Notes
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[1]
Directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008.
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[2]
Le terme « collectif » est fréquemment utilisé pour parler de compostage de proximité. Il est cependant aussi usité pour qualifier le compostage géré directement par les collectivités dans des structures de grande capacité (ADEME, 2017). L’arrêté du 9 avril 2018 classe le compostage de proximité en deux catégories : le compostage partagé (en pied d’immeuble, de quartier, de jardin partagé) et le compostage en établissement. Il est donc considéré comme une pratique collective, contrairement au compostage domestique (ou individuel). Le compostage en pied d’immeuble n’est pas pris en compte dans cet article, Elisabeth Lehec (2018) ayant bien étudié ce dispositif dans sa thèse.
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[3]
L’analyse de cet article repose sur les travaux d’une thèse toujours en cours de Marion Boespflug, portant sur les transformations actuelles du service public des déchets et sur l’apport des tiers-lieux dans ces changements.
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[4]
Le modèle de l’économie circulaire peut aussi être en conflit avec le principe de prévention. S’il s’intéresse à la réutilisation des objets et des matériaux dans des cycles vertueux, prévenant ainsi la destruction finale de la matière, il a tendance à oublier la racine même de la prévention, située à la création de l’objet ou du matériau qui plus tard deviendra déchet.
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[5]
Depuis août 2020, l’association a décidé de réaménager son jardin, et en a profité pour installer de nouveaux composteurs et revoir leur mode de fonctionnement, pour pouvoir accueillir les apports croissants d’habitants.
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[6]
Le composteur des Amis Recycleurs, situé dans le tiers-lieu La REcyclerie, en est un exemple.
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[7]
Et non souhaitables, puisqu’il est préférable qu’une grande partie de la matière organique soit redéplacée en zone agricole.
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[8]
Et encore n’évoque-t-on pas ici la mobilisation du « travail gratuit » qui est à l’œuvre (Simonet, 2010).
Introduction
1Depuis le XIXe siècle, les services publics locaux urbains liés à la circulation et au traitement de flux (eau et assainissement, énergie, transports, déchets) se sont organisés par la mise en place de grands réseaux techniques (Coutard, 2010). À l’échelle du territoire organisateur, leurs gestionnaires essaient d’observer un « principe d’égalité » (Jeannot, 1998) d’accès au service pour les utilisateurs. L’organisation de ces services publics est cependant contestée aujourd’hui, malmenée par les vagues de libéralisation et mise sous tension par les exigences de leurs usagers, des décideurs publics et des opérateurs privés, et par les politiques promouvant l’économie circulaire et la protection de l’environnement.
2Les mutations du service public des déchets en sont un exemple, dans toute leur singularité. Développé à partir du XIXe siècle pour résoudre les problèmes d’insalubrité urbaine, sa mission a été construite autour de l’évacuation des déchets à l’extérieur des villes (Bertolini, 2007). Le système linéaire qui en a résulté n’est plus adapté aux nouvelles réglementations, favorisant la circularité des flux d’abord par la mise en avant du recyclage dans les années 1990, et depuis les années 2000 par la promotion de la réduction des déchets. Une des mesures phares, qui s’est imposée depuis la directive européenne sur les déchets de 2008 [1], est la collecte et le traitement séparé des biodéchets. La LTECV (Loi relative à la Transition Énergétique pour une Croissance Verte) de 2015 impose pour les collectivités locales responsables de la gestion des déchets de mettre en place au moins une solution de gestion séparée des biodéchets d’ici 2025. L’une des possibilités est le compostage, à condition que la pratique réussisse à être généralisée.
3Traditionnellement associé à l’agriculture et aux jardins des pavillons de banlieue et de campagne, le compostage a toutefois pris une place croissante en ville ces quinze dernières années. La densité de population et de constructions induit une production massive de biodéchets dans un espace restreint où le compostage n’est pas une pratique courante. Ces caractéristiques du milieu urbain poussent cependant au développement du compostage de proximité [2] : composteurs en pied d’immeuble, de quartier, en institution ou en jardin partagé, des groupes de personnes se forment autour d’un même matériel pour traiter leurs biodéchets.
4La question du compostage de proximité a déjà été étudiée sous plusieurs angles dans la littérature. Monsaingeon (2014) fait dans sa thèse une étude socio-anthropologique du rapport au biodéchet et au geste de compostage comme lien à la nature et à son mode de vie. Dans une approche sociotechnique, Dumain et Rocher (2017) présentent les points de convergence et de tension entre la pratique « proche et militante » du compostage et le réseau « industriel » du service public des déchets. Philippot et Glatron (2018) apportent un regard ethnologique à la pratique du compostage de proximité. Philippot (2011) souligne aussi les difficultés des collectivités locales à l’intégrer dans leurs pratiques. Lehec (2018, 2019) le met en avant comme un outil efficace de gestion des biodéchets mais qui, faute d’être considéré comme tel par les institutions publiques, se développe en parallèle du grand réseau technique des déchets, le renforçant plus qu’il ne le met en cause.
5Le présent article étudiera le compostage de proximité par les pratiques de commoning (Fournier, 2013) qui sont mises en œuvre autour de cette activité de gestion des biodéchets. Le rapport des déchets à la notion de « communs » est complexe : tantôt vu comme un rejet, tantôt comme une ressource (Bertolini, 1992), le déchet est un « res derelicta », un bien n’ayant plus de maître. Dans un contexte d’épuisement des ressources naturelles, certains déchets deviennent aujourd’hui source de convoitise chez de nouveaux acteurs, créant des conflits avec leurs utilisateurs premiers, souvent informels (Cavé, 2018). La gestion de leur appropriation peut aussi donner naissance à de nouveaux réseaux territoriaux (Glémain, 2013).
6L’objectif de cet article n’est toutefois pas de s’intéresser aux biodéchets comme une possible ressource commune ; produits quotidiennement et en quantité, ils ne font actuellement pas l’objet d’une concurrence entre les acteurs travaillant avec les déchets. Le regard se tournera vers la production de pratiques « communes, en commun et pour le commun » (Fournier, 2013) à travers l’activité du compostage de proximité et vers une structure qui se prête particulièrement bien à cet exercice du commoning : le tiers-lieu. Espaces hybrides dits « alternatifs », aux contours et définitions mal stabilisés, les tiers-lieux seront considérés ici comme des organisations caractérisées par leur communauté. Celle-ci fonctionne selon un système de valeurs et de pratiques prônant l’expérimentation, le vivre ensemble, l’échange et les communs, l’autonomie et le « faire soi-même », dans un objectif de transition sociale, écologique et/ou économique. Nous verrons néanmoins que cet essai de définition, quelque peu « idéalisée », est sujet à discussion même si, dans les exemples mobilisés, les pratiques cherchent à s’en approcher, et cela dans l’esprit des pratiques transformatrices qui nourrissent l’économie sociale et solidaire (Eynaud, Laville, 2018).
