Notes
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[1]
Pour une présentation générale du New Public Management, voir Hood (C.), « A Public Management for All Seasons ? », Public Administration, 69, Spring, 1991, pp 3-19 et Merrien (F.-X.), « La Nouvelle gestion Publique : un concept mythique », Lien social et politiques/RIAC, 41, printemps 1999, pp. 95-103.
-
[2]
Bezes (P.), « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi de l’État” », Revue française d’administration publique, no 102,2003, pp. 306-325.
-
[3]
Terray (A.), Des francs-tireurs aux experts : l’organisation de la prévision économique au ministère des Finances (1948-1968), Paris, Comité pour l’Histoire Economique et Financière de la France, 2002.
-
[4]
Sur cette approche classique en sociologie et en analyse des politiques publiques, voir par exemple Cobb (R. W.), Elder (C.), Participation in American Politics : The Dynamics of Agenda Building, Boston, 1972; Spector (M.), Kitsuse (J.I.) (eds.), Constructing Social Problems, Cummings, Menlo Park, 1977; Gusfield (Joseph S.), The culture of public problems : drinking-driving and the symbolic order, University of Chicago Press, 1984 ou plus récemment en France, Bernard Lahire, L’invention de l’illettrisme. Rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, La Découverte, 1999.
-
[5]
Grémion (P.), Modernisation et progressisme. Fin d’une époque (1968-1981), Paris, Le Seuil-Les Editions Esprit, 2006.
-
[6]
Nous avons volontairement laissé de côté le champ intellectuel et les multiples ouvrages de la période post-68 mettant en cause l’État à travers les lectures marxiste, psychanalytique, foucaldienne ou anti-psychiatrique.
-
[7]
Les journaux sont indistinctement des quotidiens et des hebdomadaires. Le dépouillement a été également mené sur les années 1960. Pour une analyse plus détaillée, voir Bezes (Philippe), « Gouverner l’administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997) », thèse de doctorat de science politique de l’Institut d’Études Politiques de Paris (sous la direction de J. Lagroye), 2002.
-
[8]
Selon Jean-Marie Charron, la période est marquée par le poids toujours important de la presse généraliste (qui fonctionne encore sur un modèle classique, notamment le traitement par grande enquête dans les quotidiens nationaux sur de grands sujets de débat), par l’érosion du poids des journaux historiques d’opinion (Combat, l’Aurore, Le Matin sont supprimés dans les années 1970), mais par la montée en puissance des news magazines (l’Express, Le Point, le Figaro Magazine, Le Nouvel Obs) qui réinvestissent le traitement par l’opinion. Charon (J.-M.), La presse en France de 1945 à nos jours, Paris, Editions du Seuil, 1991.
-
[9]
Le travail de dépouillement que nous avons effectué à partir des différents dossiers de presse de l’IEP de Paris n’a pas fait l’objet d’un traitement systématique par l’usage de la statistique. L’analyse ne prétend donc pas « faire preuve » par l’exactitude de son échantillonnage et de son traitement quantitatif. Nous avons seulement cherché à proposer, à partir d’un repérage et d’un dépouillement de nombreux articles de presse, un classement schématique des principales catégorisations de la « réforme de l’administration » à travers les titres des articles et la teneur de leurs argumentaires.
-
[10]
Michel Crozier publie La société bloquée en 1970 (Paris, le Seuil) dont les thèses seront en partie reprises sous forme politique par Alain Peyrefitte dans Le mal français (Paris, Plon, 1976).
-
[11]
C. Debbasch est également proche de Valéry Giscard d’Estaing dont il deviendra conseiller à l’Élysée.
-
[12]
Voir par exemple, Dupuis (G.), « Ne plus Décider », Le Monde, 29-30 octobre 1972; Dupuis (G.), « Science Administrative. Secrets d’État et secrets de polichinelle », Le Monde, 13 juin 1973.
-
[13]
Dupuis (G.), « Au cœur des crises », Le Monde, 16-17 février 1975.
-
[14]
On ne peut ici évidemment que proposer quelques illustrations : Rousset (D.) « Neutraliser la bureaucratie », Le Figaro, 27 mars 1969, député de l’Isère; une conférence de Maurice Doublet (préfet de la région parisienne) au cercle Interallié : « La France malade de son administration » (Le Figaro, 5 novembre 1970); Vedel (G.), « Psychopathologie de la vie administrative », 17 janvier 1972, dans Le Monde; « Les cent énarques. Après celui de bien d’autres français, le ras-le-bol des hauts fonctionnaires », Le Nouvel observateur, 2 octobre 1972; Viansson-Ponté (P.), « Humanisation et bureaucratie », Le Monde, 19 juillet 1976; Boissonnat (J.), « L’État en procès », La Croix, 9 janvier 1977; Devaux (G.), « Bulletin de santé de l’administration française », en trois parties, haut fonctionnaire aux finances des années 1930 à 1960 (Le Monde, 26 août 1977).
-
[15]
Travaux de l’équipe du sociologue Michel Crozier, des chercheurs de l’IEP de Paris ou de l’Institut français de science administrative (IFSA).
-
[16]
Cette présentation est extraite de Bezes (P.), « Gouverner l’administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997) », op. cit. S’y référer pour le détail.
-
[17]
« Kafka et ses apprentis », L’Économie, 29 novembre 1969; « La France malade de son administration. Une conférence de M. Maurice Doublet au cercle Interallié », Le Figaro, 5 novembre 1970; « La France est-elle encore administrée ? », Combat 8 mai 1972; « C’est la faute à l’administration », Les Échos, 19 septembre 1975. « L’État en procès par Jean Boissonnat » (La Croix, 9 janvier 1977).
-
[18]
« Un haut fonctionnaire dénonce : l’administration centralisée mais féodale », Le Monde, 14 décembre 1968; Ferniot (J.), « Le monopole, maladie de l’administration », France-Soir, 28 août 1969; « L’Administration française. Ses castes, ses confréries », Combat, 11 mars 1970; « La double crise des fonctionnaires et de la société », Le Figaro, 7-8 octobre 1972; « La bastille administrative : du haut de cette pyramide... », Le Monde, 12 mars 1975; « Si la gauche l’emporte. Les trente hommes qui pourraient tout bloquer », Le Nouvel Observateur, 4 mars 1978; « Quand la France devient fonctionnaire », Le Figaro-Magazine, 28 avril 1979.
-
[19]
« Débureaucratiser la France : endiguer le Niagara de la paperasserie », L’Aurore, 26 décembre 1969; « Défendre le particulier, éternelle victime des bureaux », L’Aurore, 8 décembre 1971; « L’envahissante paperasserie », L’Express, 3 mai 1976.
-
[20]
« Une réforme dont dépend le salut de la France », La Nation, 26 novembre 1968; « Couve : l’administration doit se réformer sous peine d’explosions sociales », France-Soir, 10 février 1969; « La simplification des procédures est une question apparemment sans réponse », Le Monde, 15 octobre 1970; « Des réformes en l’air » Le Monde, 10-11 avril 1977; Giroud (F.), « La réforme qui n’aura pas lieu », Le Monde, 13 janvier 1978; « L’administration peut-elle se réformer ? », L’Express, 8 mars 1980.
-
[21]
« Chaban-Delmas lance l’opération “réforme de l’administration” : chaque mois quelque chose devra changer », France-Soir, 20 janvier 1970; « Décentraliser, déconcentrer, régionaliser. Trois moyens de “dégraisser” l’administration et d’assurer la participation locale », La Nation, 20 janvier 1970; « Dix-sept comités ont travaillé pour humaniser l’administration. La loi des usagers », Le Figaro, 13 janvier 1976; « La liberté, la clarté, l’efficacité et surtout des moyens d’action pour les communes et les départements », Les Échos, 21 juin 1978.
-
[22]
« La réforme de l’administration. Un commissaire du Parlement doté de larges pouvoirs combattrait les abus de la “bureaucratie” », Les Échos, 30 octobre 1969; « Les projets de M. Malaud pour “humaniser” l’administration », La Croix, 22 janvier 1970; « La réforme des relations entre l’administration et les administrés. Y croire et y faire croire », Le Monde, 13 février 1970; « Profil. M. Paul Ripoche : M. “Anti-paperasse” », La Croix, 27 janvier 1972; « L’amélioration des relations entre l’administration et le public : une action prioritaire déclare M. Dominati » (Le Monde, 27 avril 1978).
-
[23]
Bezes (P.), « La réforme de l’État à l’épreuve de la gouvernementalité », in Hatchuel (A.), Starkey (K.), Pezet (E.) dir., Gouvernement, Organisation et Entreprise : l’héritage de Michel Foucault, Presses de l’Université de Laval, Sainte Foy, Québec, 2005.
-
[24]
Sur la politisation, voir Lagroye (J.), « Les processus de politisation » in Lagroye (J.), dir., La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 359-372.
-
[25]
Pour une série d’études très riches sur les programmes électoraux des partis politiques dans les années 1970, voir Institut français des sciences administratives, L’Administration vue par les politiques, Paris, Editions Cujas, 1978 (cahiers de l’IFSA no 18,1979).
-
[26]
Cette formulation très judicieuse est celle de Pierre Birnbaum, « Que faire de l’État ? », in Birnbaum (P.), (dir.), Les élites socialistes au pouvoir (1981-1985), Paris, PUF, 1985, pp. 139-161.
-
[27]
Sur ce thème, voir Lemaire-Prosche (G.), Le socialisme français face à la question du pouvoir. Un siècle de débats, six ans d’exercice du pouvoir (1981-1986), Thèse de science politique de l’Université de Grenoble II, sous la direction de Pascal Perrineau, 1990, pp. 329-515.
-
[28]
« Fonction Publique : d’autres batailles en vue », L’Unité, 29 septembre 1972.
-
[29]
Catherine Lalumière est alors en poste à l’Université Paris-I où elle enseigne la science administrative.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
La Démocratie en jeu. Réflexions sur l’État et le service public, Paris, Club socialiste du livre, 1980.
-
[32]
Roucaute (Y.), Le PCF et les sommets de l’État. De 1945 à nos jours, Paris, PUF, 1981, pp. 61-93.
-
[33]
Ibid., p. 73.
-
[34]
Ibid. C’est le XVIIIe Congrès (février 1967) mais surtout le XXe Congrès (décembre 1972) qui marquent, semble-t-il, un tournant, développant même l’idée de contradictions à l’intérieur de l’appareil d’État, entre hauts fonctionnaires.
-
[35]
Ibid., p. 71.
-
[36]
Fabre (J.), Sève (L.) et Hincker (F.), Les communistes et l’État, Paris, Les Editions sociales, 1977.
-
[37]
Le 30 mars 1977, se tient ainsi à la Mutualité un débat sur le thèmes « Les Communistes et l’État », dont rendent compte les Cahiers du communisme (no 5, mai 1977), cité par Roucaute (Y.), Le PCF et les sommets de l’État ..., op. cit., p. 95.
-
[38]
Un document, élaboré au sein du PCF et remis à la CFDT le 7 novembre 1977 (et également adressé à la CGT, la FEN et à FO), précise dans ce sens que la « participation du personnel à la gestion des services doit être développée », L’Humanité, Édition spéciale, 8 novembre 1977, cité in Siwek-Pouydesseau (J.), « Quel type de gestion publique : hiérarchie, management, participation ou autogestion ? », dans Institut Français des sciences administratives, op. cit.
-
[39]
Programme commun de gouvernement du parti communiste et du parti socialiste, 27 juin 1972, Editions sociales, chapitre IV, « L’Administration », p. 160-161.
-
[40]
Fabre (J.), Hincker (F.), Sève (L.), Les communistes et l’État, Paris, Editions sociales, 1977. Cette proposition est reprise dans Les communistes et l’État.
-
[41]
C’est Christopher Hood qui décrit la « voie égalitarienne » (Egalitarian way) comme l’un des quatre idéaux-types culturels du management de l’administration. Selon Hood, le managérialisme égalitaire met l’accent sur l’idéal d’auto-régulation des services, sur la valeur des apprentissages et des innovations locales et sur la recherche du soutien des fonctionnaires. Il valorise le contrôle de l’administration par la mutualité et les processus de participation. Cf. Hood (C.), The Art of the State. Culture, Rhetoric and Public Management, Oxford, Clarendon Press, 1998, pp. 120-144.
-
[42]
Programme de gouvernement du parti socialiste, Paris, Flammarion, 1972, p. 102.
-
[43]
Voir par exemple le texte de Jean-Pierre Worms, délégué national aux collectivités locales au Parti socialiste. Worms (J-P.), « Réformer l’Administration ? », FAIRE. Dossier pour 1978, no 11, septembre 1976.
