Notes
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[1]
Porté par les lois RCT en 2010, MAPTAM en 2014 et NOTRe en 2015.
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[2]
DGCL, BIS [Bulletin d’information statistique], no 130, mars 2019, p. 4.
-
[3]
Ces cas ont été étudiés dans le cadre d’un travail de recherche plus large sur l’intercommunalité et les communes.
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[4]
De nombreux élus de l’agglomération, issus de communes différentes, mettent en avant le rôle du préfet à côté de celui de J.-L. Rigaut.
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[5]
Propos d’un élu de Cran-Gevrier : « et donc ils ont pris aussi conscience ici que pour qu’on arrive à défendre un bon projet de service public, de maintien de service public, ben une fusion était quand même dans l’intérêt des habitants de Cran » ; « sur le niveau de service aux citoyens, [la fusion] a évidemment un impact positif. Y a des choses qu’on n’aurait pas pu faire ».
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[6]
Interview de J.-L. Maret, maire de Crêts-en-Belledonne, et J.-M. Crouteix, maire délégué de Morêtel-de-Mailles, G L’info no 37, décembre 2018, p. 5.
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[7]
Propos de G. Cohard, maire de La Ferrière, retranscrits dans Le Dauphiné libéré du 20 octobre 2018.
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[8]
Comme l’explique un échange avec un élu de ces communes : « Vous aviez commencé à réfléchir là-dessus ? – Ah oui, mais pfoouuu… – Et ça s’est arrêté ? – Ça s’est arrêté. Après c’est des problèmes d’ego… Le maire de [X] était pour parce qu’il ne repartait pas, mais ceux qui avaient envie, derrière, ben ils sont contre. »
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[9]
Propos d’élus des deux communes.
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[10]
Courrier aux habitants signé du maire de Sainte-Agnès en date du 16 octobre 2018.
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[11]
Propos d’un élu du Grésivaudan.
-
[12]
« Le cas ne devrait pas se rencontrer très fréquemment, vu la taille qu’ont aujourd’hui acquise les EPCI à fiscalité propre. » (Rapport d’information no 110 [2018-2019] de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 novembre 2018).
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[13]
En 2018, la couverture du territoire métropolitain par des EPCI était complète.
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[14]
Contre 47 conseillers de la commune nouvelle d’Annecy, 4 d’Epagny-Metz-Tessy et de Poisy, 3 de Saint-Jorioz, 2 de Groisy, de Sevrier et de Villaz et un seul pour les 26 autres communes.
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[15]
Le Grésivaudan voulant anticiper l’obligation faite par la loi de reprise de cette compétence avant le 1er janvier 2020 (l’article 64 de la loi no 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République).
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[16]
Extrait du préambule de la charte de la commune nouvelle du Haut-Breda. Celle-ci pointe également « le nouveau projet de territoire du Grésivaudan » dans les éléments de contexte, au même titre que la réforme territoriale et que la baisse des dotations et la raréfaction des ressources.
-
[17]
Le Grésivaudan, 2018, Projet de territoire, p. 8.
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[18]
Sur les 11 communes qui composaient la communauté de communes du Pays d’Alby-sur-Chéran, 7 ont créé le syndicat intercommunal du Pays d’Alby (SIPA), 2 ont conventionné avec lui et 2 sont restées isolées.
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[19]
Projet de charte « commune nouvelle », p. 1.
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[20]
Ces propos rappellent ceux d’un élu du Plateau-des-Petites-Roches : « alors la première année, en 2014, on en était encore à faire chacun nos cérémonies, décalées dans le temps, pour permettre aux anciens combattants de passer de l’un à l’autre, les pompiers aussi qui se faisaient les 3 cérémonies, et puis là, on s’est dit non. Voilà, on a un calendrier, et on tourne. […] En fait c’était une très bonne décision… D’abord parce qu’on se retrouve plus nombreux, donc ça a un peu plus de sens, voilà, et puis c’est partagé, ça c’était un bon début aussi… ».
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[21]
DGCL, BIS [Bulletin d’information statistique], no 152, mai 2021, p. 6.
1 Le 15 avril 2021, l’Association des maires de France organisait une conférence de presse pour « dresser les perspectives de développement » des communes nouvelles. Alors que, pendant des années, les maires et leurs associations luttaient contre les fusions de communes, ce sont eux désormais qui donnent une impulsion nouvelle à un dispositif qui était en pause depuis 2 ans, en raison du processus électoral et de la crise sanitaire. T. Frinault a déjà montré comment l’adhésion de l’AMF au dispositif mis en place par la loi de 2010 a grandement contribué au succès des communes nouvelles (Frinault, 2017). Néanmoins, l’activisme de l’AMF n’épuise pas les raisons de cette dynamique de restructuration institutionnelle locale ne relevant pas d’un mouvement global de décentralisation (Faure, 2021) qui s’est mise en place parallèlement à l’élargissement des EPCI intercommunaux [1] (Deffigier, 2016). Si la motivation financière est souvent mise en avant pour expliquer le succès de ce dispositif (Pauliat, 2016), elle n’apparaît, à l’examen des situations locales spécifiques, ni déterminante ni suffisante. Le rôle des acteurs et les caractéristiques locales, multiples et contingentes, liées à l’histoire et l’environnement, semblent tout aussi essentiels, et offrent également des facteurs de compréhension de l’inégale répartition des communes nouvelles en France.
