Flux 2004/2 n° 56-57

Couverture de FLUX_056

Article de revue

Le secteur électrique aux États-Unis

Pages 112 à 126

Notes

  • [1]
    IEA (2002), Energy policies of IEA countries : the United States Review, International Energy Agency, Paris.
  • [2]
    Globalement, les américains consomment 70 % de plus d’énergie (par habitant ou par unité de PNB) que les habitants des autres pays développés. Joskow P., 2001, « US energy policies during the 1990s », paper for the Conference American Economic Policy during the 1990s, Harvard University.
  • [3]
    Stoffaës C. (dir.), 1994, Entre monopole et concurrence. La régulation de l’énergie en perspective historique, Éditions P.A.U, Paris.
  • [4]
    Joskow P., Schmalensee R., 1983, Markets for power. An analysis of electrical utility deregulation, MIT Press, Cambridge.
  • [5]
    La « rate-based regulation » est encore en vigueur dans la majorité des états, même si on assiste depuis le milieu des années 1990 à une montée en puissance d’une régulation s’appuyant sur des instruments plus incitatifs. En 2001, seize états avaient mis en place ce que Sappington et al. appellent une « performance-based regulation » (price cap et variantes). Voir Sappington D. et al., 2001, « The state of performance-based regulation in the US electric utility industry », The Electricity Journal, vol. 14.
  • [6]
    Secrétaire de Thomas Edison, Samuel Insull devient en 1892 le président de la Chicago Edison Company, avec laquelle il rachète un à un tous ses concurrents locaux. Il construit son empire à partir de deux holding companies, la Insull Utility Investments Inc. et la Corporation Securities Company of Chicago.
  • [7]
    Department of Energy, 2000, The changing structure of the electric power industry 2000 : an update, Washington.
  • [8]
    Nous utilisons indifféremment dans ce texte les termes faillite ou banqueroute pour désigner des situations dans lesquelles des groupes, incapables de faire face à leurs échéances, se placent sur la protection du chapitre 11 : ils ne sont pas pour autant forcément en cessation d’activités, ni a fortiori ne disparaissent.
  • [9]
    En 2000, sur les 239 utilities privées recensées aux USA, 15 sont des holding companies qui relèvent du PUHCA et 112 sont des holding companies exemptées (c’est-à-dire non soumises aux restrictions et à la régulation de la SEC) car, dans la plupart des cas, leurs activités ne sortent pas des limites d’un état.
  • [10]
    Pas d’acquisition d’une autre utility distante géographiquement (active dans un autre état) et pas d’acquisition dans des segments dérégulés ou hors énergie. Ces restrictions ont depuis été amendées. Les utilities peuvent investir dans la production indépendante d’électricité et dans des compagnies étrangères (depuis 1992) et dans des activités de télécommunications (depuis 1996).
  • [11]
    « Coûts évités : coûts que les utilities auraient eu à supporter si elles avaient eu à réaliser elles-mêmes ces investissements ». Les Qualifying facilities sont définies sur des critères d’efficacité énergétique et d’incitation au développement des ENR. Les producteurs concernés sont essentiellement ceux qui investissent dans des unités de cogénération ou unités solaires, éoliennes, géothermiques, hydroélectriques ou incinération des déchets (DoE, op.cit.).
  • [12]
    Baird, 2003, Utilities industry overview, Milwaukee.
  • [13]
    En 1996, la FERC publie les 888 et 889 orders qui définissent les règles d’accès aux réseaux, fixent des guidelines pour les Independent System Operators (ISO), obligent les utilities à réaliser un unbundling fonctionnel de leurs activités de transmission et à utiliser un système d’information unique (OASIS) permettant de mettre en commun les données concernant les capacités disponibles de transmission.
  • [14]
    En général, les états les plus prompts à ouvrir leur marché de l’électricité sont également ceux où les prix de l’électricité sont les plus élevés. Joskow O., 2001, op.cit.
  • [15]
    Do E, 2001, Natural gas conveyance and restructuring, Washington.
  • [16]
    Indépendantes, gérées de manière séparée, ces filiales ne pâtissent plus de la décote conglomérale. Xcel naît de la fusion entre New Century Energies et Northern States Power Co.
  • [17]
    Deutsche Bank considère, dans une étude datant de septembre 2000, que « the introduction of EnronOnline is a transformative process that will completely change the way energy is sold globally ». Deutsche Bank, Enron Corporation. The industry standard for excellence, septembre 2000.
  • [18]
    « Trading is the key, in our view, to optimizing value from energy assets. In the new merchant energy business, risks that were historically mitigated by regulation now must be managed by the company. These include operating costs, capital costs, fuel prices, fuel availability, political risks, weather, economic cycles, and direct competitors. Energy trading allows the company to capitalize on the level and volatility of the spark spread, defined as the additional margin derived from converting natural gas to electricity rather than selling the gas itself. Energy trading, as mentioned above, provides market intelligence, enabling the company to know which assets to operate, hold, divest, or expand », Wachovia Securities, 2002, Duke Energy. The merchant energy market leader, mars.
  • [19]
    Voir Finon D., Serrato G., 2002, « La diversité des stratégies des entreprises électriques américaines face à la libéralisation du marché électrique », Revue de l’Énergie, n° 513.
  • [20]
    En 2000, on prévoit que les prix, déjà supérieurs à ceux de 1999, vont continuer à croître jusqu’en 2007 au moins, tirés par la demande. Cela rend les projets de production indépendante très attractifs. Le trading est également vu comme une activité à forte valeur ajoutée à partir du moment où l’on considère que :
    a) les échanges d’électricité vont se développer à mesure de la croissance la production indépendante,
    b) les producteurs et les clients auront besoin de se couvrir contre les risques,
    c) les traders seront les mieux placés pour nouer les transactions, arbitrer en fonction de la situation du marché, vendre des produits de couverture.
    UBS Warburg, 2000, Simply defensive ?, Global Equity Research.
  • [21]
    Joskow P., 2002, « Investment in new generating capacity », Harvard Electricity Policy Group.
  • [22]
    IEA, op.cit., Rigby P., op.cit.
  • [23]
    Healy P. & Palepu K., 2003, « The fall of Enron », Journal of Economic Perspectives, vol. 17 (2).
  • [24]
    En 2002, la SEC oblige les firmes énergétiques à se conformer aux règles en vigueur dans le secteur bancaire, le trading est dorénavant comptabilisé en « net », ce qui a un effet immédiat sur les chiffres d’affaires, qui diminuent fortement.
  • [25]
    Le PDG de Duke parle d’une industrie qui ressemble alors à un « bombed-out village » (Duke, annual report 2003).
  • [26]
    Voir Borenstein S., 2002, « The trouble with electricity markets : understanding California’s restructuring disaster », Journal of Economic Perspectives, vol. 16 (1).
  • [27]
    Avec un succès tout relatif : les taux de changement de fournisseurs sont généralement assez faibles, sauf exceptions. Les deux tiers des utilities soumises à la concurrence (42 sur 63) ont perdu moins de 1 % de clients souvent inférieurs à 5 %. Voir National Council on Electricity Policy, 2003, A comprehensive view of US electric restructuring with policy options for the future, Denver ; et Rose K., 2004, « The state of retail electricity markets in the US », The Electricity Journal, vol. 17.
  • [28]
    « Energy traders play the survival game », Financial Times, 8 août 2002, « Energy trading : shocks to the system », The Economist, 10 août 2002. Voir également Defeuilley C., 2002, « La faillite d’Enron, un tournant dans la dérégulation des marchés », Entreprises et Histoire, n° 30.
  • [29]
    « A power failure in trading », The Wall Street Journal Europe, 25 juillet 2002.
  • [30]
    Rigby P., 2004, « Energy merchant debt prospects : when worst-case scenarios become the base case », The Electricity Journal, vol. 17.
  • [31]
    « Energy trading. Power failure », Fortune, 4 décembre 2002.
  • [32]
    Duke, Annual reports.
  • [33]
    CIBC, 2004, Duke Energy.
  • [34]
    The Financial Times, 30 juillet 2002.
  • [35]
    Il s’engage également dans le trading et les services énergétiques, mais pas dans la production indépendante. Le groupe investit aussi dans les télécommunications au Texas.
  • [36]
    TXU, Annual reports.
  • [37]
    Le groupe bénéfice ainsi de revenus récurrents : au moins 75 % de la production de chaque unité est vendue via des contrats de moyen-long terme (minimum cinq ans). En général, cela permet à AES de négocier en amont des contrats d’approvisionnement de long terme en gaz, charbon ou pétrole, qui réduisent son exposition aux fluctuations des prix.
  • [38]
    Bear Stearns, 2000, The AES Revolution, Bear Stearn Equity Research.
  • [39]
    Bear Stearns, op.cit.
  • [40]
    En 2002, AES souffre d’un niveau d’endettement très important ($ 19,2 milliards), correspondant à plus de deux années de chiffre d’affaires. AES éprouve les plus grandes difficultés à faire face à ses engagements et s’emploie à négocier avec ses créanciers pour obtenir un réaménagement de sa dette et un allongement des délais de paiement.
  • [41]
    Pour le moment, les groupes européens ne se précipitent pas aux USA : seules quelques firmes y ont procédé à des investissements ou réalisé des acquisitions (E.ON, National Grid, Scottish Power, Tractebel).
English version

