Flux 2019/1 N° 115

Couverture de FLUX1_115

Article de revue

Les conglomérats familiaux (6) : Lopez Group

Pages 58 à 73

Notes

  • [1]
    Note PEE, 11-1994.
  • [2]
    Un membre de la famille épousa la fille d’un président en 2000, ce sera “the wedding of the millennium” (Far Eastern Economic Review, Aug. 15, 2002, p. 38-42).
  • [3]
    Manila Bulletin, 12 juin 2011.
  • [4]
    La production d’électricité d’origine géothermique la plus importante du pays, des centrales électriques d’une capacité de 1500 MW alimentées par le gaz naturel de Malampaya, voisin, des éoliennes.
  • [5]
    InPR, 19 avril 2015. La presse économique considère que le groupe a été formellement créé par Eugenio Sr et son frère Fernando en 1928 et qu’aujourd’hui la troisième génération prend les commandes.
  • [6]
    InPR, 19 avril 2015.
  • [7]
    Business World, 21 septembre 2011.
  • [8]
    Business World, 2 juillet 2012.
  • [9]
    Lopez Holdings Corp. and subsidiaries, 2017, Form 17-A, p. 1. Voir aussi “the Lopez credo”, Annual report 2015, p. 4.
  • [10]
    The Philippine Star, 26 juin 2010.
  • [11]
    InPR, 19 avril 2015.
  • [12]
    Article 2 des statuts de La Electricista (Estatutos de la Electricista Sociedad anónima domiciliada en Manila), mis en ligne par l’Université de Santo Tomas. Traduction de l’espagnol, Morgan Mouton (texte consulté le 6 février 2019, disponible à l’adresse : http://digitallibrary.ust.edu.ph/cdm/ref/collection/section5/id/124623).
  • [13]
    Estatutos de la Electricista Sociedad anónima domiciliada en Manila, article 6.
  • [14]
    Site Internet de la National Power Corporation : http://www.napocor.gov.ph/.
  • [15]
    Marcos, 1976, Notes on the New Society of the Philippines, p. 23, cité par McCoy (2015, p. 169).
  • [16]
    Site Internet de Meralco : http://www.meralco.com.ph/about-us/history.
  • [17]
    Rapport No. 5070-PH de la Banque mondiale : « Memorandum and Recommendation of the President of the International Bank for Reconstruction and Development to the Executive Directors on a Poposed Loan in an Amount Equivalent to US$65.5 Million to the Development Bank of the Philippines With Guarantee Of the Republic of the Philippines for a Manila Power Distribution Project », Mai 1989. Document en ligne (consulté le 7 février 2019) disponible à l’adresse suivante : http://documents.worldbank.org/curated/en/442881468293461648/text/multi-page.txt.
  • [18]
    Note du poste d’expansion économique.
  • [19]
    Financial Times, Feb. 28, 1996 (noté FT pour la suite).
  • [20]
    Asian Wall Street Journal, March 11, 1993, p. 13 (noté pour la suite AWJ).
  • [21]
    AWJ, March 11, 1993, p. 13.
  • [22]
    AWJ, May 4, 1995.
  • [23]
    AWJ, Oct. 29, 1992 ; Dec. 17, 1992.
  • [24]
    J.G. Summit Holdings est la holding de tête de la famille Gokongwei. En 1992, ce conglomérat affichait un chiffre d’affaires de 332 millions de dollars, provenant de l’agro-alimentaire (71 %), du textile et habillement (19 %), de la promotion immobilière et de la finance.
  • [25]
    AWJ, Feb. 21, 1996.
  • [26]
    Far Eastern Economic Review, March 7, 1996, p. 61 (noté FEER pour la suite).
  • [27]
    Business Week, Oct. 20, 1997, p. 31.
  • [28]
    FT, June 17, 1997.
  • [29]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [30]
    FT, Sept. 23, 1997.
  • [31]
    FT, February 27, 1998, Marozzi.
  • [32]
    FT, Jan. 14, 1999.
  • [33]
    FT, June 26, 2001.
  • [34]
    FT, June 26, 2001.
  • [35]
    The Manila Times, May 23, 2005 FT, June 3, 2009, p. 15.
  • [36]
    Businessworld, Manila, March 2, 2001.
  • [37]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [38]
    FEER, Aug 15, 2002, p. 38-42.
  • [39]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [40]
    Pour une analyse des facteurs généraux qui conduisent le groupe Lyonnaise des Eaux à quitter ce contrat comme d’autres à la même époque, voir : Lorrain 2005, en particulier p. 353.
  • [41]
    Les études préparatoires à l’appel d’offre tablaient sur une parité dollar/peso de 1 pour 26 ; en juillet 1997 au moment de la dévaluation, le peso dévisse jusqu’à 1 pour 50, pour se stabiliser autour de 1 pour 34.
  • [42]
    FT, Jan. 3, 2003.
  • [43]
    FT, Feb. 1, 2004. La Cour suprême a jugé en 2003 qu’une hausse des tarifs en 1994 était illégale et a donc condamné l’entreprise à rembourser le trop perçu depuis cette date. Meralco a dû passer dans ses comptes une provision de 27 GP (environ 500 M$).
  • [44]
    FT, June 3, 2009, p. 15.
  • [45]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [46]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [47]
    Manila Standard, 25 juillet 2012 et 31 janvier 2012.
  • [48]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [49]
    Annual report 2017, p. 31/28 (pages pdf. et document papier respectivement).
  • [50]
    Annual report 2017, p. 1. Le groupe sort de la santé mais dans le même rapport on peut lire : « au début de l’année FPH s’est renforcée dans Asian Eyes Institute pour en contrôler 68 % ». Le groupe continue d’explorer des voies possibles de développement.
  • [51]
    Annual report 2017, p. 70, GPHP ou milliard de peso Philippins.
  • [52]
    Annual report 2017, p. 7/4 (pages pdf. et document papier respectivement).
  • [53]
    Taux de change, en août 2018 : 52,6 pesos pour 1 dollar.
  • [54]
    Annual report 2017, p. 14.
  • [55]
    Annual report 2017, p. 22-26.
  • [56]
    Annual report 2017, p. 5.
  • [57]
    The Philippine Star, 24 mai 2011.
  • [58]
    Manila Standard, 3 avril 2012.
  • [59]
    Project Finance, 6 mai 2014.
  • [60]
    Manila Bulletin, 13 mars 2011.
  • [61]
    Manila Standard, 21 mai et 23 mai 2014.
  • [62]
    Manila Bulletin, 9 mars 2015 ; Manila Bulletin, 10 juin 2014.
  • [63]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [64]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [65]
    Thai News Service, 1 octobre 2010.
  • [66]
    The Philippine Star, 16 janvier 2014 ; The Philippine Star, 16 août 2010.
  • [67]
    The Philippine Star, 16 août 2010.
  • [68]
    Manila Standard, 28 mai 2013.
  • [69]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [70]
    Manila Standard, 4 mars 2014.
  • [71]
    Business World, 30 mai 2013.
  • [72]
    Business World, 30 mai 2013.
  • [73]
    Taux de change moyen des années 1995-1999 (30 :1, soit 30 pesos pour 1 dollar) ; taux moyen des années 2000 (45 :1) ; taux en août 2018 (52 :1).
English version
Lopez GroupManille
Création 1928 ; premières sociétés fin du XIXe siècle
Chiffre d’affaires 2017, 146 GPHP (2,8 G$) (a)
Société familiale non cotée : Lopez Inc.
Principales sociétés : Lopez Holdings, ABS-CBN, First Philippines Holdings
-------------------------------------------------------------
Énergie (production)
Immobilier
Médias et communications
Énergie (distribution) (b)
Eau et assainissement
Autoroutes à péage
Banque
Télécommunications
(a) Milliards de pesos philippins ou GPHP noté aussi GP dans le texte (milliards de pesos)
(b)Xxx Secteurs dont le groupe s’est retiré au début des années 2000

1Lopez Group constitue indiscutablement une figure emblématique des conglomérats familiaux et ce, à double titre : par son histoire et par son modèle d’activité. Depuis près d’un siècle il s’est développé par un savant dosage entre des activités privées de marché et une proximité à la décision publique ; selon l’alignement de ces deux pôles il a connu les sommets et le risque de faillite. Avec ce portait d’entreprise nous poursuivons l’étude de firmes d’Asie du Sud-Est : Salim (Lorrain, 2016), Ayala (Lorrain, Mouton, 2017), les conglomérats aux Philippines (Lorrain, Mouton, 2017).

2Ce groupe dénommé pendant longtemps « Benpres » est contrôlé par l’une des familles les plus anciennes et des plus puissantes des Philippines. On la disait faiseur de ministres et de présidents. Sa fortune et son pouvoir remontent au XIXe siècle avec des activités dans le commerce du bois, du textile et du sucre (trading), complétées par des sucreries, à une époque où les cours mondiaux étaient élevés [1]. Au début du XXe siècle, le groupe acquiert deux quotidiens à Iloilo et fait ses premiers apprentissages du milieu de la presse. Après la Seconde Guerre, il migre à Manille et commence sa diversification conglomérale faite de vision stratégique et de capacité à saisir les opportunités. Il se développe dans la radio-télévision, la distribution d’électricité, la promotion immobilière, la gestion de l’eau et de l’assainissement, la banque, puis les télécommunications.

