Notes
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[*]
Les « Chroniques » de l’administration et du secteur public économique couvrent la période du 1er août au 31 octobre 2020.
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[1]
À titre exceptionnel et conformément à ce qui avait été annoncé dans le numéro précédent (Revue française d’administration publique, no175, 2020/3), cette partie de la chronique couvre la période allant du 1er mai au 31 octobre 2020.
-
[2]
Dans son allocution du 14 juillet 2020, le Président de la République annonce un plan de relance à hauteur de 100 milliards d’euros, adossé au budget 2021.
-
[3]
Cf. cette chronique, RFAP no 174.
-
[4]
À titre exceptionnel et conformément à ce qui avait été annoncé dans le numéro précédent (Revue française d’administration publique, no 175, 2020/3), cette partie de la chronique couvre la période allant du 1er mai au 31 octobre 2020.
-
[5]
La création en novembre 2017 d’un secrétariat d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, au sein du second gouvernement d’Édouard Philippe, confié à Olivier Dussopt, n’avait rien changé à ce constat puisque ni son décret de nomination ni son décret d’attribution ne précisaient son portefeuille exact. Cf. sur ce point : RFAP no 163, p. 663, et RFAP no 165, p 167.
-
[6]
35 ans, diplômée d’HEC, élue députée dans l’Essonne en 2017 sous l’étiquette de La République en Marche, ex-cadre d’Axa et secrétaire d’État chargée des affaires européennes auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères dans le précédent gouvernement.
-
[7]
Décret no 2020-882 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la transformation et de la fonction publiques.
-
[8]
Baromètre de la confiance politique du Cévipof, Sciences Po du 10 janvier 2019.
-
[9]
Cf. cette « Chronique », RFAP, no 174, p. 567-568.
-
[10]
Ordonnance no 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l’état d’urgence sanitaire.
-
[11]
Ordonnance no 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.
-
[12]
Décret no 2020-308 du 25 mars 2020 ouvrant la possibilité, en période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19, de différer l’établissement des certificats médicaux périodiques des militaires placés en situation de congé du blessé, de congé de longue durée pour maladie et de congé de longue maladie.
-
[13]
Ordonnance no 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19.
-
[14]
Ordonnance no 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire.
-
[15]
Décret no 2020-404 du 7 avril 2020 relatif à la prise en charge des frais de repas de certains personnels civils et militaires dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
-
[16]
Loi no 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
-
[17]
Décret no 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
-
[18]
Décret no 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l’Institution nationale des invalides dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.
-
[19]
Circulaire du 7 octobre 2020 relative au renforcement du télétravail dans la fonction publique de l’État dans le cadre de la crise sanitaire.
-
[20]
Circulaire du 29 octobre 2020 relative à la continuité du service public dans les administrations et les établissements publics de l’État dans le contexte de dégradation de la situation sanitaire.
-
[21]
Loi no 2020-692 du 8 juin 2020 visant à améliorer les droits des travailleurs et l’accompagnement des familles après le décès d’un enfant.
-
[22]
Jusqu’à une date récente, aucune disposition légale générale ne garantissait de durée de congé minimale aux agents publics en cas de décès d’un enfant. L’article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires disposait seulement que les fonctionnaires ont droit à divers congés, notamment annuels, de maladie, de maternité ou encore de formation professionnelle. Pour la fonction publique d’État, et en l’absence de disposition légale, ce congé était prévu par une instruction du 23 mars 1950, qui prévoyait une durée de trois jours ouvrables en cas de décès « ou maladie très grave » du conjoint, du père, de la mère ou d’un enfant de l’agent public. Cette durée pouvait être majorée de quarante-huit heures sur décision du chef de service. Afin d’y remédier, l’article 45 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a inscrit pour la première fois dans le statut le droit des fonctionnaires à bénéficier de congés en cas d’événement familial.
-
[23]
La loi rend cependant inopposable la décision d’un agent public de renoncer à ces jours de congé au profit d’un autre salarié. La nécessité d’accord préalable du chef de service est remplacée par une simple obligation d’information.
-
[24]
Il s’agit notamment des travailleurs reconnus handicapés, des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, des titulaires d’une pension d’invalidité ou de l’allocation aux adultes handicapés.
-
[25]
Loi no 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, notamment l’article 91.
-
[26]
Décret no 2020-530 du 5 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités de titularisation dans un corps ou cadre d’emplois de la fonction publique des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à l’issue d’un contrat d’apprentissage.
-
[27]
Article 93 de la loi.
-
[28]
Décret no 2020-569 du 13 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités dérogatoires d’accès par la voie du détachement à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure instituées en faveur des fonctionnaires bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
-
[29]
Article 92 de la loi.
-
[30]
Pour mémoire, l’article L. 5212-2 dispose que tout employeur (public ou privé) occupant au moins 20 salariés ou agents doit employer des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de son effectif.
-
[31]
Cf. FIPHP, Bilan et résultats 2019.
-
[32]
Décret no 2020-647 du 27 mai 2020 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique de l’État, JORF no 0130 du 29 mai 2020.
-
[33]
Décret no 2020-647 du 27 mai 2020 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique de l’État.
-
[34]
Décret no 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique
-
[35]
Selon les termes mêmes du « rapport de diagnostic » de mars 2017 relatif à « l’Évaluation du dispositif des instances médicales de la fonction publique » : cette « Chronique », RFAP, no 163, 2017, p. 668.
-
[36]
Voir les différents scenarii envisagés par le rapport de diagnostic relatif à « l’Évaluation du dispositif des instances médicales de la fonction publique » que le Premier ministre avait demandé en août 2016 à la ministre des affaires sociales et de la Santé. Cf. cette « Chronique », RFAP, no 163, 2017, p. 668.
-
[37]
Décret no 2020-543 du 9 mai 2020 relatif au versement du « forfait mobilités durable » dans la fonction publique de l’État.
-
[38]
Cour des comptes, Les agents contractuels dans la fonction publique – Exercices 2010-2019, rapport public thématique, septembre 2020. Le rapport porte plus exactement sur une large part des agents contractuels employé dans le secteur public, mais pas tous les agents puisque les agents contractuels militaires, ceux relevant de statuts particuliers, ceux employés par des organismes publics soumis au droit commercial ou dont le statut de recrutement de droit commun des agents relève du droit privé n’ont pas été inclus dans cette étude.
-
[39]
Sur la période 2010 à 2017 ; rapport, p. 29.
-
[40]
Ce périmètre prend notamment en compte des personnels sous statut particulier, comme les médecins hospitaliers.
-
[41]
Cour des comptes, Les heures supplémentaires dans la fonction publique – Exercices 2010-2018, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, octobre 2020 ; Rapport demandé par le président de la commission des finances sur la base du point 2 de l’article 58 de la LOLF.
-
[42]
Lorsque les heures supplémentaires ne sont pas indemnisées, mais ouvrent des droits à congés ou à repos, leur coût budgétaire peut être significativement majoré si elles ne sont pas immédiatement récupérées, car lorsqu’elles sont stockées pour être récupérées sous la forme de repos compensateurs, de congés de longue durée ou de départ anticipé en retraite, leur coût équivaut en pratique à celui des heures travaillées.
-
[43]
Décret no 2020-884 du 17 juillet 2020 modifiant le décret no 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé ; v. aussi par ex. le décret no 2020-1096 du 28 août 2020 le rendant obligatoire dans les collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur.
-
[44]
Décret no 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire.
-
[45]
Décret no 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
-
[46]
Décret no 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
-
[47]
Loi confortant les principes républicains, dont le projet sera rendu public en novembre 2020 (https://www.dalloz-actualite.fr/flash/projet-de-loi-separatisme-texte-de-l-avant-projet-de-loi#.X846hS_pPGI).
-
[48]
Idem.
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[49]
V. par ex. Guillaume Beaussonie, « Une goutte de sûreté dans un océan de sécurité », Recueil Dalloz, 2020, p. 1869.
-
[50]
Jean-Éric Schoettl : « Contre l’islamisme, en sortant de l’état d’urgence, nous avons perdu des moyens d’action », Le Figaro, 22 oct. 2020.
-
[51]
CE, 13 oct. 2020, no 44937.
-
[52]
Premier ministre, « De nouvelles mesures pour prévenir et lutter contre la bascule dans la pauvreté »,https://www.gouvernement.fr/partage/11826-lutte-contre-la-pauvrete-en-deplacement-au-centre-d-hebergement-et-de-reinsertion-sociale-a-epinay
-
[53]
Rapport d’information sur l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés (no 3357), 23 septembre 2020, http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3357_rapport-information
-
[54]
Rapport approuvé par l’assemblée générale du Conseil d’État en mars 2020, mais mis en ligne le 9 octobre 2020, https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/simplifier-le-contentieux-des-etrangers-dans-l-interet-de-tous
I – Réforme de l’État et gestion publique
II – Décentralisation et collectivités territoriales
III – Agents publics
IV – Administration et libertés
I – Réforme de l’état et gestion publique [*] [1]
- Institutions
- Impact de la crise pandémique
- Réforme de l’État
- Consultation des citoyens
- Finances publiques et gestion publique
- Juridictions
• Institutions
Changement de gouvernement
1À la suite du second tour des élections municipales, le 28 juin 2020, Édouard Philippe remet la démission de son gouvernement au président de la République le 3 juillet 2020. Par décret du même jour, M. Jean Castex est nommé Premier ministre. Le nouveau chef du gouvernement, conseiller-maître à la Cour des comptes, était jusqu’alors, depuis le 2 avril 2020, chargé de coordonner le travail de réflexion du gouvernement sur les stratégies de sortie progressive du confinement de la population française dû à la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, depuis septembre 2017, il est délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris, depuis le 24 janvier 2018, délégué interministériel aux grands événements sportifs et, depuis le 20 avril 2019, président de l’Agence nationale du sport, créée par un arrêté paru le même jour. Enfin, il est également à cette date maire de Prades, président de la communauté de communes Conflent Canigó et conseiller départemental des Pyrénées-Orientales.
2La composition initiale du gouvernement est publiée au Journal officiel de la République française le 7 juillet 2017. La liste des ministres comprend 30 membres, soit le plus grand nombre de ministres sous la ve République, dépassant le record de 26 ministres dans les gouvernements Juppé I (1995) et Mauroy II (1981-1983). Le seul secrétaire d’État nommé avec les ministres est le porte-parole du gouvernement (ce qui était arrivé antérieurement dans le gouvernement Mauroy III de 1983). Le 26 juillet 2020, trois semaines après la composition initiale du gouvernement, 11 secrétaires d’État sont nommés. Avec 42 membres, il s’agit du gouvernement comptant le plus de membres depuis le gouvernement Juppé I en 1995.
Composition du gouvernement
3Plusieurs modifications dans la composition du gouvernement, au-delà du nombre de ses membres, méritent d’être soulignées. Le rattachement des sports au ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, avec une ministre déléguée qui lui est rattachée, préfigure notamment une modification des administrations déconcentrées (cf. infra). Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se voit chargé spécifiquement de la relance économique qui doit permettre de répondre à la chute brutale de la croissance consécutive aux mesures prises pour faire face à la pandémie [2] ; lui est par ailleurs rattaché le ministre délégué chargé des comptes publics, ce qui place sous son autorité directe l’ensemble des services de Bercy. Une ministre de la mer est également nommée, renouant avec un intitulé ministériel plein autonome qui n’avait existé sous la ve République qu’entre 1983 et 1986 puis entre 1988 et 1991 ; entre-temps, la fonction avait pu être exercée par un secrétaire d’État (à trois reprises) ou plus fréquemment rattachée à un autre intitulé ministériel, le plus souvent aux transports (avec l’équipement puis l’écologie), voire avait pu disparaître des intitulés ministériels. Enfin, s’agissant toujours des ministres, la réforme de l’État se trouve dotée d’un ministère plein conjointement avec la fonction publique, sous l’intitulé de ministre de la transformation et de la fonction publiques, renouant là aussi avec la configuration la plus classique sous la ve République.
4S’agissant des secrétaires d’État, on note principalement la réapparition d’une secrétaire d’État en charge de la biodiversité, qui n’avait existé qu’une fois auparavant, entre 2016 et 2017.
5Le gouvernement comprend, avec le Premier ministre, un nombre égal de femmes et d’hommes. Sept de ses membres, dont le Premier ministre et le garde des Sceaux, n’ont jamais exercé de fonctions ministérielles. Onze sont « issus de la société civile », les autres exerçant ou ayant déjà exercé des fonctions électives. Enfin, deux ministres font l’objet, à la date de leur nomination, d’une enquête judiciaire en cours.
Augmentation de la taille des cabinets ministériels
6Le décret no 2020-862 du 11 juillet 2020 simplifie les règles de composition des cabinets et augmente le nombre de membres maximum. Désormais, le décret vise uniquement les cabinets des ministres, des ministres délégués et des secrétaires d’État. Le nombre maximum de membres du cabinet est porté de dix à quinze pour les ministres, de huit à treize pour les ministres délégués et de cinq à huit pour les secrétaires d’État [3].
• Impact de la crise pandémique
Loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, et décision du Conseil constitutionnel afférente
7Suivant le dernier avis rendu par le comité de scientifiques Covid-19, la loi proroge l’état d’urgence sanitaire. Le cadre juridique de ce nouvel état d’urgence est complété, pour l’adapter aux enjeux du déconfinement. Un nouveau système d’information pour lutter contre la propagation du Covid-19 est aussi autorisé. Le texte présenté par le gouvernement prolongeait l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 23 juillet 2020, en raison du niveau élevé de circulation du coronavirus et des risques de reprise épidémique. La loi adoptée par le Parlement a réduit cette prolongation au 10 juillet 2020 inclus. Plusieurs autres dispositions de l’état d’urgence sont précisées par ce texte.
8Saisi, le Conseil constitutionnel valide plusieurs de ses dispositions, mais, concernant les traitements de données à caractère personnel de nature médicale aux fins de « traçage », le Conseil décide deux censures partielles et énonce trois réserves d’interprétation, cependant que, concernant le régime des mesures de quarantaine et d’isolement, il prononce une réserve d’interprétation et une censure. En particulier, dans son appréciation sur la proportionnalité de l’atteinte portée par ces mesures à la liberté individuelle, le Conseil a notamment relevé que, en cherchant par ces dispositions à assurer la mise à l’écart du reste de la population des personnes qui en font l’objet en les soumettant à un isolement le cas échéant complet de façon à prévenir la propagation de la maladie à l’origine de la catastrophe sanitaire, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
9Concernant le système d’information destiné à permettre le traitement de données destinées au « traçage » des personnes atteintes par le Covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte du droit constitutionnel au respect de la vie privée que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Il a en outre jugé pour la première fois que, lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités. Au regard du cadre constitutionnel ainsi précisé, il a relevé que les dispositions contestées autorisent le traitement et le partage, sans le consentement des intéressés, de données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par la maladie du Covid-19 et des personnes en contact avec elles, dans le cadre d’un système d’information ad hoc ainsi que dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données de santé déjà existants. Ce faisant, ces dispositions portent atteinte au droit au respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel juge toutefois que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, par l’identification des chaînes de contamination. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
Loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne
10La loi contient dix habilitations à légiférer par ordonnances et des dispositions dans des domaines divers pour répondre à la sortie de la crise sanitaire (travail, justice, économie, conséquences du Brexit…). Le texte avait été présenté par le Premier ministre, au conseil des ministres du 7 mai 2020. Le texte du gouvernement contenait uniquement des dispositions l’habilitant à prendre par ordonnances, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi. La plupart des habilitations ont été intégrées par le Parlement en « clair », directement dans la loi. Le nombre d’habilitations est réduit à dix (contre quarante prévues initialement).
11En raison de la crise sanitaire, le gouvernement demandait à reporter l’entrée en vigueur de réformes ou la fin d’expérimentations. Ces reports sont inclus dans la loi. D’autres ont été ajoutés. Ils concernent notamment certaines mesures de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, la partie législative du code de la justice pénale des mineurs instituée par l’ordonnance du 11 septembre 2019 (report du 1er octobre 2020 au 31 mars 2021) ou encore la réforme des divorces contentieux (report du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021).
12Le texte initial habilitait le gouvernement à modifier par ordonnances la durée de tout mandat, sauf ceux issus d’élections politiques. Cette habilitation est supprimée. La prolongation de certains mandats est inscrite dans la loi, tels les mandats des représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance. L’ordonnance du 1er avril 2020 relative au mandat des conseillers de prud’hommes est, en outre, modifiée.
