Notes
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Ont participé à cette enquête : Renaud Cornand, Caroline Hache, Sophia Laiz, Emily Lopez-Puyol, Françoise Lorcerie, Noémie Olympio, Alice Pavie, Ariane Richard-Bossez, Nathalie Richit.
Introduction
1 La notion d’excellence s’est progressivement imposée dans la politique française d’éducation prioritaire entre 1999 et 2005 (Bongrand, 2011) et y a perduré à travers une succession de programmes s’en réclamant. Ainsi, en 2000, les Pôles d’excellence voient le jour. Puis, en 2005, à la suite d’initiatives de Sciences Po Paris (Conventions Éducation Prioritaire) et de l’École Supérieure des Sciences économiques et Commerciales (programme « Pourquoi pas moi ? ») une « Charte pour l’égalité des chances dans l’accès aux formations d’excellence » est signée entre plusieurs ministères, dont celui de l’Éducation nationale, et la conférence des présidents d’université, celle des grandes écoles et celle des directeurs d’écoles et de formations d’ingénieurs. Cette charte se concrétise par la mise en place des Cordées de la réussite, en 2008. En 2010, ce sont les Internats d’excellence qui sont instaurés et en 2016, les Parcours d’excellence (PAREX) qui finiront par fusionner avec les Cordées de la réussite en 2020.
2 Comme le souligne P. Perrenoud, l’« excellence n’a de valeur sociale que lorsqu’elle n’est pas accessible à tous » (2010, p. 70). Conséquence de ce principe, ces politiques successives ont en commun de distinguer des élèves au sein de l’éducation prioritaire sur la base de critères mélioratifs (« motivation », « potentiel », « bons résultats »…) afin de répondre à leur besoin éducatif construit comme spécifique (Cornand et al., 2021).
3 Ces politiques d’excellence cristallisent ainsi une montée en puissance de la rhétorique du mérite (Duru-Bellat, 2009). Elles entérinent l’idée d’inégalités justes entre les élèves, à condition qu’elles reposent sur des écarts de talents, d’effort ou de volonté. Les élèves sélectionnés sont considérés comme « méritants » à la fois par rapport aux élèves qui feraient preuve des mêmes qualités, mais dans un contexte sociogéographique plus privilégié, et par rapport aux élèves de l’éducation prioritaire chez qui celles-ci ne seraient pas décelées. La distinction de ces élèves produit, dans leurs établissements, une partition à la fois symbolique – par des opérations de tri et de classements fondées sur l’attribution de valeurs inégales aux bénéficiaires et aux non-bénéficiaires – mais aussi matérielle – par l’accès à des ressources culturelles ou scolaires supplémentaires.
4 Dans le même temps, ces programmes entendent préserver l’illusion méritocratique. Leur existence témoigne de l’absence de correspondance entre mérite scolaire et mérite individuel et d’une volonté de combler cet écart en substituant au « mérite hérité » un « mérite méritant » (Pasquali, 2021, p. 184). Si tant est que cet objectif soit atteignable et souhaitable, sa réalisation pourrait prendre plusieurs formes. Les stratégies retenues peuvent varier selon la définition donnée au mérite et les modalités choisies pour le reconnaître. Est-il mesuré en termes absolus ou relatifs : y-a-t-il des positions dont l’atteinte témoigne à elle seule du mérite ? S'agit-il de considérer l’ampleur du chemin parcouru ou encore les efforts réalisés, sans obligation de résultat ? Est-il défini en termes académiques ou non ? S’agit-il de renouveler les formes de mérite prises en compte et reconnues ?
5 Le programme national PAREX (2016-2020) constitue un cas d’étude intéressant pour analyser ces dynamiques sélectives et les conceptions du mérite qu’elles mobilisent, dans le contexte de l’éducation prioritaire. En effet, son instauration découle en partie d’une volonté d’amender une sélection jugée trop scolaire et centrée sur les meilleurs élèves. De ce fait, le conflit entre différentes logiques de sélection s’y donne nettement à voir (Richard-Bossez et al., 2021).
6 En s’appuyant sur une recherche collective [1], cet article propose d’investiguer les processus de sélection propres à ce programme à l’échelle d’une académie particulièrement dotée en établissements relevant de l’éducation prioritaire. Face à une sélection fondée sur des critères peu explicites, parfois contradictoires, quelles sont les logiques de sélection à l’œuvre dans les différents établissements et quels sont leurs effets sur la composition des groupes d’élèves bénéficiaires ? L'originalité de cette contribution consiste à mettre en évidence les effets combinés de l’hétérogénéité des visions du mérite et du mode de gouvernance propre à ce dispositif, en croisant des données qualitatives et quantitatives (cf. encadré 1).
7 Le propos se structure autour de trois parties. La première revient tout d’abord sur le cadrage institutionnel de la sélection dans les programmes d’excellence. Elle souligne le flou qui l’entoure, permettant ainsi à différentes visions du mérite et logiques de sélection de cohabiter. Elle détaille ensuite la spécificité du programme PAREX et sa volonté affichée d’une « excellence pour tous ». Basée sur des données quantitatives et qualitatives, la deuxième partie s’intéresse aux effets établissement qui structurent le degré de sélectivité et les modalités de sélection des élèves dans les PAREX. Enfin, la dernière partie interroge les effets concrets des modalités et critères de sélection sur le profil des élèves bénéficiaires et permet finalement de questionner l’existence d’un profil d’élève PAREX à partir des données quantitatives.