7Cette pratique de commoning s’oppose au fonctionnement traditionnel du service public des déchets, dans le rapport que l’usager entretient avec le service et les modes de gestion utilisés par les collectivités locales. Cette étude montrera comment le commoning se manifeste dans la pratique du compostage, venant interroger les difficultés des collectivités à s’adapter à une mutation forcée par la réglementation et l’évolution du management public, et de fait entravé par le grand réseau technique existant.
8Cet article mobilise la littérature existante et propose une analyse reposant sur une observation participante dans deux tiers-lieux possédant un composteur et présentant un modèle d’organisation horizontal, et sur des entretiens semi-directifs auprès des acteurs de la collecte et de la gestion des déchets, dont dix associations (comprenant les deux tiers-lieux) proposant le compostage de proximité, des représentants de Ville de Paris et Plaine Commune, et des opérateurs privés [3]. Il analyse dans une première partie l’histoire des biodéchets au sein de la construction du service public, pour mieux comprendre l’apparition vacillante d’un service public du biodéchet qui se révèle à la fois « composite » (Jaglin, 2005 ; Coutard, 2010) par les modes de gestion qu’il propose, et ambivalent car révélateur des inadéquations du service public. Une deuxième partie, à travers des exemples des territoires de Lyon, Paris et Plaine Commune, montrera que les processus de commoning existent à des degrés divers dans la gouvernance des composteurs de proximité, et analysera les liens conflictuels qui peuvent exister avec le système institutionnel. Enfin sera abordé l’apport des tiers-lieux dans les processus de commoning grâce à deux exemples qui, s’ils sont des objets rares et singuliers, méritent l’attention pour les modèles qu’ils proposent. La conclusion nous permettra de revenir sur la transformation actuelle du service public, en quoi les pratiques de commoning au sein du compostage de proximité peuvent nous faire réfléchir aux modes de gouvernance des services publics, ainsi que les liens de l’usager et de la collectivité locale à ces services.
Des difficultés des services publics à gérer les biodéchets urbains : vers une prise en charge en commun
9Les biodéchets – ou déchets organiques, fermentescibles ou putrescibles – composent la partie biodégradable de nos poubelles d’ordures ménagères dont ils sont un composant majeur : environ un tiers selon l’ADEME (2020). Leur histoire est singulière : constituant la principale part de la production de déchets jusqu’au XIXe siècle et utilisés comme apport organique dans l’agriculture, ils sont ensuite presque oubliés au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, une nouvelle filière se construit autour du biodéchet. Ce défi est majeur pour les zones urbaines denses, où la population est source d’une quantité toujours plus considérable de déchets. La promiscuité ainsi que le manque d’espaces disponibles rendent difficile leur traitement en proximité. De nouveaux acteurs, différents des grands prestataires historiques des collectivités par leur taille et/ou leur nature, proposent de nouvelles façons d’approcher le déchet. Un modèle « composite » du service public des déchets semble se dessiner, bien que cette apparente hybridation ne se fasse pas sans heurt ni contradiction.
Les biodéchets malmenés à travers l’histoire du service public des déchets
10Jusqu’au XIXe siècle, la matière organique des déchets produits en ville était valorisée pour la production agricole ou le nourrissage du bétail. La part inorganique croissante dans ces déchets fait baisser la qualité des matières collectées et le monde agricole se détourne de cette ressource à partir de la fin du XIXe siècle (Barles, 2005). Cette matière organique disparaît alors peu à peu dans la masse indésirable qu’est devenue l’ordure.
11En parallèle de cette déchéance, un service public du déchet se construit dans les grandes villes dans un souci de salubrité urbaine (Béguin, 2013) ; la propreté prend alors le pas sur la valorisation des déchets (fig. 1). Dans la construction de ce service public, des entrepreneurs travaillent étroitement avec les municipalités (Rocher, 2007) : un début d’industrialisation apparaît dès la fin du XIXe siècle dans l’espoir de standardiser et de rentabiliser la collecte et le traitement des déchets urbains dont le volume ne cesse d’augmenter. Les premières usines de broyage et d’incinération essayent de tirer un profit des matières récupérées, mais les processus sont coûteux et les matériaux obtenus de faible valeur. La mise en dépôt sera la solution majoritairement choisie à partir des années 1920 pour sa facilité de mise en œuvre et son faible coût (Barles, 2005). La construction d’un modèle économique, dans un contexte d’économie de marché où les matières issues des déchets ont une faible valeur par rapport à leur coût d’extraction, est donc une problématique dès les débuts du service public des déchets. Nous en verrons plus loin les conséquences sur sa transformation actuelle.
12À partir de 1975, deux grandes lois vont structurer le service public des déchets tel que nous le connaissons aujourd’hui, oubliant les biodéchets en tant que ressource organique mais les « valorisant » en énergie avec le reste des ordures ménagères (fig. 1).
De l’ordure ménagère aux biodéchets : un renforcement progressif des actions publiques au cours des 20 dernières années
De l’ordure ménagère aux biodéchets : un renforcement progressif des actions publiques au cours des 20 dernières années
13La loi du 15 juillet 1975 oblige pour la première fois toutes les collectivités locales à se doter d’un service public de gestion des déchets. Le principe de « valorisation » du déchet est créé et intégré dans la loi, favorisant l’incinération avec production d’énergie. Quelques grands groupes industriels – déjà positionnés dans les services urbains – s’imposeront à partir des années 1980 (Rocher, 2007). C’est à cette période que les services de gestion des déchets s’industrialisent véritablement, formant une « structure industrielle oligopolistique » (Defeuilley, 1996) dans un réseau centralisé permettant les économies d’échelle.
