Flux 2014/3 N° 97-98

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Article de revue

Pour une histoire des services d'eau et d'assainissement en Europe et en Amérique du Nord

Pages 4 à 15

Notes

  • [1]
    Les huit articles qui composent le dossier thématique de ce Flux, 2014/3 n°97-98 sont référencés dans la liste bibliographique en fin de cette introduction. Les noms de leurs auteurs sont signalés par un astérisque dans le texte. Il s’agit de : Barraqué, Kraemer ; Chatzis ; Boquet ; Crespi Reghizzi ; Saraiva, Schmidt, Pato ; Juuti, Katko ; Fougères ; Saurí, March, Gorostiza. Les trois premiers articles ainsi que les deux derniers ont été publiés initialement dans l’ouvrage consacré au bicentenaire d’Eugène Belgrand (Deutsch, Gautheron, 2013), mais ils ont été retravaillés et améliorés grâce aux échanges avec le comité de lecture de la revue.
  • [2]
    Le Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés a été fondé en 1985 par Henri Coing, Gabriel Dupuy et Pierre Veltz, associant l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), l’Institut d’urbanisme de Paris de l’Université Paris 12, et le CNRS.
  • [3]
    Le génie sanitaire est une branche du génie chimique qui se consacre à la protection de la santé des populations par rapport au milieu physique et anthropique.
  • [4]
    Le génie de l’environnement s’est constitué aux États-Unis à partir du génie sanitaire, mais en partie dans son renversement : protéger la nature et la ville contre les populations et l’économie, pour mieux assurer la durabilité de ces dernières.
  • [5]
    Exploitant les archives d’Eau de Paris (SAGEP à l’époque), Gaillard Butruille (s.d.) a montré l’ancienneté des expériences de filtration de l’eau, ainsi que la diversité des matériaux employés, avant que le sable ne s’impose en rapport qualité prix. La filtration de l’eau était déjà employée à Paris, d’abord sur des bateaux-filtrants ou dans des fontaines filtrantes ; mais l’eau était vendue en bonbonne ou à des porteurs d’eau. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les particuliers qui recevaient l’eau à domicile ont adopté la filtration au robinet à leur tour. Mais en France, on hésitait encore à filtrer l’eau avant son introduction dans le réseau, bien que de nombreux essais soient tentés.
  • [6]
    Juuti et Katko* font la même observation sur le cas de Tampere en Finlande : un réseau d’eau public est décidé en 1876, mis en place en 1882, mais il n’est qu’à faible pression. En 1898, il est rendu plus étanche, mis sous plus haute pression et équipé de compteurs d’eau. La pratique du comptage se généralise ensuite rapidement aux villes du pays.
  • [7]
    Non sans réticences de la part des propriétaires d’immeubles, nous explique Chatzis* sur le cas français.
  • [8]
    Il constate que l’on n’a pas besoin de procéder à de fréquents curages. Avec la fréquence relative des pluies, et surtout l’augmentation des usages de l’eau à domicile, les sédiments sont emportés naturellement, même avec des pentes relativement faibles. En revanche, il n’y avait pas de fontaines publiques où l’on puisse prendre de l’eau pour laver les rues. « Toute l’eau se paye, celle qui sert à arroser les rues, comme celles qu’on emploie à éteindre les incendies » (Mougey, 1838).
  • [9]
    Inventée par Ardern et Lockett en 1916.
  • [10]
    Et ceux qui sont raccordables mais pas raccordés payent la taxe d’assainissement comme une pénalité. En revanche, le Conseil d’État s’est opposé à la couverture des coûts de l’assainissement autonome par la redevance d’assainissement assise sur la consommation d’eau. Cela n’a pas empêché l’invention, à la fin du XXe siècle, d’un service public pour gérer les fosses septiques, le SPANC (Service Public d’Assainissement Non Collectif).
  • [11]
    Mais les deux mouvements ne sont pas incompatibles.
  • [12]
    Mais nos agences n’ont ni pouvoir de police, ni maîtrise d’ouvrage, contrairement à celles de la Ruhr. Nos agences aident les collectivités à financer leurs stations d’épuration, alors que dans la Ruhrverband, aucune ville ne peut construire une station d’épuration elle-même, c’est l’institution de bassin qui en a le monopole.
  • [13]
    Les possibilistes croyaient au socialisme municipal, c’est-à-dire à la possibilité d’aller vers le socialisme par la conquête du pouvoir local, alors que les guesdistes pensaient que seule la révolution au niveau national le permettrait.
English version

1Au début du XIXe siècle, les bourgeoisies des villes en pleine expansion, ainsi que les industriels effrayés par les conditions sanitaires de leurs propres ouvriers, imaginent qu’on pourrait faire venir l’eau plus près de là où on en a besoin. La machine à vapeur commence à se répandre : le pompage de l’eau d’une rivière à proximité offre alors une alternative aux aqueducs que seuls des princes avaient jusque-là la capacité de construire, à la fois juridique, financière et technique. Le débat était lancé, notamment parce que nombre de villes anglaises restaient dépendantes de ressources locales de surface, qu’elles amélioraient par la filtration sur sable. Mais New York en 1842, Madrid en 1858 et Paris en 1865, ont reçu une part de leur eau d’un aqueduc d’une longueur évoquant ceux de la Rome antique. Cent ans plus tôt, Lisbonne avait bénéficié de l’aqueduc des « eaux libres » (Saraiva et alii*, dans ce numéro [1]), mais un peu comme les aqueducs romains, il apportait peu d’eau par rapport aux besoins croissants de la capitale du Portugal au XIXe siècle (comme en témoigne la répétition des épidémies). Rome elle-même, au moment de devenir la capitale de l’Italie et non plus des États pontificaux, restait, grâce à quelques aqueducs antiques qui ont traversé l’histoire, une des villes les mieux desservies d’Europe, bien que les quantités d’eau arrivant à la Cité éternelle soient très faibles en comparaison de l’Antiquité... (Bocquet*).

2New York et Boston ont la chance d’être au bord de la mer, ce qui facilite l’évacuation des déchets, mais Madrid et Paris sont à l’intérieur des terres. Le choix du Préfet Haussmann et de l’ingénieur Belgrand fut d’allonger à la fois le réseau d’eau et celui d’assainissement : pour éviter tout risque sanitaire à une époque antérieure à la découverte de la bactériologie, ils ont préféré aller chercher l’eau loin de la ville, et très loin pour l’époque, et la rejeter après usage dans la Seine en aval de Paris, d’abord à Clichy, puis deux méandres plus loin à Achères. Cette linéarisation des services entre amont et aval, de plus en plus étirée, a pu être considérée comme un modèle hydraulique, mais est-ce vraisemblable ? Car toutes les grandes villes n’ont pas fait les mêmes choix, et, même avant les découvertes des médecins hygiénistes, certaines ont préféré puiser l’eau dans des rivières, des puits ou des nappes alluviales à proximité, puis éventuellement filtrer l’eau. C’est par exemple le choix de Lyon.

