Flux 2017/2 N° 108

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Article de revue

Portrait d’entreprise

Le mobilier urbain et la publicité : JCDecaux et Clear Channel Outdoor

Pages 88 à 104

Notes

  • [1]
    Chiffres tirés du rapport annuel 2014 de l’entreprise JCDecaux.
  • [2]
    Voir l’histoire du groupe relatée dans le rapport d’activité annuel 2003 [En ligne] (consulté le 28 août 2012) Disponible à l’adresse : http://www.JCDecaux.com/fr/Le-groupe-JCDecaux/Rapport-annuel
  • [3]
    Voir décision du Conseil de la concurrence, n° 98-D-52 du 7 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain.
  • [4]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2001.
  • [5]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2016.
  • [6]
    Voir : “Clear Channel Agrees to Buy Eller Media”, The New York Times, February 26 1997.
  • [7]
    “Acquisition of Billboards Fullfils Founder’s Plan”, The New York Times, January 24, 1986.
  • [8]
    Earning before interest taxes, depreciation and amortization, (en français : excédent brut d’exploitation).
  • [9]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2001.
  • [10]
    Voir le tableau des 50 plus grandes villes américianes sous contrat avec Clear Channel Outdoor, estimation 2013 [En ligne] (consulté le 2 février 2016) Disponible à l’adresse : http://clearchanneloutdoor.com/where-we-are/
  • [11]
    Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JCDecaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    En France, la durée de ces contrats a déjà donné lieu à une régulation nationale pour en limiter leur portée car les marchés s’étalaient bien souvent au-delà de 20 ans. Voir : Avis de la Commission de la concurrence du 23 février 1978. Voir également la circulaire du ministre de l’Intérieur 78-207 du 18 mai 1978 et la Loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré enseignes.
  • [14]
    « Le groupe Decaux remporte le marché d’affichage publicitaire parisien », Le Monde, le 29 janvier 2007.
  • [15]
    « Contrat parisien : nouveau recours de Clear Channel contre JCDecaux », Les Échos, le 16 avril 2007.
  • [16]
    Entretien avec le chargé de mission Vélos en libre-service de Clear Channel Outdoor, direction des opérations de l’Europe du sud, Dijon, le 29 juin 2010.
  • [17]
    Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JCDecaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
  • [18]
    Arrêt de la Cour d’appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 22 février 2005 relatif au recours formé par la société JCDecaux contre la décision n° 04-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 8 juillet 2004 relative à la saisine de la société More Group France contre les pratiques du groupe Decaux.
  • [19]
    Concernant le marché parisien, au moment de finaliser cet article en avril 2017, l’attribution du marché de l’affichage publicitaire et du mobilier urbain avait été fait à l’entreprise JCDecaux, alors que le marché des vélos en libre-service avait été concédé à l’entreprise Smoove, dans le cadre d’un dégroupement des marchés.
  • [20]
    Nous pouvons par exemple citer la présence de Clear Channel Outdoor dans le programme européen Optimising Bike Sharing in European Cities (OBIS 2008-2011).
English version

1Depuis une dizaine d’années, les grandes firmes spécialisées dans le mobilier urbain et l’affichage publicitaire ont renforcé leur présence et leur visibilité dans les grandes villes en diffusant des systèmes de vélos en libre-service. Les deux leaders, l’entreprise française JCDecaux et la société américaine Clear Channel Outdoor, ont particulièrement tiré profit de cette innovation. Cependant, cette diversification dans les politiques de mobilité qui donne à ces entreprises une image de modernité cache en réalité une pluralité d’offres de service développée depuis plus longtemps.

2Dans ce secteur, le modèle économique est apparu avec la création de l’entreprise JCDecaux, en 1965, avec l’idée de proposer aux villes des services gratuits pour les finances publiques (abribus, sanisettes), financés par la publicité. Cette innovation a bouleversé le secteur traditionnel de l’affichage publicitaire établi depuis le début du XXe siècle en Europe et aux États-Unis. Le financement des mobiliers urbains se réalise alors par les recettes de l’affichage publicitaire qui représentent une importante manne financière à la fois pour les opérateurs et pour les villes : ces dernières récoltent parfois plusieurs millions d’euros par an. Dans ce contexte, le marché de l’affichage publicitaire procure de nombreuses perspectives de développement pour les firmes en partenariat avec les villes, d’autant qu’il est soutenu par la croissance des grandes métropoles des pays émergents.

3Si les services de mobilité ne représentent qu’une partie infime de l’activité des entreprises, au regard des nombreux contrats engrangés pour le mobilier urbain et l’affichage extérieur, la mobilité est en réalité au cœur du fonctionnement de l’activité publicitaire de ces grandes firmes à travers les réseaux de transports, les aéroports, la voirie, etc. S’intéresser aux principales firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, c’est aussi comprendre le rôle presque incontournable de ces entreprises dans l’équipement des espaces publics des grandes villes, la construction spatiale des services de mobilité et le développement récent des outils numériques dans la ville.

4Le marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire dans lequel les vélos en libre-service sont, le plus souvent, intégrés, a été façonné en grande partie par l’entreprise française JCDecaux dont une particularité est de s’être mondialisée tout en restant familiale. La société est détenue à plus de 70 % par la famille et Jean-Claude Decaux (ancien président et fondateur), et ses fils, Jean-Charles, Jean-François et Jean-Sébastien en sont les managers. L’entreprise est aujourd’hui leader mondial du marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire avec une présence dans plus de 4 200 villes, 1900 centres commerciaux et 220 aéroports. Depuis 2014, son offre de vélos en libre-service, Cyclocity, est implantée dans plus 70 villes [1].

5Le principal concurrent de JCDecaux est l’entreprise américaine Clear Channel Outdoor, filiale de iHeart Media, une multinationale spécialisée dans les médias et la communication. Ce groupe s’est d’abord développé aux États-Unis où le contexte concurrentiel est intense. En 2016, le numéro 3 et le numéro 4 mondial du secteur sont également des entreprises américaines. Clear Channel Outdoor s’est implantée en Europe en 1998 en rachetant la société britannique More Group et la société française Dauphin. Cette implantation européenne se lit pour une part comme la conséquence d’une régulation européenne, traduite à l’échelle nationale, visant à atténuer la position dominante de JCDecaux. Le rachat de groupes européens par Clear Channel Outdoor est aussi le résultat d’une consolidation du marché aux États-Unis, grâce à la puissance financière du groupe Clear Channel Communication, devenue iHeart Media. Quelles sont les spécificités des principaux acteurs du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire ? Quels sont les vecteurs de croissance pour les grandes firmes du secteur à l’échelle mondiale ? Si leurs offres répondent à des aspirations sociétales et à des attentes politiques et institutionnelles fortes, leurs stratégies de croissance diffèrent et traduisent des cultures d’entreprises spécifiques.