Les communes nouvelles, un engouement et des facteurs explicatifs
2 En janvier 2021, l’état des lieux était le suivant : 778 communes nouvelles créées représentant 2500 communes et 2,5 millions d’habitants. Ces communes nouvelles regroupent de 126 (Surjoux-Lhôpital, dans l’Ain) à 127000 habitants (à Annecy en Haute-Savoie), de 2 à 22 communes (Livarot-Pays d’Auge). Ces différences ne doivent pas masquer la réalité, essentiellement rurale, de ces regroupements : les communes nouvelles résultent d’abord de la fusion de petites communes (principalement moins de 500 habitants) et deviennent en moyenne plus peuplées que l’ensemble des communes (plus de 1000 habitants) [2].
3 Cet état des lieux, présenté comme positif par l’État et les collectivités locales, semble pousser l’AMF à vouloir relancer une dynamique dont l’élan avait été rompu en 2020. Cette volonté témoigne donc d’un intérêt, pour les élus locaux, à réaliser une fusion de communes. Comment le comprendre ? Les différentes recherches déjà menées sur la question permettent de situer ce débat dans une approche diachronique de l’organisation communale. Dès 1789, le débat entre Thouret et Mirabeau pose les jalons d’une tension entre d’un côté la commune comme un outil d’organisation rationnelle du territoire et, de l’autre, la vision de celle-ci comme une entité politique inscrite dans une communauté locale (Desage, 2005 ; Nemery, 2014). Si cette dernière vision l’emporte, générant la création de 44000 communes, elle n’aura de cesse d’être contestée depuis par différents dispositifs prônant le regroupement de communes perçu comme plus rationnel et plus propice à l’efficacité de l’action publique (Kada, 2014). L’établissement du cadastre, entre 1800 et 1850, va permettre certaines fusions de communes, tout en entraînant ailleurs des créations nouvelles, ne transformant finalement que peu la structure communale française (Aubelle, 2016). Le débat va alors se déplacer pour entraîner la création de regroupements ne mettant en cause ni l’existence ni la forme des communes : entente communale et syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) à la fin du xixe siècle (Boulay, 2014), syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) et communautés urbaines lors de l’avènement de la ve République (Desage, 2005). C’est dans ce mouvement modernisateur que va apparaître la loi Marcellin ouvrant la possibilité aux fusions de communes (Tellier, 2017). Elle s’inscrit dans la lignée du décret du 14 octobre 1963 qui prévoit des attributions de taxes locales complémentaires en cas de fusion, sans grand succès. L’ambition de la loi du 16 juillet 1971 est plus forte : 5000 fusions touchant 9000 communes, en mobilisant les préfets qui doivent mettre en place un plan départemental des solidarités communales. Néanmoins, en raison de l’hostilité des élus locaux, seules 211 nouvelles communes ont été créées (Aubelle, 2016). La décentralisation des années 1980 ne s’attachera pas à cette question, et les années 1990-2000 seront celles de l’intercommunalité vue comme un palliatif au problème de la taille des communes françaises (Kerrouche, 2012).
4 La question de la fusion communale est relancée par la loi de 2010 qui simplifie les procédures, dynamique renforcée en 2015. Les communes nouvelles reposent sur des propositions classiques en matière de gouvernance et innovantes en termes de liberté, de souplesse et de simplicité de création (Kada, 2017). Elles semblent connaître un succès relativement important, diminuant le nombre de communes de plus de 2500 depuis 2010 (Bideau, 2019). Pour certains auteurs, ce succès trouve son explication dans la question des finances publiques, plus précisément dans la possibilité, pour certaines communes nouvelles, de se soustraire à l’effort de redressement des finances publiques avec le maintien de leurs dotations globales sur 3 ans, ou même de voir leur dotation générale de fonctionnement (DGF) majorée de 5 % (Pauliat, 2016). C’est d’ailleurs ce mécanisme, mis en place en 2015, qui semble avoir véritablement lancé ce dispositif en termes de nombre de fusions (Bideau, 2019). À cette aide directe s’ajoutent les économies de gestion réalisées en mutualisant les fonctions support, comme le met en avant J. Pélissard : « les expériences de communes nouvelles menées depuis 2010 ont prouvé la pertinence de cet outil et témoignent des gains de fonctionnement, de gestion ou encore des avantages économiques à court et moyen termes » (Aubelle, 2016, 10).
5 Un autre élément explicatif concerne la réaction des maires et des communes face au renforcement continu des EPCI communautaires (communauté de communes, d’agglomération, urbaine ou métropole). On le retrouve dans le discours de l’AMF (Frinault, 2017), qui traduit bien une volonté de réarmer politiquement les communes, en renforçant leur moyen d’action, leur capacité politique territoriale, c’est-à-dire « la capacité des acteurs à produire des visions du territoire et de son développement, la capacité qu’ils ont ensuite à constituer des coalitions politico-institutionnelles pour porter et conduire ce changement d’échelle de la gouvernance locale » (Pasquier, 2017, 248). Ce faisant, les communes nouvelles participent du réenchantement du politique repéré par Sébastien Vignon dans les intercommunalités rurales, qui donne plus d’intérêt et d’attractivité à la fonction d’élu local (Vignon, 2019). En effet, en grandissant, les communes retrouvent un poids plus important et une capacité à peser (Deffigier, 2016 ; Frinault, 2017), voire la dimension nécessaire et la capacité de gestion lui permettant de récupérer des compétences intercommunales (Aubelle, 2016). Cette forme de nemesis communale face à l’hybris intercommunale semble être le deuxième facteur explicatif de l’existence de communes nouvelles.