3Cette famille fascine le peuple par le destin de ses membres [2]. Plusieurs d’entre eux ont eu des carrières politiques à un niveau très élevé : gouverneur, vice-président des Philippines. Ils ont connu le pire et le meilleur. Leurs biens ont été saisis par l’administration Marcos, en 1972, et leurs entreprises dirigées par ses amis : ABS-CBN, Meralco, First Philippine Holdings. L’aîné de la seconde génération, Eugenio Lopez Jr, (dit Geny), fut emprisonné durant cette période de loi martiale, pour faire pression sur la famille afin qu’elle cède des participations. Il s’évade en 1977 et partira aux États-Unis, via Hong Kong ; un film à succès en fut tiré – Eskapo. La propriété de plusieurs médias facilite sans doute cet affichage public : régulièrement des articles reviennent sur le parcours d’Oscar M. Lopez (frère de Geny) et sur sa vie privée, le transformant en modèle. Une ascension en montagne devient un prétexte de mise en scène d’une hygiène de vie maintenue à 81 ans etc. [3]. C’est pour les Philippines un mélange des Rockefeller et des Kennedy.

4Quand le président Marcos est renversé par une révolte populaire en 1986, le groupe retrouve la propriété de ses sociétés, Eugenio Jr revient au pays. Avec son père Eugenio Sr et ses deux frères Oscar M. et Manuel, ils reprennent les activités et mettent à profit la croissance générale des années 1990 (tableau 1). La famille Lopez retrouve sa place ; en 2000, leur fortune était estimée à 1,5 G$.

5Lopez Group, c’est quoi aujourd’hui ? Formellement, c’est un dispositif à deux branches (encadré) avec d’un côté les médias par ABS-CBN (56,6 %) et Sky Vision, et de l’autre un pôle infrastructures profondément remanié et organisé autour de la production d’électricité [4], l’immobilier et les parcs industriels. Cette seconde branche est portée par First Philippine Holdings (FPH), filiale à 46,6 %, de Lopez Holdings, structure de tête du groupe, cotée à la bourse de Manille et contrôlée par Lopez Inc., véhicule de la famille, non coté. Pour être complet, il faut ajouter l’exploration de nouveaux secteurs qui demain, peut-être, seront de nouveaux moteurs du développement – la santé et la gestion privée de centre de soins, la gestion d’aéroports.

6Sur le papier tout est bien ; la présentation est cohérente. Les héritiers de la troisième génération – les petits enfants d’Eugenio Sr – et le plus jeune de ses fils la mettent en scène avec conviction. Mais cet état stabilisé du début des années 2010 ne doit pas occulter le chemin qui y conduit, fait de crises, de revirements, d’abandon de fleurons et de nouveaux investissements. L’histoire des Lopez, comme celle des Salim d’Indonésie, témoigne des fracas de l’histoire des pays émergents lorsque les crises économiques et politiques se mélangent pour produire des déflagrations de grande ampleur. Pour rendre compte de cette histoire à multiples facettes nous avons combiné une présentation en cycles longs qui expose les tendances, doublée d’un suivi de la conjoncture permettant de rendre visibles les tentatives non suivies, les essais et abandons, bref, tout ce qui constitue la face peu visible d’une histoire en train de se faire.

La famille Lopez : une élite enracinée

7C’est dans les années 1870 que la famille Lopez entame son ascension vers les plus hautes sphères économiques et politiques des Philippines. Don Eugenio (1839-1906), né d’un père marchand aux origines chinoises et d’une mère originaire d’Iloilo City, acquiert alors des plantations de canne à sucre dans la province d’Iloilo, sur l’île de Panay, puis dans la voisine, Negros. Sa famille devient à la fin du siècle l’une des plus prospères de la région. Ses enfants consolident cette position : ils font partie des rares entrepreneurs qui initient une transition vers une culture de la canne à sucre à une échelle industrielle, avec des investissements dans des machines de pointe. L’un des fils, Benito, marque l’entrée de la famille dans la politique : il fonde le journal El Tiempo et remporte l’élection qui lui permet de devenir gouverneur de la province d’Iloilo (McCoy, 2015).

8Si on en croit la conférence prononcée en avril 2015, par Oscar M. Lopez [5] (représentant de la deuxième génération), lors d’une cérémonie à Central Philippine University Iloilo City, la double ambition économique et politique qui caractérise la famille Lopez remonte à Benito – son grand père – gouverneur au début du XXe siècle et assassiné par un homme de main de son rival. Deux de ses fils portent le flambeau entrepreneurial et créent en 1928 ce qui donnera naissance à Lopez Group. Leur société s’appelle tout simplement E&F Lopez (comme Eugenio et Fernando) et elle poursuit dans les plantations et le commerce de canne à sucre. Leur association est égalitaire (50/50) quels que soient les mérites et elle durera tout au long de la vie des deux frères. Par la suite, au changement de génération, les actifs seront partagés entre les deux familles tout en préservant « un sens de l’unité qui caractérise la famille et les sociétés » [6]. On ajoutera l’importance d’une autre caractéristique – l’éducation. Les deux frères ont reçu une formation de qualité : Eugenio formé par les jésuites à Manille, obtient ensuite un diplôme de droit à l’Université des Philippines, complété par une année post-graduate à la Law School de Harvard ; Fernando étudie le droit à Santo Tomas University.

9Très rapidement Eugenio (plus tard appelé Eugenio Sr) veut se développer au-delà du territoire d’origine d’Iloilo City. Dans les années 1930, il se diversifie dans le secteur des transports avec une compagnie maritime inter-îles et une compagnie de bus. Cette branche sera cédée, après la seconde guerre mondiale, à Philippine Airlines. Après la guerre, il s’installe à Manille et commence par y acheter un journal – Manila Chronicle – qu’il développe pour en faire le second quotidien du pays. Ensuite, il investit dans la radio et la télévision et les fait gérer par son fils aîné Eugenio Jr, dit Geny ; cette entité ABS-CBN deviendra le plus grand réseau de communication du pays. En ces années d’après-guerre, où l’influence américaine reste très présente, il ne cesse d’affirmer que les Philippins ont les compétences pour posséder et gérer des entreprises. La possibilité de passer à l’acte lui est donnée en 1960 lorsque le groupe américain qui contrôle Meralco se retire. Cet électricien vertical intégré qui a le monopole sur toute la région de Manille est alors le plus grand actif contrôlé par un groupe étranger. Eugenio rassemble un groupe de cadres philippins pour préparer l’offre de reprise et gérer l’entreprise.

10Pendant qu’Eugenio Sr construit un véritable empire économique en mobilisant le capital laissé par Benito et en réinvestissant les profits dans de nouveaux secteurs d’activités, son frère Fernando s’attache lui à construire un appareil politique puissant, qui lui permet d’accéder aux fonctions les plus prestigieuses : maire d’Iloilo en 1945, il devient sénateur en 1947, puis vice-président en 1949 et à nouveau en 1965. Les ressources économiques et politiques des deux frères se renforcent mutuellement.

11La génération suivante, en particulier les fils d’Eugenio Sr – Geny l’aîné, Oscar M., Manuel –, continuera à développer le groupe. La mort de Geny en 1999 place Oscar en premier rang. Né en 1930, il a fait des études à Harvard où il obtient un BA puis un master d’administration publique à la Kennedy School of Government (1955). Il revient au pays en 1960 pour diriger le Manila Chronicle. L’état d’urgence et les politiques de nationalisation du président Marcos le forcent à un exil qui durera quatorze ans. Après la révolution EDSA de 1986, il devient directeur général (CEO) de First Philippine Holdings (FPH), la holding qui pilote toutes les activités dans la promotion et les infrastructures. Cette société croulait sous une dette de plus de 2 milliards de pesos philippins et ne comptait plus que vingt employés ; elle retrouvera le profit en 1990 [7].

12Vers 2010, la seconde génération (enfants et collaborateurs d’Eugenio Sr) passe la main :

  • Oscar quitte son poste de CEO de Manila Electric Co (Meralco) et de Lopez Holdings Co. Son fils Federico est en charge de FPH, tandis que son cousin Eugenio III (fils de Geny) s’occupe de ABS-CBN.
  • Salvador G. Tirona, directeur des finances (CFO), est élu au board de Benpres, en devient président et COO (chief operating officer) en remplacement de Angel S. Ong (qui prend sa retraite après seize ans de services).

La firme et la nation

13Ce conglomérat suscite l’intérêt par sa durée, par sa taille, par le fait qu’il est présent dans de nombreuses composantes de la fabrique urbaine, mais il est également singulier par la façon dont il se représente comme organisation collective. Les Lopez considèrent qu’ils ne font pas seulement des affaires mais qu’ils portent des valeurs, un sens de l’intérêt général et de la community (les Philippins). Ce n’est pas courant. Ce positionnement s’incarne depuis l’origine par un mélange de la conduite des affaires et du service de l’État. Les fondateurs en sont la représentation la plus aboutie avec Fernando en politique et Eugenio Sr aux affaires. Encore très récemment, Manuel – le troisième fils d’Eugenio Sr – était à la fois président (chairman) de Lopez Holdings et ambassadeur des Philippines au Japon [8].