3Les textes que nous avons rassemblés dans ce numéro de Flux « L’eau urbaine en Europe et en Amérique du Nord : origines et développements » montrent la diversité des choix techniques, du début des services publics jusqu’à leur généralisation. Ils relient ces choix au contexte économique, social et politique de l’invention des réseaux d’eau et d’assainissement. Il apparaît d’emblée que l’idée d’une desserte à domicile se développe en Angleterre dès le XVIIe siècle, soit plus de cent ans avant le reste des pays développés. La diversité des situations de départ, mais aussi la circulation des ingénieurs (anglais d’abord) et de leurs idées dans l’ensemble des pays riches, rend assez vaine la question de savoir s’il y a eu des modèles de gestion. Dans tous les pays, des débats opposent les partisans des aqueducs à distance à ceux du pompage d’eau de rivière à proximité. Et, si ces derniers sont souvent liés à des initiatives privées alors que les autres sont proches de l’argent public d’État, une fois que le traitement chimique complète la filtration, les deux solutions deviennent complémentaires, comme l’illustre le cas de Paris : l’usine d’Ivry est inaugurée en 1902, alors qu’on est en plein dans la réalisation de la série des aqueducs imaginés par Belgrand. Barraqué et Kraemer* décrivent la (re-) municipalisation des sociétés privées « autorisées », dès le milieu du XIXe siècle en Angleterre, qui permet parfois de compléter ou de remplacer les pompages et la filtration par des aqueducs (Glasgow et Birmingham) ; et ils décrivent le développement direct de la gestion publique en Allemagne, excepté à Berlin au tout début, sur la base de l’exploitation de ressources surtout locales. Juuti et Katko* montrent bien le rôle joué par le risque d’incendie et les compagnies d’assurance, comme en Nouvelle Angleterre, dans la genèse de services d’eau. Là aussi, la gestion publique se généralise tout de suite et c’est dans son cadre que l’on discute des qualités respectives des eaux de lacs et des eaux souterraines. Fougères* analyse l’histoire de l’approvisionnement en eau à Montréal en montrant l’importance du passage par la gestion publique au milieu du XIXe siècle, suivant l’influence des villes de la côte Est des États-Unis aussi bien que de l’Angleterre. Cependant, l’embauche d’un ingénieur dit des Ponts et Chaussées (en fait des Travaux Publics de l’État) à la fin du siècle, Georges Janin, réintroduit une influence française avec des champs d’épandage, puis une usine de traitement de l’eau. Ce choix technique permet de conserver le Saint-Laurent comme source intarissable d’approvisionnement, alors que New York et Boston ont choisi de construire des aqueducs en allant chercher l’eau de plus en plus loin, et que Philadelphie protège sa petite rivière locale, qu’elle pompe dans une usine architecturée comme un palais, créée dès le début du XIXe siècle.

4Mais l’urbanisation rapide des grandes villes a entraîné une course-poursuite semblable à celle que connaissent leurs homologues du Sud aujourd’hui : elles ont du mal à penser ensemble leur aménagement urbain et leurs réseaux d’eau, d’assainissement et de drainage ; et par suite, es choix techniques se trouvent rediscutés sur de nouvelles bases. On quitte l’époque où l’urbanisme est fait indirectement par la mise en place de quartiers autour des réseaux urbains de transport, de gaz et d’eau, comme l’a montré Calabi (1979) sur les villes du nord de l’Italie au tournant des XIXe et XXe siècles. On voit même apparaître, dans les textes de Barraqué et Kraemer*, et de Saurí et alii*, la progressive régionalisation de l’adduction d’eau en Angleterre, dès l’entre-deux-Guerres, et en Espagne à partir des années 1950.

5La réunion des articles de ce numéro illustre la problématique développée depuis une génération par l’équipe Réseaux et Territoires autour de Gabriel Dupuy au LATTS [2] : la comparaison internationale dans la longue durée est indispensable pour imaginer l’avenir de nos villes et du « génie urbain » (Tarr et Dupuy, 1988). Et la discussion des choix techniques, qui a couru pendant plus d’un siècle au sein d’une communauté de pensée qui franchissait les frontières, a été arbitrée dans les contextes économiques, sociaux et politiques où ils se faisaient. La géographie locale a joué un rôle important : le Rhône est le principal fleuve de France, écoulant environ un tiers de l’eau douce qui traverse notre pays, et au droit de Lyon, son eau était de bonne qualité au XIXe siècle ; en effet la seule ville qui polluait le Rhône en amont était Genève, qui ne comptait que 27000 habitants en 1834 et 100000 habitants en 1900. Alors que Marseille, obligée de s’approvisionner à distance, dépendait de l’eau de la Durance, chargée en sédiments très fins qui colmataient les réservoirs et les unités de traitement. La solution est finalement venue du Verdon, grâce à la mise en place d’une société régionale d’aménagement, le Canal de Provence, qui de fait régionalise la problématique des barrages multifonctions et des transferts de l’eau stockée.

6Pour cadrer les textes réunis dans ce numéro, on se propose de prendre pour fil conducteur la succession des grands profils d’ingénierie impliqués dans le développement des services publics. La première étape est celle du génie civil, qui, depuis le XIXe siècle, s’est chargé de la mobilisation de la ressource en eau, d’abord pour « laver les villes » puis pour abreuver ses populations. La croissance urbaine spectaculaire provoque une inéluctable pénurie d’eau propre à distance raisonnable, et la découverte de la bactériologie fait naître la deuxième étape au début du XXe siècle, celle du traitement systématique de l’eau, qui permet aux villes de pomper l’eau sans danger dans les rivières à proximité. L’approche correspondante du génie sanitaire [3] a permis à l’industrie de l’eau de s’autonomiser et de devenir un secteur de la politique locale séparé de la question plus fréquemment régionale ou nationale de la répartition des ressources en eau. Cette séparation est finalement matérialisée dans les deux usines, celle d’eau potable et la station d’épuration des eaux usées, qui font frontière : entre les deux, les services publics ; à l’extérieur, la ressource. Pourtant, sous nos yeux d’aujourd’hui, depuis la fin du XXe siècle, cette indépendance des services par rapport aux ressources est de fait remise en cause parce que les grandes métropoles ont un trop grand impact sur le milieu aquatique, en quantité comme en qualité : par exemple, l’imperméabilisation des sols conduit à des ruissellements de plus en plus difficiles à maîtriser. Désormais, les mots clés de la gestion de l’eau sont « par la demande », « participative et intégrée », et « territorialisée ». En voulant remplacer une coûteuse sophistication technique par un retour sur le territoire, l’approche du génie de l’environnement [4] est aussi obligée d’inventer une nouvelle forme de gouvernance de l’eau, une gouvernance multiniveaux autour des institutions qui restent au cœur de la gestion de l’eau urbaine dans de nombreux pays d’Europe : la municipalité ou le syndicat intercommunal.