13De nombreux procès ayant été reportés en raison du confinement, le gouvernement demandait un certain nombre d’habilitations. Le texte adapte directement la procédure de jugement des crimes et le fonctionnement des cours d’assises : augmentation du nombre de jurés tirés au sort afin de participer aux sessions des cours d’assises jusqu’à la fin de l’année, aménagement du calendrier des opérations d’établissement des listes des jurés pour 2021, possibilité de modifier la désignation des cours d’assises devant statuer en appel. En outre, l’expérimentation de la cour criminelle, instituée par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice (cour sans jury populaire), doit avoir lieu dans 18 départements (contre 9 aujourd’hui et 30 souhaités par le gouvernement). De même, face au « stock » d’affaires pénales, la loi permet aux procureurs de la République, sous plusieurs conditions et délais, de réorienter les procédures dont ont été saisis les tribunaux de police, les tribunaux correctionnels et les juridictions pour mineurs. L’intérêt des victimes doit être préservé.
14Afin de favoriser la reprise de l’activité économique, le gouvernement est habilité à adapter, à compter du 1er juin 2020, pour une durée de six mois maximum à partir de la fin de l’état d’urgence sanitaire, le dispositif de chômage partiel par secteurs d’activité ou par catégories de salariés concernés « en tenant compte notamment de la situation particulière des artistes à employeurs multiples, de celle des activités fermées administrativement ainsi que de celle des entreprises qui les approvisionnent les plus dépendantes de ces activités ». Sur amendement des sénateurs, les ordonnances devront prendre en compte la spécificité des relations contractuelles dans le secteur culturel (artistes-auteurs, intermittents…).
15En matière de travail, pour tenir compte de la crise sanitaire, il est prévu le renouvellement ou la prolongation dérogatoire des contrats d’insertion, la possibilité pour un accord collectif d’entreprise jusque fin 2020 de fixer un nombre de renouvellements des CDD. Il s’agit de prolonger des relations de travail qui n’ont pas pu se dérouler du fait de la suspension des contrats courts. Sur proposition du Sénat, en vue de compléter les revenus des salariés placés en chômage partiel, les entreprises peuvent par accord collectif instaurer une solidarité entre les salariés ou prévoir la monétisation du 12 mars au 31 décembre 2020 de jours de repos ou de congés payés (dans la limite de 5 jours).
16Enfin, le gouvernement est habilité dans un délai de 12 mois à prendre par ordonnances les mesures rendues nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue par l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire et décret du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire – instauration d’un couvre-feu
17Voir la partie IV de cette chronique.
• Réforme de l’État
Discours du chef de l’État le 14 juin 2020 – interview du 14 octobre
18Le président de la République a exposé le 14 juin aux Français ses projets pour la suite du quinquennat : « L’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris. Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’État dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité. » Le Président a par ailleurs souligné que « notre première priorité est donc d’abord de reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire », soulignant avoir mobilisé, au total « près de 500 milliards d’euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires ». « Nous ne financerons pas ces dépenses en augmentant les impôts : notre pays est déjà l’un de ceux où la fiscalité est la plus lourde, même si depuis trois ans, nous avons commencé à l’abaisser. La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres. »
Déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 juillet 2020
19Le Premier ministre a placé la lutte contre le chômage en « priorité absolue » et a fortement insisté sur le rôle des territoires. Dans cette perspective, il a développé devant les députés les lignes de force des deux dernières années du quinquennat : emploi, efficacité de l’action publique, souveraineté économique, transition écologique, protection sociale. Le Premier ministre a affirmé que toutes les créations d’emploi de fonctionnaires pour 2021 seront affectées dans les services départementaux de l’État, et proposé qu’un « droit à la différenciation » des territoires soit « consacré dans une loi organique ». La « confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique » et passe « par une nouvelle étape de la décentralisation » et « une évolution profonde de l’organisation interne de l’État ». « Toutes les créations d’emploi qui seront autorisées par le projet de loi de finances pour 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’État, et aucun dans les administrations centrales. C’est une révolution. »
20Le Premier ministre a jugé « nécessaire » de mettre en œuvre la réforme des retraites universelle par points. « En matière de retraites, la crise nous invite plus que jamais à poursuivre nos objectifs vers un système plus juste et plus équitable […] passant par la création d’un régime universel », a déclaré le chef du gouvernement. « Cela implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux, tout en prenant pleinement en considération la situation des bénéficiaires actuels de ces régimes. »
21Le Premier ministre a indiqué vouloir créer à partir de 2021 « dans les territoires, des juges de proximité » dont la mission sera de réprimer « les incivilités du quotidien ». « Dans beaucoup de territoires, la petite délinquance, les petites incivilités, le tag, l’insulte, le petit trafic […] se sont développés au point de gâcher la vie quotidienne des gens. Ils se sont développés, car, faute de réponse judiciaire, une forme d’impunité s’est installée », et a annoncé « un projet de loi contre les séparatismes », qui sera présenté en conseil des ministres à la rentrée.
Enquêtes sur le fonctionnement de l’État durant la crise pandémique
22Le 30 juin, le Sénat a voté à l’unanimité la création d’une commission d’enquête chargée d’examiner la gestion de l’épidémie par l’exécutif. Cette commission prévoit une durée de travaux de six mois. Parallèlement, le 16 juin a débuté une commission d’enquête identique de l’Assemblée nationale. Enfin, le président de la République a installé, le 25 juin, une mission gouvernementale chargée d’évaluer la gestion de la crise sanitaire. Présidée par l’infectiologue et épidémiologiste suisse Didier Pittet, elle doit rendre ses conclusions d’ici à la fin de l’année. S’ajoutent à ces enquêtes administratives les nombreuses plaintes contre X portant sur le rôle des divers acteurs publics pendant la crise du coronavirus.
Prise de position de l’ancien commissaire à la réforme de l’État
23Dans un article paru dans Le Figaro daté du 28 mai 2020, Jean-Ludovic Silicani, commissaire à la réforme de l’État entre 1995 et 1998, dénonce la perception erronée régnant en France sur la place et le poids des services publics. Notant que « le discours dominant, renforcé par l’actuelle crise sanitaire, est que la France aurait succombé au modèle néolibéral anglo-saxon, dans lequel les services publics sont réduits au strict minimum et soumis à une logique de rentabilité », il rappelle qu’en réalité « la France n’a jamais consacré autant de moyens à ses services publics, que ce soit en termes de crédits (56 points de PIB, niveau le plus élevé au monde) ou d’agents publics (5,5 millions, soit 19 % de plus en vingt ans). Ainsi, qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, la France est aujourd’hui, ex aequo avec le Danemark, championne du monde des services publics et de l’État-providence ». Il attribue trois causes à cette erreur de perception : la méprise portant sur l’étendue des services publics : « si les services en nature mobilisent 95 % des agents des trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales, hôpitaux), ils ne représentent que 40 % des dépenses publiques (masse salariale principalement, autres dépenses de fonctionnement, investissements immobiliers). En revanche, les services en espèces (transferts) représentent près de 60 % des dépenses publiques, soit 32 points de PIB, et ont augmenté de 5 points depuis 2000 ». Or, seuls les premiers sont généralement considérés. Deuxième source d’erreur, « l’idée inexacte de la répartition des services publics sur le territoire. S’il est vrai que, parallèlement à la baisse de la population en milieu rural, des services publics y ont été fermés, les transferts, en revanche, bénéficient massivement aux territoires ruraux ou périphériques : c’est là que la proportion de personnes âgées – donc des retraites et de l’assurance maladie – ainsi que la proportion des foyers modestes – donc des prestations et des minima sociaux – sont en effet les plus importantes. Au total, la dépense publique par habitant est plus élevée dans ces territoires que dans les métropoles urbaines. Il y a donc une réelle redistribution sociale, mais aussi territoriale ». Enfin, « la troisième méconnaissance porte sur la répartition des moyens humains, matériels et financiers entre les différents services publics. […] La spécificité française est d’avoir privilégié le nombre d’agents (en augmentation de 880000 depuis 2000) plutôt que leur rémunération, comme on le constate notamment pour les enseignants ou les personnels soignants. L’Allemagne a, en proportion de sa population, moins d’agents publics, mais travaillant plus longtemps et mieux payés. […] Au total, hors paiement des intérêts de la dette, les dépenses publiques s’élèvent à 54 points de PIB en France et à 43 en Allemagne. Près de la moitié de cet écart, qui s’est accru de 6 points depuis 2000, porte sur le domaine social. » Jean-Ludovic Silicani en tire des enseignements portant sur la nécessité d’explications sur ce à quoi est dépensé l’argent public, ainsi que sur celle de poursuivre les réformes, en recherchant plus d’efficacité par la délégation et le redéploiement des moyens sur le territoire et en parachevant la décentralisation.
« Ségur » de la santé et réforme de l’hôpital
24À la suite de la crise sanitaire et des carences de l’hôpital public ayant conduit aux mesures prises pour tenter d’enrayer l’expansion du virus afin de ne pas peser sur des capacités hospitalières insuffisantes, ainsi qu’à la suite des manifestations observées dans ce secteur, une grande concertation est lancée par le ministre. Dès le 15 mai, le Président de la République a admis une « erreur » sur la réforme du système de santé engagée deux ans auparavant. Le « Ségur » de la santé débute donc le 25 mai, sous la présidence de Nicole Notat, ancienne dirigeante de la CFDT. Le 13 juillet 2020, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont signé à l’hôtel de Matignon les accords du Ségur de la santé avec les organisations syndicales. Les conclusions, présentées le 21 juillet, constituent les bases d’un plan d’action construit autour de 4 « piliers » : transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent, définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins, simplifier les organisations et le quotidien des équipes, fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers. Les principales des 33 mesures sont les suivantes :
25Les principales conclusions du Ségur de la santé :
- 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants ;
- 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD, et reconnaître l’engagement des soignants au service de la santé des Français ;
- 15000 recrutements à l’hôpital public ;
- accélérer la sortie du « tout T2A » (tarification à l’acte) et privilégier la qualité des soins ;
- financer l’ouverture ou la réouverture de 4000 lits « à la demande » ;
- mettre fin au mercenariat de l’intérim médical à l’hôpital public ;
- redonner toute sa place au service hospitalier au sein des établissements de santé ;
- former plus de soignants dans les filières paramédicales pour mieux prendre en charge les patients ;
- faciliter l’accès aux soins non programmés et à l’exercice coordonné ;
- développer fortement la télésanté en s’appuyant sur les acquis de la crise pour mieux soigner les Français ;
- donner aux territoires les principaux leviers de l’investissement en santé dans l’intérêt de leurs habitants ;
- combattre les inégalités de santé.
Accord entre l’État et le réseau CCI sur la trajectoire financière du réseau
27Dans le prolongement du Contrat d’objectifs et de performance signé en avril 2019, l’État et le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) réaffirment leurs engagements réciproques et passent un accord sur la trajectoire financière du réseau et sur ses contreparties en matière d’accompagnement des entreprises. Cet accord prévoit la stabilisation du niveau de ressources affectées aux CCI en 2021 par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, soit un plafond de 349 M€ pour la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE), au regard de la mobilisation renforcée des CCI pour la mise en œuvre du plan de relance et afin de prendre en compte les besoins des entreprises en matière d’accompagnement de proximité. Au titre de 2022, la baisse du plafond de ressources affectées sera limitée à 50 M€, portant le plafond de TACFE à 299 M€. Au terme de la période de réforme engagée par l’État, le réseau des CCI aura ainsi consenti un effort global de 400 M€. En contrepartie de cet accord financier, le réseau des CCI s’engage à renforcer sa mobilisation au profit des entreprises, dans le cadre de la mise en œuvre du plan « France Relance », notamment en matière de transformation numérique et écologique (200000 entreprises sensibilisées et 15000 entreprises accompagnées, sur chacune de ces deux thématiques) et de soutien aux entreprises industrielles (29000 PME industrielles sensibilisées). De même, le réseau des CCI travaillera à la prévention et l’accompagnement des difficultés financières des entreprises, notamment par la mise en œuvre de diagnostics financiers (50000 entreprises sensibilisées et 10000 entreprises accompagnées).
28Le réseau des CCI s’engage à poursuivre en parallèle, d’ici la fin de l’année 2021, la réforme de son organisation et à continuer l’amélioration de l’efficience de son action. De nouveaux plans régionaux de mutualisation, en particulier sur les fonctions supports, seront engagés en 2021, selon les schémas les mieux adaptés à chaque région. Le réseau des CCI finalisera la modernisation de ses ressources humaines, dont sa convention collective avant fin 2020, ainsi que les chantiers organisationnels en cours.
• Consultation des citoyens
Propositions de la Convention citoyenne sur le climat
29En avril 2019, à la fin du Grand débat national qui succédait au mouvement des Gilets jaunes, la décision a été prise de créer une Convention citoyenne pour le climat avec en particulier l’objectif de mieux associer les Français aux décisions qui les concernent. Composée de 150 citoyens, la Convention était chargée de répondre à la question : « comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % dans un esprit de justice sociale ? » Après un premier échange avec le Président de la République le 10 janvier 2020, les membres de la Convention citoyenne ont été reçus à l’Élysée le 29 juin. Sur les 149 propositions formulées, le Président a décidé d’en retenir 146 et les soumettra soit au Gouvernement, soit au Parlement, soit directement au peuple français. Parmi ces propositions, peuvent être signalées notamment :
- un moratoire sur la 5G ;
- la fin des liaisons aériennes intérieures pour les trajets faisables en train en moins de quatre heures ;
- l’interdiction de la construction de nouveaux aéroports et des extensions ;
- la baisse de la TVA sur les billets de train ;
- la création d’un crime d’écocide ;
- la régulation de la publicité sur les produits très polluants ;
- la création d’un critère de poids du véhicule dans le malus automobile ;
- l’augmentation de l’« éco-contribution » sur le transport aérien ;
- un moratoire sur les zones commerciales en périphérie des villes ;
- la création d’un CO2 score qui permettra à chaque citoyen d’évaluer l’impact sur le climat sur ce qu’il consomme ou mange.
31Le Président a indiqué renoncer à trois propositions : sur la limitation de vitesse à 110 km/h, la taxe sur les dividendes ou la modification du Préambule de la Constitution, mais a par ailleurs souhaité aller plus loin, notamment en injectant 15 milliards d’euros dans le plan de relance, afin de financer la conversion écologique de l’économie.
• Finances publiques et gestion publique
Réforme de la taxe d’habitation
32Le ministre de l’économie, des finances et de la relance a confirmé, lundi 20 juillet, la suppression, dès 2023, de la taxe d’habitation pour tous, même les foyers parmi les 20 % les plus riches. « Nous la supprimons totalement, nous la supprimons sans toucher le calendrier. » À l’occasion de son discours du 14 juillet, le Président de la République avait annoncé que la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés pourrait être reportée, en raison de la crise sanitaire et économique du coronavirus. Il voyait en un tel ajournement un levier pour compenser l’explosion des dépenses publiques. Selon le ministre, cette « option », ouverte par le président, a bien été examinée. « On a vu que dans le fond on pouvait décaler au mieux d’une année si on suivait la jurisprudence du Conseil constitutionnel », ajoute le ministre. Le 17 juillet, le Premier ministre expliquait, quant à lui, que le calendrier de la suppression de la taxe d’habitation était maintenu. Même pour les 20 % les plus riches. Jean Castex précisait toutefois : « Nous nous adapterons en fonction de l’évolution de la conjoncture. »
Décision (QPC) du 15 octobre 2020 du Conseil constitutionnel – dotation d’intercommunalité
33La reconduction à un niveau identique, année après année, du prélèvement opéré, au nom du redressement des finances publiques, sur les compensations d’exonérations de fiscalité locale ou les recettes de fiscalité de certaines intercommunalités à fiscalité propre, est contraire à la Constitution. L’article 250 de la loi de finances pour 2019 qui a profondément réformé la dotation d’intercommunalité, dans le but d’accroître « la prévisibilité » et « la stabilité » des montants attribués aux EPCI à fiscalité propre. Mais, en figeant ad vitam aeternam le montant du prélèvement, le législateur a ouvert la porte à des injustices. Il est désormais fait fi de l’évolution de la capacité contributive des EPCI à fiscalité propre concernés. Celle-ci peut être modifiée, par exemple par la fermeture d’une entreprise. Avant la réforme de fin 2018, cette question était prise en compte par les règles de réduction de la dotation d’intercommunalité au titre du redressement des finances publiques : celle-ci s’appliquait en tenant compte des recettes réelles de fonctionnement des EPCI constatées au 1er janvier de l’année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponible. À l’exception d’un changement de périmètre, « aucune autre évolution de la situation, notamment financière ou démographique, des établissements publics intéressés n’est susceptible de remettre en cause ni leur assujettissement au prélèvement ni son montant », souligne le Conseil. Cette situation aurait pu être provisoire. Mais la décision prise par les parlementaires de la rendre pérenne constitue « une atteinte caractérisée à l’égalité devant les charges publiques ». Pour autant, les intercommunalités qui se sentent lésées ne pourront utiliser la décision pour obtenir justice. En effet, les prélèvements effectués sur la dotation d’intercommunalité « ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité ». L’institution juge que la remise en cause de « l’ensemble » des prélèvements opérés sur le fondement des dispositions censurées « aurait des conséquences manifestement excessives ».