JCDecaux, un groupe familial français, leader mondial du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire

JCDecaux

Date de création : 1965
Siège social : Neuilly-sur-Seine (France)
Chiffre d’affaires 2016 : 3,69 G$ (3,39 G€)
Cotée en bourse à l’Euronext 100 à Paris, au Dow Jones Sustainability à New York
n° 1 mondial du mobilier urbain (559 070 faces publicitaires)
n° 1 mondial de la publicité dans les transports avec 220 aéroports et 260 contrats de transport dans les métros, bus, trains et tramways (354 680 faces publicitaires)
n° 1 européen de l’affichage grand format
n° 1 mondial du vélo en libre-service (70 villes équipées en 2014)
Une présence dans 4280 villes de plus de 10 000 habitants
Environ 13 000 salariés en 2016

6La première société fondée par Jean-Claude Decaux en 1955 entretenait une activité d’affichage routier en France, qu’elle a dû stopper suite à la loi de Finances de 1964 instituant de lourdes taxes dans ce secteur (Carmona, 1985). Jean-Claude Decaux a alors l’idée nouvelle de proposer aux élus des abris d’autobus – financés par la publicité ; à l’époque on parle aussi « d’aubettes ». Les recettes de l’affichage publicitaire sont au cœur du modèle économique puisque l’activité de mobilier urbain naissante est alors proposée aux collectivités en échange d’affichages publicitaires permettant d’implanter et d’entretenir ces mobiliers. En s’appuyant sur ce modèle économique fondé sur la gratuité et qui permet aux élus de ne pas faire appel à l’impôt pour le financement de mobiliers urbains et en diversifiant son offre, la société parvient à se bâtir un domaine contractuel qui lui garantit une position à la stabilité accrue. Elle remporte de nombreux marchés dès la fin des années 1960, comme celui présenté comme fondateur, à Lyon en 1965 (Huré, 2012). Au gré des opportunités, elle s’implante alors dans de grandes métropoles (Lyon, 1965 ; Bruxelles, 1967 ; Paris, 1971) et dans de nombreuses villes de taille plus réduite, en région parisienne notamment. En outre, le marché de l’affichage publicitaire extérieur est alors en pleine expansion (Martin, 1992). Son modèle de croissance repose avant tout sur un suivi des besoins de ses clients pour compléter sa gamme de services, et se fonde ainsi sur le même modèle que de nombreuses firmes de services urbains, par exemple dans le secteur de l’eau (Lorrain, 2002).

7Au cours des années 1970, JCDecaux incorpore progressivement de nouveaux mobiliers dans ses offres : abribus avec ou sans publicité, panneaux d’affichage, signalisation de voirie, signalisation de congrès, bancs publics, cabines téléphoniques, plaques de rue, éclairage public, corbeilles à papier, sanitaires publics, journal d’information municipale, etc. Cette polyvalence de l’offre n’est pas le seul vecteur de développement ; dans les années 1970, l’entreprise harmonise les formats publicitaires pour répondre au besoin des décideurs urbains de réduire les publicités anarchiques et mieux organiser la publicité sur leur territoire. Cette harmonisation a aussi rencontré un écho favorable chez les annonceurs publicitaires, soucieux de maintenir une production industrielle standard des affiches.

8JCDecaux va également bénéficier de la construction institutionnelle des agglomérations en proposant d’unir les contrats qu’elle détient dans différentes villes d’une même agglomération dans le cadre de la naissance des intercommunalités en France. Par exemple, en région lyonnaise, l’entreprise s’installe à Lyon, Villeurbanne, Caluire et Cuire, Rilleux, Bron et Vénissieux, entre 1965 et 1969, en passant des contrats avec chacune de ces communes. Ces accords sont unifiés en 1969 avec la création de la Communauté urbaine de Lyon, avant la signature d’une convention en 1972 qui étend la couverture spatiale de JCDecaux à l’ensemble du territoire de la Communauté urbaine. L’entreprise étend progressivement son implantation physique sur la ville. En 1979, la Communauté urbaine dénombre déjà 599 abribus sur son territoire. En 1987, elle en recense 1004. Le contrat portant sur la période 2004-2017 a permis d’accroître cette présence à 2200 abribus, 600 panneaux publicitaires, 4000 vélos et 343 stations, ainsi que divers mobiliers. L’accroissement de la couverture territoriale et la diversification du mobilier urbain représentent les premières stratégies de développement local des marchés par JCDecaux.

9Une des spécificités de JCDecaux est de travailler sur les objets immobiles de la mobilité, comme les abribus et les bornes des vélos en libre-service et en même temps de vivre de la mobilité : le prix des supports pour les affiches est, le plus souvent, calculé en fonction du nombre de passages d’automobiles, y compris pour la publicité qui est censée financer les vélos en libre-service. Dans les années 1970, l’entreprise n’est plus un simple prestataire de mobilier urbain. Elle noue des partenariats avec divers fournisseurs et institutions pour proposer un paquet de dispositifs financés par la publicité. Dès 1970, elle signe une convention avec le ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) pour équiper ses abribus d’un espace pouvant accueillir une cabine téléphonique, à une époque où cet équipement n’est pas encore totalement banalisé.

10À l’époque, seules deux entreprises françaises s’avèrent capables de concurrencer JCDecaux en milieu urbain : Arsi-publicité, une petite entreprise familiale créée en 1961, et surtout Avenir Publicité qui dispose en 1985 d’environ 5000 faces publicitaires en France contre 50 000 pour JCDecaux (Carmona, 1985, p. 56). Créé en 1971, le groupe Avenir Publicité devient le numéro deux français de l’affichage urbain et participe par exemple à l’appel d’offres de la Communauté urbaine de Lyon en 1972. Ses prestations sont aussi diversifiées que celles de JCDecaux – abris, bancs, fontaines, jardinières, aménagements piétons, kiosques à journaux, etc. –, mais il s’oriente progressivement vers le marché de l’affichage publicitaire dans les aéroports, dont il prend la tête à l’échelle européenne au cours des années 1990.

11Cette concurrence nationale pousse JCDecaux à investir les marchés internationaux. L’entreprise s’est ainsi inscrite dans le mouvement de globalisation des services urbains, observé au tournant des années 1990 (Lorrain, 2002). Son internationalisation débute à partir du début des années 1980. Elle étend son activité aux marchés européens, puis sur les continents asiatiques et nord-américains. Le premier marché important gagné en dehors du territoire français est celui de la ville de Hambourg en 1982 [2]. JCDecaux signe son premier contrat aux États-Unis, en 1993, à San Francisco. L’entreprise s’internationalise aussi parce qu’elle subit une série de régulations en 1998 en France, notamment contre ses pratiques de reconduction tacite des contrats sur le marché français. En 1998, une décision du Conseil de la concurrence oblige alors les collectivités françaises à mettre en œuvre des appels d’offres pour éviter les reconductions tacites de contrat avec les opérateurs [3]. Cette régulation n’est pas anodine puisqu’elle va permettre à son principal concurrent, Clear Channel Outdoor, de s’implanter en France et sur le continent européen.

12En 1999, JCDecaux marque les esprits en rachetant le groupe français Avenir Publicité, ce qui contribue à accroître la concentration du marché. La part de la France dans le chiffre d’affaires de JCDecaux reste cependant très importante, avec 46 % en 1999. Le Royaume-Uni représente alors 14 %, le reste de l’Europe, 29 %, l’Asie, 6 % et les Amériques, 5 % [4]. Ainsi, en 1999, la part du chiffre d’affaires de l’entreprise en dehors du continent européen est seulement d’un peu plus de 10 %. Deux ans plus tard, JCDecaux fait son entrée en bourse à Paris. Cependant, aujourd’hui encore, l’internationalisation concerne essentiellement le marché européen dans lequel JCDecaux exerce une position dominante et qui représente en 2016 plus de 50 % de son chiffre d’affaires (voir tableaux 1 et 2 en fin d’article). Les marchés asiatiques représentent alors 24 % ; l’Amérique du nord ne pèse que 8 %, ce qui témoigne des difficultés de l’entreprise à s’implanter aux États-Unis, plus de vingt ans après son premier contrat à San Francisco [5]. La prise de contrôle de la société Continental Outdoor en 2014, marque une entrée dans le marché africain.

