Flux 2023/2 N° 132

Couverture de FLUX1_132

Article de revue

Une approche multirisque aide-t-elle à comprendre les réseaux urbains ? Réflexions sur des dynamiques enchevêtrées à partir de deux agglomérations françaises et une métropole turque

Pages 6 à 21

Notes

  • [1]
    Il s’agit de terrains explorés de façon approfondie dans le cadre de deux enquêtes de thèses, menées de façon longitudinale, par des entretiens semi-directifs et des observations auprès des acteurs urbains de la gestion des risques et des crises. 80 entretiens ont été réalisés sur le terrain stambouliote (entre août 2019 et août 2021), 27 entretiens dans le cas nantais (entre juillet 2018 et mai 2020), et 45 sur le terrain havrais (entre juillet 2018 et mai 2020).
  • [2]
    À ce titre, voir la déclaration du vice-ministre de Intérieur en 2018, Ismail Çataklı : « L’objectif mondial est de créer une stratégie de réduction des risques de catastrophe d’ici 2020, la Turquie en tant que pays, dispose d’un document de stratégie de gestion des catastrophes (TAYSB). Nous travaillons sur le plan de réduction des risques de catastrophe en Turquie (TARAP) et les plans provinciaux de réduction des risques de catastrophe (IRAP). » (traduction personnelle) (https://www.afad.gov.tr/bm-afet-risklerinin-azaltilmasi-kuresel-platformunda-turkiye-ust-duzeyde-temsil-edildi)

Introduction

1 La pandémie mondiale de la Covid-19 a agi comme un puissant démonstrateur du rôle central des réseaux dans les catastrophes, à la fois comme vecteurs de diffusion de la crise, et comme supports de mesures de prévention. Un exemple emblématique concerne les aéroports. Ils ont fait l’objet dès les premiers temps de la pandémie, et jusqu’à aujourd’hui, de nombreuses mesures (fermeture des frontières aériennes, contrôle des accès, dispositifs de prévention – masques obligatoires, caméras thermiques, « pass », prise de température manuelle, etc.). Or toutes ces mesures interviennent dans un espace déjà saturé de normes et de contrôles : contre le risque terroriste pour tous les aéroports – portails magnétiques, détection de matériaux explosifs, vidéosurveillance, etc. ; face au risque sismique pour certains (zones d’évacuation prévues à l’aéroport d’Istanbul) ; et de façon croissante pour les zones littorales, face aux submersions marines, liées à la hausse du niveau de la mer (Yesudian, Dawson 2021). Cette superposition de dispositifs mérite d’être interrogée sur ses effets.

2 Les disaster studies ont montré le rôle important que jouent les réseaux dans la diffusion des risques ainsi que les dysfonctionnements dus à leurs interdépendances (Guilhou et alii., 2006 ; Boin, McConnell, 2007 ; Galland, 2010 ; Lhomme, 2015 ; Touili, 2022). Ces approches se sont appuyées de façon dominante sur une conception générique des réseaux, pour construire leur rôle central dans les dynamiques de crise. Or si le caractère générique des réseaux est souvent mis en avant, les risques auxquels ils font face sont souvent étudiés avec une conception mono-risque : inondation, séisme, incendie, pannes électriques, actes terroristes, parmi d’autres. Les travaux sur les risques ont pourtant depuis longtemps montré l’importance de réfléchir les risques de manière combinée (November, 2002, 2008 ; Lakoff, 2007 ; Gill, Malamud, 2016). Ces approches multirisques mettent en lumière des interactions entre les risques de plusieurs natures. Il peut s’agir par exemple de situations de « transferts », d’un risque à un autre, d’une population à une autre, ou d’un territoire à un autre (Beck, 2001) ; d’enchaînements, aussi appelés effets dominos entre plusieurs risques ; ou encore de hiérarchisations priorisant certains risques, vis-à-vis d’autres. Ces trois formes typiques ne rendent pas compte de façon exhaustive de toutes les interactions possibles. Les réseaux urbains sont alors confrontés à des dynamiques hétérogènes lorsqu’ils sont en situation de « catastrophe » ou de « crise ». Si une catastrophe, lorsqu’elle survient, prend toujours une forme et une ampleur différentes, les dynamiques pesant sur les réseaux et qui concourent à ces situations ne sont que peu documentées.

3 Il est dès lors important de proposer une réflexion qui articule réseaux urbains et approche combinée des risques (que l’on peut synthétiser par approches « multirisques »). Cet article vise à documenter les interrelations entre dynamiques de risques, et dynamiques de réseaux urbains. L’hypothèse que nous faisons est qu’à travers la mise en évidence de ces interrelations, les situations de crise et les catastrophes gagneront en compréhension. Donner à voir les enchevêtrements entre risques combinés et réseaux nous semble donc avoir une vertu heuristique dans le domaine des risques et des crises.

4 Pour ce faire, nous approcherons les interrelations entre risques et réseaux par trois angles. Le premier angle est celui du temps de la crise. Comme mentionné ci-dessus, les crises fonctionnent souvent comme des révélateurs de dynamiques auparavant moins visibles. Il s’agira d’examiner comment les acteurs composent avec les dynamiques conjointes relatives aux risques et aux réseaux. Le deuxième angle est celui de la perspective multirisque. Une exploration des réseaux selon cette approche pourrait faire apparaître des relations entre acteurs locaux peut-être inhabituelles. Le troisième angle est la prise en compte de la multi-scalarité des réseaux et des risques. Cela nous permettra de faire émerger des rapprochements (ou des frictions) entre échelles pour comprendre comment celles-ci dialoguent entre elles.

5 Pour ancrer empiriquement notre réflexion, nous nous appuyons sur une démarche multi-site qui est régulièrement utilisée en sciences sociales (Bocquet, 2019). Ainsi, nous analysons trois systèmes urbains, dans lesquels émergent des pratiques et des questionnements multirisques : les agglomérations françaises de Nantes et du Havre, et la métropole d’Istanbul, en Turquie [1]. Si les enquêtes ne se portaient pas spécifiquement sur les interactions entre réseaux et risques, plusieurs exemples convergents ont émergé lorsqu’elles ont été ré-analysées à la lumière des réseaux. L’approche multi-site ne nécessitant pas de comparaison termes à terme, nous mettons en perspective ces trois cas d’études relevant de contextes très éloignés afin d’explorer les interactions multirisques sur un objet d’étude générique qu’est le réseau. Ce parti pris nous permet d’observer ce que les objets « réseaux » font aux analyses multirisques, et vice-versa, en mettant au second plan les contextes institutionnels, politiques, pour privilégier l’analyse de systèmes urbains dans des agglomérations denses, ainsi que les négociations entre les acteurs, notamment l’État central et les acteurs locaux.