14Cela affleure aussi dans toutes les présentations. Ainsi, dans son rapport annuel, Lopez Holdings Corp. 2017 se définit comme : “a world class conglomerate committed to investments that improve the life of Filipinos” [9]. Lors du changement de nom en 2010, lorsque Benpres Holdings Corp. devient Lopez Holdings Corp., un communiqué de presse livre l’explication suivante : Benpres est un dérivé des noms des parents de Eugenio Lopez Sr – Benito et Presentacion. Le passage à Lopez vise à mieux rattacher la holding à Lopez Group et à son image : “known for generations in Philippine business for the practices of enduring values : pioneering entrepreneurial spirit, business excellence, unity, nationalism, social justice, integrity and employee welfare” [10].

15En 2015, lors de sa conférence à Central Philippine University Iloilo City, Oscar Lopez réaffirme les mêmes principes. « [Quand je me demande pourquoi je me suis levé tous les jours au cours d’une bonne partie des soixante dernières années pour aller travailler] the last thing that would come to mind is profit (…) In my case, it is the ideal of service that had been ingrained in me by my parents as I was growing up, and by the schools I went. (…) To survive and to flourish, it is not enough that business make profit. They must also have a social conscience and share part of what they have with the society that they serve” [11]. Les différentes distinctions reçues par ses dirigeants sont l’occasion de redire leurs valeurs, et cela fonctionne souvent : le magazine Forbes qualifie le même Oscar M. de “Hero of Philanthropy” dans la région.

16Faut-il accorder crédit à une identité de groupe qui se construit par la mise en avant des bénéfices communs de ses actions ? Ou n’est-ce pas une politique habile qui permet aux Lopez de servir leurs intérêts en obtenant des contrats d’exploitation dans les infrastructures et l’accès à des terrains stratégiques dans leurs activités de promoteur ?

17Dans ses travaux, l’historien Alfred McCoy fait ressortir combien la relation au politique a été déterminante pour le groupe ; cela vaut en positif comme en négatif : “(the Eugenio Sr) entreprises thus prospered when an ally occupied Malacañang Palace [le palais présidentiel] and suffered under the tenure of an enemy” (2015, p. 165). Le conglomérat se diversifie d’ailleurs rapidement dans les médias, qui sont un outil efficace pour peser sur la politique nationale et avancer leurs intérêts : “By acquisition of a radio-television conglomerate, the Lopez brothers gained political leverage in post-war Manila through two different audiences – peasant voters who listened to vernacular broadcasts on transistor radios and Manila’s middle-class professionals who viewed television as a less partisan medium than the daily press” (op. cit., p. 167). Cette interprétation est renforcée par l’étude de la trajectoire de Meralco, depuis son acquisition avec le soutien présidentiel et tout au long de son histoire marquée par les revirements politiques du pays.

Meralco, une histoire nationale

18Meralco est le plus ancien et le plus important distributeur d’électricité du pays, si bien que son histoire est centrale dans l’équipement du Grand Manille et pendant plusieurs années comme société phare de la famille Lopez (McCoy, 2009).

19C’est à la fin de la période coloniale espagnole que le premier opérateur électrique naît et développe un service. En septembre 1892, un consortium composé de la Compagnie Générale des Tabacs des Philippines et de deux autres entreprises familiales fonde la société La Electricista. Son objectif est « la production d’électricité par n’importe lequel des systèmes connus ou qui seront inventés, et l’exploitation de ses applications et usages » [12]. Ses missions sont très larges, cela reflète bien le caractère nouveau de l’électricité, dont les technologies sont alors en évolution constante, et dont la constitution en un secteur structuré n’est pas encore stabilisée. La Electricista passe un contrat avec la ville de Manille. Elle construit la première centrale électrique du pays, qui alimente un réseau de distribution destiné à assurer l’éclairage public, et qui anticipe également une demande au niveau des transports. Ces deux usages étant avec celui du télégraphe les plus répandus à cette époque pionnière de l’électricité (Hughes, 1983 ; Beltran, Carré, 2000). Si l’entreprise est locale, elle s’appuie sur une expertise américaine, et ce, avant même que les États-Unis ne prennent le contrôle du pays. La Electricista bénéficie d’un apport en capital de l’entreprise Thomas-Houston, basée à Boston, sous la forme de matériel. Il est évalué dans les statuts à 100 000 pesos sur un total de 500 000 [13].

20L’arrivée des Américains à la tête du pays se traduit par des investissements importants dans les infrastructures : le réseau d’eau de la capitale et un réseau de transports moderne (Pante, 2014). En 1903, les autorités coloniales souhaitent introduire le transport motorisé, et la municipalité lance un appel d’offres pour la construction d’un tramway électrique. Un entrepreneur de Détroit qui a déjà créé plusieurs entreprises ferroviaires dans le Michigan, obtient le monopole de l’exploitation pour toute la ville. Ainsi naît la Manila Electric Railroad and Light Company, Meralco. L’entreprise est donc américaine, enregistrée dans le New Jersey. Le tramway est inauguré le 10 avril 1905, et entre-temps, l’entreprise a racheté La Electricista, devenant ainsi un acteur monopolistique du secteur électrique naissant. Rapidement, Meralco construit une nouvelle centrale électrique. Le réseau électrique se développe, si bien qu’à partir de 1915 les revenus issus de la distribution électrique dépassent ceux des transports. Ce nouvel équilibre économique se traduit en 1919 par un changement de nom : Meralco n’est plus la Manila Electric Railroad and Light Company, elle devient la Manila Electric Company.

21L’entreprise prospère, elle est rachetée en 1925 par un autre groupe américain, qui contrôle plusieurs entreprises dans le secteur de l’énergie, Associated Gas and Electricity (qui devient plus tard la General Public Utilities Corporation). Sa croissance se poursuit, avec une expansion territoriale au-delà des strictes limites de Manille suite au rachat d’opérateurs voisins, et avec le développement des capacités de production. En 1930, l’entreprise termine sa première usine hydro-électrique avec le barrage de Botocan, au sud de Manille : celle-ci comprend deux générateurs de 8000 kW et un troisième, plus petit, de 960 kW [14]. Le mouvement de spécialisation de Meralco dans l’électricité, au détriment de son activité de transports, s’achève à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

22En 1945, la ville est très largement détruite et les infrastructures doivent être reconstruites presque intégralement. Meralco se concentre alors sur la restauration du réseau électrique et abandonne son activité dans les transports, en cédant ses bus en 1948. Le réseau de tramway, lui, ne sera jamais reconstruit. C’est à cette époque que les jeeps de l’armée américaine, présentes en abondance, sont utilisées comme mode de transport collectif et deviennent les jeepneys, une composante essentielle de l’offre de transport, encore à ce jour (Satre, 1998). L’effort de reconstruction se poursuit dans les années 1950 lorsque Meralco lance un programme d’investissement de 45 millions de pesos sur 5 ans.

23L’opérateur électrique est resté, toute la première moitié du XXe siècle, dans le giron américain. C’est en 1961 que l’entreprise devient philippine, suite au retrait américain et à son acquisition par un groupe d’investisseurs menés par Eugenio Lopez Sr pour 244 millions de pesos. Elle reste sous le contrôle de la famille Lopez pendant plusieurs décennies, et se retrouve au centre d’affrontements politiques violents, qui sont révélateurs, par bien des aspects, de l’économie politique du pays. L’acquisition en elle-même est intéressante : elle est soutenue politiquement et financièrement par l’État, grâce au concours du Président Garcia, dont la campagne électorale avait été financée par les Lopez. Après l’achat de Meralco, Eugenio Lopez installe un conseil d’administration dont tous les membres sont philippins. Il y siège lui-même, ainsi que son fils aîné Eugenio Jr (dit Geny), et il y installe ses alliés.

24De fait, peu de familles illustrent aussi bien la connivence entre élites propriétaires et pouvoir politique que la famille Lopez, et cette connivence joue un rôle déterminant dans la trajectoire de l’opérateur électrique. Ainsi, l’année même de l’acquisition de Meralco par les Lopez, Diosdado Macapagal accède à la présidence de la République, alors que la famille avait financé la campagne de son concurrent. En 1963, le gouvernement exige du conseil d’administration de Meralco le renvoi d’Eugenio Sr, accusé d’avoir violé les termes de la concession, et en parallèle il saisit les actifs du groupe Lopez dans les médias. Le conseil d’administration défie le gouvernement, et le Président réitère ses exigences en menaçant cette fois de révoquer la licence accordée à Meralco pour la distribution d’électricité. La sortie du conflit se dénoue politiquement lors de l’élection présidentielle suivante, en 1965, qui voit l’élection de Ferdinand Marcos. Fernando Lopez forme un ticket avec Marcos et devient vice-président de la République des Philippines ; la campagne électorale est financée par la famille Lopez à hauteur de 14 millions de pesos. L’investissement est payant : entre 1962 et 1972, Meralco Securities Corporation, la holding qui contrôle Meralco, voit son chiffre d’affaires augmenter de 5 à 69 millions de pesos, et le montant de ses actifs passer de 155 millions à plus d’un milliard de pesos. Eugenio Sr lance à cette époque une politique d’expansion et de diversification : le territoire de sa franchise augmente, tandis que l’entreprise profite de subventions pour la construction de centrales électriques et de transformateurs, et qu’elle investit le secteur du raffinage de pétrole.