13Ces succès depuis 1965 ont aussi une composante privée. Jean-Claude Decaux a formé ses fils et leur a transféré progressivement des responsabilités en particulier dans la stratégie d’internationalisation. Jean-François Decaux et Jean-Charles Decaux deviennent co-présidents du directoire en 2002. Après des études à l’étranger, les deux frères trouvent en l’entreprise familiale une véritable école. Ils intègrent l’entreprise à 23 ans. Jean-François débute en 1982 avec la création de la filiale allemande, tandis que Jean-Charles prend la tête de la filiale espagnole en 1991. Dès 1994, il occupe la direction du groupe en Amérique latine et en Asie. Jean-Sébastien, le troisième fils, rejoint le groupe en 1998, au sein de la filiale du Royaume-Uni à l’âge de 22 ans. Il est aujourd’hui directeur général de l’entreprise en Europe du Sud, Afrique, Belgique, Luxembourg et Israël. La consécration des enfants de Jean-Claude Decaux à la tête de l’entreprise correspond à une période où l’entreprise de transforme, financièrement et dans sa stratégie interne. L’entrée en bourse en 2001 élargie l’assise financière du groupe, dont près de 29 % des actions sont aujourd’hui détenues par de petits porteurs. Cette mutation va également permettre de réorienter sa stratégie vers le rachat de sociétés et la création de nombreuses filiales en partenariat avec d’autres sociétés nationales ou locales : accord avec le groupe autrichien Gewista en 2001 ; création de la filiale IGP Decaux en Italie en 2001 ; alliance avec Viacom aux États-Unis (2001) et au Canada (2002) ; en 2003, elle devient majoritaire dans la société Wall USA aux États-Unis ; elle participe à hauteur de 33 % de la société Metrobus en 2005 et à 100 % en 2016 en France ; en 2005, elle rachète Viacom Outdoor Finland en Finlande et Texon International à Hong Kong, etc.

14Le plus gros rachat concerne l’entreprise espagnole Cemusa en 2014 (chiffre d’affaires de 142 millions d’euros en 2014), devenant du même coup l’opérateur du marché de New York que l’entreprise française avait perdu quelques années plus tôt. Avec cette acquisition, JCDecaux a récupéré la gestion de l’affichage publicitaire dans 41 aéroports et a également étendu ses positions à Rio de Janeiro, Brasilia, Madrid, Barcelone, Lisbonne et Gênes. Aujourd’hui, l’entreprise dispose de nombreux partenariats avec les entreprises du numérique comme Apple ou Google. JCDecaux renouvelle également ses mobiliers urbains afin de maintenir leur image moderne, puisque, objets de design, ils sont sensibles aux tendances qui peuvent rapidement changer et conduire les annonceurs à se détourner d’eux. Sa stratégie passe par une collaboration avec de grands noms du design et de l’architecture, comme elle le fit pour le dessin des abribus parisiens, confié depuis les années 1990 à l’architecte anglais internationalement reconnu Norman Foster.

15Autrement dit, cinquante ans après sa création, le groupe JCDecaux a acquis une position de numéro un mondial du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire à partir d’une culture d’entreprise familiale fondée sur ses compétences industrielles et institutionnelles, permettant de consolider et de remporter de nombreux contrats auprès de ses clients. Par ailleurs, avec le renforcement de son haut de bilan, sa force de frappe financière, et de son positionnement international, l’entreprise a engagé une nouvelle stratégie de rachat de sociétés locales, nationales et internationales afin de conquérir des marchés en dehors de la France, sans pour autant renoncer à ses fondamentaux. Ce changement s’est opéré au contact d’un environnement concurrentiel renouvelé à partir de la fin des années 1990 avec l’émergence de la société américaine Clear Channel Outdoor, n° 2 mondial du secteur.

Clear Channel Outdoor : filiale d’une multinationale américaine des médias et de la communication

Clear Channel Outdoor

Date de création : 1997
Siège social : San Antonio (USA)
Clear Channel Outdoor est une filiale du groupe américain iHeart Media, anciennement Clear Channel Communication, spécialisé dans les médias de masse aux États-Unis et dans le monde (radios, télévisions, diffusion musicale, presse, internet).
Chiffre d’affaires de Clear Channel Outdoor 2015 : 3 G$
Cotée à New York (NYSE)
n° 1 mondial de l’affichage grand format (650 000 dispositifs publicitaires dans le monde)
n° 2 mondial du mobilier urbain
n° 2 mondial de la publicité dans les transports avec 280 aéroports
Une présence dans 35 pays
La France est son deuxième marché après celui des États-Unis
7800 salariés en 2012

16L’entreprise Clear Channel Outdoor découle en réalité d’un changement de nom du groupe américain spécialisé dans l’affichage extérieur, Eller Media, après son rachat par Clear Channel Communication, en 1997. Ce changement nous renseigne sur la maison mère, Clear Channel Communication devenue iHeart Media, qui fonctionne comme une multinationale d’investissement dans les médias (télévision, radio, internet, etc.). Formé en 1972, ce groupe a, dans les années 1980-1990, tenté de regrouper les différentes activités stratégiques en matière de médias et de télécommunication aux États-Unis. À cet égard, le rachat d’Eller Media représente alors un tournant [6] puisque l’activité d’affichage extérieur atteint avec ce rachat près de 40 % de l’activité totale de la firme américaine, jusque-là concentrée sur les chaînes de télévision, les stations de radio et l’organisation d’événements et de spectacles grand public aux États-Unis. Le rachat d’Eller Media marque également une transformation importante dans l’activité du groupe Eller Media qui, depuis 1901, s’était davantage distingué par son expertise auprès des collectivités américaines, notamment dans l’affichage extérieur. Clear Channel Communication va lui apporter son ingénierie financière.

17L’histoire d’Eller Media remonte à la fondation, en 1901, d’une première société d’affichage publicitaire Foster & Kleiser. Son histoire s’inscrit en lien avec celle de l’automobile car sa première activité fut d’implanter des panneaux publicitaires au bord des routes aux États-Unis, puis sur les véhicules. En 1916, elle remporte un premier contrat dans une grande ville, à San Francisco, pour des publicités lumineuses. En 1918, après le rachat d’une société locale, Foster & Kleiser s’implante à Los Angeles puis sur l’ensemble de la côte ouest des États-Unis où elle détient environ 600 contrats en 1926. La fin des années 1920 marque son expansion dans tout le pays, notamment à Chicago et à New York. La société profite également du développement des camions d’annonce publicitaire parcourant les routes aux États-Unis pour diversifier son activité. La crise économique des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale touchent durement l’entreprise, qui perd aussi ses deux fondateurs Walter Foster (1944) et George Kleiser au sortir de la guerre (1952). L’expansion reprend dans les années 1950-1960 avec une nouvelle spécialisation dans le conseil auprès des villes, en matière d’aménagement et de design. Elle commence ainsi à s’intéresser au mobilier urbain.

18Après une période de forte mobilisation contre les espaces publicitaires aux États-Unis dans les années 1970, notamment dans les villes de Seattle ou de San Francisco, dans lesquelles Foster & Kleiser est implantée, l’entreprise devient numéro un de la publicité extérieure aux États-Unis avec plus de 40 000 faces publicitaires sur le territoire dans les années 1980. En 1986, Foster & Kleiser est rachetée, pour 710 millions de dollars, par le groupe Patrick Media Group, dont le fondateur a participé à élaborer les lois américaines pour réglementer la publicité aux États-Unis au début des années 1980 [7]. Patrick Media Group lui-même est racheté en 1995 par un fond de Private Equity Hellman & Friedman Capital Partners et par Eller Media Compagny, dont le fondateur, Karl Eller, était un salarié de Foster & Kleiser dans les années 1960. Ces rachats successifs témoignent du processus de concentration des entreprises du marché aux États-Unis. Au moment de la vente d’Eller Media à Clear Channel Communication, le groupe était le numéro un du marché aux États-Unis avec 88 000 faces de publicité extérieure. En revanche, ses compétences développées nationalement ne sont pas exportées puisque Eller Media ne s’est pas internationalisée. Cette stratégie strictement nationale va être remise en cause avec Clear Channel Outdoor.

19Le rachat d’Eller Media par Clear Channel Communication en 1997 a ainsi transformé profondément le paysage des firmes de l’affichage extérieur, d’abord aux États-Unis, puis sur les marchés internationaux. Le principal changement observé fut le nombre d’opérations de rachat engagé à l’initiative de Clear Channel Outdoor dans le secteur. Rien qu’aux États-Unis, pas moins de six grandes sociétés ont été acquises depuis 1997 : Universal Outdoor ; Paxton Outdoor ; Ackerley Media ; Badger Outdoor ; ABC Outdoor et Hansen Outdoor. Ces rachats ont permis de consolider le secteur aux États-Unis.