14La loi dite « Royal » du 13 juillet 1992 impose le tri de certains matériaux sur tout le territoire français : les collectivités locales doivent proposer un service de collecte séparé pour les déchets des ménages dits « secs » (principalement les emballages) afin qu’ils soient recyclés. Bien que les flux de déchets se diversifient et que de nouveaux acteurs se manifestent, le modèle proposé reste sensiblement le même : un service centralisé et industrialisé. Le tri à la source amène cependant une nouveauté dans sa gestion : la participation de l’usager, toutefois limitée à son rôle de tri. Il devient un « producteur-trieur inséré dans une filière industrielle, dont il faut construire et maintenir la performance » (Barbier, 2002). La collecte séparée fait donc ses débuts, mais la valorisation en usine d’incinération – appelée « énergétique » par les institutions – demeure le devenir des biodéchets, oubliés dans les OMR (ordures ménagères résiduelles). Et cela même alors que le caractère humide de ce type de déchets leur confère un faible pouvoir calorifique (Prévot, 2000).
15Ce n’est qu’à partir des années deux mille que le potentiel « matière » des biodéchets est envisagé par les politiques publiques, après presque un siècle d’un faible intérêt (fig. 1), limité principalement à l’échelle locale sur certains territoires. Soutenue par deux plans nationaux, la réduction des déchets devient l’objet de différentes mesures dont une incitation à la collecte séparée des biodéchets. La LTECV la traduit par une nouvelle obligation pour les collectivités locales : proposer d’ici 2025 au moins une solution de gestion séparée des biodéchets à leurs administrés. Le principe de prévention est intégré dans une notion popularisée à la fin des années deux mille et finalement inscrite dans la LTECV : l’économie circulaire. Les déchets jouent un rôle majeur dans ce modèle où la matière doit être réutilisée, recyclée, réintégrée [4]. Leur gestion sort alors d’une unique filière d’élimination et est replacée dans un système plus global, retravaillant nos systèmes de production et de consommation (Beulque, Micheaux, Aggeri, 2016).
16Le modèle économique principal sur lequel est fondé le service public des déchets révèle son inadéquation face aux changements demandés par les politiques publiques et les mobilisations citoyennes. De nouveaux acteurs se positionnent, là où les grands opérateurs historiques ne peuvent et ne veulent plus intervenir.
La construction « composite » et ambivalente d’un service public du biodéchet
17Pour respecter l’échéance de 2025, les collectivités locales recherchent et expérimentent des solutions de traitement des biodéchets. Le tri à la source est mis en avant par la loi, contrairement à la solution – jugée peu efficace – du TMB (tri mécano-biologique). Les municipalités urbaines voient deux orientations différentes de gestion se présenter, lesquelles peuvent être mises en place parallèlement :
- une méthode correspondant aux modes de gestion traditionnels, avec un flux spécifique créé grâce à une collecte séparée et un traitement en centre industriel de compostage et/ou de méthanisation,
- une solution décentralisée à travers le compostage par les citoyens, individuellement ou collectivement.
La collecte séparée
18La première solution, plus familière aux collectivités locales, s’intègre dans le grand réseau technique des déchets. Les collectivités mobilisent des modèles administratifs et financiers similaires à ceux utilisés pour les flux des OMR et de la collecte sélective. Le rapport à l’usager reste le même, son geste de « producteur-trieur » étant mis à profit. Cette nouvelle collecte va cependant souligner des problématiques préexistantes mais ignorées du grand réseau et du service public. Elle demande d’abord de nouveaux investissements en installations de tri et traitement spécifiques aux matières biologiques (fig. 2). Pour construire et exploiter les usines de méthanisation et les plateformes de compostage, de nouveaux opérateurs apparaissent : des spécialistes du compostage (souvent déjà positionnés dans le traitement des biodéchets agricoles et industriels), ou même de l’énergie verte dans le cadre de la méthanisation. Installés dans des modèles technico-économiques « sources d’économies d’échelle et d’envergure » (Coutard, Rutherford, 2009), les opérateurs traditionnels quant à eux s’avèrent « peu intéressés par des collectes de précision » (entretien, directrice de pôle chez Suez France, février 2019), représentant de très petits volumes avec une très faible valeur marchande.
Le devenir des biodéchets triés à la source : des solutions spécifiques
Le devenir des biodéchets triés à la source : des solutions spécifiques
19Bien que cette collecte apporte l’avantage d’un service « unifié » sur l’ensemble du territoire, ses difficultés de mise en place et l’augmentation des coûts de service freinent son application, particulièrement dans les zones urbaines. De plus, une concurrence semble se profiler avec les autres filières de traitement : en France, les biodéchets représentent un tiers des OMR, qui constituent la majeure partie des apports en usine d’incinération. Bien que le pouvoir calorifique des biodéchets soit peu élevé, la perte de volume pourrait affecter le fonctionnement et l’équilibre budgétaire de ces installations – dont une partie du combustible est déjà détournée par les autres collectes sélectives.
Le compostage de proximité
20Le compostage de proximité est réalisé par un collectif de personnes, institutionnalisé ou non, qui s’occupe de l’installation, la gestion et l’utilisation du composteur (ADEME, 2017). Il est souvent caractérisé par la proximité territoriale des utilisateurs et la petite taille de l’installation. Demandant des connaissances techniques abordables par tous et un coût matériel et logistique moindre, c’est une solution plus rapide à mettre en œuvre pour les collectivités locales que la collecte séparée, quoique nécessitant également un suivi sur le long terme. Dans le secteur du déchet, la mobilisation populaire n’est pas nouvelle puisque, dès les années 1980, des protestations apparaissent contre la présence des décharges et des incinérateurs (Dumain, Rocher, 2017). Les pratiques militantes du XXIe siècle diffusent largement des modèles décentralisés venant bousculer les grands réseaux, par l’intermédiaire d’acteurs de la société civile.
21Avec le compostage de proximité, un « système sociotechnique alternatif », l’usager sort de son rôle de « producteur-trieur » pour devenir un « producteur-gestionnaire » de son déchet dans une gestion de proximité, là où la logique réticulaire du grand réseau technique éloigne producteur et déchet (Coutard, 2010). Il ne faut cependant pas complètement dissocier ce fonctionnement de celui en réseau. Les collectivités françaises sont traditionnellement peu habituées à la gestion partagée (Jaglin, 1995). Cirelli, Maccaglia et Melé (2017) mettent en avant les effets de l’intervention des institutions publiques ayant tendance à standardiser les pratiques par des normes réglementaires et des exigences administratives, pouvant participer à un déclin de la dimension militante du compostage pour devenir une pratique instituée (Dumain, Rocher, 2017) ou déconsidérer l’efficacité de la pratique au point de nuire à sa diffusion (Lehec, 2018).