25Après six années d’une alliance solide entre les Lopez et Ferdinand Marcos, et une réélection de ce dernier en 1969 qui reconduit Fernando Lopez à la vice-présidence du pays, une violente rupture survient en 1971. Selon Marcos, les Lopez demandent des concessions pour faire avancer leurs intérêts. Les Lopez affirment quant à eux que c’est Marcos qui exige d’obtenir des parts dans leur entreprise. Quoi qu’il en soit, à travers leur journal, le Manila Chronicle, les Lopez attaquent Ferdinand Marcos en dénonçant « la fortune cachée des Marcos ». Marcos réplique en dénonçant l’« oppression des oligarques ». Au bout de cinq mois, Marcos met fin au conflit, mais en retire une profonde rancune [15]. Il prend sa revanche sans tarder en déclarant la loi martiale. Le 22 septembre 1972, il fait saisir les propriétés de la famille Lopez et ordonne l’occupation de l’immeuble du Manila Chronicle. Il conditionne le déblocage du bâtiment à la vente du journal au frère de sa femme Imelda, pour un prix de 500 000 pesos – alors que ce dernier est estimé à plus de 50 millions de pesos. Les licences des chaînes de télévision des Lopez sont annulées. L’usage d’un tel procédé est plus délicat dans le cas de l’opérateur d’électricité car la holding qui détient Meralco comprend des investisseurs étrangers. Marcos procède donc différemment : il fait enfermer Geny, le fils d’Eugenio Sr, sur la charge de conspiration d’assassinat du président. Son fils risquant la peine capitale, Eugenio accepte de vendre ses parts de Meralco – 20 millions de dollars – à la Fondation Marcos, pour un montant de 1500 dollars américains (McCoy 2015, p. 170). Malgré cette transaction, Geny n’est pas libéré. Il parvient en 1977 à s’échapper de la prison de Fort Bonifacio dans laquelle il est détenu, et gagne les États-Unis, où il va vivre en exil jusqu’à la destitution de Marcos. Il reprendra à son retour la tête de la chaîne de télévision ABS-CBN.

26Les conséquences de ce conflit sur les activités de Meralco vont être très importantes. L’entreprise qui jusqu’alors intégrait production, transport et distribution est contrainte de se spécialiser dans la distribution d’électricité. Elle doit vendre ses centrales électriques à une entreprise d’État – National Power Corporation (Napocor) –, créée en 1972 par décret présidentiel et placée sous le contrôle d’alliés politiques de Marcos. Meralco est également invitée à mettre en œuvre la politique de développement du pays menée par Marcos, en électrifiant les régions environnantes. Après 1980, le territoire desservi triple pour passer de 2678 à 9337 km2, et s’étend ainsi bien au-delà des limites de la région métropolitaine de Manille [16]. L’entreprise n’est cependant pas en mesure d’assumer les dépenses en capital liées à cette expansion territoriale, ses tarifs sont trop bas et de plus, la période 1982-1986 correspond à des années de récession qui font baisser la demande en électricité et limitent ses profits. La situation financière de Meralco se dégrade et le distributeur en vient à différer le paiement de ses fournisseurs en électricité. La situation conduit l’entreprise à rechercher un prêt de la Banque mondiale (à travers la Banque de Développement des Philippines), à hauteur de 65,5 millions de dollars américains, pour réaliser les investissements nécessaires dans les franchises nouvellement acquises [17].

Une histoire entre succès et crises

27Que devient Meralco après la chute de Ferdinand Marcos en 1986 ? Quelques jours seulement après que ce dernier embarque pour Hawaï, où il va finir ses jours en exil, la présidente Corazon Aquino remet aux mains de la famille Lopez la chaîne ABS-CBN et lui rend une participation majoritaire dans Meralco. La famille Lopez reconstitue son pouvoir et diversifie Benpres dans des secteurs nouveaux – télécommunications, eau et assainissement, centres commerciaux.

28Bien qu’amputée des activités de production, Meralco n’en demeure pas moins le plus grand distributeur d’électricité du pays avec le monopole de l’agglomération de Manille (Metro Manila). Son chiffre d’affaires pour 1992 est de 1,23 milliards de pesos philippins [18] et elle compte 2,66 millions de clients en 1995. La société est introduite en bourse à la fin 1993. La famille Lopez revient dans l’énergie ; certes, elle se trouve dépendante de Napocor pour son approvisionnement, mais elle se prépare à se développer dans la production [19]. Le groupe redéveloppe aussi ses activités dans les médias. D’abord dans la radio, puis les réseaux câblés, avec Sky-Vision. Il a aussi quelques participations minoritaires dans les télécommunications internationales.

29Au milieu des années 1990, toutes ces activités sont coiffées par Benpres Holdings Corp., également introduite en bourse en 1993 à hauteur de 18 % et contrôlée à 65 % par la famille Lopez par un véhicule non coté – Benpres Inc. Ces années sont pleines de promesses avec la libéralisation des industries de réseaux, engagée par le Président Fidel Ramos (1992-1998). Le pays est en croissance, les besoins énormes, les projets nombreux. Mais le tournant de la décennie est aussi marquée par deux crises économiques – celle de 1997 en Asie du Sud-est et celle des dotcoms au printemps 2002 –, et par une inversion du contexte politique – de favorable à hostile – avec l’élection de Gloria Macapagal-Arroyo. Comment le groupe at-il tracé son chemin dans cet environnement tumultueux ?

30En 1992-93, le pays connaît des pénuries récurrentes d’électricité [20] qui appellent des réponses rapides. Le monopole public – Napocor –, ne parvient pas à construire assez de nouvelles centrales thermiques après que le gouvernement de Corazon Aquino ait décidé, en 1986, d’abandonner le nucléaire. De plus les tarifs sont insuffisants et la fraude très importante. « Entre mars et juin 1992 le pays a subi des coupures d’une durée moyenne de 4 heures par jour, avec une coupure exceptionnelle de douze heures en mai ; les entreprises ont dû utiliser leurs groupes électrogènes ; le retour à la normale a eu lieu avec la saison des pluies pendant l’été, et un moindre usage des climatiseurs » [21].

31– Le gouvernement annonce un programme de quatre centrales à construire d’urgence sur l’île de Luzon. En 1995, First Philippines Holdings, le véhicule d’investissement forme une joint venture avec British Gas pour ces centrales devant produire au total 1500 MW et représentant un investissement d’un milliard de dollars. Elles seront approvisionnées en gaz par un gisement voisin, propriété de Meralco et vendront l’électricité produite à Meralco [22].

32– En 1992, Meralco (40 %) [23] et First Philippine Holdings (20 %) s’associent à J.G. Summit Holdings [24] (20 %) et à une banque pour créer un producteur d’électricité indépendant qui réalise une centrale au fuel de 215 MW dans une formule BOT.

33Diversification dans d’autres infrastructures.

34– Le secteur des télécommunications est aussi en complète réorganisation. Le groupe s’y investit par Bayan Telecommunications Holdings (BayanTel). Il investit 1,3 GP (50 M$) pour développer le réseau au sud de Luzon [25].

35– En 1995, le groupe se voit attribuer par le président Ramos une concession d’autoroute entre Manille et Subic Bay [26], soit 157 km au total. C’est un projet de 20 GP (769 M$) avec des portions existantes et d’autres à construire. Il est porté par une joint venture entre First Philippine Infrastructure Development Corp. (filiale de Benpres, 80 %) et une entreprise publique (20 %), renommée Manilla-North Tollways. Cette opération est vivement critiquée par l’opposition car elle s’est faite sans appel d’offre. Le groupe Thaïlandais Italian-Thai était intéressé et l’on soupçonne des arrangements entre le groupe et la présidence. Cette dernière invoque les délais très courts car les portions principales doivent être ouvertes pour le sommet de coopération économique Asie-Pacifique, en novembre 1996, à Subic Bay.

36– À l’automne 1997, le groupe associé à Lyonnaise des Eaux emporte le contrat de gestion des eaux pour la partie ouest de Manille ; Ayala obtient le côté est.

37Parallèlement le groupe poursuit son développement dans les médias. La famille Lopez a débuté dans ABS-CBN en 1946, en a perdu le contrôle avec les nationalisations du président Marcos en 1972, et en a retrouvé le commandement en 1986. Détenue à 70 %, présidée par Eugenio Lopez III (né en 1952, diplômé de Harvard, fils d’Eugenio Jr dit Geny), cette société prospère et domine le marché ; c’est la première chaîne de télévision du pays [27]. Malgré la crise asiatique le groupe investit dans un nouveau bâtiment (100 M$) qui concentrera les activités dans le câble, la musique et le cinéma. Sky Vision, la filiale pour la télévision par câble développe une offre de téléphonie. Avec 200 000 abonnés, c’est le premier opérateur de télévision par câble (40 % du marché) ; une introduction en bourse est à l’étude [28].

38La presse résume ainsi ces années qui combinent une économie en croissance et un environnement politique favorable : “A number of companies expanded rapidly during the go-go years of the 1990s, but few were as aggressive as Benpres” [29]. Témoignage de ce climat positif, le groupe réalise en 1997 une augmentation de capital de plus de 8 milliards de pesos (environ 250 millions de dollars) dont une large part sera investie dans BayanTel et dans Maynilad Water [30].

39Le cycle haussier se retourne mondialement avec la crise de 2002 et vient s’ajouter pour la famille Lopez une inversion de son environnement politique. 1998, est une année d’élection présidentielle et la politique interfère avec les politiques tarifaires des utilities. Le groupe Benpres se trouve en première ligne avec Meralco et Maynilad.