Avant les services : munificence des princes ou affaire de communautés

7Depuis la fin du XVIIIe siècle, et même plus tôt à Genève ou en Angleterre, les expériences de desserte de particuliers aisés en eau à domicile se sont multipliées. Mais pour l’essentiel, la population se contentait d’aller à la fontaine publique ou de se faire porter l’eau, quand il ne s’agissait pas simplement de tirer de l’eau au puits sur place. Les sociétés qui innovaient dans les réseaux, les branchements et les compteurs, se heurtaient donc très souvent à un problème de financement de départ : comme dans le Tiers-Monde aujourd’hui, on ne pouvait faire payer l’eau qu’à ceux qui étaient raccordés, alors que l’infrastructure forme un coût fixe représentant plus de 80% du total. Significatif est l’échec, dès 1788, des frères Périer, qui avaient obtenu en 1778 l’autorisation royale de pomper l’eau de la Seine à Paris, de la monter en haut de la colline de Chaillot ou dans des réservoirs surplombant le quartier du Gros-Caillou, et de la distribuer à domicile ; et si cette forme d’approvisionnement a subsisté, elle n’intéressait ni Napoléon, qui a fait venir de l’eau en quantité par le canal de l’Ourcq, ni la quasi-totalité des Parisiens qui n’imaginaient pas devoir payer l’eau (bien qu’ils payassent les porteurs à domicile). Si des villages pouvaient capter des sources et installer des conduites rudimentaires pour alimenter une fontaine publique, un lavoir ou un abreuvoir, les villes étaient souvent obligées de pomper l’eau des rivières qui les traversaient. En Angleterre, les inventeurs privés des réseaux d’eau s’approvisionnaient dans les eaux superficielles proches, avec les risques sanitaires liés. Et même si, de plus en plus, les villes ont pompé leur eau dans des galeries filtrantes situées dans les alluvions des rivières (filtration par les berges ou Uferfiltrazion en Allemagne), l’eau captée paraissait naturelle ; la culture populaire ne distinguait guère le service public de la ressource ; autrement dit, on ne pensait pas payer à la fontaine publique, et on avait raison. Mais l’amélioration du service dépendait alors de l’État ou du prince : cas de l’aqueduc de Rungis alimentant le palais des Médicis au Luxembourg ; ou bien l’adduction restait une affaire de communautés de voisinage, sans différenciation nette entre eau de boisson et autres usages domestiques. L’assainissement se limitait souvent au drainage ou à l’irrigation, et là aussi, les ingénieurs du XIXe siècle s’intéressaient aux institutions communautaires comme les wateringues, liées à une économie agricole (Nadault de Buffon, 1858, ch. XIV, pp. 423-451). Le service public balbutiait.

Génie civil et mobilisation des ressources

8Face à la nécessité de nettoyer la ville « délétère » (Barles, 1999) en chassant les déchets vers des fossés puis vers les rivières, on devait alors de toute façon disposer de plus en plus d’eau ; pour l’alimentation humaine, certains envisageaient de la faire venir de plus loin, en captant des sources ou en pompant dans des lacs propres. Mais comme la disponibilité de l’eau pouvait varier, on sécurisait l’approvisionnement en construisant des réservoirs. C’est l’époque du génie civil. Bien sûr, ces solutions d’aqueducs étaient coûteuses et donc, de fait, plutôt réservées aux grandes villes à assainir d’urgence. Ne serait-ce que parce qu’il fallait apporter beaucoup d’eau pour pouvoir mieux répartir le coût de l’amortissement. C’est le cas parmi tant d’exemples de Glasgow, qui avait été pionnière dans la filtration (essais en 1807, opérationnelle en 1820). Or, avec l’appui de la reine Victoria, la capitale économique de l’Écosse avait remunicipalisé le service et dans le même mouvement était allée chercher son eau à 55 km dans un lac des Highlands en 1859 (Maver, 2000). Mais d’autres villes ont créé des réservoirs à proximité, quitte à protéger la qualité de l’eau en interdisant l’urbanisation de l’endroit.

9Paris était dans une situation compliquée : lorsque Haussmann y fut nommé préfet, il se retrouva avec un service dit public, fournissant gratuitement l’eau nécessaire, avant tout, au nettoyage des rues et des égouts, à la lutte contre le feu, à l’arrosage des parcs publics, et, finalement pour une faible part, à l’alimentation des fontaines publiques ; et il trouva aussi divers petits services privés, y compris la captation de sources par des monastères ou des hôpitaux ; notons que les deux services, public et privé, puisaient leur eau en partie dans la Seine et en partie à des sources, et donc ne se différenciaient pas entre eau potable et eau non potable. Haussmann voulait cependant instaurer le monopole de la production d’eau. Il profita de l’annexion de la banlieue en 1860 pour négocier avec la Compagnie Générale des Eaux, née en 1853. La ville produirait toute l’eau, mais il y aurait deux réseaux : le réseau public gratuit, et le service privé payant, la Compagnie ne s’occupant que des branchements et des abonnements. Et l’existence de deux réseaux à Paris permettait au Baron d’éviter les réactions d’une population turbulente face à une « privatisation » du service public.

10Mais ensuite, comme il faisait peu confiance à la filtration, il a engagé l’ingénieur Belgrand, connaisseur des sources lointaines d’eau naturellement propre, pour alimenter les particuliers et les fontaines. La référence aux aqueducs romains était explicite. Ensuite les usages ont changé lentement, quand les Parisiens ont accepté de s’abonner pour avoir l’eau à l’étage, et que le service dit public, qui représentait nettement plus de la moitié de l’eau utilisée en 1860, est devenu le réseau d’eau non potable, de moins en moins utilisé ; au point qu’on a envisagé de le fermer récemment. Mais entre-temps, le choix de traiter l’eau avait changé la problématique.

11En effet, à l’inverse, en Angleterre, la modicité des ressources en eau dans un pays déjà très urbanisé et industrialisé, avait conduit à pratiquer empiriquement la filtration d’eau de rivière. L’histoire a retenu le nom de James Simpson, associé à l’innovation de la filtration lente sur sable à Chelsea en 1829. Mais elle était expérimentée depuis longtemps [5]. Et elle fut imposée à Londres en 1852 après l’épidémie de choléra de 1847. Cette eau a été rapidement fournie à la population à domicile par des réseaux enterrés, inventés par des sociétés privées.

12Ici, il convient de ne pas faire l’impasse sur l’importance du charbon et du gaz dans ces développements. En effet, le charbon, c’est l’énergie nécessaire au fonctionnement des machines à vapeur, qui servent au relèvement de l’eau pour la distribuer sous pression. Le charbon, c’est aussi l’énergie nécessaire à la fabrication de la fonte, qui va révolutionner les réseaux d’eau jusque-là en bois ou en maçonnerie, en permettant de monter la pression. Quant au gaz, c’est souvent un gaz de ville obtenu par distillation de la houille, qui alimente des réseaux nécessairement étanches, notamment pour éclairer les villes. Les réseaux de gaz anticipent de quelques décennies sur les réseaux d’eau sous pression, et ils leur montrent la voie. C’est donc un ensemble d’innovations que les ingénieurs anglais réunissent et cherchent à exporter. On en a confirmation en lisant les travaux d’histoire de l’approvisionnement en eau des villes suisses, publiés dans Flux ou par des proches de l’équipe Réseaux et Territoires du LATTS (Paquier, 2008 ; Pflieger, 2009) : il n’y a guère de charbon dans ce pays, et il est difficile de le faire venir (de Saint-Étienne ou d’Allemagne) avant que ne se mette en place le réseau de chemins de fer. De plus, l’adoption du modèle anglais conduirait à une dépendance énergétique dangereuse pour un petit pays. Le débat sur l’origine de l’eau (pompage des lacs ou conduites par gravité) a lieu comme ailleurs, mais avec une précocité en partie expliquée par la dérivation de l’eau des torrents dans les usines : pourquoi ne pas en profiter, une fois la force motrice utilisée, pour desservir certaines habitations ? Jusqu’en 1870, les villes, qui restent petites, peuvent se contenter de perfectionner des pompes à roue ou des turbines mues par le courant hydraulique (Genève : machine Abeille en 1708). Mais au milieu du XIXe siècle, les réseaux de gaz d’éclairage se développent (Berne 1842, Genève 1843). Les Suisses invitent les ingénieurs étrangers mais individuellement, pour réaliser des réseaux financés par des capitaux locaux ; et vite, ils font le choix de la gestion directe des services, suivant l’attitude des Allemands. Dès que c’est possible, ils font venir du charbon par le train, et les réseaux de gaz se développent. À leur tour ils donnent l’idée « d’intensifier » les réseaux d’eau, comme le dit Paquier (2008), c’est-à-dire de pomper plus d’eau et de la distribuer sous pression [6]. Ce choix sera définitivement validé après 1890, l’électricité locale remplaçant le charbon étranger. Au début du XXe siècle une nouvelle évolution se produit avec un double changement d’échelle : sectoriel d’abord, avec la réunion fréquente de l’eau et de l’électricité dans les « services industriels » des villes (comme en Allemagne) ; territorial ensuite, avec l’implication des cantons dans une stabilisation du modèle, proche du Stadtwerk, mais à une échelle supra-municipale.