6 Après une brève revue de la littérature portant sur la diversité conceptuelle des approches multirisques et les réseaux comme dispositif socio-technique, nous proposons de saisir le multirisque comme pratique opérationnelle des acteurs urbains dans nos trois cas d’étude, au Havre, à Nantes et à Istanbul. Le troisième temps de l’article est consacré à l’explicitation d’un exemple dans chacune des villes qui met en lumière différentes occasions et modalités d’émergence des réflexions multirisques dans la conception et le fonctionnement de réseaux structurants, et des flux transitant par ces réseaux. Enfin, la discussion permet de faire ressortir la plus-value d’une analyse multirisque des réseaux urbains, en termes de crises, des relations multi-acteurs, et de la multi-scalarité.

Approches multirisques, réseaux et territoires

7 Les approches multirisques sont relativement récentes au sein de la littérature sur les risques et les catastrophes, et sont devenues progressivement incontournables dans le domaine. Après avoir examiné les approches multirisques, et évoqué une définition générique des réseaux, nous mettons ces notions à l’épreuve dans les trois territoires choisis. Ce faisant, de premières dynamiques et interrelations apparaissent.

8 Les approches multirisques s’inscrivent dans l’analyse des catastrophes et de la gestion de crise, qui permettent de penser une grande diversité de risques – plus seulement limités aux « risques naturels ». Le cadre d’action de Sendaï (2015-2030) propose de considérer différents types de risques conjointement, mais sans forcément définir précisément quelles sont leurs interactions (Gill, Malamud, 2016). Il s’inscrit dans la continuité des approches « all-hazards », qui visent à préparer des réponses génériques aux crises, plutôt que des scénarios précis (Perry, Lindell, 2003 ; Wise, 2006 ; Lakoff, 2007), afin de donner toute leur place aux imprévus. En ce sens, ces approches semblent plus « multi-crises », que « multi-risques ». Elles apparaissent d’abord comme des pratiques opérationnelles d’analyse qui permettent d’évaluer plus finement les risques et leurs relations au territoire, à l’aide d’outils permettant des approches harmonisées, conduisant à comparer ou hiérarchiser les risques (Komendantova et alii.,2016). Gill et Malamud (2016) proposent d’aller plus loin que ces approches « multicouches » (multi-layer single hazard), pour véritablement comprendre les interactions entre les différents aléas et les territoires. Ils proposent de schématiser trois formes de relations : déclenchement (triggering), augmentation de la probabilité, et enfin catalyseur. Ces approches ont régulièrement pris le cas de la catastrophe de Fukushima comme quasi « ideal-typique » des effets cascades : un séisme d’abord, provoquant un tsunami mortel, puis une catastrophe nucléaire. Leur imprévisibilité et leur indétermination, qui se manifeste dans des territoires et une temporalité étendus, appellent à une gestion de crise plus horizontale et inclusive.

9 Deuxièmement, les approches multirisques recourent également à la notion des « risques systémiques ». Cela qualifie des phénomènes émergents menaçant largement des systèmes dont la société ne peut se passer (OCDE, 2003). Conceptualisée à l’intersection entre l’analyse des systèmes complexes et des risques, la notion renvoie à l’existence de risques ne pouvant être pris en charge par les méthodes classiques de calculs de probabilité, et d’assurance collective (Renn et Klinke, 2004). Les caractéristiques pour les qualifier convergent autour de deux traits principaux : complexité et incertitude. Les risques sont complexes, au sens où il est difficile de reconstruire, modéliser, ou comprendre les chaînes causales entre une multitude de facteurs (Renn, 2022) ; ils sont également incertains (les approches déterministes, comme les distributions de probabilités ne permettent pas de les anticiper) (Van Asselt et Renn, 2011). Comme l’analyse « multi-couche », l’analyse systémique met en avant leur propriété « transboundary » – notion difficilement traduisible en français, qui renvoie à l’affaiblissement des traditionnelles limites et frontières (aussi bien sectorielles que territoriales), et le fait qu’ils peuvent s’étendre sur différents champs de la société (Schweizer, 2021). Les risques systémiques sont caractérisés par leurs développements non-linéaires, effets de seuils et des points de bascule (Renn, 2022), qui rendent leur gestion d’autant plus complexe que difficilement anticipable. Leurs effets sont considérés souvent comme non-réversibles. La spécificité des risques systémiques (le « changement climatique » étant fréquemment évoqué en exemple) conduit certains chercheurs à insister sur le besoin de proposer des démarches « inclusives » (Schweizer, 2021) – en particulier pour les processus de décision.

10 Une troisième approche, plus récente, est possible pour qualifier les risques combinés, celle de « compound risks », que nous proposons de traduire par « risques inter-reliés ». La notion renvoie à l’existence simultanée de plusieurs risques distincts, se manifestant sur un même espace. Elle vise à souligner que même si les crises n’ont pas forcément de liens directs, elles interagissent fortement, s’appuyant sur des vulnérabilités similaires, et les renforçant. La réponse à ces risques doit alors être encore plus inclusive et flexible. Là où l’accident de Fukushima pouvait apparaître comme emblématique des approches « multirisques », et le changement climatique des « risques systémiques », c’est aujourd’hui la pandémie de Covid-19 qui nourrit l’expansion de la notion des « compound risks » – en particulier dans les relations à penser avec les manifestations du changement climatique (Phillips et alii., 2020 ; Kruczkiewicz et alii., 2021).

11 Cette diversité de propositions sémantiques et conceptuelles témoigne du besoin de cadre pour comprendre la façon dont les risques – lorsqu’on les analyse de façon combinée – interagissent. Pour répondre à cet enjeu, nous mobilisons les approches socio-techniques pour saisir comment, en pratique, la façon de définir les risques se construit en étroite liaison avec les options de gestion.

12 Du côté des réseaux urbains, l’approche socio-technique considère la façon dont les réseaux se matérialisent dans l’espace urbain, et participent des organisations sociales, institutionnelles et organisationnelles qui y sont présentes. De plus, cette approche permet de considérer les conditions matérielles, organisationnelles et symboliques de ces réseaux dans l’espace urbain. Nombre de recherches ont montré que les dynamiques des réseaux provoquent des recompositions d’acteurs qui en dépendent, conduisant en parallèle à une réadaptation de ces systèmes urbains. Citons notamment le numéro spécial de la revue Flux coordonné par Sylvy Jaglin et Benjamin Steck (2008) qui s’appuie sur la manière dont les flux, fruits d’interdépendances entre les composantes du système mondial, imposent un réajustement des territoires et des sociétés. À ce titre, la notion d’infrastructure permet une approche critique intéressante pour questionner leur mise en réseau et le fonctionnement des sociétés (Vertesi, 2014 ; Coutard, Rutherford, 2017; Chatzis et alii., 2017 ; Furlong, 2010, 2021). Cette approche met en avant les acteurs et leurs interdépendances et nombre d’enjeux présents en arrière-plan. Plusieurs chercheurs ont montré notamment que certaines situations liées aux réseaux ne deviennent apparentes qu’en cas de problème (Graham, 2010 ; November, Gueben-Venière, 2017). La notion d’infrastructure critique met aussi en évidence les pannes de grande envergure avec un haut niveau d’interconnexion entre les acteurs (November, 2011).

