Flux 2020/1 N° 119-120

Couverture de FLUX1_119

Article de revue

La remise en cause du tout automobile

Pages 90 à 101

Notes

  • [1]
    Je remercie Jean-Pierre Orfeuil pour ses remarques judicieuses, ainsi que les lecteurs anonymes de l’article, tout en restant seul responsable du contenu de cet article.
  • [2]
    Voici quelques expressions équivalentes : « car-centred development », « all for cars transport policy » ou « all-car policy ».
  • [3]
    Soit des dizaines de documents consultés et seulement deux définitions trouvées, signalées dans la suite de cet article.
  • [4]
    C’est la définition retenue par une urbaniste : « l’ère du tout automobile, c’est-à-dire des espaces et des milieux de vie aménagés en fonction des déplacements faits en voiture motorisée » (Poitras, 2015, p. 9).
  • [5]
    Ce raisonnement a été régulièrement effectué. Par exemple : « Si tous ceux qui viennent à New York en transports en commun s’y rendaient en voiture, toute la partie de Manhattan située au sud de la 50e rue devrait être transformée en parcs à étages » (Baker, Funaro, 1958, p. 18).
  • [6]
    Dès 1974, soit avant l’ouvrage de Phlipponneau (1976), le débat était déjà centré sur la question : faut-il accorder la priorité à l’automobile ou aux transports publics ? La revue Transports urbains parlait ainsi de « Renverser les priorités » (cf., par exemple, l’expérience pionnière de Besançon relatée par son initiateur, André Régani, 1975).
  • [7]
    Selon les slogans publicitaires de l’époque, le Solex était « La bicyclette qui roule toute seule » et la mobylette, « Un vélo avec un bon petit vent arrière permanent ».
  • [8]
    Et Jean Chaumien, le fondateur de la Fédération française des usagers de la bicyclette, en 1980, d’annoncer partout, non sans malice : « Je suis un résidu ! »
  • [9]
    Observatoire national interministériel de la sécurité routière, La sécurité routière en France. Bilans de l’accidentalité des années 2012 à 2018.
  • [10]
    Il s’agit notamment des avenues de l’Opéra, du Général Leclerc, d’Italie, Denfert-Rochereau, de la porte de Clignancourt et d’une partie de l’avenue de Wagram, ainsi que des boulevards du Montparnasse, de Magenta et d’une partie des boulevards Malesherbes, Haussmann et Raspail, et enfin des rues Froidevaux et d’Aubervilliers, du Quai de Bercy et de tous les boulevards des Maréchaux.
  • [11]
    En 1969, pour réduire les embouteillages qui dégénèrent, l’État français décide de construire en urgence des autoponts – ou viaducs métalliques démontables (VMD) – au-dessus des carrefours les plus critiques. 76 ouvrages seront commandés puis réalisés en cinq ans (voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Autopont).
  • [12]
    Laetitia Van Eeckhout, Diesel : aucun constructeur ne respecte les normes, Le Monde du 7 avril 2016.
  • [13]
    La somme des polluants a un impact plus important que la somme des impacts de chaque polluant.
  • [14]
    Voir le site du New Urbanism qui les recense : www.newurbanism.org.
  • [15]
    Voir le site https://ville30.org qui en tient la chronique.
  • [16]
    Ce dernier aspect, non abordé dans cet article, mériterait à lui seul de considérables développements : le poids des lobbies industriels, l’attachement de certains publics aux performances du véhicule, la dimension symbolique de l’automobile… freinent les évolutions.
  • [17]
    Contrairement aux États-Unis, où un tel travail est déjà bien entamé (voir : Norton, 2011).

Introduction

1Le « tout automobile » ou le « tout voiture » ou encore le « tout à l’automobile », comme préfèrent dire les Belges, les Suisses ou les Québécois (Hubert, 2008 ; Flamm, 2008 ; Wolford, 2015), est une expression francophone sans strict équivalent en anglais [2], utilisée couramment tant par les citoyens, les médias ou les décideurs que par les chercheurs, pour nommer une situation repoussoir dont il faudrait se dégager (Baupin, 2007). S’y référer revient à dénoncer les politiques de déplacement obnubilées par la place à accorder à l’automobile, pour mieux promouvoir des politiques qui encouragent les modes de déplacement alternatifs. C’est un chrononyme rétrospectif visant à caractériser après coup une période historique, en vue de dénoncer ses excès. Il débouche sur une opposition nécessairement binaire et quelque peu simpliste, entre deux politiques de déplacements urbains (Bacot et alii, 2008).

2L’expression tenant plus de l’accusation que de l’analyse, du slogan que de la réflexion, il est normal qu’elle soit rarement définie dans la production scientifique [3]. Quand elle est utilisée, c’est le plus souvent entre guillemets, comme pour s’en défier. Faut-il pour autant l’écarter, récuser tout usage de la formule, pour éviter de tomber dans une opposition simplificatrice et stérile ? Nous montrerons, au contraire, qu’elle peut être féconde, à condition de démêler ses multiples significations, puis d’en fournir une définition logique. C’est pourquoi, nous analyserons d’abord ce qu’est le tout automobile (première section), avant d’aborder sa progressive remise en cause (seconde section). L’enjeu est évidemment de réduire les externalités négatives provoquées par l’automobile et de promouvoir des solutions alternatives. L’article s’appuiera sur le cas français, sans s’interdire d’évoquer des initiatives étrangères éclairant la situation française.