20La deuxième grande transformation est la conquête de premiers contrats internationaux, toujours grâce à une stratégie de rachat d’entreprises, notamment européennes. En 1998, Clear Channel Outdoor rachète ainsi le premier groupe britannique d’affichage extérieur et de mobilier urbain, More Group, l’un des principaux concurrents de JCDecaux, détenant plusieurs marchés en Europe. La même année, le groupe rachète le numéro un italien du mobilier urbain, Sirocco, également présent dans 3000 communes françaises. En 1999, c’est au tour du groupe français Dauphin d’être racheté pour environ 460 millions d’euros. Avec ces trois rachats, l’activité de Clear Channel Outdoor en Europe s’établit en 1999 à environ 400 millions d’euros de chiffre d’affaires, devenant pendant quelques mois le numéro un du secteur sur le continent. La France devient son deuxième marché après les États-Unis. Depuis ces acquisitions, le groupe réalise à l’international environ 40 % de son ebitda [8].

21D’un processus de croissance fondé sur les contrats avec des villes et des concessionnaires d’autoroute, Eller Media, devenu Clear Channel Outdoor, est donc passé à une croissance fondée sur l’acquisition d’entreprises du secteur aux États-Unis et sur les marchés internationaux, en profitant de l’ingénierie financière de la maison mère iHeart Media, détenue par des fonds d’investissement. S’intéresser à Clear Channel Outdoor aujourd’hui revient donc à appréhender la montée en puissance des fonds d’investissement financier dans la fabrique urbaine et au déploiement de leur ingénierie financière. D’une part, iHeart Media est détenue depuis 2008 par les fonds d’investissement américains Bain Capital Private Equity et Thomas H. Lee Partners. D’autre part, ses activités sont diversifiées, témoignage de l’éclectisme de ces conglomérats financiers. Clear Channel Outdoor représente environ 40 % du chiffre d’affaires global de iHeart Media, qui est complété par les revenus de l’organisation de grands événements internationaux (concerts, festivals, etc.), des recettes liées à la détention de plus de 1000 sites internet, plus de 5000 stations de radio, plusieurs chaînes de télévision, plusieurs journaux, une activité dans la téléphonie mobile et sur les réseaux sociaux. Cette activité dans les médias de masse s’exerce principalement aux États-Unis.

22La présentation des deux principales firmes spécialisées dans le mobilier urbain et l’affichage publicitaire donne à voir des cultures d’entreprises différentes pour s’implanter sur les marchés, JCDecaux préférant s’appuyer sur une expertise contractuelle inscrite dans la durée, tandis que Clear Channel Outdoor, en tant que filiale du groupe iHeart Media, mobilise une puissante ingénierie financière. Cependant, on observe une montée en puissance des stratégies de rachat d’entreprises pour consolider les positions nationales des firmes et s’implanter sur les marchés internationaux au tournant des années 2000. Avec cette concentration autour de deux grandes firmes, le secteur subit une forte polarisation autour de différentes activités.

Des activités fortement polarisées

23Les activités de JCDecaux et de Clear Channel Outdoor peuvent être décomposées en trois pôles qui sont souvent associés dans les contrats avec les collectivités : l’affichage extérieur sur la voirie et les espaces publics ; l’affichage dans les réseaux de transports ; le mobilier urbain. Le modèle privilégié par les firmes étant de relier ces trois activités dans un même contrat avec les collectivités. Mais, il arrive régulièrement que ces trois activités soient (volontairement) séparées en autant de contrats par la puissance publique afin de mieux connaître les coûts et les recettes de chacune. La séparation des contrats peut également être justifiée par une gestion institutionnelle fragmentée de ces différentes activités. Par exemple, l’affichage dans les réseaux de transport bénéficie souvent d’un cadre contractuel spécifique quand les transports urbains sont organisés par des organismes autonomes (sociétés mixtes, agence, etc.). Pour les firmes, ces trois activités ne sont toutefois pas équivalentes. L’affichage extérieur et l’affichage dans les transports sont celles où la part de l’investissement est relativement faible par rapport au chiffre d’affaires. À l’inverse, l’activité du mobilier urbain demande un ratio investissement/chiffre d’affaires nettement supérieur. Ainsi pour JCDecaux en 2001, le mobilier urbain représente 51 % du chiffre d’affaires ; l’affichage extérieur 26 % ; l’affichage dans les transports 23 %, pour une activité totale de 1543 millions d’euros. Tandis qu’en termes d’investissements le mobilier urbain absorbe 85 % d’un total de 252 millions d’euros [9] ; l’affichage extérieur 10 % ; l’affichage dans les transports 5 %. Cette différence s’explique par la priorité accordée au mobilier urbain par les firmes en matière d’innovation afin de distinguer les offres puisque les services de mobilier urbain sont considérés comme les plus visibles et les plus déterminants dans les choix des collectivités.

24Concernant la spécialisation par activité, JCDecaux et Clear Channel Outdoor ont historiquement suivi des trajectoires divergentes. Tandis que la première s’est fortement spécialisée dans le mobilier urbain, Clear Channel Outdoor a principalement développé son activité dans l’affichage extérieur, puis dans l’affichage dans les réseaux de transport. Si, aujourd’hui, cette spécialisation tend à s’atténuer, elle explique en partie les différentes cultures et stratégies des firmes. La société JCDecaux a ainsi toujours investi dans l’innovation de ses mobiliers urbains pour assurer sa croissance contractuelle, tandis que l’entreprise Clear Channel Outdoor s’est davantage concentrée sur le développement des réseaux de transport pour accroître ses parts de marché. Cette spécialisation fait que l’entreprise française est numéro un mondial du mobilier urbain. Elle est cependant aussi numéro un dans l’affichage dans les transports. L’entreprise américaine est, elle, leader mondial de l’affichage extérieur. En revanche, parmi les 50 plus grandes villes américaines en contrat avec Clear Channel Outdoor, seules 11 villes ont décidé de lui confier la gestion de leur mobilier urbain [10], malgré sa suprématie sur le pays. Les 39 autres contrats concernent les activités d’affichage extérieur et d’affichage dans les transports. Cette situation est aussi liée à un contexte concurrentiel plus intense aux États-Unis.

25En effet, les autres grands acteurs du marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire sont également américains. Le n° 3 mondial est Outfront Media, né du rachat de CBS Outdoor, en 2014, par le fonds d’investissement américain Platinum Equity. Il totalise un chiffre d’affaires de 1,35 G$. Ce rachat est venu confirmer que depuis une dizaine d’années, les fonds de Private Equity montent en puissance dans l’ensemble du secteur de l’affichage extérieur et du mobilier urbain, confirmant la tendance plus générale observée dans infrastructures en réseau (Lorrain, 2008). D’ailleurs, le rachat de Clear Channel Communication, en 2008 par Bain Capital et Thomas H. Lee Partners pour un montant total d’environ 24 milliards de dollars, fait partie des transactions importantes menées par les fonds d’investissement américains (Lorrain, 2011, p. 1105). Le n° 4 mondial est également une entreprise américaine, Lamar Advertising Company avec 1,29 G$ de chiffre d’affaires. Dans ce contexte concurrentiel, JCDecaux fait figure d’exception puisque la société n’a pas de concurrents européens véritablement importants. En outre, elle est la seule grande firme du secteur à ne pas compter de fonds d’investissement parmi ses actionnaires. Reste que, si le marché américain est marqué par une concurrence entre plusieurs grandes entreprises, le marché mondial s’organise actuellement autour de la compétition entre les deux premiers, ce qui renforce l’idée d’une concentration. Aujourd’hui, quels sont les effets du processus de concentration observé dans le secteur ?