13 Dans les agglomérations, les réseaux se sont densifiés, et sont de plus en plus en interconnexion les uns avec les autres, à tel point que les réseaux sont capables de paralyser entièrement le système urbain en cas de défaillances (Reghezza, 2015, 2019 ; Little, 2002, 2010) et de propager des risques en milieu urbain en raison de la forte interdépendance qu’ils opèrent entre les acteurs (Lhomme, 2015). Les interdépendances et les dysfonctionnements liés aux réseaux ont amené un certain nombre de chercheurs à employer le terme de « risque-réseau » (Blancher, 1995 ; Galland, 2003) pour qualifier des situations de catastrophe générées par des aléas déclenchés par les réseaux eux-mêmes.

14 Nous ne problématiserons pas davantage la notion de réseau dans cet article. Nous retenons, pour notre analyse, que la notion de réseau urbain permet surtout de mettre en avant les relations de connexité entre risques et individus, organisations, et territoires.

15 Examinons maintenant comment les perspectives multirisques, qui s’inscrivent dans les analyses territoriales des risques, se sont diversifiées depuis la fin des années 1990. Ces perspectives commencent par envisager les inscriptions spatiales des risques (diffus, réseau, localisé – territorialisé) (Galland, 1998), pour ensuite mettre en lumière les multiples relations entre les risques et les territoires, qui permettent de lire des phénomènes d’accumulation, de transfert, de diffusion, entre les risques (November, 2011). Il s’agit alors moins de se doter d’outils d’analyse opérationnels multirisques, mais de faire des approches multirisques une grille de lecture pour comprendre les dynamiques des relations entre territoire et risques. Finalement, il s’agit de comprendre comment cette question multirisque émerge localement.

Diversité des pratiques multirisques dans les agglomérations

16 Nombreux sont les travaux ayant montré qu’en raison de leur densité, les espaces urbains concentrent des risques plus qu’ailleurs (November, 1994 ; Blancher, 1995 ; Chaline et Dubois, 1994; Dubois, Chaline, 2002). Dans ces espaces, certains risques débordent des catégories au sein desquelles ils sont identifiés. C’est à ce titre que certains chercheurs parlent de risques « hybrides » (Reghezza, 2009). Si on ne se réfère qu’aux définitions législatives des « risques majeurs » portées par le ministère de l’Environnement en France, l’agglomération havraise est par exemple concernée par trois plans de prévention des risques (PPR) – inondation, technologique et littoraux. Dans ces configurations, certains pouvoirs locaux s’emparent de ces sujets de risque, dès les années 1990, au-delà de leurs obligations réglementaires (Gralepois, 2012). Les intercommunalités de Nantes et du Havre se dotent de services dédiés au sujet, développent des connaissances et des outils spécifiques (dispositifs d’alerte des populations, plateforme de coordination d’urgence interne, etc.). Contrairement aux services de l’Environnement de l’État français qui appliquent une définition des risques réglementaire, par catégories (risques majeurs, s’appuyant sur des critères de probabilités essentiellement), les intercommunalités proposent une définition différente des risques. À la suite de Mathilde Gralepois, nous pouvons les qualifier d’endo-urbain ou d’intégrés (Boin et Gralepois, 2006) – les risques sont définis davantage à partir du système urbain, comme espace fonctionnel « à flux tendus » (Gralepois, 2010). Cette définition mêle la notion de risque à l’approche en termes de « crise » et de sécurité civile portée par le ministère de l’Intérieur, chargé de l’organisation des secours et de leurs planifications. Les risques pris en charge sont alors très vastes : ils incluent les « risques majeurs » caractérisés en concertation avec l’Etat, mais également les incendies, les accidents de la route perturbant fortement le trafic, les tempêtes, les ruissellements urbains, les épidémies, etc.

17 En Turquie, l’utilisation du terme « risque » (risk) tire ses origines dans le terme arabe « razk » en référence à la subsistance. Or ce terme est peu employé par les outils de planification ou de gestion du risque : la préférence du terme de catastrophe (afet) ou de danger (tehlike) montre que la gestion du risque renvoie directement à l’événement. La conception du risque comme une potentialité – celle qu’une situation ne tourne en catastrophe – est récente. La notion de risque n’est opérationnelle que depuis cette dernière décennie, à la suite de la mise en place du cadre d’action de Sendaï (2015), lorsque l’AFAD (le ministère de la réduction des catastrophes et des situations d’urgence) passe d’une « gestion de crise » (kriz yönetimi) à la « gestion ou réduction du risque » (risk yönetimi ou azaltma) [2]. C’est la raison pour laquelle les institutions qui gèrent le risque et la crise sont nommées en fonction de la catastrophe : plus que de risque, on parle dans le contexte turc de « risque de catastrophe » (afet riski). Si les études sur les risques en Turquie raisonnent en silos, les institutions de gestion des risques et des crises sont amenées à traiter plusieurs catégories de risque ensemble. Au niveau gouvernemental, le ministère de la réduction des catastrophes et des situations d’urgence (Afet ve Acil Durum Yönetimi Başkanlığı) a entre autres pour rôle de produire les cartes du risque (tehlike haritası) sur des aléas ciblés (séismes, inondations, tsunamis). Celles-ci incrémentent des données issues d’expertises scientifiques diverses. À Istanbul, la direction centrale de la coordination des catastrophes (Afet Koordinasyon Merkezi Müdürlüğü) est liée à la municipalité métropolitaine d’Istanbul (Istanbul Büyükşehir Belediyesi) et a pour rôle de réduire les dangers en participant à la prévention des risques dans l’aménagement. Cette direction est amenée à travailler en coordination avec la direction générale des transports d’Istanbul (IETT, İstanbul Elektrik Tramvay ve Tünel İşletmeleri) ou encore le bureau de la gestion de l’eau et des canalisations (ISKI, İstanbul Su ve Kanalizasyon İdaresi).

18 L’intérêt de la mise en regard du cas du Havre et Nantes avec le cas d’Istanbul est donc, malgré les différences de taille des métropoles et de contextes locaux radicalement différents, de pouvoir illustrer la question des réseaux à partir de deux conceptions de l’approche multirisque. Celle-ci renvoie à trois pratiques principales identifiées dans ces espaces urbains : une définition souple des risques, un partage d’outils de gestion, et enfin, des réflexions sur les interactions entre risques.