Le tout automobile : définitions, mise en œuvre et limites

3Les années 1950-1975 ont connu un essor très rapide de l’automobile en Europe (au rythme moyen de +10 % par an), porté par une population enthousiaste à l’idée d’accéder à cette « mobilité facilitée » ouvrant de nouveaux horizons (Wiel, 1999). Au cours des années 1960, des voix commencent pourtant à s’élever pour rappeler qu’une partie de la population, estimée à environ 30 %, ne pourra jamais accéder à la voiture, à cause de handicaps ou de faibles revenus et d’en appeler à réhabiliter les transports publics alors en déshérence (Bigey, Schmider, 1971). Dès 1965, le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (SDAURP) prévoit la construction du RER, puis, au début des années 1970, les villes millionnaires (Lyon, Marseille et Lille) entament la réalisation de métros et, en 1975, le gouvernement décide de réhabiliter le tramway, avec le « concours Cavaillé » (du nom du secrétaire d’État aux transports).

4C’est dans ce contexte que l’expression « tout automobile » apparaît au milieu des années 1970. On n’en trouve, en tout cas, aucune trace dans des travaux plus anciens critiquant déjà la « bagnole » (Sauvy, 1965, 1968 ; Charbonneau, 1967 ; Illich, 1973 ; Gorz, 1973 ; Debouverie, Dupuy, 1974 ; Dupuy, Robert, 1976). Il faut attendre la crise de l’énergie de 1974 pour que la critique s’avive et que d’aucuns inventent cette formule choc, en s’inspirant sans doute d’expressions déjà en vogue depuis 1973, dénonçant le « tout nucléaire - tout électrique », après le « tout pétrole » (Grenon, 1973).

5À notre connaissance, on la découvre pour la première fois, en 1976, dans une monographie très documentée, réalisée par le géographe Michel Phlipponneau, concernant le développement urbain de la ville de Rennes (Phlipponneau, 1976, p. 265 et suivantes). L’auteur, membre du parti socialiste, y passe au crible la politique municipale, en matière de déplacements urbains notamment. Dans la foulée, il se présente aux élections municipales de 1977 en second sur la liste conduite par Edmond Hervé. Après la victoire des socialistes, il devient premier adjoint au maire, mais s’oppose plus tard vigoureusement au projet de réalisation d’un métro léger au profit d’un tramway qui, explique-t-il, a l’avantage de prendre de la place à l’automobile (Phlipponneau, 1994).

6Depuis lors, l’expression « tout automobile » n’a pas cessé d’être reprise, y compris dans les travaux des chercheurs en mobilité urbaine (Lefèvre, 1984 ; Offner, 1986 ; Larroque, 1989 ; Lévy, 1994 ; Gourdon, 1998 ; Flonneau, 1999, 2006 ; Orfeuil, 2001 ; Crozet, Joly, 2004 ; Wiel, 2007). Tentons d’en donner une définition, puis d’examiner sa mise en œuvre et ses limites.

Définition

7Comme toute formule familière à succès, elle est polysémique et chacun y met un peu ce qu’il veut. Pour clarifier le sujet, il est utile de se demander à quoi se réfère ce « tout ». Trois significations émergent alors assez nettement, même si elles se recouvrent en partie. Dans un premier sens, il s’agirait de réaliser tous les déplacements en voiture, afin de s’émanciper des contraintes des autres modes de déplacement : la fatigue de la marche ou du pédalage, les horaires et trajets contraignants des transports publics, ou l’inconfort et le risque d’accident en deux-roues motorisés. Ce qui implique de rendre accessible en voiture toutes les destinations possibles, en termes de circulation et de stationnement [4]. Los Angeles représenterait l’emblème d’une telle mutation. Dans un deuxième sens, il conviendrait d’octroyer à la voiture, au vu de ses bienfaits, tout l’espace nécessaire par personne transportée. Ce qui suppose d’élargir les chaussées au détriment des trottoirs ou même des bâtiments riverains, de destiner les espaces publics avant tout au stationnement et d’amputer au besoin les milieux naturels pour aménager de grandes voiries. Enfin, dans un troisième sens, il serait nécessaire de mobiliser tous les moyens humains, techniques et financiers à l’automobile pour qu’elle puisse circuler et stationner facilement, en créant à cette fin des services techniques spécialisés, dotés de ressources consistantes.

8À chaque fois, le principe sous-jacent se heurte à certaines limites. Il n’est guère envisageable de tout faire en voiture, sauf dans des territoires où aucun déplacement même à pied n’est possible faute de trottoirs ou de chemins, comme c’est le cas dans certaines zones d’habitat dispersé. Même à Los Angeles, un service d’autobus reste indispensable pour tous ceux, qui, pour des raisons diverses, ne peuvent utiliser une voiture. On ne peut pas non plus raser toute la ville dense pour y faire circuler des voitures sans entraves, c’est pourtant ce qu’exigerait un usage généralisé de l’automobile tant la place qu’elle réclame est démesurée [5]. Enfin, quelques subsides sont toujours laissés aux autres modes, ne serait-ce que pour des raisons électorales. Si bien que le tout automobile ne peut être qu’un idéal, un principe et non un objectif.

9Au-delà de ces considérations, quel est le point commun à ces trois significations ? La réponse apparaît aussitôt : le tout automobile consiste à accorder la priorité à la voiture sur tous les autres modes de déplacement, en toutes circonstances. Les autres modes ont le droit d’exister et même de se développer, à condition toutefois de ne pas entraver ou très peu l’usage de l’automobile (circulation et stationnement) ou de ne pas freiner son accès progressif à tous. Dans un ouvrage récent, deux sociologues de l’automobile parviennent à la même conclusion : « l’expression “tout à l’automobile” […] entend désigner (et dénoncer) la tendance des décideurs privés ou publics à favoriser systématiquement le développement de la motorisation individuelle au détriment d’autres moyens de transport » (Demoli, Lannoy, 2019. p. 32) [6].