• Juridictions
Rapport annuel du Conseil d’État « Faire de l’évaluation des politiques publiques un véritable outil de débat démocratique et de décision »
34Dans l’étude qu’il publie le 16 octobre 2020, le Conseil d’État fait le point sur l’évaluation en France : celle-ci a beaucoup progressé mais reste encore trop éloignée du monde de la recherche et souffre parfois de faiblesses organisationnelles. Surtout, elle n’est pas assez partagée avec les citoyens et utilisée par les décideurs. C’est pourquoi le Conseil d’État formule aujourd’hui 20 propositions pour se donner les moyens et l’ambition de mieux évaluer, renforcer le cycle vertueux de l’évaluation et utiliser réellement les évaluations dans la délibération démocratique et l’action publique. L’étude du Conseil d’État identifie de nombreux progrès dans la conduite des évaluations, permis notamment par les avancées remarquables de l’open data et de l’accès sécurisé aux données. Toutefois, si plus de 2600 évaluations ont été réalisées entre 2007 et 2017, l’étude observe qu’elles souffrent de faiblesses récurrentes et ne sont pas encore véritablement un outil de débat et de décision en France. L’étude identifie également différentes faiblesses récurrentes dans les évaluations des politiques publiques menées à ce jour : l’anticipation et les moyens sont parfois insuffisants, la méthodologie suivie ne permet pas toujours d’assurer la validité des diagnostics et l’association des citoyens au cours de la mise en œuvre des évaluations est encore rare. Le Conseil d’État regrette en outre que certains domaines de l’action publique restent peu évalués (justice et sécurité notamment), tout comme certaines grandes réformes ou mesures emblématiques. Enfin, la publicité des résultats des évaluations reste insuffisante (45 % entre 2007 et 2017) et les travaux sont insuffisamment pris en compte par les décideurs.
35Le Conseil d’État distingue 3 priorités et formule 20 propositions pour mieux évaluer les politiques et mieux les partager. La première priorité identifiée est de se donner les moyens et l’ambition de mieux évaluer. Le deuxième axe d’amélioration concerne les conditions de réalisation des évaluations, qui doivent être pilotées par des structures de pilotage collégiales et pluralistes, en prévenant les conflits d’intérêts, et en y associant les citoyens aussi souvent que possible. En dernier lieu, le Conseil d’État insiste sur la nécessité d’utiliser les évaluations dans la délibération démocratique et l’action publique, notamment en publiant et diffusant tous les résultats des évaluations dans un court délai et en formulant des conclusions et recommandations accessibles à tous. Un suivi systématique des actions mises en œuvre à la suite des recommandations issues d’évaluations doit également être mis en place. Plus globalement, l’évaluation doit également être inscrite dans le temps long (cycles d’évaluations sur les politiques de très long terme développement du recours à l’expérimentation…) en capitalisant sur les enseignements qu’elle apporte pour préparer l’avenir.
36A.F. et J.-F.M.
II – Décentralisation et collectivités territoriales
- Démocratie locale
- Gestion des collectivités territoriales
• Démocratie locale
Statut des élus locaux
37Plan gouvernemental pour la sécurité des maires. Par lettre du 6 août 2020, le président de la Commission des lois du Sénat, Philippe Bas (Les Républicains – Manche), a saisi le Premier ministre de nouvelles agressions récentes contre des maires et réitéré ses recommandations pour la mise en place urgente d’un plan gouvernemental pour la sécurité des maires. Certaines des recommandations sénatoriales avaient déjà trouvé une traduction concrète dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique qui a renforcé les pouvoirs de police des maires et leur protection juridique. Des instructions ont par ailleurs été données aux procureurs et aux préfets pour mieux accompagner et soutenir les maires dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, le président de la Commission des lois regrettait qu’une partie essentielle des propositions de la Commission des lois soit restée sans suite, à savoir : la mise en place, dans chaque préfecture, d’un dispositif d’accompagnement systématique des maires agressés ; l’application effective de la circulaire de la garde des Sceaux du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif, afin que toute forme de violence à l’égard des maires soit sanctionnée de manière rapide et proportionnée ; l’octroi systématique de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages, sans nécessité d’une délibération préalable du conseil municipal ; un meilleur accompagnement des maires dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, par une meilleure formation, un soutien juridique renforcé des services déconcentrés de l’État et une police municipale rénovée ; l’élargissement de la possibilité pour les agents de police municipale de dresser des amendes forfaitaires (ou timbres-amendes), pour les infractions aux arrêtés de police municipale aisément caractérisables, dont la constatation ne nécessite pas d’actes d’enquête ; l’augmentation du montant maximal de l’amende encourue en cas d’infraction à un arrêté de police.
38Parité après les élections municipales de 2020. Selon une étude de la direction générale des collectivités locales (DGCL), la proportion de femmes dans les conseils municipaux (maires, adjoints, autres conseillers) augmente sans atteindre encore la parité : elle est de 42,4 % au lendemain des élections municipales de 2020 (contre 39,9 % à la fin du mandat précédent). Le nombre de mairesses augmente, tout en restant nettement minoritaire : 1000 communes de plus sont dirigées par une femme, ce qui porte la proportion de femmes parmi les maires à 19,8 % (16,9 % avant les élections). Par ailleurs, 71 % des maires en place avant les élections se sont porté candidats ; parmi eux, 86 % ont été réélus, ce qui porte à 61 % la proportion de maires réélus. Les femmes sont plus nombreuses à occuper des postes d’adjoints que de maires (33,3 % parmi les premiers adjoints, 42,2 % parmi les seconds adjoints, etc.). L’augmentation de la part des femmes parmi les élus n’a quasiment pas atténué cette tendance par rapport au mandat précédent. Avant comme après les élections, les femmes dirigent plus souvent les petites communes que les grandes. Les communes de plus de 100000 habitants se distinguent toutefois des autres : 28,6 % de femmes parmi les maires, contre 16,7 % avant les élections, soit 5 communes de plus. Des disparités géographiques assez fortes en matière de parité des élus persistent : la proportion de femmes parmi les maires reste faible en Corse et en Martinique ; elle diminue en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne, en Guadeloupe et en Corse ; elle reste élevée dans l’Yonne et dans le Cher, et augmente fortement à La Réunion, où elle était très faible avant les élections, et en Vendée. La proportion de femmes n’a augmenté que parmi les jeunes élus. À partir de 55 ans, la proportion de femmes parmi les conseillers municipaux a peu changé.
• Gestion des collectivités territoriales
Ressources humaines et fonction publique territoriale
Salaires dans la fonction publique territoriale
39Selon le numéro d’Insee Première de septembre 2020 (no 1812) consacré aux salaires dans la fonction publique territoriale, fin 2018, 1,9 million de salariés civils travaillaient en France dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. En 2018, le volume de travail dans la fonction publique territoriale (FPT) s’élevait à 1,7 million d’équivalents temps plein (EQTP), dont 80 % de fonctionnaires : 46 % des salariés travaillent dans la filière technique, 23 % dans la filière administrative, 9 % dans la filière sociale, 11 % dans l’ensemble des filières de la culture, de l’animation et du sport et 9 % dans l’ensemble des filières médico-sociales, médico-technique, police municipale, incendie et secours. Tous statuts confondus, le salaire net moyen s’élevait à 1963 euros par mois en 2018, en hausse de 1,0 % sur un an en euros courants, après une augmentation plus marquée en 2017 (+ 2,1 %). Ce ralentissement provient notamment de l’absence de revalorisation du point d’indice, après deux augmentations successives de 0,6 %, en juillet 2016 puis en février 2017. Il s’explique également par le report à 2019 de la poursuite de l’application du protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations de la fonction publique (PPCR) pour les fonctionnaires et, dans une moindre mesure, par le rétablissement du jour de carence. En revanche, la baisse du nombre de contrats aidés ( – 48 % en EQTP), en moyenne moins rémunérés, contribue à rehausser le salaire net moyen. Le regain de l’inflation en 2018 (+ 1,8 % après + 1,0 % en 2017) a entraîné une baisse de 0,9 % du salaire net moyen en euros constants (corrigé de l’inflation). Cette baisse a mis un terme à quatre années consécutives de hausse, qui elles-mêmes succédaient à quatre années de repli au début de la décennie. Le salaire net moyen en 2018 est en euros constants supérieur de 0,8 % à son niveau de 2010. 75 % des fonctionnaires de la FPT appartiennent à un corps de catégorie C, 15 % relèvent de la catégorie B et 10 % de la catégorie A. Cette répartition est semblable à celle de 2017. En cinq ans, la part des fonctionnaires de catégorie C a baissé de deux points, quand celles des catégories A et B ont toutes deux augmenté d’un point. Le salaire net moyen des fonctionnaires de catégorie A recule de 1,1 % en euros constants, à 3410 euros par mois en moyenne en 2018 ; celui de la catégorie B baisse de 1,4 %, à 2369 euros, et celui de la catégorie C de 1,2 %, à 1801 euros. Les principaux employeurs de la FPT sont les communes (53 % de l’emploi total en EQTP), les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (14 %) et les départements (14 % ; figure 4b). Le salaire net moyen s’élève à 1858 euros par mois dans les communes, à 2044 euros dans les EPCI à fiscalité propre et à 2177 euros dans les départements. Dans les régions, il est de 2119 euros par mois. Il varie de 1749 euros pour les agents des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des caisses des écoles, dont un tiers ne sont pas fonctionnaires, à 2659 euros pour les salariés des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), en raison de primes spécifiques dont ils bénéficient. En 2018, le salaire net moyen en euros constants est en baisse dans les différents types de collectivités, à l’exception des régions (+ 0,2 % en euros constants). Enfin, à profil identique, les femmes perçoivent en moyenne 5,0 % de moins que les hommes. Les femmes ont en effet plus fréquemment des périodes de travail à temps partiel et/ou des interruptions de carrière qui pèsent sur leurs trajectoires salariales. Elles occupent également relativement moins souvent les postes les plus rémunérateurs : parmi les 10 % des salariés les mieux rémunérés, 48 % sont des femmes alors qu’elles représentent 59 % dans l’ensemble de la FPT et 68 % parmi les 40 % des salariés les moins rémunérés.
Dérogation aux obligations des stagiaires de la fonction publique
40Un décret no 2020-1082 du 21 août 2020 permet la titularisation de certains fonctionnaires territoriaux stagiaires qui n’auraient pas pu réaliser la formation d’intégration au cours de leur année de stage en raison de la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19. Lorsque la titularisation d’un fonctionnaire stagiaire relevant d’un des nombreux cadres d’emplois concernés doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2020, elle n’est pas subordonnée à l’obligation de suivi de la formation d’intégration si cette dernière n’a pu se dérouler, en tout ou partie, pendant la période comprise entre le 17 mars 2020 et le 31 décembre 2020. Dans ce cas, la formation d’intégration est réalisée avant le 30 juin 2021.
Gestion et finances des collectivités territoriales
Troisième loi de finances rectificative pour 2020
41La loi no 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a prévu des mesures de soutien pour les collectivités territoriales : la création d’un « filet de sécurité » budgétaire sur les recettes fiscales du bloc communal ainsi que des collectivités d’outre-mer ou à statut particulier. Celui-ci ouvre des avances aux départements sur le produit de leurs droits de mutation à titre onéreux (DMTO), l’ajout d’un milliard d’euros supplémentaires à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Ces crédits exceptionnels sont fléchés vers la transition écologique, la résilience sanitaire et la rénovation du patrimoine. Ces mesures de soutien sont évaluées à 4,1 milliards d’euros en 2020, et à plus de 5 milliards d’euros sur 2 ans.
Dotation de soutien à l’investissement local
42Dans son instruction du 30 juillet 2020 relative à la part exceptionnelle de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et à l’accompagnement de la relance dans les territoires, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales rappelle que, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, le gouvernement a proposé de doter d’un milliard d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement de la DSIL, afin d’accompagner un effort de relance rapide et massif des projets des communes et de leurs groupements, qui bénéficiera en particulier aux secteurs du bâtiment et des travaux publics. Ces crédits viennent en supplément des deux milliards d’euros de dotations de soutien aux investissements des communes, des intercommunalités et des départements (dotation de soutien à l’investissement local, dotation d’équipement des territoires ruraux, dotation politique de la ville, dotation de soutien à l’investissement des départements), ouverts au sein de la loi de finances pour 2020. Les préfets sont invités à soutenir les opérations relevant de trois thématiques prioritaires : 1° les projets relatifs à la transition écologique, et notamment ceux relevant des deux axes du Grand plan d’investissement (GPI) déjà soutenus par la dotation, à savoir la rénovation énergétique des bâtiments publics et le développement de nouvelles solutions de transport, ainsi que ceux relatifs à la lutte contre l’artificialisation des sols en soutenant le réaménagement des espaces publics pour lutter contre les îlots de chaleur ou la réhabilitation de friches industrielles ; 2° les projets ayant trait à la résilience sanitaire, c’est-à-dire le renforcement des capacités des territoires à faire à des crises sanitaires de grande ampleur, avec notamment des opérations en matière de santé publique (notamment le financement de maisons de santé pluriprofessionnelles), de mise aux normes des équipements sanitaires ou les travaux sur les réseaux d’assainissement ; 3° les projets visant à soutenir la préservation du patrimoine public historique et culturel, classé et non classé, notamment afin de favoriser l’attractivité et le développement des territoires ruraux. L’ensemble des projets sollicitant un soutien public devront faire l’objet d’un examen attentif quant à leur empreinte carbone et à leur impact sur la biodiversité conformément aux engagements de la France (Stratégie nationale bas carbone et Stratégie nationale biodiversité). Afin de soutenir un effort d’investissement rapide, aucune limitation en montant n’est fixée. Par ailleurs, afin de soutenir la trésorerie des collectivités et le tissu économique local, les préfets sont invités à traiter dans les meilleurs délais possible les demandes de crédits de paiement qui sont transmises par les bénéficiaires de la subvention, notamment à titre d’acomptes, ainsi qu’à faire un usage large de la possibilité de verser une avance représentant 30 % du montant prévisionnel de la subvention.
Impact budgétaire des dépenses exceptionnelles liées à la pandémie
43Dans une réponse publiée au Journal officiel du Sénat à une question parlementaire relative à l’impact budgétaire des dépenses exceptionnelles engagées par les collectivités territoriales lors de la pandémie et à la possibilité d’imputer en section d’investissement des dépenses de fonctionnement liées à cette pandémie comme l’achat de masques, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a rappelé que l’État remboursait à hauteur de 50 % les masques achetés entre le 13 avril et le 1er juin 2020 par les collectivités territoriales, mais qu’il ne souhaitait pas permettre l’imputation des dépenses d’achat de masques en section d’investissement. En effet, les dépenses qui ont pour résultat l’entrée d’un bien destiné à rester durablement dans le patrimoine d’une collectivité constituent des immobilisations, car elles enrichissent le patrimoine de celle-ci et sont en conséquence des investissements. Au contraire, constituent des dépenses de la section de fonctionnement d’une collectivité territoriale, les charges qui correspondent aux biens et services consommés pour les besoins de son activité. Si les masques sont des protections essentielles dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, ils ne peuvent cependant constituer un actif de la collectivité, car ils se consomment par le premier usage ou sur une durée limitée. Le ministre a également écarté l’éligibilité de ces dépenses au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). En revanche, le ministre a rappelé que d’autres mesures d’accompagnement des collectivités ont d’ores et déjà été mises en œuvre. Ainsi, les articles 5 et 6 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ont prévu, jusqu’au 31 décembre 2021, l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux livraisons, acquisitions intracommunautaires et aux importations de masques de protection d’une part, et de produits destinés à l’hygiène corporelle, d’autre part, adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid-19. De plus, des mesures de soutien à la trésorerie des collectivités ont également été ouvertes ou élargies afin que les préfets puissent accompagner les collectivités territoriales qui en auraient besoin (via notamment des versements anticipés des avances mensuelles sur la fiscalité locale ou d’acomptes de dotations ou des acomptes exceptionnels de FCTVA allant jusqu’à 70 % du montant prévisionnel). Des mesures budgétaires et comptables ont également été prises afin d’apporter les adaptations nécessaires au caractère exceptionnel des dépenses nées de la gestion de la crise sanitaire. Le mécanisme d’étalement de charges a également été assoupli temporairement pour permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements, au titre de l’exercice 2020, de lisser l’impact budgétaire de ces dépenses exceptionnelles de fonctionnement sur un maximum de cinq exercices. Le dispositif de reprise des excédents de fonctionnement capitalisés a été lui aussi assoupli, à titre exceptionnel et temporaire, pour abonder la section de fonctionnement.