19 Dans les trois agglomérations étudiées, les acteurs en charge des risques adoptent une définition souple de ceux-ci. À Nantes et au Havre, les intercommunalités sont sollicitées et interviennent sur toute une série de « perturbations » des fonctionnements urbains : effondrement de cavités souterraines, pollutions, canicule, grippe, etc. En particulier, les agents de la métropole de Nantes ont été sollicités sur des missions dites de « sécurité publique », pour laquelle leurs dispositifs de réponse à l’urgence et la crise sont réutilisés : hébergement d’urgence, remontées d’information locales, mobilisation et coordination des volontaires, etc. Ils hésitent encore à embrasser totalement une approche décloisonnée, incluant les risques terroristes, et d’attentats à leurs actions, mais ont été largement mobilisés pour la gestion de la « crise Covid ». À Istanbul, le fait de définir les politiques publiques à partir des catastrophes potentielles (afet) invite également à adopter une certaine souplesse dans la définition des risques pris en charge. C’est une définition recouvrant de larges acceptations qui, lorsqu’elle apparaît dans des dispositifs de planification ou de gestion de crise, est l’objet de nombreuses interprétations. La polysémie du risque est régulièrement mobilisée pour justifier les décisions de certains acteurs.

20 Par ailleurs, ces acteurs locaux adoptent des pratiques de gestion, qui visent à aller au-delà de la segmentation des réglementations, et à créer une cohérence de l’action publique « face aux risques ». En France, cela se traduit par des outils similaires utilisés pour différents types de risques. C’est le cas par exemple de la notion de « risques majeurs », qui conduit à créer des dispositifs reposant sur une rationalité similaire de prévention, les Plans de Prévention (PPR), ou de la planification de gestion de crise ORSEC, qui propose une structure de réponse commune à tout type d’événements. Les acteurs locaux approfondissent davantage cette logique, en comparant ces dispositifs, en créant des dispositifs valables pour plusieurs types de risques (cartographie globale des risques, dispositifs d’alerte multirisques, etc.). L’approche multirisque consiste donc à considérer et à agir sur les caractéristiques « génériques » des situations de risques. Le principe est similaire en Turquie. Dans le domaine de l’urbanisme, des outils utilisent la notion de « réduction des catastrophes » (afet azaltması) ou « gestion des catastrophes » (afet yönetimi) dans lesquelles les risques, certes étudiés séparément et avec des intensités différentes selon les espaces, sont amalgamés. Ainsi la loi n° 6306 de 2012 sur la transformation des zones à risque de catastrophe ou le microzonage pour la transformation urbaine (2018) utilise la notion de catastrophe de manière générique pour qualifier les situations qui seront potentiellement l’objet d’une catastrophe.

21 Enfin, l’approche multirisque est une pratique qui vise à dépasser la superposition lorsque différentes réglementations par types de risques s’appliquent (par exemple lorsque les différents PPR sont mis en œuvre au Havre). Les acteurs locaux sont particulièrement attentifs à la cohabitation des différentes réglementations, mais également à la conjonction entre les différents risques : ils s’intéressent en particulier aux problématiques des risques « NaTech », et des effets des inondations sur les industries du territoire, ainsi que les infrastructures nécessaires à la gestion de crise. Pour Istanbul, l’usage générique du terme de catastrophe va plutôt avoir pour effet de répondre uniformément à l’identification d’un risque sur un espace urbain au travers de la transformation urbaine (kentsel dönüşüm). Pour autant, l’approche multirisque apparaît comme un moyen de contestation de la mise en place de certains projets. Ainsi, de récentes publications émanant des scientifiques, de la société civile ou même de la municipalité métropolitaine d’Istanbul entendent croiser les risques pour montrer l’incompatibilité de certains projets urbains (le projet de nouveau canal d’Istanbul) ou de politiques publiques (la transformation urbaine) avec les enjeux déjà présents sur les espaces d’ordre écologique, social ou économique (Kuzucu et alii., 2021 ; Görür et alii., 2020).

22 Néanmoins, la mise en pratique de ces approches multirisques fait face à de nombreux obstacles : alors que beaucoup de dispositifs restent centrés sur un seul risque, les temporalités des différentes procédures peuvent ne pas être compatibles. Surtout, les recommandations et principes que chacun formule peuvent s’avérer contradictoires. Il y a, en France, une réelle difficulté à connecter les différentes procédures pour faire face aux risques et aux crises (Rey-Thibault, 2021). De surcroît, les dispositifs de spatialisation des risques peinent à rendre compte de la complexité des risques et des articulations spatiales qu’ils ont entre eux (November, 2019). Des constats similaires ont été faits concernant la gestion de crise. Servane Gueben Venière montre l’intérêt de certains dispositifs cartographiques à mettre en relation différents objets hétérogènes en se projetant dans l’espace et le temps de la crise. Cela permettait notamment de faire émerger les effets dominos de certains dysfonctionnements (Gueben Venière, 2019). Un point est enfin soulevé, au prisme de la sociologie des sciences (Akrich, 1989), sur l’importance d’investiguer la manière dont les acteurs traduisent dans un langage commun la gestion de la crise à partir d’expériences et de cultures différentes. L’urbanisme et l’aménagement, parce qu’ils s’appuient sur des dispositifs fédérant des acteurs appartenant à des domaines différents (scientifiques, aménageurs, constructeurs, entreprises immobilières), sont confrontés à ces enjeux en faisant la ville. Il n’empêche que la prise en compte des risques, de leurs spécificités dans l’espace urbain et de leurs articulations pour les diminuer génère souvent des controverses dues aux intérêts parfois divergents des acteurs et de leurs leviers d’actions. Le cas des politiques de réduction du risque sismique pour les bâtiments en Turquie montre que les arbitrages réalisés dans le cadre des dispositifs cartographiques d’aide à la décision ont généré des risques imprévus lors de la transformation de certains quartiers (Gourain, 2021).

23 Les approches multirisques dans les agglomérations montrent que de multiples interactions entre les risques peuvent être pensées et travaillées par les acteurs urbains. Comment la gestion des réseaux matériels entre en résonance avec un réseau d’acteurs et de risques ?

Etudes de cas : trois réseaux urbains en prise avec les démarches multirisques

Le Havre : les vulnérabilités des réseaux électriques dans une ville industrialo-portuaire

24 En France, il n’existe pas de cadre formel strict pour traiter la question de la vulnérabilité des réseaux et des infrastructures à l’échelle infra-urbaine (transport, énergie, eaux, assainissement, etc.) : l’essentiel des réglementations porte sur les ouvrages structurants des réseaux de transport, et non le maillage fin de distribution. À l’échelle nationale, l’opérateur de distribution électrique (Enedis) s’est d’abord engagé dans une réflexion sur ses capacités opérationnelles de gestion de crise, en déployant un service spécifique, la Force d’Intervention Rapide Electricité (FIRE). Mais la sécurisation des réseaux reste très récente (Derdevet, 2020). C’est donc sur les initiatives locales que repose la « mise en risque » de ces réseaux urbains.