22Séduisant pour sa facilité de mise en œuvre et son faible coût, le compostage demande une mobilisation plus élevée de l’usager. Promu comme gestionnaire possédant une technique (Lehec, 2018) en charge du processus de collecte et de traitement, il prend une place plus importante dans la relation bipartite entre la collectivité et son prestataire et retrouve un pouvoir de décision sur le service qu’il utilise et, ici, contribue à créer. Cette position pousse à interroger la place de l’usager dans le service public des déchets, et ses modes d’action dans la mise en place du compostage. Cela nous amène donc à questionner le statut de communs et le travail des communs dans le compostage collectif.
Les pratiques de commoning dans l’activité du compostage de proximité
23À partir des travaux d’Elinor Ostrom, Coriat (2015) synthétise la définition de commun par l’existence de trois éléments : (1) une ressource mise en commun, (2) le mode de gouvernance de cette ressource créé par une communauté de commoners, pour former (3) l’ensemble de règles et de droits – un « faisceau de droits » – permettant son partage. Défini comme l’organisation en commun de la répartition des ressources communes et des obligations qui en découlent (Ostrom, 2010), le commoning l’est aussi comme l’organisation en commun des utilisations possibles des ressources communes (matérielles, immatérielles, sociales), de leur distribution et de leur production. Ainsi, Fournier (2013) considère le commoning plus par l’utilisation faite de la ressource que par sa répartition, prenant ainsi en compte les ressources peu ou pas divisibles, et donc l’utilisation en commun de ces ressources. Le commoning renvoie conjointement à des démarches marquées par l’auto- organisation et l’engagement des personnes et des collectifs (Eynaud, Laville, 2018).
24Dans le cadre de cet article, la ressource considérée comme commun dans le compostage ne sera pas le biodéchet, mais le composteur. Le compostage de proximité met en jeu des pratiques collectives, allant du simple partage d’un composteur entre un groupe d’individus à une organisation définie de règles et de pratiques construites collectivement. Plaçant le citoyen en « technicien agissant » (Lehec, 2018), il retravaille alors le rapport de l’usager au service public du déchet. L’action des personnes est un des marqueurs du commun, par opposition aux services publics, qui n’engagent pas ou secondairement l’action du bénéficiaire.
Compostage de proximité à Lyon, à Paris et à Plaine Commune : du commoning à des degrés divers
25L’agglomération parisienne possède une histoire longue avec le service public des déchets, puisque sa place de centre de pouvoir et l’augmentation importante de sa population les deux derniers siècles l’ont placée en première ligne pour expérimenter et réglementer leur gestion. Intercommunalité de la Petite Couronne parisienne, l’Établissement public territorial Plaine Commune valorise les initiatives citoyennes de proximité. Cependant, peu performante en matière de tri des déchets ménagers (Plaine Commune, 2021), elle ne pratique pas une politique très active sur le sujet, se cantonne aux outils de sensibilisation les plus utilisés et a réalisé peu d’expérimentations sur le territoire ces dernières années. La Ville de Paris a au contraire une politique beaucoup plus active, multipliant les expérimentations et les campagnes de communication. Sa politique est aussi plus dirigiste, et des conflits peuvent apparaître entre les initiatives citoyennes de son territoire et ses services. Voisins, Plaine Commune et Ville de Paris gèrent la collecte de leurs déchets et adhèrent au même syndicat de traitement : le SYCTOM (Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères).
26Il est difficile d’évaluer quantitativement la pratique du compostage de proximité sur ces deux territoires. À Paris, 872 composteurs sont recensés par la ville en 2019, principalement en pied d’immeuble et dans des structures institutionnelles, auxquels s’ajoute une trentaine de composteurs dits « de quartier ». La majorité est située dans le nord-est, l’est et plus récemment le sud du territoire. Les composteurs et lombricomposteurs distribués sont également comptabilisés par Plaine Commune (351 recensés en 2019) mais pas leur utilisation effective et le volume de déchets traités. Dans les deux territoires, le nombre de composteurs dans des associations ou gérés par des collectifs – soit les plus susceptibles de développer des processus de commoning – est incertain. De plus, un composteur ne veut pas forcément dire une pratique active du compostage, ou un grand nombre d’utilisateurs : cela dépend de la taille, de l’accessibilité ou encore de l’activité des gestionnaires et participants.
27À travers les exemples de la Ville de Paris et de Plaine Commune, ainsi que celui des Compostiers à Lyon analysé par Dumain et Rocher (2017), nous allons montrer comment des processus de commoning se mettent en place au sein de collectifs pour pratiquer le compostage de proximité.
Du producteur-trieur aux pratiques de commoning
28La gestion d’un composteur partagé peut s’avérer très différente selon les situations. Dans certains cas, la gestion est totalement contrôlée par une entité, souvent une association, parfois un établissement (comme une école) ; il n’y a alors pas de processus de commoning. Dans ce contexte d’une seule structure possédant tous les droits du « niveau de choix collectif » (Orsi, 2013), la gouvernance verticale est finalement similaire à celle du service public des déchets traditionnel, où l’habitant est enrôlé pour trier et déposer ses déchets dans un point de dépôt prévu. Les utilisateurs ne participent pas à la gouvernance du composteur et se conforment aux règles qui leur sont présentées. Dans l’association des Amis Recycleurs (18ème arrondissement, Paris), les salariés s’occupent entièrement de la gestion du composteur ; les adhérents peuvent récupérer un bioseau et apporter une fois par semaine leurs biodéchets en suivant les consignes. Des ateliers autour de l’entretien du composteur sont ouverts aux adhérents, mais la participation n’est aucunement obligatoire. La dimension collective se limite au partage du point d’apport dans lequel sont déposés les biodéchets, comme le serait un PAV (point d’apport volontaire) de verre. Le cadre offert par ces structures est tout de même plus convivial qu’un PAV classique, par les interactions sociales qu’il rend possibles et les activités parfois proposées. D’autres composteurs de proximité proposent voire exigent une participation plus active des participants. C’est le cas du composteur des Docks à Saint-Ouen (fig. 3), un composteur de quartier situé sur une esplanade publique et géré par les associations Mon Voisin des Docks et EducEcolo, qui demandent notamment de participer à l’entretien du composteur au moins une fois par mois. Cependant, la gouvernance reste assurée par les deux associations.