10Cette priorité discriminatoire n’est cependant jamais absolue, car elle se heurte souvent à des réalités incontournables. Mais elle est posée comme un principe vers lequel il convient de tendre. Ainsi, tout le monde ne peut pas obtenir le permis de conduire ; il est impossible de faire passer un important trafic dans les ruelles de la ville historique ; il est difficile de faire accepter par les habitants d’importantes destructions pour tracer de nouvelles voies ou construire un parking ; etc.

11La priorité à l’automobile s’inscrit plus largement dans une hiérarchisation implicite des modes de déplacement qu’il est facile de mettre à jour et qui correspond aux aspirations dominantes de la population dans les années de croissance d’après-guerre : d’abord la voiture, puis les transports publics et enfin la marche. Les deux-roues n’ont pas de place dans cette hiérarchie, car ils sont, pense-t-on, voués à disparaître : les cyclistes sont la cible commerciale des fabricants de cyclomoteurs [7] et l’usage des deux-roues motorisés est considéré comme une étape vers la motorisation (Héran, 2014). Dans les années 1980, les cyclistes, dont le nombre s’est effondré partout en Europe, ne sont plus qu’un public jugé en France « résiduel », tel est l’adjectif méprisant dont ils sont affublés [8]. Quant à la marche, elle n’est destinée qu’à de courts trajets, pour rejoindre une voiture ou un transport public, ou flâner dans les quelques rues piétonnes.

12Muni de cette définition savante, il devient possible de faire du tout automobile un concept explicatif opératoire.

Mise en œuvre

13Toutes les solutions techniques et aménagements viaires développés pendant des décennies et dont beaucoup nous semblent aujourd’hui naturels sont, en réalité, la déclinaison de cette priorité accordée aux modes individuels motorisés.

14Le cas de l’aménagement des carrefours à feux en est un excellent exemple qui mérite d’être détaillé. Ces carrefours sont présentés comme un moyen de sécuriser les traversées piétonnes : ils ménageraient des « passages protégés », selon une expression courante. En fait, d’innombrables dispositifs ont été mis en œuvre pour que l’écoulement du trafic soit maximal et toujours au détriment des piétons (CETUR, 1988). « Le guide de conception des carrefours à feux est basé sur une approche capacitaire de la gestion des flux routiers. » reconnaît depuis peu le CEREMA en le déplorant (Battaglia, Lagarde, 2014, p. 5).

15Ainsi, grâce au répétiteur de feu (un dispositif qui n’existe qu’en France) et à l’absence de ligne d’arrêt des voitures avant le feu, les voitures peuvent s’arrêter au plus près du passage piétons, mais, en avançant trop, elles masquent les enfants. Les temps de vert piétons sont basés sur un minimum légal de 1 m/s (3,6 km/h), bien supérieur à la vitesse d’une personne à mobilité réduite (PMR). La traversée des piétons se fait souvent en deux temps, parfois trois (et même quatre au croisement entre la D906 et l’entrée de l’hypercentre de Mâcon), ce qui accroît fortement leurs délais d’attente. Le passage piétons est souvent supprimé sur la branche au trafic le plus chargé, obligeant les piétons à contourner tout le carrefour. Certains passages piétons sont situés en retrait pour que les voitures qui tournent dégagent le carrefour, ce qui impose des détours aux piétons. Des barrières canalisent les piétons pour les contraindre à respecter tous ces dispositifs. Des files de circulation sont ajoutées pour faciliter les mouvements tournants des voitures, ce qui allonge les traversées des piétons. Enfin, les feux des carrefours successifs sont coordonnés sur une vitesse élevée, incitant les automobilistes à accélérer quand le feu passe à l’orange. Pas question non plus de perturber le trafic en réalisant des passages piétons en section courante (c’est-à-dire au milieu d’un tronçon de rue), les piétons étant tenus de rejoindre un carrefour pour traverser au prix de longs détours. Résultat, les piétons ont du mal à respecter toutes ces contraintes et les automobilistes abusent des avantages dont ils bénéficient. C’est pourquoi, 29 % des piétons victimes d’accident le sont sur ces passages soi-disant protégés et 44 % des piétons de plus de 75 ans [9].

16Bien d’autres exemples sont tout aussi édifiants. Dans les années 1970, le ministère des Transports préconise la construction de transports publics pour décongestionner les centres-villes, mais « en sous-sol au centre » pour éviter de réduire la capacité de la voirie (Poulit, 1971, p. 67). Dans de nombreuses villes françaises de vifs débats portent alors sur cette question : faut-il oser supprimer le trafic automobile de surface pour faire place à un tramway ou préférer un métro qui ne fâche personne ? (Gardon, 2018).

17Les plans de circulation, encouragés et cofinancés par l’État (cf. la circulaire du 16 avril 1971), visent à généraliser les artères à sens unique et à coordonner les carrefours à feux par une gestion centralisée. Ils permettent d’augmenter les vitesses et le trafic d’environ 30 % sans modifier le réseau (Gerondeau, 1977, p. 58), non sans pénaliser fortement les cyclistes qui se retrouvent à côtoyer un trafic dense et rapide, et à compliquer les traversées des piétons qui ne peuvent plus disposer d’îlot refuge central.

18À partir des années 1950 en Île-de-France et jusque dans les années 1990 en province, de nombreuses chaussées sont élargies au détriment des trottoirs et des places. À Paris, plus de 50 km de voies sont concernés [10]. La construction de nombreux passages souterrains ou supérieurs ajoutent des trémies ou des rampes d’accès qui sont autant de coupures [11]. L’aménagement de rares passerelles ou souterrains pour les piétons – les cyclistes étant généralement oubliés – contraignent les usagers non motorisés à des efforts supplémentaires pour franchir ces dénivelés artificiels.