Une histoire entre succès et crises

40Reprenons l’histoire de Meralco où nous l’avions laissée. En février 1998, en pleine campagne électorale l’autorité de régulation pour l’énergie ordonne que Meralco baisse ses tarifs de 16,7 centavos pour un tarif moyen de 3,52 pesos par kilowatt heure. La compagnie est également accusée d’avoir pratiqué des tarifs trop élevés depuis février 1994. Il lui est reproché d’avoir utilisé à son bénéfice la formule de rémunération calculée à partir d’un retour sur les actifs nets (a return on rate base) en surévaluant ses actifs. Elle doit reverser le trop perçu aux consommateurs. Ce remboursement compris entre 2000 et 3000 pesos par ménage, concerne 3,1 millions de clients. C’est une décision populaire en période électorale (“[it] is potentially a good vote-winner” [31]). Le groupe en calcule l’impact ; cela pourrait coûter 10,5 GP (260 M$). Il met en avant l’incertitude qui se traduit sur ses programmes d’investissement. Cela se répercute sur l’appréciation des investisseurs, l’action Meralco perd 23 % depuis un haut à 101 pesos. Les opérateurs de téléphone dont les tarifs pourraient être contestés demandent une clarification sur la méthode de calcul des actifs nets.

41En 1999, dans le cadre d’un programme général de privatisation, soutenu par le FMI, le gouvernement cède sa participation de 10 % dans Meralco. Parmi les acheteurs potentiels apparaît le nom d’un principal actionnaire de San Miguel – M. Conjuangco [32]. En fait il ne se passe rien [33], mais il y a tout de même menace sur la solidité du contrôle de la société par les Lopez.

42L’environnement de Meralco se brouille un peu plus, en 2001, avec la préparation d’une loi sur l’énergie [34]. Afin de réduire les coûts, qui sont parmi les plus élevés d’Asie, le gouvernement envisage de réduire les subventions croisées entre sociétés de groupes intégrés, et d’introduire la concurrence dans la production et la distribution. Le monopole public de National Power Corp. dans la production pourrait être mis en cause et des actifs pourraient être privatisés. La puissance publique conserverait un monopole dans le transport et percevrait une redevance de transport (wheeling charge). Le monopole de Meralco dans la distribution serait maintenu pour les consommateurs de moins d’un megawatt (soit environ les trois quarts du nombre des clients, mais bien moins en chiffre d’affaires). Les distributeurs devraient rendre accessibles leurs lignes de distribution (principe de common carriage). En fait cette loi sera suivie de peu d’effets. En 2005, aucun actif de National Power Corp. n’a été vendu et des amendements de la loi peuvent encore repousser les délais [35]. En revanche, une grande partie de la société de transport (Power Grid Company) l’a été.

43Le bras de fer sur les tarifs se prolonge dans l’eau. En mars 2001, le président de Maynilad annonce qu’il travaille sur un programme de retrait. La compagnie a des problèmes de trésorerie ; elle envisage de réduire son programme d’investissement après avoir réduit ses dépenses opérationnelles : “we have reached the end of the line. Because of our severe cash problems we have to cut back on our capex effective January 1. We have also cut back our opex. We are working on a retrenchment program” [36]. Depuis 1997 les pertes se montent à 3,3 GP (66 M$). La compagnie « challenge » le gouvernement en lui demandant de reprendre la concession qu’elle a gagnée en 1997, à moins qu’il ne prenne en compte les changements de parité du peso, comme le contrat le prévoit.

44En 2002, au moment où éclate la crise des dotcoms, le groupe est affaibli. En 2000, ses bénéfices ont chuté de 25 % après que le régulateur ait de nouveau refusé une hausse tarifaire. La consommation d’électricité par tête n’est que d’un tiers de celle de Bangkok et d’un dixième de celle de Singapour. Des critiques sont formulées par les investisseurs sur la politique conduite depuis dix ans. “A decade of aggressive expansion left the family gasping after the Asian Crisis of the late 1990s. Instead of sticking to what they knew the best –broadcasting and energy– the Lopezes struck into unfamiliar businesses such as water distribution, telecommunications and shopping malls. Now the implosion of the telecoms bubble leaves the family scrambling to pay off $600 millions in debts (…). Empires can fall as well as rise” [37]. Le grand public entend parler de ces problèmes lorsqu’une filiale dans la télévision par câble annonce qu’elle ne peut plus acheter les droits de retransmission des matchs de la première ligue de basket aux États-Unis ! Dans cet environnement tumultueux, le groupe étudie de nouveaux secteurs de développement. Oscar M. Lopez quitte son poste de président de Meralco et se consacre à ces questions de stratégie.

45En juin 2002, Benpres Holdings Corp. suspend le remboursement de la dette ; en un an la valeur du titre a perdu 80 % [38]. Même les titres des filiales les plus robustes – ABS-CBN et First Philippine Holdings – sont touchées. BayanTel a aussi des difficultés, il a été lent à se développer dans le mobile et dans le fixe, il n’est jamais parvenu à contrer la domination de PLDT.

46Bref, le groupe doit se réorganiser pour à nouveau dégager des profits. Il doit se remettre en cause et ne plus se penser comme incarnant la Nation, mais tout simplement comme une entreprise de services de qualité. Selon la presentation d’Oscar M. Lopez (Chairman and CEO) à ses actionnaires, en juin 2002, “When Benpres was formed in 1993 its mission was to preserve and continue the Lopez business philosophy, namely the provision of high-quality public services to the Filipino people (…). In light of what has happened over the past five years, however, we have begun to question if this philosophy can be sensibly pursued” [39]. Mais à court terme il faut maintenir à flot les deux utilities percluses de dette.

47Dans le cas de Maynilad la fin de partie interviendra très vite. Dès l’automne 2003 le groupe et son partenaire décident de mettre fin au contrat [40]. Avec la dévaluation du peso qui suit la crise d’Asie du sud-est, la société a vu doubler sa dette étrangère exprimée en pesos [41] et la charge est conséquente car, dans le partage de la métropole entre deux opérateurs, 90 % de la dette de l’ancienne compagnie publique lui a été affectée. Maynilad a négocié avec le gouvernement, d’abord pour appliquer les hausses contractuelles, puis pour repenser le schéma d’origine, mais les gouvernements successifs ont toujours refusé des hausses de tarifs par crainte de réaction publique. Finalement, l’État accepte de reprendre 84 % de la société, Lyonnaise des Eaux conserve 16 % et assure la continuité du service.

48Pour Meralco la fin sera un peu plus lente. En 2003, le régulateur autorise Meralco à récupérer des charges pour 7,3 GP (140 M$) et lui donne un répit alors que la société risque un possible défaut de paiement : elle se considère “on the verge of bankruptcy” [42]. Cette hausse vient atténuer la décision de remboursement, prise par la Cour Suprême en novembre 2002 (en appel d’une décision prise au début de 1998 par le régulateur), et dont le coût est désormais estimé entre 8 et 28 GP (500 M$). Mais rétrospectivement cette décision du début de 2003 semble bien comme un répit car en janvier 2004 la Cour suprême ordonne la suspension de la hausse tarifaire prévue par Meralco [43]. Cette décision est lourde de conséquences : elle met en péril une compagnie qui fut un temps parmi les plus solides du pays et elle crée une incertitude qui ébranle tout le secteur électrique

La politique compte

49Où l’on retrouve le lien entre le développement des firmes, les politiques publiques et la politique. L’arrivée de Gloria Macapagal Arroyo à la présidence constitue une autre menace pour le groupe. En 2001, la vice-présidente de Joseph Estrada – élu en 1998 et destitué trois ans plus tard par une procédure d’empêchement –, assure la présidence jusqu’à la fin du mandat ; puis elle est élue pour un mandat de six ans. Cet enchaînement lui confère une exceptionnelle longévité politique. Or, si l’on considère que l’histoire longue compte et que dans l’expression « politique publique » le terme « politique » a toute sa place, Gloria Macapagal Arroyo a deux raisons de vouloir s’en prendre à l’empire de la famille Lopez. La famille de son mari, les Arroyo, entretient de mauvaises relations avec les Lopez, et ce depuis longtemps (McCoy, 2009). Le différend date de 1929 : à l’époque, la province d’Iloilo est dirigée par le gouverneur Mariano Arroyo. Le tout jeune Eugenio Lopez Sr souhaite se lancer en politique dans cette région et utilise pour cela le journal local El Tiempo qui appartient à son père afin d’affaiblir Arroyo en publiant une série d’enquêtes dénonçant les pratiques de corruption auxquelles ce dernier se livre. La bataille est arbitrée par la puissance coloniale américaine, qui donne raison à Eugenio Lopez, et le clan Arroyo se retrouve durablement affaibli. Du côté des Macapagal, le conflit date de 1961 et du mandat présidentiel de Diosdado Macapagal, qui a vu s’affronter violemment les deux familles. Les Lopez ont fait campagne contre lui et à la fin du mandat ils ont soutenu Ferdinand Marcos qui est devenu président.