26Tout d’abord, la puissance financière de JCDecaux et Clear Channel Outdoor leur offre la possibilité de réaliser de nombreux investissements d’ordre technologique, industriel et financier, en jouant de leurs nombreux contrats. Ainsi les cash flows des dernières années de contrat dans une mégalopole peuvent financer des investissements dans l’innovation de service de certains marchés européens [11]. Ce jeu d’investissement à grande échelle contribue à élaborer des stratégies de distinction entre les marchés. Alors que certains représentent un véritable enjeu financier (notamment les marchés des grandes métropoles asiatiques et les aéroports), d’autres sont davantage perçus comme important en termes d’image. Cette distinction peut être illustrée par les propos d’un cadre de JCDecaux à propos du faible enjeu financier que représentait le marché d’une ville de la taille de Lyon : « Quand vous signez l’aéroport de Shanghai pour vingt ans, c’est un marché de 450 millions d’euros, c’est comme si vous signiez cinquante villes comme Grenoble. Malheureusement, quand vous perdez une ville, c’est un échec, une ville de la taille de Lyon, oui c’est un échec, mais ce n’est pas la fin du monde non plus pour l’entreprise » [12].

27Cette stratégie de distinction est appliquée par les firmes en ce qui concerne leurs offres en matière de mobilité durable, directement associées à l’innovation des mobiliers urbains. Tandis que l’implantation de vélos en libre-service dans certaines grandes villes apporte une visibilité mondiale aux firmes, tout en répondant à une aspiration sociale et une volonté politique de développer les mobilités durables, certains marchés ne sont pas dotés de tels services, notamment dans les villes des pays émergents où la demande de mobilité durable reste encore relativement faible. On retrouve donc d’un côté des villes « vitrines », affichant l’offre commerciale des firmes, et d’un autre côté des villes « consommatrices » de ces offres et de l’image des firmes. Les stratégies d’investissement dans le temps sont également possibles grâce à la durée des contrats, le plus souvent signés pour des durées comprises entre 10 ans et 20 ans [13].

28La concurrence s’exerce ainsi fortement sur les offres de mobilier urbain au moment des procédures d’attribution des marchés, notamment lorsqu’il s’agit de marchés considérés comme stratégiques. Dans ce contexte, les dispositifs de vélos en libre-service proposés par Clear Channel Outdoor à partir de 1998 et par JCDecaux à partir de 2003 sont des éléments permettant aux collectivités de distinguer les offres, dans le sillage des autres mobiliers proposés par les firmes. Le marché parisien intégrant le service Vélib’ en 2007 a ainsi donné lieu à une forte concurrence sur ces offres, avec des recours au tribunal administratif de la part des deux compétiteurs. Le premier recours fut déposé par JCDecaux contre la régularité de la procédure d’attribution, alors que Clear Channel Outdoor était sur le point de remporter le marché [14]. Ce dernier sera finalement gagné par JCDecaux en 2007, une attribution alors contestée par Clear Channel France à travers deux recours. Dénonçant « une procédure de passation d’un marché public entachée de nombreuses irrégularités substantielles, Clear Channel France entend utiliser tous les moyens juridiques disponibles » [15] avait écrit l’entreprise américaine pour obtenir gain de cause. Le tribunal n’a pas donné raison à l’entreprise américaine. Ces nombreux recours témoignent des forts enjeux présents dans les offres en matière de mobilité au sein des marchés du mobilier urbain. Enjeux d’images, financiers, d’innovation, de maîtrise d’un territoire et d’une clientèle.

29Les recours participent à la judiciarisation de l’activité des firmes de services. Cette évolution s’est traduite par des changements dans l’organigramme et dans les métiers des entreprises, avec une montée en puissance des services juridiques dans les années 2000. Outre la gestion de leurs contrats, les entreprises restent en « veille » sur les contrats des concurrents : [Au sein de Clear Channel] « On est en veille, c’est sûr. On a un service juridique chez nous, mais qui n’est pas le même qu’une collectivité, et effectivement on regarde ça de très près. Mais sans doute on n’est pas assez présent au niveau juridique. Ce sont des batailles longues et coûteuses. J’aimerais bien connaître le service juridique de JCDecaux, cela doit être impressionnant » [16].

30Selon un cadre de JCDecaux, les métiers du droit occupent dorénavant une place importante dans l’organisation de l’entreprise : « Vous savez, on s’est très bien adapté avec le code des marchés publics. Aujourd’hui la direction des “relations villes”, c’est cinquante personnes, des juristes et des avocats. Le département “appel d’offres”, c’est cent personnes, donc on s’est adapté » [17].

31La place des métiers du droit dans les firmes témoigne d’un accroissement des régulations nationales et locales dans le secteur. Cette dynamique est aussi liée à la multiplication et à l’enchevêtrement des contrats dans une même ville. La mise en concurrence obligatoire des marchés européens a eu pour conséquence de revoir cet émiettement des marchés, commune par commune ou quartier par quartier, qui favorisait souvent les petites entreprises locales. En 2010, dans la métropole bruxelloise, se côtoyaient ainsi un marché régional de la région de Bruxelles, dix-neuf marchés communaux correspondant aux 19 communes de la région métropolitaine et le marché des transports publics géré par la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles (métro, bus, etc.). Ces superpositions engendrent une multiplication des opérateurs, des supports publicitaires et aboutissent parfois à la mise en œuvre de systèmes de vélo en libre-service concurrents (Huré, 2016).

32L’objectif des grandes firmes est donc de tendre à l’harmonisation des marchés d’une même ville pour créer des monopoles locaux, capables de mieux réguler les recettes de l’affichage publicitaire. Il s’agit également d’accroître les effets de dépendance des institutions publiques qui peinent à changer de prestataire lorsqu’il est implanté sur un vaste territoire. Ces difficultés s’expliquent par les hésitations politiques à lancer un chantier conséquent de démontage et de montage du mobilier sur l’ensemble du territoire. Les firmes peuvent également user de stratégies de blocage. En 1998, la ville de Rennes a tenté l’expérience, en optant pour More Group (racheté au même moment par Clear Channel Outdoor), après 30 ans de gestion par JCDecaux. Ce choix a suscité un contentieux entre les deux sociétés, la première reprochant à la seconde d’avoir empêché l’implantation du nouveau mobilier, notamment en maintenant ses abribus pendant plus de six mois après l’échéance de son contrat. En 2005, la Cour d’appel de Paris a confirmé la décision du Conseil de la concurrence de condamner JCDecaux pour atteinte à la concurrence et pour ses pratiques en position dominante [18].

33L’activité de la fourniture de mobilier urbain pour les grandes villes polarise les stratégies des firmes car elle représente l’activité la plus visible et la plus à même de faire la différence dans les appels d’offres des collectivités. Cette mise en visibilité des offres de mobilier urbain montre toute l’importance des dispositifs de mobilité, notamment des vélos en libre-service, alors même que ces derniers constituent un objet relativement secondaire dans le modèle économique des firmes. Il faut cependant analyser la mobilité, non pas seulement comme une offre des firmes, mais comme l’essence même du marché publicitaire mondial, en pleine expansion.

La mobilité comme facteur de concurrence

34La croissance urbaine en particulier dans les pays émergents représente un vecteur de développement car les besoins d’équipement en mobilier urbain augmentent. Prenons l’exemple des services de vélos en libre-service. Les grandes métropoles asiatiques ou brésiliennes sont actuellement confrontées à une saturation de leurs réseaux de transport urbain et à une sévère pollution de l’air. Surtout, dans certaines villes, ces services pourraient être implantés à très grande échelle. La ville de Hangzhou en Chine revendique un dispositif de 60 000 vélos en libre-service, soit le dispositif le plus important au monde devant Paris (20 600 vélos pour la période 2007-2017). La situation est similaire concernant le besoin en abribus et en équipement des espaces publics. Le contexte mondial semble donc favorable à une expansion des services gérés par JCDecaux et Clear Channel Outdoor.

