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Article de revue

Semblances et différences, de l'hystérie à la féminité

Pages 35 à 54

Notes

  • [1]
    Ce qui a par exemple suscité certains débats qui prêtaient à Lacan une orientation qui n’était pas fondamentalement la sienne, même s’il l’a infléchie progressivement dans un sens qui apparaissait peu à peu beaucoup plus nettement.
  • [2]
    Ainsi dans son article « Sur la sexualité féminine » en 1931, Freud disait ceci : « Je soupçonne qu’il y a une relation particulièrement étroite entre la phase du lien à la mère et l’étiologie de l’hystérie, ce qui n’a rien de surprenant si l’on considère que l’une et l’autre, la phase comme la névrose, appartiennent aux caractères particuliers de la féminité. » S. Freud, La vie sexuelle, Paris, Puf, 1969, p. 141.
  • [3]
    J. Lacan, « Le séminaire sur La lettre volée », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 31.
  • [4]
    « Il n’y a rien d’excessif au regard de ce que nous donne l’expérience, à mettre au chef de l’être ou avoir le phallus […] la fonction qui supplée au rapport sexuel », dit par exemple Lacan dans « L’Étourdit », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 458.
  • [5]
    On peut en déduire d’ailleurs la supposition d’une interaction des discours du maître et de l’hystérique, l’un répondant à l’autre, sur tel ou tel mode, car promouvoir le signifiant de son désir a pour effet de constituer l’Homme comme tel, selon un processus courant dans les religions où pour soutenir un signifiant, par exemple celui d’un dieu, il suffit de lui offrir un objet supposé satisfaire sa jouissance.
  • [6]
    Lacan en dit ceci dans Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert (1960-1961), Paris, Le Seuil, 1991, p. 84 : « Le porteur dudit, comme je m’exprime, s’escrime à faire accepter par sa partenaire cette privation, au nom de quoi tous ses efforts d’amour, de menus soins et de tendres services sont vains, puisqu’ils ravivent ladite blessure de la privation. Cette blessure, donc, ne peut être compensée par la satisfaction que le porteur aurait de l’apaiser, elle est bien au contraire ravivée de sa présence même, de la présence de ce dont le regret cause cette blessure. C’est là, très exactement, ce que nous a révélé ce que Freud a su extraire du discours de l’hystérique. »
  • [7]
    Le sacrifice du désir dans l’hystérie est noté par Lacan, ibid., p. 288.
  • [8]
    Il en dit ceci par exemple : « Pour l’homme, en tant qu’il a à remplir l’identification à la fonction dite du Père symbolique, qui est la seule à satisfaire, et c’est en cela qu’elle est mythique, la position de la jouissance virile dans la conjonction sexuelle est ce qui s’offre au niveau du naturel. C’est très précisément, ce qui s’appelle être le maître. » J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre (1968-1969), Paris, Le Seuil, 2006, p. 335-336.
  • [9]
    Dans son livre La Question féminine, de Freud à Lacan. La femme contre la mère (Paris, Puf, 2010), Markos Zafiropoulos reproche à l’élaboration freudienne de la féminité de n’avoir trouvé d’autre solution à l’Œdipe féminin que le devenir mère, et de n’avoir envisagé la position féminine que dans l’avoir, alors qu’elle se situe dans l’être comme objet du désir, ainsi que Lacan l’a souligné. Il lui reproche également d’avoir avancé que la femme n’avait pas véritablement de don pour la sublimation, tandis que l’évolution de notre société a maintenant largement prouvé le contraire et que, pour Lacan, elle est en position privilégiée sur ce point. