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Article de revue

L'impossible création d'un impôt européen ?

Pages 1085 à 1091

Notes

  • [*]
    Institut de recherche en droit européen, international et comparé (IRDEIC) – Centre d’études et de recherches en finances publiques et fiscalité (CERFF).
  • [1]
    Brehon (N-J.), Le Monde, 16 août 2008.
  • [2]
    Discours prononcé le 24 octobre 1998 à Pörtsbach (Autriche) et cité par Denis Badre dans son Rapport d’information : le financement de l’Union européenne 2000-2006, Rapport de la Délégation du Sénat pour l’Union européenne n°136 (session 1998-1999), p. 27.
  • [3]
    Voir Caesar (R.), « L’impôt européen unique, une fausse bonne idée », Problèmes économiques. n°2. 749 20, février 2002, p. 9 à 11.
  • [4]
    Lamassoure (A.), Vers un impôt européen ? L’Europe en quête d’un vrai budget, http://robert-schuman.eu/questioneurope.php?num=qe-164
  • [5]
    Caesar (R.), L’impôt européen unique, une fausse bonne idée, op. cit.
  • [6]
    Beltrame (P.) et Mehl (V.), Techniques, politiques et institutions fiscales comparées, 2ème édition, 1997, p. 87.
  • [7]
    Voir Constantinesco (V.), « Le financement de l’Union européenne : contributions nationales ou impôt européen ? », RFAP, ce numéro, p. 1079.
  • [8]
    Sur le fonctionnement de ce prélèvement fiscal voir Dussart (V.), « Un impôt méconnu : l’impôt sur les fonctionnaires et agents de l’Union européenne », Mélanges en l’honneur de Pierre Beltrame, PUAM, 2010, p. 161 et s.
  • [9]
    Il conduirait cependant probablement les lobbys à s’organiser, sur ce terrain?là, à un niveau européen.
  • [10]
    Financial Times Deutschland, 9 août 2010.
  • [11]
    Voir la contribution au débat de Luc Frieden, ministre des finances du Luxembourg, « Une nouvelle ambition pour la fiscalité en Europe », in Le Figaro, Financial Times Deutschland et l’Expansion, 18 janvier 2010.
  • [12]
    Voir sur la question : Clergerie (J.?L.), « L’impôt européen : Mythe ou réalité », Les petites affiches, n°51, 28 avril 1995.
  • [13]
    Voir http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/company_tax/common_tax_base/index_fr.htm
  • [14]
    Le conseil Ecofin a rejeté en 1992 la proposition de taxe écologique présentée par Jacques Delors.
  • [15]
    Voir sur cette question Nomides (P.), La fiscalité écologique, Études de la fondation Robert Schuman disponible sur le site www. robert?schuman. org.
  • [16]
    Cette mesure est issue de la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008
  • [17]
    Communiqué de presse de la Commission du 28 septembre 2011 (IP/11/2085) et proposition de Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE (COM/2011/594). Voir aussi le site de la Commission européenne sur la question : http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/other_taxes/financial_sector/index_fr.htm.
  • [18]
    Question écrite de René Trégouët n° 34439 du 19 juillet 2001 et réponse de Pierre Moscovici du 6 septembre 2001, JORF, question Sénat, p. 2882.
  • [19]
    Cité par Zecchini (L.), « L’idée d’un impôt européen pour financer l’Union suscite de nombreuses réserves parmi les quinze », Le Monde, 12 juillet 2001, p. 3.

1 L’impôt européen « reste surtout une marotte d’universitaire en mal d’exposé pour une raison très simple : il n’a aucune chance d’aboutir ». Ainsi fut résumé le problème par un connaisseur avisé du budget européen [1]. Pourtant à l’été 2010, la Commission européenne a semblé vouloir reprendre cette idée récurrente. Il n’est pas inutile dans le cadre d’une réflexion globale sur les ressources publiques de faire le point sur cette question sensible du droit financier européen. La problématique générale fait d’abord appel aux principes fondamentaux de la construction européenne et de son avenir. En effet, la création d’impôts reste, pour l’instant, le quasi monopole des États?nations et de leurs parlements en application des principes constitutionnels les plus fondamentaux. Il est donc impossible de faire un parallèle avec le pouvoir du Parlement européen sur les ressources du budget européen, car il faut rappeler que le principe du consentement à l’impôt n’appartient pas à ce Parlement.

2 L’idée de la création d’une fiscalité européenne est ancienne. Ainsi, le 24 octobre 1998 le président en exercice du Parlement européen, José?Maria Gil?Robles, déclarait : « le meilleur moyen d’établir un lien solide entre les citoyens et la construction européenne, c’est d’associer ses citoyens au système de financement de l’Union, en créant une ressource propre qui serait alimentée par un impôt direct fondé sur les revenus des personnes, indépendamment de leur nationalité [2] ». Romano Prodi, dans un discours prononcé le 29 mai 2001 à l’Institut d’études politiques de Paris, indiquait que « la démocratie européenne n’échapperait pas aux grandes questions du droit constitutionnel dont fait partie le consentement à l’impôt ». Il indiquait également que « dans la perspective de l’élargissement, la création d’un impôt européen (à définir) remplaçant le système actuel de contributions nationales, source permanente de conflits entre États, serait sans doute une solution opportune […] ».

3 La création d’un impôt européen a régulièrement reçu le soutien de diverses personnalités politiques telles que l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt ou Jean?Claude Juncker. L’ancienne commissaire chargée des affaires budgétaires, Michaele Schreyer, s’était également prononcée pour la création d’une fiscalité européenne propre. Cette spécialiste des questions de fédéralisme budgétaire pensait que cela mettrait un terme au débat sur la notion de contributeur net au budget [3]. Citons enfin les propositions d’Alain Lamassoure, actuel président de la Commission des budgets, qui comportent un certain nombre d’idées en la matière [4]. On peut noter, en sens contraire, la position particulièrement argumentée de Rolf Caesar [5]. Ce qui prédomine, cependant, c’est un sentiment de désintérêt pour cette question.

4 Le rôle budgétaire du Parlement européen restera limité tant qu’il ne comprendra pas une compétence fiscale autonome. En théorie, il faudrait, en effet, créer un lien fiscal tel que celui qui existe par exemple entre l’État ou les collectivités territoriales et le citoyen contribuable, même si ce lien est vécu parfois négativement. Il aurait le mérite d’exister. On peut constater avec Pierre Beltrame et Lucien Mehl que « l’itinéraire de la création de la norme (fiscale) n’est pas linéaire [6] ». La mise en place d’un impôt européen se heurte à l’inexistence d’institutions habilitées et habituées à la création de normes fiscales autonomes. Dans un État, le Gouvernement (plus particulièrement l’administration fiscale) et le Parlement créent la règle fiscale. Certaines institutions peuvent intervenir comme par exemple pour la France, le Conseil d’État, la Cour des comptes, le Conseil économique, social et environnemental, etc.

5 La prise de décision en matière fiscale dans les instances européennes reste encore le résultat de concessions difficiles et de compromis marqués par d’importantes différences entre vingt?sept systèmes fiscaux.

6 La création d’une fiscalité européenne propre passera donc obligatoirement par une harmonisation fiscale, ce qui en accroît encore la difficulté. Or, en l’état actuel du droit fiscal de l’Union européenne, les progrès sont rares. Les opposants à toute réforme structurelle, en la matière, restent nombreux au-delà du seul Royaume?Uni. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce dernier est en pointe contre une fiscalité autonome propre. Il semble que les gouvernements anglais qui se sont succédé depuis plusieurs dizaines d’années ont bien compris les liens subtils et forts qui existent entre l’harmonisation fiscale (qu’ils freinent), l’impôt européen (qu’ils refusent), la correction (dont ils bénéficient) et le budget européen (dont ils profitent). En effet, comment justifier le maintien des « retours » dans un système où les contribuables n’ont plus de liens directs avec l’État?nation mais seulement avec une structure institutionnelle quasi étatique et superposée ? D’autres pays sont plus ou moins sur cette ligne mais de manière plus discrète. Il faut donc rechercher des justifications à la création d’un impôt européen, dont le champ d’application reste à déterminer. Les obstacles demeurent, malgré quelques progrès, extrêmement importants.