25 Au Havre, la problématique de la vulnérabilité des réseaux émerge de façon discontinue, et par l’agrégation de différentes initiatives portées par la collaboration entre le service intercommunal des risques, la Direction à l’Information des Risques Majeurs (DIRM), et les représentants locaux de l’opérateur de distribution énergétique, Enedis. Les premières collaborations entre le service des risques et Enedis remontent à 2015, lorsqu’une coupure électrique sur l’ensemble du territoire génère un incident industriel relativement dangereux. Alors qu’une entreprise de la zone industrialo-portuaire rencontre des difficultés à maîtriser ses process industriels, et risque de libérer de l’ammoniaque, le directeur de la DIRM craint de devoir déclencher les sirènes d’alerte à la population. Lors du retour d’expérience organisé par le centre de crise de la préfecture, il prend contact avec le représentant territorial d’Enedis pour amorcer une collaboration. Ils commencent par s’informer mutuellement de leurs organisations respectives en situation de crise et proposent des démarches d’amélioration de celles-ci. Le périmètre des situations de risque évoqué n’est pas restreint. Ils abordent la problématique des tempêtes, susceptibles d’entraîner la chute de nombreuses infrastructures du réseau électrique : la FIRE a besoin de relais locaux pour intervenir le plus efficacement possible. La DIRM tente de sensibiliser et mobiliser les communes, en particulier périurbaines, pour assurer ce rôle d’intermédiaire. La collaboration porte également sur les effets dominos sur les infrastructures urbaines (réseau d’assainissement et réseau d’eau en particulier), afin de préparer une capacité d’autonomie énergétique ponctuelle en cas de coupure électrique. Surtout, un autre risque majeur local émerge rapidement : celui des submersions marines. Dans le cadre d’un Plan de Prévention des Risques Littoraux prescrit en 2015 sur l’agglomération havraise, des modélisations des submersions centennales sont l’occasion de réfléchir à la vulnérabilité de certaines infrastructures urbaines et portuaires. Après une première étude expérimentale pour évaluer la vulnérabilité d’une écluse stratégique du Grand Port, la collectivité négocie avec Enedis un programme de travaux pour réduire la vulnérabilité des postes électriques existants.

26 Ici, le service métropolitain des risques, la DIRM, et le représentant local du concessionnaire des réseaux électriques urbains, adoptent une définition relativement générique des risques qui leur permet d’alterner entre approche « multi-layer », et systémique des risques. À partir de cette définition souple, c’est une pluralité d’entrées entre le territoire et les réseaux électriques urbains qui sont envisagées par ces acteurs locaux, à différentes échelles (figure 1). Cette collaboration conduit davantage à considérer des complémentarités entre les différentes « catastrophes », et les différentes modalités de relations entre risque et réseaux urbains. Une dynamique tout à fait différente d’émergence de la problématisation multi-risque se manifeste à Istanbul.

Figure 1

Approches multi-risques des réseaux urbains dans l’agglomération havraise

Figure 1

Approches multi-risques des réseaux urbains dans l’agglomération havraise

Istanbul : Quand gérer l’évacuation des populations se conjugue difficilement avec la prise en compte de la pandémie

27 Au début de 2019 la municipalité métropolitaine lance le projet des « parcs séismes » (deprem parkı). Celui-ci a pour objectif de sélectionner des parcs dans Istanbul afin de les inscrire dans le plan local d’urbanisme comme des zones réservées et dédiées à l’évacuation des civils en cas de séisme. Ces parcs devaient également accueillir plusieurs infrastructures de gestion et de régulation des catastrophes sismiques : abri pour les civils sous forme de tentes, bâtiments logistiques, approvisionnement en eau potable et en électricité ou encore réfectoire temporaire. Le parc Topkapı sur la corne d’or à proximité du centre historique a été désigné pour constituer le premier parc « séisme ». Le parc « Deniz Gezmiş », nom faisant référence à une figure emblématique de l’extrême gauche turque, a été désigné comme le second parc ré-orienté vers l’évacuation des civils. Si ces parcs ont bénéficié de certains aménagements, particulièrement en termes de signalétique, la stratégie de leur conversion juridique est surtout d’ordre politique. Elle renvoie à des conflits d’intérêts et d’usage entre le gouvernement central de Recep Tayyip Erdoğan et le maire d’opposition Ekrem Imamoğlu dirigeant la municipalité métropolitaine d’Istanbul. La capacité du gouvernement à imposer une transformation de l’espace urbain sans coordination avec la municipalité métropolitaine a poussé cette municipalité à s’imposer sur la préservation de ses espaces. Il faut dire que les espaces publics en Turquie et particulièrement à Istanbul font l’objet de nombreux conflits d’intérêts entre les acteurs en raison d’une importante spéculation foncière sur les espaces. Cela s’est traduit par le passé par des controverses mises en avant par des associations de luttes pour la « justice spatiale » (mekânda adalet). Elle a pu s’accompagner des mouvements de contestation dont un des événements marquants de la dernière décennie fut celui de la place Taksim en 2011 contre le projet d’un centre commercial et de la densification d’une place emblématique d’Istanbul. Pourtant, depuis les séismes de la région de Marmara en 1999, plusieurs institutions de gestion des risques (AFAD, AKOM) plaident pour une ouverture de l’espace public à destination de zones d’évacuation mais les différents dispositifs mis en place par les municipalités en faveur de ces zones ont souvent échoué. Ainsi, les objectifs d’ouverture de la zone pilote de Zeytinburnu (figure 2), arrondissement proche de la corne d’or, n’ont pas eu les effets escomptés tant l’espace a subi une pression foncière.

Figure 2

Le parc Deniz Gezmiş à Istanbul, modulabilité avant et pendant la gestion de crise

Figure 2

Le parc Deniz Gezmiş à Istanbul, modulabilité avant et pendant la gestion de crise

Réalisation : Gourain, 2022 à partir de documents fournis par la Direction de la transformation urbaine de la Municipalité métropolitaine d’Istanbul, 2020.

28 Le parc Topkapı est un espace convoité par les promoteurs en raison de sa proximité avec l’hyper centre historique et touristique et du même arrondissement de Zeytinburnu. Il en est de même pour le parc Deniz Gezmiş situé dans l’arrondissement d’Ataşehir sur la rive asiatique qui accueillera le futur pôle financier stambouliote. Ce deuxième parc a la particularité d’être situé à proximité d’un cours d’eau endigué posant des enjeux de liquéfaction du sol. Proches de la faille, ces espaces seront amenés à subir un séisme de forte magnitude dans les prochaines années. Ces parcs séismes sont orientés vers la gestion d’un type de risque bien spécifique : le risque sismique. En effet, les aménagements cités plus haut, les toponymes et la communication mise en place par la municipalité sur ces parcs en attestent. De plus, les réflexions mises en place sur l’évacuation des civils ont été menées de concert avec l’AKOM, l’agence stambouliote de coordination des catastrophes, des ingénieurs en génie civil et en transport pour considérer les obstructions de voie liées notamment aux débris des bâtiments et les potentiels dysfonctionnements des réseaux d’eau et d’électricité (Figure 2). Pourtant, la pandémie liée au Covid-19 a fait émerger d’autres risques (dont le risque sanitaire) et de nouvelles vigilances concernant les espaces publics et les voies de communication : jauges, distanciations sociales ou encore dispositifs d’hygiènes ont été rendus obligatoires pour limiter la transmission de la maladie favorisée dans la cadre de densités de population ou de mouvement de foule. La crainte d’un cluster pendant une pandémie se confronte à celle de pouvoir évacuer de manière appropriée les individus en cas de secousse sismique. Le séisme de janvier 2020 à Izmir a justement montré la difficile compatibilité des modes de gestion des deux crises simultanément, d’après les paroles rapportées par l’association médicale turque (TTB) sur les lieux : « les mesures telles que la distance physique, les masques et les règles d’hygiène sont perturbées dans les zones de secours et le transport des blessés » (DW, 02/11/2020). En effet, les secours ont dû jongler entre précautions pour éviter la transmission du virus et rapidité de l’assistance aux victimes du tremblement de terre. L’exemple des parcs séismes à Istanbul montre ainsi la nécessité de réfléchir à des dispositifs urbains flexibles en temps de multi-crises et donc pensés au travers de multirisques – jusqu’alors abordés essentiellement comme des « multi-layers ».