-
[44]
Fédération nationale des Républicains Indépendants, Un sens à la vie, 1972.
-
[45]
Ibid., p. 37.
-
[46]
Ibid.
-
[47]
Birnbaum (P.), Les sommets de l’État. Essai sur l’élite du pouvoir en France, Paris, Le Seuil, 1977.
-
[48]
La Fédération Nationale des Républicains Indépendants, créée en juin 1966, revendique une double identité : un parti de notables puisqu’il est précisé que la FNRI entend faire appel pour les élections à des « personnalités ayant déjà des responsabilités locales » ou faire confiance aux notables régionaux; un parti moderne avec un réseau de fédérations régionales et les soutiens des Clubs Perspectives et Réalités (laboratoire de doctrine et vivier de recrutement, particulièrement implantés chez les cadres supérieurs ou les membres des professions libérales. Pour sa signification symbolique, on peut également rappeler que Valéry Giscard d’Estaing a appelé à voter « non » au référendum de 1969. Sur ces points, cf. Colliard (J-C.), Les Républicains Indépendants. Valéry Giscard d’Estaing, Paris, PUF, 1972.
-
[49]
Sur cette thèse, Gaïti (B.), « Des ressources politiques à valeur relative : le difficile retour de Valéry Giscard d’Estaing », Revue française de science politique, vol. 40,6,1990, pp. 902-917.
-
[50]
Mandrin (J.), L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, Paris, Ed. de la Table ronde, 1968; Peyrefitte (A.), Le mal français, Paris, Grasset, 1976; Club de l’horloge, Le Péril bureaucratique, Paris, Club de l’horloge, 1980; Galy (P.), Gérer l’État. Corriger la déviation bureaucratique, Paris, Berger-Levrault, coll. l’administration nouvelle, 1977, préface Michel Jobert.
-
[51]
Peyrefitte (A.), Décentraliser les responsabilités. Pourquoi ? Comment ?, Paris, La Documentation française, 1976; Massenet (M.), La nouvelle gestion publique. Pour un Etat sans bureaucratie, Paris, Editions Hommes et Techniques, 1975 (préface Octave Gélinier); Conseil d’État, Gestion moderne et fonction publique. Etude extraite du rapport annuel 1976-1977, Commission du rapport et des études, 1977.
-
[52]
Le fonctionnement de l’administration n’est évidemment pas alors seulement considéré comme une question relevant du seul secteur public. Au contraire, les approches de management en plein essor revendiquent de s’appliquer indistinctement aux « organisations ». Voir par exemple Hauwel (C.), Penser et résoudre les problèmes administratifs, Paris, les Editions d’organisation, 1975.
-
[53]
En 1955 au cabinet de Robert Schuman, garde des Sceaux mais surtout en 1958-1959 auprès de Jacques Soustelle ministre de l’information.
-
[54]
Paris, éditions Hommes et techniques, 1975.
-
[55]
Il est conseiller technique au cabinet de Philippe Malaud puis de Christian Poncelet (ministres de la Fonction Publique) en 1973-1974.
-
[56]
Il s’agit de Jean-Louis Bianco, Thierry Le Roy et François Henrot.
-
[57]
Pour une contribution à la fabrication et à la diffusion du nouveau management public en France, voir Bezes (P.) « L’État et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France » in Lacasse (F.), Verrier (P.-E.), Trente ans de réforme de l’État, Paris, Dunod, 2005, pp. 9-40.
-
[58]
À la différence des années 1990. Voir par exemple Abate (B.), La nouvelle gestion publique, Paris, LGDJ, collection Finances publiques, 2000.
-
[59]
Massenet (M.), La nouvelle gestion publique ..., op. cit., p. 41-42.
-
[60]
Casamayor est le pseudonyme de Serge Fuster, magistrat, auteur de plusieurs ouvrages sur les juges qui fut sanctionné par le pouvoir politique pour son indépendance dans les crises et les pressions sur la magistrature.
-
[61]
Esprit, janvier 1970, p. 7.
-
[62]
Sorti de l’ENA (1946-1947) au Quai d’Orsay, Alain Peyrefitte est député UNR puis UDR puis RPR de Seine et Marne de 1958 à 1981. Il est également maire de Provins à partir de 1965. Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé de l’information (1962) puis ministre de l’Information de 1962 à 1966, il est ministre de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales (1966-1967) puis de l’Éducation nationale (1967-1968). Secrétaire général de l’UDR de 1972 à 1973. Son ouvrage Le mal français fait écho, entre autres, à son bref passage au gouvernement comme ministre des Réformes administratives et du Plan (1973-1974). Il sera garde des Sceaux de 1977 à 1981.
-
[63]
Jean-Claude Colli, né en 1933, est énarque (1958-1960) et inspecteur des Finances. Adjoint au secrétaire général à l’Énergie, puis professeur à l’IEP de Grenoble (1966-1971), il s’engage ensuite en politique et devient secrétaire national du Mouvement réformateur (1973-1974) qui rassemble le Centre démocrate de Jean Lecanuet et le Parti radical rénové sous la houlette du directeur de l’Express Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il sera ensuite vice-président du Parti radical (1975-1977).
-
[64]
Énarque (1963-1965), attaché commercial au ministère de l’Économie et des Finances (1965-1968), Jean-Pierre Chevènement adhère au Parti socialiste en 1964 et est secrétaire général du Centre d’études et de recherches et d’éducation socialistes (CERES) de 1965 à 1971. Secrétaire politique de la Fédération socialiste de Paris (1969-1971) puis membre du bureau exécutif du PS et secrétaire national du PS de 1971 à 1975. Il est chargé de l’élaboration du programme du PS (Changer la vie) en 1972.
-
[65]
Sur l’histoire du Club, voir la somme de Claire Andrieu, Pour l’amour de la République. Le Club Jean Moulin (1958-1970), Paris, Fayard, 2002.
-
[66]
Rompant ainsi avec les pratiques antérieures du Club Jean Moulin.
-
[67]
Citons par exemple, Jean Ripert (commissaire-adjoint au Plan), Jacques Delors (alors chef du services des affaires sociales du CGP), Michel Rousselot (ancien directeur du SAEI du ministère de l’Équipement et chef du service régional et urbain), Yves Ullmo (chef du service économique du CGP), Jean Saint-Geours (directeur de la Prévision jusqu’en 1967 et directeur général adjoint du Crédit Lyonnais) ou encore Simon Nora (Inspecteur général des Finances, ancien conseiller technique de Pierre Mendès France, futur chargé de mission au cabinet Chaban-Delmas et plume du discours de la Nouvelle Société).
-
[68]
On trouve ici Claude Alphandéry (administrateur directeur général de l’Immobilière-Constructions de Paris-ICP et Olivier Chevrillon (maître des requêtes au Conseil d’État devenu vice-président de Presse-Union qui publie l’Express dont il deviendra en 1970 le PDG avant de fonder « Le Point » en 1972 dont il est PDG de 1972 à 1985).
-
[69]
Paul Flamand (fondateur et directeur des Éditions du Seuil); Philippe Viannay (créateur du Centre de Formation des Journalistes, fondateur des Glénans).
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[70]
Le sociologue Michel Crozier.
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[71]
Il a été chef du service des affaires sociales du Plan (1962-1969) puis chargé de mission auprès du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas (1969-1971).
-
[72]
Delors a créé le club Citoyens 60 quelques années auparavant.
-
[73]
François Lagrange fait par exemple une intervention lors du XVe Congrès de l’Institut international des sciences administratives à Rome en septembre 1971 sur « la rationalisation des choix budgétaires »
-
[74]
Les informations sur le Club de l’Horloge sont tirées de plusieurs sources : Chebel d’Appollonia (A.), L’extrême-droite en France, Paris, Editions Complexe, 1996; Taguieff (P.A.), Sur la nouvelle droite, Paris, Descartes & Cie, 1994; Laurens (S.), L’immigration en France au prisme de la noblesse d’État (1962-1981), Socio-histoire d’une domination à distance, EHESS, Paris, (dir. G. Noiriel), 2006.
-
[75]
Promotion 1973 pour Y. Blot, 1974 pour Le Gallou et 1974 pour Lesquen.
-
[76]
Club de l’Horloge, « Présentation », in Le Péril bureaucratique, Paris, Club de l’Horloge, 1980.
-
[77]
Club de l’Horloge, La politique du vivant, Albin Michel, 1979, Les racines du Futur. Demain la France, Masson, 1977 ou Le défidémographique, Club de l’Horloge, 1979.
-
[78]
Taguieff (P-A.), Sur la nouvelle droite, op. cit., p. 53.
-
[79]
D’autres canaux, plus médiatiques, opèrent ce tournant. Voir par exemple la création du Figaro Magazine dirigé alors par Louis Pauwels.
-
[80]
Club de l’Horloge, Le Péril bureaucratique, op. cit., p. 39.
1Où situer la genèse du moment néo-libéral contemporain de réforme de l’État en France qui semble culminer, récemment, avec le vote de la loi organique relative aux lois de finances dite « LOLF » en 2001 ? En la schématisant, la réforme a plusieurs caractéristiques. Elle introduit d’abord, de manière massive, des instruments inspirés du « nouveau management public » (New Public Management) [1]. Présentation des comptes par politique publique, détermination et affichages d’objectifs, systèmes de mesure des performances par la multiplication d’indicateurs d’activité, changement dans la distribution des responsabilités sont les nouveaux savoirs de gestion au cœur de la réforme de l’État. La LOLF réaffirme également la nécessité du contrôle politique de l’administration par les élus. Elle revendique les principes de « redevabilité » (l’accountability anglo-saxonne) et de publicisation de l’action publique (explicitation des finalités de l’administration, langage de la quantification, de la transparence et de la mesure). Avec elle, enfin, la « réforme de l’État », aujourd’hui institutionnalisée en politique publique et confiée, de manière inédite, au ministère des finances, semble faire partie des grands « problèmes publics » dignes de la plus grande attention politique. De même, l’administration semble-t-elle désormais considérée comme un objet d’intervention gouvernemental pleinement légitime.
2Cette « évidence » de la réforme, le sentiment de rupture si communément attribué à la LOLF et la construction de l’administration en « problème de gouvernement » n’ont pourtant rien d’évident. Au contraire, cette naturalisation rend toujours plus nécessaire une sociologie historique de la « réforme de l’État » contemporaine qui prenne des distances par rapport aux présupposés des discours des acteurs et qui fasse (ré)apparaître le processus historique qui conduit à cette reconnaissance publique. Où trouver, donc, les lignes généalogiques de cette « mise en problèmes » et la genèse de ce triptyque singulier : publicité de l’action administrative, renforcement du contrôle politique et rationalisation managériale des fonctionnements.
3Les années 1960 constituent certainement un premier moment fondateur, marqué par la cristallisation d’une interrogation sur la rationalité de l’État et sur l’efficacité de la planification, par l’essor de savoirs économiques et sociologiques mais aussi par le nouvel appel à la constitution d’une « science administrative » destinée à « décrypter » et à rendre publics des fonctionnements administratifs jugés obscurs [2]. Dans ce cadre, le programme de rationalisation des choix budgétaires (RCB), lancé en janvier 1968 par la direction de la prévision et la direction du budget [3], fait figure de matrice historique de principes et de techniques que l’on retrouvera quelques trente ans après, transformée et reformatée sous l’étiquette du nouveau management public. Ce premier fil ne raconte pourtant qu’une partie de l’histoire de la réforme administrative contemporaine. Dans les années qui précèdent 1968, la question administrative est un enjeu qui intéresse avant tout des groupes limités de hauts fonctionnaires « dans la machine » sensibles à l’idéal technocratique d’un gouvernement rationnel. Ce n’est pas un problème public ni un enjeu investi politiquement. La RCB est une politique de réforme de l’administration très technique et peu médiatisée, confinée aux arcanes étatiques.