1Nous présentons ici, dans la rubrique « Portrait d’Entreprise », le premier volet de notre analyse consacrée au secteur électrique américain. Après avoir évoqué l’organisation et l’évolution récente du secteur, illustrées à partir de trois histoires d’entreprises, nous consacrerons un second volet à une monographie plus détaillée d’un acteur américain, Excelon.

2Les États-Unis, première puissance économique mondiale, sont aussi, et de loin, le premier pays pour la production et la consommation d’électricité. Répondant à une hausse continue de la demande, qui a doublé en l’espace de trente ans, la production d’électricité atteint près de 3 800 TWh à la fin des années 1990 [1], c’est-à-dire plus de sept fois la consommation française pour une population environ cinq fois plus nombreuse. C’est dire si l’économie américaine et les modes de vie des habitants sont « énergivores » [2]. L’essentiel de la production d’électricité est tiré du charbon national (environ 52 %), le solde provient du nucléaire (20 %), du gaz, de l’hydraulique et des énergies renouvelables (28 %). Depuis le début des années 1990, le gaz tend à prendre une place de plus en plus importante dans la production d’électricité : l’essentiel des nouveaux besoins sont couverts par des centrales utilisant ce type de combustible. Le nucléaire, qui s’était largement développé dans les années 1960 et 1970, notamment stimulé par la hausse des prix du pétrole consécutive au premier choc pétrolier, ne progresse plus. Aucune centrale n’a été mise en service depuis longtemps, l’incident de Three Miles Island (1979) ayant contribué au gel ou à l’abandon de nombreux projets. Enfin, notons que certains états s’engagent dans des politiques volontaristes et ambitieuses de développement des énergies renouvelables, essentiellement dans l’éolien (Californie, Texas).

3Les États-Unis disposent d’une structure industrielle peu comparable à celle qui s’est mise en place dans la plupart des pays européens. Alors qu’à partir de l’après-guerre l’Europe s’est progressivement dotée d’acteurs de taille importante, souvent propriété de l’État, disposant de monopole sur de larges zones territoriales, l’industrie électrique américaine s’est organisée autour de firmes de plus petite taille, actives sur des zones restreintes, et majoritairement privées. Cette configuration industrielle est le résultat, d’une part, de la réglementation qui s’est imposée aux différents acteurs tout au long du XXe siècle et, d’autre part, des modalités particulières d’implication des pouvoirs publics dans le secteur électrique américain.

Structuration de l’industrie

4L’histoire du secteur électrique américain est indissociable de celle des utilities, ces compagnies verticalement intégrées spécialisées dans la production, la transmission et la vente d’électricité. Au début du XXe siècle, les utilities assurent seulement 2/5ème de la production d’électricité, le reste étant fourni par des auto-producteurs, c’est-à-dire des industriels qui se dotent de moyens de production électrique pour satisfaire leurs propres besoins et revendent le surplus. Puis, dans un mouvement général, les utilities commencent à se développer, rachètent les unités de production aux industriels, attirent de nouveaux clients et croissent avec la propagation des usages de l’électricité. Elles disposent bientôt de franchises exclusives et jouissent d’une position de monopole dont les bornes géographiques sont souvent initialement définies par les limites des communes. À cette franchise exclusive est attachée une obligation de servir tous les consommateurs dudit territoire. Les activités des utilities sont encadrées et contrôlées au niveau des états : les premières instances de régulation (Public Utility Commission) sont créées en 1907 (Georgia, New-York, Winsconsin), bientôt suivies par d’autres. Dans la décennie suivante, vingt-quatre états mettent en place des instances de régulation ; en 1930, tous, sauf le Delaware, en sont pourvus [3]. Pour éviter que les utilities ne vendent l’électricité trop chère, les Public Utility Commissions déterminent elles-mêmes les prix que les firmes pourront pratiquer (« rate-based regulation »). Les tarifs sont déterminés à un niveau qui couvre les coûts de fourniture et qui incorpore également un taux de retour sur capitaux engagés, suffisamment élevé pour favoriser l’investissement nécessaire à la couverture de la demande [4]. Ce type de régulation, qui assure aux utilities des revenus réguliers et un cadre d’action peu risqué, attire les investisseurs [5].

5À partir des années 1920, les entreprises électriques privées, dont le nombre dépasse les deux cents, sont prises dans un vaste mouvement de concentration. De grands actionnaires industriels ou institutionnels rachètent des utilities et les regroupent sous des holdings communs (les holding companies) : certains finissent par constituer de véritables empires (comme celui de Samuel Insull dans les états du Middle West) [6]. À la fin des années 1920, 50 % de la production d’électricité américaine sont contrôlés par trois groupes. Cette concentration est vivement contestée. Les holding companies sont accusées d’inciter les utilities qu’elles contrôlent à réduire les investissements tout en maximisant la génération de cash flow, qu’elles font ensuite remonter au niveau du holding de tête et qu’elles distribuent aux grands actionnaires sous forme de dividendes. En 1928, le Congrès demande à la Federal Trade Commission de procéder à une enquête sur ces pratiques. Le rapport, rendu en 1935, conclut à des abus, des fraudes et des détournements [7]. Entretemps, le crack boursier de 1929 précipite des dizaines de groupes électriques dans des difficultés financières majeures. Entre 1929 et 1936, sur la centaine de holding companies recensée, cinquante-trois se déclarent en faillite et vingt-trois sont en défaut sur une partie de leurs dettes [8]. Face à cette situation, l’État fédéral décide d’intervenir. Le congrès vote en 1935 le Public Utility Holding Company Act (PUHCA), qui va avoir une influence profonde sur la structuration du secteur.

6La loi retire une partie des prérogatives traditionnelles des commissions de régulation des états en plaçant les holding companies sous le contrôle réglementaire de la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme de la bourse (les utilities classiques restent régulées par les instances de régulation des états). Des restrictions très sévères leur sont appliquées : la SEC a un droit de regard sur leur développement géographique, leur politique d’extension sur d’autres segments, la structure de leur capital, le montant de leur dette, leurs dividendes, leurs éventuelles opérations d’augmentation de capital, etc. Elle contrôle également leurs acquisitions et les transactions internes qui peuvent avoir lieu entre activités régulées et activités dérégulées. Elle vérifie leur comptabilité et exige de leur part de nombreux documents et rapports. Elle a le pouvoir de les démanteler. Toute entreprise contrôlant directement ou indirectement 10 % ou plus des droits de vote d’une utility tombe sous le coup de cette réglementation, sauf si l’entreprise en question est elle-même une utility et si elle intervient dans le même état. La rigueur de ces clauses, conjuguée à l’action de la SEC qui découpe certaines holding companies (759 compagnies « sortent » des holdings entre 1935 et 1950) conduit à une diminution rapide et drastique du nombre de ces structures [9].

