Notes
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[1]
Sur la fresque générale des acteurs « urbains » et la place « classique » des banques, voir le numéro spécial d’Entreprises et Histoire, n°30, septembre 2002 et notre article d’introduction. Conscient de l’importance de cette industrie pour notre sujet des infrastructures, nous avons développé plusieurs approches, en plusieurs textes. Les portraits qui suivent s’inscrivent dans ce programme à partir d’une descriptive des firmes. Lorrain D., « Le marché a dit. Intermédiaires financiers et managers dans le secteur électrique », Sociologie du travail, vol. 49, 1-2007, pp. 65-83 ; « Macquarie », Flux n° 62, octobre 2005 sur les opérateurs d’autoroutes ; « Industrie financière et infrastructure : l’emballement des réformes », Forum international Urbisque, Université de Lausanne, 20-22 Septembre 2006.
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[2]
Ces acteurs sont aussi appelés firmes de LBO (Leverage Buy Out).
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[3]
Sans être exhaustif, mentionnons quelques-uns de ces fonds créés par une grande banque : CVC Capital Partners (Citibank), Eurazeo (Lazard), Jupiter (Commerzbank), PAI Management (BNP Paribas), Permira (CSFB), UBS (Global Asset Management), HSBC, JP Morgan Partners, Goldman Sachs, Macquarie Bank, Warburg Pincus.
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[4]
Voir par exemple Business Week, November 18, 2002, p. 74.
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[5]
Voir une première analyse, FTfm, September 9, 2002. D’après un sondage sur 1 014 personnes disposant de plus d’un million de dollars à investir, 70% d’entre elles ont une part de leur portefeuille investie dans des hedge funds, des fonds privés et de l’immobilier « in the hope of getting higher returns » (FT February 27, 2006).
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[6]
La capitalisation des fonds islamiques est passée de 946 M$ en 2001 à 2,24 G$ en 2005 (FT October 19, 2006).
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[7]
Cette opération comme celle de AWG s’est faite pour 1,3 fois la valeur des actifs régulés, un multiple élevé pour le secteur (C. Hughes, FT November 30, 2006).
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[8]
Les données de Preqin sont fondées sur les déclarations des entreprises et comprennent les sommes levées pour l’immobilier, les infrastructures, les mezzanines, les financements de dette, les fonds de fonds et les fonds secondaires (FT January 26, 2007).
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[9]
Avec un ratio de 85% en dette, la mobilisation de 10 milliards de dollars sur les marchés permet d’emprunter 56 et donne au gestionnaire la possibilité d’acheter des actifs pour 66 milliards de dollars.
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[10]
Ils interviennent en Chine à Qingdao, depuis 2003/04 (P&O, Maersk, Cosco) et pour le port en eau profonde de Shanghai (HIT, Singapore Port, CGM, Cosco).
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[11]
FT May 14, 2007.
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[12]
26 000 km de 2 fois 2 voies, soit 1 000 km/an, soit 2 km par État chaque année pendant 25 ans.
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[13]
Selon un investisseur, les fournisseurs de cette industrie ont des résultats plus stables que ceux qui travaillent avec des industries plus cycliques.
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[14]
FT March 24 & 25, 2007.
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[15]
Ce secteur attire un grand nombre d’investisseurs (voir la reprise de Harrah’s Entertainment en octobre 2006 par Apollo et TPG. Selon le FT, 25 transactions auraient été réalisées en 2005 pour un total de 35 G$ (FT June 15, 2005)). Jusqu’à ces acquisitions par Blackstone, la valeur de référence pour le secteur était, en 2001, la reprise du Méridien par Grand Hotel Acquisition, pour 2,7 G$.
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[16]
Relevons que Blackstone avait su mener un lobbying efficace en recrutant l’ancien président de Deutsche Telekom, Ron Sommer, à son comité consultatif international.
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[17]
Voir G. Wiesmann, « How Merkel and Blackstone changed German capitalism », FT July 3, 2007, p. 9.
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[18]
Fortress Investment Group a réalisé son introduction en février 2007. Goldman Sachs avait montré la route en 1999.
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[19]
Pour une discussion de ces techniques, voir par exemple : Chiapello et Medjad, in Sociologie du travail n°1, 2007. Voir aussi Stiglitz, 2004, The Roaring Nineties, Penguin Book, New York.
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[20]
Les deux fondateurs réalisent 2,6 G$ en cédant une partie de leurs actions.
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[21]
Le Monde 30 avril 2004, p. 14 ; voir aussi FT October 20, 2003.
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[22]
Les motoristes européens se classent comme suit par leur chiffre d’affaires 2002 : Snecma (F) 6,5 G€, Rolls-Royce (UK) 6,0 G€, MTU (All) 2,2 G€, Avio (It) 1,5 G€, Volvo (S) 0,9 G€ (Le Monde 25-11-2003). Le gouvernement français privatisera partiellement la Snecma en juin 2004 et organisera une fusion avec Sagem en mars 2005.
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[23]
Il tente sans succès de monter un fonds pour investir en Russie, après une vaine tentative en 1998-2000. En 2006, il s’associe à KKR et CVC pour une offre d’achat de 9,6 G€ sur le second groupe australien de grande distribution (Coles Myer).
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[24]
Ses relations d’affaires dans la zone avec la famille Ben Laden ont été affectées par les attentats du 11 septembre 2001 (FT July 31, 2006).
1Dans une approche classique du secteur des infrastructures, on peut considérer l’industrie de la finance comme un fournisseur parmi d’autres au même rang que les industriels qui apportent des tuyaux, des turbines, du matériel roulant. Dans ce cas, ces acteurs ne rentrent pas dans le périmètre des firmes urbaines. En fait, cette lecture est erronée. Un suivi des marchés et des firmes montre que l’industrie de la finance a eu une influence bien plus grande que le simple apport en capital dès le milieu des années 1990 pour les télécommunications et le secteur électrique. Elle a joué un rôle actif dans la définition des politiques publiques, parfois dans un sens puis dans un sens inverse, comme ce fut le cas avec la stratégie dite de multi-utilities [1].
2Dans une série de « portraits d’entreprises », nous allons présenter cette famille d’acteurs : les banques d’investissement, les fonds d’investissement privés (private equity) et les fonds souverains. Globalement, ils restent mal connus et peu étudiés tant est prégnante l’idée que les questions d’infrastructures urbaines se trouvent pilotées par les politiques d’État, les décideurs politiques (nationaux ou locaux) et les managers de firmes publiques ou privées. Donc, tous les efforts théoriques ou pratiques ont été appliqués à réformer le triangle du technocrate, du politique et du manager.
3Ces acteurs sont également mal connus parce qu’ils sont nombreux et l’idée d’une unité industrielle ne s’impose pas spontanément. C’est une industrie mondiale, aux acteurs divers ; elle intervient sur de nombreuses opérations donc on ne la représente pas spontanément autour de quelques blocs évidents. L’image première est bien celle de l’infini des transactions dans lesquelles nul ne semble s’imposer. Enfin, et ce n’est pas la moindre des difficultés, tous ces acteurs ne sont pas transparents. Les fonds privés échappent aux règles d’information obligatoires pour les sociétés cotées. Les documents publics des grandes banques d’investissements suivent une normalisation comptable qui ne fait pas place aux projets urbains spécifiques.
4Donc pour avancer, convaincu des écueils, nous nous sommes appuyés sur la presse économique, en particulier le Financial Times. Ce journal enregistre des faits. Leur traitement sur la durée ne dit pas tout, certainement, mais permet d’identifier des opérations majeures et de composer un paysage. À défaut de tout dire, cette méthode intermédiaire permet de faire entrer ces acteurs oubliés, bien que puissants, dans le cercle des politiques urbaines.
