Notes
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La France vit-elle une « Grande démission ? », Dares, 11 octobre 2022.
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Les difficultés de recrutement peuvent aussi être liées à des emplois vacants ou plutôt des emplois à pourvoir à un instant donné, ce qui reflète le temps nécessaire pour que les entreprises effectuent les démarches d’embauche.
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Façon de s’exprimer, façon de communiquer, façon de se comporter, etc.
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« L’inspiré est disposé à se mettre en état de recherche, à entrer dans des rapports d’affectivité, seuls rapports qui engendrent la chaleur, l’originalité et la créativité entre individus, à rêver, à imaginer » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 204).
Introduction
1 Suite à une reprise de l’activité économique au 1er semestre 2021, nombre de pays développés connaissent de fortes tensions sur leur marché de l'emploi. Cette situation se traduit par un excès de demande de travail ayant pour conséquence un taux de chômage réduit proche du chômage résiduel et d’une situation de plein emploi. L’offre de travail est alors insuffisante pour répondre aux besoins des entreprises en termes de main-d’œuvre, générant ainsi une situation de pénurie et des difficultés de recrutement. La France n’échappe pas à cette situation. D’après les chiffres de la Dares, ces tensions concernent « pratiquement tous les métiers » : sept métiers sur dix sont en tension forte ou très forte en 2021 (Niang et al., 2022). Loin de toucher uniquement des qualifications demandant une formation longue, comme pour les personnels médicaux, les pénuries touchent les métiers d’exécution, employés et ouvriers. Les difficultés de recrutement existaient déjà, en particulier dans les secteurs à fort turnover (Zune, 2014) ou dans les petites et moyennes entreprises peu ou mal formées au recrutement (Lhommeau et Rémy, 2020). Nous pouvons alors supposer que les fortes tensions, et donc une insuffisance de l’offre de travail, accentuent ces difficultés de recrutement. Outre la situation conjoncturelle de reprise économique, soulignons que certaines évolutions structurelles de la démographie (ralentissement de la croissance de la population active, nombreux départs à la retraite…), combinées à des politiques salariales restrictives, pouvaient laisser prévoir, depuis de nombreuses années, des pénuries de main-d’œuvre (Chassart et Passet, 2005).
2 De plus, les fortes tensions sur le marché du travail sont parfois associées à un phénomène de « grande démission », c’est-à-dire un nombre important et inédit de salariés ayant quitté volontairement leur emploi. Ce phénomène est observé aux États-Unis (Moulier-Boutang, 2023) mais, en France, le taux de démission n’a pas été aussi marqué. Comme le montrent les chiffres de la Dares [1], en période de reprise économique, le taux de démission a tendance naturellement à augmenter. Ainsi, à la suite de la crise du Covid, ce phénomène est attendu puisque les opportunités d’emploi en France augmentent et que les salariés prennent moins de risque à quitter leur emploi.
3 Même si le phénomène de tension sur le marché du travail dû à un excès de demande n’est pas aussi inédit que le discours médiatique le laisse entendre, les entreprises doivent répondre à des difficultés de recrutement en période de reprise économique. Comment les entreprises interprètent-elles et réagissent-elles à cette situation ? Autrement dit, comment gèrent-elles leur embarras et leurs incertitudes ? Si des études portent sur les pratiques de recrutement et les modalités utilisées en période de chômage élevé, peu de travaux viennent interroger les représentations des recruteurs et leurs catégories de pensée, d’autant moins en période de pénurie de main-d’œuvre. L’hypothèse que nous soutenons ici est que les entreprises agissent en fonction de leurs représentations en matière de gestion du personnel, et plus particulièrement de recrutement, représentations structurées à la fois par leurs pratiques antérieures, mais également par les contraintes structurelles et conjoncturelles qui s’imposent à elles. Les stratégies que les entreprises adoptent traduisent également ce que les recruteurs estiment juste de faire, juste étant pris ici au double sens de la justice et de la justesse.
4 Ainsi, l’objet de cet article est d’examiner les représentations des employeurs qui orientent leurs discours et leurs stratégies de recrutement et de fidélisation des salariés. À cet effet, nous mobilisons une enquête menée par entretiens auprès de 38 employeurs (voir Annexe 1 en version électronique de l’article).
5 La première partie de cet article est consacrée au cadre théorique qui montre la pertinence de s’intéresser aux représentations des recruteurs pour interroger leurs pratiques, notamment à partir de la théorie des conventions de Boltanski et Thévenot (1991).
6 La seconde partie expose les résultats de recherche mettant en évidence les représentations des employeurs. Elle se structure autour de trois grands résultats. D’une part, nous montrons que l’offre de travail ne serait pas considérée comme adaptée à leurs besoins, notamment parce que les candidats manquent, selon eux, de compétences techniques. Une façon d’y remédier serait d’identifier des candidats ayant des qualités personnelles adéquates et de les former, mais les employeurs font part d’un manque de savoir-être des candidats à l’embauche. D’autre part, l’importance des valeurs de tradition, hiérarchie et fidélité (cité domestique) qui apparaissent comme très structurantes dans les discours des employeurs, semble ébranlée par le « nouveau » rapport au travail des candidats à l’embauche qui sont perçus comme peu acculturés aux valeurs dans leur entreprise.
7 Enfin, nous mettons en avant des stratégies présentées comme « créatives » pour recruter et garder la main-d’œuvre, mais qui ne semblent pas suffisamment répondre aux difficultés de recrutement rencontrées. Nous supposons que les solutions proposées sont encore trop éloignées du rapport au travail des salariés occupant des emplois peu qualifiés, aux conditions de travail difficiles et qui remettent peu en cause la forte hiérarchie entre « exécutants » et « dirigeants ». En effet, afin de répondre au besoin du nouveau rapport au travail, nous verrons que les employeurs cherchent à intervenir, presque exclusivement, sur des aspects extrinsèques du travail (temps de travail, rémunération…), délaissant les facettes intrinsèques de celui-ci (organisation et collectif du travail, mode de management…) auxquelles les travailleurs et travailleuses occupant des emplois peu ou pas qualifiés seraient pourtant sensibles.
1 Comment la littérature explique-t-elle les embarras des employeurs ?
8 Une partie des travaux scientifiques, des discours, managérial et médiatique, se focalisent sur la question de l’inadéquation entre la formation des demandeurs d’emploi et les attentes des entreprises pour expliquer les difficultés de recrutement (1.1). Face à cela, le cadre théorique des conventions offre un angle d’analyse complémentaire pour appréhender la façon dont les employeurs justifient leurs stratégies de recrutement dans un contexte de tension et d’incertitude sur le marché du travail (1.2).