6 L’analyse des communes nouvelles manque encore d’études de cas spécifiques qui permettraient de tester l’efficience de ces facteurs explicatifs. Localement, est-ce une volonté de contrer l’intercommunalité qui meut les acteurs locaux dans le lancement d’un processus de fusion ? Est-ce l’aspiration à parvenir à une meilleure situation financière qui sous-tend la mise en œuvre de ce dispositif ? Y a-t-il d’autres facteurs à prendre en compte pour expliquer l’émergence de telle ou telle commune nouvelle ?
Deux territoires à la loupe
7 Ces différentes hypothèses explicatives vont être confrontées à des analyses de cas étudiés à partir de la rencontre des acteurs locaux et de l’analyse des chartes, documents de communication locale ou délibérations municipales. Il s’agit d’étudier tout autant des expériences réussies que des discussions n’ayant pas donné lieu à la création de communes nouvelles. En effet, comprendre la raison des échecs ou, pour sortir d’une vision normative, le choix de rester dans un statu quo institutionnel ou de privilégier une solution alternative est tout aussi important que de mettre en lumière les facteurs expliquant la réussite. Ainsi, 12 cas ont été étudiés, 7 ayant abouti à la création d’une commune nouvelle (de 403 à 127000 habitants), 5 n’ayant pas débouché sur la création d’une commune nouvelle. Tous ces cas relèvent de la communauté d’agglomération du Grand Annecy (en Haute-Savoie) ou de la communauté de communes Le Grésivaudan (en Isère) [3].
Volontarisme et résistance dans le Grand Annecy
8 La commune nouvelle d’Annecy s’inscrit dans une double dimension : financière et géopolitique. Le bonus financier prévu pour les EPCI communautaires qui se transformeraient en commune nouvelle est le point de départ de la réflexion, portée par le maire et président de la communauté d’agglomération d’Annecy (C2A), Jean-Luc Rigaut, et le préfet de Haute-Savoie, Georges-François Leclerc [4]. Cette réflexion se déployait en parallèle d’un projet de fusion des EPCI pour couvrir un territoire beaucoup plus important que celui de l’actuel EPCI. La discussion démarrée avec les 13 communes de la C2A montre que l’ensemble des communes ne souhaitent pas la fusion. Dès lors, les communes restantes s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre le processus, sachant que le bonus financier disparaît si la fusion ne touche pas l’ensemble d’un EPCI. Les élus de 6 communes décident néanmoins de poursuivre leurs travaux, qui aboutissent à la création de la commune nouvelle d’Annecy, réunissant les communes d’Annecy, Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Meythet, Pringy et Seynod au 1er janvier 2017 et comptant 127000 habitants. À la même date est créée la communauté d’agglomération du Grand Annecy, regroupant l’ancienne communauté d’agglomération annécienne et les communautés de communes du Pays d’Alby-sur-Chéran, du pays de Fillière, de la rive gauche du lac d’Annecy et de la Tournette. Cette création concomitante conduit à un mouvement de transfert de compétence entre les institutions communales et intercommunales (restitution des compétences culturelles et sportives aux communes, prise de compétence PLUI). D’un point de vue financier, la création de la commune nouvelle d’Annecy a permis à certaines communes qui connaissaient de fortes tensions de sortir de ces difficultés en bénéficiant de la meilleure santé financière des autres. En termes de gouvernance, Annecy se découpe en 6 communes déléguées. Politiquement, les 6 communes fusionnées ne présentaient pas les mêmes caractéristiques, certaines étant dirigées par la droite, d’autres par la gauche ou le centre droit. Pour faire accepter cette fusion, les élus de gauche, minoritaires dans cet espace politique, ont notamment mis en avant les gains possibles en termes de service public [5] et de solidarité.
9 Le processus ayant conduit à la création de la commune nouvelle de Fillière est un peu similaire. Là encore, il s’agissait initialement de fusionner l’ensemble des communes d’un EPCI pour bénéficier de la manne financière proposée par l’État. Là encore, l’ensemble des communes n’ont pas souhaité s’y engager. Et là encore, les communes souhaitant fusionner ont poursuivi leur démarche, malgré l’absence de gains financiers spécifiques. Ainsi, les communes d’Aviernoz, d’Évires, des Ollières, de Saint-Martin-Bellevue et de Thorens-Glières (commune la plus importante, avec 3200 habitants) ont fusionné pour créer la commune nouvelle de Fillière comptant 9200 habitants, tout en conservant des communes déléguées. Si la manne financière liée à la fusion n’a pas été obtenue, il n’en reste pas moins que l’organisation nouvelle, via la mise en place de procédures de gestion plus rigoureuses et la recherche systématique de subventions, semble permettre des gains financiers pour cette commune. Cette fusion a été concomitante de la création de la communauté d’agglomération du Grand Annecy et a permis à cette commune d’être la seule, avec Annecy, à disposer de plus d’un membre au bureau de la communauté d’agglomération, grâce à sa taille.
10 Le cas d’Epagny-Metz-Tessy diffère des autres cas de la communauté d’agglomération. Elle résulte de l’opposition à la fusion avec les autres communes de l’ancien EPCI annécien des communes d’Epagny et de Metz-Tessy. Commune nouvelle de 7800 habitants créée le 1er janvier 2016, elle n’a pas fait le choix de mettre en place des communes déléguées, mais une répartition entre commune et intercommunalité : le maire d’Epagny (4000 habitants) devenant maire de la commune nouvelle, la maire de Metz-Tessy devenant vice-présidente de la communauté d’agglomération. La question financière est mise en avant par les acteurs de cette fusion, mais pas comme facteur essentiel. Il s’agit bien d’une fusion défensive, argumentée autour d’éléments identitaires et d’un discours sur la gestion de proximité.