7Le PUHCA tend à figer une bonne partie du paysage électrique américain en créant de nombreux obstacles aux opérations de fusion/acquisition et en interdisant de facto la prise de contrôle des utilities par des investisseurs institutionnels. La loi, toujours en vigueur de nos jours, ne proscrit pas toutes les opérations de rapprochement, mais elles les limitent considérablement [10]. Notons enfin la création en 1920 d’un régulateur fédéral, la Federal Power Comission (FPC), qui deviendra plus tard la Federal Electric Regulatory Comission (FERC), dont le rôle, initialement limité, va progressivement s’accroître.

8Plongées dans de graves difficultés, incapables de répondre aux besoins d’investissement exprimés par les autorités, obligées de se réorganiser, les utilities privées font face à de nombreuses critiques. Parallèlement à la mise en œuvre du PUHCA, les états réagissent en soutenant la création de utilities publiques susceptibles de remédier à la carence de l’initiative privée. Le gouvernement fédéral s’implique également dans ce domaine. Il finance la construction de nouvelles installations de production (les grands barrages, notamment) et crée des entreprises fédérales, dont l’exemple le plus célèbre est la Tennessee Valley Authority (TVA). TVA est une agence créée par le Président Roosevelt en 1933 dans le cadre du New Deal. Elle est active dans de nombreux domaines : développement économique, fourniture d’électricité, gestion et aménagement du fleuve Mississippi. TVA possède environ 32 000 MW de capacité installée (ce qui en fait un des principaux producteurs américains d’électricité) et dessert 8,5 millions d’habitants dans sept états (Alabama, Georgia, Kentucky, Mississippi, North Carolina, Tennessee et Virginia). En 2003, elle réalise un chiffre d’affaires de $ 6.9 milliards dans l’électricité. En outre, des agriculteurs forment des coopératives d’électrification rurale qui vont également jouer un rôle dans le secteur électrique américain. Au total, entre 1933 et 1941, environ la moitié des nouvelles installations sont financées par le secteur public. La prééminence du secteur privé est depuis lors partiellement contrebalancée : les dix federal electric utilities, les 2009 utilities publiques et les 895 coopératives comptent pour environ 25 % des ventes d’électricité nationales, contre 75 % pour les utilities privées.

Figure 1

La mosaïque des utilities privées aux USA

Figure 1

La mosaïque des utilities privées aux USA

Tableau 1

Type et poids des acteurs publics et privés

Tableau 1
Type d’intervenants Nombre Ventes * Production ** Utilities privées (investor-owned utilities) 239 74,9 % 68,1 % Utilities publiques (publicly-owned utilities) 2 009 15 % 9,1 % Coopératives 895 1,5 % 7,6 % Federal Electric utilities 10 8,6 % 4% Producteurs indépendants 193 0% 11,2 % Total 3 346 100 % 100 % Source: IEA, 2002, données de 1998 (pas de chiffres plus récents). * Pourcentage des ventes totales aux clients finaux.** Pourcentage de l’électricité produite durant l’année.

Type et poids des acteurs publics et privés

La dérégulation : impacts sur les stratégies industrielles

9Le processus de dérégulation se réalise en trois étapes : la loi PURPA en 1978, l’EPAct en 1992, puis le processus d’ouverture des marchés de fournitures initié dans de nombreux états dès le milieu des années 1990.

10Une nouvelle page de l’évolution du secteur électrique américain s’ouvre à la fin des années 1970. En 1978, le gouvernement fédéral vote le Public Utility Regulatory Act (PURPA), qui modifie, dans sa section 210, la législation s’appliquant aux utilities électriques. La loi les oblige à acheter du courant à certains producteurs entrant dans la catégorie des Qualifiying Facilities, à un prix fondé sur les coûts évités [11]. Ces producteurs sont en outre exemptés des réglementations et restrictions de la SEC et des autorités de régulation des états. Le processus de libéralisation s’accélère avec l’Energy Policy Act de 1992 (EPACT). Cette loi élargit l’ouverture à la concurrence dans le domaine de la production en créant une nouvelle catégorie de producteurs, les Exempt Wholesale Generators (EWGs), qui, à l’instar des Qualifiying Facilities, ne relèvent pas du PUHCA. Cela donne le coup d’envoi à la création d’un marché de la production indépendante (i.e. de la production qui n’est pas assurée par les utilities) et favorise le développement d’une nouvelle catégorie d’acteurs, les Independent Power Producers (IPP), qui vont rapidement prendre des parts de marché importantes sur ce segment (9 % en 1992, 11,2 % en 1998, 14 % en 1999, 34 % environ en 2002) [12]. L’EPAct de 1992 prévoit également l’accès des tiers aux réseaux de transmission, à des prix « justes et raisonnables » et à des conditions d’égalité et de transparence, sous l’égide de la FERC [13].

11La loi permet donc, d’une part, d’étendre considérablement le champ de la compétition dans la production et, d’autre part, d’ouvrir l’accès aux réseaux : elle crée les conditions pour que se développent les marchés de gros (hubs ou marchés organisés) et toutes les activités qui sont associées à la vente et à l’achat d’électricité (trading, marketing).

12Puis, dans un mouvement général qui débute au milieu des années 1990, la quasi-totalité des états s’engagent (ou envisagent de s’engager) dans une remise à plat des règles encadrant les activités des utilities : modification des dispositifs de régulation, notamment tarifaire, ouverture progressive de la concurrence sur le segment de la vente aux clients finaux (donc perte du monopole de fourniture dont elles bénéficiaient jusque-là). La Californie semble avoir joué un rôle moteur dans ce mouvement : sous la pression de grands industriels mécontents des prix élevés de l’électricité dont ils doivent s’acquitter, la California Public Utilities Commission propose dès 1994 un plan de réforme et d’ouverture à la concurrence qui sera mis en œuvre quelques années plus tard. Puis d’autres états lui emboîtent le pas, notamment ceux situés au Nord-Est (New England, New-York, Pennsylvania, New-Jersey, Illinois) [14]. En 1999, une trentaine d’états a engagé des réformes (plus ou moins avancées selon les cas) ou est en passe de le faire. La concurrence à la fourniture semble alors devoir s’étendre à la majeure partie du pays. La dérégulation du marché de l’électricité complète celle qui a touché le secteur du gaz naturel quelques années plus tôt, et qui a permis d’ouvrir successivement l’accès aux infrastructures (gazoducs et capacités de stockage, en 1985), puis la vente aux grands consommateurs (industries ou compagnies locales de distribution) et enfin la fourniture aux clients résidentiels et commerciaux (dans une trentaine d’états depuis le milieu des années 1990) [15].

Figure 2

Situations 1999 et 2003 des réformes électriques dans les états

Figure 2

Situations 1999 et 2003 des réformes électriques dans les états

13Le processus de dérégulation a un impact profond sur la stratégie des firmes, l’évolution de leur périmètre et de leur modèle d’activité. On peut ici distinguer deux périodes. La première, qui s’étend de 1998 à 2002, voit les principales firmes américaines investir à grande échelle dans les segments d’activités nouvellement ouverts à la concurrence et explorer de nouveaux métiers. Cela se traduit par :