1.1 Des employeurs qui se focalisent sur les caractéristiques souvent considérées comme inadaptées…
9 De plus en plus de recherches, en particulier issues de la littérature anglo-saxonne, interrogent les écarts entre les attentes des entreprises en termes de qualités personnelles et de soft skills et les représentations des jeunes (Majid et al., 2019 ; Succi et Canovi, 2020 ; Dolce et al., 2020). Les conclusions et recommandations de ces travaux sont souvent très proches. Comme le suggère le titre de l’article "Teaching soft skills employers need" (Elli et al., 2014), si les jeunes diplômés surestiment ou sous-estiment certaines qualités attendues par les entreprises, il serait nécessaire de mieux les informer et de les former aux compétences réellement recherchées. Ce constat rejoint une majorité de travaux portant sur les questions d’employabilité et du lien formation-emploi qui supposent que les difficultés de recrutement sont avant tout liées à une offre de travail peu ou mal formée, voire inadaptée (Estrade, 2013 ; Fondeur et Zanda, 2009).
10 Plus largement, les travaux sur l’emploi, le chômage ou l’inactivité se focalisent majoritairement sur les individus. Certaines personnes seraient plus ou moins éloignées de l’emploi selon leurs caractéristiques personnelles et leur parcours passé : niveau de formation initiale, expériences professionnelles, mais également milieu social, origine ethnique, traits de personnalité, etc.
11 Cette focalisation sur les traits individuels est au fondement de la notion d’employabilité (Gazier, 2017, p. 19). Si à l’origine du développement de cette notion, les critères d’éloignement de l’emploi renvoient à des caractéristiques médicales, familiales, sur lesquelles les personnes n’ont pas ou peu de prise (situation de handicap, charge de famille, etc.), ils se rapportent de plus en plus à l’initiative et à la motivation des demandeurs d’emploi et aux choix qu’ils opèrent durant leur parcours professionnel (Gazier, Ibid.). Dans cette perspective « d’employabilité-initiative », l’employabilité repose sur « la capacité d’une personne à mobiliser autour de ses projets un processus d’accumulation de capital humain et de capital social » (Gazier, Ibid., p. 27).
12 Dans les nouveaux discours des managers étudiés par Boltanski et Chiapello (1999), ce terme souligne le rapport particulièrement individuel et abstrait que doit entretenir le candidat à l’emploi avec sa propre force de travail. On est alors proche de l’idéal néo-libéral de l’entrepreneur de soi-même (Foucault, 2004), qui se donne les moyens en matière de compétences et de réseaux d’affronter la concurrence sur le marché du travail et d’y obtenir les meilleures conditions possibles.
13 Ce détour par la notion d’employabilité permet de comprendre en quoi les qualités des personnes, valorisées par les entreprises, peuvent être très génériques avec un fort contenu psychologisant. S’appuyant sur les données de l’enquête Ofer (Offres d’emploi et recrutement), Demazière et Marchal (2016) montrent comment les recruteurs minorent le rôle des diplômes et des certifications.
14 Notons également que, parmi les qualités attendues, la disponibilité arrive au premier plan, disponibilité en matière de temporalité (horaires décalés, travail du weekend), de capacité à se déplacer, de polyvalence sur les postes occupés (Demazière et Marchal, Ibid.. ; Tranchant, 2018).
15 Ainsi, le concept d’employabilité alimente l’idée que l’individu doit être motivé et manifester un sens de l’engagement pour faire face à la concurrence. On retrouve ainsi l’importance des compétences transversales et sociales au cœur des discours des entreprises. Mais on peut s’interroger sur les liens entre les qualités attendues par les employeurs, leurs représentations et le rapport au travail des salariés, notamment celui des jeunes.
16 Le discours médiatique met régulièrement l’accent sur la Génération Y pour décrire un rapport et un comportement au travail qui seraient spécifiques à toute une génération. Les jeunes issus de cette génération se distingueraient en effet par un rapport distancié à l’emploi et à l’entreprise. Une liste des préjugés partagés par les dirigeants et cadres d’entreprise a ainsi été dressée par Regnault (2016) : nonchalants, compétiteurs, individualistes, impatients, n’ayant pas les bases du savoir-vivre, peu obéissants, etc.
17 Selon une note récente de la Dares (2022), « les recruteurs embauchant un jeune candidat citent plus souvent le dynamisme, la présentation, l’opérationnalité et la motivation » comme principaux critères de sélection à l’embauche. Au regard des formes d’organisation du travail en France, la nature de ces qualités personnelles attendues interroge. Dans son ouvrage Libérer le travail (2018), Coutrot rappelle que les entreprises françaises organisent souvent le travail des salariés à partir de tâches routinières et répétitives, malgré l’apparition du modèle de lean management à partir des années 80. C’est particulièrement le cas pour les emplois peu qualifiés. Quelle importance alors d’embaucher un salarié dynamique ou motivé ? La description plus détaillée de ces « compétences sociales » dans la note de la Dares révèle que le « dynamisme » correspond à des capacités « d’écoute » ou de « réactivité ». En outre, la « motivation » suppose d’avoir un « intérêt », un « engagement » ou encore des « valeurs », que l’on suppose correspondre au mieux à celles de l'entreprise (cf. résultats de notre enquête sur le discours des employeurs). Ces attentes en termes de soft skills semblent donc répondre à une organisation du travail encore très hiérarchisée où le travail des exécutants et l’activité de ceux qui pensent le travail sont séparés.
18 Pourtant, les données du Céreq (Fournier et al., 2020) indiquent que la qualité du travail occupe une place déterminante chez les jeunes actifs, tant dans les appréciations qu’ils portent sur leur travail que dans leurs aspirations. Selon le récent rapport du Céreq et de la Dares (Dupray et al., 2022), ce sont les valeurs symboliques ou expressives (autonomie, reconnaissance, ambiance au travail) qui ont gagné en importance. L’épanouissement personnel en emploi passerait aussi par ce que Coutrot et Perez (2022) appellent « le sens par rapport à des valeurs dans le monde social », autrement dit la reconnaissance que le salarié donne à son travail sans déroger à l’éthique. Les motivations intrinsèques peuvent aussi se rapporter au « sens par rapport à l’accomplissement de soi dans le monde subjectif » : les travailleurs doivent se sentir transformés et acquérir de l’expérience en emploi. Ainsi la majorité des travaux sur le déséquilibre entre l’offre et la demande portent sur des raisons liées à l’offre de travail, laquelle ne serait pas suffisamment qualifiée ou motivée. Mais il convient de ne pas négliger les autres motifs pouvant expliquer les difficultés de recrutement et les embarras des employeurs.