Différentes approches du compostage urbain : exemples étudiés à Paris et Plaine Commune
Différentes approches du compostage urbain : exemples étudiés à Paris et Plaine Commune
29À l’opposé du contrôle total de la gestion du composteur par une seule entité se trouvent des composteurs sans aucune gestion commune et donc sans système de gouvernance formalisé. Cette conformation n’est toutefois possible que lorsque le nombre de participants reste faible, et donc la quantité de biodéchets aussi, limitant ainsi les nuisances possibles et le temps d’entretien. C’est par exemple le cas dans une friche du quartier de la Plaine de Saint-Denis, avec deux petits bacs à compost en bois, peu entretenus, dans lesquels quelques familles viennent jeter leurs biodéchets. L’association en charge du lieu, Landykadi, donne accès à l’emplacement mais s’en occupe peu [5] (entretien, coordinatrice de la friche du Landykadi, mars 2020).
30Les processus de commoning se trouvent à l’intermédiaire de ces deux situations, entre le contrôle hiérarchique par une même entité et l’absence de régulation de l’usage du composteur. Un système plus horizontal, où les membres du collectif prennent en main la gestion de leur installation commune, existe. Une communauté organise alors le mode de gouvernance de son composteur avec l’ensemble des règles le régissant.
31L’association Les Compostiers (Dumain, Rocher, 2017) a introduit les composteurs de quartier dans la métropole lyonnaise, prônant l’autonomisation des habitants dans la gestion de leurs déchets. Cependant, leur premier composteur était entièrement géré par les salariés et les habitants réduits à leur rôle d’usager. Quand cette installation a été déménagée, l’association a rendu la gestion du site au collectif d’utilisateurs qui a défini ce qui est son propre « faisceau de droits ». Dans le 12ème arrondissement de Paris, le premier composteur de quartier de la ville, celui de la Gare de Reuilly, a été construit en 2014. Situé dans le jardin de la Maison des Associations de l’arrondissement, sa maintenance a d’abord été déléguée à la Régie de quartier Fécamp 12, pour ensuite être transférée aux habitants en 2016. Grâce à des rendez-vous d’entretien du composteur hebdomadaires, une gestion partagée des tâches et des événements festifs ponctuels, les participants ont réussi à tisser des liens forts et à construire progressivement une communauté autogérée.
32Un autre composteur de quartier se trouve dans le jardin partagé du P’tit Vertbois (3ème arrondissement) géré par l’association de la Régie de quartier Paris-Centre. Le composteur est en cogestion entre l’association et ses adhérents, les salariés de la Régie et les membres les plus actifs, qui ont construit un ensemble de règles au fil du temps en expérimentant. La dimension pratique est un élément important dans le processus de commoning, pour les mettre à l’épreuve ou constater le besoin d’une nouvelle règle. Ces règles sont également évolutives selon les changements vécus par la communauté et son environnement (nombre de participants, engagement des membres, nuisance, etc.).
Institutions publiques, compostage et commoning : des rapports conflictuels
33La gouvernance partagée n’étant pas dans les pratiques et dispositifs des collectivités locales, il en résulte une incompréhension qui peut pousser l’institution publique à reprendre le contrôle perdu sur son territoire. Dans la situation des Compostiers, les collectifs d’habitants accompagnés par l’association ont en charge la gestion de leur composteur, mais la Métropole de Lyon a régulé la pratique du compostage de proximité sur son territoire, ce qui a obligé les collectifs à se plier à ses règles (Dumain, Rocher, 2017). Une réglementation nationale est également venue encadrer la pratique du compostage de proximité (circulaire du 13 décembre 2012, arrêté du 9 avril 2018). Toutefois, toutes les collectivités n’en font pas la même application. Ainsi, la Ville de Paris semble plus souple dans le contrôle des sites de compostage de proximité de son territoire : les collectifs de composteurs « doivent pouvoir adopter le composteur et l’adapter, pour devenir autonomes » (entretien, responsable du service « compostage de proximité » à la Ville de Paris, mars 2020). Cette autonomie est cependant relative face à certaines contraintes, notamment d’accès à des apports carbonés (broyat, feuilles mortes…) qui poussent les collectifs à se tourner vers la collectivité pour s’approvisionner.
34D’autres territoires, comme Plaine Commune, n’ont pas mis en place de cadrage spécifique. Exceptionnellement, l’installation d’un composteur de proximité peut faire l’objet d’un accord tacite comme pour le composteur des Docks, les associations ayant négocié avec Plaine Commune et la mairie de Saint-Ouen la gestion de l’installation qui leur est entièrement déléguée. Situé sur l’espace public, l’équipement peut être une source de réticence, le compostage urbain ayant la réputation d’attirer les nuisances (rats et odeurs) : « Il a fallu se battre pour l’avoir, ce composteur. Des réunions publiques ont été faites avec la mairie et Plaine Co aussi, et ça n’en finissait pas » (échange lors d’une observation participante, une adhérente, novembre 2019). L’installation du composteur de proximité dans une enceinte privée peut également porter atteinte aux pratiques de commoning, comme c’est le cas pour le jardin du P’tit Vertbois. L’espace dans lequel il est installé, une petite cour fermée du CNAM (Centre National des Arts et Métiers), est source de tensions : « Le CNAM a participé à la création du jardin, mais maintenant il ne participe plus du tout aux activités, ou à la gestion […] La direction nous a approchés pour se plaindre qu’il y avait des rats et que c’était [de leur avis] à cause du compost […] En ce moment la clé ne marche pas, il faut aller demander au CNAM pour pouvoir entrer, ce qui limite les heures d’accès au jardin » (entretien, responsable de la Régie de quartier auprès du jardin, janvier 2020).
La (non-)persistance de l’engagement dans le compostage
35Outre les relations avec les collectivités locales, la question du travail investi par les individus dans la gestion des composteurs est aussi une problématique. La dynamique du collectif est maintenue et impulsée par le même groupe restreint de personnes formant le « noyau dur » (Dameron, Josserand, 2007) de la communauté. Créé en 2015, le jardin partagé du P’tit Vertbois connaît actuellement une période de creux après le départ d’une partie des personnes qui constituaient son noyau. L’association s’appuie désormais sur ses salariés pour faire vivre l’endroit. « Un groupe de dames s’occupait du jardin, c’était un peu le cœur du lieu. Elles organisaient les carrés du potager et l’entretien du composteur […] Mais il y en a une qui est partie, l’autre qui a déménagé, ça a éteint la dynamique » (entretien, responsable de la Régie de quartier auprès du jardin, janvier 2020).