1 Les programmes d’excellence et leur sélection à géométrie variable
8 Afin de saisir ce qui caractérise la sélection au sein des PAREX, nous verrons tout d’abord qu’ils s’inscrivent dans la lignée d’autres programmes d’égalité des chances marqués par une volonté de distinguer certains élèves, mais sans que les critères de cette distinction ne soient réellement définis. Puis, nous insisterons sur une particularité des PAREX affirmant proposer une « excellence pour tous ».
1.1 Une logique distinctive basée sur des critères flous
9 Les programmes de promotion de l’égalité des chances semblent osciller entre plusieurs définitions du mérite et diverses stratégies pour l’identifier. Leurs objectifs changeants en sont un premier indice : ils visent tantôt l’ouverture sociale des filières d’élite (Pasquali, 2014 ; van Zanten, 2010), s’appuyant alors sur une définition du mérite comme position atteinte ; tantôt l’élévation des aspirations des élèves de l’éducation prioritaire, sans privilégier les filières les plus sélectives, se référant à une définition en termes d’écart mesuré, ou encore l’apport de ressources auprès d’élèves en demande, sans objectif précis en termes d’orientation. L’usage occasionnel de critères sociaux pour cibler les bénéficiaires – être ou non boursier, être « défavorisé », résider ou être scolarisé dans un territoire ou un établissement rural isolé – renvoie également à une conception du mérite comme différence entre points de départ et d’arrivée.
10 Du point de vue du contenu donné au mérite, là encore, des définitions différentes coexistent ou s’opposent : une acception académique qui réserve ces programmes aux élèves aux meilleurs résultats scolaires, celles et ceux pour lesquel·les une poursuite d’études sélectives est considérée comme envisageable ; une acception qui peut être qualifiée de « néolibérale » (Allouch, 2021), s’appuyant sur l’identification d’un « potentiel », catégorie populaire au sein de ce type de programme, ou qui tend à privilégier la motivation. Ces différents programmes d’égalité des chances tendent à combiner, dans des proportions variables, ces critères scolaires, comportementaux et motivationnels. Ils contribuent ainsi à une redéfinition du mérite, relativisant sa dimension scolaire au profit de nouveaux critères (Pasquali, 2021 ; Allouch, op. cit.), tendance commune à d’autres pays (Khan, 2016).
11 C’est précisément parce que le mérite est investi de significations hétérogènes qu’il constitue une valeur aussi largement partagée (Tenret, 2011). Mais, en pratique, la mise en œuvre de ces politiques oblige à trancher ou à combiner ces différents usages. Dans les textes ministériels relatifs aux programmes d’excellence mis en place en éducation prioritaire, cette notion n’est jamais définie et les critères permettant de l’objectiver ne sont pas explicites. Non tranchée à l’échelle nationale, cette problématique est déléguée à l’échelle académique, puis aux établissements du secondaire qui s’y trouvent confrontés concrètement par la nécessité de mettre en place ces programmes et donc de sélectionner les élèves bénéficiaires.
12 Il en résulte une grande variété de modalités de sélection que l’on retrouve dans les différents dispositifs d’excellence. Par exemple, le recrutement dans les internats d’excellence a été décrit comme fondé sur des modalités « improvisées » et aboutissant à « un public qui n’est pas toujours celui attendu » (IGEN, 2011). C. Daverne et S. Kapko (in Rayou & Glasman, 2012) précisent que se confrontent plusieurs visions de ce qu’est un élève « méritant » : à la figure du « méritant patent » caractérisé par sa « bonne volonté scolaire », attestée par ses appréciations scolaires tant pour ses résultats que son comportement, s’oppose ainsi celle du « méritant potentiel » dont on estime que l’internat pourra lui offrir une nouvelle chance. A. Boulin souligne quant à elle que « le recrutement diffère en fonction des acteurs qui y participent et des objectifs que ces derniers décident de fixer, certains établissements privilégiant des perspectives ‘ambitieuses’ sur le plan académique (intégrer une grande école) quand d’autres considèrent que l’excellence peut s’exprimer dans des domaines moins scolaires » (2013, pp. 63-64).
1.2 Les PAREX et l’aporie de l’« excellence pour tous »
13 Les PAREX ne font pas exception à la règle. L’analyse plus poussée de leur déploiement permet de mettre en évidence les logiques et injonctions contradictoires qui les traversent.
14 La circulaire du 25 août 2016 qui les institue insiste sur le fait que l’« excellence doit s’incarner dans la réussite de tous les élèves […] et non dans la seule promotion de quelques-uns dans des filières où les places sont rares ». L’idée est d’élargir le public visé jusqu’ici par les Cordées de la réussite, en s’adressant à tous les établissements des Réseaux d’Éducation Prioritaire pour recruter des élèves plus jeunes (dès la classe de troisième en fin de collège, alors que les Cordées visaient essentiellement des lycéens) et au profil plus diversifié (a minima 30 % des effectifs de chaque collège, en visant une mixité scolaire et de sexe du public pour qu’il soit représentatif de l’ensemble des élèves de l’établissement).