5L’idée qui nous guide globalement est qu’en une décennie une industrie déjà existante, l’industrie de la finance et du conseil, s’est renforcée en sachant profiter de la mondialisation des échanges et des nouvelles technologies de l’information. Elle est parvenue à se positionner comme un acteur incontournable dans la plupart des grandes transactions — introduction en bourse, fusion et acquisition —, que ce soit en conseil, en prêteur ou en investisseur. Les responsables de Goldman Sachs parlent d’une stratégie triple play.
6Dans le texte qui suit nous allons présenter les fonds de private equity. Ils viennent renouveler le pouvoir de propriété « classique ». Ils ont inventé une nouvelle modalité de l’intervention de la finance. Ils n’interviennent pas par des prêts comme les banques, ni en détenant des participations minoritaires comme les fonds de pension ou les banques. Leur principe est d’identifier des actifs sous-évalués, de les acheter en empruntant au maximum [2], de les valoriser pour les revendre quelques années plus tard.
7La crise des dotcoms et du trading en 2000/2001, puis le durcissement de la réglementation américaine et surtout l’importance des capitaux en quête de placement au niveau mondial depuis 2005 vont porter le développement des firmes de private equity. Parmi elles, on trouve des fonds spécialisés tels Apollo Management, Bain Capital, Blackstone, Carlyle, Cerberus, Colony Capital, Cinven, Kohlberg Kravis Roberts (KKR), Permira, Terra Firma, Texas Pacific Group (TPG) (tableau 1). Bon nombre sont nord-américaines. Quelques grandes banques d’investissement [3] ont aussi constitué des départements spécialisés.
8Ces fonds ont prospéré à la fin des années 1980 avant de connaître un déclin de 1992 à 2001, puis de repartir [4]. Ces acteurs, qui ciblent des actifs sous-évalués, les séparent (souvent) et les revendent (toujours), n’ont pas bonne presse. Rappelons le titre d’un livre de cette époque : Barbarians at the Gate. En France, pendant les années 1990, ils étaient qualifiés de « fonds vautour ». En Allemagne, en 2005, référence était faite aux « criquets » (locusts) sans doute parce qu’ils se déplacent en bande d’un secteur à l’autre et qu’ils détruisent beaucoup sur leur passage. Ces fonds venaient d’entrer dans le secteur de la chimie et rachetaient de grands actifs immobiliers.
1er facteur porteur des fonds d’investissement : un modèle industriel
9Les reclassements qui accompagnent la crise des nouvelles technologies et le retournement des marchés financiers en 2001 leur apportent pléthore d’actifs déclassés. Ils ont prospéré avec les faillites. Un banquier explique ainsi « au lieu de provisionner dans leurs comptes les créances des sociétés qui risquent de faire défaut, les banques les revendent sur le marché de la dette bancaire » (Le Monde 13 avril 2006, p. 13). En France, ces fonds ont repris une partie de la dette de Bull, du groupe d’énergie Alstom, de l’exploitant de parc de loisirs Eurodisney ; ils ont racheté des actifs à Vivendi (2002), à Suez (2003).
10Leur modèle industriel leur donne un avantage sur les acteurs industriels et financiers habituels. Leur méthode n’est pas de prendre des participations minoritaires dans un grand nombre de firmes pour répartir les risques mais, à l’inverse, de contrôler quelques firmes sous-valorisées et de les améliorer. Une de leur qualité est de savoir identifier les cibles et, comme ils ne sont pas contraints de rester dans un secteur, ils peuvent balayer un large spectre. Ceci leur procure un avantage sur les managers des firmes ; ils ne sont pas bloqués dans leurs choix d’investissements à partir d’un objet social. Une fois une firme acquise, si elle était cotée, elle est retirée de la bourse ; elle devient privée. Cela permet de mener les restructurations à l’abri du système d’information habituel et d’échapper à la contrainte des rapports trimestriels. Cette liberté d’action leur donne aussi un avantage sur les financiers classiques mis en cause pour leurs pratiques passées et obligés de respecter de nouvelles règles plus strictes. En outre, les dirigeants de ces fonds ont de puissantes incitations à dynamiser les firmes car leur rémunération comprend pour une part des actions dont la valeur peut s’apprécier considérablement au moment de l’introduction en bourse.
2e facteur porteur : des liquidités abondantes
11À ces facteurs internes, il convient d’ajouter une exceptionnelle conjoncture qui combine des taux d’intérêts bas et des liquidités abondantes provenant du flux des retraites, du cash des revenus du pétrole et de l’émergence d’une nouvelle classe de millionnaires.
12Selon le Boston Consulting Group, les ménages millionnaires en dollars seraient au moins 7,2 millions dans le monde et ils posséderaient environ 25 000 G$ d’actifs financiers (non compris les sociétés non cotées), soit 29% du total mondial. Ces individus fortunés confient la gestion de leur patrimoine à plusieurs gestionnaires ; la première banque en gestion de patrimoine, UBS, ne gérerait que 6% du total (FT September 20, 2006). Et donc, pour une part, ils confient la gestion de leurs actifs aux fonds de private equity [5].
13Depuis 2005, la hausse du prix du pétrole a augmenté la masse des capitaux en quête de placement. Entre 2003 et 2005, la seule variation des prix a généré un surplus de recettes de l’ordre de 400 G$ (FT September 16, 2006). Au total, « there is 2,500bn dollars investable in the GCC » (Gulf Cooperation Council, qui regroupe six pays du golfe) (FT July 26, 2006). Traditionnellement, ces ressources avaient été confiées à des banques étrangères de Londres et de New York de sorte que les sommes reçues pour prix de l’or noir repartaient aussitôt. Désormais, un nombre croissant d’acteurs régionaux s’interroge pour savoir pourquoi il ne serait pas possible de gérer en interne ces ressources. Il y a sans doute deux causes à cette révision de stratégie de la part des pays du golfe. D’abord un effet de génération ; les enfants des élites locales ont été formées dans des business school américaines et ils ont les aptitudes pour gérer « leur » business. On peut y voir aussi un effet 11 Septembre. Les réactions de l’administration Bush à l’encontre du monde « arabe » stigmatisé comme centre d’une menace potentielle, la mise en cause du rachat de ports américains par Dubai Ports (2006) ont entraîné une réaction. Cela se traduit par un rôle plus actif des fonds d’investissements de ces États, par l’arrivée des « fonds islamiques » [6] ou par des émissions d’actions par des sociétés de la région.
14L’intervention des fonds souverains est un phénomène très important en raison de leur poids financier (tableau 2). Ces fonds se sont constitués à l’origine pour gérer les revenus pétroliers de plusieurs pays du Golfe et ceux de Norvège, de Russie, du Canada. Puis sont venus s’ajouter des fonds d’État pour financer les retraites (Australie, Canada, France, Irlande, Nouvelle Zélande, Suède) et quelques autres pour gérer de manière dynamique une partie des réserves (Singapour, Chine). Le plus ancien de ces fonds et le plus puissant est celui d’Abu Dhabi ; créé il y a trente ans, il gère environ 875 G$. En 2007, la décision prise par la Chine de créer un fonds doté d’environ 230 G$ (une partie de ses 1200 G$ de réserves de change) la fait entrer dans un club très fermé aux côtés de Singapour, de l’Arabie Saoudite et de la Norvège. On relèvera que pour apprécier l’influence de Singapour il faut ajouter aux 300 G$ d’actifs du GIC ceux de Temasek, soit 100 G$. Ce pays de 4,2 millions d’habitants, sans pétrole, réalise une performance exceptionnelle.
15Ces acteurs viennent s’ajouter aux gestionnaires des grands fonds privés – private equity, security firms, grands fonds de retraites. Ils peuvent intervenir directement ou confier la gestion de leurs avoirs à d’autres acteurs et c’est là que leur route rencontre celle des fonds de private equity. Le fonds de gestion des actifs chinois, créé au milieu de 2007, a tout de suite pris une participation de 10% dans le fonds Blackstone qui entrait en bourse.