1.2… Mais dont l’embarras s’explique par un contexte d’incertitude
19 En France, de nombreux travaux rendent compte de l’incertitude attachée au recrutement, de la multiplicité des procédures effectivement utilisées (De Larquier et Marchal, 2008). Le contexte de forte tension sur le marché du travail, détaillé précédemment, suppose que l’offre de travail est inférieure à la demande. Le manque d’attractivité des métiers peu qualifiés participe notamment à expliquer l’insuffisance de l’offre de travail et donc les difficultés de recrutement des entreprises : lorsque les conditions de travail sont difficiles, les employeurs peinent à recruter, mais également à « fidéliser le personnel » (Coutrot, Ibid., p. 3) [2]. Selon les théories du signalement (Spence, 1974), l’embauche équivaut à un billet de loterie dont le prix est le salaire qui sera versé ultérieurement à l’employé. Pour évaluer le prix de ce billet de loterie, l’employeur observe certaines caractéristiques de l’individu, tel le diplôme, qui sont censées signaler la productivité du candidat. Or, si l’offre de travail manque, les employeurs ont moins de choix lors de l’embauche et les signaux peuvent faire défaut. L’incertitude de la qualité des candidats est alors plus importante. Lhommeau et Rémy (2020) montrent, à partir des données de l’enquête Ofer, que les recrutements dans les entreprises appartenant à la classe des « métiers tendus difficiles » ne prennent pas plus de temps que ceux relevant des métiers « détendus ». Nous supposons cependant que les entreprises sont contraintes de mobiliser d’autres canaux et critères de recrutement car les candidatures sont rares. Elles pourraient, par exemple, avoir davantage recours aux relations afin de réduire l’incertitude, dans un contexte de forte tension (Bergeat et Rémy, 2019 ; Lhommeau et Rémy, Ibid.). Mais le risque serait aussi que les représentations ou les « a priori de l’embauche » (Marchal, 2015, p. 84) aient un poids plus important dans les choix en termes de recrutement.
20 Le manque d’expérience des employeurs en matière de recrutement peut aussi accentuer l’incertitude lors de l’embauche. Les petites entreprises sans service RH mobilisent moins souvent des canaux conventionnels permettant d’identifier les signaux à l’embauche, ce qui peut conduire à des recrutements inachevés ou insatisfaisants. Les grandes entreprises ont « l’avantage d’une plus grande visibilité sur le marché du travail », alors que les petits établissements consacrent peu de moyens au recrutement, ce qui les contraints à mobiliser les « réseaux de relation » (Bessy et Marchal, 2009). Encore une fois, ces pratiques de recrutement peuvent renforcer le poids des représentations des employeurs, au détriment des canaux de recrutement plus conventionnels (diffusion d’une offre sur des plateformes, etc.). Ces constats interrogent alors le paradigme de l’économie néo-classique qui appréhende l’appariement entre travailleur et emploi comme le résultat du job search de la part du demandeur d’emploi, alors que dans la réalité, ce sont plutôt les employeurs qui opèrent une sélection.
21 Dans ce contexte de forte incertitude, la théorie des conventions peut alors être mobilisée pour montrer comment les qualités des personnes s’ajustent, ou non, aux conventions supposées fonctionner comme instrument de coordination dans les entreprises (Imdorf, 2013). Un exemple éclairant nous est fourni par Forté et Monchatre (2013) qui montrent que les salariés d’exécution de l’hôtellerie-restauration sont recrutés sur la base de conventions domestiques, permettant tout à la fois la soumission aux règles de l’entreprise et une certaine garantie face au risque de défection. Ce type d’analyse repose sur le modèle des « cités » (Boltanski et Thévenot, 1991) et permet d’identifier dans quels répertoires sociaux s’inscrivent les manières de penser, les logiques et comportements stratégiques de ces employeurs. Ce cadre d’analyse est d’autant plus éclairant dans un contexte de forte incertitude et de complexité, sur lequel ils semblent n’avoir que peu de prise.
22 En nous inscrivant dans cette démarche théorique, nous nous intéressons plus particulièrement aux représentations des employeurs, en considérant l’existence de registres de représentations situés en amont des registres d’actions qui structurent les recrutements effectifs. Ces répertoires de représentations peuvent être rattachés aux conceptions de la justice distinguées par Boltanski et Thévenot (Ibid.).
23 Plus particulièrement, nous montrons que les employeurs interrogés mobilisent souvent les valeurs de la cité domestique et y semblent attachés. En outre, la cité inspirée transparaît clairement dans les discours lorsqu’ils précisent les stratégies qu’ils adoptent pour recruter et surtout garder leurs salariés dans l’entreprise. Ces deux cités sont définies dans la partie suivante portant sur l’analyse des discours des employeurs interrogés.
2 Des discours influencés par les représentations sur l’offre de travail
24 Dans une période de forte incertitude, les employeurs se retrouvent en difficulté pour maintenir leur activité et recruter ou pour garder leurs salariés lorsqu’ils considèrent que l’offre de travail est finalement peu formée et que les qualités personnelles recherchées, souvent dénommées « savoir-être », sont considérées comme absentes du profil des candidats (2.1).
25 Ainsi, les employeurs doivent trouver d’autres moyens pour recruter des candidats. Ils montrent un certain attachement à la convention domestique qui reflète le caractère peu formalisé et institué du recrutement des ouvriers et des employés. Mais les références à celle-ci ne semblent plus suffisantes pour attirer et garder les jeunes salariés (2.2).
26 En outre, nous repérons l’évocation récurrente à un régime de représentation fondé sur la cité inspirée, dans la mesure où les employeurs s’estiment contraints de s’ouvrir à un autre régime pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre (2.3).
2.1 De l’importance des savoir-être
27 Les employeurs expriment fréquemment leur insatisfaction face aux profils jugés inadaptés des candidats et salariés. Mais certaines qualités proches des savoir-être, compétences sociales, traits de personnalité, compétences non académiques, soft skills, etc., sont presque systématiquement évoquées dans le discours des employeurs de notre enquête. Sans revenir en détail sur les débats autour de ces notions (voir par exemple Crahay, 2006 ou Duru-Bellat, 2015), nous cherchons à identifier ce que peuvent représenter ces qualités personnelles pour les employeurs interrogés : en particulier, la façon dont ils qualifient ces caractéristiques personnelles et dans quelle mesure elles sont attendues lors d’un recrutement.
28 Dans le discours des employeurs, ce sont les termes « savoir-être » (environ la moitié des interrogés), « personnalité », « comportements », « façon de … » [3], etc… qui sont principalement évoqués et non celui de « compétences sociales ». Celles et ceux qui parlent de « savoir être » le rapprochent souvent de l’éducation familiale, voire l’opposent au concept de « compétences ». Lorsque les employeurs parlent de « compétences », c’est essentiellement pour faire référence à des compétences techniques qui peuvent notamment se développer en formation continue ou qui dépendent de la formation initiale du salarié ou candidat. Une patronne d’un domaine viticole recrutant des saisonniers pour la coupe de la vigne parle toutefois de « compétences liées à la vie collective » et précise qu’elle « ne sait pas comment dire ça » (N° 6, env. 35 ans, moins de dix salariés). Un chef d’entreprise de charpente explique que lorsqu’il évoque les compétences nécessaires pour recruter, il ne parle pas toujours de « compétences techniques », mais plutôt de « la ponctualité, (…) du sérieux au travail, de la rigueur, de la curiosité » (N° 19, env. 35 ans, moins de dix salariés).
29 Nous pouvons différencier les entreprises qui font primer des compétences techniques de celles qui privilégient plutôt les savoir-être. Il s’avère que cela dépend surtout du type de métier, plus que de l’entreprise interrogée.