15 Sur le plan qualitatif, les PAREX proposent d’accompagner des élèves « volontaires » : en classe de troisième, il s’agit d’apporter une meilleure information sur les poursuites d’études possibles de manière à éviter l’ » autocensure » ; pour les lycéens, il est proposé d’ » assurer un accueil renforcé, [de] soutenir leur motivation, [de] consolider les acquis nécessaires et [de] les doter des méthodes de travail et des références culturelles adaptées à la réussite au baccalauréat et à une orientation éclairée et choisie vers l’enseignement supérieur ou vers l’emploi ». La logique globale issue de la circulaire est de « donner aux élèves issus des milieux modestes des moyens supplémentaires de réussir et d’exceller dans la voie qu’ils ont choisie » (MEN, 2016). Les élèves ciblés ne doivent donc pas nécessairement l’être en fonction de leurs résultats scolaires, tous les élèves ont théoriquement la possibilité d’y participer s’ils le souhaitent.
16 Concrètement, l’appellation « Parcours d’excellence » recoupe, au sein des établissements, un ensemble d’activités et de partenariats associatifs variables qui se classent en trois grandes catégories : des activités centrées sur l’ouverture culturelle afin d’ouvrir le champ des possibles aux jeunes (sorties culturelles ; visites, etc.), des activités axées davantage explicitement sur l’orientation (information sur les filières, les formations et les métiers ; visites de sites d’enseignement supérieur ; rencontres avec des étudiants ; travail sur les soft skills, etc.) et des activités orientées vers un accompagnement scolaire (cours renforcé le mercredi après-midi ; aide aux devoirs, etc.). Il existe une grande variété d’un établissement à l’autre ; si certains se concentrent sur une catégorie (l’ouverture culturelle par exemple), d’autres optent pour une combinaison de partenariats et d’activités.
17 Mais ce cadrage national relativement large se heurte à la notion d’excellence inscrite dans le nom même du programme et à la nécessité de sélectionner pour l’opérationnaliser. Le passage à l’échelon académique agit comme un révélateur de ces contradictions. Dans l’académie enquêtée, le Rectorat fait le choix de restreindre la cible aux élèves se projetant dans des études supérieures. Dès les premières réunions de pilotage entre acteurs éducatifs des établissements et le Rectorat en 2016-2017, un désaccord voit le jour entre, d’une part, des tenants d’une « excellence pour tous » s’opposant a priori à toute forme de sélection entre les élèves et, d’autre part, ceux qui affirment « [ne pas avoir] peur du mot "excellence" » et revendiquent une lecture relativement élitiste du dispositif (voir Richard-Bossez et al, op. cit.).
18 Les acteurs éducatifs disposent ensuite de marges de manœuvre conséquentes en ce qui concerne les modalités de sélection des élèves. Au sein des établissements, sont alors identifiés des « référents PAREX » pouvant être un enseignant, un Conseiller Principal d’Éducation (CPE) ou un chef d’établissement. Pour ces acteurs, définir l’excellence renvoie à des débats éthiques parfois difficiles à trancher. Plusieurs grands principes de sélection coexistent alors, prenant appui sur les capacités déjà exprimées de l’élève, ou bien sur ses efforts, ses capacités en devenir, ou bien sur sa motivation, sa volonté ou encore sur ses caractéristiques sociales dans une logique compensatoire (Pavie et al., 2021).
19 Les PAREX soulèvent donc de nombreux arbitrages, renvoient à des injonctions paradoxales – l’excellence, la sélection des élèves volontaires et la réussite de tous – et ouvrent la porte à une variété de mises en œuvre et de pratiques.
Encadré. 1. Méthodologie
1/ Volet quantitatif :
- données primaires : questionnaire portant sur 425 réponses exploitables d’élèves de classes de 3e REP+ (Réseau d’Éducation Prioritaire renforcé) et de 2de générale et technologique (sur 513 questionnaires administrés) dans douze établissements (sept collèges REP+ et cinq lycées généraux et technologiques accueillant des élèves de REP+). Le critère de choix des classes qui a été retenu pour la passation du questionnaire s’est basé sur le fait qu’elles accueillaient à la fois des élèves en Parcours d’excellence (PAREX) : 24.7 % de notre échantillon et des élèves non PAREX : 75.3 % de notre échantillon(*). Les éléments sur les catégories socio-professionnelles des familles dans le questionnaire nous permettent de renseigner la composition sociale des établissements enquêtés. Plus globalement, les questions portaient sur la perception de l’élève au sujet de sa scolarité, ses choix d’orientation, sa projection après le bac, son projet professionnel, sa participation aux Parcours d’excellence, ainsi que sur son environnement socioculturel : le rôle de sa famille dans les précédents sujets, ses sociabilités et son quartier d’habitation.
- données secondaires : données établissement provenant du Rectorat (Plateforme académique d’Égalité des chances pour l’accès à l’enseignement supérieur ; Réseau des Cordées de la Réussite et des Parcours d’Excellence) renseignant notamment sur le nombre et le type de dispositifs, le nombre d’élèves sélectionnés au sein des dispositifs, le nombre d’élèves dans l’établissement et le réseau de l’établissement.
2/ Volet qualitatif :
- données primaires équipes éducatives : 41 entretiens menés auprès de différents membres des équipes pédagogiques (chefs d’établissements, CPE, professeurs principaux, référents PAREX) d’un échantillon de douze établissements (sept collèges REP+ et cinq lycées accueillant des élèves de REP+). Les entretiens ont notamment porté sur les modalités de mise en place des PAREX au sein des établissements. Ils ont fait l’objet d’un codage par analyse thématique.
- données primaires élèves : parmi les répondants au questionnaire, 57 élèves de 3e de collèges REP+ ou de 2de issus de collèges REP+, participant ou non aux PAREX, ont fait l’objet d’entretiens de manière à approfondir les différentes thématiques abordées dans le questionnaire. Ces entretiens ont également fait l’objet d’un codage par analyse thématique.