36Le désengagement dans le bénévolat est une problématique souvent rencontrée dans les collectifs ou les structures associatives. La définition du faisceau de droits du composteur, souvent incomplète ou en cours de construction, permet un accès facilité à des free riders (Coriat, 2015). Les personnes les plus actives, portant la communauté, s’épuisent face à la charge de travail, le travail bénévole ou la faible rémunération, la gestion des conflits internes et externes, et enfin l’impression de solitude qui en résulte. Ces éléments sont parfaitement identifiés dans les initiatives associationnistes, mais ne réduisent pas le processus de commoning, l’animation coopérative restant centrale, au sens de Desroches (1976).
37Les processus de commoning sont donc limités au sein de la plupart des communautés de composteurs de proximité. La construction d’un ensemble de droits et de règles produit par la pratique (Fournier, 2013) peut rencontrer différents obstacles : la difficulté à engager les participants dans une gestion partagée pour les sortir de leur rôle de producteur-trieur, l’épuisement et le désengagement progressif des personnes-motrices des communautés, et une prise en main institutionnelle court-circuitant les processus de commoning.
38Des expérimentations apparaissent aujourd’hui, révélant un potentiel qui permettrait d’apporter des solutions aux difficultés des communautés de compostage de proximité, notamment en favorisant des formes hybridées (Eynaud, Laville, 2018). Par leurs valeurs et leur conformation, les tiers-lieux peuvent présenter des cas de commoning rares mais intéressants, comme nous allons l’observer à travers deux exemples.
Des expérimentations de commoning dans les tiers-lieux pour gérer les biodéchets : prémices d’une évolution dans les services publics locaux ?
39Dans la littérature, les tiers-lieux sont réputés pour être des lieux de production « en commun » (Burret, 2015). Communautés ancrées dans leur territoire (Oldenburg, 1989), les tiers-lieux sont aussi des lieux d’expérimentation collective (fig. 4). Souvent insatisfaits des cadres juridiques et économiques traditionnels et à la recherche d’une symbiose de leurs envies et de leurs occupations, les communautés de tiers-lieux vont hybrider leurs activités, leur statut et leur modèle économique, pour en faire des espaces « composites ». Ils ont également la capacité d’agréger une grande diversité d’acteurs – citoyens, collectivités, associations – qui peuvent être porteurs de ces espaces, comme peuvent l’être des microentreprises ou des entreprises de l’économie sociale et solidaire.
40Récent, le concept de « tiers-lieu » n’est aujourd’hui pas clairement stabilisé, et sa nature polymorphe et hybridée ne facilite pas son identification. Les éléments présentés ici représentent cependant des piliers centraux (fig. 4) souvent employés – de façon parfois idéalisée – pour caractériser un tiers-lieu, que cela soit par ses acteurs ou dans la littérature. Cependant, espaces forts de lutte et d’appropriation politique, le rapport aux activités marchandes et aux problématiques sociales et écologiques y est très variable selon les tiers-lieux.
Définition du tiers-lieu par identification des piliers structurants du concept
Définition du tiers-lieu par identification des piliers structurants du concept
41Les deux exemples que nous allons étudier s’approchent cependant de cette vision du tiers-lieu en tant qu’espace « alternatif » ou « critique » (Bodet, Lamarche, 2020) valorisant le lien social et les préoccupations écologiques et socioéconomiques. Tous les tiers-lieux ayant un composteur ne réalisent pas une démarche de commoning autour de cet outil [6]. Ceux-ci ont été choisis pour le processus de commoning développé « en pratique » (Fournier, 2013) et résultant en une communauté régie par un ensemble de droits et de règles.
Le Jardin du 56 St-Blaise
42Le jardin partagé du 56 St-Blaise (20ème arrondissement, Paris) est un tiers-lieu situé sur une ancienne friche. Il est le résultat d’un travail réalisé par la mairie du 20ème arrondissement, le collectif de l’AAA (Atelier d’Architecture Autogérée) et les habitants et associations du quartier de Saint-Blaise en 2006. En 2009, une association d’habitants est formée et AAA leur transfère progressivement la gestion du site. Les cultures s’y révèlent peu productives à cause de l’ombre des immeubles voisins. Le rôle « producteur » du jardin est alors effacé face à son rôle social. De nombreuses activités viennent ponctuer la vie de la communauté et du quartier (spectacles, fêtes, ateliers de cuisine ou artistiques, brocantes, une AMAP et un marché de Noël).
43Son ancrage territorial est bien développé mais la dynamique s’essouffle depuis quelques années. L’association voit cependant arriver de nouveaux profils qui s’investissent dans la gouvernance et sont force de proposition, principalement des jeunes adultes qui tranchent avec la population plutôt retraitée de l’association. Néanmoins, si les jeunes participants amènent plus d’hommes au son sein, cela reste un groupe majoritairement féminin. Parmi les adhérents, beaucoup se sont tournés vers le Jardin du 56 pour les possibilités d’initiative, contrairement à l’environnement fermé que les jardins partagés peuvent présenter : « Au début j’ai adhéré à un jardin partagé à côté de chez moi. Mais on ne pouvait rien proposer, ce sont les anciens qui prenaient les décisions sur tout […] Alors quand j’ai découvert le [Jardin du] 56, j’ai quitté l’autre » (échange lors d’une observation participante, une adhérente de l’association, novembre 2019).
44Fonctionnant complètement bénévolement, les ressources de l’association proviennent des adhésions (environ 80 adhérents en 2019), de subventions, de partenariats ou encore des ventes des événements. Trois niveaux d’engagement peuvent être identifiés dans la communauté :
- Le « cœur » composé d’une vingtaine d’adhérents possédant le statut d’« actif »
- Le « corps » de la communauté formé par le reste des adhérents sous le statut de « sympathisant »
- Les « voisins » du tiers-lieu, en-dehors de l’association, qui ne viennent que très ponctuellement mais connaissent le lieu et participent à son existence dans la conscience collective locale.