La montée des fonds de private equity
16Un suivi du secteur montre à partir de 2002 une nette accélération des volumes traités, du nombre d’opérations, des secteurs et des pays concernés. Sur la période 1998-2002, les fonds de private equity ne représentent quasiment rien des fusions et des acquisitions, pas plus de 2% des transactions. Leur décollage commence à la fin de 2002 pour franchir le seuil de 10% au milieu de 2003. Ils vont progresser en dent de scie pour représenter 50% des opérations mondiales en 2006. (FT October 13, 2006).
17Leur développement est donc très récent. Il n’en porte pas moins sur des montants impressionnants. En 2005, l’industrie des private equity a levé 261 G$ dans le monde, dépassant le record de l’année 2000 au plus haut de la bulle des dotcoms avec 250 G$. Selon Private Equity Intelligence, ces montants seraient de 432 G$ en 2006 et pourraient atteindre 500 G$ pour 2007 [7]nota 7 de scos [8]. Les transactions de 2006 annoncées par les firmes ont été de plus de 700 G$, plus du double du chiffre de 2005 et vingt fois plus qu’en 1996 (tableaux 1 et 3).
18À la fin de 2005 et en 2006, signe du succès de la formule, les grands groupes de private equity lancent des fonds de plus en plus grands. Des montants de plus de 10 milliards de dollars deviennent courants (mega funds, fonds jumbo) : KKR lève 12 G$ et des fonds immobiliers, Carlyle 15 G$, Texas Pacific Group 14,5 G$, Permira 10 G$, Apollo 10 G$, Bain environ 10 G$. Le fonds Blackstone mobilise 15,6 G$ en 2006 alors qu’au moment du lancement de son fonds il attendait 11 G$. Toutes ces sommes ne concernent pas les infrastructures ou l’immobilier mais leur proportion augmente. Le modèle Macquarie dans les infrastructures est copié par de nombreux acteurs qui découvrent l’intérêt d’une diversification dans des actifs relativement stables, capables de générer des cash flows réguliers. Le temps est à l’optimisme.
19L’impact des fonds, mesuré par le volume des transactions, est bien plus important que les sommes levées si on considère un recours à la dette compris entre 75% et 85% des opérations [9]. En adoptant un ratio prudent des trois quarts en dette pour un quart en capital, dix milliards levés donnent une puissance d’achat de quarante milliards.
20Témoignage supplémentaire du succès, en 2006 trois ténors — Blackstone, KKR et Texas Pacific Group — étudient une introduction en bourse. Avec l’introduction en bourse de Blackstone, un an plus tard, la frontière s’estompe entre cette famille d’acteurs et les banques d’investissement. Les fonds trouvent ainsi un accès permanent à des capitaux qui peuvent être ensuite apportés à leurs fonds spécialisés. Mais les effets ne sont pas que techniques. Le fait de devenir public leur fait obligation de respecter des règles qui s’imposent aux sociétés faisant appel public à l’épargne.
21Le phénomène est nouveau car par définition ces fonds « privés » n’étaient pas cotés. Et s’ils travaillaient avec les bourses de manière régulière, cela ne concernait que des filiales selon deux modalités. Premièrement, l’introduction en bourse fait partie du processus normal de sortie des sociétés qu’ils ont achetées et remises sur pied (une autre étant de trouver un acheteur direct). Deuxièmement, une autre relation avec les marchés correspond au modèle mis au point par la banque Macquarie et repris par beaucoup. Au départ, la firme lève des capitaux pour un fonds dédié à une certaine classe d’actifs ; ce fonds n’est pas coté en bourse. Au bout de quelques années, lorsque le programme est atteint et que les cash flows procurent le rendement escompté ce fonds est introduit en bourse. Mais dans les deux cas le fonds principal restait une entité privée.
L’intervention dans les infrastructures
22Le secteur des infrastructures ne représente pas l’activité principale des fonds de private equity ; on les trouve cependant actifs sur différents segments. Ils rachètent des centrales électriques cédées par les électriciens aux États-Unis ou en Angleterre. Plusieurs ont aussi participé aux reprises de dette des sociétés d’eau anglaises après le durcissement réglementaire de 1999, ou à des rachats de contrats de PPP en Angleterre. On les retrouve aussi dans des reprises d’actifs de grands groupes : Siemens, Centrica, Suez (Nalco), VNU (annuaires téléphoniques). Ils sont présents dans le secteur des réseaux câblés et se positionnent activement dans l’immobilier en s’appuyant sur une nouvelle structure juridique (Reits — Real estate investment trusts). Ils se développent dans les ports, les autoroutes et le secteur de l’eau.
23L’intervention de la finance dans le secteur immobilier correspond à un phénomène classique que l’on retrouve dans tous les pays. Seules les modalités varient en fonction des réglementations nationales et des conjonctures. Au début des années 2000, l’adoption d’une législation sur les Reits comme cela existe aux États-Unis et les avantages fiscaux qu’elle procure facilite l’arrivée de ce type d’acteurs financiers. Ils rachètent de grands parcs de bureaux ou de logements dont se défont d’autres grands acteurs qui veulent redéployer leurs ressources. Au Japon, par exemple, la bulle financière et immobilière a été longue à se résorber, près de dix ans. Dans un premier temps, les grandes banques ont repris les créances ; au bout de quelques années, elles ont fini par les céder pour nettoyer leurs bilans et les grandes banques d’investissement de New York – Goldman Sachs, Morgan Stanley — ont fortement investi. Plus tard, pour des causes différentes, c’est au tour des villes allemandes ou de grandes utilities de céder de très grands parcs de logements. Les mêmes acteurs financiers ont acquis environ 600 000 logements pour 20 G€ en quelques années (FT June 26, 2007). En Suède, la victoire d’un gouvernement de centre droit, à la fin de 2006, conduit à un programme de réduction de l’interventionnisme public et à des ventes du patrimoine public à partir de juin 2007. Plusieurs investisseurs sont également très actifs en Chine : Morgan Stanley, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Hines (promoteur américain), Prologis et AMB (des Reits américains spécialisés dans les parcs logistiques), Macquarie, CapitaLand (Singapour), les grands promoteurs de Hong-Kong. Il y a une nette accélération depuis la fin des années 1990.
24Les ports et les autoroutes deviennent aussi un objet d’investissement pour les fonds ou les grands opérateurs du secteur [10]. Comme dans les années 1990, pour les dotcoms, les principaux acteurs organisent des conférences pour promouvoir le concept. Par exemple, lors d’une conférence organisée à New York en mai 2007 par Macquarie, deux représentants du port de Virginie exposent que les PPP et autres concessions vont se développer dans le secteur en raison des besoins d’investissement et eux-mêmes envisagent de recourir à ce type de contrat pour leur port (ils ont déjà cédé un terminal complet – terrain et exploitation — à APM Terminals (AP Moeller)). Les autoroutes à péages sont présentées comme le secteur le plus approprié pour l’intervention du secteur privé : « the purest form of infrastructure investment » [11]. Selon une présentation de Reason Foundation, les États-Unis dépensent actuellement 9 G$ par an tandis que les recettes publiques assises sur une taxe sur l’essence diminuent en raison de l’efficacité énergétique des véhicules. La construction de 104 000 miles de voies au cours des prochaines vingt-cinq années, pour ne pas aggraver les embouteillages, coûterait 533 G$ [12], soit plus que deux fois le niveau d’investissement actuel.