Pour l’ensemble de ces données, les établissements ont été sélectionnés pour la variété de leurs contextes territoriaux (établissements de centre-ville et de périphérie de la métropole régionale ainsi qu’établissements hors de cette métropole).
Les données présentées ici n’ont pas vocation à être représentatives de l’ensemble des établissements scolaires, mais s’intéressent à la mise en lumière d’une variété de processus sous-jacents à la sélection d’élèves en REP dans le cadre des dispositifs dits d’« excellence ».
(*) : Notons que l’échantillon comporte une surreprésentation des élèves PAREX (plutôt aux alentours des 10 % dans l’académie).
2 Une sélection fortement marquée par des « effets établissement »
20 Cette sélection, peu cadrée institutionnellement et porteuse de logiques hétérogènes, conduit à une sélectivité et des modalités d’entrée dans le programme qui sont variables d’un établissement à l’autre.
2.1 Une sélectivité variable
21 Les données quantitatives de notre enquête permettent d’établir que les proportions d’élèves PAREX au sein des établissements varient de manière conséquente. Si certains sont extrêmement sélectifs (2 % d’élèves PAREX à l’échelle de l’établissement pour l’établissement K), d’autres le sont nettement moins (15 % d’élèves PAREX pour l’établissement H).
Tableau 1. Informations relatives aux élèves PAREX (Parcours d’Excellence) et non PAREX selon l’établissement
Tableau 1. Informations relatives aux élèves PAREX (Parcours d’Excellence) et non PAREX selon l’établissement
Cette sélectivité s’appuie sur des modalités et des critères de sélections multiples.(*) : Le niveau des élèves a été établi sur plusieurs critères recouvrant les notes et la perception qu’en ont les élèves et les professeurs :
- Les élèves « très bons » sont des élèves qui ont de très bonnes moyennes (supérieures à 15) avec les « félicitations » lors des conseils de classe et sont considérés comme de bons élèves.
- Les élèves « plutôt bons » se distinguent principalement des « très bons élèves » par leurs moyennes un peu moins élevées (entre 13 et 15) et par une plus grande hétérogénéité suivant les disciplines, notamment de moins bons résultats en mathématiques.
- Les élèves « intermédiaires » ont des notes inférieures et fortement hétérogènes d’une discipline à l’autre (leurs moyennes varient entre 8 et 13 avec de grands écarts entre disciplines). Leur perception de leur niveau est très variable.
- Les élèves « faibles » ont des notes en dessous de la moyenne et le plus souvent en dessous de 8/20. Ils se considèrent comme moyens ou plutôt en difficulté et n' obtiennent soit aucune récompense, soit des avertissements lors des conseils de classe.
(**) : La typologie utilisée est la suivante : défavorisée (parents inactifs ou au chômage ou Ouvrier non-qualifié), moyenne (Profession intermédiaire, Technicien, Ouvrier Qualifié et Artisan), favorisée (Employé de la Fonction publique, Profession intermédiaire de l’enseignement) et très favorisée (Cadres et Professions intellectuelles supérieures).
2.2 Des modalités d’entrée dans les PAREX entre présélection et volontariat
22 Au sein de notre échantillon d’établissements, la sélection des élèves s’effectue selon deux modalités. Une première consiste à présenter les dispositifs PAREX à l’ensemble des élèves :
« C’est notre professeur principal qui nous avait expliqué très brièvement en classe » (Fille, 3e, PAREX, volontaire, Établissement A, père agent de sécurité, mère au foyer).
24 La deuxième modalité consiste à opérer une première présélection des élèves, avant que, dans le cadre d’entretiens individualisés ou lors d’une réunion spécifique, l’élève puisse choisir de se positionner ou non :
« Elle m’a fait venir à une réunion où ils proposaient de l’aide ou je sais pas quoi. Voilà, et ben non, j’ai dit non. » (Fille, 3e, Établissement E, non PAREX, parents sans emploi).
26 Dans le cas des établissements où le dispositif est présenté à l’ensemble des élèves, ceux qui se portent volontaires se caractérisent généralement par un fort investissement scolaire et une appétence certaine pour l’école (Cornand et al., op. cit.).
27 La sélection des élèves sur la base du volontariat donne cependant lieu à de nombreux débats dans sa mise en pratique sur ce qui caractérise ce volontariat : élèves présents vs absents, élèves dans la norme scolaire vs éloignés de la norme scolaire, élèves motivés vs élèves peu attentifs, etc. Le thème de la volonté et de la motivation est revenu à de nombreuses reprises lors des entretiens avec les personnels en charge de la mise en place des PAREX (élèves « volontaires », « élèves qui en veulent », « élèves gourmands », etc.). Ce positionnement des acteurs n’est pas sans rappeler la philosophie globale du « troisième âge » des politiques d’éducation prioritaire dont l’objectif est la promotion d’une minorité d’élèves jugés « méritants » ou « à fort potentiel » (Rochex 2010) dans une logique individualisante (Frandji & Rochex, 2011).
28 Notons que cette forme de sélection tend à relativiser la dimension scolaire du mérite, du moins en apparence. Ce principe d’« élève volontaire » érigé dans la circulaire instituant les PAREX est construit sur le présupposé que les élèves les plus méritants seraient ceux se saisissant eux-mêmes des dispositifs proposés au sein de l’établissement. Dans les données qualitatives, cette tendance se traduit par le fait que certains sélectionneurs ne sélectionnent pas a priori, mais attendent un positionnement de la part des élèves, selon une logique de responsabilisation individuelle :
« C’est à eux de s’emparer des Parcours d’excellence » (Enseignante, référente PAREX, Établissement E).