50Il n’est donc pas surprenant que la présidente s’en prenne aux Lopez durant son mandat. C’est avec l’aide de l’un de ses proches, Winston Garcia, qu’elle mène la charge. Ce dernier est à la tête du fonds de pension public philippin (Government Service Insurance System). Cet organisme détient 27 % des parts de Meralco – un héritage des transactions effectuées durant la période de la loi martiale – et Garcia dépose à ce titre une plainte contre Meralco, qu’il accuse d’« activités frauduleuses ». La plainte n’aboutit pas, pas plus que la tentative de déchoir la direction de Meralco. Le fonds de pension vend donc en 2008 sa participation pour 260 millions de dollars à San Miguel Corp., le géant de la bière, un autre conglomérat puissant des Philippines, déjà intéressé en 1999 (voir supra). Son directeur général est connu pour sa volonté de contrôler ses investissements, et il cherche rapidement à prendre le contrôle de l’opérateur.

51La sortie de Meralco. La menace pour les Lopez se double aussi d’une compétition dans le marché [44]. D’autres conglomérats veulent entrer sur le marché électrique. Outre San Miguel, le groupe Salim par Metro Pacific et Philippine Long Distance Telephone (Lorrain, 2016), est entré au capital. Les Lopez, désormais en minorité, parviennent néanmoins à conserver le contrôle de l’entreprise en s’associant à PLDT et son président Manuel V. Pangilinan, homme influent du groupe Salim. PLDT acquiert 20 % de Meralco auprès des Lopez et lors de l’assemblée annuelle des actionnaires de mars 2009, leur alliance représente cinq sièges, contre quatre pour San Miguel (Rushford, 2009).

52La famille conserve une influence mais l’équilibre n’est pas tenable longtemps pour l’assaillant comme pour les Lopez ; la situation de Meralco reste critique :

  • Son activité de distribution est ralentie par un problème production ; les investissements dans de nouvelles centrales ont été insuffisants,
  • San Miguel et PLDT ont participé aux appels d’offre pour des unités de production indépendantes ou la reprise de réseaux de transport,
  • Le secteur électrique souffre d’incertitudes quant à la politique tarifaire suivie par le régulateur. En 2008, il a approuvé la première hausse tarifaire en 6 ans mais l’application a été reportée en raison de l’opposition d’associations de consommateurs ; le gouvernement envisage d’obliger l’entreprise à subventionner les usagers pauvres.
  • La compagnie a un besoin urgent d’une hausse tarifaire pour rembourser sa dette, payer son amende pour surfacturation et mener à bien son programme d’investissement.

53En 2009, First Philippines Holdings vend la majorité de ses actions dans Meralco à Philippine Long Distance Co (PLDT). Metro Pacific détient déjà 14,7 % de Meralco acquis par des achats en bourse. En tout, les Lopez vendent 60 % de leurs actions. La participation de FPH passe de 33,4 % à 13,4 % ; par la suite la holding vendra d’autres titres pour conserver seulement 6,6 % [45]. Son président – Federico Lopez – se dit alors à l’aise avec ce bloc d’actions et un siège au conseil d’administration de Meralco. “Officially we have not made any decision on that 6.6 percent” [46].

54En janvier 2012, le processus de désengagement se poursuit. Beacon Electric – la co-entreprise (joint venture) constituée à égalité entre Metro Pacific et une filiale de PLDT pour porter leurs titres de Meralco – augmente sa participation en achetant 2,66 % [47] à une filiale de FPH qui conserve 3,9 % du capital. Son directeur financier explique alors : “For now we will retain the 3.9 % shares in Meralco. We sold the shares because the price is attractive (and) we were also offered to keep our board seat which we think is fair”. Avec cette transaction le contrôle de Beacon passe de 45,4 % à 48,02 %.

Le nouveau Lopez Group

55À la suite de ces déboires le groupe fait l’analyse que l’activité de distribution de services urbains, que ce soit dans l’eau ou l’électricité, “is no longer a business with a significant potential for growth. It can only grow as fast as population and consumption grow, and both tend to grow gradually, not spectacularly” [48]. On ajoutera que la rentabilité se trouve aussi contrainte par la régulation des tarifs qui suit plus une logique politique que les accords contractuels. Ce changement de stratégie est porté par la troisième génération qui arrive aux commandes après le retrait d’Oscar M. Lopez.

56Le nouveau Lopez Group intervient dans trois secteurs – la production d’énergie, l’immobilier, les médias et communications, portés respectivement par First Philippines holdings (FPH, filiale à 46,5 % qui contrôle First Gen et, EDC leader de la géothermie) [49], Rockwell Land dans l’immobilier et par ABS-CBN (56,6 %) pour les médias. Le groupe a vendu ses intérêts dans la banque, les autoroutes à péage, les technologies de l’information, l’aménagement urbain, les télécommunications et la santé. Et il est sorti des deux utilities au centre de son activité à la fin des années 1990. No new businesses were developed in the last three years[50].

57Globalement le chiffre d’affaires du groupe peut être estimé autour de 3 G$. Pour l’exercice 2017, les revenus consolidés de la branche électricité et immobilier sont de 104,89 GPHP [51] et ceux de ABS-CBN de 40,70 GPHP [52], soit un total de 145,59 GPHP [53]. L’importance des deux sociétés de tête se trouve confirmée par l’origine des dividendes reçus par Lopez Holdings – environ 20 millions de dollars en 2017. FPH a contribué à hauteur de 515 MPHP (stable sur trois ans) et ABS-CBN pour 505 MPHP (en forte hausse).

58Pour le reste Lopez Group a toutes les caractéristiques d’un conglomérat familial, très contrôlé par la famille. Cela s’inscrit dans la structure du capital. Lopez Holdings est détenu à 52,1 % par Lopez Inc., véhicule de la famille. Il est épaulé par les 1,08 % du fonds de pension de FPH et par les actions possédées en individuel par des membres de la famille – Oscar M., Manuel –, qui représentent 0,94 % du capital. Enfin, il convient de prendre en compte les actionnaires philippins qui ont souscrit des « Philippine Central Depository » ; ils sont représentés par un trustee pour tout l’ensemble et ne détiennent pas de droit de vote. Pour Lopez holdings ils pèsent 29,6 % du capital et les non philippins 13,5 % [54]. Avec cette technique, aucun bloc d’actionnaires pouvant contester la politique suivie ne se détache.

59Le caractère familial ressort aussi de la composition des membres du board, tout comme de la liste des salaires et des bonus perçus [55]. Le caractère familial-patrimonial de l’édifice affleure également de la lecture des rapports annuels. Dans ces pages, il est bien plus question de revenus nets, de montant des dividendes reçus des différentes filiales que de la substance de leurs politiques industrielles.

60Énergie. De la distribution à la production (décarbonée). Cette branche est pilotée par First Philippines Holdings (FPH) qui intervient ensuite par des filiales spécialisées – géothermie, éolien, hydro-électrique, gaz naturel. First Gen est l’un des grands producteurs d’énergie indépendants du pays avec plus de 3489 MW de puissance installée [56].

61La géothermie est portée par EDC (une société qui intègre toute la chaîne de valeur). Elle est détenue à 60 % par les Lopez et à 40 % par une entreprise européenne et des actionnaires individuels. En 2011, elle représente 62 % du total de la puissance installée pour ce type d’énergie aux Philippines [57]. Elle exploite la centrale géothermique de Mt Apo (Mindanao) d’une puissance de 106 MW [58]. En 2015, une filiale d’EDC est en attente d’un prêt de 5 GP pour développer une centrale géothermique dans la région de Bicol : Bacon-Manito ou centrale de Bacman. EDC l’a emporté en 2010, lors de la privatisation du site, en soumettant une offre de reprise de 28,25 M$. La centrale ne produisait alors que 3 % de sa capacité ; des travaux ont été engagés à la fin 2010. En 2015, la centrale affiche une capacité de 140 MW ; l’entreprise investit 150 M$ dans une extension de 30 MW. EDC est alors le premier exploitant du pays et elle gère 12 centrales de géothermie. EDC possède et gère aussi la centrale hydro-électique de 122 MW à Pantabangan et a des projets à Ilocos (berceau de la famille Lopez) et dans d’autres provinces.

62Champ éolien à Burgos [59]. Une première phase de 87 MW pour un investissement de 300 M$ est en réalisation mi-2014. À cette époque EDC prépare la seconde phase, soit un investissement de 150 M$ pour 21 éoliennes de 3 MW, permettant de porter la capacité du champ à 150 MW. L’équipement est fourni par Vestas qui assure aussi la gestion et la maintenance par un contrat O&M sur dix ans.

63Hydro-électricité. En 2011, le groupe développe un projet de réservoir hydraulique (Balintingon project) couplé à une centrale électrique à Luzon [60] ; il vise à renforcer la fourniture d’eau et la capacité de production électrique et il permettra d’irriguer 15 000 hectares de terres agricoles. Lopez group acquiert 30 % dans une joint venture qui gèrera le barrage hydro de Angat [61] (Bucalan) avec pour autres partenaires San Miguel et un groupe coréen 40 %. Lors de l’appel d’offre en 2010, First Gen avait proposé la seconde meilleure offre derrière K-Water (le coréen). Cette centrale comprend quatre unités réalisées entre 1967 et 1968 pour une puissance totale de 218 MW. Elle a été privatisée en 2010.