13Mais revenons à la ville industrielle anglaise du XIXe siècle : les conditions de vie y sont déplorables, et c’est aussi par intérêt bien compris que les industriels cherchent des entreprises pour fournir l’eau à leurs process industriels, ainsi qu’à leurs ouvriers. Ils ne sont pas tant à la recherche d’un profit dans la vente d’eau que d’un service fiable pour les usines, et qui améliore les conditions d’hygiène. Malheureusement, même en situation de monopole, les entreprises de distribution d’eau n’arrivent pas à faire de bonnes affaires, et le niveau de service n’est pas bon. Or, assez vite, les Anglais ont considéré que l’eau courante était un élément essentiel de la santé publique et du confort. Comme dans l’exemple de Chamberlain à Birmingham, ils en ont fait un équipement clé du municipalisme, appelé, ironiquement d’ailleurs, socialisme du gaz et de l’eau : le service est repris en mains par les corporations municipales, et payé via les impôts locaux, donc selon la valeur locative des logements, et non en fonction de la consommation d’eau. Dans plusieurs pays, ce mode de financement par l’impôt s’est révélé efficace pour réunir les fonds nécessaires à la réalisation rapide, par des services en régie, de réseaux desservant toute la ville. Fougères* en donne l’exemple à Montréal, colonie anglaise. Reprenant les infrastructures existantes, les collectivités locales ont multiplié les recherches de ressources nouvelles : les autorisations accordées par le Parlement leur permettaient de capter de l’eau de surface à distance, mais le progrès des pompes à vapeur rendait aussi possible de capter de l’eau de nappes profondes. Désormais, on pouvait commencer à poser la question de la qualité, et cela avant les découvertes de la bactériologie par Pasteur, Koch, Eberth, etc. : la filtration était discutée.

14À part la France, les villes des pays de notre échantillon ont en général aussi choisi la gestion publique locale. Toutefois, en Europe méditerranéenne et dans le bloc socialiste, la prise du pouvoir par des régimes autoritaires a conduit à privilégier la gestion de l’eau, y compris les services, à l’échelle régionale, et donc, indirectement, à prolonger une tradition de gestion quantitative par des ouvrages de génie civil financés et contrôlés par les États. Le cas des États-Unis est atypique, puisque c’est le pays où les grandes villes ont eu le plus souvent recours à des aqueducs à grande distance, sans trop dépendre de financements fédéraux : Los Angeles 345 km en 1913, San Francisco 269 km en 1923, New York 262 km en 1924, Boston 105 km en 1930.

Génie sanitaire, gestion locale et consumérisation des services d’eau potable

15Selon une enquête de G. Bechmann, en 1893, sur 616 villes, seulement 112 (1/6) recouraient à l’eau de rivière ; les autres se répartissaient à peu près également entre sources et nappes (Gaillard-Butruille, s.d.). Mais les découvertes de la bactériologie, à la fin du XIXe siècle, ont permis de valider la filtration, en la complétant par la désinfection : au début du XXe siècle, le traitement physico-chimique de l’eau est inventé (ozone, charbon actif, chlore, ultra-violets) ; et c’est largement ce traitement de l’eau, puis l’imposition d’une norme de service en continu, qui ont fait accepter la desserte à domicile par les usagers [7], tout en légitimant la gestion locale : pourquoi aller chercher de l’eau à distance, si une prise d’eau dans la rivière au droit de la ville, suivie d’une usine d’eau potable, permettait d’avoir bien davantage d’eau à desservir pour un coût moindre ? De son côté, l’eau traitée offrait non seulement une diminution du risque sanitaire mais aussi un confort accru ; devenant plus importants, les coûts de fonctionnement ont conduit à affirmer le caractère industriel et commercial du service public, même rendu en régie. Et, sur le continent européen, que ce soit dans le cadre de la délégation au secteur privé, ou par une évolution des régies vers des formules d’économie mixte, le paiement de l’eau au volume s’est généralisé, en tout cas dans les villes. Paradoxalement, seul le Royaume-Uni a longtemps conservé un financement fiscalisé proportionnel à la valeur locative.

16Pour rendre ce changement possible, il fallait que l’eau arrive sous pression, mais que les robinets ferment, et qu’il y ait un compteur fiable. Au début ce n’était pas le cas, le réseau intérieur n’était pas étanche, et on recevait l’eau dans une citerne équipée d’un trop-plein, par le biais d’un compteur dit « à la jauge », c’est-à-dire par un orifice calibré laissant passer un filet d’eau. D’où sans doute l’expression de « l’eau courante » : l’eau arrivait en permanence par une sorte de fontaine domestique, et l’abonnement était un forfait lié au diamètre de l’orifice. Si la citerne était pleine, l’eau s’écoulait à perte (Chatzis, 2006).

17L’innovation du compteur à ailettes a ensuite permis de mesurer les quantités d’eau achetées par les abonnés, et de dépasser la méfiance réciproque avec les fournisseurs, liée au manque de précision des compteurs ; leurs rouages n’étaient pas entraînés par les petits débits (petites fuites volontaires ou non, cf. Hatchuel, 2000). Mais on peut comprendre que ce qui était facturé au compteur était surtout le coût de fonctionnement du service, assez lié au volume produit. L’investissement dans l’infrastructure des réseaux restait souvent pris en charge par les budgets publics locaux, par des emprunts ou par des subventions venues de niveaux supérieurs de gouvernement. Autrement dit, l’eau était fournie à un prix très avantageux par rapport à son coût de production réel, et cela a sans doute contribué à rendre le service public attractif au point que les Européens ont finalement renoncé pour l’essentiel à s’approvisionner en eau sans passer par le réseau (puits privé, récupération d’eau de pluie, achat d’eau à des porteurs…). De ce point de vue, l’article de Crespi Reghizzi* est très utile pour reconstituer la façon dont les infrastructures ont été financées dès le début à Paris et à Milan : contrairement à ce qu’on pourrait penser, les deux États n’ont pas apporté de subventions car ils ne s’impliquaient alors pas dans l’économie comme aujourd’hui. C’est l’inflation importante du premier quart du siècle qui a facilité les choses. On ne dispose malheureusement pas d’analyses historiques quantitatives pour reconstituer plus systématiquement les modes de financement de l’extension des services (en banlieue par exemple) et leur évolution. Cependant, l’éventail des systèmes tarifaires qu’on rencontre aujourd’hui témoigne de la complexité de cette histoire : impôts locaux, abonnements au forfait, tarifs monômes et binômes, tarifications dégressives ou progressives. L’inclusion ou non de la taxe d’assainissement dans la facture complique encore plus le paysage.