30 D’un côté, de nombreux métiers nécessitent une formation spécifique et exigent des hard skills : maroquinerie, peinture en bâtiment, vente, coiffure, charpenterie, boucherie (grande distribution), mécanique, plomberie, etc. Ici, la nouvelle recrue doit posséder les « bases » : » des travaux basiques comme des vidanges, des pneus, des freins » (N° 30, cheffe d’entreprise, garage automobile, env. 50 ans, moins de dix salariés), « cuire un brocoli » ou porter « un plateau à une main avec quatre verres dessus » (N° 12, patronne d’un restaurant, env. 35 ans, dix salariés et moins), « savoir rendre la monnaie » (N° 24, patronne d’une boulangerie, env. 50 ans, dix salariés et moins). Or, notons que ces bases ou minima ne sont plus (voire non) considérées comme acquises au travers d’un diplôme ou de l’École. En déplorant la baisse du niveau de compétences techniques dispensées et un allégement des programmes scolaires, les employeurs dénigrent au passage la qualité du système éducatif ainsi que son trop grand éloignement du monde de l’entreprise :
« Le problème, c’est que du coup, leurs enseignants sont déconnectés » (N° 10, gérant d’un restaurant, env. 35 ans, dix salariés et moins).
32 Or, dans ces types de métier, il est attendu que le nouvel embauché puisse être a minima et immédiatement « opérationnel » ; l’expérience est un critère important lors de l’embauche. Si la détention de compétences techniques est vue comme incontournable, ces dernières peuvent être vite mises à mal par le manque de compétences humaines. Lors de tests ou de mises en situation, les connaissances techniques peuvent même servir de révélateurs de certaines qualités humaines et notamment du savoir-être. Si ce dirigeant d’une entreprise de maroquinerie de luxe parle d’« acuité visuelle excellente » et d’« aptitudes manuelles » à déterminer avant l’embauche, s’ensuit un test technique où « ils découvrent des gestes professionnels qui sont une grille de qualification de leur écoute, de leur savoir être, de leur comportement… » (N° 17, env. 60 ans, 11 à 250 salariés). De la même manière, si pour cette patronne d’un salon de coiffure, « le geste on l’a ou on ne l’a pas », l’absence de savoir-être (par exemple un manque d’entretien de son apparence) est rédhibitoire :
« ça m’était aussi déjà arrivé d’avoir une coiffeuse qui était compétente et qui ne s’entretenait pas du tout, là, ça ne va pas, on est dans un métier de beauté » (N° 23, env. 50 ans, dix salariés et moins).
34 D’un autre côté, pour certains métiers, disposer de compétences sociales est mis en avant comme un préalable nécessaire, tandis que les compétences techniques sont considérées comme pouvant s’acquérir sur le tas, une fois en emploi : accueil et vente dans un cinéma, saisons dans le domaine viticole, réception et accueil dans l’hôtellerie, chargé d’accueil ou jardinier dans une entreprise de logements sociaux, agent de nettoyage, etc. En dehors du manque de compétences linguistiques qui est rédhibitoire, toute autre compétence technique est considérée comme pouvant s’acquérir dans le travail. La gérante d’un cinéma explique que :
« s’ils ont envie de rester ici, ils peuvent apprendre un métier de A à Z », une des « seules chose demandées », c’est « des gens qui aiment le cinéma », autrement dit des « cinéphiles » (N° 33, env. 40 ans, dix salariés et moins)
36 Les connaissances techniques sont considérées comme pouvant être acquises dans un second temps, par la formation interne ou par le biais du personnel existant.
37 En sondant « l’attitude », la « posture », le « comportement », les employeurs cherchent à détecter « la curiosité d’esprit », « la spontanéité », « le bon sens », des prédispositions considérées comme innées ou bien acquises dès le plus jeune âge :
« Le bon sens, je pense que c’est un acquis qui arrive très tôt, je pense que le bon sens, il arrive à quatre ans… » (N° 10, gérant d’un restaurant, env. 35 ans, dix salariés et moins).
39 Cette référence à des qualités innées qui revient à naturaliser certains comportements justifie que l’acquisition d'autres qualités, comme les connaissances techniques, soit difficile, voire impossible par la suite. Ce patron d’une entreprise de menuiserie dit pouvoir faire des concessions sur le niveau des savoir-faire et non sur les savoir-être qui sont, pour lui, « presque plus importants que la compétence technique » :
« Moi je n’en veux pas, je vais préférer quelqu’un qui est plus bas techniquement, mais qui a envie d’apprendre, qui écoute, etc. » (N° 9, env. 50 ans, 11 à 250 salariés).
41 Cette dirigeante d’une entreprise de distributeurs automatiques confirme cette prédominance attendue des savoir-être sur les savoirs techniques chez ses employés, dont la principale fonction est de remplir des machines de café et de gobelets :
« Quand il y a le savoir être, déjà, les trois quarts du boulot sont faits. Après, les compétences, ça c’est pas un problème » (N° 11, env. 40 ans, patronne d’une entreprise de distributeurs automatiques, 11 à 250 salariés).
43 Un gérant d’une entreprise de peinture en bâtiment précise qu'« au-delà du fait qu’ils ont des compétences professionnelles, ils ont aussi un savoir-être » (N° 7, env. 40 ans, moins de dix salariés). Les qualités personnelles attendues décrites comme des dispositions innées ou acquises dans le passé familial sont considérées comme des révélateurs des capacités à se former ou d'adaptation. L’« envie de vouloir apprendre » ou l’« envie d’évoluer » sont récurrentes dans les discours. D’une certaine manière, c’est une forme de malléabilité pour répondre aux besoins propres, spécifiques de l’entreprise, qui est attendue :
« Bien souvent, le CAP, (…), quand il est bien, entre guillemets, manipulé, est beaucoup plus fidèle pour travailler à long terme dans une entreprise, beaucoup plus constant et beaucoup plus arrangeant que quelqu’un qui vient là, qui maitrise un peu le truc » (N° 4, directeur régional, env. 60 ans, 251 salariés et plus).
45 Pour l’ensemble des entreprises, les qualités personnelles sont donc très présentes dans les discours des employeurs. En effet, toutes les personnes interrogées précisent qu’elles cherchent des candidats ou salariés « motivés », ce qui corrobore l’enquête de la Dares précédemment citée (Lhommeau et Rémy, 2022). Elles associent en outre leurs difficultés de recrutement à un manque de « savoir-être » :
« C’est difficile de trouver des gens qui ont envie de travailler. J’ai du mal à recruter » (N° 33, patronne d’un petit cinéma, env. 40 ans, dix salariés et moins).
47 Les salariés doivent être « dynamiques » et doivent accepter de travailler toute l’année. Si ce n’est pas le cas, c’est « rédhibitoire » pour cette patronne de cinéma. Comme elle le rappelle :
« On n’est pas censé se mettre à disposition […] je le vois dans les recrutements de plus en plus sur ces quelques années, on a l’impression qu’on est au service du demandeur d’emploi ».