4Au contraire, c’est de 1968 à 1981 que l’administration va progressivement devenir un « problème public » c’est-à-dire une institution qu’un certain nombre d’organisations et d’agents sociaux (intellectuels, partis politiques, médias, associations, groupes d’intérêt, fonctionnaires de l’État, syndicats, etc.) construisent, à travers des plaintes et des revendications, comme une source de difficultés touchant un grand nombre d’individus, comme quelque chose de « dysfonctionnel » ou d’indésirable qui « pose problème » et qui appelle l’intervention des autorités publiques [4]. Précisément, les années 1970 constituent une période-clé parce que l’État, comme entité symbolique dans le contexte post-soixante-huit, et les fonctionnements concrets de l’administration y deviennent conjointement l’objet d’une critique publique dans les médias, un enjeu dans le champ des luttes électorales et le sujet de réflexions au sein de la haute fonction publique. Les années 1970 sont d’autant plus importantes à analyser qu’elles constituent une période encore peu étudiée par l’historiographie et la science politique. Pierre Grémion, dans son dernier recueil d’articles consacré précisément à la période 1968-1981, la qualifie d’ailleurs « d’angle mort » [5] des analyses de la Cinquième République. Une première explication tient, selon Grémion, à la stratégie de légitimation des vainqueurs politiques de 1981 qui « soudent » les deux dates pour faire de ces années 1970 une lente maturation préparant la victoire. Mais l’oubli de cette période tient aussi au fait qu’elle constituerait une période de transition marquée par un double inaboutissement : inaboutissement de la modernisation par l’État entreprise dans les années 1960 et brisée par 1968 et la critique de l’État qui s’y développe; inaboutissement du premier tournant libéral français des années Giscard et des deux gouvernements Barre, stoppé en 1981 par la victoire des socialistes sur le plan économique et idéologique.
5Cet article propose donc de revisiter les années 1970 dans le cadre d’une généalogie de la politique de réforme de l’État contemporaine en étudiant les processus de construction de l’administration en « problème public » à partir des multiples discours qui la transforment progressivement en question de société et en objet de réforme. Dans le cadre limité de cette contribution, il s’agit de montrer comment l’État, à travers son système administratif [6], va faire l’objet de catégorisations et de mises en forme discursives qui le constituent progressivement en enjeu du débat public et en problème requérant l’intervention des pouvoirs gouvernementaux. On mettra en évidence les formulations et on identifiera les espaces, institutions et agents sociaux dans et par lesquels opère cette « problématisation » en s’intéressant notamment aux statuts et aux enjeux d’énonciation des producteurs de discours. Il s’agira aussi de montrer comment certaines idées – le renforcement du contrôle des élus, la publicité de l’action administrative et l’application de savoirs de gestion dans l’administration – sont déjà présentes sur la période.
6L’intérêt des années 1970 – mais cette propriété était également repérable dans les années 1930 par exemple – est que l’administration y est constituée en enjeu de réforme sous l’effet d’une multiproduction de discours qui se renforcent et émanent de plusieurs sources. Trois champs d’énonciation d’une critique de l’administration seront successivement analysés : les champs médiatique, politique et administratif.
LA PUBLICISATION DU « MAL ADMINISTRATIF » : L’ADMINISTRATION DANS LE CHAMP MÉDIATIQUE
7Dans la configuration et le contexte des années 1970, l’administration semble acquérir une « déchiffrabilité » inédite qui l’ouvre à l’appropriation et aux jugements publics ordinaires : l’idée d’une crise de l’État, la dénonciation de la bureaucratisation et les appels à la réforme deviennent peu à peu des lieux communs, largement diffusés par les médias écrits. Plus même, les fonctionnements et dysfonctionnements administratifs semblent constituer un sujet d’intérêt manifeste et régulier dans la presse. Comprendre l’émergence publique du thème de la « réforme de l’État » suppose ainsi de se demander sous quelles formes et avec quels arguments la machinerie administrative est ainsi mise en scène et publicisée.
8Nos sources [7] sont limitées et partiellement biaisées dans la mesure où nous avons procédé au dépouillement systématique des dossiers de presse spécialisés de la bibliothèque de Sciences-Po, en l’occurrence ceux consacrés à la réforme administrative et à l’administration sur toute la période considérée. Toutefois, en restant conscient de l’importance des conditions de production du champ médiatique de la période [8], l’analyse des matériaux recueillis permet d’étayer, même sommairement [9], l’hypothèse d’une publicisation forte de la question administrative à partir de 1968.
9Globalement, en effet, dans le corpus utilisé, les années 1970 frappent d’abord par une augmentation d’ensemble très significative du nombre d’articles consacrés à l’administration, à sa critique, aux descriptifs de réforme, aux incantations à sa réforme et à l’énonciation de multiples pathologies étatiques. Ce qui commence à être catégorisé comme le « mal administratif français » [10] fait l’objet de multiples points d’entrée comme si les dysfonctionnements de l’administration, devenaient, à cette date, un symptôme convergent attrape-tout. Au-delà de l’aspect quantitatif, apprécié grossièrement par rapport aux années 1960 mais qui semble correspondre à une réelle présence du sujet sur l’agenda médiatique, quatre propriétés saillantes caractérisent la publicisation du thème.
10Les fonctionnements de l’administration font d’abord l’objet de mise en débat répétée dans les quotidiens nationaux sous la forme de « grandes enquêtes » et de la part de journalistes généralistes prestigieux. André Passeron, chef du service politique du journal Le Monde, écrit ainsi, en février 1972, une série d’articles sur les structures de l’État sous le thème « L’administration en question »; Jean-Marie Rouart, chroniqueur et grand reporter au Figaro (1967-1975), y propose une grande enquête en plusieurs épisodes, en octobre 1972, sur « l’administration et la politique »; en mars 1975, Le Monde consacre une série d’articles sur la « bastille administrative » avec de bonnes plumes (Paul Sabourin, André Passeron, Pierre Drouin), des titres dénonciateurs de la centralisation française (« Le citoyen captif », « Paris toujours Paris », « Du haut de cette pyramide » ou « des poupées russes la tête en bas ») et des réactions de hauts fonctionnaires ; en janvier 1976, Le Figaro met également « l’administration en question » en dénonçant le caractère pathologique de la relation entre les administrés et l’Élysée sous une série de grands titres : « Deux millions de fonctionnaires asservissent ceux qu’ils doivent “libérer”. Une société bloquée par le mur de papier. 22 000 formulaires pour faire marcher la machine administrative ».
11La deuxième caractéristique concerne l’ouverture des journaux à des experts issus du milieu académique universitaire à qui on offre des tribunes régulières dans certains grands quotidiens sur le thème de l’administration. Dans la première moitié des années 1970, Le Monde confiera ainsi une chronique sur l’administration à Charles Debbasch, professeur de science administrative et président de l’Université de droit et d’économie et des sciences d’Aix-Marseille [11] puis une chronique « science administrative » à Georges Dupuis, professeur de droit public et directeur des études de l’ENA. De 1972 à 1974, il y présentera et vulgarisera les ouvrages et les travaux récents sur l’administration [12], revendiquant de faire découvrir « ce fait administratif dont l’existence même n’est pas certaine et dont l’essence demeure indéterminée » et plaidant pour une plus grande ouverture de l’administration, pour « qu’elle l’accepte, qu’elle donne accès à ses documents et non seulement à ses vieilles archives, qu’elle ne se drape pas dans ses secrets [13] ». Dans les quotidiens nationaux (Le Monde, La Croix, Le Quotidien de Paris) sont alors fréquemment recensés les ouvrages émanant de la sociologie administrative française particulièrement active.
12La mise en débat du phénomène administratif relève aussi, troisièmement, du très grand nombre de tribunes d’opinion laissées à des journalistes, des intellectuels ou des hommes politiques pour des analyses de la crise, des pathologies de l’administration et des transformations des bureaucraties [14]. La dernière caractéristique originale de la médiatisation dans la presse écrite renvoie à l’intérêt manifesté pour le fonctionnement routinier de l’administration (le guichet, la paperasse, les structures, les fonctionnements concrets), dans une présentation descriptive (à travers la restitution fréquente des travaux de sociologie de l’administration alors en plein essor [15] ) ou critique (qui met alors l’accent sur les effets négatifs ou pervers de la bureaucratisation). Cette attention aux pratiques internes concrètes de la machinerie administrative contraste fortement, par exemple, avec la période actuelle qui privilégie les formulations économiques et gestionnaires en termes de déficits publics ou d’administration qui coûte cher.
13Sur la période, les catégorisations de la crise de l’administration sont donc multiples. Sans présumer du lien qui peut exister entre le transcodage médiatique d’un problème social et l’enclenchement d’une politique publique, nous nous contenterons ici de repérer quelques-unes des manières de parler de la crise de l’administration en considérant que les formes rhétoriques participent du succès de ces récits critiques et réformateurs sur l’État et de sa construction en problème public. La recension des titres des articles de la presse écrite nous a conduit à construire une typologie des récits à partir de deux composantes structurantes des discours [16]. La première porte sur l’imputation du mal administratif : s’agit-il de mettre en avant des causes externes et générales, internes à l’organisation administrative et précises ou bien de ne considérer que les conséquences des dysfonctionnements de l’État ? La composante seconde porte sur la nature du discours tenu et son rapport à l’action : s’agit-il d’une présentation essentiellement descriptive ou, au contraire, prescriptive, contenant des injonctions à agir ? Le tableau no 1 ci-après restitue ainsi six types principaux de « récits » qui alimentent le discours sur l’administration et la réforme de l’État dans sa forme publique et qui renvoient à des titres de presse dont on donne à chaque fois quelques exemples.
14Ces récits, diffusés par les médias écrits, offrent une illustration des multiples formes que prend la publicisation de la question administrative et témoignent de sa construction corrélative en « problème public ». À travers l’énonciation d’un discours critique général, la désignation de causes ou la dénonciation d’externalités négatives se lisent les problématisations et appropriations dont le thème fait l’objet. Ces récits ne peuvent donc être considérés en dehors du réseau d’interactions au sein desquels les journaux sont placés. Les médias ont souvent un simple rôle de révélateur d’informations ou d’importateurs de formulations qui incombent d’abord aux groupes qui les élaborent. La socialisation de la crise de l’administration dans les années 1970 renvoie ainsi aux multiples groupes qui, dans l’appareil d’État et en dehors, font usage du thème. Sur la période, plusieurs « entrepreneurs en réforme » et autres claimmakers appellent à la réforme de l’administration : professeurs de droit plaidant pour la création de droits pour les administrés, associations de consommateurs en plein essor dénonçant la mal-administration, mouvement associatif en faveur de la participation, hommes politiques nationaux et locaux, tous pointent les « pathologies de l’État » et offrent leurs solutions.
15Nous examinerons dans la partie suivante la manière dont cette publicisation fait effectivement écho à l’appropriation politique du thème de la réforme de l’administration et à des investissements intellectuels et littéraires spécifiques de la part d’un certain nombre de hauts fonctionnaires. Pourtant, le phénomène de publicisation de la question administrative vaut aussi pour lui-même. À partir des années soixante-dix, l’administration, sa crise et sa réforme semblent être devenues des catégories ordinaires admises bien au-delà des seuls cercles des hauts fonctionnaires. Le fait est là : les maladies de l’État sont passées en revue dans les médias à travers l’examen des gabegies publiques, des relations avec l’usager ou encore des dysfonctionnements. La réforme de l’administration devient un thème populaire diffusé, susceptible de faire les titres des journaux. Cette publicité systématiquement accordée aux discours et aux mesures de réforme de l’État ainsi que la fréquence du thème dans les modes de légitimation des hommes politiques et des hauts fonctionnaires émergent dans les années 1970. Ils témoignent, selon nous, de l’essor d’un art de gouverner contemporain dans lequel la publicisation de l’action publique et la mesure de ses réalisations et de ses défaillances devient une composante essentielle, matérialisée dans de multiples dispositifs dont la LOLF est un exemple [23].
LA POLITISATION DE LA QUESTION ADMINISTRATIVE
16Le deuxième processus qui permet de comprendre la constitution de l’administration en problème public est la « politisation » de la question administrative au début des années 1970 c’est-à-dire l’inscription de la thématique dans les jeux concurrentiels des partis politiques [24]. Les fonctionnaires sont progressivement constitués en enjeu électoral dans le cadre d’un affrontement partisan. La médiatisation observée plus haut résulte d’ailleurs en partie de ce fait nouveau, au début des années 1970, que les politiques de l’administration ne sont plus seulement des politiques des arcanes, confinées aux luttes intra-étatiques, mais (re)deviennent un enjeu dans la compétition électorale. Après la démission du Général de Gaulle en 1969, la mise en œuvre du nouveau mode de scrutin présidentiel, voté en 1962, renforce la bipolarisation de la vie politique française et favorise la construction de l’administration et de ses agents en enjeu politique [25].