  • La montée en puissance de la production indépendante, où investissent aussi bien de nouveaux entrants spécialisés sur ce segment (AES, Calpine, etc.) que les utilities. Ces deux types d’acteurs multiplient les projets de production indépendante, dont ils attendent une forte rentabilité, pariant sur une croissance importante de la demande et une hausse des prix sur les marchés de gros. Certaines utilities cherchent même à profiter de cet engouement général pour effectuer des opérations de spin-off : elles regroupent leurs actifs dérégulés (trading et IPP) dans une filiale puis mettent tout ou partie du capital sur le marché, espérant ainsi en tirer le maximum de valeur (Southern crée Mirant et s’en sépare, Xcel fait de même avec NRG, etc.) [16]. En complément de la production indépendante, les groupes cherchent également à maîtriser les activités à l’aval du compteur (services énergétiques, marketing, conseil…), dont on espère qu’elles apporteront un surplus de valeur ajoutée.
  • Les politiques de diversification, qui conduisent les firmes à prendre pied sur de nouveaux marchés (télécoms ou gaz) et à se développer à l’étranger. Traditionnellement très peu présentes à l’international, les utilities américaines profitent de la libéralisation des marchés pour s’implanter en Europe, en Australie et dans certains pays en développement (Amérique du Sud, Inde, Chine, etc.). L’objectif est ici de trouver de nouveaux relais de croissance et d’exploiter les synergies éventuelles entre l’électricité et le gaz, d’une part, l’énergie et les télécoms, d’autre part.
  • L’émergence et le développement des activités de trading, dont l’exemple le plus marquant est évidemment Enron, qui en quelques années, devient le trader le plus important des États-Unis et se fait le hérault de la libéralisation des marchés [17]. Enron fait des émules : la plupart des grandes firmes américaines de l’énergie (utilities, gaziers ou IPP) se lancent également dans le trading (c’est le cas de Williams, Dynegy, Reliant, El Paso, Duke, TXU, CMS, etc.), pour valoriser leur production sur les marchés de gros, mais aussi agir en tant qu’intermédiaire. Dans un environnement concurrentiel, le trading est alors considéré comme une activité stratégique, dont il faut avoir la maîtrise [18].
  • L’entrée massive sur le marché de firmes spécialisées sur le segment de la commercialisation (Green-mountain, NewPower, etc.), qui ont pour ambition de concurrencer les utilities dans les états engagés dans un processus d’ouverture à la concurrence aux clients finaux. Ces firmes, souvent des nouveaux entrants sur le marché électrique (mais aussi quelquefois des émanations des utilities), adoptent des stratégies de différenciation (offres axées sur les ENR (énergies nouvelles et renouvelables), menus de contrats, fidélisation, services associés) et utilisent des canaux de vente nouveaux (utilisation des nouvelles technologies, notamment internet).
Ces évolutions des firmes américaines s’accompagnent d’une augmentation sensible des opérations de croissance externe : rachats, alliances, fusions. Mais les conditions de rapprochement des utilities entre elles font que l’on n’assiste pas à un mouvement général de concentration (sauf cas exceptionnel), mais plutôt à l’acquisition, par les utilities, d’entreprises exerçant leurs activités dans le segment non régulé (trading, IPP, commercialisation) [19], donc non soumises aux règles issues du PUHCA. A posteriori, cette période ressemble à s’y méprendre à une bulle spéculative : à partir d’anticipations extrêmement optimistes sur la croissance rentable portée par la dérégulation des marchés de l’énergie (qu’on imagine bien supérieure à celle qu’autorise le segment régulé) [20], les firmes, encouragées par les investisseurs et la plupart des analystes financiers, adoptent des stratégies d’expansion très ambitieuses. Il en résulte une multiplication d’investissements et de nouveaux projets. Ainsi, la construction de nouvelles unités de production connaît une véritable envolée : 5 000 MW en 1998, 10 000 MW en 1999, 23 500 MW en 2000 et 42 300 MW en 2001 [21]. Entre 1999 et 2004, un total de 200 000 MW de nouvelles centrales arrive sur le marché, ce qui représente une augmentation de 25 % par rapport à la capacité installée de 1999 [22]. Les marchés financiers prêtent sans compter, les investissements sont principalement alimentés par la dette, les valorisations boursières des principales firmes explosent, s’écartant radicalement des standards de valorisation habituellement utilisés par les investisseurs. L’action Enron progresse de 56 % en 1999 et de 87 % en 2000 : fin 2000, elle se situe à plus de $ 80, ce qui donne une capitalisation supérieure à $ 60 milliards, représentant 70 années de résultats nets et six fois la valeur comptable du groupe [23]. Un élément important va jouer dans ce processus : pour des raisons comptables, les firmes américaines peuvent comptabiliser leurs activités de trading en brut (valeur des transactions réalisées) et non en net (marges réalisées sur les échanges), comme le font traditionnellement les banques. Il en résulte un gonflement parfaitement artificiel des chiffres d’affaires (Enron affiche plus de $ 100 milliards de CA en 2000, Duke plus de $ 50 milliards, TXU, près de $ 30 milliards en 2001) qui a probablement contribué à « aveugler » investisseurs et observateurs et à les détourner pendant un temps d’une analyse plus prudente d’autres indicateurs financiers, comme les taux de marges, l’état des liquidités ou le gearing[24].

14La seconde période démarre à partir de 2001-2002 : plusieurs éléments vont donner un brutal coup d’arrêt, d’une part, au processus de déréglementation du secteur électrique américain, d’autre part, aux stratégies de croissance des firmes [25]. La crise californienne (2000-2001) qui se traduit par des hausses de prix sur le marché de gros, des coupures, une intervention massive et très onéreuse de l’État, la banqueroute de la principale utility californienne (PG&E) [26], fait reculer beaucoup d’états. Alors qu’en 1999, une trentaine d’entre eux s’étaient lancés dans un processus d’ouverture à la concurrence [27], il en subsiste moins d’une vingtaine en 2003 [27], les autres ayant suspendu les réformes ou étant revenus au statu quo ante. On considère tout de même qu’environ 43 % de la population américaine (123 millions sur 288 millions) vivent dans des états où les clients finaux peuvent changer de fournisseur d’électricité.

Tableau 2

Les principales utilities privées américaines

Tableau 2
Groupes Nombre de clients millions) * (en Chiffre d’affaires ** Filiales régulées Edison Int. 11 12,1 Southern Cal. Edison (Cal.) PG&E 7 10,4 Pacific Gas & Elec. (Cal) AEP 5 14,5 11 utilities (Nord-Est et Mid-Ouest) FPL Group 4,1 8,3 Florida Power & Light (Florida) Excelon 4,9 15,8 ComEdison (Ill.), PECO (Penn.) Southern Com. 4,7 11,2 5 utilities (Sud) First Energy 4,4 12,3 7 utilities (Est) Sempra 4 7,9 San Diego Elec. & Gas (Cal.) Xcel Enery 3,2 7,9 11 utilities (Ouest et Mid-Ouest) ConEdison 3,1 9,8 ConEdison (New-York) TXIU 2,7 11 Oncor (Texas) Entergy 2,6 9,2 4 utilities (Sud-Est) Dominion 2,1 12,1 2 utilities (North Carolina, Virginia) Duke Energy 2 21,5 Duke Power (Caroline N. & S.) Reliant 1,8 11 Reliant Energy (Texas) Allegneny 1,7 2,5 3 utilities (Nord-Est) Cinergy 1,5 4,4 5 utilities (Ohio, Indiana, Kent.) Mid American 0,7 6,1 MidAmerican (Iowa) Dynegy 0,6 5,8 Illinois Power (Illinois) Aquila 0,5 1,6 3 utilities (Miss., Kansas, Colora) Sources : Rapports d’activité, 2003 * Clients électricité. ** Chiffre d’affaires exprimé en milliards de dollars, trading comptabilisé en «net».

Les principales utilities privées américaines

15La faillite d’Enron en décembre 2001, puis les difficultés rencontrées par de nombreux traders (crise de confiance sur les engagements, doutes sur les pratiques comptables, marges beaucoup moins importantes que prévues), font plonger beaucoup de groupes, dont certains frôlent la banqueroute (Dynegy, Aquila, Williams, etc.) [28]. La faillite d’Enron fait souffler un vent de panique sur l’ensemble de l’industrie, certains groupes vacillent à la première fausse note. Deux exemples : en juillet 2002, Dynegy revoit à la baisse ses prévisions de cash flow et annule une opération de refinancement de dette : l’action plonge de 64 % en une séance [29]. En septembre 2002, TXU publie un avertissement sur ses résultats trimestriels et annonce une réduction des dividendes : l’action passe de plus de $ 40 à moins de $ 15 en l’espace de quelques jours.