45Au sein de l’association, les « actifs » sont les moteurs de la vie du site, entretenant l’espace, participant aux décisions, organisant des activités ; ce sont les seuls qui ont la clé et font des permanences au jardin. Les « sympathisants » viennent régulièrement, souvent pour utiliser le composteur, mais participent peu ou pas à la gouvernance du lieu. Ce statut a été ajouté officiellement aux statuts en 2019 : devant le succès croissant du composteur, les adhérents ont choisi d’en réguler l’accès, auparavant libre, pour éviter les surcharges de biodéchets et les incivilités. Les différents niveaux d’engagement ne sont pas étanches et les membres peuvent naviguer d’un niveau à l’autre selon leur histoire personnelle et le contexte du lieu. Dans le fonctionnement de la gouvernance, tous les adhérents ont la même voix au sein de l’association et les décisions sont prises de façon collégiale.
46Grâce à un long processus de commoning, le tiers-lieu du 56 St-Blaise est donc une communauté dont les communs ont été produits sur presque 15 ans. Le compostage de proximité est un de ces communs ; les droits d’accès, d’utilisation et de gestion ont été décidés au fil du temps et des expériences de la communauté et de ses membres. Le compostage attire de nouveaux membres et active une partie du « corps » de la communauté : il est devenu une part de la communauté mais n’en est pas le point central.
V’île Fertile
47V’île Fertile est une micro-ferme urbaine du 12ème arrondissement, située dans le Jardin d’Agronomie tropicale du Bois de Vincennes. Ce tiers-lieu est géré par une association qui pratique l’agriculture maraichère biologique sur une parcelle de 1100 m2, vendant ses récoltes sur place, le compost produit avec des biodéchets locaux venant amender les sols. Le lieu est une réponse à l’appel à projets de la Ville de Paris « Végétalisations Innovantes », lancé en 2013 ; le succès de l’expérimentation lui a permis de continuer après la fin du programme en 2016. En plus des ventes de la ferme et des subventions, des activités avec les écoles locales ainsi qu’une offre de journée « team building » pour les entreprises viennent compléter les revenus de la structure, sans encore stabiliser son modèle économique.
48Presque 50 adhérents constituent l’association, dont un « cœur » composé d’une trentaine de membres actifs. La communauté présente des âges variés, une légère prédominance féminine, et une population majoritairement blanche et peu ou pas précaire. Selon un système de gouvernance horizontal, les décisions sont collectives, faites lors des « comités fertiles » organisés deux fois par mois pour l’avancée des projets du site. Un « comité associatif » est élu pour veiller au respect des objectifs et statuts de l’association. Ce fonctionnement permet de pallier les difficultés d’une gouvernance horizontale, comme les niveaux d’engagement différents des membres : « Les décisions sont parfois longues, tout le monde n’est pas d’accord. Si le sujet est un peu sensible, il faut discuter longtemps […] Parfois, on est obligé de faire des compromis » (entretien, une adhérente active de V’île Fertile, mai 2020).
49Le composteur de proximité est principalement alimenté par les biodéchets de la ferme, du Jardin Agronomique tropical et son campus, du marché de Nogent-sur-Marne et de différents centres équestres locaux. Le compost fait partie intégrante du fonctionnement de la ferme, pour enrichir une terre encore pauvre.
50Le processus de commoning à V’île Fertile, contrairement au Jardin du 56, s’est construit rapidement, le mode de gouvernance ayant réussi à trouver une certaine stabilité après environ trois ans. Le composteur y est vu comme une ressource commune essentielle pour l’amendement des sols de la ferme. Si une personne volontaire est responsable de son activité, notamment pour ses connaissances techniques, les décisions sur cet outil et ses règles de fonctionnement sont, elles, discutées et validées en communauté.
51Les tiers-lieux sont des terrains fertiles pour expérimenter différents modes de gestion du compostage de proximité. Ils possèdent l’avantage de voir l’aspect expérimental de leur fonctionnement relativement bien accepté par les institutions publiques, offrant ainsi une structure dans laquelle l’expérimentation peut être conduite, pour perdurer ou disparaitre en limitant les risques. Enfin, l’hybridation des activités d’un tiers-lieu peut être une opportunité pour la gestion d’un composteur. Le compostage de proximité est souvent présenté comme une activité créatrice de liens sociaux, de communauté ; l’engagement et le maintien de la dynamique collective s’avèrent cependant difficiles autour d’une unique activité souvent vue comme contraignante. Dans un tiers-lieu, la communauté ne se construit pas seulement autour du compostage ; ce dernier fait partie des différents outils communs autour desquels sont construites les pratiques de la communauté. Atténuant la part contraignante de la gestion des déchets, ces liens avec des activités annexes, sans rapport direct avec le tri et le traitement, mais apportant une dimension récréative et/ou utile, est une piste intéressante pour les collectivités pour améliorer la performance du service public des déchets.
52Si les tiers-lieux étudiés ici apportent un point de vue nouveau dans leur façon d’aborder le compostage de proximité, ces composteurs (tout comme ceux des jardins partagés ou les composteurs de quartier) accueillent les biodéchets d’un petit nombre de foyers, pour un faible volume de traitement comparé à la masse globale produite en territoire urbain dense. Dans une zone urbaine où l’espace disponible est rare, les conditions d’un service de traitement des biodéchets entièrement en compostage de proximité sont difficiles, pour ne pas dire impossibles [7]. Augmentant les volumes traités, des composteurs électromécaniques de petite taille sont expérimentés actuellement, service intermédiaire entre réseau de collecte séparée des biodéchets et compostage de proximité. Reproduisant les capacités des modes de traitement industriel dans des équipements réduits (jusqu’à 4 tonnes de biodéchets par semaine), ils peuvent être installés plus facilement en zone urbaine. Plusieurs tiers-lieux l’expérimentent à Paris (Les Grands Voisins dans le 14ème arrondissement, La Ferme du Rail dans le 19ème) et à Plaine Commune (Lil’Ô à l’Île-St-Denis). On manque cependant de recul sur ce procédé de compostage micro-industriel de proximité, comme sur son incidence en milieu urbain, son modèle économique et ses capacités de traitement sur le long terme.