19Le stationnement envahit tout l’espace public dans une impunité presque totale. Mieux, des cases sont aménagées à cheval sur les trottoirs, dans les contre-allées ou sur les terre-pleins centraux. Dans les grandes villes, le stationnement des voitures sur le trottoir est désormais encadré par des obstacles physiques (potelets, barrières, plantations), mais les deux-roues motorisés sont toujours tolérés, en ce début des années 2020. Les trottoirs ne sont considérés que comme des lieux de circulation et non de séjour, divers obstacles ne laissant aux piétons qu’une étroite bande de passage.

Limites

20L’essor de l’automobile est avant tout contraint, à long terme, par les externalités négatives qu’elle génère. Il n’est pas question ici de les détailler toutes ; il suffit de donner un aperçu de leur ampleur.

21La prise en compte de chaque nuisance de l’automobile prend plusieurs décennies et suit toujours le même processus. La nuisance grandit d’abord avec l’augmentation du trafic et de sa vitesse. Après une phase de déni, les autorités finissent par reconnaître son existence, sous la pression des populations affectées. Des mesures sont alors prises pour la réduire, avec quelques succès. Mais les scientifiques s’en mêlent et démontrent peu à peu l’importance jusqu’alors sous-estimée des impacts de la nuisance. Si bien qu’en fin de compte, il devient inévitable, malgré les mesures prises, de traiter le problème à la source en réduisant la vitesse du trafic automobile puis le trafic lui-même. Cette modération de la circulation commence par les zones les plus denses, où les populations sont les plus affectées, puis s’étend aux zones moins denses, à cause de l’ensemble des nuisances provoquées par le trafic et non plus d’une nuisance particulière.

22Par exemple, la pollution n’a cessé de grandir avec l’essor du trafic jusqu’à devenir insupportable pour les résidents : apparition de smog dans les grandes villes (comme Los Angeles ou Londres) occasionnant des milliers de morts (Bonneuil, Fressoz, 2016). La population et les médias s’en émeuvent. Les autorités élaborent alors des normes antipollution pour les véhicules neufs et retirent du trafic, à grands frais (par des primes à la casse), les véhicules anciens les plus polluants. Le plomb, le dioxyde de souffre, le monoxyde de carbone et les hydrocarbures imbrûlés sont fortement réduits, mais les oxydes d’azote et les particules fines restent à des niveaux élevés car, pour éviter de dégrader les performances des véhicules, les normes sont contournées par les constructeurs qui pratiquent « l’optimisation réglementaire » (cf. le « dieselgate » [12]). Les scientifiques découvrent en même temps que d’autres polluants se révèlent délétères (comme les particules issues de l’usure des freins, des pneus et des chaussées, les nanoparticules, les métaux lourds… ainsi que leur « effet cocktail » [13]) et que la pollution de fond est plus nocive que les épisodes de pollution (Castaignède, 2019). De plus, la mortalité engendrée par les particules ne cesse d’être réévaluée (Mandard, 2019).

23Les émissions de gaz à effet de serre produites par le système automobile obéissent aux mêmes règles. Malgré tous les efforts pour les réduire, elles ne baissent globalement pas, car la motorisation des ménages continue de progresser, le poids des véhicules, aujourd’hui suréquipés, s’est beaucoup accru et la fabrication utilise plus d’énergie du fait du contenu énergétique croissant des matériaux utilisés et de la mondialisation de la production et des échanges (Castaignède, 2019).

24Même type de constat pour le bruit des véhicules. Les autorités fixent des normes pour le réduire, mais le bruit tend à s’étendre avec l’étalement urbain et la construction de voies de contournement. Suite à un lobbying réussi, les constructeurs de voitures de luxe échapperont aux prochaines normes européennes plus restrictives, au nom de la sauvegarde de leur industrie. Pourtant, les scientifiques révèlent que le bruit ne représente pas qu’une simple gêne, mais perturbe aussi le sommeil, provoque des troubles cardio-vasculaires et réduit les capacités d’apprentissage (Bruitparif, 2019). Si bien que la vitesse limite a été réduite ces dernières années sur toutes les rocades autoroutières françaises et que certaines villes européennes (comme Zurich) empêchent le transit des véhicules dans les quartiers et limitent la vitesse de circulation la nuit sur les artères.

25Il en est de même pour les accidents. En France, les autorités ont fini par réagir, à partir de 1973, en rendant la ceinture de sécurité obligatoire, en réduisant peu à peu les vitesses sur les divers réseaux, en multipliant les radars, en réprimant l’alcool, la drogue et le téléphone au volant, etc. La mortalité sur les routes a ainsi été divisée par 5, mais en même temps, sous la tutelle de l’État, les scientifiques se sont mis d’accord pour multiplier par 11 la valeur statistique de la vie humaine (de 1,8 MF en 1992 à 3 M€ en 2014), afin de mieux prendre en compte toutes les incidences de cette mortalité, sous la pression il est vrai d’une société devenue plus sensible à ce sujet. Dans les autres pays industriels, l’évolution est globalement semblable.

26La consommation d’espace est soumise à la même logique. L’envahissement des villes par l’automobile est considérable, au détriment des autres usages de la rue. Seules les grandes villes ont réussi à réduire la pression sur les espaces publics en construisant des parkings souterrains et en tarifant le stationnement. Mais cet effort reste très insuffisant, surtout quand on sait que, dans un pays comme le Japon, il est interdit de stationner sa voiture dans la rue, comme ce fut le cas en France jusqu’en 1954. Les petites villes restent soumises à une forte pression : presque toutes les places publiques ne sont que des parkings et le stationnement illicite sur les trottoirs y est largement toléré.

