Notes
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[1]
Rose J., Qu’est-ce que le travail non qualifié ?, Paris, La dispute, 2012. On peut se reporter à la présentation de l’ouvrage de R. Pierron, »La non-qualification : révélateur ultime ou masque multiforme de la nature du travail ? Recension de l’ouvrage de José Rose, Qu’est-ce que le travail non qualifié ? », Formation Emploi [En ligne], 119 | juillet-septembre 2012, URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/3747 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.3747 ou à une présentation vidéo
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[2]
ANR-18-CE26-0021, voir le programme de recherche Squapin, https://squapin.hypotheses.org/
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[3]
À un autre niveau, sur la relativité de la qualification dans une perspective internationale, on pourra consulter : La crise des emplois non qualifiés, dirigé par Samir Amine (2015, Montréal, Presses internationales Polytechniques, Collection « Novathème », 190 p., ainsi que Clément Dherbécourt et Cécile Jolly, Note d’analyse 98 – « Polarisation du marché du travail : y a-t-il davantage d’emplois peu qualifiés ? », https://www.strategie.gouv.fr/publications/polarisation-marche-travail-y-t-davantage-demplois-qualifies
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[4]
Voir la critique de Jean-Pascal Higelé, » José Rose, Qu’est-ce que le travail non qualifié ? », in La nouvelle revue du travail [En ligne], 2 | 2013. URL : http://journals.openedition.org/nrt/593 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nrt.593
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[5]
Foucault M. (1990), Les mots et les choses, Paris, Gallimard.
1 La non-qualification est un enjeu socio-économique à l’heure des exhortations à l’Europe de la connaissance. Qu’en est-il aujourd’hui de la qualification ? C’est à tout le moins une notion plurielle. On distingue usuellement la qualification du travail, de l’emploi et de la personne [1]. Le travail renvoie aux compétences mobilisées, aux conditions de travail et à leur organisation ; l’emploi s’inscrit dans des grilles de classification et de rémunération qui se matérialisent dans un contrat de travail ; la qualification de la personne est fondée sur sa formation ainsi que sur ses compétences (savoirs, savoir-faire, savoir-être…).
2 La qualification mobilise donc de nombreux registres. Une des originalités de ce dossier est de s’intéresser à la dynamique des parcours avec une attention particulière accordée au rôle de la formation. Il fait suite au programme de recherche SQUAPIN (“Salariés en emploi peu qualifié : quelles perspectives face à l’injonction de devenir acteur de leur parcours professionnel ?”) financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) [2].
3 L’article de Marion Lambert & Isabelle Marion-Vernoux s’attache à quantifier le triptyque classique de la faible qualification. Il apparaît alors que non seulement ces trois dimensions ne se recoupent que partiellement, mais que, de plus, si l’on prend en compte les dynamiques du travail, d’autres situations initialement non identifiées comme telles relèvent de la non-qualification. L’article permet ainsi d’identifier du travail dit non qualifié masqué.
4 Ce panorama une fois dressé, deux articles éclairent le rôle de l’aspiration à s’en sortir. Catherine Béduwé, Assâad El Akremi & Camille Stephanus montrent que le souhait de se former favorise l’accès à la formation. Toutefois, les inégalités entre les salariés en emplois qualifiés et ceux en emplois non qualifiés persistent et demeurent significatives. Pour leur part, Vanessa di Paola, Xavier Joutard & Stéphanie Moullet éclairent le rôle de l’aspiration à changer de métier. Les jeunes sans titres scolaires ont une moindre propension à aspirer, et lorsque celle-ci s’exprime, elle ne se réalise que pour celles et ceux déjà en emploi qualifié.
5 Comme le détaillent Camille Stephanus et Josiane Vero, du vouloir au pouvoir la route est parfois difficile et inégale pour se reconvertir. Mais comme le précisent Alexie Robert & Arthur W. Félix Sawadogo, la crise sanitaire n’a pas creusé ces inégalités, même si : « les jeunes en début de carrière occupant un emploi peu qualifié au début de la crise apparaissent davantage confrontés à de la mobilité externe, notamment à une sortie de l’emploi vers le chômage, l’inactivité ou la reprise d’études ».
6 Le rôle des employeurs apparaît central face aux défis de ce que serait la faible qualification. Tout d’abord, Ines Albandea, Pauline David, Manuella Roupnel-Fuentes & Pierre-Yves Bernard montrent comment peuvent évoluer les stratégies de recrutement des employeurs pour faire face au déséquilibre entre offre et demande, en particulier pour les métiers peu qualifiés où les conditions de travail sont souvent difficiles et les emplois peu attractifs. Adèle Burie, François-Xavier Devetter & Julie Valentin complètent cette analyse en s’intéressant aux métiers du nettoyage, figure courante des métiers considérés comme peu qualifiés. Les auteurs soulignent qu’au-delà de considérer la formation comme seule préparation des salariés à l’emploi, il est possible de repenser le travail et les parcours professionnels, notamment grâce à la reconnaissance par l’employeur des compétences mobilisées. On retrouve ces défis, même dans des entreprises a priori sensibles au sort des moins favorisés, comme les organisations humanitaires internationales. Ainsi, selon Jean Émile Mba, Éveline Keuya & Janyck Beaulieu, au Cameroun et pour les agents d’entretien travaillant pour ces organisations, la non-reconnaissance des compétences et les rapports de domination s’accompagnent souvent de profondes inégalités de carrière [3].
7 La qualification apparaît ainsi plurielle au fil de ce dossier, pétrie de rapports sociaux, alors même qu’en substance, comme le soulignait déjà José Rose (op. cit) il serait dénué de sens de parler de personnes ou de travaux sans qualités acquises ou requises [4]. Après la crise sanitaire mondiale qui avait révélé le rôle essentiel de professions dites peu ou pas qualifiées, et à l’heure des tensions sur le marché du travail et de la montée de l’intelligence artificielle, ces réflexions révèlent les défis et les limites inhérentes au fait de caractériser les personnes, le travail, ou les emplois comme non ou peu qualifiés, au risque de les chosifier [5].
Notes
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[1]
Rose J., Qu’est-ce que le travail non qualifié ?, Paris, La dispute, 2012. On peut se reporter à la présentation de l’ouvrage de R. Pierron, »La non-qualification : révélateur ultime ou masque multiforme de la nature du travail ? Recension de l’ouvrage de José Rose, Qu’est-ce que le travail non qualifié ? », Formation Emploi [En ligne], 119 | juillet-septembre 2012, URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/3747 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.3747 ou à une présentation vidéo
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[2]
ANR-18-CE26-0021, voir le programme de recherche Squapin, https://squapin.hypotheses.org/
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[3]
À un autre niveau, sur la relativité de la qualification dans une perspective internationale, on pourra consulter : La crise des emplois non qualifiés, dirigé par Samir Amine (2015, Montréal, Presses internationales Polytechniques, Collection « Novathème », 190 p., ainsi que Clément Dherbécourt et Cécile Jolly, Note d’analyse 98 – « Polarisation du marché du travail : y a-t-il davantage d’emplois peu qualifiés ? », https://www.strategie.gouv.fr/publications/polarisation-marche-travail-y-t-davantage-demplois-qualifies
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[4]
Voir la critique de Jean-Pascal Higelé, » José Rose, Qu’est-ce que le travail non qualifié ? », in La nouvelle revue du travail [En ligne], 2 | 2013. URL : http://journals.openedition.org/nrt/593 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nrt.593
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[5]
Foucault M. (1990), Les mots et les choses, Paris, Gallimard.