Les justifications de la création d’un impôt européen

7 Plusieurs arguments ont été et sont posés à la création d’un impôt européen. Le premier tient dans la relative opacité du financement de l’Union européenne [7]. À l’heure actuelle, le budget européen est principalement alimenté par la ressource dite « revenu national brut » (RNB) constituée d’un pourcentage uniforme appliqué au revenu national brut de chaque État membre. Cette ressource devait servir à équilibrer les recettes et les dépenses budgétaires, c’est?à?dire à financer la partie du budget qui n’est pas couverte par d’autres recettes. Mais elle est devenue, en fait, la recette la plus importante et représente 92,7 milliards d’euros soit environ 73% des recettes totales du budget européen. La seconde source de financement de ce dernier est constituée par ce qu’il est convenu d’appeler les ressources propres traditionnelles (RPT) : droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance des pays extérieurs à l’Union et « cotisations sucre ».?Son produit représente 15% des recettes. La troisième ressource, fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est constituée d’un pourcentage appliqué à l’assiette de la TVA harmonisée de chaque État membre. Elle représente 11% des recettes du budget européen en 2012. Enfin, des recettes diverses viennent alimenter le budget européen telles que les amendes et pénalités financières, les recettes des agences européennes mais aussi le seul impôt direct européen existant, l’impôt sur le revenu des fonctionnaires européens. Ce dernier est, en effet, le seul vrai impôt direct européen au profit du budget européen [8].

8 En application de l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le « budget européen est sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ». Afin de renverser le mouvement, qui va en sens contraire, certains pensent que la création d’un impôt européen serait une solution pour rendre le financement du budget européen plus transparent. Ce serait aussi un moyen de donner plus de marge de manœuvre au pouvoir économique de l’Union. Là est, en tout cas, la justification majeure.

9 La deuxième justification, parfois avancée par les partisans de la création d’un prélèvement fiscal européen, est le développement de la citoyenneté européenne : le paiement d’un impôt serait un moyen pour unir les citoyens d’une même entité politique. L’argument semble bien léger, au-delà de sa charge purement emblématique [9]. Elle pourrait même avoir un effet inverse : unir les citoyens européens contre sa création.

10 Une troisième justification a été avancée indirectement, en 2010, par Janusz Lewandowski (commissaire européen au budget) : « J’entends de la part de plusieurs capitales, y compris des grosses comme Berlin, qu’elles aimeraient faire baisser leurs contributions […] Cela ouvre une réflexion sur des ressources propres qui ne soient pas prélevées par les ministres des finances [10] ». En clair, il souhaite substituer des prélèvements européens directs aux contributions nationales qui constituent l’essentiel du budget désormais. Il envisageait alors un impôt sur les transactions financières ou une taxe sur le transport aérien [11]. La question du choix de l’impôt est dès lors posée.

Quel type d’impôt choisir ?

11 La création d’un impôt européen n’est certes pas nouvelle ; la première question en la matière est de savoir quel impôt créer [12]. Depuis plusieurs années déjà, diverses pistes ont été envisagées.