49 Ce manager expert en automobile explique que « c’est peut-être des qualités humaines où c’est dur ». Il ajoute qu’ils ont « un peu souffert de comportements pas simples à gérer » (N° 37, env. 35 ans, 11 à 250 salariés). Difficile alors pour les employeurs d’avoir « confiance » et d’identifier des candidats qui seront « fidèles » à l’entreprise. Empruntant à la cité domestique, les employeurs valorisent des formes de proximité et de hiérarchie dans un contexte incertain.
2.2 Une cité domestique ébranlée
50 Malgré ce manque de compétences lié à une carence de candidats, les employeurs doivent identifier ceux qui peuvent supporter les conditions de travail difficiles. Lhommeau et Rémy (op. cit., p. 18) soulignent que pour les « métiers manuels », majoritairement des postes d’ouvriers, les employeurs recherchent un certain « courage », une « capacité physique » et une « volonté » chez les candidats qui doivent « être capables de faire face aux conditions de travail difficiles associées à ces métiers ». Même dans un contexte incertain, les employeurs peuvent difficilement embaucher sans sélectionner les candidats (Forte, Monchatre, op. cit.). La cité domestique est souvent mobilisée lors du recrutement pour expliquer les critères de sélection.
Les pratiques de cette cité reposent sur un fonctionnement justifié par la tradition. Nous avons caractérisé sa présence dans les entretiens en analysant la récurrence et l’emploi des mots suivants : hiérarchie, tradition, confiance, fidélité, valeur, passé, famille, chef, patron, devoir, autorité, éduquer, respecter, proximité, maison. Ce principe transparaît au travers d’une récurrence de termes : fidélité, valeurs, famille, éduquer, patron. Cette cité repose sur la fidélité, la tradition, la loyauté envers les personnes qui s’expriment dans cette enquête, notamment envers le patron. Le respect des valeurs, principalement rapportées à l’espace de la famille, vient compléter les modalités d’expression de cette cité. Les enquêtés qui s’inscrivent dans cette cité expriment plus souvent le regret d’une tradition disparue, le manque de respect envers les patrons, la dissolution du cadre et des valeurs familiales traditionnelles.
Le registre de représentation de la cité domestique guide le jugement sur les qualités individuelles des personnes (et non à partir de leurs qualifications, au sens de la cité industrielle). Boltanski et Thévenot précisent que dans la cité domestique, on attache beaucoup d’importance au respect de la norme, les comportements s’en éloignant étant identifiés comme déviants.
51 Lorsque l’on reprend, dans les entretiens, les marqueurs de la cité domestique, ceux qui les mobilisent sont les chefs des PME ou TPE, à dominante artisanale : restauration (restaurant, distributeurs automatiques), métiers du bâtiment (menuisier, charpentier, peintre), agriculture (viticulteur), artisanat d’art (maroquinerie).
52 D’après les représentations des employeurs de notre enquête, les références à cette cité pourraient correspondre au non-respect des horaires, à « la façon de parler, l’agressivité », comme l’explique cette cheffe d’entreprise de peinture en bâtiment (N° 8, env. 40 ans, 10 salariés et moins,), etc. Au contraire, le respect des « codes » est fortement attendu. « La personne qui arrive bien habillée, propre et à l’heure [et qui] rentre dans les cases » a plus de chances d’inspirer « confiance » aux employeurs (N° 12, patronne d’un restaurant, env. 35 ans, 10 salariés et moins). En dehors de l’apparence et pour identifier les candidats considérés comme fiables, les employeurs interrogés ont souvent recours aux réseaux de proximité (bouche à oreille, cooptation…). Ce canal de recrutement est d’ailleurs souvent mobilisé pour embaucher des salariés peu qualifiés (Nadai et Hübscher, 2022) car les recruteurs ont moins la possibilité d’identifier des signaux plus formels comme le diplôme (Spence, 1973). Les employeurs interrogés, en particulier dans les PME, méconnaissent le système de formation initiale et ne font pas toujours la différence entre un CAP obtenu en lycée professionnel ou par apprentissage dans un centre de formation d’apprentis (CFA). Ainsi, le rôle de la qualification et du diplôme comme signaux est moindre. Les mises en situation et les contacts prolongés avec les autres collègues sont également présentés comme des moyens de « ressentir » « si oui ou non on peut travailler avec [un candidat] » (N° 1, femme responsable en Ressources humaines, env. 30 ans, 251 salariés et plus).
53 C’est principalement lors des contacts prolongés que les employeurs peuvent s’appuyer sur leur « sensibilité », leurs ressentis, leur « feeling », le « coup de cœur » et leurs impressions subjectives, voire sur l’affect que leur inspirent les candidats. Ils essaient d’identifier les critères d’adhésion à la cité domestique : respect de la hiérarchie, partage de valeurs communes, investissement dans le collectif, etc. La référence à une culture commune vise à permettre le bon fonctionnement de l’entreprise. Ainsi un gérant de restaurant explique que pour recruter un chef de cuisine :
« Je vais regarder la technique plus que le reste [le tempérament]. Je n’ai pas besoin d’un chef pour tenir mon restaurant quand j’y suis quoi, […] pour qu’il y ait un équilibre » (N° 10, env. 35 ans, 10 salariés et moins).
55 Il s’agit également de vérifier que les salariés vont adhérer à l’identité de l’entreprise, son image de marque et la faire vivre : le respect des règles et des traditions vise à assurer la pérennité de ce qui fait la réputation de l’entreprise.
56 Posséder les mêmes valeurs est présenté comme le moyen d'établir une base relationnelle. En effet, celles-ci sont souvent envisagées comme un socle commun. C’est ce que ce chef d’entreprise dans le domaine de la menuiserie désigne par la notion d’ » état d’esprit » :
« C'est une question de valeurs d’entreprise où là aussi on préfère ce type de gars que des gens qui sont certes bons, mais qui n’ont pas le bon état d’esprit » (N° 9, env. 50 ans, 11 à 250 salariés).
58 L’adhésion à ces valeurs (par exemple d’honnêteté et de loyauté) devrait permettre aux salariés de faire cause commune avec la direction et de durer dans l’entreprise, voire dans le secteur ou le métier (transcender/relativiser la pénibilité, promouvoir la proximité relationnelle ou l'écoute des usagers…). La volonté de créer de toutes pièces ces valeurs partagées répond à une impression de distance entre salariés et patrons, souvent attribuée à des évolutions « générationnelles ». Ce décalage entre les attentes des employeurs et les comportements des salariés est souvent associé à un déficit de socialisation, notamment familiale.