30 Dans les données quantitatives, nous pouvons constater que, pour certains établissements, ce critère est très structurant. En effet, parmi les élèves PAREX, le pourcentage d’élèves déclarant s’être portés volontaires pour entrer dans le dispositif peut atteindre jusqu’à 100 % au sein de certains établissements, tandis que pour d’autres, cela ne concerne qu’une minorité d’élèves (voir Tableau 1). C’est notamment le cas de l’établissement C pour lequel seuls 8 % des élèves en PAREX déclarent s’être portés volontaires pour en faire partie. Pour cet établissement, les élèves sont ainsi des élèves PAREX non volontaires, c’est-à-dire désignés par un acteur du système éducatif (une personne en charge de l’orientation dans le dispositif au sein de l’établissement).
31 Le profil de cet acteur (enseignant, chef d’établissement ou CPE) semble corrélé avec le type de sélection pratiquée, notamment la sélection explicitement fondée sur le critère du volontariat. Ainsi, dans l’établissement C, c’est le chef d’établissement qui met en œuvre les PAREX, la logique ici est d’identifier les élèves « prometteurs » (du point de vue des résultats scolaires et de la motivation) auxquels on propose des dispositifs spécifiques accompagnant l’élargissement des aspirations scolaires et professionnelles. Dans cette perspective, le bon niveau scolaire apparaît comme un critère préalable (condition nécessaire, mais non suffisante). À l’inverse, certains CPE interrogés justifient davantage leurs choix en s’appuyant sur leur rôle au sein de l’établissement, leur volonté de ne pas mettre de condition et d’intégrer tous les élèves, notamment les élèves décrocheurs (Pavie et al., op. cit.). Les CPE en charge de sélectionner semblent effectivement faire peu usage du volontariat comme critère de sélection : sur l’ensemble des élèves PAREX signalant le CPE comme personne ayant sélectionné, seuls 6 % déclarent s’être portés volontaires (voir Tableau 2) ; ces CPE choisissent souvent de proposer aux élèves déjà impliqués dans d’autres dispositifs, programmes ou instances, d’intégrer les PAREX (par exemple aux délégués du conseil de vie collégienne). Les enseignants, quant à eux, mobilisent largement ce critère : sur l’ensemble des élèves PAREX sélectionnés par des enseignants, 65 % déclarent être des élèves PAREX volontaires.
32 Trois tendances différenciées s’expriment ainsi. Pour les chefs d’établissement, il s’agit surtout de sélectionner les élèves aux meilleurs profils scolaires, se fondant sur une définition absolue et académique du mérite ; pour les CPE, il s’agit plutôt d’élargir les publics cibles, en cherchant à étendre la définition du mérite mobilisée (par exemple en invoquant la notion de mérite « civique ») ; enfin, la dimension motivationnelle apparaît centrale dans la vision que les enseignants ont du mérite ; elle est aussi un moyen de s’assurer que les élèves sélectionnés perdureront dans le dispositif.
Tableau 2. Modalité de sélection de l’élève (volontaire ou non) et personnes ayant sélectionné
Sélection sur critère du volontariat (élèves déclarant s’être portés volontaire) | CPE | Enseignants | Chef d’établissement | Autre | Total |
Non | 94 | 35 | 94 | 42 | 59 |
Oui | 6 | 65 | 6 | 58 | 41 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Tableau 2. Modalité de sélection de l’élève (volontaire ou non) et personnes ayant sélectionné
Pearson chi2(3) = 28.4123 Pr = 0.000.3 Les effets différenciés des modalités de sélection sur le profil des élèves PAREX
33 Ces différentes modalités de sélection ne sont pas sans effet sur le profil des élèves qui intègrent les PAREX et l’on peut observer des différences selon que les élèves se sont portés eux-mêmes volontaires ou ont été désignés. De manière transversale à ces deux modes de sélection, on peut cependant remarquer que certaines dimensions sont plus déterminantes que d’autres.
3.1 Les élèves volontaires : de bons élèves en questionnement sur l’orientation
34 Si les élèves PAREX comptent au niveau global parmi les meilleurs élèves (cf. infra), les élèves s’étant portés volontaires pour intégrer les PAREX présentent un profil scolaire encore meilleur par rapport à l’ensemble des élèves en PAREX : 19 % des élèves PAREX volontaires sont de très bons élèves, contre 16 % de très bons élèves au sein de la population des PAREX non volontaires et 6 % chez les élèves non PAREX (voir Tableau 3). Ce résultat va à l’encontre d’une diminution de la part scolaire du mérite dans ce type de programme : le critère de la motivation ne s’y substitue pas, il tend au contraire à la renforcer.
Tableau 3. Élèves PAREX (volontaires ou non volontaires) et non PAREX en fonction de la performance scolaire de l’élève
Faible | Intermédiaire | Bon | Très bon | Total | |
Élèves PAREX volontaires | 11 | 25 | 45 | 19 | 100 |
Élèves PAREX non volontaires | 12 | 23 | 49 | 16 | 100 |
Élèves non PAREX | 32 | 33 | 29 | 6 | 100 |
Tableau 3. Élèves PAREX (volontaires ou non volontaires) et non PAREX en fonction de la performance scolaire de l’élève
Pearson chi2(6) = 27.2815 Pr = 0.000.35 En revanche, les élèves PAREX volontaires ne se distinguent pas particulièrement des élèves PAREX non volontaires par leur environnement social, les variables profil de l’élève (PAREX volontaire, non volontaire et non PAREX) et environnement familial n’ayant pas de liens statistiques significatifs (Tableau 4).