L’impossible création d’un impôt direct européen

12 La première possibilité serait de créer un impôt européen sur les sociétés. Cette solution a été étudiée depuis longtemps et notamment dans le rapport Spinelli de 1978 ou encore le rapport Colom I Naval en 1990. Du point de vue de la technique fiscale deux moyens pourraient être utilisés. Le premier est la création d’un tel impôt avec prélèvement au niveau des États. Dans ce cas, l’obstacle principal tiendrait dans la nécessaire harmonisation des bases d’imposition qui, on le sait, est très difficile, comme le montrent les débats sur le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) [13]. Les maigres progrès de la fiscalité directe sur les entreprises laissent imaginer les lourds débats de cette harmonisation. De plus, une telle imposition européenne pourrait avoir pour effet d’accroître la concurrence fiscale entre les États membres. Une deuxième formule serait de prélever cet impôt de manière uniforme au niveau européen. Cela impliquerait alors la création d’une administration fiscale européenne ce qui n’est pas, non plus, sans inconvénient, ou un système de délégation des fonctions opérationnelles aux administrations nationales comme pour les droits de douane ou comme cela existe en Allemagne entre le Bund et les Länder. Ajoutons que cet impôt n’est pas forcément le meilleur lien entre le contribuable européen et les institutions de l’Union. En effet, la fiscalité de l’entreprise ne crée pas de rapport réel du citoyen avec les institutions bénéficiaires. Seuls les entrepreneurs paieraient cet impôt. Il existerait encore, au titre des inconvénients, une forte dépendance entre les rentrées fiscales – donc le budget européen – et la conjoncture économique. Dans ce cas, le budget de l’Union aurait les mêmes contraintes économiques que les budgets des États membres et il faudrait lui accorder le droit à l’emprunt pour lisser les mouvements conjoncturels, ce qui ouvrirait la boîte de Pandore ! Pour l’instant, même si le débat reste ouvert, la création d’un tel impôt n’est plus défendue.

13 La création d’un impôt direct européen sur le revenu des personnes n’a jamais été sérieusement envisagée. En effet, il apparaît d’abord que l’Union n’a aucune compétence en ce domaine, ce qui impliquerait une révision majeure des traités mais aussi des constitutions des États membres. De plus, on imagine difficilement les États renoncer à tout ou partie de leur deuxième source de recettes fiscales (après la TVA). Pourtant, si l’on souhaite développer la citoyenneté européenne, c’eut été la solution la plus logique. Elle est en tout état de cause parfaitement irréaliste à l’heure actuelle ! La création d’un impôt direct européen sur le revenu n’a jamais semblé recueillir l’adhésion des États membres. Et la création d’une telle imposition serait un acte hautement périlleux pour quelque gouvernement que ce soit, même si, en bonne doctrine, il s’agirait du meilleur signe adressé à la construction européenne. En réalité, c’est donc vers la fiscalité indirecte que se sont portés les principaux projets.

La fiscalité indirecte seule piste envisageable

14 La première piste envisagée fut l’institution d’une fiscalité de type environnemental. Ainsi, une écotaxe dite « taxe CO2 » avait été proposée dès 1991 par la Commission européenne. Elle n’a guère connu de grand succès auprès du Conseil [14], même après une nouvelle proposition en 1995. Les engagements pris à Kyoto avaient, certes, donné un nouveau souffle à l’idée d’une taxation écologique. Cependant de nombreux blocages subsistent [15], en dépit de progrès récents. Depuis le 1er janvier 2012, les compagnies aériennes doivent provisionner la taxe carbone afin d’acheter l’équivalent de 15 % de leurs émissions de dioxyde de carbone. Il est prévu que cette nouvelle recette rapportera 256 millions d’euros au budget de l’Union à compter d’avril 2013 [16]. Ce mécanisme complexe s’apparente à la mise en œuvre des bases d’une fiscalité écologique européenne. La taxation des poids lourds pourrait être une autre piste à envisager. En effet, peu à peu les États ont été contraints d’harmoniser la fiscalité routière. Certains États ont adopté ce que l’on appelle l’euro?vignette. Il serait louable d’aller en ce sens. Mais, là encore, la volonté politique semble manquer !