27Bien d’autres nuisances pourraient encore être détaillées, comme l’effet de coupure des infrastructures en milieu urbain, la pollution des sols et des eaux, les déchets le long des routes, la dégradation des paysages, les îlots de chaleur, etc. Et rares sont les travaux qui envisagent le caractère systémique des nuisances et les quatre cercles vicieux qu’elles engendrent : une désaffection pour les modes actifs, une diminution des relations de voisinage, une dégradation de la santé humaine et une érosion du cadre de vie (Héran, 2011). Il en est de même à un niveau plus global : le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles, l’artificialisation des sols se renforcent mutuellement et le système automobile y contribue fortement.

La remise en cause progressive du tout automobile

28Dès son essor, au début du XXe siècle, la voiture individuelle a suscité tout à la fois un fort engouement et des oppositions. Car, si elle rend la mobilité bien plus facile, elle génère simultanément d’importantes externalités négatives qui finissent toujours par susciter des conflits. Ainsi, l’histoire de l’avènement du tout automobile et de sa contestation se résume à des luttes visant à ne plus forcément accorder la priorité à la voiture. Trois époques peuvent être distinguées, selon la profondeur et l’étendue de la contestation. Mais ces époques se chevauchent en partie et sont décalées dans le temps, selon les territoires et l’importante des nuisances auxquelles ils sont soumis.

La protection des quartiers

29Jusque dans les années 1960, les citadins n’osent guère remettre en cause l’essor de l’automobile et ne réclament que des aménagements assurant leur tranquillité dans des espaces limités : des quartiers d’habitation ou commerçants. Il ne s’agit que d’écarter le trafic. C’est naturellement aux États-Unis, où la motorisation a été la plus précoce, que le mouvement a commencé.

30Dès 1929, le sociologue américain, Clarence Perry, propose de créer, dans la banlieue de New York, des « unités de voisinage » (neighbourhood unit) sans transit, pour préserver les citadins des nuisances du trafic. Ces unités, d’environ 400 m de rayon, comportent l’essentiel des institutions locales en leur centre et sont parcourables à pied (Perry, 1984). Mais il n’est déjà plus question de passer à pied ou à vélo d’un quartier à l’autre.

31La même année, Clarence Stein et Henry Wright conçoivent la ville nouvelle de Radburn (New Jersey) en séparant strictement les flux automobiles et piétons. Chaque maison comporte un accès pour les voitures par une rue sans trottoir d’un côté et un accès piétons par des chemins de l’autre, soit une sorte d’adaptation des cités-jardins à l’automobile (Stein, Wright, 1965). Toute cohabitation des modes de déplacement est donc proscrite.

32En 1942, Alker Tripp, responsable de la gestion de la circulation à Londres, préconise la création d’« enceintes » (precincts), sans trafic de transit, pour isoler les quartiers du trafic automobile et protéger la vie locale. Cette solution vise à réduire les accidents dans les quartiers, tout en facilitant la circulation par la mise à sens unique des artères qui les entourent (Tripp, 1942).

33En 1953, la première « zone piétonne » apparaît aux Pays-Bas. En pleine reconstruction, Rotterdam décide d’interdire tout trafic dans la rue qui dessert le nouveau centre commercial Lijnbaan. Elle est suivie le mois suivant par les villes allemandes de Kassel, Kiel et Stuttgart. Le concept se répand peu à peu dans toute l’Europe et atteint la France en 1971 (rue du Gros Horloge à Rouen).

34En 1963, le ministre des transports britannique demande à l’urbaniste Colin Buchanan (1907-2001) « Comment adapter les villes à l’usage croissant de l’automobile ». Le groupe de travail qu’il préside préconise des investissements routiers permettant de ségréguer les trafics (piétons / cyclistes / automobiles) en s’inspirant des principes de la Charte d’Athènes et des travaux de Le Corbusier (1933, 1946), mais il reprend aussi l’idée d’Alker Tripp en proposant des « zones d’environnement » (environmental area) pour préserver les quartiers des nuisances du trafic automobile (Buchanan, 1963, p. 49-50).

35Quelques années plus tard, en 1969, Joost Váhl, un jeune urbaniste néerlandais, s’en inspire pour proposer aux habitants de Delft de transformer certaines rues en « cours urbaines » (woonerven) (Vàhl, Giskes, 1988). La même année, Ferrare invente la première « zone à trafic limité » (ZTL) dans le centre historique : la circulation est interdite à tout véhicule sauf les ayants droit (services de secours, livraisons, taxis, artisans, voitures des riverains). Son succès entraîne une multiplication des ZTL dans toute l’Italie. En 1989, une loi inscrit ce type d’aménagement dans le Code de la route (Lieutier, 1997).

36Aujourd’hui, la protection des quartiers prend de nouvelles formes. La résidentialisation, qui progresse rapidement depuis une vingtaine d’années, peut se lire comme une aspiration des populations à plus de tranquillité, quitte à reporter les nuisances du trafic sur les rues voisines (Dorier, Dario, 2016).

La protection des zones agglomérées

37À partir des années 1960, l’ambition des contestataires grandit. Ce ne sont plus certains quartiers d’habitation qui sont visés, mais tout le centre-ville, les zones densément peuplées et même finalement les zones agglomérées qu’il convient de préserver des autoroutes urbaines, des vitesses excessives ou du trafic de transit. La circulation est cependant reportée en périphérie sur des voies de contournement, des déviations ou des rocades dites « de protection du centre ». Le périmètre considéré est bien plus vaste, mais reste néanmoins limité (Scimemi, 1975).

38En 1961, l’urbaniste Jane Jacobs (1916-2006), publie un ouvrage – Déclin et survie des grandes villes américaines – qui connaîtra un succès mondial (Jacobs, 1961). Elle y décrit, avec une grande finesse, la façon dont l’essor du trafic automobile érode la ville et son urbanité. Avec les habitants de Greenwich Village, son quartier au cœur de New York, elle se bat avec succès contre le projet d’autoroute urbaine qui devait traverser le sud de Manhattan et relier en Y trois ponts de la ville. De nombreuses autres « révoltes contre les autoroutes » urbaines auront lieu principalement au cours des années 1960 (Mohl, 2002, 2004).