Tableau 4. Élèves PAREX (volontaires ou non volontaires) et non PAREX en fonction de l’environnement social
Très favorisé | Favorisé | Classe moyenne | Défavorisé | Total | |
Élèves PAREX volontaires | 9 | 6 | 6 | 14 | 11 |
Élèves PAREX non volontaires | 0 | 10 | 14 | 15 | 13 |
Élèves non PAREX | 91 | 84 | 80 | 71 | 76 |
Total | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Tableau 4. Élèves PAREX (volontaires ou non volontaires) et non PAREX en fonction de l’environnement social
Pearson chi2(6) = 9.5937 Pr = 0.143.36 De la même manière, le fait d’être volontaire ne joue pas sur le niveau d’ambition, seul le fait d’être PAREX joue. Ainsi, 2 % des élèves PAREX n’envisagent pas du tout des études supérieures, contre 7 % d’élèves non PAREX (voir Tableau 5).
Tableau 5. Élèves PAREX et non PAREX envisageant des études supérieures ou non
Élèves non PAREX | Élèves PAREX | Total | |
N’envisage pas des études supérieures | 7 | 2 | 6 |
Envisage des études supérieures | 93 | 98 | 94 |
Total | 100 | 100 | 100 |
Tableau 5. Élèves PAREX et non PAREX envisageant des études supérieures ou non
Pearson chi2 (1) = 2.7651 Pr = 0.096.37 Par ailleurs, les élèves PAREX volontaires ne se caractérisent pas non plus par une idée plus claire du métier envisagé, au contraire. Se positionner dans un PAREX ne relèverait alors pas nécessairement d’une stratégie précise pour ces élèves volontaires, mais serait davantage un moyen de mieux comprendre le fonctionnement du système éducatif et d’augmenter leur capital informationnel. Lors des entretiens, les élèves PAREX volontaires perçoivent généralement les dispositifs proposés comme une opportunité à saisir :
« Y a rien à perdre et tout à gagner » (Garçon, 3e, Établissement A, PAREX volontaire, père maçon, mère sans emploi). « Alors bon, on va aller à Paris, on va voir le Président à l’Elysée, alors ça déjà,.. le Président c’est une énorme chance d’aller le voir, du coup, je vais pas perdre cette chance et je vais saisir cette chance, et on va aller au Parlement européen, c’est des nouveaux lieux où j’ai jamais été en fait. Et c’est exclusivement pour nous, par exemple, y a pas tout le monde qui peut aller à l’Elysée hein. C’est une chance qu’il faut saisir. » (Garçon, 3e, Établissement B, PAREX volontaire, père ouvrier, mère sans emploi)
39 Pour certains, ce capital informationnel se voit aussi augmenté par le développement d’un rapport privilégié avec les enseignants, permettant des conseils personnalisés ; pour d’autres, c’est aussi une opportunité de maintenir, voire d'augmenter le niveau scolaire et de se perfectionner :
« Ben le dispositif X, c’était pour moi une occasion pour améliorer mes notes, être encore meilleur en maths et en français, surtout en maths, ça m’intéressait beaucoup les maths, et ensuite, le PAREX, c’était pour moi une occasion de découvrir de nouvelles choses, et d’agrandir ma culture générale en fait. » (Garçon, 3e, Établissement B, PAREX volontaire, père ouvrier, mère sans emploi)
41 Ce positionnement n’est pas le fruit du hasard, il est souvent lié à un accompagnement familial important dans les aspirations. Dans nos données, les ambitions scolaires sont en effet très souvent en lien avec un important investissement des mères :
« Ah ben, ma mère surtout elle pense que c’est un plus pour moi, elle pense que du moment que je peux le faire, c’est tant mieux. Et ça m’aidera dans mes études dans le futur. » (Garçon, 3e, Établissement B, PAREX volontaire, père ouvrier, mère sans emploi). « Et du coup [ma mère], elle veut vraiment me pousser loin loin loin, faire des études supérieures, avoir un travail, gagner ma vie, faire tout ce qu’elle a pas pu faire en fait. » (Fille, 3e, Établissement A, PAREX volontaire, père en situation de handicap, mère employée de service hospitalier).
3.2 Les élèves désignés : entre critère scolaire et logique compensatoire
43 Du côté des élèves sélectionnés directement par le personnel des établissements, plusieurs critères émergent de nos analyses.
44 Un premier critère de sélection, qui distingue les établissements de notre échantillon, est la dimension scolaire, renvoyant soit à la performance de l’élève (notes), soit à son appétence pour l’école (attitude). Cette logique repose sur une conception académique de la justice sociale et du mérite (Pavie et al., op. cit.). Les élèves sélectionnés sur la base de leur appétence scolaire sont quasi systématiquement de bons ou très bons élèves. Ainsi, cette modalité de sélection se traduit par des taux de sélectivité importants et une sursélection scolaire des élèves en PAREX. C’est par exemple le cas de l’établissement C, présentant un taux de sélectivité élevé (3 % d’élèves en PAREX), le taux de très bons élèves chez les PAREX y est également nettement plus élevé que dans l’ensemble de l’établissement (58 % contre 39 %). D’autres établissements semblent sursélectionner les élèves les mieux notés : les établissements A, E, F et J se distinguent en effet par des taux de très bons élèves chez les PAREX, nettement supérieurs au taux de très bons élèves pour l’ensemble de l’établissement (écarts de plus de 20 %).