25En 2006, se manifeste un nouvel intérêt pour le secteur de l’eau et plus largement pour le développement durable — greentech, clean tech — mais pour des raisons qui semblent bien éloignées des objectifs « humanistes » du millenium. « With droughts currently afflicting much of the world, investors are seeking to exploit a shortage of that most basic of commodities – water… Water companies have often been seen as unexciting bond-like proxies with secure but regulated returns. But since the start of 2003, a global index of water company shares has risen by 111.8 per cent, against 71.6 per cent for the FTSE World Index » (FT, July 5, 2006). Un index, composé de vingt firmes, a été introduit sur le marché par une société américaine [13]. Comme pour les dotcoms et l’électricité hier, on retrouve le rôle de quelques analystes dans l’élaboration d’une vision commune. Ces éclaireurs organisent des conférences où les représentants du business exposent l’importance des besoins (toujours énormes) et concluent à la nécessaire intervention du secteur privé. Une fois diffusée par la presse spécialisée et divers relais de lobbying, cette vision deviendra un consensus partagé par toute une profession et si l’analyse se révèle exacte elle contribuera à engager des actions.
26Dans ce qui suit, nous allons présenter Blackstone, Carlyle et Apollo. Au lecteur familier de cette rubrique « portrait d’entreprise », indiquons que la présentation que nous faisons est assez différente de l’écriture habituelle. Nous avons dû adopter une écriture chronologique, en essayant lorsque cela correspond à la réalité de faire ressortir des régularités, car cela reflète tout simplement la nature de ces acteurs.
27Les groupes de services ou industriels que nous avons étudiés jusqu’à présent se caractérisent par un cœur d’activité souvent construit dans la longue durée. Nous avons pu en rendre compte par une histoire et la mise à plat des principales filiales. Ici, avec ces acteurs financiers, ce qui prime est la rotation des actifs ; donc l’histoire compte moins ; la notion de cœur de compétence industrielle disparaît. La logique de développement relève d’une autre nature. Ces acteurs ont inventé un nouveau type de firme : « le conglomérat instable ».
28Ce fonds a pour origine une « boutique » de fusions et acquisitions fondée en 1985 par Peter Peterson et Stephen Schwarzman qui travaillaient tous les deux chez Lehman Brothers (FT March 21, 2007: 11). Peter Peterson (80 ans en 2007) est le fils d’un immigrant grec arrivé sans le sou, ni diplôme. Il a été formé à l’université de Chicago où il a reçu un MBA en économie ; il a travaillé pour Richard Nixon, a été Secrétaire d’État au commerce et longtemps président du Council of Foreign Relations (FT magazine, January 27/28, 2007: 17). Stephen Schwarzman (60 ans en 2007) vient de Pennsylvanie et a étudié à Yale.
29Ils ont commencé à quatre personnes et avec 400 000 dollars. Vingt-deux ans plus tard, au moment de son introduction en bourse, le fonds est évalué autour de 40 milliards de dollars et les deux fondateurs en détenaient environ la moitié. Blackstone se situe parmi les plus grands et sa puissance d’acquisition est impressionnante. Face aux grandes banques d’investissement qui traditionnellement dominent les marchés de fusions et acquisitions, Blackstone se présente comme un conseil indépendant de grande taille dont la différence est de ne pas intervenir par la dette ou les études. Au printemps 2006, il se renforce dans cette activité en nommant une figure des fusions et acquisitions en Europe – John Studzinski ; il a commencé sa carrière chez Morgan Stanley, puis en 2003, est passé chez HSBC à Londres (FT December 2, 2005). Outre sa taille, Blackstone nous intéresse car il est présent dans plusieurs activités urbaines : l’immobilier, les loisirs, l’hôtellerie.
30Comme d’autres, Blackstone a été actif dans l’industrie chimique en reprenant des actifs cédés par les grands groupes du secteur. Son opération phare a été, en 2004, le rachat de Celanese à Hoechst suivie de son introduction en bourse au début de 2005 ; même si le prix d’introduction, 16 dollars par action, était inférieur aux premières estimations, cela restait une opération très rentable. À la fin de 2004, associé à Apollo et Goldman Sachs, il introduit en bourse Nalco, la firme de traitement d’eau rachetée en Septembre 2003 au groupe Suez pour 4,2 G$ ; c’était alors considéré comme une grosse opération. (FT, Jan 24, 2005).
31En mai 2005, Blackstone lance un nouveau fonds dont l’objectif est de mobiliser 11 G$ ; la référence était alors celle de Goldman Sachs avec 8,5 G$. Au début de 2006, ce record est pulvérisé. Ce véhicule va attirer 15,6 G$ (FT May 26, 2005 et FT July 12, 2006). Ce sont des sommes considérables si on combine l’effet de levier de la dette. Elles témoignent de l’engouement pour cette manière d’opérer. Elles expliquent aussi quelques-uns des big deals qui vont suivre.
32?— En juin 2005, le fonds reprend Wyndham International (hôtellerie et casinos) pour 3,2 G$. Cela vient renforcer son portefeuille dans le secteur après les reprises en 2004 de Extended Stay America (3,1 G$) et de Boca Resorts [14]de scos nota 14 [15].
33?— Juillet est marqué par la reprise de Legoland Parcs pour 380 M€, cédé par sa maison mère, le groupe danois Lego. Cette société gère des parcs d’attraction en Allemagne, Angleterre, Danemark et Californie avec un total annuel de 5 millions de visiteurs. Cela vient renforcer Blackstone dans un secteur où il intervient déjà par Merlin Entertainments (UK) acquis quelques mois plus tôt. L’année précédente Blackstone avait revendu la division européenne de Six Flags (le second opérateur de parcs à thèmes) à Palamon Capital.
34?— En novembre, le fonds poursuit ses investissements dans le secteur hôtelier en rachetant La Quinta pour 3,4 G$ (dette incluse) ; ce groupe de Dallas possède et exploite 360 hôtels et en a plus de 240 en franchise. Le secteur est en pleine ébullition depuis deux ans et les opérations s’y multiplient. Les groupes hôteliers cèdent des actifs pour profiter de la hausse de l’immobilier tandis que les fonds de pension ou d’investissement pensent qu’après le ralentissement des activités consécutif aux attentats du 11 septembre, le secteur va connaître un mouvement de hausse (FT November 10, 2005). Les conseils sont Bear Stearns, Deutsche Bank et Merrill Lynch et on retrouve dans le financement Bear Stearns, Bank of America et Merrill Lynch.
35Au printemps 2006, le fonds est sélectionné par le gouvernement allemand pour acquérir une participation de 4,5% de Deutsche Telekom, soit 2,7 G€ (3,3 G$) et un siège au conseil d’administration. C’est une victoire significative à plus d’un titre. Toute l’industrie des fonds d’investissements avait fait acte de candidature [16] : Apax, Apollo, KKR, BC Partners, Providence Equity, Cinven (FT April 24, 2006). De plus, dans un pays qui avait été très critique sur l’arrivée des fonds, cette décision prise au plus haut niveau vaut acceptation. Enfin, en prenant une participation minoritaire et non une majorité de contrôle, Blackstone contribue à réduire les différences avec les banques d’investissements et donc à banaliser les fonds de private equity. Malgré cette position minoritaire, il aura une influence certaine dans la réorganisation de Deutsche Telekom. C’est un cas très intéressant d’alliance entre un gouvernement et un partenaire financier minoritaire [17]. À la fin de l’année il s’intéresse à une prise de participation dans Telecom Italia, ou même dans Enel (Wall Street Journal Europe, November 23, 2006). Il acquiert aussi 51% dans l’opérateur de télécommunications de Lettonie.
36Après la reprise de CarrAmerica, grand promoteur de Washington DC. pour 5,6 G$, en juin 2006, le fonds s’associe à un promoteur de New York et rachète Trizec Properties pour 8,9 G$. Cette société possède des immeubles en Californie du sud et quelques autres à Manhattan. Basée à Chicago, elle a été fondée à la fin des années 1980 par Peter Munck dont la fortune a été édifiée dans la production d’or.