59 Le registre de la famille est mobilisé, soit en termes d’attachement à ses propres valeurs familiales (supposées avoir permis la réussite du chef d’entreprise), soit comme modèle entrepreneurial (entreprise familiale). On trouve également une représentation des relations en entreprise proche des relations familiales, avec une dimension paternaliste et hiérarchique parfois très assumée où celui qui est en situation de pouvoir doit prendre soin des plus faibles : certains employeurs affirment aider et soutenir leur personnel en servant de garants pour leur logement ou en proposant des arrangements financiers notamment. Ces relations participent à déterminer la position hiérarchique des salariés puisque « dans le monde domestique, les êtres sont immédiatement qualifiés selon leur grandeur » (Boltanski et Thévenot, 1991, p. 207). Cette personne du service RH de la grande distribution explique ainsi qu’elle a recruté un boucher qui n’avait qu’« une petite expérience dans une petite boucherie » afin de « l’accompagner sur [leur] manière de fonctionner, [les] valeurs de l’enseigne » (N° 14, env. 35 ans, 251 salariés et plus). Ce salarié aura ainsi plus de chances d’entretenir des relations de confiance avec ses supérieurs.
60 Étant donné que dans le monde domestique « le supérieur est bienveillant et serviable » (Boltanski et Thévenot, Ibid., p. 209), certaines personnes interrogées, comme ce chef d’entreprise de maroquinerie de luxe, chercheront à instiller des rapports humains plus chaleureux, par l’entremise par exemple d’activités de loisirs ou de convivialité :
« Faire de la spéléo, je les ai emmenés plonger dans le lac, on a fait plein de sorties, on a fait des raquettes de nuit et puis aller bouffer une raclette ».
62 À travers ces activités, les employeurs cherchent à vérifier l’engagement, la loyauté, l’honnêteté des futurs salariés, ainsi que des formes de fierté ou d’attachement à une enseigne ou une marque.
63 Malgré la volonté des employeurs de créer des liens avec les candidats et les salariés embauchés, il semblerait que mobiliser la cité domestique n’aboutisse pas toujours à des recrutements pérennes. Certains employeurs précisent ainsi qu’ils ont été amenés à modifier leurs stratégies de recrutement à la suite de plusieurs échecs :
« Erreurs de débutant. Où on a fait confiance, au départ, on a fait énormément confiance et on s’est retrouvé dans des situations pas possibles » (N° 12, patronne d’un restaurant, env. 35 ans, 10 salariés et moins).
65 Cette confiance trahie vient ébranler le contrat moral établi dans le cadre de la cité domestique.
66 Les employeurs tentent d’expliquer l’ébranlement de la cité domestique par une évolution « générationnelle » qui apparaît davantage comme une évolution sociale plus globale puisqu’elle touche a priori toutes les classes d’âge en activité. Néanmoins, les discours montrent une difficulté à abandonner le recours à cette cité dans les processus de justification. Certains employeurs tentent de s’ouvrir à une autre logique qui reconnaît mieux la part individualiste des actions et la recherche de sens dans l’activité humaine, c’est-à-dire la cité inspirée.
2.3 Une cité inspirée pour tenter de se renouveler
La cité inspirée repose sur le principe du jaillissement de l’inspiration. Détachée des contingences matérielles, elle est incarnée par la figure du génie créatif qui s’abandonne à la grâce. Elle comprend également une dimension ascétique : en se coupant des réalités matérielles, en se dépouillant des nécessités physiques, la personne espère être la plus fidèle à son inspiration propre. C’est une recherche de singularité qui bouscule les habitudes, les remet en question, mais c’est surtout une recherche d’authenticité. Pour cette cité, nous avons analysé la présence des mots-clés suivants : inspiration, créer, découvrir, recherche, imaginer. Les enquêtés dénoncent chez leurs salariés cette recherche de sens dans leur activité professionnelle, et leur incapacité, réelle ou supposée, à trouver leur place dans la culture et les fonctionnements en place dans l’entreprise.
67 Les recruteurs se trouvent contraints et forcés d’« accueillir les changements d’états » (Boltanski et Thévenot, 1991, p. 200) du marché de l’emploi et s’interrogent sur les raisons de ces changements. Mais au-delà du comportement stéréotypé de certaines catégories de candidats à l’embauche et de l’image négative de certains milieux professionnels, la plupart décèle une remise en cause profonde de la place et de la valeur du travail et notamment de l’emploi stable dans notre société et dans la vie des travailleurs et travailleuses notamment.
68 Si la covid et le confinement auraient eu un effet de « déshabituation » au travail pour certains (N° 21, gérant d’un hôtel, 25 ans et moins, 10 salariés et moins), pour d’autres, ce renversement dans les valeurs ou le rapport au travail et à l’entreprise était bien antérieur. Pour certains, il relève de la réduction du temps de travail (« Les 35 heures ! ! ! ») ; d’autres y voient ce que Dominique Méda (2010) appelle un rapport « désenchanté » au travail, c’est-à-dire une relation de détachement ou de désinvestissement envers celui-ci.
69 Beaucoup affichent leur pessimisme, voire se disent alarmistes en voyant un avenir sombre, des scénarios de fin du monde (« notre système va s’effondrer »). Certains y lisent une occasion pour les salariés de porter un autre regard sur le travail :
« Un sentiment post-Covid qui fait que les gens se remettent en question et cherchent peut-être quelque chose de nouveau et une nouvelle dynamique au travail » (N° 28, chargé de projet GRH dans une entreprise de blanchisserie industrielle, env. 25 ans, 251 salariés et plus).
71 Cela donne aux responsables RH l’occasion « de se remettre en question », une opportunité à saisir pour « recruter autrement ». Le chef d’une entreprise de maroquinerie de luxe exprime ainsi la conscience qu’il a de ces changements :
« Il y a une vraie ré-interrogation du sens de l’existence, ‘Qu’est-ce que je fais de ma vie ?’ » (N° 17, env. 60 ans, 11 à 250 salariés).
73 Des patrons vont tenter de s’organiser et, pour certains, de développer des systèmes d’entraide : comme le prêt de salariés entre restaurants ou le recours à la prestation de services d’anciens confrères boulangers partis en retraite. Plusieurs constatent les retombées délétères que le turnover induit en termes de surcroît de travail (fatigue ou démission de salariés plus anciens démotivés par l’intégration régulière de nouveaux candidats), de santé physique (mal de dos, tendinites), de santé psychologique (« une charge mentale », N° 29, env. 50 ans, chef d’une entreprise de nettoyage et services à domicile, 11 à 250 salariés).
74 Ce changement de situation conduit une partie d’entre eux à redessiner les contours et le contenu du travail. Le manque de main-d’œuvre les oblige à repenser les moyens pour conserver les salariés et pour en attirer de nouveaux, les conduisant à emprunter quelques idées ou attitudes issues du monde de l’inspiration, théorisé par Boltanski et Thévenot (1991) [4] et renvoyant aux notions suivantes : chaleur, originalité, créativité, rêve, imagination. Si les mots-clés retenus pour caractériser cette cité apparaissent bien dans les entretiens avec les recruteurs, leur mobilisation dénote une ambivalence. Il semble que l’apparition de cette cité dans les discours soit moins une volonté de s’inscrire dans un nouveau modèle de relation salariale que la nécessité de prendre en compte les attitudes envers le travail des (potentiels) salariés. Ainsi cette inscription dans la cité inspirée est-elle à nuancer.