Nantes : Les réseaux urbains en zone inondable… et face à d’autres risques

29 On l’a vu dans le cas havrais, l’opérateur de distribution électrique Enedis est prioritairement organisé pour intégrer les problématiques de tempêtes. Le premier plan « aléa climatique » de l’opérateur était essentiellement consacré à la réduction de la vulnérabilité du réseau aérien face aux tempêtes. Entre 2006 et 2016, l’opérateur s’est consacré à enterrer les réseaux aériens, en particulier en zone rurale boisée. Or cette stratégie se trouve questionnée dès lors que des approches multirisques sont menées, dans le cadre de l’adaptation au changement climatique (Derdevet, 2020).

30 À l’échelle nationale, l’opérateur mène une réflexion sur la résilience de son réseau, et identifie plusieurs relations de vulnérabilité : en plus de la vulnérabilité des réseaux aériens aux tempêtes et chutes de neige, il identifie la vulnérabilité des réseaux souterrains aux fortes chaleurs, et celle des postes de transformation aux inondations. Ce dernier est plus récemment pris en considération dans l’agglomération nantaise. La réflexion est notamment poussée par le service intercommunal des risques, qui s’inquiète dès 2010 des effets d’une inondation sur les infrastructures urbaines. Après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir une analyse de vulnérabilité de la part de l’opérateur de distribution, le service obtient la prescription d’une analyse de vulnérabilité dans le PPRi de la Loire aval : c’est donc l’État qui impose à l’opérateur d’analyser et de communiquer sur sa propre vulnérabilité à l’inondation. Cette prescription est issue d’une négociation étroite avec l’opérateur : les services de l’État et de la collectivité souhaitaient initialement lui prescrire unilatéralement une mise hors d’eau de tous les postes électriques. Face aux coûts d’une telle opération, l’opérateur argumente que l’exposition ne signifie pas systématiquement vulnérabilité – une analyse au cas par cas est privilégiée. Une fois l’étude de vulnérabilité réalisée, le service métropolitain n’entend pas en rester là : il propose un groupe de travail avec l’ensemble des opérateurs urbains, pour étudier les effets dominos de leurs défaillances à l’inondation. In fine, l’enjeu est de programmer des opérations de réduction de la vulnérabilité de ces réseaux.

31 Surtout, la problématique du maintien des réseaux se pose d’autant plus à l’heure où des projets de renouvellement en zone inondable se concrétisent dans l’agglomération. Plusieurs quartiers exposés à des crues centennales ou millénales sont en effet l’objet de projets de transformation, visant à les densifier et réaliser de nouvelles centralités urbaines, en créant de nouveaux quartiers d’habitat (quartier de Chantenay, quartier du Centre hospitalier de l’Ile de Nantes, quartier Pirmil-les-Isles). L’Etat n’a autorisé le renouvellement de ces quartiers qu’à condition que celui-ci opère « selon une logique globale de réduction de la vulnérabilité au risque d’inondation afin d’augmenter la résilience du territoire à ce risque » (règlement du PPRi Loire aval). L’opérationnalisation de cette résilience passe en particulier par la conception de réseaux « demeurant opérationnels en période de crue », et le document incite même au déploiement de réseaux aériens. La « résilience » du réseau recouvre donc des acceptions différentes suivant les acteurs. En effet, la stratégie adoptée par Enedis consiste à ne pas mettre hors d’eau le réseau de distribution à la maille la plus fine (basse tension), mais à l’équiper de dispositifs d’alerte qui permettent de couper préventivement le réseau situé dans la zone inondée. Les principales infrastructures peuvent en revanche être étanches, limitant leur endommagement, et assurant leur démarrage au plus vite dès lors que l’inondation est finie. Encore une fois, la démarche multi-risque repose d’abord sur la superposition de différentes couches d’aléa (multi-layer), dont les interactions sont peu pensées. Si la construction d’un nouveau quartier peut comprendre l’installation de réseaux de distribution surélevés, la problématique est plus importante dans un cadre de renouvellement urbain, où les réseaux existent déjà.

32 Surtout, la résilience du réseau électrique du quartier suppose la résilience de l’ensemble de l’infrastructure électrique urbaine, en particulier du réseau de transport, loin d’être assurée puisque l’étude de vulnérabilité à l’échelle urbaine n’est pas encore déclinée en opérations de réduction de la vulnérabilité. Dans cette situation, l’opérateur énergétique peut inciter à la mise en place d’une autonomie du réseau électrique du quartier en zone inondable (comme il le fait déjà pour les équipements sensibles, comme des opérateurs industriels). Cela peut se faire au moyen de ressources ponctuelles (groupe électrogène), ou par des productions décentralisées (panneaux photovoltaïques, etc.), capables de fonctionner de façon isolée. Cette situation ne semble pas envisagée dans l’agglomération nantaise. Adapter le réseau électrique à l’inondation est donc loin d’être évident, et suppose de questionner les pratiques adoptées jusque-là d’enterrement systématique des réseaux.

Discussion

33 Comment les approches multirisques renouvellent-elles l’analyse des liens entre réseaux urbains et catastrophes dans ces trois cas ? Alors que la gestion de crise met en avant le besoin d’envisager les multiples combinaisons entre les risques multi-couches, interreliés et systémiques – l’inscription des risques dans les réseaux permet d’envisager ces réflexions multirisques au prisme des acteurs et sur des temporalités variées.

34 • Les épisodes de crise peuvent constituer des moments privilégiés pour faire apparaître les dimensions multirisques des réseaux dont l’enjeu est, pour les acteurs, de les inscrire dans un cadre opérationnel et sur le long terme.

35 Là où la pandémie fait émerger une dimension multirisque du réseau de parcs à Istanbul, c’est également une situation vécue comme une crise majeure locale qui amorce la collaboration autour de la vulnérabilité des réseaux au Havre. La coupure électrique initiale résulte d’une interruption volontaire de l’opérateur électrique, suite à de fortes chaleurs qui perturbent le réseau national. Elle aboutit à une crise locale, autour de la maîtrise de process industriels toxiques, et l’éventualité d’un confinement brutal de la population. À partir de cette première expérience multirisque (correspondant à un schéma en cascade, où la vulnérabilité au réseau électrique apparaît comme systémique), les acteurs locaux déploient une conceptualisation multirisque du réseau, en y associant d’autres dimensions (inondabilité, tempête, etc.). Ce ne sont plus seulement les effets cascades qu’ils cherchent à identifier, mais une acception plus transversale des risques.