Nouvelle dotation pour la protection de la biodiversité
44L’article 252 de la loi de finances pour 2020 a institué, à compter de 2020, une dotation budgétaire destinée aux communes dont une part importante du territoire est classée en site « Natura 2000 » ou comprise dans un cœur de parc national ou au sein d’un parc naturel marin. Cette dotation, d’un montant total de 10 millions d’euros en 2020, comporte trois fractions, et est destinée aux communes de moins de 10000 habitants, sous réserve du respect de conditions de population, de potentiel fiscal et de superficie, dont le territoire fait partie, pour une proportion significative, d’un site « Natura 2000 » ou d’un cœur de parc national ou est situé dans un parc naturel marin. La création de cette dotation a pour finalité de poursuivre le mouvement de verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités locales, qui avait été initié par la mise en place de la dotation « Natura 2000 » en 2019.
Publicité du plan de financement
45Un décret du 14 septembre 2020 pris pour l’application de l’article 83 de la loi no 2019- 1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, créant l’article L. 1111-11 du CGCT, prévoit que, lorsque qu’une opération d’investissement bénéficie de subventions de la part de personnes publiques, la collectivité territoriale ou le groupement maître d’ouvrage publie son plan de financement et l’affiche de manière permanente pendant la réalisation de l’opération et à son issue.
Projet de loi de finances 2021
46Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, ont présenté, le 29 septembre 2020, le projet de loi de finances 2021 (PLF 2021). Ce projet de loi de finances a pour objectif d’être le budget de la relance avec la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production à compter de 2021 (20 milliards d’euros sur deux ans) ; la confirmation des engagements déjà pris par le gouvernement en matière de baisse des impôts, avec la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales engagée en 2018, et la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés ; l’ouverture de 36,4 milliards d’euros pour les trois grandes priorités du plan de relance : l’écologie, la cohésion et la compétitivité ; la poursuite d’une logique partenariale et soutien aux recettes des collectivités territoriales. Concernant plus précisément les collectivités territoriales, le projet de loi de finances prévoit, d’abord, la poursuite d’actions pour la ruralité en faveur de la réduction des inégalités territoriales d’accès aux services publics et la poursuite du déploiement des France Services, le projet de loi de finances pour 2021 prévoyant 28 Md€, soit 10 Md€ de plus qu’en 2020, pour garantir le déploiement d’ici à 2022 d’au moins un espace France Services par canton, y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En outre, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales mobilisera 20 Md€ sur deux ans pour accélérer le lancement d’un « acte II » de l’Agenda rural. Ensuite, le projet de loi de finances prévoit également des actions pour les quartiers, avec la progression des moyens de la politique de la ville de 46 millions d’euros en 2021 en faveur des 5,4 millions d’habitants des 1514 quartiers prioritaires de la ville. Ce budget confirme la sanctuarisation des crédits d’intervention délégués sur le terrain dans les contrats de ville et l’amplification des actions sur les trois priorités fixées par la ministre déléguée à la ville : l’emploi, l’éducation et le renouvellement urbain. Il est également prévu le déploiement du dispositif fédérateur des Cités éducatives. Sur les trois années de déploiement, de 2020 à 2022, le ministère mobilisera 100 M€ de crédits pour donner aux Cités éducatives les moyens d’agir. Le budget 2021 prévoit 17 M€ supplémentaires afin de lancer de nouvelles cités éducatives, les 80 Cités existantes ayant démontré leur capacité à fédérer l’ensemble des acteurs autour de la réussite des enfants. Des mesures pour soutenir l’emploi sont également annoncées. 10 M€ supplémentaires seront affectés pour le financement des postes d’adultes relais, dispositif alliant médiation sociale et formation professionnelle soutenu par l’État à hauteur de 20000 euros par an et par poste. Cette priorisation donnée à l’emploi se traduit également par l’augmentation de 4 Md€ des crédits de l’établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE). L’État poursuivra également ses efforts dans le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), en doublant le financement du NPNRU mis en œuvre par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui passe ainsi de 5 à 10 Md€, par une participation de l’État à hauteur de 1 Md€ sur l’ensemble du programme, et une contribution complémentaire d’Action logement et des bailleurs sociaux. Enfin, le projet de loi de finances contient également des dispositifs de soutien des finances des collectivités territoriales. En 2021, l’État augmentera ainsi son concours aux collectivités locales pour soutenir l’investissement. Les concours financiers aux collectivités territoriales s’élèveront à 50,3 Md€ (en crédits de paiement) en 2021 contre 49,1 Md€ en loi de finances pour 2020. Cette progression de 1,2 Md€ en un an traduit le soutien apporté par l’État aux collectivités tant sur leurs recettes de fonctionnement (des crédits sont provisionnés pour alimenter le « filet de sécurité » institué dans la troisième loi de finances rectificative) que sur leurs investissements (progression de 0,55 Md€ du FCTVA et de 0,15 Md€ des crédits de paiement sur les dotations d’investissement). Par ailleurs, l’effort de solidarité se poursuit au sein de la DGF : la dotation globale de fonctionnement (DGF) est stable en 2021 par rapport à 2020, avec 18,3 Md€ pour le bloc communal et 8,5 Md€ pour les départements, soit 26,8 Md€ au total. Enfin, la baisse des impôts de production sera intégralement compensée pour les collectivités locales. Les impôts de production, c’est-à-dire les taxes qui pèsent sur les facteurs de production des entreprises indépendamment de leurs résultats, baisseront de 10 Md€ en 2021. Cette mesure correspond à la suppression de la part de la CVAE affectée aux régions ainsi qu’à la réduction de moitié des impôts fonciers acquittés sur les locaux industriels.
FEADER 2023-2027
47Dans un communiqué du 6 octobre 2020, le ministre de l’agriculture se félicite au lendemain de la signature de l’accord de partenariat entre le Premier ministre Jean Castex et Renaud Muselier, président de Régions de France, d’une rencontre entre ce dernier et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Julien Denormandie, qui a permis de mettre en place cette méthode partenariale pour la prochaine période de programmation (2023- 2027) du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Prenant acte de la volonté européenne relative à la responsabilité des États membres, l’État et les régions s’accordent sur la répartition des rôles qui avait été présentée lors du comité État-régions du 30 octobre 2019 en application de l’arbitrage du Premier ministre : sur les mesures non surfaciques (forêt, investissements, installation, LEADER…), dont l’autorité de gestion est confiée aux régions, l’ensemble des moyens, y compris les crédits de l’État sur les politiques correspondantes et les moyens humains qui y sont consacrés, sont transférés aux régions pour qu’elles détiennent la pleine responsabilité sur l’ensemble de ces mesures ; sur les mesures surfaciques (agro-environnement, agriculture biologique, zones agricoles défavorisées…), l’autorité de gestion demeure à l’État, qui conserve les crédits et les ETP correspondants : dès lors que l’État conserve la responsabilité de la contribution du FEADER aux enjeux en matière d’environnement, il convient que l’État garde la capacité d’orienter les mesures en appui à la politique environnementale. Compte tenu de la nécessaire complémentarité entre les aides à l’investissement et les mesures agroenvironnementales pour accompagner la transition des systèmes agricoles, l’État et les régions établissent en outre les contours d’une gouvernance leur permettant de travailler ensemble à l’élaboration et la mise en œuvre de ces mesures de façon à rendre leur programmation plus ambitieuse. L’État s’engage à maintenir les instances régionales (telles que les commissions régionales agri-environnementales et climatiques ou CRAEC), coprésidées par les préfets et les présidents de conseils régionaux et regroupant l’ensemble des financeurs et des parties prenantes afin de permettre la prise en compte des besoins exprimés au plus près du terrain. En outre, l’État et les régions entendent également favoriser de manière coordonnée le développement de l’agriculture biologique.
Modernisation de la gestion publique locale – administration électronique
Accélération du Plan France Très Haut Débit
48Dans le cadre du plan de relance, le Premier ministre a annoncé, le 3 septembre 2020, l’accélération du déploiement de la fibre optique partout sur le territoire afin de parvenir à sa généralisation, fin 2025. Le Plan France Très Haut Débit sera amplifié avec des crédits supplémentaires à hauteur de 240 millions d’euros, sur les 3,3 milliards d’euros de l’enveloppe du Plan, mis à disposition des collectivités qui portent des projets de généralisation de la fibre optique. Sa généralisation est une contribution clé pour la résilience de l’économie française. Il entend permettre la transformation de celle-ci et participer à la cohésion nationale. Cette poursuite du Plan irriguera les acteurs économiques de toute taille. Les territoires ruraux bénéficieront de solutions de connectivité numérique.
Inclusion numérique des territoires
49Dans le cadre du plan de relance du 3 septembre 2020 et de la stratégie nationale pour un numérique inclusif, le gouvernement a annoncé la mobilisation de 250 millions d’euros pour favoriser une appropriation accélérée aux nouveaux usages et services numériques par tous les Français et renforcer cette stratégie. Dans ce cadre, l’État prévoit le déploiement de 4000 conseillers numériques France Services pour former au numérique partout sur le territoire, des lieux d’accompagnement plus attractifs et une offre de formation pour les aidants numériques.
50J.-L. P. et D. S.
III – Agents publics [4]
- Nomination de Mme Amélie de Montchalin comme ministre de la transformation et de la fonction publiques et présentation de l’agenda social
- Nominations d’agents
- Mesures spéciales applicables aux agents publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire
- Instauration d’un congé de deuil en cas de décès d’un enfant
- Décrets relatifs aux personnes en situation de handicap
- Décret relatif à la médecine de prévention dans la fonction publique de l’État
- Décret relatif au versement du « forfait mobilités durables » dans la fonction publique de l’État
- Rapport sur les agents contractuels dans la fonction publique
- Rapport sur les heures supplémentaires dans la fonction publique
• Nomination de Mme Amélie de Montchalin comme ministre de la transformation et de la fonction publiques et présentation de l’agenda social
51À la suite du remaniement ministériel intervenu le 6 juillet 2020, la fonction publique fait désormais à nouveau l’objet d’un ministère à part entière (ce qui n’était plus le cas depuis 17 mai 2017 [5]) et sort de la tutelle de Bercy : Mme Amélie de Montchalin [6] est nommée ministre de la transformation et de la fonction publiques. Comme l’atteste l’intitulé même du ministère, fonction publique et réforme de l’État sont étroitement associées. Le décret d’attribution [7] précise en effet que « le ministre de la transformation et de la fonction publiques prépare et met en œuvre, en lien avec les ministres intéressés, la politique du Gouvernement en matière de modernisation de l’action publique et de fonction publique ». En matière de modernisation de l’action publique, le ministre est notamment chargé « d’accélérer la transformation numérique de l’État ». En matière de fonction publique, il est entre autres chargé de « défini [r] la politique de l’État en matière de déconcentration de la gestion des ressources humaines », de « prépare [r] les mesures relatives à l’égalité des carrières professionnelles et des rémunérations et à la mixité des métiers » et de « favoriser la mixité sociale dans la fonction publique ».
52La nomination d’Amélie de Montchalin à la tête d’un ministère de plein exercice s’inscrit dans un contexte social qui reste encore particulièrement tendu : elle intervient en pleine crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 et ses diverses répercussions sur l’ensemble de la société, laquelle crise fait suite à une séquence marquée par les grèves (de fin 2019 et début 2020) contre la réforme des retraites et par les manifestations du mouvement des « gilets jaunes » (survenues fin 2018, début 20019) assez largement soutenues par les catégories B et C de la fonction publique [8].
53C’est dans ce contexte que la ministre nouvellement nommée a présenté, le 10 septembre 2020, aux employeurs et aux syndicats, les axes prioritaires de l’agenda social de la fonction publique. Il n’y est plus question de réduction drastique du nombre des agents publics, l’objectif de suppression de 120000 postes dans la fonction publique (50000 dans les services de l’État et 70000 dans les collectivités locales) ayant progressivement disparu au fil des crises et des lois de finances ; à tel point que le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une stabilité du volume d’emplois dans la fonction publique de l’État, la crise sanitaire ayant accru la nécessité de préserver certains services publics. L’agenda social reste très largement focalisé sur la poursuite de l’application de la loi de transformation de la fonction publique portée par son prédécesseur, la ministre affirmant vouloir « accélérer deux chantiers forts et concrets » qui seront mis en œuvre par voie d’ordonnance : « la diversité dans la haute fonction publique » et rendre « accessible à tous » la protection sociale complémentaire ; vient s’y ajouter le projet d’ordonnance sur le dialogue social de proximité. Sans surprise compte tenu notamment du contexte dégradé des finances publiques et des précédents en 2018 et 2019, le rendez-vous salarial du 24 juillet 2020 n’a débouché sur aucune annonce de revalorisation de la rémunération des agents publics ; les organisations syndicales ont simplement obtenu la pérennisation de l’indemnité compensatrice de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) qui sera actualisée (à la hausse ou à la baisse) en fonction de l’évolution de la rémunération de l’agent, le rattrapage pour les filières ayant moins de primes et, enfin, la convergence des primes liées aux mobilités au sein des directions départementales interministérielles (lesquelles varient en fonction du ministère de tutelle).
• Nominations d’agents
Nomination de la directrice générale de l’administration et de la fonction publique
54Mme Nathalie Colin, préfète, a été nommée directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) lors du conseil des ministres du 21 octobre 2020. Elle succède à M. Thierry Le Goff, en poste depuis cinq ans et dont le départ avait été envisagé dès la fin de l’année 2017. En effet, le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin, alors en charge du portefeuille de la fonction publique, souhaitait, de manière inédite, recruter une personnalité issue du secteur privé. Néanmoins, aucune des procédures de recrutement engagées en 2018 n’était allée jusqu’à son terme, de sorte que Thierry Le Goff était alors resté en place. Au final, le profil de la personne retenue pour le remplacer présente un caractère pleinement public : Mme Nathalie Colin a, en effet, exercé l’ensemble de sa carrière dans l’administration d’État. Deuxième femme à occuper le poste de directrice générale de l’administration et de la fonction publique, son parcours la distingue toutefois de ses prédécesseurs, notamment des cinq derniers, en ce qu’elle n’est pas issue de l’École nationale d’administration. Après avoir débuté sa carrière comme attachée d’administration dans les années 1980, Nathalie Colin avait été promue au tour extérieur en 1998 dans le corps des administrateurs civils, et avait notamment occupé le poste de directrice des ressources humaines du ministère de l’intérieur entre 2013 et 2016, puis a été nommée préfète dans le Cher pendant un an en 2016.
Nominations au ministère de l’intérieur
55Le conseil des ministres du 29 juillet 2020 procède à un renouvellement massif des cadres du ministère de l’intérieur, avec la nomination de 6 nouveaux directeurs ou directeurs généraux d’administration centrale, et le changement de 45 préfets. Sont en effet nommés le secrétaire général, le directeur général des étrangers en France, le secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, le directeur de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières, la directrice de l’Asile et la directrice des services actifs de la police nationale, directrice centrale des compagnies républicaines de sécurité. Ce sont également 4 préfectures de régions qui sont renouvelées, ainsi que 41 préfectures, avec la nomination de 18 nouveaux préfets, dont l’un, alors directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale et âgé de 36 ans, est le plus jeune préfet de France. 15 femmes sont nommées à l’occasion de ce mouvement, portant à 38 le nombre de préfètes. Couvrant plus du tiers des départements, ce mouvement est un des plus vastes des dernières années et en tous cas du quinquennat. S’il correspond certainement à une volonté affichée de renouvellement, de féminisation et de rajeunissement du corps préfectoral, il est difficile de ne pas y voir également une double volonté de reprise en main de l’administration centrale sur des sujets particulièrement critiques et de mise sous tension de l’administration déconcentrée, selon l’expression utilisée par le Président de la République au sujet des réformes trop lentes à être mise en œuvre sur le terrain.
• Mesures spéciales applicables aux agents publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire
56D’une ampleur inédite sous la ve République, la crise sanitaire a contraint les employeurs publics à repenser l’organisation du travail [9]. C’est ainsi que le télétravail est devenu obligatoire pour tous les postes qui le permettent. Depuis le 15 mars, des plans de continuité de l’activité (PCA) ont été mis en place dans certains ministères et structures publiques. Les agents assurant la continuité de l’activité doivent respecter des règles préventives à l’encontre de la contagion de la maladie. Les mesures dérogatoires au droit commun permises par la déclaration de l’état d’urgence sanitaire ont également concerné le droit applicable aux agents publics.
57Une ordonnance du 27 mars 2020 autorise ainsi le recours à des réunions dématérialisées ou à la visioconférence pour les organes collégiaux de tous les établissements publics, des groupements d’intérêt public (GIP), des autorités administratives indépendantes (AAI), des autorités publiques indépendantes (API), de la Banque de France et des organismes privés chargés d’une mission de service public administratif. Il en est de même pour les commissions administratives et autres instances collégiales administratives, notamment les instances de représentation du personnel, mais aussi pour les délibérations à distance des instances de dialogue social dans la fonction publique [10].
58Une ordonnance du 25 mars 2020 dispose que la situation de crise sanitaire engendrée par l’épidémie de Covid-19 constitue une circonstance de la force majeure justifiant que la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics soit dégagée pour tout manquement comptable en lien avec la crise. Ainsi, les comptables publics qui, pour mettre en œuvre les mesures rendues nécessaires par la crise, commettraient des manquements à la réglementation, verraient leur responsabilité dégagée [11].