75 Parallèlement aux constats du déficit d’implication et d’attachement à la valeur travail, les employeurs interrogés prennent acte d’un rapport moins lucratif ou alimentaire au travail et de la place prépondérante d’un « espace hors travail » (Gorz, 2004) valorisant le temps libre et la vie de famille. Ce constat rejoint celui de Méda et Vendramin (2013) et notamment le fait que les français « sont les plus nombreux à souhaiter voir le travail occuper moins de place » dans leur vie par rapport à leurs voisins européens (p. 94).
76 Cet attachement aux loisirs et aux relations familiales ou amicales les conduit à revisiter la vie dans le travail, mais surtout hors de celui-ci et à penser la meilleure conciliation entre ces deux sphères, professionnelle et personnelle. Sont ainsi prises très au sérieux des notions comme celles de « bien-être au travail », « équilibre » et « qualité de vie ». Des recruteurs disent rechercher au-delà des projets professionnels et s’intéressent aux loisirs, aux envies de voyage par exemple :
« Je cherche plutôt à savoir, c’est quoi sa vie, c’est quoi ses aspirations » (N° 19, chef d’une entreprise de charpente, env. 35 ans, moins de 10 salariés).
78 Les domaines extraprofessionnels de la vie des salariés, autrefois ignorés, sont désormais attentivement scrutés lors d’une procédure de recrutement.
79 D’autres stratégies mobilisées par les employeurs les amènent à se mettre en position de créateur ou du moins de penseur d’un nouveau rapport au travail. Un premier type de levier actionné est de fournir plus de temps libre. Proposer la semaine de quatre jours de travail, tel est le choix d'une entreprise de menuiserie afin de libérer du temps et réduire les dépenses (de transport, de garde d’enfants) à ses salariés :
« Le jeudi soir en weekend, c’est quand même du pur bonheur » (N° 9, env. 50 ans, 11 à 250 salariés).
81 Afin de pouvoir conserver ses nouveaux employés, un patron d’une entreprise de nettoyage et de services à domicile cherche à mieux « articuler vie privée et vie professionnelle » en établissant désormais le planning d’intervention de ses travailleurs en fonction de leurs contraintes horaires personnelles et familiales et non plus par rapport aux besoins des clients :
« Donc, nous, les salariés qui viennent, on leur demande ‘Quand est-ce que vous pensez être disponibles ? Quand est-ce que vous voulez travailler ? Vous emmenez vos enfants à l’école, à quelle heure vous êtes disponible ?’ Ok. Et ensuite, on trouve les clients. En fait, il y a toujours eu de la demande clients, donc, nous, notre problématique, c’est le salarié » (N° 29, env. 50 ans, 11 à 250 salariés).
83 Les recruteurs répondent finalement assez peu par des hausses de salaire. Pour beaucoup, elles ne sont pas envisageables compte tenu du contexte très concurrentiel dans lequel ils travaillent. Quand ils existent, ces ajustements se font à la marge, sous forme de primes ou de participation salariale, mais limitées aux entreprises en bonne santé ou de grande taille :
« Une prime, en fait, d’assiduité, clairement pour essayer de régler ce problème récurrent d’arrêts de travail au milieu de la saison […] et après, la deuxième prime, c’est la prime du travail bien fait, alors celle-ci, elle est beaucoup plus difficile à mettre en place » (N° 21, gérant d’un hôtel, 25 ans et moins, 10 salariés et moins)
85 Des avantages « en nature » sont également proposés aux salariés pour améliorer leur santé physique et morale et pour nourrir leur lien à l’entreprise, comme la mise à disposition d’une corbeille de fruits, l’octroi d’une séance d’ostéopathie sur le temps de travail ou la dispense d’exercices musculaires comme dans l’entreprise de maroquinerie de luxe. Ces petites « attentions », « des petites choses du quotidien », ces « petits gestes qui comptent » (N° 19, chef d’une entreprise de charpente, env. 35 ans, moins de 10 salariés) permettent aux employeurs de faire acte de bienveillance, de faire preuve d’empathie et de considération pour leur personnel. Ces attitudes qui se veulent éloignées du modèle traditionnel de l’employeur conduisent certains employeurs à se décrire comme « humanistes », disant même « faire du social ».
86 Un dernier levier actionné est d’intervenir sur des perspectives d’évolution professionnelle, voire des carrières hors de l’entreprise. Des patrons cherchent à faire preuve d’inventivité en réfléchissant à la mise en œuvre d’outils pour valoriser leurs salariés et leurs compétences au travers, par exemple, d’« une sorte de VAE :
« Parce que nous on forme en interne, mais peut-être qu’il va falloir qu’on fasse un truc, un diplôme, en tout cas que quand la personne s’en va, on lui dise ‘Voilà, vous avez acquis telle et telle compétences, on vous valide’ et si l’entreprise veut nous appeler, elle aura ce document. » (N° 29, chef d’une entreprise de nettoyage et services à domicile, env. 50 ans, 11 à 250 salariés).
88 Bien que cherchant à redoubler de créativité, la plupart des employeurs ne mobilisent la cité inspirée que de manière superficielle, presque comme un élément de langage pour répondre aux attentes des salariés, sans faire la part belle à cette convention. L’investissement plein et entier au sein de la cité inspirée supposerait d’accorder beaucoup d’autonomie aux salariés, et tout particulièrement leur permettre d’innover sur les pratiques professionnelles ou les modalités du travail. Or, aucun des recruteurs interrogés ne mentionne cette possibilité.
Conclusion et discussion
89 Cette étude a cherché à mettre en lumière et à analyser les répertoires de représentations mobilisés par des recruteurs dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Ces répertoires de représentations émanent de leurs pratiques antérieures de recrutement qui se rattachent à des attentes normatives renvoyant très souvent à la cité domestique faite d’allégeance à la tradition, de principes de fidélité et de stabilité. Cette cité semble pourtant ébranlée face à une jeunesse perçue comme « peu motivée » et « peu fiable », avec un manque de savoir-être obligeant les employeurs à repenser à nouveaux frais les moyens d’attirer et de conserver les salariés. Pour tenter de faire face à une situation considérée comme inédite, les chefs d’entreprise, notamment ceux de petites structures de secteurs peu attractifs, disent devoir faire preuve d’inventivité, voire redoubler d’ingéniosité pour attirer et surtout conserver leurs salariés, en puisant pour cela dans le registre de la cité inspirée.
90 Ainsi, les employeurs tentent de prendre acte des attentes sociales des salariés, dont le rapport au travail évolue. Certaines dimensions du travail semblent incarnées dans leur discours : les primes accordées aux salariés peuvent répondre aux attentes instrumentales, extrinsèques ou matérialistes (Nicole-Drancourt et Roulleau-Berger, 2001). Pourtant, comme le rappelle Coutrot (2018, p 149), ces facteurs de satisfaction « ne motivent pas, ils ne font que démotiver s’ils sont inadéquats ». En proposant une semaine de quatre jours, les entreprises semblent aussi proposer des solutions pour répondre au besoin de rééquilibrer le temps passé au travail et celui dédié aux autres sphères de la vie (Méda et Vendramin, op. cit.).