17Après le Congrès d’Épinay et l’unification des socialistes (avec ralliement aux institutions de la Cinquième République), après la signature du programme commun de la gauche le 26 juin 1972, le Parti communiste français (PCF) et le Parti socialiste (PS) investissent particulièrement la thématique dans le cadre de l’édification d’un programme de gouvernement. Dès lors que le Parti socialiste et le Parti communiste français s’engagent dans une stratégie politique de retour au pouvoir, la question qui prévaut devient inévitablement : « Que faire de l’État ? » [26]. Dès lors que les partis de gauche pensent occuper le pouvoir, cette interrogation est déclinée, presque naturellement, en une interrogation concernant d’abord la haute administration mais aussi la fonction publique et le fonctionnement de l’administration [27]. Elle se double aussi de réflexions électoralistes parce que les fonctionnaires constituent un groupe électoral à conquérir. Le 5 novembre 1972, le Parti socialiste réunit ainsi une Conférence nationale d’études sur les problèmes de la fonction publique parce que le « bureau du Parti socialiste considère, en effet, que depuis plusieurs années, la situation des fonctionnaires s’est profondément dégradée, qu’il s’agisse des atteintes portées au statut de la fonction publique, du niveau et de la structure de leurs rémunérations ou de leurs conditions de travail » [28]. De 1974 à 1981, est créée une délégation à la fonction publique et aux réformes administratives confiée à Catherine Lalumière [29] et chargée d’établir des propositions mais aussi de nouer des contacts avec les organisations syndicales. L’argumentation du Parti socialiste met avant tout l’accent sur les agents de l’État. Les fonctionnaires sont décrits comme des victimes : «... victimes de l’interpénétration des partis de la majorité actuelle, des milieux d’affaires, et de la haute administration qui favorise la mise en coupe réglée de l’État, illustrée par les scandales actuels et depuis longtemps dénoncée par le Parti socialiste [30] ». L’administration est ainsi qualifiée de « service public » lorsqu’il est question de ses fonctionnaires, que l’on défend, mais elle devient l’« État » pour dénoncer l’organisation et sa pyramide dont on interroge la loyauté dans la perspective de l’exercice du pouvoir. En 1980, le Parti socialiste organise d’ailleurs un séminaire sur l’État (7-8 juin) puis un colloque « Pour une conception socialiste du service public » (22-23 novembre) dans lesquels sont synthétisées les positions qui débouchent sur une publication où on retrouve des fonctionnaires et des universitaires engagés au Parti socialiste [31]. La situation au sein du Parti communiste n’est pas fondamentalement différente. Yves Roucaute [32], alors compagnon de route et qui connaît le parti de l’intérieur, souligne bien que les réflexions élaborées au sein du Parti communiste français évoluent à mesure que celui-ci considère la possibilité de l’exercice du pouvoir. L’auteur suggère ainsi que, de 1972 à 1977, le PCF devient de plus en plus « réformateur » [33], nuançant ses propos sur la collusion des hauts fonctionnaires et des monopoles, faisant évoluer ses propositions de la suppression de l’ENA à sa démocratisation [34]. Le changement de perspective dans la réflexion est significatif. La conception instrumentale et globalisante de l’État subordonné au monopole cède la place à des argumentations plus nuancées qui « ouvrent la boîte noire » : les fonctionnaires, les hauts fonctionnaires, la fonction publique et l’administration font ainsi l’objet d’appréciations et d’analyses différenciées. Significativement, l’idée de « réforme de l’administration » devient un thème couramment considéré [35]. Dans la seconde moitié des années 1970, l’idée qu’une victoire de la gauche est possible rend plus urgente encore l’analyse de l’État. En 1977, la direction du Parti communiste français demande ainsi à trois de ses intellectuels, Jean Fabre, Lucien Sève et François Hincker, membres du Comité central, d’élaborer très rapidement un ouvrage destiné à systématiser l’attitude du PCF sur le sujet. Ainsi paraît Les communistes et l’État », publié aux Éditions sociales [36] et soutenu par des débats et des recensions officielles [37]. Certes, la rupture officielle du programme commun en septembre 1977 se traduit, à nouveau, par une radicalisation des programmes contre l’État mais la question administrative reste posée.
18Progressivement, un répertoire typique de réforme se met en place à gauche. Le diagnostic porte avant tout sur les sommets de l’État dont on dénonce la politisation et la collusion avec les forces capitalistes et monopolistiques du pays au point de craindre de ne pas les voir jouer leur rôle de relais dans l’éventualité, fortement considérée juste avant 1978, d’une alternance. Les objectifs affichés sont de rendre l’administration plus efficace (au sens de « moins confisquée ») et plus démocratique (au sens de moins sujette au politique). Plusieurs solutions sont préconisées. Le point central de ce réformisme est l’idée selon laquelle les agents publics sont les premiers porteurs de la modernisation et les premiers régulateurs de l’administration. Le renforcement de l’auto-régulation de l’administration par ses fonctionnaires suppose que ceux-ci soient davantage « identiques » à la composition démographique de la Nation, qu’ils participent plus à la gestion des services [38] et que leurs représentants, les organisations syndicales, soient plus actifs et associés à la gestion de l’État. Une « réforme démocratique du statut de la fonction publique permettra d’assurer la participation réelle des fonctionnaires à la bonne marche du service public » [39]. Au contrôle par l’auto-régulation s’ajoute le contrôle par les citoyens au service desquels travaille l’administration. « L’administration fonctionnera sous le contrôle direct des travailleurs et des citoyens. Ce contrôle sera la meilleure garantie d’une correcte exécution de la politique de socialisation. Un gouvernement socialiste doit dissiper le secret dont s’entourent les activités administratives et rendre celles-ci “aussi transparentes” que possible pour le public [40] ». Significativement, les réflexions sur le « management public » ne sont pas absentes mais prennent une forme « égalitarienne » [41]. Les instruments de gestion sont placés entièrement au service des agents en dehors de tout cadre intégrateur hiérarchique. Le programme de gouvernement du parti socialiste propose ainsi de « démocratiser » la Rationalisation des choix budgétaires (RCB) en en généralisant les techniques « pour permettre un débat public meilleur et plus clair sur les objectifs de la politique gouvernementale [42] ». À cet ensemble de préconisations concernant la participation de la société et des formes d’autogestion administrative, il faut ajouter, pour finir, le leitmotiv le plus systématique des partis de gauche, et particulièrement du parti socialiste : la décentralisation. Le renforcement de la position et du rôle des élus locaux constitue en effet une solution qui rallie tous les suffrages en raison des vertus multiples qu’on lui prête alors : elle est à la fois réforme des fonctionnements de l’administration, démocratisation de l’État et rééquilibrage des institutions du régime de la Cinquième République [43]. Ainsi, tout au long des années 1970, l’administration constitue un objet d’analyses et d’expertises, important à gauche, que ce soit dans les groupes de réflexion issus d’organisations syndicales (CGT, FO ou CFDT) ou dans les partis politiques (PS, PSU ou PCF).
19Les partis de droite ne sont pas en reste, cependant, notamment la Fédération nationale des républicains indépendants, le parti giscardien. Soucieux de se démarquer du parti gaulliste (UDR) en recomposition et de défendre une marque politique originale, les républicains indépendants mettent fortement l’accent, dès 1972, sur l’impératif de « débureaucratisation » de l’administration et sur la réaffirmation du pouvoir de contrôle des élus. Le programme électoral des républicains indépendants de 1972 [44] dénonce l’excessive centralisation de l’État et son effet, la « bureaucratisation de la nation » [45] caractérisée par la multiplication des externalités négatives produites par l’appareil d’État (paperasserie, lenteur, anonymat, trop grande insensibilité aux demandes des administrés). Les mesures préconisées proposent de renforcer les pouvoirs des administrés par une « restauration de responsabilités réelles et personnelles à tous les niveaux de l’administration, ce qui impose la réadaptation du statut de la fonction publique » et par la « possibilité, pour tout citoyen, de bénéficier d’un droit de recours rapide, clair et gracieux en cas où il se considérerait comme victime d’une décision abusive de l’administration, initiative déjà ancienne des Républicains indépendants, aujourd’hui unanimement reconnue » [46]. Paradoxe apparent d’un parti dont Pierre Birnbaum a montré que la direction s’appuyait largement sur des hauts fonctionnaires techniciens, passés en politique [47], le second argument dénonce la « technocratisation » de la bureaucratie et l’insuffisant contrôle des fonctionnaires par les élus, notamment les ministres. La défense des administrés et la lutte contre la « bureaucratie », au sens péjoratif du thème, deviennent ainsi, tout au long des années 1970, la marque distinctive du parti giscardien. Elles déboucheront sur une série de lois votées en 1978 et 1979 en faveur des administrés.
20Sans surprise, cette problématisation résulte de la concurrence interne aux partis de droite (UDR, partis centristes) et au souci tactique de plaider pour un fonctionnement plus libéral des institutions [48]. Le choix est aussi plus directement électoraliste. Cherchant à occuper une position centrale qui emprunte à la fois au parti gaulliste et au Parti socialiste et qui fédère, autant que possible, la nébuleuse des partis centristes, les Républicains indépendants investissent massivement les réformes de société. La défense des administrés s’inscrit dans cette stratégie. Elle redouble le discours électoral et permet de privilégier certains publics (administrés, entreprises ou collectivités locales). L’acteur politique se pose ainsi en médiateur entre les citoyens-électeurs et l’administration. Cette problématisation spécifique de l’administration en « bureaucratie », que réussissent à imposer les giscardiens, ne doit rien au hasard. Ce registre permet en effet à ces « énarques en politique » de ne plus s’appuyer sur leurs ressources d’accession au pouvoir – la compétence technique » [49] mais de revendiquer une légitimité proprement politique, en autonomisant et en différenciant leur position de l’administration. La légitimité de l’homme politique ne repose plus sur la capacité de réforme interne de l’administration (où les coûts et les bénéfices de la politique sont concentrés) mais sur une stratégie externe par laquelle il se pose en instance de recours contre l’appareil d’État et restaure symboliquement la médiation directe aux administrés-électeurs. La dénonciation de la technocratie, registre privilégié des giscardiens, confirme la stratégie de reconversion à l’œuvre.
21Le processus de politisation de la question administrative revêt deux aspects. Alors que l’expertise de la réforme administrative était détenue, majoritairement dans les années soixante, par des hauts fonctionnaires, la formulation qui prévaut désormais s’élabore au sein des partis politiques. La politisation témoigne aussi de l’attribution d’une signification politique à la question administrative. Là où les réformateurs des années soixante faisaient prévaloir la technique et les savoirs économiques, les entrepreneurs en réforme du début des années soixante-dix se focalisent sur la prise en charge des externalités négatives produites par l’administration et valorise le rôle de l’élu dans son rapport aux électeurs-usagers et dans son activité de contrôle de l’administration. Le traitement de la question administrative devient ainsi un élément de l’action gouvernementale dès lors qu’elle est considérée, via la presse et les sondages, comme une préoccupation majeure de l’opinion.
LES INVESTISSEMENTS INTELLECTUELS DES HAUTS FONCTIONNAIRES DES ANNÉES 1970 : APPROPRIATION ET MISE EN FORME DE LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE
22Le dernier élément frappant du processus de reconnaissance publique de l’idée de crise de l’administration dans les années 1970 est l’investissement d’un certain nombre de hauts fonctionnaires dans la production d’écrits sur « l’état de l’État » et dans l’appel à la réforme. À travers des formes littéraires variées qui vont de l’essai au manuel en passant par le livre scientifique, ces agents de l’État empruntent à plusieurs figures : celle de « l’expert », la plus fréquente, proposant des diagnostics et des solutions en vue d’une action réformatrice souhaitée; celle du savant, distancié derrière l’énonciation de connaissances ; mais aussi, finalement assez fréquente, celle du politique qui prend parti en formulant un véritable programme d’action. En soi, l’investissement de fonctionnaires dans des écrits sur l’administration n’est évidemment pas neuf (en témoignent, dans ce numéro, les articles de Florence Descamps ou Renaud Payre). En revanche, l’étude des contenus et des différentes stratégies de démarcation sous-jacentes, dans le champ bureaucratique des années 1970, éclaire particulièrement le travail de construction de l’administration en « problème public ».