37En juillet, Blackstone reprend Travelport qui regroupe des activités de loisir du groupe Cendant : le site informatique Orbitz et le système de réservation Galileo. L’opération est annoncée pour 4,3 G$, financée à hauteur de 850 M$ en cash et le reste en dette, le tout pour une valeur de 6,5 fois l’ebitda (FT July 1&2, 2006). En décembre, Travelport rachète son principal concurrent Worldspan pour 1,4 G$ ; ce qui revient à dire que deux sur quatre des grands fournisseurs de services aux agences de voyage se rapprochent. Worldspan a enregistré des pertes en 2005, les vendeurs sont Citigroup et Ontario Teachers’ Pension Plan qui l’avaient eux-mêmes repris en 2003 à US Airlines.
38Toujours en juillet, ce qui témoigne de la capacité à faire des deals, le fonds introduit en bourse Southern Cross, premier groupe anglais de cliniques privées, dont il détient 88%. Associé à PAI, le fonds reprend United Biscuits pour 3 G$ (FT October 26, 2006).
39En novembre 2006, Blackstone annonce une opération record de 36 G$ avec le rachat de Equity Office Properties. Ce très grand promoteur de Chicago possède environ 580 bâtiments, en particulier à Boston, New York, San Francisco, Los Angeles et la Silicon Valley. Il a pour origine les activités de promotion de l’homme d’affaires Sam Zell, qui les a introduites en bourse, sous la forme d’un Reit, en 1997. En fait, l’opération va susciter la réaction d’autres investisseurs et il faudra encore trois mois de bataille pour que Blackstone l’emporte au prix de 38,9 G$ (FT February 8, 2007). Ce faisant, le fonds inscrit un nouveau record dans les mega-acquisitions et bat le record établi quelques mois plus tôt avec le rachat du groupe de cliniques HCA pour 32,2 G$ par Bain Capital, KKR et Merrill Linch.
40Comme d’autres acteurs financiers, Blackstone fait son retour dans l’immobilier et marque la fin d’un cycle baissier (FT November 21, 2006). Le montage de cette opération est également significatif. EOP a été conseillé par Merrill Lynch tandis que Blackstone l’était par Goldman Sachs, Bank of America, Bear Stearns. Près de 30 G$ sont financés en dette avec un engagement des trois conseils de l’acheteur ; l’apport en actions qui devrait être de presque 7 G$ ne sera couvert que pour une moitié par Blackstone ; le syndicat bancaire apportera temporairement l’autre moitié. Ces engagements seront couverts par une hypothèque du syndicat sur une partie des immeubles (FT November 22, 2006). Donc, un apport cash d’un peu moins de 10% permet de monter une opération gigantesque.
41Dans un cycle haussier, avec des capitaux disponibles et des taux d’intérêts bas, les cibles potentielles deviennent sans limites. L’ingénierie financière se trouve au cœur de ces opérations. Elle se nourrit de ses propres succès. En reprenant des actifs toujours plus grands, les fonds se développent. Ils maximisent les gains de leurs associés et de leurs apporteurs de capitaux, du moins tant que le système reste haussier.
42Les banques et autres conseils ont aussi un intérêt évident. Premièrement, elles travaillent avec des acteurs qui comprennent leur langage et partagent leur vision de l’économie. Deuxièmement, ces transactions leur permettent de facturer des fees comme conseil et comme banquier. Troisièmement, comme ces nouveaux propriétaires n’ont pas de stratégie de long terme, les aider offre la certitude que les actifs seront remis en circulation, et tant qu’il y a du mouvement il y a des fees. Tous les acteurs de cette chaîne décisionnelle ont donc un intérêt à poursuivre même si le prix de certaines transactions comme le poids de la dette augmentent les risques.
43Au début de 2007, Blackstone se renforce dans les parcs à thèmes. Il mène une double opération en mars. D’un côté, il cède Vitus Group, une holding portant environ 31 000 logements en Allemagne pour 1,6 G€ et de l’autre, il rachète à Dubai International Capital le groupe de loisirs - The Tussauds Group - pour 1,98 G$ en cash. Cette seconde opération est portée par Merlin Entertainment, sa filiale spécialisée. Le nouvel ensemble dans le secteur du loisir compte 30 millions de visiteurs par an dans les différentes attractions de ses filiales : Legoland (Dk), Gardaland (It), London Dungeon, Sea Life, London Eye, Alton Towers, Chessington World of Adventures. Il se positionne au troisième rang mondial derrière Walt Disney Attractions (106 millions de visiteurs) et Six Flags (35 millions de visiteurs) (FT March 6 et March 12, 2007). Le fonds est conseillé par Goldman Sachs, Merlin par Lehman Brothers et UBS ; Tussauds et le groupe de Dubai par Citigroup.
44Il poursuit dans le secteur hôtelier. Dans un premier temps, en avril 2007, il revend Extended Stay Hotels aux États-Unis pour 8 G$ ; il en avait fait l’acquisition en 2004 pour 3,13 G$ (dette incluse) et y avait ajouté d’autres actifs acquis pour 600 M$. Grâce à cette transaction, l’acquéreur, le promoteur Lightstone, détiendra 60% des hôtels résidences aux États-Unis. Quelques mois plus tard, Blackstone acquiert le groupe Hilton pour environ 26 G$, cédé par la famille fondatrice. Avec cette opération, le fonds joue une double stratégie de valorisation : par la qualité des actifs (les hôtels comme actifs immobiliers) et par le métier d’exploitant, favorisée par un parc de grande taille. Cette stratégie devrait être confortée en 2008 avec la reprise de Intercontinental Hotel Groups (563 673 chambres, FT August 15, 2007) une fois la première opération terminée.
45En deux ans, en partant de rien, Blackstone s’est donc hissé parmi les grands opérateurs de parcs d’attraction et il intervient aussi dans l’hôtellerie. Cette stratégie illustre la capacité des fonds d’investissement à cibler des industries fragmentées, à y entrer rapidement pour les concentrer, dégager des marges avant de revendre ou d’introduire en bourse.
46En janvier, Blackstone s’intéresse comme d’autres au secteur de la santé et fait partie des trois offres retenues pour le groupe suédois d’équipements médicaux : Mölnlycke Health Care (l’offre se situerait autour de 3 G€).
47En mai, le fonds entre dans le secteur des cartes de crédits ; ces sociétés intéressent les fonds par leur capacité à générer du cash flow stable grâce à une large base de transactions. Il rachète, au groupe Hilton, la totalité de Alliance data Systems (ADS) pour 7,8 G$ ; cette société, qui avait été introduite en bourse en 2001, redevient privée. Quelques semaines plus tôt, First Data, qui gère des cartes, avait été vendue à KKR pour 26 G$.
48L’introduction en bourse. Au printemps 2007, avec l’aide des plus grandes banques de New York, le fonds étudie son entrée en bourse [18]. Selon une étude de McKinsey, sa valeur serait de l’ordre de 60 G$ et les actifs en gestion de l’ordre de 78 G$ (FT March 17-18, 2007 et March 30). Un peu plus tard, il est question de 40 G$ et de 4 milliards levés en vendant 10% des titres. À cette occasion, les conseils introduisent un procédé ingénieux pour maximiser la valeur potentielle. En appliquant la règle comptable de « fair value » (SFAS 159), il est possible de prendre en compte le produit des contrats de gestion des fonds en place ; ces produits représentent en général 20% des profits du fonds au delà d’un rendement garanti (FT March 30, 2007). Le raisonnement s’appuie sur les travaux du prix Nobel d’économie Black-Scholes sur les options. L’idée consiste à dire qu’une valeur peut être donnée à des contrats à termes (options, leasing) et qu’ils peuvent être valorisés immédiatement dans les comptes. Cette technique, qui permet de prendre en compte immédiatement des valeurs futures (mais pas nécessairement certaines), permet ici d’améliorer le présent [19].