35La question des technologies intégrées dans leurs différentes offres est aussi un vecteur de développement pour ces entreprises. La recherche de solutions techniques pour répondre aux problèmes du développement durable est une voie plébiscitée par les acteurs parce qu’elle leur procure des avantages compétitifs et qu’elle leur permet aussi de bénéficier de nombreux avantages fiscaux favorisant l’innovation dans ce domaine. L’imaginaire des vélos en libre-service est ainsi fortement marqué par le rapport à la technique, comme représentation de la modernité. L’investissement des firmes dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication constitue donc une activité féconde pour le développement de leur activité en matière de mobilier urbain (gestion des données, des flux, applications pour smartphone, etc.). Mais les entreprises gardent aussi à l’esprit le fait que le numérique peut représenter une menace pour la pérennité de leur modèle économique. Le modèle publicitaire de l’affichage extérieur chez JCDecaux et Clear Channel Outdoor pourrait ainsi être concurrencé par la publicité sur internet, ce qui est déjà, en partie, le cas, et faire baisser leur recette.

36On touche ici au cœur du modèle économique des firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire et à l’un des moteurs du capitalisme urbain : la mobilité. Les recettes liées à l’affichage publicitaire sont uniquement possibles dans une société mobile, dans laquelle le calcul des recettes se réalise sur le nombre de passages d’individus devant une publicité. Les déplacements de personnes, comme la publicité, sont dans une croissance exponentielle qui est liée. Cette croissance touche les différents modes de transport et leurs supports (aéroports, métro, tramway, bus, abribus, trottoirs, bicyclette, gare, etc.) (voir tableau 3 en fin d’article). Elle se manifeste également par l’accroissement des mobilités de longue distance. Le symbole le plus fort de cette accélération est le développement incessant du nombre de déplacements effectués en avion au cours des XXe et XXIe siècles (Bowen, 2013 ; Halpern, Lorrain, 2010).

37De fait, les marchés les plus importants en termes de recette et d’investissement concernent les marchés de la publicité dans les aéroports. Les firmes du mobilier urbain et de l’affichage extérieur accompagnent la croissance de la mobilité et son rôle central dans les villes et pour le développement du capitalisme (Borja, Courty, Ramadier, 2013). Mais ces firmes sont aussi très présentes auprès des institutions publiques urbaines et de leurs représentants politiques, d’où leur ancrage au niveau des territoires urbains.

Une forte capacité d’adaptation aux institutions publiques et aux décideurs politiques

38Selon Lorrain (2002), une des explications de la montée en puissance des grandes firmes de services urbains depuis la fin des années 1980 réside dans la « sensibilité institutionnelle » de ces entreprises, c’est-à-dire dans leur capacité d’adaptation aux préoccupations politiques et aux contextes institutionnels des villes. Nous observons effectivement une certaine souplesse des opérateurs dans la mise en œuvre des marchés du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, et ce, dès la préparation des appels d’offres par les institutions publiques. L’exemple de l’implantation de JCDecaux à Lyon montre comment l’entreprise française a tissé des liens étroits avec les acteurs du territoire lyonnais depuis plus de quarante ans (Huré, 2012). L’implantation de JCDecaux à Lyon se manifeste par une occupation physique de l’espace urbain, qui s’est géographiquement étendue au fil de la construction institutionnelle de l’agglomération. L’entreprise négocie en permanence la couverture spatiale de ses services. Elle impose des limites géographiques à ses prestations, sur la base d’arguments orientés vers la rentabilité économique de son activité, tout en présentant ses mobiliers comme des ressources de pouvoir pour les élus des communes du centre de l’agglomération. De ce fait, l’entreprise participe du jeu institutionnel entre les communes et la Communauté urbaine, en profitant de certaines concurrences politiques.

39Le travail institutionnel des entreprises contribue à harmoniser les territoires métropolitains et à construire les institutions publiques, notamment en fournissant des services standards sur l’ensemble d’une agglomération. En France, cet enjeu d’harmonisation des territoires s’inscrit, de surcroît, dans un contexte de réforme institutionnelle en faveur de la métropolisation. Le renouvellement des marchés à Paris et Lyon en 2017 permet d’observer ces stratégies concernant le mobilier urbain et les dispositifs vélos en libre-service [19]. Ces derniers vont étendre leur couverture spatiale, au risque de créer des dépendances de plus en plus forte entre les opérateurs et les institutions publiques métropolitaines (Dupuy, 2011). Les entreprises du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire se présentent donc comme des ressources économiques et politiques pour les décideurs urbains.

40Une des explications du recours aux firmes par les élus peut d’ailleurs s’expliquer par la volonté de ces derniers de gouverner les administrations et de contrôler les structures métropolitaines. Ainsi à Barcelone, l’alliance de la municipalité avec Clear Channel Outdoor pour implanter et gérer un système de vélos en libre-service s’est réalisée dans le but de consolider le pouvoir des élus municipaux dans un contexte de concurrence avec la région de Catalogne et le syndicat métropolitain des transports. L’enjeu était de prendre en charge l’administration d’une nouvelle compétence en matière de mobilité durable, particulièrement visible pour les élus (Huré, 2015). Il est alors frappant d’observer à quel point les firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire sont capables de développer, d’implanter et de diffuser à grande échelle et à l’international de nouveaux services dans des temporalités relativement courtes, malgré des contextes locaux extrêmement variés (Huré, 2017). Ce constat nous interroge sur la capacité des entreprises à construire des standards et des normes internationaux et ouvre un chantier de recherche sur les lieux de fabrique de cette normalisation à l’échelle transnationale (Fouilleux, 2013 ; Huré, 2014). Ce processus s’explique aussi parce que les élus souhaitent aller vite. Les projets urbains doivent s’inscrire dans la temporalité du mandat (Pinson, 2009). Dans cette perspective, la souplesse des entreprises s’exprime pleinement. Elles proposent des solutions « clés en main » aux élus et disposent des capacités industrielles pour mettre en œuvre des dispositifs à grande échelle, en maîtrisant l’ensemble de la chaîne de production allant de la conception jusqu’à l’implantation et la gestion des services. Il est ainsi intéressant de noter que les dispositifs de vélos en libre-service sont presque toujours inaugurés quelques mois avant les élections municipales. C’est le cas du système de la ville de Bruxelles avant les élections municipales de 2006. Le nouveau dispositif bruxellois régional, VillO, fut également ouvert à quelques semaines des élections régionales, en 2009. Les implantations les plus spectaculaires concernant la rapidité d’exécution étant les systèmes Vélib’, à Paris, en 2007, avant les élections municipales de 2008 et celui de Barcelone, Bicing, la même année, pour préparer les élections locales de 2008. Pour ces deux services, il a été demandé un effort colossal aux firmes afin de respecter les délais, compte tenu du nombre important de vélos et de stations à fournir. Dans les deux cas, les contrats ont été signés moins d’un an avant l’inauguration des dispositifs.

41Si ces projets sont aussi bien maîtrisés, c’est que les firmes apportent des capacités d’investissement dont ne disposent pas les institutions publiques, notamment en période de restriction budgétaire. Elles obtiennent des prêts bancaires à des taux plus intéressants et peuvent mobiliser une ingénierie financière et une expertise compétentes. Enfin, la souplesse institutionnelle de ces firmes se traduit par un travail d’adaptation aux échelles institutionnelles et aux différents niveaux politiques. Elles peuvent ainsi passer facilement d’un dialogue avec les institutions municipales, intercommunales ou métropolitaines à des discussions avec l’échelon régional. Par ailleurs, elles ont des instances de représentation aux niveaux national et européen, et s’investissent particulièrement dans les échanges transnationaux, à travers des réseaux de villes et des programmes européens, dont elles maîtrisent tous les rouages [20].