16Puis, c’est au tour des firmes engagées dans la production indépendante : le retournement du marché de gros, consécutif à de mauvaises estimations de l’évolution de la demande et à la mise en service de nombreuses nouvelles unités de production, se traduit par une baisse des prix, ce qui joue sur le niveau des marges. Le cash flow n’est pas suffisant pour payer les investissements et couvrir le remboursement des emprunts qui arrivent à échéance, des risques de crise de trésorerie se font jour. Les bilans souffrent des dépréciations d’actifs, les déséquilibres s’aggravent, les agences de notation dégradent la plupart des groupes, rendant ainsi l’accès aux marchés financiers beaucoup plus coûteux, sinon impossible [30]. Conséquence : NRG et Mirant font faillite, Reliant, AES et Calpine y échappent de peu.

17Au total, la grande majorité des principaux groupes, fortement endettée ($ 600 milliards selon certaines estimations) [31], malmenée à la bourse et par les agences de notation, est obligée de revoir entièrement sa stratégie. Priorité est donnée à la restauration des équilibres financiers : baisse de l’endettement, réduction des investissements, diminution de l’exposition aux risques, gel des projets nouveaux en matière de production, sortie progressive des activités de trading et de diversification (international, télecoms). Les IPP luttent pour survivre, les commercialisateurs « purs » sortent du marché et les utilities, qui peuvent compter sur un segment régulé pourvoyeur de cash flow, tendent à revenir à des modèles d’activité plus classiques. C’est l’éclatement de la bulle : les banques ne prêtent plus, les anticipations de croissance et de profit sont revues à la baisse, les valorisations boursières s’écroulent.

18Ces évolutions industrielles récentes vont maintenant être illustrées par l’évocation de trois histoires d’entreprises : deux utilities (Duke Energy, TXU) et un producteur indépendant, AES.

Duke Energy, la convergence gaz-électricité

19Duke Energy trouve son origine dans la construction d’une centrale hydroélectrique (Catawba Hydro Station) en Caroline du Sud en 1904, réalisée pour subvenir aux besoins en électricité de l’industrie textile de la région. Dans les années 1900-1920, le groupe développe ses unités de production le long de la rivière Catawba, se lance dans la production d’électricité à partir du charbon, puis construit un réseau de transmission. Duke Power, electric utility bénéficiant d’une franchise exclusive, est fondée en 1924. Il développe ses activités, puis s’engage dans le nucléaire dans les années 1970, étend son aire de fourniture à la Caroline du Nord. Duke devient une utility de taille assez importante : 2 millions de clients, 19 900 MW de capacité installée, environ $ 5 milliards de chiffre d’affaires (chiffres 2003). En 1997, le groupe fusionne avec PanEnergy Corp., une entreprise construisant et exploitant des pipelines de gaz naturel allant du golfe du Mexique vers les états du MidWest et du Nord-Est. Cette opération lui donne une dimension nationale ($ 16 milliards de chiffre d’affaires en 1997, des activités s’étendant dans plusieurs états) et va durablement ancrer le groupe sur le marché du gaz naturel. Duke entend alors profiter des synergies et les possibilités d’arbitrage que lui procure sa présence simultanée sur les marchés électrique et gazier. Comme beaucoup de ses homologues américains, il s’engage résolument dans les nouvelles activités ouvertes par le processus de dérégulation. À partir de la fin des années 1990, il entame une série d’évolutions majeures :

  • Investissements dans la production indépendante d’électricité et le trading. Duke devient en quelques années un des principaux IPP américains (6 950 MW de capacité installée en 2001, 12 600 MW en 2003 en Californie, Nouvelle Angleterre, Sud-Est et Midwest). Il crée une filiale ad-hoc de trading en partenariat avec Exxon Mobil et se hisse rapidement dans le peloton de tête des principaux traders américains.
  • Développement dans le gaz. Duke renforce sa présence dans le gaz en investissant dans la transformation, le transport et la distribution (il opère dans onze États et dans sept des principales régions de production de gaz). Cela permet au groupe d’alimenter des zones à fort potentiel et dont le marché électrique est en voie de dérégulation. Avec l’acquisition du gazier canadien Westcoast Energy (Colombie Britannique) pour $ 8 milliards (2001), Duke complète ses actifs midstream, étend son réseau de transport et ses capacités de stockage. Cela lui donne la possibilité d’accéder aux régions de l’Ouest et des grands lacs. Il a également l’opportunité d’entrer sur le marché canadien de la distribution.
  • Expansion internationale. Le principal investissement international de Duke est l’acquisition en 1999 d’un producteur hydroélectrique brésilien, Cesp Paranapanema (2 300 MW de capacité installée), pour $ 1 milliard. Le groupe détient également des intérêts mineurs dans plusieurs pays d’Amérique Latine et en Asie et prend pied en Australie [32].
Duke se développe donc dans de nombreuses directions, explorant la quasi-totalité des métiers de l’électricité et remontant assez loin la chaîne de valeur du gaz. Cette stratégie, si elle permet au groupe d’afficher des taux de croissance importants, ne tient pas toutes ses promesses en terme de rentabilité : la marge tirée des activités « dérégulées » (trading et production indépendante) est décevante, le groupe s’oriente vers un profil d’activité plus risqué (dépendance plus forte vis-à-vis de l’évolution des conditions de marché). Entre 2000 et 2003, les activités régulées (le gaz, et surtout l’électricité), représentent en moyenne entre 65 % et 80 % de la marge opérationnelle (résultat d’exploitation/chiffre d’affaires) dégagée par le groupe. Les autres activités (production indépendante, trading, diversifications internationales, etc.) sont peu rentables. Bien vite va se poser un problème de ressources : les développements sur les marchés dérégulés occasionnent beaucoup d’investissements (une moyenne de $ 5 milliards par an) qui ne sont pas entièrement couverts par les cash flows, dont la progression est décevante. Résultat : la situation financière du groupe se dégrade, l’endettement augmente rapidement passant de $ 9,4 milliards en 1999 à près de $ 22 milliards fin 2003 [33].

Duke Energy

Entreprise créée en 1924
Région d’origine: Caroline du Sud
Activités : production, transmission, vente d’électricité aux USA et à l’étranger
Transformation, transport et distribution de gaz et de GNL, immobilier, télecoms
Principaux chiffres-clés
Tableau 2
1999 2000 2001 2002 2003 Chiffre d’affaires 9,9 16,2 18,4 16,2 22,6 EBITDA * 3 5 5,7 5,2 4,9 Cash flow 2,7 2 4,3 4,5 3,9 Résultat net 1,5 1,7 1,8 1 -1,3 Investissements 5,9 4,5 5,9 4,9 2,4 Dette nette 9,4 12,9 14,1 22,4 21,9 En $ milliards. Source : Duke, Annual reports. Chiffres d’affaires retraités, trading comptabilisé en « net ». * Earning Before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization : solde mesurant l’excédent d’exploitation.

20Le groupe est touché par la crise générale qui affecte le secteur à partir de 2001 : tout d’abord, la faillite d’Enron incite les analystes à s’intéresser de plus prêt aux pratiques et résultats de Duke dans le trading. Faute de recevoir les réponses qu’ils attendent concernant des changements de méthodes comptables effectuées à la mi-2002, ils expriment leur trouble [34]. Puis, le groupe doit admettre avoir réalisé des opérations fictives de vente et d’achat d’électricité (« round-trip trading ») pour gonfler artificiellement son volume d’activité. Il revoit à la baisse ses prévisions de résultats et de dividendes, le management est profondément remanié. Pendant toute l’année 2002, l’action est attaquée : elle passe de $ 40 à moins de $ 15 entre le début de 2002 et le début de 2003. Les agences de notation dégradent le groupe, restreignant l’accès aux marchés financiers et entretenant l’inquiétude sur sa situation. Il réagit en 2002-2003 en opérant une série d’évolutions : réduction du champ des activités de trading (sortie des opérations d’intermédiation « pure »), diminution importante des niveaux d’investissement, plan de réduction des coûts, programme de cession d’actifs (certaines activités dans le gaz, dans les services, actifs australiens, une partie importante de son parc de production indépendante électrique aux USA, etc.). L’objectif est de parvenir à restaurer les équilibres financiers, à réduire la dette et à augmenter la rentabilité du groupe. Pour cela, Duke décide de se focaliser sur les segments régulés de son activité (electric utility et transport/distribution de gaz), cherchant à réduire son exposition aux activités dérégulées et à en améliorer la rentabilité opérationnelle.