11 La commune nouvelle de Talloires-Montmin naît également d’un principe de refus, celui d’adhérer à la communauté d’agglomération du Grand Annecy (contrairement aux autres communes qui formaient la communauté de communes de la Tournette). En fait, la commune de Talloires (1733 habitants) appartenait à la CC de la Tournette et Montmin (318 habitants) à la communauté de communes des Sources du Lac. Cette dernière restait indépendante, refusant globalement d’adhérer à la communauté d’agglomération. Dès lors, Talloires espérait qu’avec cette fusion réalisée le 1er janvier 2016 la commune pourrait choisir d’adhérer à la CC des Sources du Lac. Cette option reçoit un avis négatif de la CDCI et est refusée par le préfet. La commune nouvelle de Talloires-Montmin adhère au Grand Annecy dès sa création.
12 À ces quatre exemples doivent s’ajouter ceux du Pays d’Alby-sur-Chéran et des communes de l’ancienne communauté de communes de la Tournette, deux exemples de création d’un SIVOM sur un périmètre proche d’un ancien EPCI, pour gérer les compétences restituées par la nouvelle agglomération annécienne.
Les espaces particuliers du Grésivaudan
13 Dans le Grésivaudan, la commune nouvelle de Crêts-en-Belledonne est la première à être créée au 1er janvier 2016, par la fusion entre la commune de Saint-Pierre-d’Allevard (2900 habitants) et le village de Morêtel-de-Mailles (450 habitants). Cette fusion prend sa source dans les difficultés financières de la commune de Morêtel-de-Mailles en 2014. Les études financières montrant que la commune ne pourra s’en sortir seule, elle se tourne vers ses voisines, Goncelin, Le Cheylas, Saint-Pierre d’Allevard, et fusionne avec cette dernière, où étaient scolarisés les enfants de Morestel [6]. Le maire de Morestel est resté maire délégué jusqu’en 2020.
14 La commune nouvelle du Plateau-des-Petites-Roches constitue un cas intéressant. Elle se situe dans un espace géographique particulier : un plateau situé à 1000 mètres d’altitude, surplombant la vallée, bordé de falaises descendantes à l’est et au sud, et par la dent de Crolles qui s’élève à 2000 mètres à l’ouest. Il s’agit donc d’une sorte d’enclave géographique, reliée à la vallée par deux routes seulement. Créée au 1er janvier 2019 par la fusion des communes de Saint-Pancrasse, Saint-Hilaire-du-Touvet et Saint-Bernard-du-Touvet, elle reprend les limites d’une ancienne communauté de communes, celle du Plateau des Petites Roches, qui avait disparu en 2009 lors de la création la communauté de communes du Grésivaudan. Politiquement, aucun des maires des 3 communes préexistantes n’est devenu maire. Tous 3 sont restés maires délégués, et c’est un adjoint d’une des communes qui est devenu maire. Si l’intérêt financier n’est jamais mis en avant, les facteurs déclenchants sont multiples (selon les acteurs) : disparition du syndicat scolaire en 2017 ; volonté de mener des actions collectives ; conscience d’une identité commune ; souhait de s’affirmer dans le paysage local. Sur ce dernier point, il apparaissait aux acteurs qu’ils pèseraient plus en étant une seule commune, tout en pointant le fait qu’ils passeraient, de facto, de 3 à 1 seul conseiller communautaire après les élections de 2020.
15 Le Haut Breda présente des caractéristiques similaires, tout au moins du point de vue géographique : le Haut Breda est une vallée encaissée au cœur du massif de Belledonne, fermée de trois côtés et s’ouvrant uniquement vers l’ouest sur la commune d’Allevard. Cette identité géographique est d’ailleurs mise en avant par les élus au moment de cette fusion : « Il y a une identité géographique très spécifique au Haut Bréda. C’est une vallée unique dans le Grésivaudan, interne, fermée. Et on est sur des ressemblances : les deux communes appartiennent à la même vallée. Elle est un premier lien qui va au-delà de l’identité communale » [7]. Outre cette dimension géographique, cette fusion présente également un caractère défensif : les communes de Pinsot et La Ferrière, qui ont fusionné au 1er janvier 2019, craignaient qu’on ne leur impose, à terme, une fusion avec la commune d’Allevard qu’ils rejettent. Cette fusion a été portée par le maire de La Ferrière, premier vice-président du Grésivaudan, qui est devenu maire de la commune nouvelle, le maire de Pinsot devenant maire délégué. La place de la communauté de communes dans cette fusion n’est d’ailleurs pas anodine, et le projet de territoire adopté en 2018 a été mis en avant dans la charte de la fusion. Lors d’une réunion publique, un consultant a été mobilisé pour montrer l’inéluctabilité des fusions de communes et la nécessité d’anticiper de manière volontaire pour éviter une fusion contrainte.
16 Le Grésivaudan a également connu plusieurs cas de projets de fusion ayant avorté. Celui de Froges, Champ-près-Froges et Laval a fait l’objet de discussions qui ont rapidement achoppé sur des questions de personnes. Celui de Barraux, La Buissière, La Flachère et Sainte-Marie-du-Mont a vu des commissions se mettre en place, un début de projet s’écrire, mais n’a pu aller plus loin, là encore pour des questions de personnes : dès lors qu’il s’est agi de savoir qui serait maire, les discussions se sont closes [8].