42La « sensibilité institutionnelle » des firmes peut, pour certains observateurs, être assimilée à une proximité jugée suspecte entre le politique et les dirigeants d’entreprise. Cependant, les contrats qui engagent les acteurs publics et privés dans le développement du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire n’ont pas été entachés par des irrégularités. Ce qui se joue est trop important pour les différents acteurs. Par exemple, concernant les services de vélos en libre-service, il s’agit pour les élus et les firmes de donner une image positive de leur action en faveur du développement durable et des services rendus à la collectivité. En outre, la « sensibilité institutionnelle » des entreprises transforme la façon de conduire les politiques publiques au sein des institutions urbaines et la manière de gouverner la ville. Une place plus importante est faite à l’initiative privée. Ce changement vise à renforcer et à légitimer les relations « public-privé » dans la fabrique de la ville.

43Le développement des firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire est étroitement lié aux relations entretenues avec les institutions publiques locales. Leur investissement dans les politiques publiques et dans la construction institutionnelle des villes montre que leur activité est pour une part politique. Cet aspect, qui s’apparente bien souvent comme un point fort pour la pérennité des firmes, représente aussi la faiblesse de leur modèle. Le politique peut aussi remettre en cause leur position. Dès les années 1970, des mouvements anti-publicité se sont mobilisés, notamment aux États-Unis. L’entreprise Foster & Kleiser avait dû faire face à des décisions de suppression de panneaux publicitaires dans les villes de Seattle et San Francisco. En France, des mouvements anti-pub se développent au même moment. Ce débat est toujours d’actualité. En 2014, le nouveau maire écologiste de Grenoble a décidé de ne pas renouveler le marché de l’affichage publicitaire en remplaçant les panneaux par des arbres et de l’affichage communal destiné aux habitants. Cette suppression avait déjà été expérimentée à Sao Paulo quelques années plus tôt, avant que le changement de municipalité ne fasse marche arrière. La suppression des espaces publicitaires gérés par JCDecaux à Grenoble témoigne d’une remise en question plus générale de la place de la publicité en ville. Si cette problématique semble, pour l’instant, uniquement inscrite à l’agenda par des mouvements associatifs et politiques minoritaires (écologistes, altermondialistes, gauche radicale), l’histoire montre que les régulations de l’activité des entreprises du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire font régulièrement irruption suite aux mobilisations autour de la place de la publicité dans le paysage urbain et rural. En outre, de nouveaux mouvements politiques et sociaux peuvent changer la donne à tout moment. Les regards sont aujourd’hui tournés en Espagne vers les villes gouvernées par le parti de gauche radicale Podemos, comme Madrid, et surtout Barcelone, dont le marché du mobilier urbain doit être renouvelé en 2018.

Conclusion

44L’objectif de l’analyse des grandes firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire était de comprendre leur histoire, leur stratégie, leurs produits, leur environnement concurrentiel, afin de mesurer ce qu’elles pèsent dans la gouvernance des grandes métropoles. Premièrement, il est frappant de constater le décalage entre la forte visibilité et l’emprise physique des mobiliers et des services implantés par ces firmes dans les espaces urbains, et leur poids somme tout modeste (moins de 4 milliards de dollars de chiffre d’affaires) au regard des autres grands acteurs de la fabrique urbaine. Cependant, avec la présence accrue des fonds d’investissement depuis les années 2000, le secteur s’est consolidé autour de quelques grandes entreprises mondiales. Dans ce contexte, il est intéressant de noter les différentes cultures d’entreprise chez les deux leaders du secteur guidant les stratégies de croissance, tant sur le plan financier que sur celui des expertises et des activités. Deuxièmement, il a été observé un renforcement de l’activité des firmes vers les services de mobilité durable financés par la publicité au tournant des années 2000. Ce changement a été rendu possible par une plus grande ouverture des marchés européens à la concurrence. Mais il s’est également opéré grâce à la « sensibilité institutionnelle » des firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, soucieuses de répondre à l’impératif du développement durable relayé par les élus et les institutions publiques. Cette nouvelle offre a accentué la concentration des entreprises capables de répondre aux attentes des villes dans la fourniture de mobilier urbain, la véritable activité de distinction entre les firmes. Paradoxalement, les régulations de la fin des années 1990 visant à ouvrir la concurrence ont contribué à affirmer le positionnement des deux principales entreprises du mobilier urbain sur les marchés internationaux.

45Dans ce contexte de concentration, il convient de se pencher sur l’une des grandes questions posée dans le cadre de la formation des oligopoles, celle de l’entente entre les acteurs privés. Qu’en est-il pour les firmes du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire ? On observe d’abord une coopération dans l’activité de fixation des prix des affiches publicitaires, principales sources de revenu pour ces firmes. Par exemple, en France, le calcul des tarifs est fixé par une société, Affimétrie, dont le capital est détenu par quatre entreprises : une société rassemblant les annonceurs et, JCDecaux, Clear Channel Outdoor et Exterion Media. Bien que les annonceurs aient un droit de regard, la présence des trois principales sociétés européennes n’est pas neutre dans l’organisation du marché. Mais la question de l’entente peut surtout se poser lorsque la concurrence s’efface sur certains marchés. Ainsi, en 2006, Clear Channel Outdoor ne répond pas à l’appel d’offres du marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire de la ville de Marseille, comprenant 1000 vélos en libre-service et remporté par JCDecaux. Quelques mois plus tard, JCDecaux ne répond pas à l’appel d’offres de Barcelone, comprenant cette fois de manière séparée 6000 vélos en libre-service et remporté par Clear Channel Outdoor. Ces stratégies d’évitement répondent à des choix internes de positionnement des firmes. Mais le fait que peu d’entreprises soient en capacité de répondre à ce type d’offres pose des problèmes aux collectivités souhaitant faire jouer pleinement la concurrence. Dans ce contexte, certaines niches peuvent s’ouvrir pour des petites entreprises locales. En 2017, la métropole parisienne a décidé d’élargir la concurrence pour le renouvellement du marché Vélib’, en dégroupant les activités de l’affichage publicitaire et celle de la fourniture de vélos en libre-service. Si JCDecaux a, une nouvelle fois, démontré sa capacité d’adaptation en proposant une offre dans le cadre d’un consortium avec les entreprises SNCF et RATP, le marché a été remporté par une petite entreprise locale, Smoove, née à Montpellier en 2008 et spécialisée dans la gestion des vélos en libre-service. S’il est clair que les grandes entreprises s’adaptent aux structures politiques et institutionnelles des villes, en cherchant à bénéficier de ce que Hall et Soskice (2001) décrivent comme des avantages compétitifs institutionnels, il en ressort de nombreuses conséquences sur la manière de produire la ville. Le fait de s’allier à une grande entreprise produit des effets structurels qui modifient à la fois l’espace urbain, les représentations de la ville et le travail des institutions publiques. Ces alliances transforment aussi l’activité des entreprises et l’organisation générale des marchés.


Tableau 1

Principaux marchés européens du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire détenus par l’entreprise JCDecaux en 2016*,**,***

Tableau 1
Rang Ville Pays Population en millions Principaux opérateurs de mobilier urbain 1 Londres Royaume-Uni 8,75 JCDecaux 2 Berlin Allemagne 3,52 WallDecaux/Ströer 3 Madrid Espagne 3,17 JCDecaux/Clear Channel 4 Paris France 2,22 JCDecaux 5 Vienne Autriche 1,84 JCDecaux* 6 Hambourg Allemagne 1,79 WallDecaux/Ströer 7 Budapest Hongrie 1,76 JCDecaux/Mahir 8 Barcelone Espagne 1,61 JCDecaux/Clear Channel 9 Munich Allemagne 1,45 DSMDecaux**/Stroër/Schwarz 10 Milan Italie 1,35 IGPDecaux***/Clear Channel 11 Prague Rép. Tchèque 1,27 JCDecaux 12 Sofia Bulgarie 1,23 JCDecaux/Mediacontact 13 Bruxelles Belgique 1,17 JCDecaux/Clear Channel 14 Cologne Allemagne 1,06 WallDecaux/Ströer 15 Naples Italie 0,97 IGPDecaux/Clear Channel 16 Turin Italie 0,89 IGPDecaux 17 Stockholm Suède 0,92 JCDecaux/Clear Channel Outdoor 18 Marseille France 0,86 JCDecaux 19 Amsterdam Pays-Bas 0,83 JCDecaux 20 Valence Espagne 0,79 JCDecaux 21 Séville Espagne 0,69 JCDecaux/Clear Channel 22 Saragosse Espagne 0,66 JCDecaux/Clear Channel 23 Riga Lettonie 0,64 JCDecaux/Clear Channel 24 Rotterdam Pays-Bas 0,63 JCDecaux/Exterion 25 Helsinki Finlande 0,63 JCDecaux/Clear Channel 26 Stuttgart Allemagne 0,62 WallDecaux/Ströer 27 Düsseldorf Allemagne 0,61 WallDecaux/Schwarz 28 Copenhague Danemark 0,59 AFA JCDecaux 29 Gênes Italie 0,59 IGP JCDecaux 30 Dortmund Allemagne 0,59 WallDecaux/Ruhfus 31 Malaga Espagne 0,57 JCDecaux/Clear Channel 32 Leipzig Allemagne 0,56 WallDecaux/Ströer 33 Brême Allemagne 0,56 WallDecaux/Ströer 34 Dublin Irlande 0,55 JCDecaux 35 Lisbonne Portugal 0,55 JCDecaux/Cemusa