59Un décret permet au service de santé du ministère des armées de redéployer l’activité de certains praticiens pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (et ainsi différer, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, l’établissement des certificats médicaux périodiques des militaires placés en situation de congé du blessé, de congé de longue durée pour maladie et de congé de longue maladie) [12].
60Une ordonnance du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19 adapte notamment les voies d’accès aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois des agents publics [13]. Elle contient des dispositions relatives au déroulement des épreuves et notamment aux dérogations possibles à l’obligation de présence physique des candidats ou membres du jury (ou de l’instance de sélection). Elle contient également, entre autres, des dispositions relatives aux listes classant par ordre de mérite les candidats déclarés aptes par le jury, à la durée de validité des listes complémentaires et à la durée pendant laquelle les lauréats des concours de la fonction publique territoriale sont inscrits sur une liste d’aptitude. À cet égard, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a publié des lignes directrices pour l’adaptation des épreuves et des modalités opérationnelles de déroulement des concours et examens.
61Afin de s’assurer d’une pleine et entière reprise du service des agents publics dès la levée du confinement, une ordonnance restreint la faculté de prise de jours de RTT ou de congés au titre de la période d’urgence sanitaire [14]. D’une part, elle limite la possibilité pour ces derniers de prendre des jours de congés qui auraient, pour certains, été supprimés ou reportés durant ladite période de confinement. Elle impose un congé aux agents de la fonction publique de l’État placés en autorisation spéciale d’absence entre le 16 mars 2020 et le 31 mai 2020 (cinq jours de réduction du temps de travail entre le 16 mars 2020 et le 16 avril 2020 et cinq autres jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels entre le 17 avril 2020 et le terme de la période précédemment définie). D’autre part, elle ouvre la possibilité au chef de service, pour tenir compte des nécessités de service, d’imposer aux agents placés en télétravail pendant la période du 17 avril 2020 au 31 mai, de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période.
62Afin que les agents qui ont été physiquement présents sur leur lieu de travail pour assurer la continuité du fonctionnement des services ne soient pas pénalisés par des coûts de repas élevés, en raison de l’impossibilité éventuelle d’assurer un service de restauration administrative, un décret du 7 avril 2020 instaure une prise en charge ou un remboursement par l’administration des frais de repas pris, sur place ou à emporter, au cours de leur temps de service, sur autorisation [15].
63De manière plus étendue, afin de tenir compte d’un surcroît d’activité significatif, la loi de finances rectificative pour 2020 du 25 avril 2020 [16] prévoit qu’une prime exceptionnelle, exonérée d’impôt et taxes, est versée par les administrations publiques à ceux de leurs agents qui ont été particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence. Un décret du 14 mai 2020 précise les modalités de versement de la prime exceptionnelle – plafonnée à 1000 euros – aux agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles [17]. Un autre décret du même jour précise, quant à lui, les modalités de versement d’une telle prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents des armées, ici plafonnée à 1500 euros [18].
64Plusieurs circulaires visant les administrations et établissements publics de l’État, l’une du 7 octobre 2020 [19] puis une autre du 29 octobre 2020, [20] prévoient la généralisation du télétravail pour l’ensemble des activités qui le permettent et l’aménagement des conditions de fonctionnement des administrations pour protéger la santé des agents et des usagers.
• Instauration d’un congé de deuil en cas de décès d’un enfant
65Une loi du 8 juin 2020 [21] instaure un congé de deuil en cas de décès d’un enfant et en fixe la durée [22]. Le statut général de la fonction publique (article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) dispose désormais que « les fonctionnaires en activité bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux. Ces autorisations spéciales d’absence n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels ».
66Plus exactement, à la suite de la nouvelle loi, l’article 21 du statut général prévoit dorénavant un congé de cinq jours en cas de décès d’un enfant, et quinze jours si cet enfant est âgé de moins de 25 ans ou d’une personne de moins de 25 ans à sa charge effective et permanente. Le congé pour décès d’un enfant introduit dans l’article est pris en compte pour le calcul du congé annuel, à la différence des autres congés pour événements familiaux. Ces nouvelles dispositions sont également applicables aux agents contractuels.
67La nouvelle loi élargit, en outre, le dispositif actuellement en vigueur en matière de don de jours de repos aux personnes ayant perdu un enfant ou une personne à charge âgée de moins de 25 ans. Le don de jours peut avoir lieu entre salariés d’une même entreprise, ou entre agents publics relevant du même employeur. Il peut avoir lieu pendant une durée d’un an suivant le décès [23].
68La nouvelle loi prévoit aussi le maintien de certaines prestations familiales après le décès d’un enfant, pendant une durée fixée par décret. Les prestations concernées sont les allocations familiales (et ses compléments que sont l’allocation forfaitaire et la majoration), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, la prestation partagée d’éducation de l’enfant, l’allocation de base, l’allocation de soutien familial et l’allocation de rentrée scolaire.
• Décrets relatifs aux personnes en situation de handicap
69La loi de transformation de la fonction publique a créé une procédure expérimentale permettant la titularisation des personnes en situation de handicap [24] à l’issue d’un contrat d’apprentissage dans la fonction publique, après vérification de l’aptitude professionnelle de la personne par une commission de titularisation [25]. Un décret du 5 mai 2020 en précise désormais les modalités [26] et en ouvre la possibilité dès l’été 2020. Le décret détaille notamment la composition de la commission de titularisation : celle-ci doit ne doit pas seulement comporter un agent du corps d’accueil représentant l’autorité de recrutement et un autre relevant du service des ressources humaines, mais aussi « une personne qualifiée en matière d’insertion professionnelle et de maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap ».
70Dans le même esprit, la loi de transformation de la fonction publique a mis en place une procédure ad hoc en vue de favoriser l’accès des fonctionnaires en situation de handicap à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure par la voie du détachement [27]. Un décret du 13 mai 2020 définit, là aussi, les modalités de cette expérimentation [28] : les employeurs publics doivent prendre les mesures appropriées visant à permettre aux agents en situation de handicap de développer un parcours professionnel exempt de discriminations et d’accéder à des postes de responsabilité. Des référents – le cas échéant mutualisés entre plusieurs employeurs publics – seront chargés d’accompagner les agents en situation de handicap tout au long de leur carrière et de coordonner les actions menées en leur faveur par leur employeur, notamment en matière d’insertion professionnelle et de maintien dans l’emploi.
71Enfin, la loi de transformation de la fonction publique a renforcé les dispositifs d’aménagement des épreuves de concours pour les personnes en situation de handicap [29]. Un décret du 4 mai 2020 les met en œuvre : il indique que le certificat médical précise la nature des aides humaines et techniques ainsi que des aménagements nécessaires pour permettre aux candidats, compte tenu de la nature et de la durée des épreuves, de composer dans des conditions compatibles avec leur situation. Les aides et aménagements sollicités sont mis en œuvre par l’autorité organisatrice sous réserve que les charges afférentes ne soient pas disproportionnées au regard des moyens, notamment matériels et humains, dont elle dispose. Dans les faits, donc, des impétrants affectés par un même handicap ne seront peut-être pas toujours traités de la même façon en fonction des administrations auxquelles ils postulent.
72Ce même décret prévoit aussi la portabilité des équipements des agents publics en situation de handicap, ce qui leur permet de conserver, dans une nouvelle administration d’emploi comme en cas de changement de poste au sein d’une même administration, les équipements contribuant à l’adaptation du nouveau poste de travail.
73Les mesures détaillées dans ces trois décrets s’intègrent à un ensemble plus vaste de vingt-deux mesures visant à simplifier et améliorer la vie des citoyens en situation de handicap décidées à la suite du troisième Comité interministériel du handicap (CIH) tenu à la fin de l’année 2019 et qui a pour objectif d’augmenter le taux d’emploi des personnes en situation de handicap [30]. Celui-ci ne s’élève – rappelons-le – en 2019 qu’à 4,86 % dans la fonction publique étatique et 5,79 % dans la fonction publique hospitalière [31], la fonction publique territoriale étant la seule à satisfaire au taux légal minimal de 6 % puisqu’elle emploie 7,04 % de personnes en situation de handicap.
• Décret relatif à la médecine de prévention dans la fonction publique de l’État [32]
74Dans un contexte de pandémie, le décret du 27 mai 2020 relatif à la médecine de prévention dans la fonction publique de l’État [33] modifie les dispositions du décret de 1982 régissant la matière [34] dans le but principal de résoudre les problèmes liés à la pénurie de médecins du travail, en renforçant l’attractivité de cette spécialité (notamment en rendant possible l’accueil d’internes), en développant son rôle de coordinateur d’une équipe pluridisciplinaire (dans laquelle les infirmiers occupent une place plus importante), en renforçant les secrétariats médicaux (identifiés comme des éléments pivots des instances médicales [35]) et en s’appuyant sur les potentialités du numérique (notamment la télémédecine), mais aussi de rapprocher les dispositions applicables au secteur public de celles du secteur privé.
75Le décret procède d’abord à une simplification qui introduit une plus grande lisibilité du dispositif et des postes proposés dans les services de médecine de prévention auprès des médecins du travail : il remplace la dénomination de « médecin de prévention » par celle de « médecin du travail », ce qui est en cohérence avec l’existence d’un vivier unique de professionnels, compétents à la fois dans le secteur public et le secteur privé.
76Le décret rappelle aussi les missions du médecin du travail : celui-ci est à la fois le conseiller de l’administration, des agents et de leurs représentants notamment en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie et de travail dans les services, l’évaluation des risques professionnels, la protection des agents contre l’ensemble des nuisances et les risques d’accidents de service ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel, l’adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine, en vue de contribuer au maintien dans l’emploi des agents, l’hygiène générale des locaux de service et des restaurants administratifs et l’information sanitaire.
77Le décret renforce ensuite et surtout son rôle de coordination ainsi que les moyens, notamment matériels, qui lui sont alloués. Le décret précise que « les missions du service de médecine de prévention sont assurées par les membres d’une équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par un médecin du travail ». Cette équipe pluridisciplinaire peut notamment regrouper des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des infirmiers en santé au travail, des psychologues, des ergonomes et autres professionnels de la santé et peut s’appuyer sur un secrétariat ad hoc. Ce rôle de coordination du médecin du travail vise à fluidifier le parcours de soins des patients.
78Dans le même esprit de fluidification du parcours de soins, l’une des grandes nouveautés du décret est le renforcement de la capacité du médecin du travail à prescrire des examens complémentaires. Plutôt que de renvoyer vers le médecin traitant, le médecin du travail peut orienter directement vers un tiers (spécialiste). Cette faculté devrait permettre de réduire les cas de ruptures de prise en soins des agents les plus précaires qui, diagnostiqués par les médecins du travail, ne retournent pas nécessairement chez leurs médecins traitants.
79Le décret consacre, en outre, les expérimentations en cours pour faire face aux difficultés de recrutement en médecins du travail dans certaines régions et renforce notamment les possibilités de mutualisation des services de médecine de prévention entre les trois versants de la fonction publique.
80Le décret renforce, par ailleurs, la présence des infirmiers et étend leur domaine de compétence, dans le cadre de protocoles écrits, aux visites quinquennales qui deviennent des « visites d’information et de prévention », aux visites intermédiaires, ainsi qu’aux actions sur le milieu professionnel.
81Les critères de définition des agents concernés par la surveillance médicale renforcée, en cas d’exposition à un risque professionnel particulier, restent inchangés. Le principe de la définition, par le médecin, de la nature et de la fréquence des visites demeure également. La fréquence minimale de ces visites passe d’un an à quatre ans maximum, avec la mise en place d’une visite intermédiaire pouvant être effectuée par un infirmier en santé au travail ou un collaborateur médecin.
82Les agents qui ne sont pas concernés par la surveillance renforcée bénéficieront tous les cinq ans d’une visite d’information et de prévention, cette visite pouvant donc être réalisée par un infirmier en santé au travail ou un collaborateur médecin dans le cadre d’un protocole écrit. Le professionnel de santé peut, si nécessaire, orienter l’agent vers un médecin. L’agent conserve la possibilité d’être reçu, à sa demande, par un médecin, selon des modalités prévues par le décret.
83Le décret permet également aux professionnels de santé d’effectuer des consultations médicales ou soignantes à distance. Ces consultations, décidées par le médecin, ne peuvent être réalisées qu’avec l’accord écrit de l’agent préalablement informé, et dans des conditions assurant la confidentialité.
84Ce dispositif comporte un risque non négligeable et qui est le suivant : dans un contexte de pénurie de médecins du travail et d’augmentation du nombre de leurs missions, il est fort probable que les visites jusque-là effectuées par le médecin du travail seront déléguées à ses collaborateurs, à distance en télémédecine, sans évaluation systématique de l’état de santé des agents. S’il n’en formule pas directement la demande, un agent peut donc être susceptible d’effectuer toute sa carrière sans jamais bénéficier de la visite d’un médecin, alors même que nombre d’agents de fonction publique connaissent des conditions de travail détérioré.
85Pour faire face à la pénurie de médecin, l’exécutif a donc fait le choix de réduire les cas de saisines de la médecine de prévention, plutôt que de relever de manière significative la rétribution des acteurs de la santé en la matière (vacations des médecins coordonnateurs et membres des instances, expertises) [36].
• Décret relatif au versement du « forfait mobilités durables » dans la fonction publique de l’État
86Le décret du 9 mai 2020 relatif au versement du « forfait mobilités durables » dans la fonction publique de l’État [37] permet d’indemniser le trajet quotidien entre le domicile et le lieu de travail des agents de l’État se déplaçant en covoiturage (conducteur ou passager) ou à vélo (avec ou sans pédalage assisté). Afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif, la durée minimale d’utilisation d’un de ces moyens de transport est fixée à 100 jours. Le montant annuel est fixé à 200 euros. Ce forfait « mobilités durables » est versé l’année suivant celle du dépôt de la déclaration par l’employeur concerné. Le nombre minimal de jours peut être modulé, sous certaines conditions, en fonction du temps de présence de l’agent dans l’année (cas des agents recrutés ou radiés au cours de l’année ou placés dans une position autre que la position d’activité pendant une partie de l’année) ou en fonction de la quotité de temps de travail de l’agent (cas des agents à temps partiel).
• Rapport de la Cour des comptes sur les agents contractuels dans la fonction publique
87La Cour des comptes a publié, le 22 septembre 2020, un rapport public thématique sur les agents contractuels dans la fonction publique [38] qui entend faire le bilan de l’emploi des agents contractuels dans les principaux ministères et des établissements publics de l’État, dans des collectivités territoriales et dans des hôpitaux publics depuis une dizaine d’année et tente de mesurer la portée de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 élargissant le recrutement d’agents contractuels.
88Un premier chapitre cherche d’abord à comprendre les raisons de la croissance du nombre des agents contractuels et à identifier les emplois qu’ils occupent. L’augmentation du nombre des agents contractuels pour les trois versants de la fonction publique est une tendance marquante de la période récente. Le nombre des agents contractuels (exprimé en équivalent temps plein), a cru plus vite (15,8 %) que celui de l’ensemble des agents publics (5,9 %) [39]. Dans la fonction publique de l’État (FPE), les agents contractuels sont avant tout des personnels relevant du périmètre ministériel de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (61,4 % des 416000 agents). Dans la fonction publique territoriale (FPT), ce sont le plus souvent des agents du bloc communal évoluant dans la filière technique : quatre des dix filières d’emplois (technique, administrative, animation et sociale) représentent 80,3 % des 376000 agents contractuels. Enfin, dans la fonction publique hospitalière (FPH), les agents contractuels (225000 personnes physiques) appartiennent à 77,8 % aux filières soignante et technique-ouvrière. Ils sont particulièrement nombreux dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (ou` ils représentent 31,2 % des effectifs) et dans les autres types d’établissements médico-sociaux (ou` ils représentent 39,5 % des effectifs). Leur masse salariale brute fait l’objet d’une estimation financière comprise entre 25,8 milliards d’euros en 2017 (sur la base de données de la DGAFP) et environ 40 milliards d’euros (sur la base des données de la comptabilité publique, qui retient un périmètre plus large [40]).
89Analysant les motifs de recrutement des agents contractuels, la Cour a constaté que, dans une partie des cas, leur embauche s’explique par des besoins qui ne peuvent pas être satisfaits par des agents titulaires – notamment les emplois pour lesquels il n’existe pas de corps de fonctionnaires ou de cadres d’emploi (en particulier pour pourvoir certains postes techniques dans la FPE, par exemple des emplois de médecin, de psychologue ou de traducteur-interprète linguiste) ou pour les nouveaux métiers liés au numérique – mais aussi souvent par des difficultés rencontrées dans la gestion des agents titulaires de la fonction publique, liées soit à la rigidité des procédures d’affectation et de mobilité des fonctionnaires, qui laissent de nombreux postes d’agents titulaires vacants comme, par exemple, dans l’éducation nationale, soit à l’inadaptation des conditions d’exercice et de rémunération des agents titulaires à la réalité du marché de l’emploi sur des segments particuliers.