18En tout cas, le génie sanitaire et l’implication des édiles locaux ont remis en cause les concessions au secteur privé. En France notamment, quand les élus ont compris l’importance de l’universalisation du service public pour la santé, ils ont d’abord essayé d’obliger les compagnies privées à étendre leurs services. Souvent d’ailleurs, le contrat stipulait que les sociétés devaient fournir l’eau gratuitement pour le « service public », et ne faire de bénéfices que sur la vente d’eau aux particuliers et aux quartiers fortunés. Il y avait alors nécessairement conflit : refus d’investir dans des extensions peu rentables pour les compagnies, et volonté des élus de résilier les contrats des sociétés réticentes. Pezon (2012) a analysé les nombreux conflits entre opérateurs privés et autorités locales en France, arbitrés par le Conseil d’État. D’abord, ce dernier a protégé les contrats tels qu’obtenus par les opérateurs privés, obligeant les villes soit à racheter les concessions à prix d’or, soit à faire elles-mêmes l’extension du service aux autres quartiers. Mais ces arbitrages eux-mêmes ont conduit à discréditer la formule de la concession pour la desserte à domicile, au moment où cette dernière passait d’un statut de bien de luxe à celui d’une nécessité doublée d’un confort. Le remplacement de la rigidité des contrats price-cap par les formules de délégation comme l’affermage en cost-plus a permis aux entreprises privées de survivre. Ailleurs sur le continent européen, le discrédit de la gestion privée se doublait d’une méfiance envers des sociétés qui étaient souvent étrangères (anglaises et françaises). La montée en puissance des États-Nations poussait vers la reprise en mains publique, mais souvent à l’échelle locale.

L’assainissement et l’épuration des eaux usées

19Les réseaux d’égout sont en général bien plus anciens que ceux d’eau potable, du moins dans les centres villes (le Cloaca maxima de Rome en offre un célèbre exemple) ; le premier objectif était le drainage. Il fallait en effet évacuer l’eau de pluie, et protéger les villes des inondations ; c’est ensuite qu’on a eu l’idée d’envoyer les eaux usées dans ces réseaux de drainage devenant ainsi des réseaux « unitaires ». C’était d’autant plus important que l’arrivée de l’eau à domicile allait conduire à augmenter considérablement l’usage de l’eau et donc à avoir des volumes continus à évacuer.

20Ici encore, la précocité de l’urbanisation et de l’industrialisation anglaises a encouragé la recherche de solutions novatrices, et dès la première moitié du XIXe siècle, les ingénieurs français en ont fait le constat. Hippolyte Mougey a minutieusement décrit les égouts de Londres, de Liverpool et d’Edimbourg dans un rapport réalisé alors qu’il était encore élève à l’École des Ponts et Chaussées, en 1838, et juste avant de mourir brutalement à 24 ans… Il est témoin de la naissance du système unitaire, récemment adopté à Londres et à Edimbourg, mais pas à Liverpool, où le rejet du contenu des fosses d’aisance dans les égouts reste interdit. Il insiste sur l’importance pour la propreté de la ville, par temps sec (poussière) et par temps humide (boue), de la mise en place de ces réseaux, mais dans un contexte où on interdit aux particuliers de souiller la rue de déchets. Il critique cependant l’organisation du service par quartiers à Londres, et surtout le mode de financement adopté historiquement : la taxe des égouts ne sert qu’à assurer le fonctionnement et l’entretien, le raccordement est entièrement à la charge des riverains, ainsi que la construction de nouvelles lignes si les commissions publiques n’y sont pas disposées. L’organisation (y compris budgétaire) en divisions et subdivisions fait que les habitants payent des taxes très différentes d’un quartier à l’autre, et que de plus les taxes sont levées non pas annuellement mais quand on a besoin d’argent. En 1834, écrit-il, une enquête parlementaire a bien admis qu’il faudrait unifier les commissions de quartier, mais elle n’a pas osé le proposer ! Cela semble indiquer que le niveau municipal de gestion n’est pas encore légitime (cf. Barraqué et Kraemer*). Mougey montre aussi que sur le plan technique, tout est déjà en discussion : quel accueil des déchets de la chaussée, quel système de chasse éventuel [8], la profondeur à laquelle les égouts sont construits (au-dessous des fondations des maisons riveraines), l’importance des larges trottoirs qui réduisent l’inconfort des passants à la seule traversée des rues, les avantages comparés du macadam et du pavé… Même la forme ovoïde des égouts est remarquée pour son intérêt dans l’évacuation. En revanche, Mougey constate les conséquences dans la pollution de la Tamise, qui devient nauséabonde avec le reflux de la marée. C’est Bazalgette qui y remédiera en réalisant le grand réseau unitaire entre 1859 et 1865.

21On voit bien comment ces idées ont influencé les ingénieurs français, en particulier à Paris, où un système d’égouts visitables, mais avec des chasses d’eau utilisant l’eau gratuite du « service public », a été progressivement généralisé. En 1884, le préfet Poubelle impose les récipients de déchets solides qui portent son nom et, 10 ans plus tard, Paris adopte le tout-à-l’égout. Mais le débat technique est loin de se clore, et notamment aux États-Unis où partisans de l’unitaire et du séparatif s’affrontent. D’autant plus que la diversité des formes de la pluie rend discutable l’intérêt de l’évacuer toujours par des réseaux en sous-sol. Inversement, la récupération des matières solides des fosses d’aisance à des fins de fertilisation agricole, autant que pour protéger les rivières, est défendue dans de nombreux pays, et conduira à l’innovation de l’assainissement pneumatique sous vide (et pratiquement sans eau) à la fin du XIXe siècle.

22Unitaires ou séparatifs, les réseaux d’égout ont dans l’ensemble joué de la gravité, en utilisant les pentes naturelles vers l’aval des villes, sans chercher à récupérer les sédiments rejetés. Inévitablement, ces rejets ont fini par excéder les capacités épuratoires des rivières, et il a fallu réduire les impacts en traitant les eaux usées avant rejet. Avec quelques décennies de retard sur l’eau potable, le génie sanitaire est alors, là aussi, venu compléter les apports du génie civil. Compte tenu de la petitesse de leurs fleuves par rapport à la densité de population, les Anglais ont aussi inventé les stations d’épuration des eaux usées, et ils les ont financées en augmentant des redevances d’assainissement, toujours calées sur la valeur locative des logements. Paris, comme certaines villes allemandes, a longtemps conservé ses champs d’épandage à l’aval d’Achères, mais il a fallu se résoudre à construire une station d’épuration à Achères, mise en place en 1940. La technique des boues activées [9] était alors au point, et elle fut adoptée. Alors que l’Angleterre était déjà équipée avant la deuxième Guerre mondiale (avec une technique plus ancienne et plus demandeuse d’espace, les lits bactériens), le continent européen a souvent choisi les stations à boues activées dans les années 1960 et suivantes : voir par exemple ce qu’en disent Juuti et Katko* pour la Finlande.