39À Paris aussi, les projets d’autoroutes urbaines se multiplient. Le « plan Lafay » de 1954 propose la réalisation d’une rocade intérieure, d’une voie nord-sud et d’un périphérique autoroutier. Si le boulevard périphérique a été bouclé en 1973, la rocade intérieure a été refusée par les élus du conseil de Paris en octobre 1959 et la radiale Vercingétorix (de la porte Brancion à Montparnasse) comme l’axe nord-sud (place d’Italie – Stalingrad sur l’emplacement du canal Saint-Martin) se sont heurtés à une coalition d’opposants déterminés et ont finalement été abandonnés. De même, si la voie sur berge rive droite a pu être achevée, la voie sur berge rive gauche a dû être stoppée à proximité de la cathédrale Notre Dame, après une vive opposition (Cherki, Mehl, 1979).

40En province, de nombreux projets ont également connu des fortunes diverses. Malgré les protestations, beaucoup ont abouti : à Lyon, le passage de l’A6-A7 en pleine ville, avec un échangeur autoroutier sur la place de la gare de Perrache et la transformation de la rue Garibaldi en voie rapide ; de même à Reims, Angers ou Mantes-la-Jolie traversées respectivement par l’A4, l’A11 et l’A13 ; à Lille, la création de passages dénivelés sur le Grand Boulevard, puis la traversée de Fives par une voie rapide au prix de 2000 personnes déplacées (Delfini, 2017) ; idem à Marseille, au début des années 1970, avec le prolongement de l’A7 sur 2,2 km jusqu’à la porte d’Aix entraînant la destruction de 850 immeubles et le relogement de 2000 familles (AGAM, 2012) ; à Nice, la voie rapide Pierre Mathis en surplomb au-dessus de la ville ; à Bordeaux, l’élargissement des quais à 2x4 voies ; et diverses pénétrantes à Nantes (A801 et A811), à Valenciennes, à Strasbourg, à Dunkerque…

41Mais d’autres ont été combattus avec succès ou n’ont jamais trouvé leur financement : à Lyon, un réseau d’autoroutes devait irriguer le centre (Gardon, 2007) ; à Toulouse, une autoroute devait remplacer le Canal du Midi et des voies sur berge étaient prévues le long de la Garonne ; à Strasbourg, le canal des Faux Remparts devait être recouvert par une voie rapide ; à Caen, l’avenue du Six Juin devait être prolongée à travers le château de Guillaume le Conquérant…

42Les contestataires sont parfois parvenus à ce que divers tronçons d’autoroutes proches des centres-villes soient supprimés au profit de boulevards urbains, d’équipements publics, d’immeubles ou d’espaces verts, aidés il est vrai par le coût de remise à niveau d’infrastructures devenues vétustes. Ce phénomène a débuté, aux États-Unis, à Portland, dès 1974, avec la reconversion de la Harbour Drive en un boulevard et un parc linéaire le long de la rivière. D’autres autoroutes ont disparu, non sans de vifs débats : l’Embarcadero Freeway à San Francisco, la West Side Highway à New York, la Park East freeway à Milwaukee… et une vingtaine de projets sont aujourd’hui débattus [14]. Les reconversions d’autoroutes se multiplient aussi dans le monde : à Montréal et Vancouver, à Séoul, à Birmingham, à Utrecht… (Lecroart, 2012). La France n’échappe pas à ce phénomène. On peut citer l’A801 et l’A811 à Nantes, l’A2 à Valenciennes, l’A43 à Lyon, l’A7 à Marseille, l’A186 à Montreuil et divers projets sont en gestation (FNAU, 2014).

43Parallèlement à cette remise en cause des grandes voiries urbaines, une autre revendication s’étend : la baisse généralisée des vitesses. Le mouvement débute là encore, dès 1976, aux Pays-Bas, un pays à la tradition urbaine très ancienne : les villes nouvelles d’Almere et Lelystad, construites sur le nouveau polder de l’Ijsselmeer, sont d’emblée entièrement aménagées en zone 30, hormis quelques artères limitées à 50 km/h. Les ingénieurs parlaient à l’époque d’« intégration » des trafics – on dirait aujourd’hui cohabitation – dans les quartiers à petite vitesse avec suppression du transit, et de « ségrégation » des trafics sur les artères, seules dotées d’aménagements cyclables.

44Dès 1979, les Allemands nomment ce principe général : Verkehrsberuhigung, que les Français traduisent par « modération de la circulation » et les Anglais par traffic calming. Lors d’un grand congrès qui se tient à Berlin en 1985, il est démontré que seule la généralisation des zones 30 à toute une ville a un sens pour la population et qu’il est incompréhensible de ne mettre que quelques quartiers en zone 30 (Umweltbundesamt, 1985). De nombreux travaux prouvent l’efficacité d’une telle mesure (Ewing, 1999). Dès lors, les « villes 30 » se multiplient en Europe (European Commission, 2004). Toutes les villes néerlandaises le sont dès la fin des années 1990, de nombreuses villes allemandes aussi (Berlin, Hambourg, Cologne…) et un nombre croissant de villes françaises (Lorient en 2011, toute la métropole grenobloise en 2016, Angers en 2017, Paris et Bordeaux en 2020… [15]).

45Le retour en grâce des transports publics fait reculer la place accordée à la voiture. Dès les années 1950, les urbanistes démontrent qu’il est impossible d’accorder à l’automobile toute la place qu’elle réclame (Baker, Funaro, 1958 ; Smeed, 1961). Les transports publics sont réhabilités et la France redécouvre les avantages du tramway (Gardon, 2018). À Strasbourg, après vingt ans de débats tendus, la Ville supprime un flux de transit dans l’hypercentre de 50 000 véhicules par jour, pour faire place au tramway et requalifier les espaces publics alentours (Héran, 2018).