23Les écrits critiques sur l’administration émanent avant tout de petits groupes ou d’individualités à l’intérieur de l’État mais il constitue un registre pérenne par lequel des hauts fonctionnaires revendiquent la légitimité de leur diagnostic, favorisent l’invalidation des règles et des fonctionnements existants de l’administration française et donnent crédit à de nouvelles recettes. En écrivant sur la réforme de l’État, ces fonctionnaires se signalent et se construisent en « modernisateurs ». On considérerait à tort leurs écrits comme des compensations littéraires à des frustrations réformatrices. Ces ouvrages sur l’administration et sa réforme constituent un élément stratégique, parmi d’autres, de leurs carrières et entrent dans une « économie de la démarcation » qui reflète le processus de plus en plus visible de politisation des hauts fonctionnaires sous la Ve République. Comme le montre le tableau no 2 ci-après, la caractéristique commune à une grande partie des textes identifiés repose sur leur dimension « politique », c’est-à-dire sur l’importance, dans leurs rhétoriques, d’arguments prescriptif, programmatique ou partisan. Ce faisant, ces écrits participent à l’objectivation du « mal administratif ». Ils rivalisent dans le diagnostic des maux de l’État : L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, Le mal français, Le péril bureaucratique ou Gérer l’État. Corriger la déviance bureaucratique [50] contiennent une véritable charge critique. Mais les ouvrages assurent aussi la promotion d’idées nouvelles : les centres de responsabilité, la quantification des résultats et des coûts de l’action administrative, la déconcentration, les rapports actuels d’activité pour l’administration, les budgets de programmes, etc. Des titres comme La nouvelle gestion publique, Décentraliser les responsabilités. Pourquoi ? Comment ? ou encore Gestion publique et fonction publique [51] semblent aussi caractéristiques des années 2000 façonnée par la LOLF et la décentralisation que des années 1970.
24Sans avoir l’ambition de dresser un tour d’horizon exhaustif des prises de position des hauts fonctionnaires dans le champ bureaucratique, nous avons identifié dix-neuf ouvrages publiés entre 1968 et 1981 et avons construit une cartographie de ces livres destinée à en dégager les principaux types en espérant qu’elle rende possible, même de manière sommaire, une présentation de l’espace intellectuel ainsi constitué et des engagements littéraires suscités par la question administrative. Nous opposons schématiquement en abscisse, des textes généralistes de type essai visant un large public aux ouvrages destinés à un public restreint et inscrit dans un cadre intellectuel ou institutionnel plus étroit (collection du Conseil d’État, ouvrage à vocation scientifique et relevant d’une approche ou d’une thématique spécialisée) et, en ordonnée, les textes « politiques » aux textes « experts » (descriptifs, centrés sur une approche ou un instrument, à vocation pédagogique ou mettant en scène un débat, ne plaidant pas pour des solutions spécifiques). Le tableau no 2 ci-après rend compte de ce travail de classement.
25La case notée D de notre typologie est un bon point de repères car elle regroupe des ouvrages qui correspondent typiquement à une approche plutôt caractéristique des publications de hauts fonctionnaires des années 1960 et émanent avant tout d’individus appartenant globalement à une génération d’agents de l’État nés dans les années 1910-1920, entrés au service de l’État dans l’immédiate après-guerre et pour qui l’appartenance à un ministère technique spécialisé ou à un grand corps apparaît d’autant plus structurante qu’ils y font une partie importante de leur carrière. Il s’agit le plus souvent d’ouvrages savants ou techniques, dans lesquels les auteurs se font souvent les défenseurs d’une démarche d’analyse mono-centrée (la psychologie pour Peretti, la prospective pour Plantey) ou d’une technique de management inspirée du secteur privé (« organisations et méthodes » pour Baratin; le calcul de la masse salariale et des évolutions des effectifs pour Long et Blanc) [52]. Parce qu’ils ne s’adossent pas à un programme global de réforme et restent inscrits dans la perspective d’une exposition savante, ces textes s’inscrivent bien dans l’activité professionnelle de leurs auteurs. Ils valorisent leur maîtrise d’un savoir utile et moderne sur et pour l’administration, distinct des savoir-faire administratifs internes, mais aussi des postures généralistes de réforme. Avec ces textes, le changement valorisé repose sur l’introduction d’instruments ou de techniques nouvelles.
Les écrits de fonctionnaires sur l’État et l’administration
Les écrits de fonctionnaires sur l’État et l’administration
26Il est intéressant de comparer en ordonnée le groupe [D] avec l’ensemble d’écrits classés [B]. À la différence du premier, le deuxième ensemble réunit des ouvrages qui, s’ils demeurent destinés à un public restreint et s’inscrivent dans un cadre intellectuel délimité, n’en contiennent pas moins une dimension « politique » liée au fait qu’ils se présentent sous la forme d’un plaidoyer pour un type de réforme particulière, solution aux dysfonctionnements administratifs français. Trois thèmes y sont respectivement défendus comme des remèdes à la crise de la bureaucratie française : l’idée d’un « management public » c’est-à-dire d’une gestion moderne de l’administration s’inspirant fortement, mais pas aveuglément, du kit des outils du management privé (système d’information, gestion des ressources humaines, centres de responsabilité, etc.); la décentralisation comme remède au mal français de la centralisation; la création de droits des administrés comme vecteur de démocratisation. Sans se livrer à une mise en cohérence artificielle de ces écrits avec l’espace des positions dans le champ bureaucratique, on peut constater qu’un élément commun caractérise une majorité d’entre eux : les ouvrages émanent de hauts fonctionnaires « politisés » en ce sens qu’ils ont eu une ou plusieurs expériences en cabinet ministériel (Michel Massenet, Philippe Galy) ou bien sont engagés en politique, élu ou ministre (Alain Peyrefitte) ou militants dans un parti politique (Guy Braibant, Nicole Questiaux et Céline Wiener).
27Arrêtons-nous particulièrement sur les trois ouvrages défendant l’impérieuse nécessité d’une « nouvelle gestion publique » : ceux de Michel Massenet, Philippe Galy et la partie thématique du rapport annuel du Conseil d’État. Ces plaidoyers apparaissent clairement, pour les deux premiers en tout cas, comme une stratégies de démarcation ou de construction de rôle dans une carrière menée au sein de l’État. Né en 1925, énarque (1949-1951), conseiller d’État, plusieurs fois membre de cabinets [53] Michel Massenet est directeur général de l’administration et de la fonction publique (de 1971 à 1978) lorsqu’il publie La nouvelle gestion publique. Pour un État sans bureaucratie [54]. Plus jeune, Philippe Galy, né en 1943, est également énarque (1967-1969), administrateur civil au service des affaires économiques et internationales au ministère de l’Équipement (SAEI) en 1969 mais rapidement membre de cabinets ministériels [55] Il est chargé de mission au secrétariat général du groupe central des villes nouvelles (1974-1977) lorsqu’il écrit Gérer l’État. Corriger la déviation bureaucratique, paru dans la célèbre collection « L’administration nouvelle » publiée par Lucien Mehl (conseiller d’État) et Jean Driot, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Pour leur part, les « jeunes » auditeurs au Conseil d’État [56] qui écrivent le rapport sur la gestion publique semblent déjà sensibilisés aux idées « modernes » de gestion publique. Les trois ouvrages illustrent bien l’usage (prudent) du « management public » et de l’appel à la réforme dans le cadre d’une stratégie de démarcation dans l’État. Ils constituent aussi de bonnes traces d’intégration des idées de gestion publique dans l’administration sur le mode incrémental de l’accommodation ou de l’imprégnation [57]. Les rhétoriques ne sont pas radicales et aucun des ouvrages ne plaide pour la diffusion tous azimuts de techniques managériales [58]. L’argument de l’ouvrage de Michel Massenet est alambiqué mais caractéristique. Massenet reconnaît la nécessité d’une nouvelle gestion publique en raison de la mutation des organisations publiques, analyse les conditions de possibilité d’une transposition des modèles de gestion privée dans l’administration, passe en revue les nouvelles théories novatrices (l’économie publique avec la théorie du choix rationnel appliquée aux bureaucraties et la théorie des choix publics, l’analyse de système, la psychosociologie de March et Simon) et revendique l’importance, pour l’administration, de connaître l’opinion et son public. Cependant, il dénie au management toute capacité à constituer une alternative vraiment compatible avec la fonction publique en raison de l’irréductibilité des phénomènes politiques [59] et conclut en plaidant pour une « révolution culturelle » fondée sur une externalisation de la gestion à des organismes publics plus ou moins autonomes de l’État (un État sans la gestion). La posture de Philippe Galy est moins nuancée. Il plaide résolument pour la mise en place d’un système d’information et de contrôle de l’administration appelé « système de gestion » et destiné à considérer l’administration comme un ensemble d’organisations finalisées et dotées de moyens dont l’action pourrait faire l’objet de mesure et de contrôle. À ce modèle gestionnaire, il oppose les risques de la « déviation bureaucratique » qui reprend l’idée du sociologue américain Merton d’un « détournement des buts et des moyens » par l’administration au profit de sa survie et de son essor. Il est révélateur que le rapport annuel du Conseil d’État de 1976-1977, pourtant le plus prudent des trois textes, s’interroge sur les conditions d’introduction de nouvelles techniques de gestion au sein de la fonction publique française. Matrice de la nouvelle gestion publique, ces techniques ont trois composantes : la définition d’objectifs régulièrement réexaminés ; la délégation de pouvoirs importants allant contre le principe hiérarchique et supposant une nouvelle conception de la déconcentration et de la responsabilité; de nouveaux types de contrôle dits d’efficacité et de pertinence. En 1977, les membres du Conseil d’État envisagent longuement les obstacles au développement de ces instruments dans le contexte français (centralisation, cloisonnement, freins au sens des responsabilités en raison du poids de l’avancement à l’ancienneté et d’un régime de notation jugé inadapté). Quoique prudents dans leurs préconisations, les solutions suggérées – une organisation plus déconcentrée des pouvoirs de gestion, l’assouplissement des dispositifs statutaires contraignants et la mise en œuvre d’une politique de gestion prévisionnelle des personnels – montrent bien que cette « nouvelle gestion publique » est d’ores et déjà considérée par ces hauts fonctionnaires comme inéluctable et souhaitable.
28Les groupes d’ouvrages [C] et [A] marquent une rupture parce qu’ils défendent une posture plus généraliste que les précédents et se présentent comme des essais politiques ou des livres didactiques destinés à un large public. Avec eux, les diagnostics de crise posés par les experts sur les dysfonctionnements administratifs [A] ou les descriptions des fonctionnements de l’État [C] s’étendent à des cercles de profanes toujours plus vastes par le biais d’ouvrages de vulgarisation. Les quatre écrits en classe [C] se veulent d’abord descriptifs et prennent la forme de petits manuels de présentation des institutions ou de numéro spécial de revue multipliant les regards généraux sur l’administration. Le ton y est assez libre et vulgarisateur comme l’illustre l’ouvrage de Gabriel Mignot (Ena 1962, Cour des comptes) et Philippe d’Orsay (Ena 1964, Cour des comptes), La machine administrative. Ils organisent leur présentation synoptique du système administratif français en questions volontairement provocatrices (Y-a-t-il trop de fonctionnaires ? Moins de contrôle plus de responsabilité. L’éternelle réforme de l’administration), à l’image du titre de l’ouvrage de Xavier Beauchamps (Ena 1964, préfet) sur le ministère de l’économie et des finances qui interroge sa nature « d’État dans l’État ». Si le « Que sais-je ? » de Bernard Gournay (Ena 1954, Cour des comptes) réédité en 1972 mais initialement paru en 1962, reste un ouvrage de science administrative classique qui agite peu la thématique de la réforme, le numéro spécial que la revue « Esprit » fait paraître en janvier 1970 sur « l’administration » met en scène le débat et la crise. Introduit sur un ton très polémique par Casamayor [60], le numéro mêle des contributions de hauts fonctionnaires expérimentés (Julien Cheverny alias Alain Gourdon, Cour des comptes ; Roger Grégoire, conseiller d’État; Jean Saint-Geours, inspecteur des finances), de jeunes hauts fonctionnaires (Simon Charbonneau, Claude Dautrive, Yves Roulet, Gilles Moreux), parfois engagés dans la vie politique (Didier Motchane), et des sociologues représentant l’école Crozier (Pierre Grémion, Jacques Lautman, Jean-Pierre Worms) ou d’autres courants (Philippe d’Iribarne, Jesse Richard Pitts). La construction du numéro et les contributions mettent en garde contre les risques d’une désorganisation et d’un démembrement de l’État liée aux conflits organisationnels, à l’opacité de nombreuses pratiques (la rémunération des agents par exemple), à la confiscation voire à l’appropriation personnelle du pouvoir par les hauts fonctionnaires ou par les « féodalités » corporatistes. À travers ce diagnostic tout azimut, le débat est ouvert et singulièrement « dramatisé » dans sa formulation par Casamayor qui redoute que l’atonie générale conduise l’administration française à sa perte : « [elle] ne sera plus qu’une épave qui fait eau, dont les fonctionnaires, comme des rats, se partageront les stocks, avant de la quitter, tandis que les autres citoyens, constatant qu’ils ne peuvent rien obtenir par les voies normales, dégoûtés par les inégalités, avides de leur part de gâteau, affolés par l’anarchie, au cri de “tout, mais pas ça”, accepteront n’importe quoi et ne seront plus qu’une vile clientèle » [61].