49Cette introduction qui a lieu en juin 2007 sera un succès, car un mois plus tôt le gouvernement chinois décide d’acquérir 9,9% du capital pour 3 milliards de dollars. Aussi, Blackstone peut augmenter à 7,8 G$ (3+ 4,75 G$) le quota mis sur le marché, ce qui facilite en interne le partage des gains entre les fondateurs [20] et les nouveaux partenaires. Côté chinois, l’opération est réalisée par la nouvelle agence créée pour gérer de manière dynamique environ 250 G$, soit une partie des excédents commerciaux qui se montent à 1200 milliards de dollars. La Chine suit en cela la politique menée par le gouvernement de Singapour avec le GIC et Temasek, et les différents fonds des pays producteurs de pétrole.
50Le fonds noue aussi un partenariat stratégique qui lui apporte à la fois un accès à des capitaux « illimités » et une facilité pour identifier des cibles sur l’immense marché chinois. Les autorités chinoises se sont engagées à conserver leur participation pour quatre ans au moins, et à ne pas investir dans un concurrent de Blackstone pour une période d’un an. À l’automne, Blackstone reprend 20% dans le groupe chimique chinois Bluestar. Plus tard, avec cet associé il fait une offre pour une firme australienne de produits chimiques agricoles (Nufarm).
51Pendant l’été 2007, Blackstone bat un autre record. Il lève 21,7 G$ pour un nouveau fonds (une première fermeture un an plus tôt s’était faite à 15,6 G$) et il bat ainsi le record de Goldman Sachs à 20 G$. Tout se passe comme si ces activités n’étaient pas affectées par la crise sur les marchés de dette.
52En 2006, le fonds se classe au 5e rang des transactions réalisées, ex aequo avec le fonds de Goldman Sachs, pour un montant de 50 milliards de dollars. Au milieu de 2007, la valeur du fonds était estimée à 20 G$ et ses actifs en gestion sont de 75,6 G$ (FT November 7, 2007).
53Carlyle est un fonds basé à Washington qui semble avoir comme marque de fabrique d’investir dans des secteurs soumis à l’influence de la décision politique. Il s’est attaché la collaboration de quelques leaders politiques en retraite. Parmi les plus célèbres, évoquons : Georges Bush (Président des États-Unis), James Baker (secrétaire d’État), John Major (Premier ministre anglais), Fidel Ramos (ancien président des Philippines), Park Tae Joon (ancien premier ministre de la Corée du Sud), etc. [21]. À la fin de 2005, il nomme l’ancien directeur de Telecom Italia Mobile (Marco De Benedetti) à la tête de son équipe italienne. En août 2006, le « guest speaker » à une conférence organisée par le fonds, alors en difficulté sur le dossier Xugong, était Colin Powell, l’ancien secrétaire d’État (FT August 8, 2006). Carlyle a aussi comme caractéristique d’être diversifié géographiquement (voir tableau 1). Il n’intervient pas seulement aux États-Unis ; il est actif en Europe et dans la zone Asie-Pacifique ; son premier fonds dédié à cette zone date de 1999. À la fin de 2006, il avait monté 42 fonds ayant mobilisé 44,4 G$ (FT October 19, 2006).
54Carlyle a été créé en 1987 avec 5 millions de dollars par quatre associés dont David Rubenstein (FT October 13, 2006). Deux ans plus tard, arrive à sa tête Frank Carlucci, ancien directeur adjoint de la CIA, ancien secrétaire à la défense du Président Reagan. Il se retire en 2003, conserve le poste de président honoraire et cède sa place à Lou Gerstner, l’ancien dirigeant d’IBM. En 2004, le fonds gère 18 G$ concentrés dans les secteurs de la défense, de l’imagerie, des biotechnologies, des nanotechnologies, des télécommunications, soit des secteurs de pointe. Par exemple, en 2000, il acquiert la firme suédoise de défense, Bofors. En 2002, il reprend Qinetic, une firme privée du centre de recherche militaire britannique. Il tente de prendre le contrôle de Thales Information Systems, puis de la participation de France Telecom dans Eutelsat (Programme Galileo). Il reprend 70% d’Avio (filiale de Fiat) qui participe à Arianespace [22]. Pour ces raisons, Carlyle est perçu comme une figure du complexe militaro-industriel américain, croisant le pouvoir politique, les liens personnels et des positions industrielles. La participation dans Avio sera vendue pendant l’été 2006 au fonds anglais Cinven tandis que le groupe industriel italien Finmeccanica conserve 15% dans le motoriste. L’opération est conduite par JP Morgan, Lehman Brothers et Mediobanca.
55Carlyle intervient aussi dans d’autres secteurs que les technologies sensibles. Au milieu de 1998, il acquiert une participation de 40% dans le Figaro, les autres 60% étant détenus par Serge Dassault, autre acteur important du complexe militaro-industriel. Cette participation sera cédée en 2002 à la Socpresse (70% Hersant et 30% Dassault). Dans les années 2000, il crée un fonds européen doté d’environ 1 G€. Il fait partie des compétiteurs pour la reprise de Legrand vendu par Schneider Electric sur injonction de la Commission européenne (le repreneur sera KKR). Il acquiert, au côté d’Eurazeo (Lazard), un fabricant de briques et de tuiles cédé par Saint Gobain ; il le revend deux ans plus tard à un autre fonds sur la base d’une valeur de 860 M€, contre 470 M€ au départ. Il fait partie d’un consortium qui reprend en mars 2002 des activités dans l’édition de Vivendi Universal (Cinven 40%, Carlyle 30%, Apax Partners 10%). Parallèlement, Carlyle lance un second fonds européen qui devrait être doté à hauteur de 2 G€. (FT March 28, 2002).
56Le fonds se développe aussi en Asie et en Chine [23]. Il a investi dans ce pays dès le début des années 2000. Il prend une participation dans un centre commercial et en 2002, il rachète Boto International à l’activité bien éloignée du secteur de la défense : « le plus grand fabricant mondial de sapins de noël artificiels ». Mais le grand dossier concerne la reprise de Xugong Construction Machinery Group. En octobre 2005, Carlyle annonce la reprise de 85% de cet équivalent chinois de Caterpillar pour 2 GRmb (250 M€). C’est une entreprise publique de la province du Jiangsu cotée en bourse. Rapidement, l’opération se heurte à la réticence des autorités chinoises et le dossier s’enlise. En octobre 2006, Carlyle propose de réduire sa participation de 85 à 50% (FT November 9, 2006). En novembre, une étape très importante est franchie avec l’approbation de la commission qui gère les actifs publics (Sasac) ; il reste encore d’autres accords à obtenir. En février 2007, toutes les approbations n’étaient pas données et le ministère du Commerce exprimait ses réserves (FT February 9, 2007). Finalement, le dossier est approuvé sur le principe en mars ; le groupe américain aura dû se soumettre aux exigences chinoises en ne reprenant que 45% ; toutes les autorisations n’étaient pas accordées en août. Si on considère que c’est en 2003 que la province a nommé JP Morgan comme conseil pour cette cession, on mesure les difficultés de l’exercice.
57En n’acceptant pas facilement l’entrée d’un fonds de private equity dans un actif industriel important, les autorités chinoises envoient un message concernant leur volonté d’indépendance. Le message concerne toute l’industrie américaine de la finance à un moment où leurs prises de participation dans les banques chinoises se multiplient. Ce n’est sans doute pas un hasard si le rachat de 43% d’un autre fabricant de matériel de travaux par une firme de private equity moins connue que Carlyle s’est déroulé en six mois ou que Volvo a pu acquérir sans difficultés 70% de Lingong Construction Machinery (Shandong). Carlyle échoue aussi dans le rachat de 8% de Chongqing Commercial Bank, établissement qui compte la ville parmi ses actionnaires et qui finance de nombreux projets locaux (FT December 22, 2006 et August 27, 2007). Malgré ces difficultés « politiques », le fonds a réalisé sur un an 14 opérations d’un montant de 800 M$ (FT August 27, 2007).