46Bien qu’assez ambitieuse, toute cette contestation peut encore et toujours être considérée, à juste titre, comme une façon de reporter le trafic automobile en périphérie et non pas de le réduire vraiment (Reigner, Brenac, Hernandez, 2013). Et, en effet, si le trafic automobile diminue dans le centre des villes calmées, il continue à augmenter en périphérie où prospèrent les projets de rocades (à Rouen avec le Contournement est, à Strasbourg avec le Grand contournement ouest, à Grenoble avec l’élargissement de l’A480, à Lyon avec le Contournement ouest, à Paris avec la Francilienne…) et de divers barreaux autoroutiers.

47Certains auteurs considèrent, après tout, qu’il est normal de réduire la circulation et ses nuisances en centre-ville, mais qu’il convient de laisser la périphérie à la voiture, chaque mode de déplacement ayant son « domaine de pertinence », des parcs relais jouant le rôle d’interface entre ces deux mondes (Paul-Dubois-Taine, 2010 ; Buhler, 2015 ; Masboungi, 2015 ; Flonneau, Orfeuil, 2016). Ils oublient qu’il n’en a pas toujours été ainsi et que dans les années 1960-1980, il paraissait tout aussi normal que le trafic soit concentré dans les zones denses et qu’il soit possible de fuir ses nuisances pour se réfugier dans une périphérie alors tranquille.

La protection de la planète

48Depuis les années 2000, l’objectif, surtout mis en avant par les environnementalistes, n’est plus de repousser le trafic toujours plus loin en se désintéressant de ses impacts globaux. Il est désormais de réduire l’utilisation de l’automobile au nom de la transition écologique, afin de lutter contre le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources naturelles, l’artificialisation des sols et l’effondrement de la biodiversité. Il y a, en effet, urgence : « En moyenne pondérée, l’augmentation globale de l’ensemble des moyens de transport [dans le monde] est estimée à 3 % par an. » dans les prochaines décennies (Castaignède, 2019, p. 173). C’est pourquoi, des solutions autrefois assez consensuelles sont désormais contestées.

49Même construites en grande périphérie, les autoroutes et voies rapides, ne sont plus acceptées sans de vives réactions. À Strasbourg, par exemple, les autorités locales et nationales qui défendent le Grand contournement ouest (GCO) – une autoroute de 24 km contournant l’agglomération – considèrent qu’il permettra non seulement de soulager l’autoroute A35 qui passe à proximité du centre-ville, mais aussi de la transformer à terme (plutôt lointain faute de financements) en boulevard urbain. Le projet détruira pourtant 350 ha d’excellentes terres, menacera plusieurs espèces protégées et augmentera globalement le trafic et ses nuisances. Aussi, une coalition d’opposants déterminés a multiplié les actions en tout genre, mais sans succès.

50Tous les gros générateurs de trafic, comme les plus grands centres commerciaux, sont également dans le collimateur. Tel était le cas du gigantesque projet EuropaCity, au nord de Paris, prévoyant la consommation de 280 ha de terres fertiles et la construction de 500 000 m2 de surface, qui, devant certes être desservi par la ligne 17 du Grand Paris Express, aurait néanmoins généré d’énormes flux automobiles. Face à la montée de la contestation, le projet a été abandonné, mais pourrait ressurgir sous d’autres formes.

51Les parcs relais qui permettent aux automobilistes de stationner leur véhicule en périphérie et d’accéder plus facilement au centre-ville en transports publics sont eux aussi de plus en plus remis en cause par les analystes. Car ils facilitent l’étalement urbain, tout en stérilisant d’importantes surfaces à proximité immédiate de stations de transports publics qui pourraient être mieux utilisées par des projets immobiliers (logements, commerces, services…) (Frenay, 2001).

52En périphérie urbaine, de nouvelles revendications apparaissent : la réalisation de trottoirs pour que les enfants puissent aller seuls à l’école sans être obligés d’être accompagnés en voiture, la création de terrasses pour les cafés-restaurants même si cela supprime quelques places de stationnement, la création d’un parvis libéré des voitures devant la mairie, l’église, l’école… ou la création de zones 30 dans les bourgs et les lotissements. En 2016, Grenoble Alpes Métropole a ainsi généralisé les zones 30 dans 45 des 49 communes de l’agglomération, y compris dans des communes périphériques isolées. Des avancées certes encore modestes mais qui montrent qu’il n’existe plus de territoires entièrement dévolus pour toujours à l’automobile.

53Certains exigent désormais la baisse drastique des performances des véhicules, par réduction importante de leur masse et de leur vitesse (Bihouix, 2018). Il est, en effet, surprenant d’utiliser des véhicules dix fois plus lourds que leurs occupants, quand des microvoitures de moins de 100 kg ou de simples vélos suffiraient pour 90 % des déplacements urbains effectués. De même, il est curieux que la vitesse de pointe des véhicules automobiles soit si élevée, quand une vitesse deux à trois fois moindre serait suffisante dans la plupart des cas. D’où la promotion de solutions low tech plutôt que des véhicules autonomes, beaucoup plus économes en ressources non renouvelables (Carrey, 2019).

54Il faut reconnaître à ces contestations radicales et globales une plus grande cohérence qu’aux objections jusqu’ici limitées et locales, même si elles ont nécessairement moins de chance d’être entendues et d’aboutir à des remises en cause. Le système automobile n’a pas de frontière (Dupuy, 1999) et seule une action à grande échelle peut parvenir à réduire son emprise.