29Le dernier ensemble de contributions, noté [A], est certainement le plus riche parce qu’il correspond à des ouvrages grand public, volontairement prescriptifs, revendiquant l’appel à la réforme et, pour certains d’entre eux, portés par des hauts fonctionnaires engagés « en » politique c’est-à-dire en quête de mandats électifs. Cette catégorie doit néanmoins être scindée en deux.
30D’un côté, se trouvent les « brûlots » réformateurs émanant de hauts fonctionnaires d’ores et déjà engagés dans le champ politique : Alain Peyrefitte au sein du parti gaulliste (UNR, UDR, RPR) [62], Jean-Claude Colli pour le Mouvement réformateur de Jean-Jacques Servan-Schreiber [63] et Jean-Pierre Chevènement et Didier Motchane, signant J. Mandrin en 1968 et membres actifs du Parti socialiste [64]. Les trois opus ont des orientations idéologiques et des argumentations radicalement distinctes. Peyrefitte propose une analyse générale du « mal français » qu’il mêle à de nombreuses anecdotes personnelles jugées édifiantes qui retracent les étapes de sa vie administrative et politique. Jean-Claude Colli dénonce les multiples échecs des politiques françaises issues du gaullisme et propose un vibrant plaidoyer pour « La Réforme » qui reposerait sur la redistribution des pouvoirs entre l’État et la région, la réforme de l’argent public par une nouvelle politique fiscale, des mesures sociales et la réaffirmation du rôle du Plan. Jean-Pierre Chevènement et Didier Motchane, enfin, font une critique sévère de l’École nationale d’administration, dont ils sont issus, en trois figures et trois étapes : l’énarchisant (critique du concours); l’énarchiste ou la fabrique des mandarins (critique de la scolarité et du classement); l’énarque (critique de l’exercice du pouvoir par les hauts fonctionnaires). Leur écriture sous pseudonyme témoigne cependant d’un capital social plus faible qui ne permet pas d’exposer au grand jour, du moins sans risque professionnel majeur, une charge critique aussi sévère. Au-delà des différences, les trois textes partagent un argument central : la critique des traits caractéristiques et constituants de l’administration française. Dans une argumentation qui emprunte beaucoup au sociologue Michel Crozier, celle-ci est présentée comme le cœur du « mal français » par Peyrefitte en raison de l’impuissance de cette grande organisation qui accorde une part trop importante à la hiérarchie (p. 271), sécrète l’irresponsabilité (p. 271-276) et débouche sur un double phénomène de « captation technocratique » (p. 221) et d’envahissante bureaucratisation (p. 297-304). Dans une veine finalement assez proche, Jean-Claude Colli dénonce l’« État, dinosaure myope, [qui] s’étale partout, écrase les citoyens, s’étouffe lui-même sous son obésité » avant de s’attaquer à la technocratie et à l’excessive centralisation (p. 112-113). Les auteurs de l’Énarchie s’inquiètent, pour leur part, de l’autorité « effrayante » de hauts fonctionnaires issus des milieux privilégiés et décrits comme des « brigands » qui « ficèlent l’honnête homme » pour mieux défendre les intérêts du capitalisme.
31Le second ensemble « politique » de trois textes offre, d’un autre côté, un bon échantillon d’ouvrages émanant de clubs de hauts fonctionnaires – le Club Jean Moulin, le Club Échange et Projets, le Club de l’Horloge – dont l’engagement intellectuel dans des réflexions sur la société française ne diminue pas la teneur politique, au double sens de prescriptif et de partisan. Les trois ouvrages sont l’œuvre de hauts fonctionnaires issus de l’École nationale d’administration et engagés dans cette forme originale de militantisme politique que constitue l’investissement dans les clubs de réflexion. Si les positions politiques défendues sont nettement distinctes (libérale de gauche pour l’ouvrage des membres du Club Jean Moulin, sociale-démocrate pour le Club Échange et Projets, libérale extrême droitiste pour le Club de l’Horloge), les trois livres développent chacun une charge critique virulente contre l’État et son administration et appellent à des réformes tous azimuts.
32Pour nationaliser l’État, publié en 1968, émane ainsi d’un « groupe d’études » constitués de nombreux membres du Club Jean Moulin [65] alors en plein déclin, qui publient sous leurs noms personnels [66] et qui rassemblent des hauts fonctionnaires en poste [67], d’anciens hauts fonctionnaires énarques en rupture d’administration [68] et des experts extérieurs à l’État, « amateurs éclairés » [69] ou sociologue [70]. Les thèses de l’ouvrage sont significatives car elles préfigurent le tournant des années 1970 et opèrent une rupture sensible avec les thèses antérieures du Club Jean Moulin, notamment défendues dans l’ouvrage princeps l’État et le Citoyen de 1961. La radicalisation libérale de la mise en cause de l’appareil administratif est particulièrement sensible dans Pour nationaliser l’État. Les auteurs, qui rappellent que beaucoup d’entre eux appartiennent à l’administration, dénoncent une « déraison d’État » (p. 8) qui reflète « l’obésité » (p. 23) et les dysfonctionnements de son administration. Le vocabulaire est médical. L’État ne s’est pas assez soucié de sa santé et de son économie interne : il n’a pas « changé de « régime », ce terme étant pris dans un sens différent de celui où l’entend l’histoire politique, plutôt au sens médical de la diététique et de l’exercice, de la manière de vivre » (p. 11). Abandonnant toute défense de la planification, dénonçant l’excessive centralisation, l’ouvrage plaide pour un pouvoir central plus resserré, plus efficace et plus cohérent dont les capacités stratégiques seraient renforcées en espérant ainsi que « l’État pourra gagner en muscle ce qu’il doit perdre en graisse » (p. 14). Plus loin, il défend la mise en place de procédures de délégation à des collectivités locales rationalisées mais aussi à des acteurs privés. Le leitmotiv de la doctrine est « faire faire au lieu de faire » parce que l’État « s’encombre de responsabilités qui ne sont pas de son niveau et les assume mal, en exerçant une tutelle étouffante » (p. 25). C’est là le sens, non dénué de malice, donné par les auteurs à la « nationalisation de l’État » « destinée à lui redonner ce corps athlétique, plus vigoureux après avoir maigri, dont nous avons besoin » (p. 11). Ce souci de recentrage de l’État, en externalisant des tâches de gestion jugées bureaucratiques, constitue bien la matrice intellectuelle du modèle de « l’État-stratège », défendu depuis les années 1980 dans la doctrine du New Public Management.
33Dans La démocratie à portée de main, publié en 1977, l’argumentation du Club Échange et Projets reprend, sous une autre forme, quelques figures du plaidoyer stratégiste de l’ouvrage Pour nationaliser l’État. Jugé « atteint aujourd’hui en France de maladies sérieuses » (p. 31), l’État est considéré comme démesuré sous le poids des multiples responsabilités endossées, omniprésent dans la vie quotidienne des citoyens, centralisateur et formaliste, inefficace et inefficient mais aussi trop peu démocratique en raison des faibles capacités de contrôle de l’exécutif. L’ouvrage plaide également pour l’allégement de l’État et un renforcement simultané de sa capacité de gouverner. Si le diagnostic global et l’horizon d’attente ressemblent à ceux du groupe d’études du Club Jean Moulin, les solutions institutionnelles préconisées s’en distinguent. La décentralisation, la déconcentration intra-administrative, la suppression des grands corps et un plaidoyer pour un renouveau de la planification constituent le répertoire de réforme de ce club créé en 1973 à l’initiative de hauts fonctionnaires dont Jacques Delors alors enseignant à l’Université de Paris-IX Dauphine (1973 à 1979) en gestion des entreprises [71]. Familier de ce mode d’action [72], Delors est à l’origine de la création du Club Échange et Projets, d’orientation catholique de gauche, qu’il fonde avec d’autres fonctionnaires dont Jean-Baptiste de Foucault alors à la direction du Trésor où il a créé un petit groupe intitulé « spiritualité et politique ». Le Club revendique des adhérents variés (syndicalistes ouvriers et paysans, chefs d’entreprise, fonctionnaires, enseignants et travailleurs sociaux, membres de professions libérales), organise des débats et donne lieu à la constitution de groupes de travail dont un groupe sur l’État. Celui-ci est animé par Bernard Tricot, prestigieux membre du Conseil d’État, proche du Général de Gaulle mais surtout par deux énarques François Lagrange (Ena 1964, maître des requêtes au Conseil d’État, plusieurs passages en cabinet) et Jean de Rosen (Ena 1974, administrateur civil à la direction des relations économiques extérieures). Intéressés par les problèmes de fonctionnement administratif [73], ils prennent en charge les parties de l’ouvrage consacrées à la « réforme de l’État » tandis que l’autre groupe de travail (François Bloch-Lainé, Jean-Baptiste de Foucault) propose des développements sur la démocratie, la vie associative, l’autogestion de la vie quotidienne ou la conquête du temps libre. Les thématiques de « l’État ingouvernable » et de « l’État maîtrisé », très centrées sur l’appareil administratif, offrent un autre exemple de la construction de l’administration en « problème public ».
34Dans cette logique, les formulations plus tardives du Club de l’Horloge opèrent une radicalisation de la catégorisation en dénonçant, dans une formule à sensation, le « péril bureaucratique ». Lorsqu’il est fondé en juillet 1974, le Club de l’Horloge [74] peut apparaître comme un nouveau club de hauts fonctionnaires. Ses créateurs sont d’anciens étudiants de l’Institut études politiques de Paris, tout juste sortis de l’Ena (Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou et le comte Henry de Lesquen [75] ) que réunissent initialement leur hostilité aux événements de 1968 et leur volonté de construire une « nouvelle droite ». Jouant sur la tradition des clubs de réflexion, les fondateurs du club cherchent à redonner un fondement idéologique à la droite et revendiquent pour ses adhérents, de « jeunes fonctionnaires issus des grandes écoles, universitaires, responsables du monde économique ou membres des professions libérales », de « réfléchir aux transformations nécessaires dans l’ordre politique, économique et social pour répondre aux défis du monde moderne et à la crise des sociétés européennes » [76]. En réalité, plusieurs de ses membres sont dans l’orbite du Groupement de recherches et études sur la civilisation européenne (GRECE) d’Alain de Benoist, cette « société de pensée » d’extrême-droite dont le club reprend quelques-unes des thèses dans ses ouvrages. Les théories génétiques néo-racialistes proposées aux gouvernants dans le cadre d’une nouvelle « politique du vivant » [77] dénoncent ainsi l’utopie égalitaire pour mieux souligner les différences entre les peuples et les cultures. Sur le plan économique et politique, en revanche, le Club de l’Horloge se distingue du GRECE par un « national-libéralisme anti-jacobin » [78] qui le conduit à l’élaboration d’une doctrine néo-libérale farouchement hostile au socialisme [79].
35À la fin des années 1970, le Club de l’Horloge apparaît comme un lieu de rencontres, un creuset idéologique et un terrain de reconversion entre des membres de la droite parlementaire en quête de démarcation avec la doctrine giscardienne ou gaulliste et des proches de l’extrême-droite. Comme il l’a fait depuis le début, le Club cherche à construire sa légitimité par une production idéologique et la rédaction d’études collectives. Cet objectif se matérialise particulièrement à travers l’organisation de colloques, de table-rondes et la publication d’ouvrages qui enrôlent des universitaires. Le 22 avril 1979, le Club organise, à l’Assemblée nationale, un colloque sur le thème de la bureaucratie qui réunit de nombreux intervenants. Aux membres du Club (Yvan Blot, inspecteur de l’administration au ministère de l’Intérieur et président du Club, Michel Leroy, ancien élève de l’École nationale supérieure et vice-président) s’ajoutent surtout des hommes politiques de droite (Michel Aurillac, conseiller d’État, député de l’Indre, ancien préfet de région; Gérard Longuet, sous préfet, député de la Meuse, rapporteur du budget de la fonction publique), des hauts fonctionnaires reconnus (Bernard Tricot; Paul Ripoche, délégué du médiateur) et des personnalités déjà connues pour leur posture de réformateur de l’État (le sociologue Michel Crozier, le juriste Roland Drago, l’économiste libéral Henri Lepage et Octave Gélinier, le directeur général de la CEGOS) dont la présence confère une légitimité à l’activité du Club.