17 Le cas de Sainte-Agnès et Saint-Mury-Monteymond est le plus intéressant. Le projet de fusion a été porté par les élus de Sainte-Agnès et lancé dès 2016. Les deux villages (560 et 320 habitants) se partagent la même combe le long d’un ruisseau et leurs enfants sont scolarisés dans les mêmes écoles. La question financière étant vue comme centrale, le projet a débuté par une étude qui a donné des résultats qui ont été estimés positifs par les élus : « on pouvait avoir un taux de convergence sur la fiscalité sur 10 ans, très raisonnable. Et avec ça, on avait un potentiel d’action, d’emprunt de presque 1 M€ » ; « Très clairement, pour nous, les intérêts, déjà représenter un poids économique un peu plus important. Je pense notamment au prêt bancaire, faut être très clair, c’est très matériel. Moi, c’était quand même faire des projets un peu plus ambitieux pour les habitants des deux communes » [9]. Le processus de fusion a été lancé, jusqu’à la diffusion d’une charte de la commune nouvelle dans toutes les boîtes aux lettres et l’organisation de permanences municipales pour parler du projet. Un courrier accompagnant la charte, diffusé en septembre 2018, met en avant la communauté de vie que constituent les deux villages, la mutualisation de moyens possible et le poids plus important que constituerait la nouvelle entité vis-à-vis de l’EPCI, du département et de la région. Pourtant, quelques semaines avant que les conseils municipaux n’entérinent le projet, celui-ci capote pour des raisons liées à la gouvernance et au choix de celui ou celle qui sera maire. Ce retournement de situation a lieu en quelques jours : la diffusion de la charte débute en septembre, les permanences en mairie ont lieu du 28 septembre au 7 octobre, et un courrier est diffusé aux habitants de Sainte-Agnès le 16 octobre annonçant « la suspension » du projet, au motif qu’« une gouvernance équilibrée n’a pas été trouvée » et que « les délais imposés par la loi, d’un vote des conseils municipaux avant fin octobre, nous ont semblé trop courts » [10].
Un faisceau de facteurs explicatifs
18 Ces exemples multiples montrent assez clairement l’absence d’explication univoque à la création de communes nouvelles.
Reductio ad pecuniam ?
19 La tentation de voir dans les questions financières l’explication première et principale présidant à la fusion de communes achoppe sur l’analyse des cas précédents : ni à Annecy ni à Epagny-Metz-Tessy la fusion ne s’est réalisée pour améliorer la dotation de fonctionnement. À Fillière, le refus de certaines communes a entravé cet objectif initial, sans pour autant empêcher les communes volontaires de fusionner. L’amélioration revendiquée de la gestion grâce à la commune nouvelle ne suffit pas pour autant à justifier à elle seule l’intérêt de la fusion : « On parle de fusion de communes, l’attrait financier est… éventuel, doit être une conséquence par rapport à un projet commun des communes, mais dire qu’on va fusionner et qu’on aura un gain financier… Qu’est-ce qu’on peut faire ensemble, quels sont les objectifs, et puis peut-être après on verra quelles sont les conséquences, en termes humains, financiers, de fonctionnement » [11]. Dans les fusions, l’argument financier est souvent « plus rhétorique que démontré » (Arrignon, Frinault, 2021, p. 175).
20 Pour autant, la nuance mise par les acteurs sur l’intérêt financier n’invalide pas l’hypothèse de la question financière comme cause première de la fusion. Mais cette reductio ad pecuniam des fusions communales ne permet pas de répondre à certaines questions : si l’intérêt financier était si prégnant dans les choix, pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de fusions ? Plus encore, pourquoi, là où des fusions étaient en préparation avec un gain financier visiblement intéressant (par exemple à Sainte-Agnès et Saint-Mury-Monteymond), ces fusions n’ont-elles pas eu lieu ? Le fait que des projets perdurent et aboutissent en l’absence de gains financiers tandis que d’autres échouent alors que les gains financiers semblent centraux confirme que les finances ne sont pas la variable essentielle pour comprendre l’émergence des communes nouvelles.
Nemesis communale ?
21 Cette hypothèse initiale semble intéressante dans une vision reposant sur la concurrence des institutions au sein d’un même espace géographique. Elle prend appui sur le fait que la constitution de communes nouvelles peut s’accompagner de reprises de compétence par les communes, comme c’est le cas pour la commune d’Annecy pour la culture et le sport. Plus fortes, en capacité de peser, de reprendre ou garder des compétences, les communes nouvelles se présentent comme des versions augmentées des communes précédentes. Toutefois, cette conception se heurte à quelques faits : la constitution de communes nouvelles, même vastes et puissantes, ne remet pas en cause l’obligation pour une commune de participer à un EPCI communautaire. Cette option n’existait pas jusqu’à l’adoption de la loi du 1er août 2019 créant la possibilité pour l’ensemble d’un EPCI fusionnant en une commune nouvelle de devenir une commune-communauté, remplissant les fonctions des deux institutions. À ce jour, aucune expérience de ce type n’a eu lieu, les promoteurs de cette loi faisant eux-mêmes état de la faible probabilité de réalisation d’une telle fusion [12]. De plus, cette nemesis communale aurait dû se manifester sur des territoires où les EPCI sont très intégrés, donc où les communes ont le plus perdu de moyens et de compétences. Or, il semble que ces mouvements de fusion ne sont pas corrélés au type d’EPCI. Ainsi, dans la région grenobloise, il n’y a pas eu de fusion dans le périmètre métropolitain, 1 fusion sur le pays voironnais et 3 dans la communauté de communes du Grésivaudan. En l’espèce, moins l’intercommunalité est intégrée, plus les communes nouvelles sont nombreuses.