45 Ils peuvent toutefois se scinder en deux catégories, selon qu’ils recourent à une sélection strictement scolaire ou qu’ils prennent en compte de façon complémentaire l’environnement social des élèves. En effet, les établissements E et F ne se distinguent pas par une sur-sélection des élèves d’environnement défavorisé (parents inactifs, au chômage ou ouvriers non qualifiés), ce qui est le cas des établissements A et J pour lesquels le pourcentage d’élèves d’environnement défavorisé parmi les élèves PAREX est significativement supérieur au pourcentage d’élèves d’environnement défavorisé pour l’ensemble de l’établissement (écart de plus de 20 %).
46 Néanmoins, dans certains établissements, un autre critère plus « compensatoire » lié à l’origine sociale dépasse le critère de la performance scolaire. C’est le cas de deux établissements en particulier : l’établissement D et l’établissement K. Pour ces deux établissements en effet, non seulement le pourcentage d’élèves d’environnement défavorisé parmi les PAREX est plus élevé que le pourcentage d’élèves d’environnement défavorisé dans l’établissement (75 % contre 68 % pour le premier, 85 % contre 71 % pour le second), mais également le pourcentage de très bons élèves chez les PAREX est plus faible que le pourcentage de très bons élèves dans l’ensemble de l’établissement (43 % contre 55 %, 25 % contre 30 %). Les données qualitatives disponibles pour ces deux établissements attestent alors effectivement d’une logique de sélection qui s’éloigne des critères académiques. C’est particulièrement le cas de l’établissement K, pour lequel le dispositif est utilisé non pas pour sélectionner une élite scolaire, mais davantage pour proposer une forme d’émancipation et de citoyenneté sociale accessibles à toutes et tous :
« On travaille sur la réussite pour tout le monde » (Enseignant, référent PAREX, Établissement K).
48 Cependant, dans la majorité des établissements enquêtés, la performance scolaire demeure un élément structurant et le niveau de sélectivité reste important. En effet, en matière de sélection, soulignons que seuls les deux établissements mentionnés précédemment (les établissements D et K) ne sélectionnent pas en fonction de la performance scolaire (2/12). Pour la grande majorité des établissements que nous observons (10/12), la proportion de très bons élèves chez les PAREX est supérieure à celle des très bons élèves dans l’établissement. Par ailleurs, en matière de degré de sélectivité, la plupart des établissements observés ont tout de même une proportion d’élèves PAREX sur l’ensemble de l’établissement inférieur à 10 %, quand la circulaire définissait un objectif de 30 % des effectifs de chaque établissement (en visant une mixité scolaire et de sexe du public pour qu’il soit représentatif de l’ensemble des élèves).
49 Enfin, un dernier critère se dessine dans les données quantitatives : une surreprésentation des filles parmi les élèves PAREX (8/12). Celle-ci peut être due à deux phénomènes. D’une part, le fait d’un ciblage spécifique que l’on discerne dans les propos de certains de nos enquêtés :
« Et [je sélectionne en priorité] les filles, j’envoie plus de filles que de garçons d’ailleurs. » (Enseignant, référent PAREX, Établissement A). « Typiquement, dans le groupe d’une quinzaine d’élèves, là, qui a été sélectionné à [collège REP+ du secteur], y a deux tiers de filles un tiers de garçons. » (Femme, professeure principale, référente PAREX, Établissement F).
51 D’autre part, cela peut aussi provenir de l’effet indirect des logiques précédemment décrites, à savoir le critère de réussite ou d’appétence scolaire et celui de volontariat (Pavie, 2021).
3.3 Niveau scolaire, genre et localisation de l’établissement : dimensions déterminantes de l’inscription dans les PAREX, toutes choses égales par ailleurs
52 Au final, peut-on isoler un « profil PAREX » ? Le fait d’être une fille influence-t-il le fait d’être un élève PAREX, à origine sociale et performance scolaire données ? Existe-t-il un effet de la performance scolaire toutes choses égales par ailleurs ? Ces questions ont été testées à l’aune d’un modèle logistique simple, à vocation essentiellement descriptive, analysant la probabilité d’être un élève PAREX (par rapport au fait de ne pas être un élève PAREX). Les variables explicatives sont le genre, la performance scolaire et l’origine sociale. Nous contrôlons le lieu de naissance, mais également les caractéristiques des établissements enquêtés : leur composition sociale, scolaire, leur taille, ainsi que leur secteur géographique.
53 Dans notre enquête, l’origine sociale ne semble alors pas avoir d’influence sur le fait d’être un élève PAREX (Tableau 6). Cet élément pourrait notamment provenir du fait qu’il existe une certaine homogénéité sociale dans la population des élèves REP+ enquêtés, les élèves étant assez massivement d’origine populaire, quel que soit l’établissement. Il pourrait également s’expliquer par le fait que la performance scolaire reste la clef de voûte de la sélection, indépendamment de l’origine sociale. Ainsi, le fait d’être un élève faible par rapport au fait d’être un élève assez bon diminue les chances d’être un élève PAREX. De la même manière, être un élève moyen plutôt qu’un élève assez bon diminue de 80 % les chances d’être un élève PAREX. En revanche, être un très bon élève par rapport au fait d’être un élève assez bon n’augmente pas les chances d’être un élève PAREX.