64Gaz naturel. En 2015, First Gen s’apprête à engager un programme de 900 M$ pour de nouvelles centrales sur le site de Batangas [62] où il a déjà lourdement investi. On trouve ainsi 130 M$ pour Avion Power (100 MW) et la centrale San Gabriel au gaz (LNG) de 414 MW, pour un montant d’environ 600-700 M$. Suivra, en 2019, une autre unité de 414 MW, Santa Maria. S’ajoutera un terminal de regazification du gaz naturel liquéfié et une 3ème centrale de 414 MW augmentant la capacité du site de 1200 MW ; le tout est planifié pour 1G$. First Gen qui ne dispose pas de toutes les compétences recherche plusieurs industriels qui seraient associés jusqu’à 50 % de ce projet [63]. “We can bring in a major foreign partner who can operate and maintain the facility, who has that expertise. Because what we need is someone who can help us build world-class facilities”. First Gen a fait appel à Tractebel Engineering pour la conception détaillée du terminal [64].

65Le groupe exploite déjà sur ce site des centrales à Santa Rita et San Lorenzo pour une capacité de 1500 MW. Elles sont plus anciennes et alimentées par le champ gazier de Malampaya. L’investissement dans un terminal permettant d’accueillir du LNG vise à parer l’épuisement du champ sur un horizon de 10 ans. En 2010, Kepco reprend les 40 % de British Gas dans le 1er projet de 1500 MW [65]. Le groupe coréen est intéressé par les revenus stables garantis par un “purchase agreement” sur 25 ans signé avec Manila Electric Co. Kepco exploite déjà à Batangas la centrale d’Ilijan à cycle combiné d’une puissance de 1200 MW. Au total, l’électricien coréen dispose d’une capacité de production de 2218 MW aux Philippines soit 10 % du marché national à travers 4 centrales – Malaya thermal plant, Ilijan combined cycle plant et deux centrales au charbon à Cebu. Lopez Group détient 20 % du marché à Luzon avec une capacité de 3047 MW, pour la plupart produits par des centrales à énergie renouvelable. Au total Lopez Group prévoit d’investir $2,5 milliards d’investissements dans l’énergie : environ 1,4 G$ pour les 3 centrales du projet de San Gabriel, 1 G$ pour le terminal LNG et 100 M$ pour le projet Avion [66].

66Le groupe est plus en retrait dans le solaire. L’objectif est affiché mais il ne dispose pas de partenaire stable après que SunPower avec qui des relations avaient été nouées, s’est tourné vers un autre partenariat [67].

67Immobilier. L’autre axe de développement du groupe est l’immobilier, en croissance rapide, porté par Rockwell Land et First Philippine Industrial Park [68].

68L’investissement sur le site de Batangas se poursuit en aval du terminal avec les parcs industriels où le groupe a des intérêts – cette fois par sa branche immobilière. Le groupe accumule des actifs fixes en un même lieu selon une logique d’intégration verticale, à partir d’un terminal gazier qui diffuse dans la région : Cavite, Laguna, Batangas, Rizal, Quezon[69]. En mars 2014, First Philippines Industrial Park (FPIP) investit 1 GP dans une extension de 92 ha d’un parc de 350 ha, localisé à Santo Tomas (Bantagas) [70]. Ce parc, créé en 1996, est presque totalement rempli. En février 2014, il a été classifié par le gouvernement comme une zone économique spéciale. FPIP est une joint venture à 70-30 entre FPH et Sumitomo Corp.

69Rockwell Land a été créée en 1975 sous le nom de First Philippine Realty and Development Co ; elle a adopté le nom actuel après la fermeture de la centrale électrique du groupe Lopez à Makati City. Ce projet immobilier à usages mixtes (bureaux, appartements de luxe, commerces et même établissements universitaires) est d’ailleurs organisé autour d’un centre commercial, le Power Plant Mall, construit sur le site de la centrale. La société a fait son entrée en bourse en mai 2012 [71]. Elle intervient d’abord dans le marché du haut de gamme – “the ultra high-end segment” –, en plein boom [72]. Pour l’exercice 2012, la société affiche un résultat net de 1,12 GP, soit une hausse de 23 %, et prévoit de poursuivre sur ce rythme en 2013.

70Rockwell Land est aussi porté par le milieu de marché, les bureaux et les résidences services. En 2013, elle entre pour la première fois sur le vaste marché du milieu de gamme à Quezon City et engage sa première opération en dehors de Manille avec l’achat d’un terrain de 3,1 ha à Cebu City. D’autres opérations sont prévues à Quezon, San Juan et Batangas.

Conclusion

71Quels enseignements nous livre cette histoire du groupe Lopez ?

72Comme d’autres conglomérats présentés dans notre collection de « portraits d’entreprise », ce groupe se définit comme une organisation résiliente et il nous force à réfléchir à quelques trajectoires d’adaptation. Le groupe Lopez sait faire face aux crises et se réorganiser pour se développer ; son histoire récente en témoigne. Après la nationalisation de plusieurs sociétés phares, à partir de 1972 sous la présidence Marcos, le groupe n’est plus que l’ombre de lui-même. Au début des années 1990, il connaît un nouvel essor. Ses biens lui sont restitués en 1986 et le pays s’ouvre aux politiques de libéralisation dans les infrastructures. Le groupe est incontournable dans la distribution électrique avec Meralco, dans les médias avec ABS-CBN (tableau 1) et il se diversifie dans de nombreuses infrastructures. À la fin de la décennie, la situation s’inverse. Deux crises économiques générales mettent à mal la croissance des Philippines. Le peso est dévalué [73] ; la dette du groupe exprimée en dollar augmente et le met en péril. Pour protéger les usagers, les autorités de régulation refusent plusieurs hausses tarifaires ; Meralco et Maynilad sont directement impactées. Enfin, le groupe perd ses appuis politiques ; des investigations sont conduites. L’ouverture des marchés vient à point faciliter l’entrée de nouveaux concurrents. Finalement, le groupe se retire de ses deux utilities : Maynilad en 2003 et Meralco en 2009. Il cède aussi ses participations dans plusieurs secteurs pour conserver la production d’électricité (centrée sur des énergies renouvelables), les médias et communications, la promotion immobilière. Mais ce vaste mouvement de rétraction, qui fait suite à une phase d’expansion, ne signifie pas un affaiblissement. En 1992, le chiffre d’affaires de Benpres Holdings était d’environ 500 millions de dollars. Vingt-cinq ans plus tard, celui de Lopez Holdings (qui succède à Benpres) est de l’ordre de 3 milliards de dollars.

73La comparaison avec le groupe Ayala, qui lui aussi a connu les mêmes turbulences dans son environnement économique et politique, fait immédiatement apparaître une différence importante. Alors que la famille Zobel de Ayala a toujours maintenu une certaine distance vis-à-vis de l’appareil d’État, – au moins en façade –, les Lopez ont au contraire surjoué la carte politique. Il semble que les crises successives qu’a connues le groupe l’ont amené à modifier sa posture en adoptant une approche plus gestionnaire des marchés. On retrouverait alors une trajectoire déjà observée avec les transformations du groupe Salim. L’arrivée d’une nouvelle génération aux postes de responsabilité, les attentes des investisseurs étrangers ne sont pas étrangères à ces évolutions. Mais sont-elles durables ? Si l’on admet qu’il existe des modèles de gouvernement urbain combinant la nature des institutions publiques, le fonctionnement des marchés et les caractéristiques des grandes firmes, alors ces dernières n’évoluent pas de manière détachée par rapport aux autres forces qui organisent leur environnement. La puissance des conglomérats privés et leurs relations fortes au politique font partie d’un système d’action collective très ancien et ancré. Certes il peut s’amender, les aspérités les moins acceptables peuvent se réformer, mais restent des invariants.

74Par les choix industriels faits par le groupe pour s’adapter, cette histoire nous renseigne sur la nature des marchés urbains. À l’intérieur d’un même vaste marché – la fabrique urbaine – il existe plusieurs entrées possibles. Le critère déterminant tient aux mécanismes organisateurs du marché et au degré d’intervention de la puissance publique. Dans les utilities, le risque est d’être dépendant de facteurs politiques pour la fixation des tarifs et ce risque augmente dans les pays où les principes de probité et d’intérêt général n’organisent pas toujours l’action publique. Dans ces cas mieux vaut rester dans la partie privée de la fabrique urbaine – promotion résidentielle, bureaux, centres commerciaux, complexes intégrés de loisirs, télévision à péage, services à l’industrie, production d’électricité, parcs industriels etc. Ces activités sont moins contestées, que ce soit pour la branche business to business que pour ce qui relève de la communication et du divertissement. La nouvelle génération qui préside au développement de Lopez group a fait le deuil de l’engagement politique. La famille y a consacré beaucoup de temps, d’énergie et d’argent mais en politique, on ne contrôle jamais tout. Les amitiés peuvent se défaire, les lignes de fracture du passé peuvent ressurgir et tout transformer. Comme pour la famille Salim, les actuels dirigeants de Lopez Group adoptent une attitude qui privilégie l’action de marché aux connexions politiques.

75Cette histoire nous instruit aussi sur le fonctionnement des conglomérats. Lorsque le groupe Lopez a été affaibli, les autres n’ont pas sonné l’hallali. Certes, le vieux cerf disposait encore de forces et pouvait se défendre mais dans ces comportements collectifs on peut voir aussi autre chose. Tout se passe comme si les ‘familles’ à la tête des conglomérats intériorisaient l’idée qu’ils faisaient partie d’un même sous-ensemble qui les distinguait de l’État, du marché ouvert et des concurrents étrangers. Dans ces conditions mieux vaut s’entendre et recomposer à l’amiable les frontières entre secteurs. Notre suivi de la presse économique sur plus de vingt ans semble établir que ce capitalisme congloméral ne pratique pas l’OPA inamicale, l’entrée par effraction. La concurrence est certes rude, parfois, mais l’hypothèse serait que les familles savent où s’arrêter car derrière la rationalité des épures économiques se jouent des transferts d’actifs et ces derniers constituent la base des patrimoines. Ces élites conglomérales savent que les succès sont réversibles et qu’une victoire à la Pyrrhus ne vaut rien. Dans ces conditions mieux vaut trouver des compromis pour un enrichissement mutuel.