Géopolitique locale
22 Pour comprendre l’émergence d’une commune nouvelle, il convient aussi de la replacer sur son territoire, de prendre en compte la réalité des interdépendances qui la lient aux différentes institutions locales, à leur histoire et leur fonctionnement. Chaque commune est prise dans un entrelacs relationnel, dans une configuration territoriale spécifique, « la transcommunalité » (Fabry, 2021, 87). Depuis 10 ans, les différentes évolutions extérieures ont conduit à une modification de l’équilibre interne des transcommunalités, avec une injonction au renforcement des EPCI communautaires. La succession des lois relatives à l’intercommunalité entre 2010 et 2020 a en effet conduit à un accroissement de leur emprise territoriale et de leurs compétences (fusion des EPCI [13], transfert de nouvelles compétences aux EPCI de manière obligatoire). Ce double mouvement, géographique et de compétence, n’a pu que remettre en cause l’équilibre et le rapport de force préexistant dans les transcommunalités.
23 On peut donc constater une dimension géopolitique à la création de communes nouvelles : dans le Grand Annecy, l’extension géographique pouvait conduire à une dilution du poids de la ville-centre : sans création de commune nouvelle, elle n’aurait constitué que 26 % du nouvel EPCI créé en 2017 (contre 36 % dans l’ancien EPCI). Avec la commune nouvelle, elle représente 63 %, un poids considérable qui la place en position de force dans la nouvelle communauté d’agglomération. Le cas de la commune de Fillière est identique : alors qu’elle est constituée d’anciens villages de moins de 3200 habitants, c’est aujourd’hui, après Annecy, la commune la plus représentée dans toutes les instances : 5 élus au conseil communautaire [14], 2 élus au bureau communautaire.
Homéostasie transcommunale
24 L’explication géopolitique conjuguée aux éléments de reprise de pouvoir des communes semble tendre vers une logique homéostatique, c’est-à-dire un mouvement de régulation automatique du système qui permet de retrouver un équilibre perdu. Dans le Grésivaudan, si la taille de l’EPCI n’a pas évolué depuis 2009, la dévolution des compétences a été profondément modifiée entre 2016 et 2018 : à la prise volontaire de compétence sur 3 stations de sport d’hiver s’ajoutent les modifications législatives qui lui transfèrent les compétences en matière de promotion du tourisme, de ZAE, de GEMAPI, ainsi que celle sur l’eau et l’assainissement [15]. En moins de 4 ans, des pans entiers de compétence passent des communes à l’intercommunalité de manière obligatoire, alors que jusqu’à présent les communes ne transféraient qu’avec parcimonie et au cas par cas. On peut trouver trace de l’impact de ces mouvements dans le projet de territoire du Grésivaudan, voté en septembre 2018, qui redéfinit la répartition des compétences entre communes et intercommunalité à l’aune d’un principe politique fort : « l’affirmation claire de la volonté de ne pas voir les communes dévitalisées ». Cet argument est ainsi repris dans les discours qui président à la constitution du Haut Breda. Ainsi, dans la charte de la commune nouvelle, le préambule explique : « la création des communes nouvelles constitue une formidable opportunité pour améliorer de manière significative le fonctionnement du bloc local et rééquilibrer le rapport entre des communes recomposées et qui ont vocation à s’occuper des services de proximité et des EPCI élargis qui assurent la cohérence de l’aménagement et de la solidarité locale » [16], reprenant ainsi les termes mêmes du projet de territoire quant à la répartition des compétences entre communes et intercommunalité [17].
25 Néanmoins, ce rééquilibrage est loin d’être automatique : dans le Grésivaudan, seules 3 communes nouvelles ont été créées. Dans le Grand Annecy, des choix différents ont été faits par certaines communes, pour répondre à ce même mouvement de redéfinition des compétences. C’est ainsi que les communes de Menthon-Saint-Bernard, Veyrier-du-Lac et Talloires-Montmin ont créé le SIVOM de la Tournette pour gérer la crèche halte-garderie, les terrains de sport et le balayage mécanique de la voirie, compétences anciennement intercommunales qui revenaient aux communes. De la même manière, d’anciennes communes du Pays d’Alby ont créé le SIPA (syndicat intercommunal du Pays d’Alby) pour reprendre les compétences liées au social, au sport, à la culture, que l’ancienne communauté de communes gérait [18] : « on a dû recréer un syndicat, parce qu’en fait on n’était pas prêts pour le volet 2 de la loi NOTRe, et le législateur en plus l’a laissé un peu tomber, c’est la réorganisation territoriale des communes ». Ce qui explique l’absence d’automaticité de ce mouvement, c’est une caractéristique propre à la commune, sa difficulté à franchir le cap de la scalabilité.
Quelle scalabilité communale ?