23À cette époque, avec le succès de la facture d’eau comme mode de financement des services publics, nombre de pays européens ont été tentés d’y inclure le service de l’assainissement, provoquant la conceptualisation d’une symétrie entre les deux services : on traite l’eau, on la distribue, on la reprend usée, on l’épure avant rejet. Mais la mise en place des stations d’épuration a conduit à une augmentation des coûts de fonctionnement, tout comme le traitement de l’eau potable, et les coûts de fonctionnement attirent la facturation pour service rendu. Surtout lorsque les ingénieurs optent pour la technique séparative (pluie/eaux usées). Mais faire entrer l’assainissement des eaux usées dans le « bien de club » (club good) particulier qu’est le service public commercial pose un problème de droit : si le raccordement n’est pas obligatoire à l’eau du robinet, il l’est à l’assainissement collectif, dès que le réseau passe devant la maison ou l’immeuble, pour des raisons de santé publique. Or un raccordement qui est imposé ne peut en principe pas être tarifé : il doit être taxé. En fait, en France comme en Allemagne, on considère désormais que lorsque tous les habitants d’une ville sont raccordés, l’assainissement devient ipso facto un service rendu, qui peut être financé à son tour par la facture d’eau [10]. Il reste cependant de nombreux problèmes technico-économiques : d’une part, là où les réseaux d’égout sont unitaires, comment ne pas faire payer la gestion de la pluie que les particuliers n’achètent pas ? Une contribution du budget général est en principe obligatoire, mais comment calculer une contribution équitable ? Ensuite, l’assainissement et l’épuration font doubler la facture et plus, ce qui à long terme risque fort de provoquer une évasion de la clientèle d’eau potable, et notamment des grands comptes industriels ou de services. Et d’ailleurs, si on peut considérer le réseau d’égout comme rendant service aux habitants raccordés, il n’en va pas de même pour la station d’épuration, qui devrait donc être financée à part.

Génie de l’environnement et articulation services – ressources

24Le profond changement qui est intervenu à la fin du XXe siècle, et qui se matérialise pour les Européens par la Directive Cadre sur l’Eau (CE 2000/60), c’est que, au lieu de résoudre les problèmes sanitaires et d’environnement liés aux services publics par la technologie des réseaux et des usines, on cherche à assurer d’abord la protection du milieu aquatique. La qualité reconquise et maintenue de la ressource s’inscrit dans le principe de précaution, et de plus, la recherche de la solution territoriale finit par coûter moins cher que la sophistication technique.

25Mais cela est d’autant plus difficile du fait du processus d’urbanisation mondial qui explose sous nos yeux. C’est évident dans les grandes villes du Sud, où les ruraux sans terre viennent s’installer précisément dans les zones où une gestion territoriale pourrait compenser le manque de moyens techniques. Mais les villes du Nord ont aussi des problèmes. La région parisienne en offre un exemple : avec ses 12 millions d’habitants, elle est surdimensionnée par rapport à la Seine, et on ne pouvait plus traiter correctement toutes les eaux usées en aval à Achères, faute de place. Il en résulte une réorganisation territoriale en profondeur de l’épuration, avec la mise en place d’une importante station d’épuration en amont de Paris, à Valenton, suivie d’une reconstruction de celle d’Achères. En d’autres termes, cette concentration dans une métropole mondiale oblige à repenser le territoire régional et à sophistiquer les choix techniques. Autre exemple, Barcelone a fini par abandonner l’idée d’aller chercher son eau dans des territoires de plus en plus éloignés, pour éviter une dépendance par rapport aux pouvoirs régionaux et nationaux : depuis 2010, elle dispose d’une usine de dessalement de l’eau de mer, et d’une autre usine recourant à la même technologie (osmose inverse) pour recharger la nappe alluviale du Llobregat en amont de la ville, avec l’eau sortant de la station d’épuration. L’eau de pluie est également récupérée dans des bassins enterrés puis utilisée pour l’arrosage des parcs et des rues. Cette fermeture du cycle coûte sans doute très cher, mais Barcelone peut ainsi résoudre son problème de pénurie sans pratiquement changer les relations entre distributeur d’eau et consommateurs.

26En revanche, cette façon de s’abstraire de plus en plus du territoire de la ressource grâce à la technologie est remise en cause par les partisans du génie de l’environnement, qui préconisent a contrario de changer le mode de vie des urbains pour re-territorialiser leurs rapports à l’eau à une échelle inframunicipale. Par exemple, dans les écoquartiers allemands ou australiens, la fermeture du cycle de l’eau est faite par les citoyens eux-mêmes à l’échelle de la maison ou du lotissement. À terme, cela oblige les gestionnaires des services publics en réseau à repenser l’avenir : la consommation de leur eau va-t-elle s’effondrer ? Et faut-il alors déplacer la frontière entre la ville et la campagne, c’est-à-dire entre les zones desservies par des réseaux, et d’autres, où on inventerait un service public sans réseau ? Du coup, on redécouvre un phénomène qu’on croyait à tort marginalisé : même en Europe et a fortiori aux États-Unis, il reste une population non marginale qui n’est pas raccordée à un égout, et même à un réseau d’eau. Cela ouvre d’ailleurs la question du XXIe siècle : peut-on garder l’esprit et l’organisation institutionnelle des services publics en réseau sans les réseaux eux-mêmes, et en profiter pour repenser la coopération décentralisée avec les villes du Sud, où on voit bien que le modèle occidental bute à la fois sur le manque de moyens techniques et, sur la faiblesse des institutions locales et de la solidarité sociale matérialisée chez nous par les services en réseau (Barraqué, 2013) ? Ou bien allons-nous à l’inverse vers une fragmentation urbaine renouvelée et généralisée (voir : Graham, Marvin, 2001) ?

27Plus nombreuses sont les villes qui font le choix de concentrer la gestion de tout ou partie des services à une échelle régionale [11] : partout en Europe, se produit un phénomène de concentration des unités de gestion des services, qui permet de faire des économies d’échelle, mais aussi, éventuellement, d’améliorer ou de retrouver une articulation entre les territoires des services et ceux des ressources. À tout seigneur tout honneur, on pense ici en premier lieu aux wateringues néerlandais. Ils ont toujours été concernés par la ressource en eau, puisqu’il s’agissait d’abord de se défendre contre les marées hautes par gros temps, puis de drainer les terres agricoles et d’entretenir les canaux. Après la deuxième Guerre mondiale, ils ont été chargés de la défense de la qualité de l’eau et donc de l’exploitation des stations d’épuration. La multiplicité des tâches a conduit alors à leur forte concentration, à une échelle assez proche des 12 provinces historiques (il n’y a plus que 23 wateringues, qu’on finit par appeler regional water authorities), mais sur des territoires hydrauliques. En réalité, il n’y a guère de bassins versants marqués dans ce plat pays, et on est plus libre de découper, ou plutôt de regrouper, comme on le désire, des polders et des canaux ; et certains ont un territoire identique à celui de la province où ils se trouvent. Ce qu’il faut remarquer, c’est que les comités directeurs de ces wateringues sont composés de représentants des diverses catégories d’usagers es-qualités et non pas élus au suffrage universel. Et ils s’occupent directement des ressources en eau, notamment pour la mise en œuvre de la DCE et de la Directive Inondations, et pour faire face aux incertitudes du changement climatique. Mais ils ont un problème de coordination avec les quelque 400 municipalités, qui restent chargées de faire fonctionner les réseaux d’égout.