TXU, la débâcle européenne

TXU

Entreprise créée en 1882
Région d’origine : Texas
Activités : production, transmission, vente d’électricité au Texas
Principaux chiffres-clés
Tableau 2
1999 2000 2001 2002 2003 Chiffre d’affaires 14,1 16,5 16,6 10 11 EBITDA * 3,2 3,9 3,2 2,9 2,8 Cash flow 2,3 1,7 2,3 1,3 2,2 Résultat net 0,7 0,9 0,7 -4,2 0,5 Investissements 1,6 1,2 1,2 1 0,9 Dette nette 17,5 17,1 16,3 10,9 9,7 En $ milliards. Source : TXU, Annual reports. Chiffres d’affaires retraités, trading comptabilisé en « net ». * Earning Before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization : solde mesurant l’excédent d’exploitation.

21La naissance de TXU (ex. Texas Utilities) remonte à la création en 1882 de la Dallas Power & Light Company. C’est une utility desservant une partie du Texas. Cet état, second marché électrique américain, est une des zones qui bénéficie de la plus forte progression de la demande. TXU fournit de l’électricité à environ 35 % des Texans, soit 2,7 millions de clients situés dans la zone Dallas-Fort Worth. Il est également à la tête du parc de production et du système de transport-distribution d’électricité les plus importants de l’état. TXU dispose aussi d’une activité importante en matière de transport, distribution et vente de gaz naturel au Texas. Il y exploite un réseau de pipelines de 9 000 miles et dessert 1,5 million de clients. Cette activité dans le gaz lui permet d’élargir son offre à destination de la clientèle finale et lui donne l’occasion de proposer des offres duales.

22Après la Californie, le Texas est un des états qui s’engage dans une politique de libéralisation de son marché (la réforme prend effet début 2002). Face à cette perspective, qui risque de lui faire perdre une partie significative de sa clientèle, TXU s’emploie à mettre sur pied une politique ambitieuse de croissance externe. Contrairement à la plupart de ses homologues américains, il décide d’investir massivement à l’international [35]. Entre 1995 et 2000, TXU réalise près de $ 14 milliards d’acquisitions, presque uniquement destinées à prendre le contrôle de firmes étrangères. Avec le rachat d’Eastern Group en 1998 (pour $ 8.4 milliards), TXU devient un des principaux acteurs du marché électrique britannique. Il est alors à la tête d’un groupe intégré verticalement, actif dans la production, la distribution et la commercialisation. TXU décide en 2001 de se séparer d’une partie de ses actifs britanniques (certaines centrales de production et son réseau de distribution), pour se concentrer sur la commercialisation et le trading. Il s’emploie à élargir sa base de clientèle, développe une logique de marque et effectue des acquisitions de portefeuille de clients. Parallèlement, TXU fait des acquisitions ciblées en Scandinavie et en Allemagne et étend ses activités de trading sur le continent, devenant le principal trader européen [36]. L’Europe est alors considérée comme le principal relais de croissance du groupe. Ce cycle d’acquisition est financé par recours à l’endettement (en 1999 la dette nette se monte à plus de $ 17 milliards en 1999, soit l’équivalent d’une année de chiffre d’affaires).

23Si TXU est affecté par les problèmes qui surviennent aux USA, c’est l’Europe, et plus particulièrement la situation britannique, qui va lui causer le plus de difficultés. À partir de 2001, le groupe est touché par la baisse importante des prix de gros de l’électricité et par la faible rentabilité persistante de ses activités de trading. À cela s’ajoutent des achats d’électricité mal négociés et une augmentation des coûts d’acquisition de la clientèle finale. Tous ces éléments vont occasionner une crise de liquidité. Après avoir envisagé d’injecter $ 700 millions pour renflouer sa filiale, TXU décide de procéder à une mise en faillite de TXU Europe en octobre 2002, effaçant du même coup environ $ 5 milliards de dettes et $ 4,2 milliards d’actifs inscrits au bilan. L’aventure européenne de TXU s’avère particulièrement coûteuse : le groupe aura dépensé environ $ 10 milliards en acquisitions, et ceci en pure perte. Le processus de vente des derniers actifs de TXU Europe est en cours : après l’activité commercialisation (5,3 millions de clients), le reste du parc de production au Royaume-Uni rachetés par PowerGen (E.On) en novembre 2002 ($ 2,9 milliards) et 51 % de la régie de Kiel en mai 2004 ($ 130 millions), il reste à céder les actifs en Scandinavie. La fin de l’aventure internationale est consommée avec la vente des activités australiennes à Singapore Power pour $ 3,8 milliards (avril 2004).

24Le groupe se recentre sur ses activités électriques au Texas. Il abandonne toute ambition à l’international, met un terme à ses activités de trading en dehors du Texas, cède ses activités dans le gaz et entame un plan de redressement vigoureux. Trois priorités sont alors définies : restreindre le niveau d’endettement (l’essentiel des ressources du groupe y sera affecté), augmenter le cash flow disponible, en réduisant les dépenses et les investissements, garder un niveau de trésorerie important afin de restaurer la confiance des marchés. TXU cherche en particulier à améliorer les notes que lui donnent les agences de notation (BBB avec perspective négative pour Standard & Poor’s), qui relèvent de la dernière catégorie avant les notes dites « spéculatives ». Le groupe entend également redonner du lustre à son titre et attirer de nouveaux investisseurs : il décide en avril 2004 d’affecter la moitié environ des recettes tirées de ses dernières cessions d’actifs à l’annulation d’une partie de ses actions. Ce recentrage sur l’électricité au Texas met un terme aux velléités de TXU de devenir un des acteurs américains les plus actifs sur les segments dérégulés des marchés de l’énergie.

AES dans les affres du marché dérégulé

AES

Entreprise créée en 1981
Région d’origine : Californie
Activités : production, transmission, vente d’électricité aux USA et à l’étranger
Principaux chiffres-clés
Tableau 2
1999 2000 2001 2002 2003 Chiffre d’affaires 3,2 6,7 9,3 8,6 8,4 EBITDA * 0,9 3,1 3,1 2,7 2,3 Cash flow 0,2 0,5 1,7 1,4 1,6 Résultat net 0,2 0,8 0,3 - 3,5 - 0,4 Investissements 6,5 2,2 3,2 2,2 0,8 Dette nette 13,2 16,1 17,6 19,2 18 En $ milliards. Source : AES, Rapports annuels. Chiffres d’affaires retraités, trading comptabilisé en « net ». * Earning Before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization : solde mesurant l’excédent d’exploitation.

25AES est un des premiers Independent Power Producer créé après la promulgation du PURPA. La firme est lancée par deux associés, Denis Bakke et Roger Sant, qui en seront pendant longtemps les premiers actionnaires et resteront aux commandes jusqu’en 2002. Le modèle d’activité initial d’AES est d’assurer le financement, la construction et l’exploitation d’unités de production d’électricité. Le financement des projets est obtenu par des sources de revenus sécurisés (contrats de vente de long-terme à des grands clients ou des distributeurs) [37]. En réunissant des pools d’investisseurs projet par projet (dette gagée sur les revenus futurs), AES peut ainsi profiter d’un effet de levier, ce qui lui donne l’opportunité de multiplier les opérations en engageant un minimum de ressources. Le modèle de développement du groupe est donc largement fondé sur un recours massif à l’emprunt. Ses ressources sont complétées par le cash flow tiré de ses centrales et par des augmentations de capital (le groupe ouvre une première fois son capital à des actionnaires extérieurs en 1991).