26 Créer une commune nouvelle nécessite de dépasser le cadre initial de chacune des communes historiques. Or, ce dépassement n’est pas qu’une affaire de rationalité ou d’organisation locale permettant d’accroître l’efficience des politiques publiques. Une commune est plus qu’une organisation administrative locale, elle est « la réification de cette trame de relations géographiques et sociales, de cette histoire, de cette matrice de symboles, d’idées, de représentations qui sont autant de fondements pour l’action » (Fabry, 2021, 382). C’est pourquoi la création d’une commune nouvelle n’est sans doute pas possible partout, et répond à des conditions spécifiques qui touchent l’identité du territoire et la perception de celui-ci : il n’est pas anodin que les deux communes nouvelles du Grésivaudan créées en 2019 se caractérisent toutes deux par des conditions géographiques et topologiques spécifiques, des formes d’enclaves accessibles par une ou deux routes seulement. Pour créer une commune nouvelle, il faut pouvoir créer une nouvelle matrice symbolique, qui passe par la géographie dans le cas du Plateau-des-Petites-Roches ou du Haut Breda. Elle peut aussi se fonder sur l’histoire, comme le notait le projet de charte de la commune nouvelle de Sainte-Agnès/Saint-Mury-Monteymond qui débute ainsi : « Jadis, les deux paroisses de Sainte-Agnès et Saint-Mury-Monteymond étaient regroupées : “Sancte-Agnetis-de-Mont-Aimonis”, au xie siècle… Mais le temps et les seigneuries ont partagé cet espace de vie commun aux habitants. Ainsi, seul cas dans le massif de Belledonne, le torrent descendant du glacier de Freydane, du lac Blanc et des cascades du Boulon sépare aujourd’hui administrativement les citoyens résidant dans cette même combe du Vorz. Pourtant, l’histoire de ces deux villages est commune à bien des égards » [19].
27 Avant même de parler des services publics d’ores et déjà partagés par ces villages, la commune nouvelle s’inscrit dans l’histoire et la géographie. Loin d’être anecdotique, ce rappel est essentiel, car c’est de cette marque du territoire, de cette sédimentation de l’histoire, que naissent la légitimité démocratique de la commune et sa capacité à être une institution civique : procéder à une dilatation territoriale nécessite de respecter cette « cité civique » (Boltanski, Thevenot, 1991). Sans affichage de points communs historiques, géographiques, politiques, culturels ou sociaux, la légitimité de la création d’une commune nouvelle n’est pas assurée. De la même manière, les élus du Plateau-des-Petites-Roches comme ceux d’Epagny-Metz-Tessy déclarent que l’un des moments essentiels du rapprochement des communes est le partage de la cérémonie au monument aux morts : « On a une seule église, un seul cimetière, un seul presbytère, et ça depuis 50 ans. […], mais nous déjà par le fait d’avoir une seule église, une seule cérémonie au monument aux morts. Là, ça c’est un truc, c’est peut-être un détail pour vous, mais quand vous touchez, vous commencez à toucher les cérémonies au pied des monuments, donc voyez un peu, en plus y’a du monde, voilà quoi ! » [20].
28 Traduction institutionnelle du territoire, à forte dimension symbolique et civique, la commune ne peut être un outil purement rationnel d’adaptation du périmètre de mise en œuvre des politiques publiques. D’autres outils sont mobilisés à cette fin, en premier lieu les EPCI, syndicaux ou communautaires, comme le SIVOM de la Tournette ou celui du pays d’Alby.
Une mutation de l’environnement communal
29 Les facteurs concourant à l’émergence d’une commune nouvelle sont donc multiples, d’ordre financier ou géopolitique. Néanmoins, cette création intervient à un moment spécifique, lors d’une crise de l’espace local qui remet en cause l’équilibre transcommunal. Quand l’EPCI évolue, en taille ou en compétence, quand les finances locales se modifient, du fait de transformations portées par l’État, l’interdépendance locale entre communes et intercommunalité s’en trouve modifiée. Dès lors, la commune nouvelle constitue l’une des réponses possibles à la crise transcommunale. Elle nécessite un contexte symbolique particulier et la présence d’acteurs pour porter cette transformation. Ces entrepreneurs de la réforme (Bezes et Le Lidec, 2010), comme l’ont été J.-L. Rigaut à Annecy ou G. Cohard pour Le Haut-Breda, vont mobiliser différents facteurs, historiques, géographiques, politiques, financiers, pour réussir la transformation institutionnelle dont ils sont porteurs et permettre la scalabilité communale. L’absence de ces facteurs, ou l’absence d’un entrepreneur politique puissant, va générer d’autres formes de réponses à la crise transcommunale, comme la création d’un SIVOM. Cet outil, purement technique, reste sous la maîtrise politique des communes sans possibilité d’émancipation, ne vient pas contester leur légitimité, ne nécessite pas la présence de facteurs symboliques spécifiques. Selon les situations de crise, les outils à la disposition des acteurs locaux sont multiples : société publique locale, établissement public industriel et commercial, établissement public administratif, association…
30 La commune nouvelle est donc un moyen d’adaptation, de régulation, de réajustement à la suite des pressions externes ayant modifié l’équilibre initial de la configuration territoriale locale. Or, depuis 2010, les lois venant retravailler cet espace se sont multipliées, générant des transformations importantes dans la gestion des compétences, ouvrant la voie à un rééquilibrage local. Réponse possible à une crise, la création d’une commune nouvelle n’a cependant pas toujours le même sens : si certaines sont défensives, mises en place pour se protéger de l’absorption par une entité plus vaste, d’autres sont offensives et constituées pour peser plus fortement dans l’espace local. Cette part laissée au jeu des acteurs inscrit les communes nouvelles dans un mouvement plus large de fusions contingentes d’administrations et de collectivités, où la part dévolue aux contextes et aux acteurs est primordiale (Arambourou, Négrier, Paoletti, Simoulin, 2021). Cette part contingente repose sur l’existence d’éléments symboliques potentiellement mobilisables, comme l’histoire ou la géographie qui, en isolant certains espaces, viennent exacerber une identité locale à même de constituer la matrice d’une commune nouvelle.