36Fort de son orientation néo-libérale, le Club de l’Horloge propose une analyse de l’administration française qui dramatise considérablement la problématisation. L’ouvrage publié en 1980, Le Péril bureaucratique, reprend les différentes interventions, organisées selon des titres de section caractéristiques du discours libéral alors en plein essor : « Pourquoi la bureaucratie ? », « Pouvoir et liberté », « La réforme de la fonction publique », « l’État et l’entreprise ». Trop hétérogène pour être résumé, l’ouvrage propose néanmoins une déclinaison des critiques libérales à l’encontre de la bureaucratie et des « problèmes » causés par le système administratif : la croissance ininterrompue de l’État, la bureaucratisation croissante comme pouvoir des bureaux et des exécutants et la montée de « l’irritation » à leur encontre des bureaux, le rôle des syndicats, la dénonciation des propositions du Parti socialiste et du Parti communiste français au titre du collectivisme, etc. L’intervention de Gérard Longuet est caractéristique. Rapporteur du budget de la fonction publique à l’Assemblée nationale et auteur de rapports en commission déjà dénoncés comme des « brûlots » néo-libéraux ou anti-bureaucratiques, il propose une sorte de vulgarisation des travaux du Public Choice en en reprenant tous les thèmes : croissance continue de la présence administrative, crainte qu’une partie du service de l’État se trouve appropriée par les agents publics, mise en garde contre les « comportements » budgétivores et expansionnistes des fonctionnaires. Son plaidoyer final, au cœur de ses rapports parlementaires de 1978-1979, défend le principe d’une séparation dans les activités de l’État entre missions régaliennes et tâches d’exécution : « Je crois qu’il faut, le plus possible, affranchir et libérer l’État de ses exécutants. Je crois qu’il faut restituer à l’État les missions de conception, au pouvoir politique le pouvoir de décision, à l’administration le pouvoir de contrôle. Mais le plus souvent possible il faut affranchir l’État de ceux qui ont charge de service public » [80]. En l’occurrence en confiant les services publics d’exécution à des établissements publics dont les agents bénéficieraient de conventions collectives. Le modèle néo-managérial de « l’État-stratège » est déjà formulé.
37Résumons notre propos. Les années 1970 constituent une période importante dans la compréhension du phénomène contemporain de réforme de l’État. Trois dynamiques y sont repérables. Les échos médiatiques accordés à la dénonciation de la bureaucratie et à son remède, la réforme administrative ou la réforme de l’État, ne cessent de croître. On assiste à un phénomène de « socialisation » d’un enjeu auparavant structuré par les seuls contraintes internes à l’appareil d’État. La publicisation de l’activité administrative commence à faire partie des exigences de l’exercice du pouvoir. À la même période, l’administration devient aussi un enjeu politique, au cœur de la compétition électorale dans le cadre renouvelé de la bipolarisation entamée après 1972. Cette politisation véhicule la revendication d’un contrôle renforcé de l’administration par les élus. La « nouvelle gestion publique » et ses recettes néo-libérales commencent, enfin, leur diffusion dans la haute administration, comme en témoignent leurs appropriations littéraires, encore marginales, dans des écrits de hauts fonctionnaires. Ces linéaments constituent autant d’éléments généalogiques permettant de saisir les conditions de la lente apparition d’une politique institutionnalisée sur l’administration. Dans les années 1970, les conditions du succès de la nouvelle gestion publique comme ensemble de recettes ne sont pas encore remplies. Congruent avec les diagnostics en vogue sur la lenteur et l’opacité administrative et sur la nécessaire « débureaucratisation », le répertoire de réforme alors dominant, pour la droite giscardienne au pouvoir, est le renforcement des droits des administrés : les lois du 6 janvier 1978 sur l’informatique, les fichiers et les libertés, du 17 juillet 1978 sur la liberté d’accès aux documents administratifs et du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs en sont le résultat. Pour autant, la période 1968-1981 a vu se mettre en place plusieurs des conditions de possibilité et de succès d’une activité réformatrice sur l’administration. Ces éléments composites (publicisation, politisation, investissement intellectuel), partiellement autonomes mais enchevêtrés, poursuivent la mise en forme et la naturalisation de la « réforme de l’État », cette attention critique au fonctionnement et aux arcanes de la machinerie administrative.
Notes
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[1]
Pour une présentation générale du New Public Management, voir Hood (C.), « A Public Management for All Seasons ? », Public Administration, 69, Spring, 1991, pp 3-19 et Merrien (F.-X.), « La Nouvelle gestion Publique : un concept mythique », Lien social et politiques/RIAC, 41, printemps 1999, pp. 95-103.
-
[2]
Bezes (P.), « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi de l’État” », Revue française d’administration publique, no 102,2003, pp. 306-325.
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[3]
Terray (A.), Des francs-tireurs aux experts : l’organisation de la prévision économique au ministère des Finances (1948-1968), Paris, Comité pour l’Histoire Economique et Financière de la France, 2002.
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[4]
Sur cette approche classique en sociologie et en analyse des politiques publiques, voir par exemple Cobb (R. W.), Elder (C.), Participation in American Politics : The Dynamics of Agenda Building, Boston, 1972; Spector (M.), Kitsuse (J.I.) (eds.), Constructing Social Problems, Cummings, Menlo Park, 1977; Gusfield (Joseph S.), The culture of public problems : drinking-driving and the symbolic order, University of Chicago Press, 1984 ou plus récemment en France, Bernard Lahire, L’invention de l’illettrisme. Rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, La Découverte, 1999.
-
[5]
Grémion (P.), Modernisation et progressisme. Fin d’une époque (1968-1981), Paris, Le Seuil-Les Editions Esprit, 2006.
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[6]
Nous avons volontairement laissé de côté le champ intellectuel et les multiples ouvrages de la période post-68 mettant en cause l’État à travers les lectures marxiste, psychanalytique, foucaldienne ou anti-psychiatrique.
-
[7]
Les journaux sont indistinctement des quotidiens et des hebdomadaires. Le dépouillement a été également mené sur les années 1960. Pour une analyse plus détaillée, voir Bezes (Philippe), « Gouverner l’administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997) », thèse de doctorat de science politique de l’Institut d’Études Politiques de Paris (sous la direction de J. Lagroye), 2002.
-
[8]
Selon Jean-Marie Charron, la période est marquée par le poids toujours important de la presse généraliste (qui fonctionne encore sur un modèle classique, notamment le traitement par grande enquête dans les quotidiens nationaux sur de grands sujets de débat), par l’érosion du poids des journaux historiques d’opinion (Combat, l’Aurore, Le Matin sont supprimés dans les années 1970), mais par la montée en puissance des news magazines (l’Express, Le Point, le Figaro Magazine, Le Nouvel Obs) qui réinvestissent le traitement par l’opinion. Charon (J.-M.), La presse en France de 1945 à nos jours, Paris, Editions du Seuil, 1991.
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[9]
Le travail de dépouillement que nous avons effectué à partir des différents dossiers de presse de l’IEP de Paris n’a pas fait l’objet d’un traitement systématique par l’usage de la statistique. L’analyse ne prétend donc pas « faire preuve » par l’exactitude de son échantillonnage et de son traitement quantitatif. Nous avons seulement cherché à proposer, à partir d’un repérage et d’un dépouillement de nombreux articles de presse, un classement schématique des principales catégorisations de la « réforme de l’administration » à travers les titres des articles et la teneur de leurs argumentaires.
-
[10]
Michel Crozier publie La société bloquée en 1970 (Paris, le Seuil) dont les thèses seront en partie reprises sous forme politique par Alain Peyrefitte dans Le mal français (Paris, Plon, 1976).
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[11]
C. Debbasch est également proche de Valéry Giscard d’Estaing dont il deviendra conseiller à l’Élysée.
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[12]
Voir par exemple, Dupuis (G.), « Ne plus Décider », Le Monde, 29-30 octobre 1972; Dupuis (G.), « Science Administrative. Secrets d’État et secrets de polichinelle », Le Monde, 13 juin 1973.
-
[13]
Dupuis (G.), « Au cœur des crises », Le Monde, 16-17 février 1975.
-
[14]
On ne peut ici évidemment que proposer quelques illustrations : Rousset (D.) « Neutraliser la bureaucratie », Le Figaro, 27 mars 1969, député de l’Isère; une conférence de Maurice Doublet (préfet de la région parisienne) au cercle Interallié : « La France malade de son administration » (Le Figaro, 5 novembre 1970); Vedel (G.), « Psychopathologie de la vie administrative », 17 janvier 1972, dans Le Monde; « Les cent énarques. Après celui de bien d’autres français, le ras-le-bol des hauts fonctionnaires », Le Nouvel observateur, 2 octobre 1972; Viansson-Ponté (P.), « Humanisation et bureaucratie », Le Monde, 19 juillet 1976; Boissonnat (J.), « L’État en procès », La Croix, 9 janvier 1977; Devaux (G.), « Bulletin de santé de l’administration française », en trois parties, haut fonctionnaire aux finances des années 1930 à 1960 (Le Monde, 26 août 1977).
-
[15]
Travaux de l’équipe du sociologue Michel Crozier, des chercheurs de l’IEP de Paris ou de l’Institut français de science administrative (IFSA).
-
[16]
Cette présentation est extraite de Bezes (P.), « Gouverner l’administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997) », op. cit. S’y référer pour le détail.
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[17]
« Kafka et ses apprentis », L’Économie, 29 novembre 1969; « La France malade de son administration. Une conférence de M. Maurice Doublet au cercle Interallié », Le Figaro, 5 novembre 1970; « La France est-elle encore administrée ? », Combat 8 mai 1972; « C’est la faute à l’administration », Les Échos, 19 septembre 1975. « L’État en procès par Jean Boissonnat » (La Croix, 9 janvier 1977).
-
[18]
« Un haut fonctionnaire dénonce : l’administration centralisée mais féodale », Le Monde, 14 décembre 1968; Ferniot (J.), « Le monopole, maladie de l’administration », France-Soir, 28 août 1969; « L’Administration française. Ses castes, ses confréries », Combat, 11 mars 1970; « La double crise des fonctionnaires et de la société », Le Figaro, 7-8 octobre 1972; « La bastille administrative : du haut de cette pyramide... », Le Monde, 12 mars 1975; « Si la gauche l’emporte. Les trente hommes qui pourraient tout bloquer », Le Nouvel Observateur, 4 mars 1978; « Quand la France devient fonctionnaire », Le Figaro-Magazine, 28 avril 1979.
-
[19]
« Débureaucratiser la France : endiguer le Niagara de la paperasserie », L’Aurore, 26 décembre 1969; « Défendre le particulier, éternelle victime des bureaux », L’Aurore, 8 décembre 1971; « L’envahissante paperasserie », L’Express, 3 mai 1976.
-
[20]
« Une réforme dont dépend le salut de la France », La Nation, 26 novembre 1968; « Couve : l’administration doit se réformer sous peine d’explosions sociales », France-Soir, 10 février 1969; « La simplification des procédures est une question apparemment sans réponse », Le Monde, 15 octobre 1970; « Des réformes en l’air » Le Monde, 10-11 avril 1977; Giroud (F.), « La réforme qui n’aura pas lieu », Le Monde, 13 janvier 1978; « L’administration peut-elle se réformer ? », L’Express, 8 mars 1980.
-
[21]
« Chaban-Delmas lance l’opération “réforme de l’administration” : chaque mois quelque chose devra changer », France-Soir, 20 janvier 1970; « Décentraliser, déconcentrer, régionaliser. Trois moyens de “dégraisser” l’administration et d’assurer la participation locale », La Nation, 20 janvier 1970; « Dix-sept comités ont travaillé pour humaniser l’administration. La loi des usagers », Le Figaro, 13 janvier 1976; « La liberté, la clarté, l’efficacité et surtout des moyens d’action pour les communes et les départements », Les Échos, 21 juin 1978.
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[22]
« La réforme de l’administration. Un commissaire du Parlement doté de larges pouvoirs combattrait les abus de la “bureaucratie” », Les Échos, 30 octobre 1969; « Les projets de M. Malaud pour “humaniser” l’administration », La Croix, 22 janvier 1970; « La réforme des relations entre l’administration et les administrés. Y croire et y faire croire », Le Monde, 13 février 1970; « Profil. M. Paul Ripoche : M. “Anti-paperasse” », La Croix, 27 janvier 1972; « L’amélioration des relations entre l’administration et le public : une action prioritaire déclare M. Dominati » (Le Monde, 27 avril 1978).
-
[23]
Bezes (P.), « La réforme de l’État à l’épreuve de la gouvernementalité », in Hatchuel (A.), Starkey (K.), Pezet (E.) dir., Gouvernement, Organisation et Entreprise : l’héritage de Michel Foucault, Presses de l’Université de Laval, Sainte Foy, Québec, 2005.
-
[24]
Sur la politisation, voir Lagroye (J.), « Les processus de politisation » in Lagroye (J.), dir., La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 359-372.