Conclusion

55L’histoire de l’avènement du tout automobile, de sa contestation par divers opposants, et des réactions en retour des défenseurs de l’automobile [16] reste encore largement à écrire. En France, les historiens ne s’en sont pas encore emparés [17]. Seuls quelques spécialistes de la mobilité ont mené certaines investigations, sans exploiter toutes les archives. Des thèses ou des monographies plus fouillées existent mais sur telle ville, telle période ou sur des mobilités alternatives comme les transports publics.

56Quoi qu’il en soit, le champ de la contestation du tout automobile s’est considérablement élargi. Les premiers mouvements d’opposition, nés dans les années 1920 aux États-Unis, pouvaient être assimilés à des réactions de type NIMBY (not in my backyard – pas dans mon jardin), mais à partir des années 1960, c’est plutôt « pas dans ma ville » et, depuis quelques années, c’est désormais « pas sur ma planète ». Certes, cette attitude peut sans doute masquer un syndrome NIMBY chez certains opposants isolés, mais il serait absurde de réduire les actions des ONG à cet aspect.

57Dans cette évolution, les nuisances de l’automobile restent un sujet crucial et hypersensible, car c’est la découverte progressive de leur ampleur qui justifie et nourrit la mobilisation des populations. On comprend dès lors pourquoi le seul fait de vouloir aborder ce sujet est déjà considéré par les défenseurs de l’automobile comme une attitude hostile. Il ne s’agit pourtant que de tenter d’établir un diagnostic lucide des externalités négatives engendrées. Or le sujet est fort complexe, car de nouvelles difficultés ne cessent d’apparaître au fur et à mesure que la réflexion progresse. Le caractère systémique des nuisances, par exemple, est encore à peine exploré (voir notre tentative in : Héran, 2011).

58Enfin, la sortie du tout automobile suppose nécessairement une nouvelle hiérarchisation des modes de déplacement qui consiste à donner la priorité à ceux qui génèrent le moins de nuisances, tout en étant les plus fragiles et les plus urbains, à savoir : d’abord les piétons, puis les cyclistes, ensuite les usagers des transports publics et enfin les automobilistes (Gehl, 2013 ; Héran, 2017). Ce qui revient à réclamer « des rues pour tous » (Monheim, Monheim-Dandorfer, 1990 ; Bonanomi, 1990 ; European Commission, 2004 ; CNT, 2005). Toute la difficulté est alors de réussir cette transition.

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Notes

  • [1]
    Je remercie Jean-Pierre Orfeuil pour ses remarques judicieuses, ainsi que les lecteurs anonymes de l’article, tout en restant seul responsable du contenu de cet article.
  • [2]
    Voici quelques expressions équivalentes : « car-centred development », « all for cars transport policy » ou « all-car policy ».
  • [3]
    Soit des dizaines de documents consultés et seulement deux définitions trouvées, signalées dans la suite de cet article.
  • [4]
    C’est la définition retenue par une urbaniste : « l’ère du tout automobile, c’est-à-dire des espaces et des milieux de vie aménagés en fonction des déplacements faits en voiture motorisée » (Poitras, 2015, p. 9).
  • [5]
    Ce raisonnement a été régulièrement effectué. Par exemple : « Si tous ceux qui viennent à New York en transports en commun s’y rendaient en voiture, toute la partie de Manhattan située au sud de la 50e rue devrait être transformée en parcs à étages » (Baker, Funaro, 1958, p. 18).
  • [6]
    Dès 1974, soit avant l’ouvrage de Phlipponneau (1976), le débat était déjà centré sur la question : faut-il accorder la priorité à l’automobile ou aux transports publics ? La revue Transports urbains parlait ainsi de « Renverser les priorités » (cf., par exemple, l’expérience pionnière de Besançon relatée par son initiateur, André Régani, 1975).
  • [7]
    Selon les slogans publicitaires de l’époque, le Solex était « La bicyclette qui roule toute seule » et la mobylette, « Un vélo avec un bon petit vent arrière permanent ».
  • [8]
    Et Jean Chaumien, le fondateur de la Fédération française des usagers de la bicyclette, en 1980, d’annoncer partout, non sans malice : « Je suis un résidu ! »
  • [9]
    Observatoire national interministériel de la sécurité routière, La sécurité routière en France. Bilans de l’accidentalité des années 2012 à 2018.
  • [10]
    Il s’agit notamment des avenues de l’Opéra, du Général Leclerc, d’Italie, Denfert-Rochereau, de la porte de Clignancourt et d’une partie de l’avenue de Wagram, ainsi que des boulevards du Montparnasse, de Magenta et d’une partie des boulevards Malesherbes, Haussmann et Raspail, et enfin des rues Froidevaux et d’Aubervilliers, du Quai de Bercy et de tous les boulevards des Maréchaux.
  • [11]
    En 1969, pour réduire les embouteillages qui dégénèrent, l’État français décide de construire en urgence des autoponts – ou viaducs métalliques démontables (VMD) – au-dessus des carrefours les plus critiques. 76 ouvrages seront commandés puis réalisés en cinq ans (voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Autopont).
  • [12]
    Laetitia Van Eeckhout, Diesel : aucun constructeur ne respecte les normes, Le Monde du 7 avril 2016.
  • [13]
    La somme des polluants a un impact plus important que la somme des impacts de chaque polluant.
  • [14]
    Voir le site du New Urbanism qui les recense : www.newurbanism.org.
  • [15]
    Voir le site https://ville30.org qui en tient la chronique.
  • [16]
    Ce dernier aspect, non abordé dans cet article, mériterait à lui seul de considérables développements : le poids des lobbies industriels, l’attachement de certains publics aux performances du véhicule, la dimension symbolique de l’automobile… freinent les évolutions.
  • [17]
    Contrairement aux États-Unis, où un tel travail est déjà bien entamé (voir : Norton, 2011).
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