31 Cette alternative entre la création d’une commune nouvelle ou l’utilisation d’un autre outil institutionnel (syndicat par exemple) peut éclairer l’inégale répartition des fusions communales, si l’on veut bien voir que les départements ayant créé le moins de communes nouvelles depuis 2010 sont aussi les plus « syndicalisés » (comme les Bouches-du-Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes, les Landes ou les départements d’Île-de-France) [21]. Ces disparités régionales prennent donc sens en mobilisant des facteurs explicatifs plus larges que les simples raisons financières, et en considérant les communes nouvelles comme une alternative possible dans l’équilibre local, qui ne peut voir le jour que dans certaines configurations permettant de rendre la commune scalable. Ces conditions symboliques, historiques, politiques et géographiques déterminent la possibilité, pour certains acteurs, de créer une commune nouvelle ou de s’appuyer sur un autre type d’outil, montrant l’irréductible part locale de ces créations. En ce sens, les spécificités locales, régionales jouent un rôle essentiel dans le choix de l’outil mis en place. Cette part liée au territoire va être amplifiée par la dynamique isomorphique institutionnelle, très forte au niveau local, qui constitue un facteur d’entraînement à même d’éclairer ces disparités géographiques.
Bibliographie
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- Vignon, Sébastien (2019), « Des rôles politiques en tension ? Les “petits cumuls” des maires ruraux sur la scène intercommunale », Études rurales, no 204, p. 122-144.
Mots-clés éditeurs : réforme territoriale, configuration territoriale, décentralisation, Commune nouvelle, fusion
Date de mise en ligne : 02/05/2022.
https://doi.org/10.3917/rfap.181.0229Notes
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[1]
Porté par les lois RCT en 2010, MAPTAM en 2014 et NOTRe en 2015.
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[2]
DGCL, BIS [Bulletin d’information statistique], no 130, mars 2019, p. 4.
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[3]
Ces cas ont été étudiés dans le cadre d’un travail de recherche plus large sur l’intercommunalité et les communes.
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[4]
De nombreux élus de l’agglomération, issus de communes différentes, mettent en avant le rôle du préfet à côté de celui de J.-L. Rigaut.
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[5]
Propos d’un élu de Cran-Gevrier : « et donc ils ont pris aussi conscience ici que pour qu’on arrive à défendre un bon projet de service public, de maintien de service public, ben une fusion était quand même dans l’intérêt des habitants de Cran » ; « sur le niveau de service aux citoyens, [la fusion] a évidemment un impact positif. Y a des choses qu’on n’aurait pas pu faire ».
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[6]
Interview de J.-L. Maret, maire de Crêts-en-Belledonne, et J.-M. Crouteix, maire délégué de Morêtel-de-Mailles, G L’info no 37, décembre 2018, p. 5.
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[7]
Propos de G. Cohard, maire de La Ferrière, retranscrits dans Le Dauphiné libéré du 20 octobre 2018.
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[8]
Comme l’explique un échange avec un élu de ces communes : « Vous aviez commencé à réfléchir là-dessus ? – Ah oui, mais pfoouuu… – Et ça s’est arrêté ? – Ça s’est arrêté. Après c’est des problèmes d’ego… Le maire de [X] était pour parce qu’il ne repartait pas, mais ceux qui avaient envie, derrière, ben ils sont contre. »
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[9]
Propos d’élus des deux communes.
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[10]
Courrier aux habitants signé du maire de Sainte-Agnès en date du 16 octobre 2018.
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[11]
Propos d’un élu du Grésivaudan.
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[12]
« Le cas ne devrait pas se rencontrer très fréquemment, vu la taille qu’ont aujourd’hui acquise les EPCI à fiscalité propre. » (Rapport d’information no 110 [2018-2019] de M. Mathieu Darnaud, fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 novembre 2018).
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[13]
En 2018, la couverture du territoire métropolitain par des EPCI était complète.
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[14]
Contre 47 conseillers de la commune nouvelle d’Annecy, 4 d’Epagny-Metz-Tessy et de Poisy, 3 de Saint-Jorioz, 2 de Groisy, de Sevrier et de Villaz et un seul pour les 26 autres communes.
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[15]
Le Grésivaudan voulant anticiper l’obligation faite par la loi de reprise de cette compétence avant le 1er janvier 2020 (l’article 64 de la loi no 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République).
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[16]
Extrait du préambule de la charte de la commune nouvelle du Haut-Breda. Celle-ci pointe également « le nouveau projet de territoire du Grésivaudan » dans les éléments de contexte, au même titre que la réforme territoriale et que la baisse des dotations et la raréfaction des ressources.
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[17]
Le Grésivaudan, 2018, Projet de territoire, p. 8.
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[18]
Sur les 11 communes qui composaient la communauté de communes du Pays d’Alby-sur-Chéran, 7 ont créé le syndicat intercommunal du Pays d’Alby (SIPA), 2 ont conventionné avec lui et 2 sont restées isolées.
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[19]
Projet de charte « commune nouvelle », p. 1.
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[20]
Ces propos rappellent ceux d’un élu du Plateau-des-Petites-Roches : « alors la première année, en 2014, on en était encore à faire chacun nos cérémonies, décalées dans le temps, pour permettre aux anciens combattants de passer de l’un à l’autre, les pompiers aussi qui se faisaient les 3 cérémonies, et puis là, on s’est dit non. Voilà, on a un calendrier, et on tourne. […] En fait c’était une très bonne décision… D’abord parce qu’on se retrouve plus nombreux, donc ça a un peu plus de sens, voilà, et puis c’est partagé, ça c’était un bon début aussi… ».
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[21]
DGCL, BIS [Bulletin d’information statistique], no 152, mai 2021, p. 6.