28En Angleterre et au Pays de Galles, les Regional Water Authorities ont réuni, dans la réforme de 1974, la gestion de la ressource et celle des services publics (premiers utilisateurs de l’eau), sous la responsabilité de comités composés d’usagers de l’eau et de représentants de collectivités locales pour moitié ; mais ces derniers ont été progressivement exclus et remplacés par des associations de consommateurs. La privatisation n’a pas changé les territoires des services publics, qui restent des groupes de bassins-versants, ou ceux des 12 sociétés privées (Water only companies) restant en fonction. Mais planification et police de l’eau sont désormais séparées des services publics. Enfin, des inondations inattendues offrent à certains comtés l’opportunité de revenir dans le jeu de la gouvernance de l’eau, en mobilisant éventuellement l’argument du changement climatique.

29En Allemagne du Nord-Ouest, il y a, comme aux Pays-Bas, une longue tradition d’associations ou de communautés de gestion du sol et de l’eau (les Boden und Wasser Verbände), mais qui n’ont pas été institutionnalisées en général. Toutefois dans la Ruhr, une formule originale a été développée au début du XXe siècle, les Genossenschaften. Il s’agit de syndicats coopératifs gérant l’eau et ses usages par bassin-versant ou sous-bassin. À l’origine, on trouve la volonté de spécialiser les trois rivières de la Ruhrgebiet, et d’en mutualiser la gestion entre les industriels et les municipalités. L’Emscher est devenu l’égout à ciel ouvert de la région (bétonné), la Lippe la rivière pour les usages agricoles et industriels, et la Ruhr la rivière noble avec d’une part, le stockage d’eau propre et la production d’eau potable, et d’autre part, l’épuration des eaux usées pour protéger la qualité de l’eau. Cette spécialisation des rivières est une autre façon de « linéariser » l’eau et l’assainissement entre amont et aval. Au fil des décennies, le modèle de gestion des services par unité de ressource (sous bassin-versant) s’est répandu dans le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, si bien qu’aujourd’hui il y a 11 institutions de ce type. Chaque Genossenschaft est dirigée par un comité composé de façon qualitative en fonction des usagers impliqués : industriels de diverses branches d’activité, villes et cantons ruraux, associations d’écologie et de consommateurs, etc. Ces institutions ont servi de modèle de départ à nos agences de l’eau en 1964 [12]. Elles permettent de rationaliser la gestion de l’eau potable ou des eaux usées à une échelle régionale, mais, à la différence du Bade-Wurtemberg (où l’approvisionnement en eau est régionalisé dans les mains de grands syndicats de communes), elles sont organisées comme des communautés d’usagers à l’échelle de bassins ou de territoires de contrats de rivière ou de SAGE (en France). En général, elles ne fournissent pas de services publics d’eau et d’assainissement aux usagers domestiques ; elles s’occupent de ce que les Portugais appellent aqua alta, c’est-à-dire qu’elles gèrent de façon supra-locale la production d’eau potable et l’épuration des eaux usées. Mais en plus, elles s’occupent du milieu aquatique, et depuis vingt ans elles conduisent divers programmes de bonne gestion de la ressource, de renaturation des berges, d’aménagement paysager et de gestion des eaux pluviales pour faire « d’une nuisance une ressource » (Emschergenossenschaft-Lippeverband), ou de suivi écologique de la rivière, et de lutte contre les nouveaux micro-polluants (Ruhrverband).

Conclusion

30Dans ce numéro de Flux, on présente des cas très divers, à partir de problématiques seulement en partie comparables. Les périodes couvertes sont différentes, et la plupart s’arrêtent à la deuxième Guerre mondiale ; mais Saurí* et ses collègues commencent plus tard et finissent aujourd’hui, comme si l’histoire de l’eau à Barcelone concentrait en accéléré les débats ayant eu lieu ailleurs, et en quelque sorte rattrapait puis dépassait leurs évolutions. Certains comme Saraiva et alii*, Chatzis* et, Bocquet*, évoquent plus précisément l’attitude des propriétaires et des habitants vis-à-vis des nouveaux services, mais tous couvrent le lien entre choix techniques et rôle des ingénieurs qui véhiculent les innovations ; parfois l’apport de celles-ci se fait dans un débat public-privé, jusqu’à la municipalisation, parfois très précoce, comme en Allemagne ou en Finlande. D’ailleurs, le débat public-privé réapparaît de temps en temps là où l’entreprise privée joue un rôle, mais il paraît moins structurant que celui sur les choix techniques et les territoires correspondant à ceux-ci, et permettant leur financement. L’article de Crespi Reghizzi* est complémentaire des autres : il ouvre une problématique qui devrait être reprise par d’autres travaux, afin qu’on ait une vision plus complète de la façon dont les villes ont financé les réseaux, notamment au début, avant que les abonnés suffisamment nombreux couvrent les coûts grâce à leurs factures et/ou leurs abonnements.

31En tentant de faire une sorte de « zoom arrière » que peut-on retenir ? En caricaturant, on peut schématiser trois configurations : les technologies traditionnelles liées à la gestion par de petites communautés ; les services en réseau avec les usines d’eau et les stations d’épuration à l’échelle de villes et d’agglomérations ; et les grands réseaux multifonctions associés à l’implication de l’État ou d’institutions régionales.

32On part d’une situation au XVIIIe siècle où l’eau est une ressource soit partagée et acheminée de façon techniquement modeste par des communautés locales, soit mobilisée et appropriée par les seigneurs. Mais dès cette époque, la montée en puissance des États, avec la naissance du capitalisme, fournit les ressources à la fois financières et politiques pour multiplier les projets de mobilisation des ressources par le génie civil. L’approvisionnement en eau des villes n’est pas en première ligne, jusqu’au milieu du XIXe siècle. Puis les États veulent abreuver et nettoyer leurs capitales. Mais à part quelques grandes villes, de New York avec l’aqueduc Croton à Los Angeles avec le transfert de la Owens Valley, aux États-Unis, c’est la montée en puissance du gouvernement fédéral avec la progressive era, puis le New Deal, que s’exprime avec force le génie civil au service des projets « multifonctions » comme la Tennessee Valley Authority. Cela constitue un antécédent de la gestion régionale et hydraulique de la ressource, par l’offre. Et d’ailleurs, les sociétés régionales d’aménagement françaises (Canal de Provence, Bas-Rhône Languedoc et Coteaux de Gascogne) en sont les descendantes.