58Pour réussir, les firmes occidentales doivent faire preuve de patience et comprendre les règles « locales ». Les équipes de Carlyle ont organisé un lobbying politique. En juillet 2006, le groupe crée un poste de direction pour les questions de réglementation, en particulier en Chine ; cette initiative vient compléter l’action générale des anciens responsables politiques qui conseillent le groupe (FT July 17, 2006).
59À la fin de 2005, Carlyle affiche sa volonté d’investir dans l’immobilier après avoir mobilisé plus de 2 G$ dans trois fonds spécialisés qui lui donnent une force de frappe d’environ 10 G$ : en Europe 760 M€, en Asie 410 M$, aux États-Unis 950 M$. Le fonds européen a déjà acquis un portefeuille d’immeubles en Italie et des résidences à Copenhague ; il va investir aussi en Allemagne et en France. Ce faisant, Carlyle s’inscrit dans un mouvement plus général vers ce type de placements. Macquarie, Morgan Stanley, Goldman Sachs viennent tous de constituer des « super » fonds d’investissement immobilier (FT October 4, 2005). Au début de 2006, associé à KKR et à d’autres investisseurs, dont le fonds Vinke, il prend le contrôle de VNU NV (groupe de communication des Pays-Bas) pour 11,6 G$. À la fin 2006, le fonds fait partie du consortium qui rachète le groupe d’énergie américain Kinder Morgan pour 26,6 G$ ; Goldman Sachs y est également engagé (FT December 28, 2006).
60Le fonds est aussi actif dans les réseaux câblés. En 2006, Carlyle associé à Providence met en vente le câblo-opérateur néerlandais Casema (n°3 du secteur dans le pays avec 1,4 millions d’abonnés) qu’il avait racheté à France Télécom en janvier 2003 pour 665 M€. La mise aux enchères a été confiée à Goldman Sachs, avec une estimation de la valeur autour de 2 G€ (FT April 21, 2006). Parallèlement, à l’autre bout du monde, Carlyle vend à Macquarie le 3e câblo-opérateur de Taiwan – Taiwan Broadband — qu’il avait acquis en 1999. Les revenus de cette opération lui permettent d’acheter le n°2 du secteur Eastern Multimedia Group. Il reste encore à obtenir les autorisations réglementaires (FT April 18, 2006). Un peu plus tard, il participe à l’intense compétition pour acquérir le premier opérateur – China Network Systems, 1,14 million d’abonnés – contrôlé par Koos Group, un grand conglomérat (FT August 16, 2006). Le fonds est aussi en attente d’une autorisation des autorités de Taïwan pour son rachat du groupe Advanced Semiconductor Engineering (ASE) (FT January 25, 2007, cf. TPG). Il est question d’une offre d’environ 6 G$ ; en avril, Carlyle retire son offre, officiellement pour des raisons de prix. En septembre, avec un autre fonds américain il acquiert 36% d’une banque locale touchée par la crise du crédit (FT September 14, 2007).
61Dans le second semestre 2006, Carlyle profite de l’abondance d’argent disponible et multiplie la collecte. En juin, il lance un fonds européen de 518 M$ qui combine des financements en prêt et en obligation. En juillet, il collecte 216 GY au Japon (1,9 G$), soit deux fois la somme attendue. En même temps, il prépare un fonds de 1 G$ pour le Proche-Orient [24]. Jusqu’à présent il a peu investi dans cette région. Ses liens y sont renforcés en septembre 2007 lorsque le fonds souverain d’Abu Dhabi (Mubadala) acquiert 7,5% de Carlyle pour 1,35 G$. Cette opération témoigne d’un positionnement nouveau des fonds de private equity. Un autre véhicule du gouvernement d’Abu Dhabi a pris peu de temps avant une participation dans Apollo Management, et Blackstone s’est associé au fonds de réserves chinois au moment de son introduction en bourse. Il est aussi question d’une cotation de Carlyle. En octobre 2007, Carlyle lance sur le marché américain un fonds généraliste de 15 G$ qui fait suite aux opérations jumbo engagées par les autres ténors.
62Parallèlement, un fonds dédié aux infrastructures aux États-Unis, lancé en mars 2006, mobilise 1,15 G$ à la fin de 2007. Il vise le secteur des transports (routes, autoroutes, ponts, aéroports) et les utilities. Parmi ses premiers achats, mentionnons Synagro Technologies, le premier groupe de recyclage de déchets organiques. D’autres grands groupes – General Electric, Goldman Sachs – se sont positionnés sur le même marché.
63Témoignage de la capacité d’adaptation aux marchés, le fonds anticipe sur les opportunités qui vont se dégager de la crise financière et il crée une équipe dédiée au marché américain des « services financiers » ; pour cela il recrute quelques pointures du secteur. Inversement, le fonds se trouve affecté par la crise des subprimes. Le fonds qu’il a introduit à la bourse d’Amsterdam en juillet 2007 (Carlyle Capital Corp. – CCC - basé à Guernesey) accumule les difficultés. Le titre introduit à 19 dollars a chuté à 14 dollars à la fin Août et CCC doit vendre 900 M$ d’actifs pour maintenir la confiance des investisseurs.
64En 2007, le fonds poursuit ses investissements dans différents secteurs industriels. Il fait une offre pour le chantier naval de Davenport (UK) ; la question étant de savoir si cette offre sera indépendante ou associée à BAE (FT March 18, 2007). Il reprend Sequa (2,7 G$, USA), un équipementier pour l’industrie automobile et l’aviation ; il rachète une unité de General Motors (6 G$).
65En 2006, ce fonds se classait au 8e rang en ayant réalisé pour environ 45 milliards de dollars de transactions (tableau 1).
66Apollo a été créé au début des années 1990 par Leon Black et des anciens de la banque Drexel Burnham Lambert, banque spécialisée dans les financements de dette et autres opérations sur le marché des junk bonds, dont l’aventure s’est terminée par une faillite. Apollo commence également par des reprises de dettes. Il est associé au Crédit Lyonnais dans un dossier bien connu en France : la reprise de la compagnie d’assurance Executive Life. Il poursuit en ciblant des firmes endettées et en prend le contrôle en convertissant les créances en actions ; ce fut le cas avec Culligan Water, Samsonite, ou Vail Resorts. Les reventes ont généré des multiples de 2,5 fois le capital investi ou plus. En 2003 et 2004, Apollo a poursuivi cette activité de reprise de dette pour un montant de 22 G€ (FT May 11, 2005). Quelques caisses de retraites très connues lui ont confié des fonds à placer : Calpers, General Motors, Eli Lilly (pharmacie).
67Associé à Permira (CSFB) et Goldman Sachs, le fonds a acquis, en 2003, deux sociétés de réseaux câblés en Allemagne et Cablecom en Suisse ; cette dernière sera revendue en 2005 au groupe Liberty Media International de John Malone. D’une manière générale, les fonds d’investissement ont joué un rôle actif dans la structuration de l’industrie des réseaux câblés au Pays-Bas comme en France. À la fin de 2003, associé à Blackstone et Goldman Sachs, il rachète à Suez la société américaine Nalco, c’est une opération d’environ 4,4 G$.
68En mai 2005, Apollo lance un fonds de 6 G$ pour de nouvelles acquisitions. Il rejoint ainsi des opérations menées par CVC Capital, Carlyle, Blackstone, Warburg Pincus, Goldman Sachs (FT May 11, 2005). Un an plus tard, ce fonds est clôturé à hauteur de 10 G$, témoignage s’il en était de l’afflux de capitaux, et Apollo annonce l’introduction à la bourse d’Amsterdam d’une société pour un montant compris entre 1,5 et 2,5 G$ (FT May 24, 2006). Il rejoint ainsi l’initiative prise quelques semaines plus tôt par KKR. Ces introductions en bourse de véhicules gérés par des fonds privés atténuent la séparation entre l’action des banques d’investissement et les private equity.