90Alors que le recrutement d’agents contractuels est généralement justifié par des nécessités d’ajustement et de flexibilité des emplois publics, dans la pratique, leur gestion se rapproche de celle des titulaires et tend à une rigidification progressive. C’est tout d’abord le cas pour les recrutements d’agents contractuels, qui, effectués normalement sans concours, sont en pratique de plus en plus codifiés et donc rendus moins faciles que par le passé. À l’exception des métiers en tension, correspondant souvent à des emplois très qualifiés, les salaires versés aux agents contractuels sont globalement inférieurs à ceux des agents titulaires.
91À la différence des agents titulaires, les agents contractuels ne bénéficient juridiquement d’aucun système de carrière ou de promotion. La Cour observe toutefois l’apparition de mécanismes qui conduisent dans les faits à une véritable organisation de la carrière de très nombreux agents contractuels. Mais leur situation reste disparate. Certains employeurs publics s’en tiennent strictement à la règle et n’accordent pas de revalorisations salariales ni de promotions. D’autres au contraire instaurent au profit de leurs agents, en particulier ceux qui sont bénéficiaires de contrats à durée déterminée (CDI), un « quasi-statut » s’inspirant largement des dispositions applicables aux fonctionnaires. Quant à la titularisation des agents contractuels qui est parfois possible soit de manière individuelle soit à la suite de plans de titularisation (quatre depuis 1983), elle se trouve de plus en plus concurrencée par la transformation de contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI). Ce type de contrat, pour certains emplois, se révèle en effet plus attractif que la titularisation car il n’implique pas certaines sujétions, comme par exemple l’obligation de mobilité. Symétriquement, la multiplication des CDI expose l’employeur public au risque de placer sa gestion des ressources humaines sous de plus fortes contraintes.
92Dans ces conditions et quand bien même les fonctionnaires titulaires resteraient, selon les projections établies par la Cour des comptes, pour longtemps majoritaires dans les trois versants de la fonction publique, l’augmentation du nombre des agents non titulaires occupant des emplois permanents et leur coexistence, dans les mêmes services, avec des agents titulaires, n’est pas sans poser certaines difficultés.
93S’agissant des carrières et des rémunérations, il faut, selon la Cour, s’interroger sur les moyens de préserver la flexibilité propre au régime des personnels contractuels. À défaut, le rapprochement entre ce régime et les dispositions statutaires dont bénéficient les agents titulaires aura tendance à s’accélérer et à priver la réforme de son intérêt. Sur ce point, la Cour recommande donc, pour les métiers qui s’y prêtent, la négociation collective de cadres de gestion propres aux agents contractuels, à l’image des conventions collectives du secteur privé. Les régimes de retraite des agents titulaires et contractuels sont différents, ce qui se traduit par des niveaux de cotisations employeur qui rendent, dans de nombreux cas, moins coûteux le recrutement d’agents contractuels. De même, les modalités de prise en charge du « risque chômage » des employeurs publics ne sont pas toujours adaptées à une situation dans laquelle le nombre d’agents contractuels occupant des emplois permanents est important. En fonction de cette hypothèse, la Cour préconise de revoir les mécanismes et les montants des garanties pour perte d’emploi. La Cour propose d’étudier pour les agents contractuels la possibilité d’une affiliation obligatoire des employeurs publics au régime national d’assurance chômage. Enfin, la Cour relève que le statut général de la fonction publique pourrait mieux associer les agents contractuels à l’organisation et au fonctionnement des services publics, dans un contexte où leur nombre croît. Ainsi, les commissions consultatives paritaires, qui sont le pendant, pour ces agents, des commissions administratives paritaires pour les agents titulaires, jouent un rôle incertain. Le rapport propose de réfléchir à la fusion possible de ces instances avec les commissions administratives paritaires.
94Il recommande, en outre : d’adapter les conditions de recrutement des agents publics, en élargissant à la plupart des filières la possibilité de recruter sur titre les détenteurs d’un diplôme d’État, d’une certification professionnelle homologuée ou d’une reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle ; de mettre en place des référentiels de rémunération pour les agents contractuels en commençant par les métiers en tension de la fonction publique d’tat et de la fonction publique hospitalière ; de proposer à la négociation collective, pour les métiers qui s’y prêtent, des cadres de gestion s’apparentant par leur contenu à des conventions collectives pour la carrière et la rémunération des agents contractuel ; et, enfin, l’affiliation obligatoire des employeurs publics au régime d’assurance chômage pour leurs agents contractuels.
• Rapport de la Cour des comptes sur les heures supplémentaires dans la fonction publique
95À la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a rendu, en octobre 2020, un rapport sur les heures supplémentaires dans la fonction publique [41]. Ce rapport s’inscrit dans le contexte du projet de réforme des retraites dont le système par points envisagé fait entrer les heures supplémentaires rémunérées dans l’assiette de cotisation au nouveau régime, de la décision gouvernementale de la fin de l’année 2019 de payer une partie du stock d’heures supplémentaires dues aux policiers et des mesures exceptionnelles d’ajustement des régimes de temps de travail pour certaines professions, notamment de santé, afin de faire face à l’épidémie de Covid-19.
96La Cour pointe le fait que, faute d’outils unifiés et performants, le temps de travail des agents publics de la fonction publique, et a fortiori les heures supplémentaires qu’ils accomplissent, sont très mal documentés, tant au niveau global de chacun des versants de la fonction publique qu’au niveau plus circonscrit des différentes administrations (comme par exemple au sein de la fonction publique d’État, pour les ministères et leurs directions). Pour établir son rapport la Cour des comptes s’est appuyée, pour la fonction publique d’État (FPE), sur l’exploitation des fichiers de paie, et, pour les fonctions publiques hospitalière (FPH) et territoriale (FTP), sur une enquête quantitative ad hoc.
97Les heures supplémentaires dans la fonction publique sont définies comme les heures réalisées par les agents en dehors des bornes normales de leur cycle de travail. Or, la nécessité d’adapter la disponibilité des ressources pour assurer la continuité des services publics, notamment sur des horaires atypiques, et la variété également très grande des contraintes d’ouverture et d’accessibilité des mêmes services publics, expliquent en large part la multitude des cycles de travail mis en place dans les administrations. Cette multiplicité des situations et des cycles de travail explique que certains agents réalisent des heures supplémentaires tout en étant assujettis à un régime de temps de travail inférieur au seuil de référence de 1607 heures par an.
98Les modalités de compensation des heures supplémentaires sont de deux types. L’indemnisation est très largement majoritaire dans les administrations dans lesquelles la possibilité de récupérer les heures est impossible (comme c’est le cas pour les enseignants du second degré au ministère de l’éducation nationale ou pour les surveillants pénitentiaires du ministère de la justice), ou bien dans des environnements dans lesquels le nombre d’agents de catégorie C, disposant de faibles rémunérations, est important (comme dans la fonction publique territoriale ou l’administration pénitentiaire, qui cumule les deux types de situations). À l’inverse, la récupération des heures (y compris parfois la possibilité de stocker des heures supplémentaires non indemnisées) est privilégiée dans des administrations plus exposées à des conditions de travail particulières ou à des situations de pénibilité ou de dangerosité (police nationale et fonction publique hospitalière notamment), ou bien dans des environnements dans lesquels les fonctionnaires disposent de régimes indemnitaires favorables (ministères économiques et financiers). Des mécanismes d’écrêtement sont également parfois mis en place, fondés sur la définition d’un plafond mensuel, seuil au-delà duquel les heures réalisées sont écrêtées, c’est-à-dire perdues pour les agents (c’est par exemple le cas au sein de la direction générale des finances publiques, dans le cadre d’un régime de temps de travail variable ; à l’inverse, les établissements de santé pratiquent peu l’écrêtement).
99Au final, la Cour évalue à 2,3 milliards d’euros les heures supplémentaires indemnisées dans les trois versants de la fonction publique (en 2018) et à plus 50 millions d’heures, pour un coût potentiel supérieur à 1 milliard d’euros, le volume des heures supplémentaires stockées.
- Dans la fonction publique de l’État, le montant total des heures supplémentaires réalisées et indemnisées dans l’année est estimé à 1,6 milliard d’euros pour, dont plus de 1,3 milliard d’euros (80 %) pour les enseignants du second degré du ministère de l’éducation nationale (chiffres 2018). En matière d’heures stockées, le phénomène se concentre pour l’essentiel sur les personnels de la police nationale : jusqu’à 23 millions d’heures y ont été stockées fin 2018 ;
- Dans la fonction publique territoriale, les heures supplémentaires indemnisées représentaient 0,5 milliard d’euros, et 0,7 % de la masse salariale chargée des agents, montant perc¸u très majoritairement par des agents de catégorie C (à 86 %). Le total des heures stockées représentait 6,1 millions d’heures ;
- Dans la fonction publique hospitalière, le montant des heures supplémentaires indemnisées représentait 0,2 milliard d’euros et 0,6 % de la masse salariale chargée. Les heures stockées représentaient en revanche 18,5 millions d’heures, soit trois fois plus que dans la fonction publique territoriale pour deux fois moins d’agents.
101Si l’on s’attarde sur la situation de la fonction publique d’État, on constate que trois ministères justifient à eux seuls 94 % du total des heures supplémentaires payées dans l’année : le ministère de l’éducation nationale (80 % du total), le ministère de l’intérieur (8 %) et le ministère de justice (5,6 %). Dans les autres ministères, la dépense budgétaire est faible. De façon générale, les heures supplémentaires payées représentent une fraction modeste de la masse salariale de l’État. Leur montant peut cependant représenter une part significative de la rémunération de certains agents de l’État : en moyenne, les heures supplémentaires payées représentent 6,25 % de la rémunération des agents étatiques qui en bénéficient, soit 2382 euros dans l’année. En fonction des administrations, ces heures sont plutôt indemnisées, à un coût horaire inférieur à celui de l’heure normale (cas de l’Éducation nationale), ou à l’inverse plutôt accumulées pour donner lieu à récupération différée (cas de la police).
102Les heures supplémentaires constituent souvent un outil apprécié par les administrations, indispensable pour certaines d’entre elles, qui leur permet d’ajuster finement le potentiel de travail dont elles disposent aux besoins du service public. Elles peuvent revêtir un aspect très structurel dans l’organisation du service public, comme c’est le cas pour les établissements publics du second degré (collèges et lycées) ou les établissements pénitentiaires, dans lesquels les heures supplémentaires représentent environ 10 % des heures de travail. Elles permettent également de faire face aux activités saisonnières ou aux pics d’activité, sans avoir recours à des solutions d’externalisation qui pourraient s’avérer mal adaptées ou très coûteuses. Les heures supplémentaires sont aussi prisées quand elles constituent le seul véritable levier à la disposition du management de terrain, lui offrant la possibilité de soutenir les initiatives des équipes les plus mobilisées. Elles constituent enfin un outil à la fois économiquement avantageux pour les employeurs publics, puisque les heures supplémentaires sont toujours moins coûteuses que les heures réalisées sur le temps de travail des agents (en particulier du fait de leur non assujettissement au compte d’affectation spéciale « Pensions »), et apprécié des agents qui en bénéficient car elles peuvent constituer des compléments de rémunération non négligeables. C’est notamment le cas pour des agents faiblement primés, comme au ministère de l’éducation nationale, ou bien pour des agents de catégorie C dont les niveaux de rémunération sont modestes (comme ceux des collectivités territoriales ou les gardiens de prison).
103Pour toutes ces raisons, le recours aux heures supplémentaires constitue un levier utile et intéressant, aussi bien pour l’administration que pour les bénéficiaires. C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes préconise non pas de les réduire de manière indiscriminée, mais de limiter les cas d’utilisation non justifiées et les zones de risques persistantes du fait des pratiques de stockage.
104L’utilisation de cycles de travail ou la persistance de régimes de temps de travail mal adaptés aux besoins des services entraînent parfois structurellement des besoins en heures supplémentaires qui pourraient être mieux contenus et limités. C’est le cas par exemple du choix de certains cycles de travail dans la police nationale, identifiés comme particulièrement consommateurs de ressources, ou des obligations réglementaires de services de certaines catégories d’enseignants pas toujours justifiées par leurs contraintes d’exercice réelles. De la même manière, la persistance de régimes de travail qui conduisent à un temps de travail de référence annuel inférieur à 1607 heures génère également des heures supplémentaires non justifiées. Selon la Cour des comptes, la réforme de ces organisations et de ces régimes de temps de travail pourrait conduire à la réduction des heures supplémentaires qui ne sont pas indispensables.
105En outre, la pratique qui consiste à accumuler des stocks d’heures supplémentaires sur plusieurs années, largement répandue dans certains secteurs (police nationale, hôpitaux), fait courir des risques à la fois humains, financiers [42], organisationnels et opérationnels dans les services concernés. Pour la police nationale, le risque identifié associé aux 23 millions d’heures supplémentaires stockées à la fin de l’année 2018, ramené à 20,9 millions fin 2019, correspond à un montant d’engagement de 535 millions d’euros. Sur le plan opérationnel, le risque de déstockage fait peser un aléa dangereux sur la bonne organisation des services les plus concernés. Sur le plan humain, le fait que les agents ne récupèrent pas les nombreuses heures supplémentaires fait peser sur leur santé et leur sécurité des risques également importants. Une analyse similaire est applicable à la fonction publique hospitalière qui connaît, par ailleurs, des problèmes d’attractivité. Toutes ces raisons plaident, aux yeux de la Cour des comptes, pour une révision des pratiques permettant de limiter le phénomène de stockage, en encourageant les récupérations dans l’année et l’indemnisation d’une proportion plus importante d’heures supplémentaires pour tarir le flux des heures stockées.
106Pour la Cour des comptes, la mise en œuvre des évolutions suppose enfin une meilleure capacité de régulation des heures supplémentaires, qui sont trop souvent subies par les chaînes hiérarchiques et constatées ex post, ainsi que des outils de contrôle et de suivi permettant une connaissance plus précise du phénomène à tous les échelons hiérarchiques. C’est pourquoi une amélioration significative des outils et dispositifs de suivi et de contrôle est indispensable.
107Frédéric Edel (avec la participation de Thibaud Affagard)
IV – Administration et libertés
- État d’urgence sanitaire : sortie, prorogation, re-proclamation…
- Sécurité
- Vulnérabilités
- Lieux privatifs de liberté
- À signaler, à suivre
• État d’urgence sanitaire : sortie, prorogation, re-proclamation…
108La loi du 9 juillet 2020 avait mis fin, à compter du 10 juillet 2020, à l’état d’urgence sanitaire (EUS) tel que créé et mis en vigueur par la loi du 23 mars 2020 pour faire face à la pandémie de Covid-19 (à l’exception des territoires de Guyane et de Mayotte) ; elle avait cependant maintenu un régime transitoire, dont le gouvernement demandait la prorogation par un projet de loi déposé le 16 septembre 2020. Ledit régime transitoire, forme d’état d’urgence innommé, maintenait aux autorités administratives un certain nombre de pouvoirs exorbitants.
109Du 11 juillet au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut ordonner par décret plusieurs mesures afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19. Il peut réglementer : la circulation des personnes et des véhicules et l’accès aux transports collectifs (port du masque…), l’ouverture des établissements recevant du public tels les restaurants, les cinémas et des lieux de réunion (mesures barrière…) et enfin les rassemblements et les réunions sur la voie publique et dans les lieux publics.
110Il peut également imposer un test virologique aux personnes qui voyagent en avion entre la métropole et les outre-mer et entre les outre-mer. Les passagers en provenance d’une collectivité d’outre-mer où ne circule pas le virus en sont dispensés.
111Les interdictions que peut décider le gouvernement, au titre de ce nouveau régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, ont été limitées par les parlementaires. Seuls peuvent être restreints ou interdits les déplacements par avion ou par bateau. Par ailleurs, en cas de réactivation du virus dans certaines parties du territoire, des interdictions de déplacement peuvent être décidées et les établissements recevant du public peuvent être obligés de fermer. En revanche, un confinement généralisé de la population ne peut plus être ordonné. Les préfets peuvent être amenés à prendre des mesures d’application. Si elles concernent un seul département, ils peuvent être autorisés par exemple à alléger les mesures nationales si les circonstances locales le permettent ou, à l’inverse, les renforcer en cas d’apparition de clusters. Ils peuvent également fermer, au cas par cas, des établissements ne respectant pas les mesures barrières et les règles d’accès fixées par décret.