15 Le deuxième secteur envisagé est celui des transactions financières. Au milieu des années 1990, il avait été proposé d’instituer un impôt sur le seigneuriage de la Banque centrale européenne (BCE). Ce projet d’impôt consistait à faire payer aux États membres un droit sur les transactions monétaires opérées dans le cadre de la gestion de l’euro. Ce mécanisme n’a pas été mis en œuvre.

16 L’idée de taxe européenne sur les transactions financières est une solution envisagée depuis quelques années mais qui a pris corps réellement le 28 septembre 2011 par une importante proposition de la Commission européenne [17]. Cette taxe serait prélevée sur toutes les transactions sur instruments financiers entre institutions financières lorsqu’au moins une des parties à la transaction est située dans l’Union. L’échange d’actions et d’obligations serait taxé à un taux de 0,1 % et les contrats dérivés à un taux de 0,01 %. La Commission a proposé que cette taxe prenne effet à compter du 1er janvier 2014. Les recettes générées par cette taxe seraient partagées entre l’Union européenne et ses États membres. La moitié au moins des recettes de cette taxe serait utilisée en tant que ressource propre de l’Union et remplacerait pour partie les contributions nationales. Les États membres pourraient décider d’augmenter la part de recettes générées en taxant les transactions financières à un taux plus élevé. Elle pourrait rapporter jusqu’à 55 milliards d’euros par an, selon le président de la Commission José Manuel Barroso.

17 On est ici très loin de la création d’un lien fiscal entre les citoyens européens et leurs institutions communes.

De nombreux obstacles à la création d’un impôt européen

18 Il y a plus de dix ans, au sommet de Laeken, le 10 juillet 2001, la présidence belge avait proposé de créer un impôt européen destiné à financer le budget de l’Union européenne. José Manuel Barroso et Hermann Van Rompuy ont envisagé à nouveau cette idée en 2010. En 2001, seul le ministre des finances luxembourgeois se montra ouvertement favorable à cette proposition. Le reste des États membres s’y opposa, parfois avec une certaine mauvaise foi. En témoigne ainsi l’attitude de la France. Dans une réponse à une question écrite du 6 septembre 2001 d’un député français, Pierre Moscovici, alors ministre des affaires européennes, ne s’était pas déclaré hostile à la création d’un impôt européen pourvu que ce projet « ne signifie pas une augmentation de la pression fiscale » [18]. Ce préalable méthodologique posé, la France a peu à peu reculé sur cette initiative comme l’ont montré les événements. La situation actuelle n’a pas changé.

19 Les autres États ont également freiné peu à peu l’idée même d’un impôt européen. Plusieurs raisons expliquent cette attitude pour le moins frileuse. D’abord, comme nous l’avons dit, l’harmonisation européenne nécessaire à tout impôt européen est encore largement inexistante en matière de fiscalité directe.

20 De manière plus politique, les États européens, et notamment le Royaume?Uni (pays où est né le consentement à l’impôt), avancent l’argument traditionnel résumé par la proposition suivante : no taxation without representation. Sans réforme institutionnelle majeure et donc sans transfert d’une partie du pouvoir fiscal au niveau de l’Union, il n’y aura pas de fiscalité européenne autonome. Cet argument peut être combattu en rappelant qu’existait au niveau de la CECA un prélèvement fiscal autonome – certes assez modeste – pour alimenter le budget de cette communauté.

21 En réalité, c’est la question du fédéralisme budgétaire et fiscal qui se pose. Il faut bien admettre que la création d’un impôt européen serait un indice supplémentaire de fédéralisation de l’Union européenne. Or, le choix en faveur d’une telle évolution n’est pas tranché. Pourtant, les défis fondamentaux induits par l’élargissement de l’Union et la lutte contre la crise économique comprennent des aspects financiers extrêmement importants dont la prise en compte semble avoir été sous?estimée.