-
[25]
Pour une série d’études très riches sur les programmes électoraux des partis politiques dans les années 1970, voir Institut français des sciences administratives, L’Administration vue par les politiques, Paris, Editions Cujas, 1978 (cahiers de l’IFSA no 18,1979).
-
[26]
Cette formulation très judicieuse est celle de Pierre Birnbaum, « Que faire de l’État ? », in Birnbaum (P.), (dir.), Les élites socialistes au pouvoir (1981-1985), Paris, PUF, 1985, pp. 139-161.
-
[27]
Sur ce thème, voir Lemaire-Prosche (G.), Le socialisme français face à la question du pouvoir. Un siècle de débats, six ans d’exercice du pouvoir (1981-1986), Thèse de science politique de l’Université de Grenoble II, sous la direction de Pascal Perrineau, 1990, pp. 329-515.
-
[28]
« Fonction Publique : d’autres batailles en vue », L’Unité, 29 septembre 1972.
-
[29]
Catherine Lalumière est alors en poste à l’Université Paris-I où elle enseigne la science administrative.
-
[30]
Ibid.
-
[31]
La Démocratie en jeu. Réflexions sur l’État et le service public, Paris, Club socialiste du livre, 1980.
-
[32]
Roucaute (Y.), Le PCF et les sommets de l’État. De 1945 à nos jours, Paris, PUF, 1981, pp. 61-93.
-
[33]
Ibid., p. 73.
-
[34]
Ibid. C’est le XVIIIe Congrès (février 1967) mais surtout le XXe Congrès (décembre 1972) qui marquent, semble-t-il, un tournant, développant même l’idée de contradictions à l’intérieur de l’appareil d’État, entre hauts fonctionnaires.
-
[35]
Ibid., p. 71.
-
[36]
Fabre (J.), Sève (L.) et Hincker (F.), Les communistes et l’État, Paris, Les Editions sociales, 1977.
-
[37]
Le 30 mars 1977, se tient ainsi à la Mutualité un débat sur le thèmes « Les Communistes et l’État », dont rendent compte les Cahiers du communisme (no 5, mai 1977), cité par Roucaute (Y.), Le PCF et les sommets de l’État ..., op. cit., p. 95.
-
[38]
Un document, élaboré au sein du PCF et remis à la CFDT le 7 novembre 1977 (et également adressé à la CGT, la FEN et à FO), précise dans ce sens que la « participation du personnel à la gestion des services doit être développée », L’Humanité, Édition spéciale, 8 novembre 1977, cité in Siwek-Pouydesseau (J.), « Quel type de gestion publique : hiérarchie, management, participation ou autogestion ? », dans Institut Français des sciences administratives, op. cit.
-
[39]
Programme commun de gouvernement du parti communiste et du parti socialiste, 27 juin 1972, Editions sociales, chapitre IV, « L’Administration », p. 160-161.
-
[40]
Fabre (J.), Hincker (F.), Sève (L.), Les communistes et l’État, Paris, Editions sociales, 1977. Cette proposition est reprise dans Les communistes et l’État.
-
[41]
C’est Christopher Hood qui décrit la « voie égalitarienne » (Egalitarian way) comme l’un des quatre idéaux-types culturels du management de l’administration. Selon Hood, le managérialisme égalitaire met l’accent sur l’idéal d’auto-régulation des services, sur la valeur des apprentissages et des innovations locales et sur la recherche du soutien des fonctionnaires. Il valorise le contrôle de l’administration par la mutualité et les processus de participation. Cf. Hood (C.), The Art of the State. Culture, Rhetoric and Public Management, Oxford, Clarendon Press, 1998, pp. 120-144.
-
[42]
Programme de gouvernement du parti socialiste, Paris, Flammarion, 1972, p. 102.
-
[43]
Voir par exemple le texte de Jean-Pierre Worms, délégué national aux collectivités locales au Parti socialiste. Worms (J-P.), « Réformer l’Administration ? », FAIRE. Dossier pour 1978, no 11, septembre 1976.
-
[44]
Fédération nationale des Républicains Indépendants, Un sens à la vie, 1972.
-
[45]
Ibid., p. 37.
-
[46]
Ibid.
-
[47]
Birnbaum (P.), Les sommets de l’État. Essai sur l’élite du pouvoir en France, Paris, Le Seuil, 1977.
-
[48]
La Fédération Nationale des Républicains Indépendants, créée en juin 1966, revendique une double identité : un parti de notables puisqu’il est précisé que la FNRI entend faire appel pour les élections à des « personnalités ayant déjà des responsabilités locales » ou faire confiance aux notables régionaux; un parti moderne avec un réseau de fédérations régionales et les soutiens des Clubs Perspectives et Réalités (laboratoire de doctrine et vivier de recrutement, particulièrement implantés chez les cadres supérieurs ou les membres des professions libérales. Pour sa signification symbolique, on peut également rappeler que Valéry Giscard d’Estaing a appelé à voter « non » au référendum de 1969. Sur ces points, cf. Colliard (J-C.), Les Républicains Indépendants. Valéry Giscard d’Estaing, Paris, PUF, 1972.
-
[49]
Sur cette thèse, Gaïti (B.), « Des ressources politiques à valeur relative : le difficile retour de Valéry Giscard d’Estaing », Revue française de science politique, vol. 40,6,1990, pp. 902-917.
-
[50]
Mandrin (J.), L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, Paris, Ed. de la Table ronde, 1968; Peyrefitte (A.), Le mal français, Paris, Grasset, 1976; Club de l’horloge, Le Péril bureaucratique, Paris, Club de l’horloge, 1980; Galy (P.), Gérer l’État. Corriger la déviation bureaucratique, Paris, Berger-Levrault, coll. l’administration nouvelle, 1977, préface Michel Jobert.
-
[51]
Peyrefitte (A.), Décentraliser les responsabilités. Pourquoi ? Comment ?, Paris, La Documentation française, 1976; Massenet (M.), La nouvelle gestion publique. Pour un Etat sans bureaucratie, Paris, Editions Hommes et Techniques, 1975 (préface Octave Gélinier); Conseil d’État, Gestion moderne et fonction publique. Etude extraite du rapport annuel 1976-1977, Commission du rapport et des études, 1977.
-
[52]
Le fonctionnement de l’administration n’est évidemment pas alors seulement considéré comme une question relevant du seul secteur public. Au contraire, les approches de management en plein essor revendiquent de s’appliquer indistinctement aux « organisations ». Voir par exemple Hauwel (C.), Penser et résoudre les problèmes administratifs, Paris, les Editions d’organisation, 1975.
-
[53]
En 1955 au cabinet de Robert Schuman, garde des Sceaux mais surtout en 1958-1959 auprès de Jacques Soustelle ministre de l’information.
-
[54]
Paris, éditions Hommes et techniques, 1975.
-
[55]
Il est conseiller technique au cabinet de Philippe Malaud puis de Christian Poncelet (ministres de la Fonction Publique) en 1973-1974.
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[56]
Il s’agit de Jean-Louis Bianco, Thierry Le Roy et François Henrot.
-
[57]
Pour une contribution à la fabrication et à la diffusion du nouveau management public en France, voir Bezes (P.) « L’État et les savoirs managériaux : essor et développement de la gestion publique en France » in Lacasse (F.), Verrier (P.-E.), Trente ans de réforme de l’État, Paris, Dunod, 2005, pp. 9-40.
-
[58]
À la différence des années 1990. Voir par exemple Abate (B.), La nouvelle gestion publique, Paris, LGDJ, collection Finances publiques, 2000.
-
[59]
Massenet (M.), La nouvelle gestion publique ..., op. cit., p. 41-42.
-
[60]
Casamayor est le pseudonyme de Serge Fuster, magistrat, auteur de plusieurs ouvrages sur les juges qui fut sanctionné par le pouvoir politique pour son indépendance dans les crises et les pressions sur la magistrature.
-
[61]
Esprit, janvier 1970, p. 7.
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[62]
Sorti de l’ENA (1946-1947) au Quai d’Orsay, Alain Peyrefitte est député UNR puis UDR puis RPR de Seine et Marne de 1958 à 1981. Il est également maire de Provins à partir de 1965. Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargé de l’information (1962) puis ministre de l’Information de 1962 à 1966, il est ministre de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales (1966-1967) puis de l’Éducation nationale (1967-1968). Secrétaire général de l’UDR de 1972 à 1973. Son ouvrage Le mal français fait écho, entre autres, à son bref passage au gouvernement comme ministre des Réformes administratives et du Plan (1973-1974). Il sera garde des Sceaux de 1977 à 1981.
-
[63]
Jean-Claude Colli, né en 1933, est énarque (1958-1960) et inspecteur des Finances. Adjoint au secrétaire général à l’Énergie, puis professeur à l’IEP de Grenoble (1966-1971), il s’engage ensuite en politique et devient secrétaire national du Mouvement réformateur (1973-1974) qui rassemble le Centre démocrate de Jean Lecanuet et le Parti radical rénové sous la houlette du directeur de l’Express Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il sera ensuite vice-président du Parti radical (1975-1977).
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[64]
Énarque (1963-1965), attaché commercial au ministère de l’Économie et des Finances (1965-1968), Jean-Pierre Chevènement adhère au Parti socialiste en 1964 et est secrétaire général du Centre d’études et de recherches et d’éducation socialistes (CERES) de 1965 à 1971. Secrétaire politique de la Fédération socialiste de Paris (1969-1971) puis membre du bureau exécutif du PS et secrétaire national du PS de 1971 à 1975. Il est chargé de l’élaboration du programme du PS (Changer la vie) en 1972.
-
[65]
Sur l’histoire du Club, voir la somme de Claire Andrieu, Pour l’amour de la République. Le Club Jean Moulin (1958-1970), Paris, Fayard, 2002.
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[66]
Rompant ainsi avec les pratiques antérieures du Club Jean Moulin.
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[67]
Citons par exemple, Jean Ripert (commissaire-adjoint au Plan), Jacques Delors (alors chef du services des affaires sociales du CGP), Michel Rousselot (ancien directeur du SAEI du ministère de l’Équipement et chef du service régional et urbain), Yves Ullmo (chef du service économique du CGP), Jean Saint-Geours (directeur de la Prévision jusqu’en 1967 et directeur général adjoint du Crédit Lyonnais) ou encore Simon Nora (Inspecteur général des Finances, ancien conseiller technique de Pierre Mendès France, futur chargé de mission au cabinet Chaban-Delmas et plume du discours de la Nouvelle Société).
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[68]
On trouve ici Claude Alphandéry (administrateur directeur général de l’Immobilière-Constructions de Paris-ICP et Olivier Chevrillon (maître des requêtes au Conseil d’État devenu vice-président de Presse-Union qui publie l’Express dont il deviendra en 1970 le PDG avant de fonder « Le Point » en 1972 dont il est PDG de 1972 à 1985).
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[69]
Paul Flamand (fondateur et directeur des Éditions du Seuil); Philippe Viannay (créateur du Centre de Formation des Journalistes, fondateur des Glénans).
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[70]
Le sociologue Michel Crozier.
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[71]
Il a été chef du service des affaires sociales du Plan (1962-1969) puis chargé de mission auprès du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas (1969-1971).
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[72]
Delors a créé le club Citoyens 60 quelques années auparavant.
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[73]
François Lagrange fait par exemple une intervention lors du XVe Congrès de l’Institut international des sciences administratives à Rome en septembre 1971 sur « la rationalisation des choix budgétaires »
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[74]
Les informations sur le Club de l’Horloge sont tirées de plusieurs sources : Chebel d’Appollonia (A.), L’extrême-droite en France, Paris, Editions Complexe, 1996; Taguieff (P.A.), Sur la nouvelle droite, Paris, Descartes & Cie, 1994; Laurens (S.), L’immigration en France au prisme de la noblesse d’État (1962-1981), Socio-histoire d’une domination à distance, EHESS, Paris, (dir. G. Noiriel), 2006.
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[75]
Promotion 1973 pour Y. Blot, 1974 pour Le Gallou et 1974 pour Lesquen.
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[76]
Club de l’Horloge, « Présentation », in Le Péril bureaucratique, Paris, Club de l’Horloge, 1980.
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[77]
Club de l’Horloge, La politique du vivant, Albin Michel, 1979, Les racines du Futur. Demain la France, Masson, 1977 ou Le défidémographique, Club de l’Horloge, 1979.
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[78]
Taguieff (P-A.), Sur la nouvelle droite, op. cit., p. 53.
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[79]
D’autres canaux, plus médiatiques, opèrent ce tournant. Voir par exemple la création du Figaro Magazine dirigé alors par Louis Pauwels.
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[80]
Club de l’Horloge, Le Péril bureaucratique, op. cit., p. 39.