36 Néanmoins, l’exemple nantais montre que les questionnements multirisques peuvent survenir en dehors des moments spécifiques que constituent « des crises » pour les acteurs locaux. L’alternative entre le réseau aérien et le réseau enterré en zone inondable émerge lorsque le réseau électrique urbain se trouve confronté à différentes conceptualisations des risques.

37 La mise en regard des cas d’étude montre ainsi que si, dans les aménagements urbains, les dimensions multirisques existent, leur cohabitation ne va pas de soi. Parfois même ceux-ci sont mis en concurrence dans le cadre de l’aménagement d’espace et le projet final résulte d’un arbitrage entre eux. L’alternative entre réseaux électriques aériens ou enterrés présentée à Nantes génère différentes formes de vulnérabilités – suivant les phénomènes, ou les espaces considérés, et constituent des distributions de risques différentes. De même dans le cas des parcs séismes à Istanbul pour lesquels l’urbaniste de la direction de la transformation urbaine de la municipalité métropolitaine d’Istanbul reconnaît ne pas avoir intégré le risque de pandémie. En effet, les shelter se sont révélés être sous-dimensionnés pour respecter la distanciation sociale (sosyal mesafe) en cas de crise sanitaire. Ici, l’enjeu sous-jacent d’inscrire un espace public et ouvert a guidé la programmation et la conception du projet. Il s’avère que la mise en avant d’une prévention vis-à-vis du risque de catastrophe sismique (deprem odaklı riski azltması) a davantage de poids que le risque sanitaire pour défendre le projet face au ministère de l’Urbanisme et de l’Environnement turc.

38 Il faut aussi dire que l’inscription de la gestion multirisque dans des dispositifs opérationnels se confronte à plusieurs obstacles. À Istanbul, la conversion des deux premiers espaces publics en parc séisme (Le parc Deniz Gezmiş et le parc Topkapı) s’est faite sans problème avec l’implantation d’infrastructures modulables pour l’évacuation des habitants. Leur conception a intégré des capacités de modulation et de flexibilité pour accueillir rapidement des densités plus fortes, pour gérer les secours et assurer la prise en charge des sinistrés sur des temporalités longues de plusieurs semaines. Cette flexibilité de l’espace allait dans le sens d’une adaptabilité des flux de personnes et des usages en cas de perturbation. En revanche, les tentatives d’inscription des parcs séismes dans le plan local d’urbanisme (imar planı) sont régulièrement ajournées par le ministère de l’Environnement et de l’Urbanisme. Cela est dû à des conflits d’intérêts et d’usage sur certaines parcelles touchées par la spéculation. Les blocages rendent aussi ces espaces d’évacuation vulnérables aux processus de transformation urbaine puisqu’ils constituent toujours des réserves foncières publiques pour le gouvernement central qui favorise leur vente aux promoteurs. De même, longtemps l’entreprise Enedis s’est consacrée quasi exclusivement aux risques générés par les tempêtes : intégrer d’autres formes d’aléa est aujourd’hui plus aisé pour les dispositifs de gestion de crise opérationnels (la FIRE, les correspondants locaux, etc.), que dans la matérialité du réseau.

39 Si les épisodes de crise apparaissent comme des moments privilégiés pour faire émerger les perspectives multirisques dans lesquelles les réseaux sont pris, elles supposent d’autres mécanismes et d’autres dynamiques pour les inscrire dans la durée.

40 • L’exploration du réseau sous une perspective multirisque donne à voir de nouveaux réseaux d’acteurs insoupçonnés

41 La nature générique du réseau induit que son aménagement rend possible des alliances avec de nouveaux acteurs dont la pratique du risque est différente. Ils ajoutent à la conception des réseaux d’autres dimensions des risques. Dans le cas où certains réseaux n’ont pas été pensés sous une logique multirisque, les alliances qu’ils génèrent peuvent mettre en avant de nouvelles dimensions. En ce sens, le cas havrais est flagrant, puisqu’une multitude d’acteurs se trouvent agrégés au travers de l’association réseau électrique et multirisque (élus et agents des petites communes, opérateurs de réseaux dépendants, port, etc.) Dans le cas d’Istanbul, les réflexions portées sur les parcs séismes sont issues de groupes de travail fédérant divers acteurs scientifiques (ingénieurs en géophysique, géomaticiens), de l’urbanisme et des organismes de gestion des catastrophes (afet yönetimi) dont l’AFAD pour le niveau national et l’AKOM au niveau métropolitain. Trois autres niveaux d’alliances sont plus originaux dans le cadre de ce projet. Le premier est que les parcs séismes sont nés à l’initiative de Tayfun Kahraman, récemment à la tête de la direction de la transformation urbaine de la municipalité d’Istanbul depuis que le nouveau maire Ekrem Imamoğlu du parti d’opposition du gouvernement est arrivé au pouvoir. Ceux-ci ont rapidement affiché la volonté de faire intervenir les sociétés civiles dans les processus de conception des dispositifs d’aménagement et de gestion des risques, c’est notamment le cas d’associations de secouristes en cas de séisme. Le deuxième est l’alliance avec d’autres organismes privés mobilisés pour financer la mise en place des parcs séismes sélectionnés selon des critères plus « holistiques » par la municipalité. À ce titre, la société anonyme d’aménagement Istanbul Imar A.Ş menant des projets de transformation urbaine est soutenue par le nouveau maire pour suivre les indications de prévention des risques et au service de la population. L’appel au soutien de compagnies privées constitue une manière pour les initiateurs du projet de légitimer l’inscription des parcs dans le plan local via les infrastructures : « l’inscription [des parcs] n’est pas facile parce que le budget est presque terminé. Il [Tayfun Karaman] a fait appel aux nôtres en Turquie. […]. Nous essayons de mettre en place les zones d’abris […] puis nous écrirons les règles. Vous ne pourrez plus rien faire. Nous mettrons le drapeau : ce sont des zones d’abri, vous ne pouvez plus y toucher » (entretien avec D., urbaniste à la direction de la transformation urbaine de la municipalité métropolitaine d’Istanbul. 11/02/2020). Enfin, les municipalités d’arrondissement (ilçe belediyesi) se sont félicitées de la mise en place de ces parcs comme moyen de créer du lien entre les habitants et des associations d’éducation à la catastrophe, là où d’autres espaces officiels accueillent moins de succès.

42 La multiplication des acteurs permise par la démarche multirisque permet de déployer d’autant le réseau d’associés/de soutien pour assurer une pérennité à leur inscription spatiale dans les réseaux urbains.