26La première unité financée par le groupe est opérationnelle en 1986. En 1992, il a des intérêts dans huit unités de production d’électricité totalisant 2 250 MW de capacité installée et génère un revenu de $ 401 millions. Années après années, AES multiplie les projets et s’engage dans la construction de nombreuses centrales aux USA, puis dans le reste du Monde. En 2000, le groupe dispose d’un portefeuille de 153 unités de production dépassant un total de 50 000 MW, disséminées dans trente-deux pays sur les cinq continents. Aux USA, le groupe est alors présent dans dix états (essentiellement Californie et New-York) et gère une capacité installée de près de 12 000 MW. Dans les années 1990, le groupe se donne comme objectif de lancer de quinze à vingt projets nouveaux par an, en ciblant de 16 % à 20 % de taux de retour annuel sur investissement. Son dynamisme important (entre 1998 et 2001, le chiffre d’affaires d’AES est multiplié par quatre), ses revenus élevés (marge opérationnelle autour de 50 %) en font pendant longtemps une valeur très entourée. Le groupe n’a aucun mal à emprunter les fonds indispensables au financement de ses projets (par emprunts ou augmentations de capital). AES se caractérise également par un mode de management particulier, qui séduit par son originalité et son efficacité supposée [38]. Le groupe est alors divisé en nombreuses business units, bénéficiant chacune d’une très forte autonomie, les fonctions centrales étant réduites à leur plus strict minimum.

27À la fin des années 1990, AES décide de se lancer dans une politique de diversification : il acquiert des compagnies de distribution à l’international (notamment en Amérique du Sud) et des utilities aux USA (CILCORP et IPALCO), au Venezuela (EDC) et au Brésil (Eletropaulo). Cette vague d’acquisitions lui coûtera au total $ 6 milliards entre 2000 et 2001. Le groupe continue en parallèle à investir dans de nombreux projets de production : les unités en projet ou en construction recensées en 2000 devaient permettre au groupe d’ajouter plus de 20 000 MW à son portefeuille d’actifs, dont plus de 5 000 MW pour les USA [39], à l’horizon 2005.

28Mais, cette croissance rapide n’est pas maîtrisée. Les projets et les terrains d’action s’accumulent, les structures de décision se multiplient, les risques semblent mal évalués. À partir de 2002, les marchés financiers commencent à s’inquiéter du niveau d’endettement atteint par le groupe et de sa capacité à dégager des ressources suffisantes pour faire face à ses engagements [40]. Très dépendant des marchés pour assurer son financement, AES est lui aussi victime du retournement de 2001. À cela s’ajoutent des difficultés internes : pertes sur un certain nombre d’opérations (Drax au Royaume-Uni, Eletropaulo au Brésil) et exposition aux variations de change en Amérique Latine. Les agences dégradent la note du groupe au rang de « junk bond », les problèmes de liquidité s’aggravent, l’action plonge. En octobre 2002, l’action cote à moins de $ 1, contre plus de $ 60 à son plus haut mi-2000 : les risques de crise de liquidité et de mise en faillite sont réelles. AES est obligé d’adopter un plan de restructuration et de réorientation stratégique, qui vise, pour l’essentiel, à éviter que le groupe ne soit contraint de se déclarer en faillite. L’objectif central est d’améliorer le profil financier du groupe pour, dans un premier temps, éloigner le risque d’une crise fatale de liquidité et, dans un second temps, commencer à réduire l’endettement. Le groupe est obligé de procéder à des séries de cession d’actifs — y compris en vendant certaines de ses centrales aux USA — et met un coup d’arrêt brutal à ses projets d’investissement. Par ailleurs, le duo fondateur est contraint de prendre du champ (juin 2002), une nouvelle organisation, beaucoup plus centralisée est mise en place. À l’heure actuelle, le groupe est toujours en difficulté. S’il a réussi à diminuer son niveau d’endettement et à éliminer un certain nombre de foyers de pertes, certains problèmes sont encore en suspens et la situation financière (dette élevée, fonds propres très faibles) reste encore très déséquilibrée.

Conclusion et perspectives

29À l’heure actuelle, la plupart des grandes firmes américaines sont dans une phase de repositionnement stratégique : priorité est donnée à la restauration des équilibres financiers et des marges. Si les activités qui dépendent du secteur régulé (transport, distribution, vente dans certains états) sont revenues au cœur de leurs préoccupations, elles n’abandonnent pas pour autant les segments dérégulés, mais semblent vouloir y investir avec prudence, sélectionnant avec soin leurs projets de développement et privilégiant les opérations les moins risquées et les plus rémunératrices. Cela se traduit par une sortie des métiers de trading (hors valorisation et couverture de la production propre) et des opérations de diversification (services énergétiques, télecoms), une réduction des investissements dans la production indépendante et une diminution drastique des engagements internationaux, particulièrement en Europe. Il faudra probablement attendre encore plusieurs années avant de voir les utilities américaines reprendre le chemin de la croissance externe. Cela dépendra essentiellement de deux facteurs : d’une part, la suite qui sera donnée au processus de dérégulation au niveau des états ; d’autre part, l’évolution de l’organisation générale du secteur électrique, aussi bien dans le domaine institutionnel (partage des responsabilités entre les états et le pouvoir fédéral —FERC, DoE) qu’industriel.

30Des voix s’élèvent, notamment parmi les investisseurs (Warren Buffett en est un exemple) pour demander un allégement des restrictions imposées par le PUHCA aux opérations de regroupement des utilities (c’est le PUHCA reapeal). Le débat, qui est loin d’être clos, n’a pas pour le moment débouché sur des prises de position officielles de la part du gouvernement fédéral. Cependant, si le PUHCA venait à être remis en cause, cela donnerait probablement le coup d’envoi à une vague de fusion-acquisition entre utilities, changeant de facto le paysage industriel : création possible de « champions régionaux » dotés d’une assise financière plus solide et de nouvelles capacités d’acquisition (orientées prioritairement vers les USA mais aussi pour certains vers l’étranger), regain d’intérêt de certains groupes européens pour le marché américain, alors plus ouvert [41]. Mais si le PUHCA n’est pas modifié, ce qui est l’hypothèse la plus probable — compte tenu des incertitudes et de la méfiance actuelle vis-à-vis du processus de dérégulation — l’incitation des groupes américains à re-investir en Europe pourrait être plus forte. En effet, une fois revenus à une situation financière plus florissante, ils pourraient trouver à l’international (donc aussi en Europe) les relais de croissance qui leur font défaut aux USA. Ainsi, modification du PUHCA ou statu quo, les électriciens américains pourraient à moyen terme redéfinir leur position vis-à-vis de l’Europe.

Borne-fontaine, Quartier Subangdaku, Mandaue Cebu, Philippines, 2000

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Borne-fontaine, Quartier Subangdaku, Mandaue Cebu, Philippines, 2000

(photo : V. Verdeil)

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Date de mise en ligne : 01/01/2008.