33Face à ces projets de plus en plus ambitieux et étatiques, les entreprises privées et les villes qui les utilisent (ou qui les rejettent), ont une alternative aux aqueducs : l’eau pompée en rivière à proximité et filtrée. Dans bien des villes anglaises, c’est la seule solution possible. Puis, une fois la bactériologie découverte, cette approche fait émerger un nouveau métier, celui d’ingénieur sanitaire. Il s’agit de compléter le génie civil par la chimie appliquée au traitement de l’eau. À son tour ce traitement peut être facturé aux usagers, et l’eau urbaine quitte son statut de bien commun pour devenir, non pas une marchandise, mais un bien de club, puis un bien de club ouvert (c’est-à-dire avec une vocation de service universel bien que payant). Et, avec plusieurs décennies d’avance sur les États, les villes deviennent les protagonistes du welfare state, par le biais des services publics, dont ceux de l’eau urbaine. Par exemple, Belgrand a d’abord rejeté la technique de la filtration sur sable adoptée par Londres ; et le pouvoir de l’Empereur a permis de faire des aqueducs « comme les Romains ». Or, à peine quarante ans plus tard, un conseiller municipal « possibiliste » [13] de Paris, Paul Brousse, a inauguré l’usine d’Ivry, qui est restée pendant cent ans un témoin de l’efficacité de la filtration lente sur sable, vite associée à divers traitements chimiques. Et même si Paris a continué à capter d’autres ressources lointaines après Ivry, aujourd’hui la moitié de l’eau potable des Parisiens provient des usines situées en banlieue, sur la Seine et la Marne. Des projets fantasmatiques, mais qui techniquement auraient pu être réalisés, comme un aqueduc depuis le lac Léman (450 km), ont été remisés dans les cartons (en 1919). En banlieue, le plus grand syndicat d’eau de France, le SEDIF, fait toute son eau à partir de trois usines pompant dans la Marne, la Seine et l’Oise ; la Lyonnaise des Eaux prend aussi toute son eau à proximité des lieux de consommation, en surface ; elle recourt toutefois en partie à la technique de réinjection puis de pompage dans la nappe alluviale. En définitive, en plus des aqueducs imaginés au XIXe siècle, la partie dense de l’agglomération parisienne dispose aujourd’hui de 15 usines d’eau potable, qui témoignent d’un autre modèle que celui de Haussmann : le localisme institutionnel, éventuellement contrebalancé par la délégation à des groupes très concentrés (Pezon et Canneva, 2009 ; Lorrain, 2008).

34Il reste à évoquer le blocage de ce modèle de services, correspondant techniquement et institutionnellement aux villes. Le génie sanitaire résout différemment le problème de l’accès à l’eau, mais il n’est qu’une autre forme du modèle de l’offre porté d’abord par le génie civil. Or, le renchérissement des coûts, la baisse des consommations, et l’impact croissant sur l’environnement des grandes villes mettent ce modèle d’offre en crise. Et cela se passe au moment où on se rend compte qu’on ne pourra sans doute pas l’exporter dans les grandes villes du Sud. On doit repenser à la durabilité du modèle d’avant les réseaux et les usines, celui où on utilise des technologies adaptées à une gestion communautaire de quartier, mais avec une forte amélioration de leur fiabilité. Il faut juste espérer que ce redéploiement, qui peut aussi concerner les pays développés dans certains cas (faibles densités, militance écologique), pourra s’inscrire dans une approche du service public tel que défini il y a une centaine d’années en France : égalité d’accès, continuité de service, et mutabilité technique.

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Notes

  • [1]
    Les huit articles qui composent le dossier thématique de ce Flux, 2014/3 n°97-98 sont référencés dans la liste bibliographique en fin de cette introduction. Les noms de leurs auteurs sont signalés par un astérisque dans le texte. Il s’agit de : Barraqué, Kraemer ; Chatzis ; Boquet ; Crespi Reghizzi ; Saraiva, Schmidt, Pato ; Juuti, Katko ; Fougères ; Saurí, March, Gorostiza. Les trois premiers articles ainsi que les deux derniers ont été publiés initialement dans l’ouvrage consacré au bicentenaire d’Eugène Belgrand (Deutsch, Gautheron, 2013), mais ils ont été retravaillés et améliorés grâce aux échanges avec le comité de lecture de la revue.
  • [2]
    Le Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés a été fondé en 1985 par Henri Coing, Gabriel Dupuy et Pierre Veltz, associant l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), l’Institut d’urbanisme de Paris de l’Université Paris 12, et le CNRS.
  • [3]
    Le génie sanitaire est une branche du génie chimique qui se consacre à la protection de la santé des populations par rapport au milieu physique et anthropique.
  • [4]
    Le génie de l’environnement s’est constitué aux États-Unis à partir du génie sanitaire, mais en partie dans son renversement : protéger la nature et la ville contre les populations et l’économie, pour mieux assurer la durabilité de ces dernières.
  • [5]
    Exploitant les archives d’Eau de Paris (SAGEP à l’époque), Gaillard Butruille (s.d.) a montré l’ancienneté des expériences de filtration de l’eau, ainsi que la diversité des matériaux employés, avant que le sable ne s’impose en rapport qualité prix. La filtration de l’eau était déjà employée à Paris, d’abord sur des bateaux-filtrants ou dans des fontaines filtrantes ; mais l’eau était vendue en bonbonne ou à des porteurs d’eau. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les particuliers qui recevaient l’eau à domicile ont adopté la filtration au robinet à leur tour. Mais en France, on hésitait encore à filtrer l’eau avant son introduction dans le réseau, bien que de nombreux essais soient tentés.
  • [6]
    Juuti et Katko* font la même observation sur le cas de Tampere en Finlande : un réseau d’eau public est décidé en 1876, mis en place en 1882, mais il n’est qu’à faible pression. En 1898, il est rendu plus étanche, mis sous plus haute pression et équipé de compteurs d’eau. La pratique du comptage se généralise ensuite rapidement aux villes du pays.
  • [7]
    Non sans réticences de la part des propriétaires d’immeubles, nous explique Chatzis* sur le cas français.
  • [8]
    Il constate que l’on n’a pas besoin de procéder à de fréquents curages. Avec la fréquence relative des pluies, et surtout l’augmentation des usages de l’eau à domicile, les sédiments sont emportés naturellement, même avec des pentes relativement faibles. En revanche, il n’y avait pas de fontaines publiques où l’on puisse prendre de l’eau pour laver les rues. « Toute l’eau se paye, celle qui sert à arroser les rues, comme celles qu’on emploie à éteindre les incendies » (Mougey, 1838).
  • [9]
    Inventée par Ardern et Lockett en 1916.
  • [10]
    Et ceux qui sont raccordables mais pas raccordés payent la taxe d’assainissement comme une pénalité. En revanche, le Conseil d’État s’est opposé à la couverture des coûts de l’assainissement autonome par la redevance d’assainissement assise sur la consommation d’eau. Cela n’a pas empêché l’invention, à la fin du XXe siècle, d’un service public pour gérer les fosses septiques, le SPANC (Service Public d’Assainissement Non Collectif).
  • [11]
    Mais les deux mouvements ne sont pas incompatibles.
  • [12]
    Mais nos agences n’ont ni pouvoir de police, ni maîtrise d’ouvrage, contrairement à celles de la Ruhr. Nos agences aident les collectivités à financer leurs stations d’épuration, alors que dans la Ruhrverband, aucune ville ne peut construire une station d’épuration elle-même, c’est l’institution de bassin qui en a le monopole.
  • [13]
    Les possibilistes croyaient au socialisme municipal, c’est-à-dire à la possibilité d’aller vers le socialisme par la conquête du pouvoir local, alors que les guesdistes pensaient que seule la révolution au niveau national le permettrait.
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