43 • La multi-scalarité des réseaux à l’échelle locale permet de créer des liens opérationnels entre risque et crise, entre prévention des risques et gestion de crise globalement.

44 « Quand de petits objets parviennent à devenir grands sans changer la nature du projet, nous appelons cette caractéristique du design, « scalabilité », ou extensibilité. […] Les projets « scalables », extensibles, sont uniquement ceux ayant la capacité de s’étendre sans transformations. » (Tsing 2012). Déclinés à de multiples échelles, tout à la fois locaux et génériques, les réseaux urbains semblent éminemment scalables. En particulier, les épisodes de blackout, ou de coupures généralisées sont des démonstrateurs des interconnexions scalaires au sein du réseau.

45 Or, explorer la dimension multirisque dans les réseaux urbains nuance cette acception. L’aménagement des parcs séismes (Istanbul), la protection des infrastructures électriques sensibles (postes électriques, écluses) face aux inondations au Havre comme à Nantes sont des actions localisées et parfois multipliées dans l’agglomération. Sept parcs séismes ont été implantés par la municipalité stambouliote mais pas encore inscrits dans le plan local (en date de mai 2022). Les protections des infrastructures électriques au Havre sont amorcées autour de quelques sites stratégiques (une écluse, l’hôtel de ville), mais loin d’être généralisées. Les risques ne prennent pas la même forme d’un espace à un autre en raison des diverses traductions qu’ils subissent lorsqu’ils sont saisis par les acteurs de leur gestion (November, 2002). Tandis que les cas d’études se sont essentiellement concentrés sur l’échelle micro, leur mise en perspective à l’échelle macro pose la question suivante : ces mesures et projets peuvent-ils être envisagés comme des leviers pour faciliter la gestion de crise à l’échelle des agglomérations globales ? Les études de cas apportent des réponses contrastées. C’est l’anticipation de la crise urbaine (le séisme, une submersion majeure, etc.) qui conduit à transformer les réseaux urbains, à y inscrire un ou des risques simultanément. En ce sens, les réseaux participent à « territorialiser » la gestion de crise, et peuvent contribuer à l’inscrire dans le temps, en passant de la crise au risque.

46 Pourtant, il s’avère que ces aménagements ponctuels, même pensés en multirisques, ne peuvent étendre leur logique à des agglomérations entières. Les parcs séismes à Istanbul sont bien insuffisants pour évacuer des millions d’habitants en cas de forte secousse sismique. D’autre part, la diversité des registres d’actions et des risques requiert sans aucun doute une variété d’aménagements suffisamment flexibles pour considérer de nouvelles interactions de risques qui restent très largement des « inconnues ».

47 Finalement, ce sont les analyses multi-risques elles-mêmes qui peuvent être enrichies par l’introduction d’une approche par les réseaux urbains. Si les approches « multi-layers », et « systémiques » des risques, dont nous avons identifiées des formes dans nos cas d’étude, portent un regard différent sur les interrelations, elles gagnent toutes deux à ajouter un regard spécifique sur les réseaux. Là où les approches « multi-layers » peinent à identifier les manières dont les différents risques s’imbriquent dans un même territoire, les réseaux créent un élément de continuité et de circulation. De même, alors que les risques systémiques sont complexes à saisir, l’entrée par les réseaux urbains permet d’explorer les interactions et les interconnexions qu’ils opèrent entre plusieurs risques à la fois. (figure 3).

Figure 3

Le rôle des réseaux dans les analyses multi-risques

Figure 3

Le rôle des réseaux dans les analyses multi-risques

Source : Gourain, Rey-Thibault, November 2023

Conclusion

48 Explorer les relations entre les risques dans le cadre des réseaux urbains nous permet d’éclairer plusieurs aspects des dynamiques à l’œuvre entre ces réseaux et les catastrophes. D’abord, les risques apparaissent enchevêtrés entre eux plus qu’ils ne sont distincts dans l’espace. L’enchevêtrement rend compte de situations complexes à gérer pour les acteurs puisque la gestion d’une crise est parfois en contradiction avec les moyens mis en œuvre pour en gérer une autre sur un même espace. À ce titre, la gestion des risques semble souvent peiner à s’inscrire dans les réseaux socio-techniques comme le plan. De plus, l’intégration de la logique multirisque dans la durée se confronte à des récalcitrances d’acteurs ou à des conflits d’intérêts voire à des incompatibilités entre les dispositions prises entre les risques. L’enchevêtrement est aussi multi-scalaire puisque certaines crises, comme les épisodes de black-out ou de coupure généralisée, sont des démonstrateurs d’interconnexions scalaires. Dans ces interconnexions apparaissent des acteurs insoupçonnés et des risques non-anticipés circulant dans les réseaux matériels et dans ceux générés par la prise en charge des risques. Ce qui se joue dans ces dynamiques c’est un rapprochement opérationnel, encore complexe à mettre en place, entre la prévention des risques et la gestion des crises.

49 Ce que notre analyse a montré, c’est l’importance des contextes, des acteurs et des espaces dans leur capacité et leur volonté à prendre en compte plusieurs risques. La dimension générique du réseau a permis de mettre en regard trois cas radicalement différents. Or, sa dimension spatiale rend compte de situations bien plus complexes requérant des acteurs de s’adapter sur des échelles spatiales et temporelles où la densité des réseaux implique des crises de plus grande ampleur, la crise liée à la pandémie du Covid-19 nous l’a bien montré.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble des personnes interviewées et rencontrées dans le cadre des enquêtes de terrain, à Istanbul, Nantes et Le Havre. Merci également aux relecteurs de la revue FLUX pour leurs commentaires et conseils.

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Mots-clés éditeurs : risques enchevêtrés, pratiques multirisques, approches socio-techniques, crises, acteurs locaux, réseaux urbains

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Mise en ligne 24/08/2023

https://doi.org/10.3917/flux1.132.0006

Notes

  • [1]
    Il s’agit de terrains explorés de façon approfondie dans le cadre de deux enquêtes de thèses, menées de façon longitudinale, par des entretiens semi-directifs et des observations auprès des acteurs urbains de la gestion des risques et des crises. 80 entretiens ont été réalisés sur le terrain stambouliote (entre août 2019 et août 2021), 27 entretiens dans le cas nantais (entre juillet 2018 et mai 2020), et 45 sur le terrain havrais (entre juillet 2018 et mai 2020).
  • [2]
    À ce titre, voir la déclaration du vice-ministre de Intérieur en 2018, Ismail Çataklı : « L’objectif mondial est de créer une stratégie de réduction des risques de catastrophe d’ici 2020, la Turquie en tant que pays, dispose d’un document de stratégie de gestion des catastrophes (TAYSB). Nous travaillons sur le plan de réduction des risques de catastrophe en Turquie (TARAP) et les plans provinciaux de réduction des risques de catastrophe (IRAP). » (traduction personnelle) (https://www.afad.gov.tr/bm-afet-risklerinin-azaltilmasi-kuresel-platformunda-turkiye-ust-duzeyde-temsil-edildi)
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