54 Une deuxième variable individuelle joue de manière significative dans les chances d’être un élève PAREX : le fait d’être une fille augmente de plus de deux fois et demie les chances de faire partie des élèves PAREX, à performance scolaire et origine sociale données. Il est à noter que les élèves de centre-ville ont également plus de chances d’être sélectionnés. Cette tendance pourrait provenir d’une plus grande facilité d’accès aux dispositifs pour les établissements de centre-ville (mise en place de réseaux et de partenariats secondaire-supérieur géographiquement plus favorables).
Tableau 6. Probabilité d’être un élève PAREX (par rapport au fait de pas être un élève PAREX)
Être un élève PAREX | Odds Ratio | Std, Err, |
Être une fille (Ref. Garçon) | 2.7 | 1 |
Environnement familial (Ref. Défavorisé) | ||
Favorisé | ns | ns |
Moyen | ns | ns |
Très favorisé | ns | ns |
Niveau scolaire (Ref. Être un bon élève) | ||
Faible | 0.2 | 0.1 |
Très bon | ns | ns |
Moyen | 0.2 | 0.1 |
Pays de naissance de l’élève (Ref. France – Grande ville de l’académie) | ||
France- Hors Grande ville de l’académie | ns | ns |
Étranger | ns | ns |
Taille de l’établissement (Ref. entre 500 et 1000 élèves) | ||
Moins de 500 élèves | ns | ns |
Entre 1000 et 1500 élèves | ns | ns |
Plus de 1500 élèves | ns | ns |
Secteur de l’établissement (Ref. Grande ville-périphérie) | ||
Hors grande ville | ns | ns |
Grande ville (entre ville) | 4.5 | 3 |
Proportion de très bons élèves dans l’établissement | ns | ns |
Proportion d’élèves d’environnement défavorisé dans l’établissement | ns | ns |
Tableau 6. Probabilité d’être un élève PAREX (par rapport au fait de pas être un élève PAREX)
Note de lecture : Le fait d’être une fille augmente de 2.7 fois les chances d’être un élève faisant partie du dispositif PAREX.55 Finalement, au sein de la population des élèves REP+, l'élève PAREX typique, toutes choses égales par ailleurs, serait une bonne élève d'établissement de centre-ville .
56 Ainsi, malgré une volonté d’amender une sélection jugée trop scolaire et centrée sur les meilleurs élèves, le critère scolaire reste nettement prépondérant dans les chances d’être sélectionné comme élève PAREX, à origine sociale et à caractéristiques des établissements données.
Conclusion
57 Les Parcours d’excellence constituent un cas d’étude intéressant pour interroger les logiques de sélection à l’œuvre au sein d’un dispositif d’excellence en éducation prioritaire. Il permet en effet de mettre en évidence les tensions entre ces logiques et leurs effets sur la composition des groupes d’élèves bénéficiaires. Au-delà du caractère composite de ces logiques et des critères utilisés pour objectiver les différentes acceptions du mérite qu’elles mobilisent, nos résultats soulignent la prégnance de la dimension scolaire du programme.
58 Cette dimension s’exprime frontalement lorsque les personnels éducatifs s’y réfèrent explicitement, sélectionnant les meilleurs élèves ou celles et ceux dont ils perçoivent l’appétence pour l’école (notamment les filles). Mais elle resurgit également indirectement, même quand des modalités de sélection « non scolaires » sont a priori privilégiées : l’expression par certains élèves d’une volonté pour intégrer ce programme est en effet le fruit de dispositions sociales et scolaires, elle est donc corrélée avec leurs performances.
59 Il semble alors exister une forme de contradiction entre le principe général des PAREX – accompagner des élèves volontaires pour assurer l’égalité des opportunités de réussite – et son objectif initial – la levée de l’autocensure dans des choix scolaires ambitieux pour les élèves de REP+. La montée en puissance du concept de « l’élève volontaire », qui saurait choisir rationnellement les opportunités favorisant son parcours scolaire, symptomatique d’une nouvelle logique de sélection (Frandji & Rochex, op. cit.), génère au contraire de l’autocensure de la part d’une partie des élèves qui ne perçoivent pas l’intérêt immédiat de certains dispositifs. En effet, l’ensemble des dispositifs PAREX se caractérisent par un investissement important hors temps scolaire obligatoire. Il est tout à fait probable que, sans accompagnement familial, ou sans explicitation plus poussée de l’intérêt d’une telle participation, une partie des élèves ne se positionnent pas, la capacité à percevoir le potentiel rendement scolaire d’activités extrascolaires étant socialement située (Oberti et al., 2010). Nous avons pu le constater auprès de certains bons élèves qui refusaient d’intégrer un PAREX et qui opéraient en réalité un arbitrage entre contrainte à court terme (la révision du brevet notamment) et un investissement hors temps scolaire dans un PAREX dont le bénéfice n’était pas clair pour eux.
60 Ce résultat invite par ailleurs à relativiser la subversion de la notion de mérite, dont les programmes d’ouverture sociale seraient un symptôme : très présente dans les discours ces dernières années, elle ne trouve pas de traduction systématique dans les faits, car l’objectivation d’un mérite « néolibéral » censé faire primer la volonté individuelle (Allouch, op. cit.) s’incarne dans des critères directement ou indirectement scolaires.
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Notes
-
[1]
Ont participé à cette enquête : Renaud Cornand, Caroline Hache, Sophia Laiz, Emily Lopez-Puyol, Françoise Lorcerie, Noémie Olympio, Alice Pavie, Ariane Richard-Bossez, Nathalie Richit.