76Il reste à Lopez Group à passer le test de la troisième génération. Pour l’instant leur contrôle par une société familiale complété par le dispositif financier des PCNC (Philippine Central Deposit Nominee Corp.) est solidement assuré. Mais que se passera-t-il en cas de réformes des PCNC et sans doute l’arrivée d’actionnaires ayant un droit de vote ? Le capital de la famille est morcelé entre une vingtaine d’héritiers. Actuellement, les conglomérats ne sont pas mis en cause aux Philippines. On pourrait même dire qu’ils apportent une certaine vision nationale, des stratégies de long terme qui viennent compenser un État faible. L’actuelle présidence Duterte vient renforcer leur raison d’être car s’il est question de réformes de l’État, celui-ci continue d’agir en s’appuyant sur les grands conglomérats.

Benpres Group : schéma de contrôle vers 1992/1993

Benpres Corp. (100 % famille) détient 65 % de B Holdings (a), 18.3 % Public, 16.6 % (x)
Fortune estimée de la famille Lopez en 1996, 1 G$ (b).
B. HoldingsMeralco (30 %), distribution d’électricité à Manille
First Philippine Holdings Corp. (29 %)
First Private Power, joint venture avec J.G. Summit
Banque avec J.G. Summit
ABS-CBN 71 %
Sky-Vision 20 %
(a) Benpres Holdings introduite en bourse en 1993
(b) Business Week, Oct. 20, 1997, p. 31.
En 2010 le groupe change de nom : Benpres Holdings devient Lopez Holdings.

Bibliographie

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 08/04/2019.

https://doi.org/10.3917/flux1.115.0058

Notes

  • [1]
    Note PEE, 11-1994.
  • [2]
    Un membre de la famille épousa la fille d’un président en 2000, ce sera “the wedding of the millennium” (Far Eastern Economic Review, Aug. 15, 2002, p. 38-42).
  • [3]
    Manila Bulletin, 12 juin 2011.
  • [4]
    La production d’électricité d’origine géothermique la plus importante du pays, des centrales électriques d’une capacité de 1500 MW alimentées par le gaz naturel de Malampaya, voisin, des éoliennes.
  • [5]
    InPR, 19 avril 2015. La presse économique considère que le groupe a été formellement créé par Eugenio Sr et son frère Fernando en 1928 et qu’aujourd’hui la troisième génération prend les commandes.
  • [6]
    InPR, 19 avril 2015.
  • [7]
    Business World, 21 septembre 2011.
  • [8]
    Business World, 2 juillet 2012.
  • [9]
    Lopez Holdings Corp. and subsidiaries, 2017, Form 17-A, p. 1. Voir aussi “the Lopez credo”, Annual report 2015, p. 4.
  • [10]
    The Philippine Star, 26 juin 2010.
  • [11]
    InPR, 19 avril 2015.
  • [12]
    Article 2 des statuts de La Electricista (Estatutos de la Electricista Sociedad anónima domiciliada en Manila), mis en ligne par l’Université de Santo Tomas. Traduction de l’espagnol, Morgan Mouton (texte consulté le 6 février 2019, disponible à l’adresse : http://digitallibrary.ust.edu.ph/cdm/ref/collection/section5/id/124623).
  • [13]
    Estatutos de la Electricista Sociedad anónima domiciliada en Manila, article 6.
  • [14]
    Site Internet de la National Power Corporation : http://www.napocor.gov.ph/.
  • [15]
    Marcos, 1976, Notes on the New Society of the Philippines, p. 23, cité par McCoy (2015, p. 169).
  • [16]
    Site Internet de Meralco : http://www.meralco.com.ph/about-us/history.
  • [17]
    Rapport No. 5070-PH de la Banque mondiale : « Memorandum and Recommendation of the President of the International Bank for Reconstruction and Development to the Executive Directors on a Poposed Loan in an Amount Equivalent to US$65.5 Million to the Development Bank of the Philippines With Guarantee Of the Republic of the Philippines for a Manila Power Distribution Project », Mai 1989. Document en ligne (consulté le 7 février 2019) disponible à l’adresse suivante : http://documents.worldbank.org/curated/en/442881468293461648/text/multi-page.txt.
  • [18]
    Note du poste d’expansion économique.
  • [19]
    Financial Times, Feb. 28, 1996 (noté FT pour la suite).
  • [20]
    Asian Wall Street Journal, March 11, 1993, p. 13 (noté pour la suite AWJ).
  • [21]
    AWJ, March 11, 1993, p. 13.
  • [22]
    AWJ, May 4, 1995.
  • [23]
    AWJ, Oct. 29, 1992 ; Dec. 17, 1992.
  • [24]
    J.G. Summit Holdings est la holding de tête de la famille Gokongwei. En 1992, ce conglomérat affichait un chiffre d’affaires de 332 millions de dollars, provenant de l’agro-alimentaire (71 %), du textile et habillement (19 %), de la promotion immobilière et de la finance.
  • [25]
    AWJ, Feb. 21, 1996.
  • [26]
    Far Eastern Economic Review, March 7, 1996, p. 61 (noté FEER pour la suite).
  • [27]
    Business Week, Oct. 20, 1997, p. 31.
  • [28]
    FT, June 17, 1997.
  • [29]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [30]
    FT, Sept. 23, 1997.
  • [31]
    FT, February 27, 1998, Marozzi.
  • [32]
    FT, Jan. 14, 1999.
  • [33]
    FT, June 26, 2001.
  • [34]
    FT, June 26, 2001.
  • [35]
    The Manila Times, May 23, 2005 FT, June 3, 2009, p. 15.
  • [36]
    Businessworld, Manila, March 2, 2001.
  • [37]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [38]
    FEER, Aug 15, 2002, p. 38-42.
  • [39]
    FEER, Aug. 15, 2002, p. 38-42.
  • [40]
    Pour une analyse des facteurs généraux qui conduisent le groupe Lyonnaise des Eaux à quitter ce contrat comme d’autres à la même époque, voir : Lorrain 2005, en particulier p. 353.
  • [41]
    Les études préparatoires à l’appel d’offre tablaient sur une parité dollar/peso de 1 pour 26 ; en juillet 1997 au moment de la dévaluation, le peso dévisse jusqu’à 1 pour 50, pour se stabiliser autour de 1 pour 34.
  • [42]
    FT, Jan. 3, 2003.
  • [43]
    FT, Feb. 1, 2004. La Cour suprême a jugé en 2003 qu’une hausse des tarifs en 1994 était illégale et a donc condamné l’entreprise à rembourser le trop perçu depuis cette date. Meralco a dû passer dans ses comptes une provision de 27 GP (environ 500 M$).
  • [44]
    FT, June 3, 2009, p. 15.
  • [45]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [46]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [47]
    Manila Standard, 25 juillet 2012 et 31 janvier 2012.
  • [48]
    The Philippine Star, 12 mai 2011.
  • [49]
    Annual report 2017, p. 31/28 (pages pdf. et document papier respectivement).
  • [50]
    Annual report 2017, p. 1. Le groupe sort de la santé mais dans le même rapport on peut lire : « au début de l’année FPH s’est renforcée dans Asian Eyes Institute pour en contrôler 68 % ». Le groupe continue d’explorer des voies possibles de développement.
  • [51]
    Annual report 2017, p. 70, GPHP ou milliard de peso Philippins.
  • [52]
    Annual report 2017, p. 7/4 (pages pdf. et document papier respectivement).
  • [53]
    Taux de change, en août 2018 : 52,6 pesos pour 1 dollar.
  • [54]
    Annual report 2017, p. 14.
  • [55]
    Annual report 2017, p. 22-26.
  • [56]
    Annual report 2017, p. 5.
  • [57]
    The Philippine Star, 24 mai 2011.
  • [58]
    Manila Standard, 3 avril 2012.
  • [59]
    Project Finance, 6 mai 2014.
  • [60]
    Manila Bulletin, 13 mars 2011.
  • [61]
    Manila Standard, 21 mai et 23 mai 2014.
  • [62]
    Manila Bulletin, 9 mars 2015 ; Manila Bulletin, 10 juin 2014.
  • [63]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [64]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [65]
    Thai News Service, 1 octobre 2010.
  • [66]
    The Philippine Star, 16 janvier 2014 ; The Philippine Star, 16 août 2010.
  • [67]
    The Philippine Star, 16 août 2010.
  • [68]
    Manila Standard, 28 mai 2013.
  • [69]
    Manila Bulletin, 6 juin 2015.
  • [70]
    Manila Standard, 4 mars 2014.
  • [71]
    Business World, 30 mai 2013.
  • [72]
    Business World, 30 mai 2013.
  • [73]
    Taux de change moyen des années 1995-1999 (30 :1, soit 30 pesos pour 1 dollar) ; taux moyen des années 2000 (45 :1) ; taux en août 2018 (52 :1).
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