https://doi.org/10.3917/flux.056.0112

Notes

  • [1]
    IEA (2002), Energy policies of IEA countries : the United States Review, International Energy Agency, Paris.
  • [2]
    Globalement, les américains consomment 70 % de plus d’énergie (par habitant ou par unité de PNB) que les habitants des autres pays développés. Joskow P., 2001, « US energy policies during the 1990s », paper for the Conference American Economic Policy during the 1990s, Harvard University.
  • [3]
    Stoffaës C. (dir.), 1994, Entre monopole et concurrence. La régulation de l’énergie en perspective historique, Éditions P.A.U, Paris.
  • [4]
    Joskow P., Schmalensee R., 1983, Markets for power. An analysis of electrical utility deregulation, MIT Press, Cambridge.
  • [5]
    La « rate-based regulation » est encore en vigueur dans la majorité des états, même si on assiste depuis le milieu des années 1990 à une montée en puissance d’une régulation s’appuyant sur des instruments plus incitatifs. En 2001, seize états avaient mis en place ce que Sappington et al. appellent une « performance-based regulation » (price cap et variantes). Voir Sappington D. et al., 2001, « The state of performance-based regulation in the US electric utility industry », The Electricity Journal, vol. 14.
  • [6]
    Secrétaire de Thomas Edison, Samuel Insull devient en 1892 le président de la Chicago Edison Company, avec laquelle il rachète un à un tous ses concurrents locaux. Il construit son empire à partir de deux holding companies, la Insull Utility Investments Inc. et la Corporation Securities Company of Chicago.
  • [7]
    Department of Energy, 2000, The changing structure of the electric power industry 2000 : an update, Washington.
  • [8]
    Nous utilisons indifféremment dans ce texte les termes faillite ou banqueroute pour désigner des situations dans lesquelles des groupes, incapables de faire face à leurs échéances, se placent sur la protection du chapitre 11 : ils ne sont pas pour autant forcément en cessation d’activités, ni a fortiori ne disparaissent.
  • [9]
    En 2000, sur les 239 utilities privées recensées aux USA, 15 sont des holding companies qui relèvent du PUHCA et 112 sont des holding companies exemptées (c’est-à-dire non soumises aux restrictions et à la régulation de la SEC) car, dans la plupart des cas, leurs activités ne sortent pas des limites d’un état.
  • [10]
    Pas d’acquisition d’une autre utility distante géographiquement (active dans un autre état) et pas d’acquisition dans des segments dérégulés ou hors énergie. Ces restrictions ont depuis été amendées. Les utilities peuvent investir dans la production indépendante d’électricité et dans des compagnies étrangères (depuis 1992) et dans des activités de télécommunications (depuis 1996).
  • [11]
    « Coûts évités : coûts que les utilities auraient eu à supporter si elles avaient eu à réaliser elles-mêmes ces investissements ». Les Qualifying facilities sont définies sur des critères d’efficacité énergétique et d’incitation au développement des ENR. Les producteurs concernés sont essentiellement ceux qui investissent dans des unités de cogénération ou unités solaires, éoliennes, géothermiques, hydroélectriques ou incinération des déchets (DoE, op.cit.).
  • [12]
    Baird, 2003, Utilities industry overview, Milwaukee.
  • [13]
    En 1996, la FERC publie les 888 et 889 orders qui définissent les règles d’accès aux réseaux, fixent des guidelines pour les Independent System Operators (ISO), obligent les utilities à réaliser un unbundling fonctionnel de leurs activités de transmission et à utiliser un système d’information unique (OASIS) permettant de mettre en commun les données concernant les capacités disponibles de transmission.
  • [14]
    En général, les états les plus prompts à ouvrir leur marché de l’électricité sont également ceux où les prix de l’électricité sont les plus élevés. Joskow O., 2001, op.cit.
  • [15]
    Do E, 2001, Natural gas conveyance and restructuring, Washington.
  • [16]
    Indépendantes, gérées de manière séparée, ces filiales ne pâtissent plus de la décote conglomérale. Xcel naît de la fusion entre New Century Energies et Northern States Power Co.
  • [17]
    Deutsche Bank considère, dans une étude datant de septembre 2000, que « the introduction of EnronOnline is a transformative process that will completely change the way energy is sold globally ». Deutsche Bank, Enron Corporation. The industry standard for excellence, septembre 2000.
  • [18]
    « Trading is the key, in our view, to optimizing value from energy assets. In the new merchant energy business, risks that were historically mitigated by regulation now must be managed by the company. These include operating costs, capital costs, fuel prices, fuel availability, political risks, weather, economic cycles, and direct competitors. Energy trading allows the company to capitalize on the level and volatility of the spark spread, defined as the additional margin derived from converting natural gas to electricity rather than selling the gas itself. Energy trading, as mentioned above, provides market intelligence, enabling the company to know which assets to operate, hold, divest, or expand », Wachovia Securities, 2002, Duke Energy. The merchant energy market leader, mars.
  • [19]
    Voir Finon D., Serrato G., 2002, « La diversité des stratégies des entreprises électriques américaines face à la libéralisation du marché électrique », Revue de l’Énergie, n° 513.
  • [20]
    En 2000, on prévoit que les prix, déjà supérieurs à ceux de 1999, vont continuer à croître jusqu’en 2007 au moins, tirés par la demande. Cela rend les projets de production indépendante très attractifs. Le trading est également vu comme une activité à forte valeur ajoutée à partir du moment où l’on considère que :
    a) les échanges d’électricité vont se développer à mesure de la croissance la production indépendante,
    b) les producteurs et les clients auront besoin de se couvrir contre les risques,
    c) les traders seront les mieux placés pour nouer les transactions, arbitrer en fonction de la situation du marché, vendre des produits de couverture.
    UBS Warburg, 2000, Simply defensive ?, Global Equity Research.
  • [21]
    Joskow P., 2002, « Investment in new generating capacity », Harvard Electricity Policy Group.
  • [22]
    IEA, op.cit., Rigby P., op.cit.
  • [23]
    Healy P. & Palepu K., 2003, « The fall of Enron », Journal of Economic Perspectives, vol. 17 (2).
  • [24]
    En 2002, la SEC oblige les firmes énergétiques à se conformer aux règles en vigueur dans le secteur bancaire, le trading est dorénavant comptabilisé en « net », ce qui a un effet immédiat sur les chiffres d’affaires, qui diminuent fortement.
  • [25]
    Le PDG de Duke parle d’une industrie qui ressemble alors à un « bombed-out village » (Duke, annual report 2003).
  • [26]
    Voir Borenstein S., 2002, « The trouble with electricity markets : understanding California’s restructuring disaster », Journal of Economic Perspectives, vol. 16 (1).
  • [27]
    Avec un succès tout relatif : les taux de changement de fournisseurs sont généralement assez faibles, sauf exceptions. Les deux tiers des utilities soumises à la concurrence (42 sur 63) ont perdu moins de 1 % de clients souvent inférieurs à 5 %. Voir National Council on Electricity Policy, 2003, A comprehensive view of US electric restructuring with policy options for the future, Denver ; et Rose K., 2004, « The state of retail electricity markets in the US », The Electricity Journal, vol. 17.
  • [28]
    « Energy traders play the survival game », Financial Times, 8 août 2002, « Energy trading : shocks to the system », The Economist, 10 août 2002. Voir également Defeuilley C., 2002, « La faillite d’Enron, un tournant dans la dérégulation des marchés », Entreprises et Histoire, n° 30.
  • [29]
    « A power failure in trading », The Wall Street Journal Europe, 25 juillet 2002.
  • [30]
    Rigby P., 2004, « Energy merchant debt prospects : when worst-case scenarios become the base case », The Electricity Journal, vol. 17.
  • [31]
    « Energy trading. Power failure », Fortune, 4 décembre 2002.
  • [32]
    Duke, Annual reports.
  • [33]
    CIBC, 2004, Duke Energy.
  • [34]
    The Financial Times, 30 juillet 2002.
  • [35]
    Il s’engage également dans le trading et les services énergétiques, mais pas dans la production indépendante. Le groupe investit aussi dans les télécommunications au Texas.
  • [36]
    TXU, Annual reports.
  • [37]
    Le groupe bénéfice ainsi de revenus récurrents : au moins 75 % de la production de chaque unité est vendue via des contrats de moyen-long terme (minimum cinq ans). En général, cela permet à AES de négocier en amont des contrats d’approvisionnement de long terme en gaz, charbon ou pétrole, qui réduisent son exposition aux fluctuations des prix.
  • [38]
    Bear Stearns, 2000, The AES Revolution, Bear Stearn Equity Research.
  • [39]
    Bear Stearns, op.cit.
  • [40]
    En 2002, AES souffre d’un niveau d’endettement très important ($ 19,2 milliards), correspondant à plus de deux années de chiffre d’affaires. AES éprouve les plus grandes difficultés à faire face à ses engagements et s’emploie à négocier avec ses créanciers pour obtenir un réaménagement de sa dette et un allongement des délais de paiement.
  • [41]
    Pour le moment, les groupes européens ne se précipitent pas aux USA : seules quelques firmes y ont procédé à des investissements ou réalisé des acquisitions (E.ON, National Grid, Scottish Power, Tractebel).
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