53S’il ne règle pas le problème de la gestion des grandes quantités de déchets produits en milieu urbain, le compostage de proximité réinterroge la conformation du service public, et pousse les collectivités territoriales à s’adapter à un modèle radicalement différent des modes de gestion dominants. Dans un geste à la fois individuel et collectif, le compostage de proximité engage les citoyens dans une démarche écocirculaire concrète, dimensionnée à leur échelle et dont les résultats sont palpables. Le travail des collectivités avec les associations et/ou les tiers-lieux permet d’expérimenter de nouveaux rapports entre les structures de service public, mettant à l’épreuve leurs différences de fonctionnement. Comme nous l’avons vu, leur coexistence au sein d’un même service est cependant encore difficilement compatible sans effacer les qualités de l’un ou l’autre acteur.
Conclusion
54Le compostage de proximité des biodéchets, s’il apporte « une intrusion citoyenne dans [le] régime industriel » (Dumain, Rocher, 2017) du service public des déchets, ne s’installe pas sans difficulté, et n’est pas une alternative de masse. Déconstruire le rôle de l’usager tel qu’il a été formaté depuis la fin du XIXe siècle impose une transition complexe ; l’engagement citoyen ou coopératif n’est pas per se la trame d’un remplacement du service public. Le rôle de l’usager est réinterrogé dans son rapport au service public, et la notion même de service public interpelée. Les différents prestataires (souvent privés) des services de collecte et traitement sont financés par une taxe ou une redevance ; les composteurs de proximité sont souvent gérés bénévolement ou grâce au faible moyen salarié d’une association. Si la collectivité locale inclut le compostage de proximité dans son offre de service public, est-il encore un service public puisque les structures et individus le faisant fonctionner ne sont pas rémunérés (Simonet, 2010) par la collectivité et donc ne dépendent techniquement pas d’elle ? La réglementation est-elle suffisante pour que la puissance publique garde son rôle de garante du service ?
55La place et le rôle des services publics sont depuis longtemps débattus. À l’opposé de la privatisation des services publics, les processus de commoning observés dans le cadre du compostage de proximité permettent de lancer un autre regard sur la transformation des services aux publics. L’usager n’est plus seulement un administré : il est producteur de l’usage, de ses conditions et de ses paramètres. Quand ils sont produits collectivement, les services décentralisés s’adaptent à un territoire de proximité, dans un usage qui convient aux personnes qui l’ont construit. S’ils ne permettent pas une couverture du service unifié sur l’ensemble d’un territoire, les services produits en « commun » à l’échelle d’une communauté permettent de répondre à une demande personnalisée.
56Les conditions de « mise au travail » (Dujarier, 2014) de l’usager dans ce service de gestion des biodéchets sont cependant à aborder avec prudence, car le compostage de proximité ne devient alors qu’une manœuvre de réduction de coût du service public des déchets. Les problèmes d’engagement des participants et l’épuisement des forces vives dans les communautés sont une réalité dans un milieu où le travail bénévole est la norme [8]. Les tiers-lieux peuvent apporter une structure permettant de renforcer l’engagement et d’activer plus profondément les processus de commoning. Mais ils sont aussi en proie à des difficultés, un de leurs principaux problèmes étant de trouver un modèle économique pérenne pour ne plus être dépendants de subventions éphémères. Les possibles instrumentalisations de ce modèle par des collectivités territoriales en tension budgétaire sont réelles et constituent un risque certain, une tension que l’économie sociale et solidaire connaît de longue date.
57Certaines collectivités locales, aidées par la réglementation, essaient aujourd’hui d’institutionnaliser des pratiques collectives, bouleversant le feu des processus de commoning au risque de l’éteindre. Alors que l’implication des citoyens dans l’amélioration des gestes de tri et la mise en place d’une gestion séparée des biodéchets sont devenues deux problèmes majeurs et croisés des collectivités, les difficultés des institutions publiques à instaurer un espace de gouvernance partagé avec les acteurs de la société civile limitent la diffusion de modèles décentralisés produits par le commoning. L’inadéquation entre les nouvelles demandes réglementaires en matière de circularité et la structuration du grand réseau technique des déchets rend néanmoins la recherche d’alternatives de plus en plus pressante.
58Les processus de commoning sont pour l’instant au stade de l’expérimentation dans le service public des déchets. Il est difficile de dire si ces expériences, dynamiques et changeantes, tiraillées par des désirs et des modes de fonctionnement en conflit, finiront dans un avenir proche, ou moins proche, par donner naissance à un commun. Et cela d’autant plus que les figures du commun sont multiples – mais pour l’heure, porteuses de sens pour les personnes impliquées dans ces dynamiques, qu’elles soient issues de la société civile, du monde des entreprises ou des collectivités territoriales.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008.
-
[2]
Le terme « collectif » est fréquemment utilisé pour parler de compostage de proximité. Il est cependant aussi usité pour qualifier le compostage géré directement par les collectivités dans des structures de grande capacité (ADEME, 2017). L’arrêté du 9 avril 2018 classe le compostage de proximité en deux catégories : le compostage partagé (en pied d’immeuble, de quartier, de jardin partagé) et le compostage en établissement. Il est donc considéré comme une pratique collective, contrairement au compostage domestique (ou individuel). Le compostage en pied d’immeuble n’est pas pris en compte dans cet article, Elisabeth Lehec (2018) ayant bien étudié ce dispositif dans sa thèse.
-
[3]
L’analyse de cet article repose sur les travaux d’une thèse toujours en cours de Marion Boespflug, portant sur les transformations actuelles du service public des déchets et sur l’apport des tiers-lieux dans ces changements.
-
[4]
Le modèle de l’économie circulaire peut aussi être en conflit avec le principe de prévention. S’il s’intéresse à la réutilisation des objets et des matériaux dans des cycles vertueux, prévenant ainsi la destruction finale de la matière, il a tendance à oublier la racine même de la prévention, située à la création de l’objet ou du matériau qui plus tard deviendra déchet.
-
[5]
Depuis août 2020, l’association a décidé de réaménager son jardin, et en a profité pour installer de nouveaux composteurs et revoir leur mode de fonctionnement, pour pouvoir accueillir les apports croissants d’habitants.
-
[6]
Le composteur des Amis Recycleurs, situé dans le tiers-lieu La REcyclerie, en est un exemple.
-
[7]
Et non souhaitables, puisqu’il est préférable qu’une grande partie de la matière organique soit redéplacée en zone agricole.
-
[8]
Et encore n’évoque-t-on pas ici la mobilisation du « travail gratuit » qui est à l’œuvre (Simonet, 2010).