Principaux marchés européens du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire détenus par l’entreprise JCDecaux en 2016*,**,***

* Le groupe JCDecaux est présent à Vienne par l’intermédiaire de sa filiale Gewista dont il détient 67 % du capital.
** Deutsche StädteMadien Decaux (DSM Decaux) est détenue conjointement par Stroër et JCDecaux.
*** JCDecaux détient 32,35 % du capital de la société IGP Decaux. Le 12 février 2015, JCDecaux a fait une offre d’augmentation de sa participation dans IGPDecaux à 60 %.
Source : JCDecaux, rapport annuel 2016
Tableau 2

Les 15 premiers groupes de communication extérieure (mobilier urbain et affichage) par ordre d’importance, sur la base du chiffre d’affaires 2016 publié ou estimé*

Tableau 2
Société Pays Chiffre d’affaires en millions de $ Présence géographique JCDecaux France 3 756 Europe, Asie-Pacifique, Amérique-du-nord, Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient Clear Channel Outdoor États-Unis 2 702 États-Unis, Canada, Europe, Asie-Pacifique, Amérique latine Outfront Media (CBSO) États-Unis 1 514 États-Unis, Canada, Amérique latine Lamar États-Unis 1 500 États-Unis, Canada Focus Media Chine 1 377 Chine Stroër Allemagne 1 275 Allemagne, Pologne, Turquie Exterion Media États-Unis 500 Europe, Chine APG/SGA Suisse 320 Suisse, Serbie Metrobus France 251 France oOh !Media Australie 250 Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Indonésie Intersection États-Unis 247 États-Unis APN Outdoor Australie 226 Australie, Nouvelle-Zélande Clear Media Chine 242 Chine Asiaray Chine 187 Chine Russ Outdoor Russie 138 Russie

Les 15 premiers groupes de communication extérieure (mobilier urbain et affichage) par ordre d’importance, sur la base du chiffre d’affaires 2016 publié ou estimé*

* Les chiffres d’affaires des sociétés Focus Media, Exterion Media et Intersection sont des estimations de JCDecaux en 2016.
Source : JCDecaux, rapport annuel, 2016
Tableau 3

Opérateurs présents dans les aéroports ayant enregistré un trafic supérieur à 50 millions de passagers en 2015*

Tableau 3
Aéroport Passagers en millions Titulaire du contrat Atlanta 96,2 Clear Channel Outdoor Pékin 86,1 JCDecaux/sociétés locales London Heathrow 73,4 JCDecaux Tokyo Haneda 72,5 Dentsu, Hakuhodo, TokyuSpace Création* Los Angeles 70,6 JCDecaux Dubaï 70,5 JCDecaux Chicago O’Hare 70,1 Clear Channel Outdoor Paris CDG 63,8 JCDecaux Dallas Fort Worth 63,5 Clear Channel Outdoor Hong Kong 63,4 JCDecaux Amsterdam 59,9 Régie interne Francfort 59,6 JCDecaux Djakarta 57,1 Diverses sociétés locales Istanbul 56,9 Diverses sociétés locales Guangzhou 56,1 Diverses sociétés locales Singapour 54,1 JCDecaux Denver 53,5 Clear Channel Outdoor New York JFK 53,2 JCDecaux Shanghai Pudong 51,6 JCDecaux Total 1 232,1

Opérateurs présents dans les aéroports ayant enregistré un trafic supérieur à 50 millions de passagers en 2015*

* JCDecaux a conclu en 2004 un accord de coopération avec TokyuSpace Création, filiale de la quatrième agence publicitaire japonaise, pour la commercialisation mutuelle d’espaces publicitaires dans 26 aéroports japonais (dont Tokyo) et les 140 aéroports du groupe français.
Source : JCDecaux, document de référence, 2014.

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 17/07/2017.

https://doi.org/10.3917/flux1.108.0088

Notes

  • [1]
    Chiffres tirés du rapport annuel 2014 de l’entreprise JCDecaux.
  • [2]
    Voir l’histoire du groupe relatée dans le rapport d’activité annuel 2003 [En ligne] (consulté le 28 août 2012) Disponible à l’adresse : http://www.JCDecaux.com/fr/Le-groupe-JCDecaux/Rapport-annuel
  • [3]
    Voir décision du Conseil de la concurrence, n° 98-D-52 du 7 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain.
  • [4]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2001.
  • [5]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2016.
  • [6]
    Voir : “Clear Channel Agrees to Buy Eller Media”, The New York Times, February 26 1997.
  • [7]
    “Acquisition of Billboards Fullfils Founder’s Plan”, The New York Times, January 24, 1986.
  • [8]
    Earning before interest taxes, depreciation and amortization, (en français : excédent brut d’exploitation).
  • [9]
    Voir le rapport annuel de JCDecaux, 2001.
  • [10]
    Voir le tableau des 50 plus grandes villes américianes sous contrat avec Clear Channel Outdoor, estimation 2013 [En ligne] (consulté le 2 février 2016) Disponible à l’adresse : http://clearchanneloutdoor.com/where-we-are/
  • [11]
    Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JCDecaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    En France, la durée de ces contrats a déjà donné lieu à une régulation nationale pour en limiter leur portée car les marchés s’étalaient bien souvent au-delà de 20 ans. Voir : Avis de la Commission de la concurrence du 23 février 1978. Voir également la circulaire du ministre de l’Intérieur 78-207 du 18 mai 1978 et la Loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré enseignes.
  • [14]
    « Le groupe Decaux remporte le marché d’affichage publicitaire parisien », Le Monde, le 29 janvier 2007.
  • [15]
    « Contrat parisien : nouveau recours de Clear Channel contre JCDecaux », Les Échos, le 16 avril 2007.
  • [16]
    Entretien avec le chargé de mission Vélos en libre-service de Clear Channel Outdoor, direction des opérations de l’Europe du sud, Dijon, le 29 juin 2010.
  • [17]
    Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JCDecaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
  • [18]
    Arrêt de la Cour d’appel de Paris (1re chambre, section H) en date du 22 février 2005 relatif au recours formé par la société JCDecaux contre la décision n° 04-D-32 du Conseil de la concurrence en date du 8 juillet 2004 relative à la saisine de la société More Group France contre les pratiques du groupe Decaux.
  • [19]
    Concernant le marché parisien, au moment de finaliser cet article en avril 2017, l’attribution du marché de l’affichage publicitaire et du mobilier urbain avait été fait à l’entreprise JCDecaux, alors que le marché des vélos en libre-service avait été concédé à l’entreprise Smoove, dans le cadre d’un dégroupement des marchés.
  • [20]
    Nous pouvons par exemple citer la présence de Clear Channel Outdoor dans le programme européen Optimising Bike Sharing in European Cities (OBIS 2008-2011).
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