112C’est dans le cadre de cet état d’urgence allégé que s’est notamment joué le statut juridique de l’obligation du port du masque. Un décret du 17 juillet 2020 le rendait ainsi obligatoire dans l’ensemble des lieux publics clos [43] ; et très vite, c’est la question de son port obligatoire dans l’espace public qui se posait. Le décret du 30 juillet habilitait les préfets à le rendre obligatoire « lorsque les circonstances locales » l’exigent ; et fin août, plusieurs préfets rendaient ainsi le masque obligatoire dans l’ensemble de l’espace public. Saisi en référé, le Conseil d’État rendait une importante ordonnance le 6 septembre 2020 : non seulement il validait les arrêtés déférés, exprimant par là une position distincte de celle qu’il avait adoptée quelques mois plus tôt dans l’ordonnance Commune de Sceaux (CE, 17 avril 2020, no 440057), mais encore il le faisait en prenant appui sur les critères de la lisibilité et de la simplicité des mesures attaquées comme critères de sa légalité : « le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse, sont des éléments de son effectivité qui doivent, à ce titre, être pris en considération » (CE, ord., 6 sept. 2020, no 443750). Ainsi, la mesure rendant obligatoire le port du masque à l’échelle de la commune (mais bientôt aussi, à celle du département) est légale de ce point de vue. Ce faisant, le Conseil d’État enclenchait une altération notable du sens de la notion de proportionnalité et partant, une redéfinition du régime des mesures de police administrative. Ce n’est rien de moins que le renversement du paradigme libéral classique selon lequel la liberté est le principe et la mesure de police, l’exception, qui est mis en cause.
113La recrudescence rapide des cas de contamination aura en toute hypothèse eu raison du processus de « sortie » de l’état d’urgence enclenché en juillet, et un décret du président de la République du 14 octobre 2020 remettait en vigueur l’état d’urgence sanitaire plein et entier à compter du 17 octobre 2020 [44]. Ce second EUS se concrétisait, dans un premier temps, par des mesures de couvre-feu ; d’abord centré sur la métropole marseillaise, ce nouveau régime était étendu par décret en conseil des ministres du 16 octobre 2020 qui interdisait les « déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin » dans les plus grandes métropoles définies comme zones de circulation active du virus [45] – mesure qui allait vite être étendue bien au-delà, à plus de 50 départements. Un premier recours formé contre le décret du 16 octobre 2020 était rejeté par le juge administratif : dans son ordonnance du 23 octobre, le Conseil d’État estime que, si le couvre-feu constitue bien une restriction à la liberté personnelle, la nette dégradation de la situation sanitaire empêche d’y voir une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, qui serait constituée par l’édiction de mesures ne remplissant pas le triple test de leur caractère adapté, nécessaire et proportionné. Plus avant, saisi d’un moyen fondé sur le caractère homogène de la mesure de couvre-feu et l’impossibilité de toute modulation horaire, le Conseil confirme l’irruption des critères de la simplicité et de la lisibilité dans l’évaluation de la légalité des mesures de police administrative, suscitant alors la critique et l’inquiétude (CE, ord., 23 octobre 2020, no 445430).
114Quelques jours plus tard, le registre du couvre-feu paraissait insuffisant au gouvernement, qui prononçait, par décret du 29 octobre [46], un nouveau confinement généralisé de la population ; la nouvelle interdiction de « tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence » connaît certes une liste d’exceptions et dérogations plus longues qu’en mars 2020, mais c’est bien ici le retour du mécanisme des attestations dérogatoires de déplacement et le régime de sanctions afférent qui était réactivé pour une durée annoncée de quatre semaines a minima. Et, de nouveau, la fermeture des universités, des bars, restaurants et lieux de spectacle, l’hybridation de l’enseignement en lycées, l’encouragement au télétravail, etc. Cette fois-ci cependant, c’est une réelle fronde des édiles locaux qui survint, de nombreux maires édictant en guise de protestation des arrêtés prononçant la réouverture des commerces durement impactés par la crise. Nul doute sur l’illégalité de tels arrêtés toutefois, notamment au regard de la jurisprudence Commune de Sceaux prescrivant aux mesures locales de ne pas porter atteinte à la cohérence et l’efficacité des mesures décidées au niveau étatique (CE, 17 avril 2020, no 44057).
• Sécurité
115Ce re-basculement dans le régime d’exception que constitue l’état d’urgence sanitaire s’est, en outre, accompagné du retour d’assassinats terroristes épouvantables : le 16 octobre, l’enseignant Samuel Paty était sauvagement mis à mort après une polémique hors de contrôle sur le contenu d’un de ses enseignements au cours duquel il aurait utilisé les caricatures du prophète Mahomet ; et le 29 octobre, un attentat à la basilique de Nice faisait trois victimes. Le discours gouvernemental se durcissait aussitôt ; il faut dire que cette nouvelle vague d’attentats perpétrés au nom de l’islam rencontrait l’agenda gouvernemental de la loi de lutte contre le séparatisme islamiste (en dépit du nouvel intitulé qu’elle recevra par la suite [47]). Tandis que le ministre de l’intérieur communiquait abondamment sur la multiplication des perquisitions administratives, annonçait de nombreuses expulsions et stigmatisait des indices de communautarisation et de séparatisme, le ministre de l’éducation nationale quant à lui mettait en cause certains segments du monde universitaire (les « islamo-gauchistes ») pour leur contribution à la banalisation de ces mouvements de mise en cause des principes républicains. Au-delà des discours, le gouvernement prenait rapidement des actions tout aussi fortes.
116De manière générale, le plan Vigipirate urgence attentats était enclenché. Le ministre de l’intérieur faisait ainsi procéder à la dissolution d’associations suspectées de duplicité au regard des attentats commis soit la fermeture administrative de lieux de culte. Le 21 puis le 28 octobre, deux décrets prononçaient, en application de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, la dissolution du collectif Cheick Yassine et de l’association Baraka City, accusés de provoquer à la discrimination, la haine ou la violence et de se livrer à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger. Le même ministre prenait par ailleurs appui sur l’article L. 227-1 du Code de la sécurité intérieure pour décider la fermeture administrative de la mosquée de Pantin. Là encore, la mesure faisait l’objet d’un recours – lequel était là encore rejeté par le Conseil d’État qui, tout en reconnaissant la liberté de culte au rang des libertés fondamentales susceptibles d’être garanties dans le cadre du référé-liberté, estime que les agissements du président de l’association gestionnaire de la mosquée, couplés au fait qu’il n’a modéré aucun des commentaires et propos postés sur la page Facebook de la mosquée et à l’entrisme de la mouvance radicale dans la communauté locale (tant via la personnalité d’un des imams y prêchant, que par le fait que plusieurs fidèles avaient pu quitter la France pour partir en zone de combat irako-syrienne), justifiaient la mesure attaquée (CE, ord. 25 nov. 2020, no 446303) [48].
117Du côté du Conseil constitutionnel, la période aura aussi été l’occasion d’une mise à l’épreuve du cadre constitutionnel par la question terroriste. Ce fut d’abord le cas via la décision du 7 août 2020 par laquelle il censurait les mesures de sûreté que le législateur venait de créer pour les auteurs d’infractions à caractère terroriste. Les dispositions censurées prévoyaient la possibilité, pour toute personne ayant été condamnée à une peine privative de liberté de plus de 5 années pour des infractions à caractère terroriste (trois années en cas de récidive), de se voir soumettre à de telles mesures de sûreté dès lors qu’elle continuait, à l’issue de sa peine, à présenter une particulière dangerosité (risque de récidive ou adhésion persistance à une idéologie favorable au terrorisme). Le Conseil juge à leur propos que « s’il est loisible au législateur de prévoir des mesures de sûreté fondées sur la particulière dangerosité, évaluée à partir d’éléments objectifs, de l’auteur d’un acte terroriste et visant à prévenir la récidive de telles infractions, c’est à la condition qu’aucune mesure moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soit suffisante pour prévenir la commission de ces actes et que les conditions de mise en œuvre de ces mesures et leur durée soient adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Le respect de cette exigence s’impose a fortiori lorsque la personne a déjà exécuté sa peine » (CC, 7 août 2020, no 2020-805DC). Ce faisant, le Conseil précise que de telles mesures de sûreté ne sauraient être considérées ni comme une peine ni comme une sanction ayant le caractère de punitions (elles ne reposent en effet ni sur le jugement ni sur la culpabilité de la personne, mais sur sa dangerosité) ; il précise encore qu’elles sont néanmoins soumises au « principe, résultant des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789, selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ».
118Alors même que par cette décision, le Conseil apparaissait à nombre de commentateurs comme résistant de manière inhabituelle au vent sécuritaire qui semble souffler sur le corpus législatif contemporain [49], un ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel faisait une intervention médiatique retentissante et inhabituelle pour exprimer l’opinion exactement opposée. Selon lui en effet, la jurisprudence constitutionnelle récente devait en effet être analysée comme cause première de l’incapacité supposée de l’État à lutter contre le terrorisme, en raison de la trop grande importance prêtée aux droits fondamentaux au détriment de la fermeté et de la rigueur [50].
119C’est d’ailleurs la pleine applicabilité de ce paradigme des droits fondamentaux qui était confirmée par la CJUE y compris lorsque la sécurité nationale est en cause. Ainsi la directive du 12 juillet 2002 « vie privée et communication électronique » s’applique-t-elle pleinement aux réglementations nationales imposant aux fournisseurs de services de procéder à la conservation et la sauvegarde de données à caractère personnel aux fins de leur transmission, le cas échéant, aux autorités publiques pour des motifs en lien avec de la sécurité nationale et la lutte contre la criminalité. Ainsi, ces réglementations nationales doivent respecter les principes généraux du droit de l’Union et notamment, le principe de proportionnalité, de sorte qu’une obligation de transmission généralisée et indifférenciée de telles données aux services de renseignement ne saurait être considérée comme compatible avec le droit européen – notamment à titre préventif. En revanche, la Cour admet que dans les situations où l’État membre fait face à une menace grave pour la sécurité nationale, des exceptions peuvent être admises, sous réserve d’un contrôle effectif de nature juridictionnelle ou, à défaut, par le biais d’une autorité administrative indépendante (CJUE, GC, 6 octobre 2020, Privacy International, French Data Network et Ordre des barreaux francophones et germanophones, C-623/17, C-511/18 et C-520-18 (affaires jointes). Subtil équilibre entre affirmation de principe et aménagement des exceptions qui confirme la complexité contemporaine du droit des données à caractère personnel.
120C’est encore la question du droit au respect des données à caractère personnel qui aura, sur la période considérée, fait sévir la CNIL qui demande l’arrêt du stockage des données du Health Data Hub sur les serveurs de l’entreprise Microsoft. Après que la CJUE ait invalidé le bouclier de protection (Privacy Shield) des données dans le cadre des transferts UE-États-Unis (CJUE, 16 juil. 2020, Presse et Information Data Protection Commissioner c. Maximillian Schrems et Facebook Ireland, C-311/18), la CNIL se montrait en effet plus exigeante vis-à-vis du Health Data Hub, la plateforme censée regrouper l’ensemble des données de santé de la population soignée en France. Sollicitée dans le cadre d’un recours visant à la suspension de la plateforme opérationnelle depuis avril 2020 formé par diverses associations, la CNIL estimait que le choix d’un hébergeur soumis au droit américain semblait incompatible avec les exigences de la CJUE en matière de protection de la vie privée. Dans une ordonnance du 13 octobre 2020, le Conseil d’État jugeait en effet que le droit européen devait être compris comme interdisant à Microsoft d’interdire le transfert de données vers les États-Unis. Il refuse toutefois, au regard notamment de la crise sanitaire actuelle et de l’importance de la plateforme dans ce contexte, d’en ordonner l’interruption immédiate ; il demande toutefois à ce que des garanties soient apportées sur ce point. Le gouvernement quant à lui, prenant la mesure des difficultés juridiques, s’engageait à transférer le Health Data Hub sur des plateformes françaises ou européennes, étant entendu que, dans l’intervalle, il lui faut conclure un avenant au contrat avec Microsoft pour graver dans le marbre cette interdiction de transfert de données [51].
• Vulnérabilités
Campements illégaux, logement, hébergement…
121En mai 2020, la Cour EDH avait rappelé aux autorités françaises que, puisqu’elle porte atteinte au respect du domicile et de la vie privée et familiale, l’évacuation de campements illégaux doit prendre en considération la situation des personnes concernées, notamment leur appartenance à un groupe socialement défavorisé et les possibilités de leur relogement (CEDH, 14 mai 2020, no 24720/13, voir chronique précédente). Saisi d’un référé-liberté formé par une mère de famille de deux enfants en très bas âge contre un arrêté municipal d’évacuation immédiate d’un campement illégal situé à Bobigny, le tribunal administratif de Montreuil en tire les conséquences. Après avoir relevé que les conditions minimales de sécurisation du campement étaient remplies, il retient que si, certes, « le campement ne dispose d’aucun élément de confort », « leurs occupants ont accès à l’électricité », à un point d’eau et à des toilettes sèches. Il souligne également qu’aucune mesure de relogement n’a été prévue. Il conclut donc que l’évacuation du campement constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante et de ses enfants (TA Montreuil, 6 octobre 2020, no 2010405).
122Les problèmes du logement dépassent le seul cas des personnes contraintes d’habiter dans des campements de fortune. Le Premier ministre en a pris acte et a annoncé, le 24 octobre 2020, de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté. Celles-ci « s’articulent autour trois grandes priorités : 1. Soutenir les revenus des plus précaires et modestes ; 2. Prévenir la bascule dans la pauvreté en développant des solutions d’insertion et d’activité ; 3. Renforcer l’accès et le maintien dans le logement ». Il est notamment prévu, à ce titre, de prolonger l’aide de 150 euros versée pour prévenir les impayés et d’élargir les critères qui permettent d’en bénéficier, de créer « 1500 places d’hébergement pour les femmes sortant de maternité sans solution », de développer « des lieux d’accueil et d’hébergement des grands marginaux », de dédoubler le « nombre de logements très sociaux à très bas niveaux de loyers financés » [52].
Migrants
123Politiques publiques. Deux rapports abordent la question du droit et de la gestion de l’asile. Le premier est un rapport parlementaire sur l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile, qui relève les difficultés d’établir un état des lieux précis sur la question. Il préconise l’allègement des procédures administratives d’autorisation d’emploi et, plus généralement, l’amélioration des conditions d’accueil des demandeurs d’asile [53]. Le second rapport émane du Conseil d’État. Il formule 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers dans l’intérêt de tous. Citons entre autres l’appel à rationaliser le traitement administratif des différentes demandes émanant d’un même étranger tant afin d’éviter leur éparpillement entre plusieurs services que de remédier aux dysfonctionnements des rendez-vous devant être pris en ligne ; la préconisation de regrouper les procédures contentieuses pour les réduire à trois, à savoir une procédure ordinaire et deux procédures d’urgence. L’objectif annoncé du rapport est d’obtenir des décisions plus rapidement et de remédier à l’engorgement des tribunaux administratifs les plus sollicités [54].
124Aide alimentaire. Il n’y a pas d’urgence à suspendre l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais qui interdit la distribution de repas dans certaines rues du centre-ville de Calais en période d’épidémie de Covid-19 entre le 11 et le 30 septembre 2020. Le Conseil d’État, comme le tribunal administratif de Lille, rejette le référé-liberté formé par plusieurs associations qui soutenaient que l’interdiction en cause portait une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité des personnes migrantes et à liberté des associations d’aider autrui dans un but humanitaire découlant du principe de fraternité. Il rappelle que la seule « atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative » ne suffit pas « à caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés ». Celle-ci s’apprécie « au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l’ensemble des circonstances de l’espèce […] en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu’il entend défendre, mais aussi l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des mesures prises par l’administration ». Pour rejeter la condition d’urgence, le Conseil d’État s’appuie, en l’espèce, tout particulièrement sur le contexte de l’épidémie de Covid-19. Il relève aussi que le préfet avait « mis en demeure le maire de la commune de prendre les mesures de police générale destinées à faire cesser les troubles », notamment relatifs à la salubrité, qu’il estime occasionnés par les distributions alimentaires. Il fait valoir, enfin, qu’il n’est pas prouvé que l’association spécialement chargée par l’État de procéder à des distributions alimentaires dans les rues concernées est défaillante et que les associations requérantes ne sont pas privées de la possibilité de procéder à ces distributions ainsi qu’à des missions d’assistance en dehors et à « proximité immédiate du périmètre couvert par l’arrêté » (CE, 25 septembre 2020, no 44793).