69En août 2006, le fonds reprend le département logistique de la poste néerlandaise – TNT — pour 1,48 G€ ; cette unité emploie 36 000 salariés ; il l’emporte face aux offres de PAI, CVC Capital, Blackstone. Un mois plus tard, il reprend le département « matériel » de General Electric pour 3,8 G$ ; c’est une unité qui emploie 5 000 personnes et réalise 2,5 G$ de chiffre d’affaires. Toujours en septembre, en association avec Viacom, il fait une offre d’environ 1,5 G€ pour reprendre BMG Music Publishing mis en vente par Bertelsmann ; cette décision fait suite au besoin de financement consécutif au rachat de la participation d’Albert Frère dans Bertelsmann par son actionnaire majoritaire. En octobre, associé à TPG, il fait une offre de 15 G$ pour reprendre Harrah’s Entertainment, le groupe de casinos américains qui possède des casinos à Las Vegas (dont le Caesar Palace) depuis sa reprise de Caesar Entertainment en 2004 pour 9,4 G$ et des établissements de jeu dans tout le pays. C’est la première incursion de firmes de private equity dans ce secteur. Elle a valeur de test pour toute l’industrie (MGM Mirage, Boyd Gaming).
70Le fonds est également actif dans l’immobilier. La filiale Apollo Real Estate Advisors fait partie des grands investisseurs immobiliers des États-Unis avec des projets comme le centre Time Warner à New York. Après avoir repris le groupe d’agences immobilières Reaology pour 6,6 G$, Apollo formule, en février 2007, une offre pour son équivalent anglais : Countrywide. Les actionnaires de cette société avaient décliné, en 2006, une offre de 2 G$, émanant des directeurs soutenus par le fonds anglais 3i ; elle avait été jugée trop basse et la référence était alors la reprise de Reaology. Toujours au début de 2007, Apollo associé à un fonds indien – SUN group - annonce avoir mobilisé 630 M$ pour des investissements immobiliers en Inde. De nombreux analystes considèrent ce pays prometteur en raison de ses besoins énormes en infrastructures ; de nouvelles sociétés ont été introduites à Londres sur le Alternative Investment Market.*
71(*) Article achevé le 20 novembre 2007
Notes
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[1]
Sur la fresque générale des acteurs « urbains » et la place « classique » des banques, voir le numéro spécial d’Entreprises et Histoire, n°30, septembre 2002 et notre article d’introduction. Conscient de l’importance de cette industrie pour notre sujet des infrastructures, nous avons développé plusieurs approches, en plusieurs textes. Les portraits qui suivent s’inscrivent dans ce programme à partir d’une descriptive des firmes. Lorrain D., « Le marché a dit. Intermédiaires financiers et managers dans le secteur électrique », Sociologie du travail, vol. 49, 1-2007, pp. 65-83 ; « Macquarie », Flux n° 62, octobre 2005 sur les opérateurs d’autoroutes ; « Industrie financière et infrastructure : l’emballement des réformes », Forum international Urbisque, Université de Lausanne, 20-22 Septembre 2006.
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[2]
Ces acteurs sont aussi appelés firmes de LBO (Leverage Buy Out).
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[3]
Sans être exhaustif, mentionnons quelques-uns de ces fonds créés par une grande banque : CVC Capital Partners (Citibank), Eurazeo (Lazard), Jupiter (Commerzbank), PAI Management (BNP Paribas), Permira (CSFB), UBS (Global Asset Management), HSBC, JP Morgan Partners, Goldman Sachs, Macquarie Bank, Warburg Pincus.
-
[4]
Voir par exemple Business Week, November 18, 2002, p. 74.
-
[5]
Voir une première analyse, FTfm, September 9, 2002. D’après un sondage sur 1 014 personnes disposant de plus d’un million de dollars à investir, 70% d’entre elles ont une part de leur portefeuille investie dans des hedge funds, des fonds privés et de l’immobilier « in the hope of getting higher returns » (FT February 27, 2006).
-
[6]
La capitalisation des fonds islamiques est passée de 946 M$ en 2001 à 2,24 G$ en 2005 (FT October 19, 2006).
-
[7]
Cette opération comme celle de AWG s’est faite pour 1,3 fois la valeur des actifs régulés, un multiple élevé pour le secteur (C. Hughes, FT November 30, 2006).
-
[8]
Les données de Preqin sont fondées sur les déclarations des entreprises et comprennent les sommes levées pour l’immobilier, les infrastructures, les mezzanines, les financements de dette, les fonds de fonds et les fonds secondaires (FT January 26, 2007).
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[9]
Avec un ratio de 85% en dette, la mobilisation de 10 milliards de dollars sur les marchés permet d’emprunter 56 et donne au gestionnaire la possibilité d’acheter des actifs pour 66 milliards de dollars.
-
[10]
Ils interviennent en Chine à Qingdao, depuis 2003/04 (P&O, Maersk, Cosco) et pour le port en eau profonde de Shanghai (HIT, Singapore Port, CGM, Cosco).
-
[11]
FT May 14, 2007.
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[12]
26 000 km de 2 fois 2 voies, soit 1 000 km/an, soit 2 km par État chaque année pendant 25 ans.
-
[13]
Selon un investisseur, les fournisseurs de cette industrie ont des résultats plus stables que ceux qui travaillent avec des industries plus cycliques.
-
[14]
FT March 24 & 25, 2007.
-
[15]
Ce secteur attire un grand nombre d’investisseurs (voir la reprise de Harrah’s Entertainment en octobre 2006 par Apollo et TPG. Selon le FT, 25 transactions auraient été réalisées en 2005 pour un total de 35 G$ (FT June 15, 2005)). Jusqu’à ces acquisitions par Blackstone, la valeur de référence pour le secteur était, en 2001, la reprise du Méridien par Grand Hotel Acquisition, pour 2,7 G$.
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[16]
Relevons que Blackstone avait su mener un lobbying efficace en recrutant l’ancien président de Deutsche Telekom, Ron Sommer, à son comité consultatif international.
-
[17]
Voir G. Wiesmann, « How Merkel and Blackstone changed German capitalism », FT July 3, 2007, p. 9.
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[18]
Fortress Investment Group a réalisé son introduction en février 2007. Goldman Sachs avait montré la route en 1999.
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[19]
Pour une discussion de ces techniques, voir par exemple : Chiapello et Medjad, in Sociologie du travail n°1, 2007. Voir aussi Stiglitz, 2004, The Roaring Nineties, Penguin Book, New York.
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[20]
Les deux fondateurs réalisent 2,6 G$ en cédant une partie de leurs actions.
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[21]
Le Monde 30 avril 2004, p. 14 ; voir aussi FT October 20, 2003.
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[22]
Les motoristes européens se classent comme suit par leur chiffre d’affaires 2002 : Snecma (F) 6,5 G€, Rolls-Royce (UK) 6,0 G€, MTU (All) 2,2 G€, Avio (It) 1,5 G€, Volvo (S) 0,9 G€ (Le Monde 25-11-2003). Le gouvernement français privatisera partiellement la Snecma en juin 2004 et organisera une fusion avec Sagem en mars 2005.
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[23]
Il tente sans succès de monter un fonds pour investir en Russie, après une vaine tentative en 1998-2000. En 2006, il s’associe à KKR et CVC pour une offre d’achat de 9,6 G€ sur le second groupe australien de grande distribution (Coles Myer).
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[24]
Ses relations d’affaires dans la zone avec la famille Ben Laden ont été affectées par les attentats du 11 septembre 2001 (FT July 31, 2006).