1974]).
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Selon les études menées en comptabilité intergénérationnelle, les générations présentes ont d’ores et déjà trop transféré aux générations futures.