22 Finalement, l’état d’esprit des différents gouvernants européens avait été parfaitement résumé par Laurent Fabius, alors ministre de l’économie, lors du Conseil pour les affaires économiques et financières du 10 juillet 2001 : « parmi les nombreuses manifestations qui se déroulent sous les fenêtres du ministère des finances, il y en a assez peu pour réclamer la création d’un impôt européen [19] ». Faut?il s’étonner que la création d’un impôt européen ne soit pas très populaire auprès de citoyens souvent méfiants vis?à?vis de l’Europe elle?même ? Il faudrait envisager la remise en cause globale du fonctionnement financier de l’Union européenne dont les équilibres politiques sont très fragiles dans une conjoncture de crise économique profonde qui peut cependant également servir de déclencheur à des changements importants.

Notes

  • [*]
    Institut de recherche en droit européen, international et comparé (IRDEIC) – Centre d’études et de recherches en finances publiques et fiscalité (CERFF).
  • [1]
    Brehon (N-J.), Le Monde, 16 août 2008.
  • [2]
    Discours prononcé le 24 octobre 1998 à Pörtsbach (Autriche) et cité par Denis Badre dans son Rapport d’information : le financement de l’Union européenne 2000-2006, Rapport de la Délégation du Sénat pour l’Union européenne n°136 (session 1998-1999), p. 27.
  • [3]
    Voir Caesar (R.), « L’impôt européen unique, une fausse bonne idée », Problèmes économiques. n°2. 749 20, février 2002, p. 9 à 11.
  • [4]
    Lamassoure (A.), Vers un impôt européen ? L’Europe en quête d’un vrai budget, http://robert-schuman.eu/questioneurope.php?num=qe-164
  • [5]
    Caesar (R.), L’impôt européen unique, une fausse bonne idée, op. cit.
  • [6]
    Beltrame (P.) et Mehl (V.), Techniques, politiques et institutions fiscales comparées, 2ème édition, 1997, p. 87.
  • [7]
    Voir Constantinesco (V.), « Le financement de l’Union européenne : contributions nationales ou impôt européen ? », RFAP, ce numéro, p. 1079.
  • [8]
    Sur le fonctionnement de ce prélèvement fiscal voir Dussart (V.), « Un impôt méconnu : l’impôt sur les fonctionnaires et agents de l’Union européenne », Mélanges en l’honneur de Pierre Beltrame, PUAM, 2010, p. 161 et s.
  • [9]
    Il conduirait cependant probablement les lobbys à s’organiser, sur ce terrain?là, à un niveau européen.
  • [10]
    Financial Times Deutschland, 9 août 2010.
  • [11]
    Voir la contribution au débat de Luc Frieden, ministre des finances du Luxembourg, « Une nouvelle ambition pour la fiscalité en Europe », in Le Figaro, Financial Times Deutschland et l’Expansion, 18 janvier 2010.
  • [12]
    Voir sur la question : Clergerie (J.?L.), « L’impôt européen : Mythe ou réalité », Les petites affiches, n°51, 28 avril 1995.
  • [13]
    Voir http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/company_tax/common_tax_base/index_fr.htm
  • [14]
    Le conseil Ecofin a rejeté en 1992 la proposition de taxe écologique présentée par Jacques Delors.
  • [15]
    Voir sur cette question Nomides (P.), La fiscalité écologique, Études de la fondation Robert Schuman disponible sur le site www. robert?schuman. org.
  • [16]
    Cette mesure est issue de la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008
  • [17]
    Communiqué de presse de la Commission du 28 septembre 2011 (IP/11/2085) et proposition de Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE (COM/2011/594). Voir aussi le site de la Commission européenne sur la question : http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/other_taxes/financial_sector/index_fr.htm.
  • [18]
    Question écrite de René Trégouët n° 34439 du 19 juillet 2001 et réponse de Pierre Moscovici du 6 septembre 2001, JORF, question Sénat, p. 2882.
  • [19]
    Cité par Zecchini (L.), « L’idée d’un impôt européen pour financer l’Union suscite de nombreuses réserves parmi les quinze », Le Monde, 12 juillet 2001, p. 3.
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