125Mineurs non accompagnés : tests osseux. Puisque le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité du recours aux tests osseux pour déterminer l’âge des mineurs non accompagnés (décision no 2018-768 QPC, 21 mars 2019, voir les chroniques précédentes), autant y recourir pour contester une décision judiciaire qui remet en cause l’évaluation de cette minorité. Ainsi en juge la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 octobre 2020 (no 20-14.993) au bénéfice d’un jeune Guinéen alléguant être né en juin 2003 et, conséquemment, confié au service de l’aide sociale à l’enfance jusqu’en juin 2021. Pour mettre fin aux doutes à répétition exprimés sur sa minorité, la Cour de cassation considère que « lorsque le juge, saisi d’une demande de protection d’un mineur au titre de l’assistance éducative, constate que les actes de l’état civil étrangers produits ne sont pas probants […], il ne peut rejeter cette demande sans examiner le caractère vraisemblable de l’âge allégué et, le cas échéant, ordonner un examen radiologique osseux ». Dès lors, en refusant le bénéfice de l’assistance éducative à l’intéressé au seul « regard des incohérences manifestes des documents de l’état civil produits », sans rechercher « si l’âge allégué par l’intéressé n’était pas vraisemblable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
• Lieux privatifs de liberté
Rétention, information, justification
126Dans deux arrêts du même jour (Cas. 1er civ., 14 octobre 2020), la Cour de cassation a admis que des vices de procédure résultant, dans une première espèce, de la méconnaissance de l’obligation d’information du procureur de la République sur la prolongation du placement d’un étranger en rétention (no 19-15.197) et, dans une seconde espèce, du défaut de justification de l’habilitation spéciale conférée par le préfet à agents pour consulter des fichiers biométriques (FAED et VISIABO) (no 19-19.234), entachent les décisions de placement en rétention d’une nullité d’ordre public. Les personnes retenues n’ont alors pas à démontrer, en sus, qu’il a été porté atteinte à leurs droits ou libertés. Dans la seconde espèce, notamment, la Cour considère que, compte tenu de la garantie institutionnelle que constitue, pour la protection des droits et libertés des personnes concernées, l’existence d’une procédure d’habilitation des agents en vue de « la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et [de] la consultation de ces données », le défaut d’une habilitation expresse constitue, en elle-même, une ingérence dans le droit au respect de la vie privée.
Détention et dignité
127Le caractère indigne des conditions de détention dans les prisons françaises n’en finit pas de nourrir le contentieux. Deux décisions retiennent particulièrement l’attention, car non seulement elles participent à l’évolution des exigences juridictionnelles relatives à l’effectivité des mesures destinées à lutter contre les conditions indignes de détention, mais elles mettent également en scène les relations du droit interne avec le droit international et européen des droits de l’homme.
128Dans une retentissante décision du 2 octobre 2020 (no 2020-858/859 – QPC), le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé que la constitutionnalité d’une loi s’apprécie indépendamment de l’interprétation conforme à la CEDH dont elle peut faire l’objet par les juges ordinaires. Autrement dit, le Conseil constitutionnel est maître en son royaume de la constitutionnalité et il invite les juges appelés à le saisir d’une QPC a d’abord prêter attention à la Constitution : « le juge appelé à se prononcer sur le caractère sérieux d’une [QPC] ne peut, pour réfuter ce caractère sérieux, se fonder sur l’interprétation de la disposition législative contestée qu’impose sa conformité aux engagements internationaux de la France, que cette interprétation soit formée simultanément à la décision qu’il rend ou l’ait été auparavant. Il n’appartient pas non plus au Conseil constitutionnel saisi d’une telle question […] de tenir compte de cette interprétation pour conclure à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Il ajoute : « en revanche, ces mêmes exigences ne s’opposent nullement à ce que soit contestée, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, la portée effective qu’une telle interprétation confère à une disposition législative, si l’inconstitutionnalité alléguée procède bien de cette interprétation ». Il se déclare alors compétent pour examiner les dispositions contestées, et ce « indépendamment de l’interprétation opérée par la Cour de cassation dans ses arrêts nos 1399 et 1400 du 8 juillet 2020 […] pour les rendre compatibles avec les exigences découlant de la CEDH ». Pour mémoire (voir la chronique précédente), suite à une condamnation de la France par la Cour de Strasbourg, la Cour de cassation avait estimé que des conditions indignes de détention peuvent justifier la libération des personnes détenues. Le Conseil constitutionnel parvient une conclusion semblable, mais en restant dans son strict cadre annoncé du contrôle de constitutionnalité. Il considère en effet qu’il découle de la constitution « qu’il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu’aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne. Il appartient, en outre, aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne placée en détention provisoire et d’ordonner la réparation des préjudices subis. » Enfin, précise-t-il, « il incombe au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin ». Or, selon lui, les compétences que le cadre législatif actuel confère au juge administratif dans le cadre des procédures de référés et au juge judiciaire n’apportent de telles garanties « en toutes circonstances ». Il conclut alors qu’« indépendamment des actions en responsabilité susceptibles d’être engagées à raison de conditions de détention indignes », les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles. Pour éviter les conséquences juridiques manifestement excessives de sa décision, il reporte l’abrogation qui en résulte au 1er mars 2021.
129Quelques jours plus tard, le Conseil d’État entrait lui aussi en scène sur la question. Il s’appuie sur la décision du Conseil constitutionnel pour rappeler la limite des compétences qu’il estime être celle du juge administratif lorsqu’il est saisi de référés-libertés visant à enjoindre à l’administration pénitentiaire des mesures nécessaires à faire cesser des atteintes à la dignité des personnes (CE 28 juillet 2017, no 410677, voir les chroniques précédentes). Il conclut que seul le législateur peut élargir ces compétences et faire du référé-liberté une voie de recours effective au sens où l’entend la Cour EDH et, dorénavant, le Conseil constitutionnel. Surtout, le Conseil d’État insiste sur le fait que seul le législateur peut définir des mesures structurelles permettant de mettre fin aux sanctions à répétition de la Cour EDH. Le Conseil d’État était d’ailleurs en l’espèce de nouveau saisi par la section française de l’Observatoire international des prisons sur le cas d’une prison néo-calédonienne qui avait valu à la France une condamnation (CEDH, 30 janvier 2020, no 9671/15). Comme il l’a fait pour des cas précédents, il opère un tri entre les mesures qu’il peut enjoindre dans le cadre du référé-liberté pour remédier à la violation de l’art. 3 de la CEDH et celles qu’il ne peut ou ne veut pas enjoindre. Le Conseil d’État refuse ainsi d’ordonner des mesures nécessitant une exécution à très (trop) bref délai (fin immédiate des matelas de couchage à même le sol) ou outrepassant « les moyens dont dispose l’autorité administrative » (création de services de mise en œuvre de mesures alternatives à l’emprisonnement, lourds travaux de rénovations de plusieurs quartiers…). En revanche, il accepte d’enjoindre la construction d’abris dans les cours de promenade, l’édification de séparation entre les sanitaires et le reste de la cellule quand celle-ci est occupée par plusieurs détenus ou, encore, la réfection de fenêtre (CE, 19 octobre 2020, no 439372).
130De traitement inhumain et dégradant et de protection de la vie, il a enfin également été question devant le Conseil d’État à propos des moyens déployés à la prison de Seysses pour lutter contre la propagation du Covid-19 (CE, 8 octobre 2020, no 444741). La haute juridiction a en effet annulé une ordonnance du tribunal administratif de Toulouse qui enjoignait à l’administration pénitentiaire de fournir aux détenus des masques aux détenus tant dans les espaces de promenades que dans les espaces clos, mais aussi de procéder à des tests de dépistage du virus. En l’état des données, relevait le Conseil d’État, rien ne permettait de caractériser une carence de l’administration née du fait qu’elle ne procède pas à ces mesures. Voilà un épisode contentieux qui aurait pu paraître presque banal. Oui, mais voilà : à peine 4 jours plus tard, un cluster se déclarait à la prison de Seysses, conduisant au dépistage effectif des 490 détenus…
• À signaler, à suivre
131Régime d’autorisation pour le travail des enfants influenceurs : La loi no 2020-1266 du 19 octobre visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes vise à rendre applicable à ces jeunes pousses les dispositions protectrices du Code du travail et leur accorde un droit à l’effacement des données. Plus avant, elle oblige les parents à obtenir une autorisation individuelle ou un agrément de l’Administration.
132Spoliation des Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale : Le Conseil d’État estime que le gouvernement a pu à bon droit réserver l’indemnisation des victimes de spoliation pendant la Seconde Guerre mondiale à celles qui l’ont été à raison de la législation antisémite ; la spécificité des préjudices qu’elles ont subis justifie un traitement différencié d’avec les victimes d’autres types de spoliation. Dès lors, la requête de l’Union de défense active des forains (UDAF) et de l’association France Liberté Voyage contre le décret du 10 septembre 1999 organisant la commission d’indemnisation est rejetée (CE, 25 septembre 2020, no 437524).
133V.C.-D. et S.H.-V.
Notes
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[*]
Les « Chroniques » de l’administration et du secteur public économique couvrent la période du 1er août au 31 octobre 2020.
-
[1]
À titre exceptionnel et conformément à ce qui avait été annoncé dans le numéro précédent (Revue française d’administration publique, no175, 2020/3), cette partie de la chronique couvre la période allant du 1er mai au 31 octobre 2020.
-
[2]
Dans son allocution du 14 juillet 2020, le Président de la République annonce un plan de relance à hauteur de 100 milliards d’euros, adossé au budget 2021.
-
[3]
Cf. cette chronique, RFAP no 174.
-
[4]
À titre exceptionnel et conformément à ce qui avait été annoncé dans le numéro précédent (Revue française d’administration publique, no 175, 2020/3), cette partie de la chronique couvre la période allant du 1er mai au 31 octobre 2020.
-
[5]
La création en novembre 2017 d’un secrétariat d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, au sein du second gouvernement d’Édouard Philippe, confié à Olivier Dussopt, n’avait rien changé à ce constat puisque ni son décret de nomination ni son décret d’attribution ne précisaient son portefeuille exact. Cf. sur ce point : RFAP no 163, p. 663, et RFAP no 165, p 167.
-
[6]
35 ans, diplômée d’HEC, élue députée dans l’Essonne en 2017 sous l’étiquette de La République en Marche, ex-cadre d’Axa et secrétaire d’État chargée des affaires européennes auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères dans le précédent gouvernement.
-
[7]
Décret no 2020-882 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de la transformation et de la fonction publiques.
-
[8]
Baromètre de la confiance politique du Cévipof, Sciences Po du 10 janvier 2019.
-
[9]
Cf. cette « Chronique », RFAP, no 174, p. 567-568.
-
[10]
Ordonnance no 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l’état d’urgence sanitaire.
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[11]
Ordonnance no 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics.
-
[12]
Décret no 2020-308 du 25 mars 2020 ouvrant la possibilité, en période d’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19, de différer l’établissement des certificats médicaux périodiques des militaires placés en situation de congé du blessé, de congé de longue durée pour maladie et de congé de longue maladie.
-
[13]
Ordonnance no 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19.
-
[14]
Ordonnance no 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire.
-
[15]
Décret no 2020-404 du 7 avril 2020 relatif à la prise en charge des frais de repas de certains personnels civils et militaires dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
-
[16]
Loi no 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
-
[17]
Décret no 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l’État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
-
[18]
Décret no 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d’une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l’Institution nationale des invalides dans le cadre de l’épidémie de Covid-19.
-
[19]
Circulaire du 7 octobre 2020 relative au renforcement du télétravail dans la fonction publique de l’État dans le cadre de la crise sanitaire.
-
[20]
Circulaire du 29 octobre 2020 relative à la continuité du service public dans les administrations et les établissements publics de l’État dans le contexte de dégradation de la situation sanitaire.
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[21]
Loi no 2020-692 du 8 juin 2020 visant à améliorer les droits des travailleurs et l’accompagnement des familles après le décès d’un enfant.
-
[22]
Jusqu’à une date récente, aucune disposition légale générale ne garantissait de durée de congé minimale aux agents publics en cas de décès d’un enfant. L’article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires disposait seulement que les fonctionnaires ont droit à divers congés, notamment annuels, de maladie, de maternité ou encore de formation professionnelle. Pour la fonction publique d’État, et en l’absence de disposition légale, ce congé était prévu par une instruction du 23 mars 1950, qui prévoyait une durée de trois jours ouvrables en cas de décès « ou maladie très grave » du conjoint, du père, de la mère ou d’un enfant de l’agent public. Cette durée pouvait être majorée de quarante-huit heures sur décision du chef de service. Afin d’y remédier, l’article 45 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a inscrit pour la première fois dans le statut le droit des fonctionnaires à bénéficier de congés en cas d’événement familial.
-
[23]
La loi rend cependant inopposable la décision d’un agent public de renoncer à ces jours de congé au profit d’un autre salarié. La nécessité d’accord préalable du chef de service est remplacée par une simple obligation d’information.
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[24]
Il s’agit notamment des travailleurs reconnus handicapés, des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, des titulaires d’une pension d’invalidité ou de l’allocation aux adultes handicapés.
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[25]
Loi no 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, notamment l’article 91.
-
[26]
Décret no 2020-530 du 5 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités de titularisation dans un corps ou cadre d’emplois de la fonction publique des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à l’issue d’un contrat d’apprentissage.
-
[27]
Article 93 de la loi.
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[28]
Décret no 2020-569 du 13 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités dérogatoires d’accès par la voie du détachement à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure instituées en faveur des fonctionnaires bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
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[29]
Article 92 de la loi.
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[30]
Pour mémoire, l’article L. 5212-2 dispose que tout employeur (public ou privé) occupant au moins 20 salariés ou agents doit employer des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de son effectif.
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[31]
Cf. FIPHP, Bilan et résultats 2019.
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[32]
Décret no 2020-647 du 27 mai 2020 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique de l’État, JORF no 0130 du 29 mai 2020.
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[33]
Décret no 2020-647 du 27 mai 2020 relatif aux services de médecine de prévention dans la fonction publique de l’État.
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[34]
Décret no 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique
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[35]
Selon les termes mêmes du « rapport de diagnostic » de mars 2017 relatif à « l’Évaluation du dispositif des instances médicales de la fonction publique » : cette « Chronique », RFAP, no 163, 2017, p. 668.
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[36]
Voir les différents scenarii envisagés par le rapport de diagnostic relatif à « l’Évaluation du dispositif des instances médicales de la fonction publique » que le Premier ministre avait demandé en août 2016 à la ministre des affaires sociales et de la Santé. Cf. cette « Chronique », RFAP, no 163, 2017, p. 668.
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[37]
Décret no 2020-543 du 9 mai 2020 relatif au versement du « forfait mobilités durable » dans la fonction publique de l’État.
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[38]
Cour des comptes, Les agents contractuels dans la fonction publique – Exercices 2010-2019, rapport public thématique, septembre 2020. Le rapport porte plus exactement sur une large part des agents contractuels employé dans le secteur public, mais pas tous les agents puisque les agents contractuels militaires, ceux relevant de statuts particuliers, ceux employés par des organismes publics soumis au droit commercial ou dont le statut de recrutement de droit commun des agents relève du droit privé n’ont pas été inclus dans cette étude.
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[39]
Sur la période 2010 à 2017 ; rapport, p. 29.
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[40]
Ce périmètre prend notamment en compte des personnels sous statut particulier, comme les médecins hospitaliers.
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[41]
Cour des comptes, Les heures supplémentaires dans la fonction publique – Exercices 2010-2018, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, octobre 2020 ; Rapport demandé par le président de la commission des finances sur la base du point 2 de l’article 58 de la LOLF.
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[42]
Lorsque les heures supplémentaires ne sont pas indemnisées, mais ouvrent des droits à congés ou à repos, leur coût budgétaire peut être significativement majoré si elles ne sont pas immédiatement récupérées, car lorsqu’elles sont stockées pour être récupérées sous la forme de repos compensateurs, de congés de longue durée ou de départ anticipé en retraite, leur coût équivaut en pratique à celui des heures travaillées.
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[43]
Décret no 2020-884 du 17 juillet 2020 modifiant le décret no 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé ; v. aussi par ex. le décret no 2020-1096 du 28 août 2020 le rendant obligatoire dans les collèges, lycées et établissements d’enseignement supérieur.
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[44]
Décret no 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire.
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[45]
Décret no 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
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[46]
Décret no 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
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[47]
Loi confortant les principes républicains, dont le projet sera rendu public en novembre 2020 (https://www.dalloz-actualite.fr/flash/projet-de-loi-separatisme-texte-de-l-avant-projet-de-loi#.X846hS_pPGI).
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[48]
Idem.
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[49]
V. par ex. Guillaume Beaussonie, « Une goutte de sûreté dans un océan de sécurité », Recueil Dalloz, 2020, p. 1869.
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[50]
Jean-Éric Schoettl : « Contre l’islamisme, en sortant de l’état d’urgence, nous avons perdu des moyens d’action », Le Figaro, 22 oct. 2020.
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[51]
CE, 13 oct. 2020, no 44937.
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[52]
Premier ministre, « De nouvelles mesures pour prévenir et lutter contre la bascule dans la pauvreté »,https://www.gouvernement.fr/partage/11826-lutte-contre-la-pauvrete-en-deplacement-au-centre-d-hebergement-et-de-reinsertion-sociale-a-epinay
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[53]
Rapport d’information sur l’intégration professionnelle des demandeurs d’asile et des réfugiés (no 3357), 23 septembre 2020, http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b3357_rapport-information
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[54]
Rapport approuvé par l’assemblée générale du Conseil d’État en mars 2020, mais mis en ligne le 9 octobre 2020, https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/simplifier-le-contentieux-des-etrangers-dans-l-interet-de-tous