91 Cependant, les solutions qui ressortent dans le discours des employeurs interrogés renvoient rarement à des dimensions intrinsèques, sociales ou symboliques (Nicole-Drancourt et Roulleau-Berger, op. cit.). Coutrot et Perez (op. cit.) identifient deux dimensions du travail qui peuvent illustrer ces rapports au travail : le sentiment d’utilité associé à une « fierté du travail bien fait » ainsi que le « sens par rapport à l’accomplissement de soi ». Dit autrement, les employeurs ne semblent pas chercher à « redonner du sens au travail » ou encore à « émanciper le travail », alors même que les emplois peu qualifiés et les tâches d’exécution et répétitives inviteraient à proposer des changements dans l’organisation du travail ou l’activité en elle-même. Ainsi, les employeurs, bien qu’empruntant au vocabulaire qui renvoie à la cité inspirée, ne proposent pas ou peu de solutions qui seraient perçues comme réellement innovantes par les salariés.
92 Pour répondre aux attentes actuelles des travailleurs et afin de minorer leurs difficultés de recrutement, les entreprises pourraient pourtant articuler la cité domestique à la cité inspirée : proposer une relation entre l’employeur et le salarié davantage basée sur le partage d’une expérience vécue, la transmission de pratiques, de savoirs et l’acquisition de connaissances. Cette articulation renvoie au rapport entre un maître et son disciple (Boltanski, Thevenot, op. cit., p. 357). Une telle relation comprend à la fois la reconnaissance du maître (son expérience, ses connaissances, sa capacité à accompagner – que l’on retrouve dans la cité domestique) et la recherche d’authenticité et de singularité chez le disciple, afin de lui permettre de trouver sa voie au contact de celui qui l’a déjà trouvée (ce qui correspond à la cité inspirée). Ce compromis serait une façon de rendre du pouvoir d’agir au salarié, lui permettant de redonner du sens à son activité (Coutrot et Perez, op. cit.). Plus que se libérer du travail, les salariés pourraient alors « libérer le travail ».
93 Annexe
Annexe 1 : Tableau 1- Caractéristiques des entreprises et des recruteurs interrogés
Annexe 1 : Tableau 1- Caractéristiques des entreprises et des recruteurs interrogés
Suite Tableau 1
Suite Tableau 1
94 1 Les métiers retenus pour cette enquête requièrent en principe des diplômes ou niveaux d’études bac ou infra-bac (de niveaux CAP, BEP ou Bac).
95 2 Les interrogés parlent aussi des commerciaux mais ces emplois requièrent un niveau Bac + 2. Nous ferons donc référence au métier de vendeur qui requière un bac pro ou CAP.
96 Nbr recrutement / an : CDD, CDI, alternant ; * < ou = 1/an ; ** 1 à 5 par an ; *** + de 5 par an.
97 Difficulté de recrutement : * arrive à trouver du monde, ** déploie beaucoup d’effort pour en trouver, *** doit réduire l’activité car postes restent vacants.
98 Sigles : ABS : sans diplôme, BTS : Brevet de Technicien Supérieur, BP : Brevet professionnel, CAP : Certificat d’Aptitude professionnelle, DUT : Diplôme universitaire de Technologie, GEA : Gestion des entreprises et Administrations, GRH : Gestion des Ressources Humaines, LEA : Langues étrangères appliquées, RH : Ressources Humaines.
99 Source : Enquête menée par Ines Albandea, Pierre-Yves Bernard, Pauline David et Manuella Roupnel-Fuentes
100 L’enquête repose sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès de personnes en charge du processus de sélection et de recrutement des personnels de premiers niveaux de qualification (niveau V ou IV)(*) en formation (sous contrat d’apprentissage) ou diplômés. Elle constitue initialement une enquête exploratoire sur la réception des politiques d’excellence en matière de formation professionnelle initiale, enquête qui vise à mieux saisir les critères de recrutement à ces niveaux de qualification. La construction de l’échantillon s’est faite sur la base de renseignements fournis par des informateurs divers, avec la volonté de toucher un ensemble contrasté de recruteurs, sans souci de représentativité. Il s’agit donc de saisir l’éventuelle diversité des représentations, mais également des éléments qui apparaissent communs dans les réponses des enquêtés.
101 Nous avons ainsi réalisé des entretiens auprès de 38 personnes, représentant 34 entreprises (quatre entretiens ont été réalisés avec un binôme). Le tableau 1 en annexe électronique indique, pour chaque entreprise, son secteur d’activité, sa taille, les métiers, s’ils correspondent à des emplois qualifiés ou non et le degré de difficulté dans les recrutements, ainsi que la fonction dans l’entreprise, le niveau de diplôme, le sexe et la tranche d’âge de chaque personne interrogée.
102 Les tailles de ces entreprises sont très diverses. 15 sont des très petites entreprises de moins de 11 salariés, 12 des petites et moyennes entreprises (PME) de 11 à 250 salariés, 11 des moyennes et grandes entreprises ou administrations, réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain.
103 L’échantillon comprend des entreprises issues des secteurs de la production agricole ou industrielle, du bâtiment et travaux publics (BTP), de l’énergie et des transports, et du domaine tertiaire, ce qui couvre des branches variées : agriculture (viticulture, jardinerie), bâtiment (peinture, menuiserie, charpente), maroquinerie, quincaillerie, boulangerie, industrie mécanique, maintenance industrielle, énergie, gestion de l’eau, hôtellerie-restauration, grande distribution, services à la personne et services municipaux.
104 Les personnes interrogées sont des chefs d’entreprise (20), gérants (4), responsables ou directeurs de ressources humaines (RH) (9), ou encore des membres de la hiérarchie intermédiaire (chef d’équipe, responsable de service, etc.) (5).
105 Les entretiens transcrits ont fait l’objet d’une analyse au prisme des conventions définies par Boltanski et Thevenot (1991). Deux cités dominent dans les entretiens : domestique et inspirée. Elles ont été identifiées à partir de mots-clés (cf. 2.1 dans l’article).
106 (*) : Niveau V : CAP-BEP ; niveau IV : Bac ou équivalent.
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Notes
-
[1]
La France vit-elle une « Grande démission ? », Dares, 11 octobre 2022.
-
[2]
Les difficultés de recrutement peuvent aussi être liées à des emplois vacants ou plutôt des emplois à pourvoir à un instant donné, ce qui reflète le temps nécessaire pour que les entreprises effectuent les démarches d’embauche.
-
[3]
Façon de s’exprimer, façon de communiquer, façon de se comporter, etc.
-
[4]
« L’inspiré est disposé à se mettre en état de recherche, à entrer dans des rapports d’affectivité, seuls rapports qui engendrent la chaleur, l’originalité et la créativité entre individus, à rêver, à imaginer » (Boltanski, Thévenot, 1991, p. 204).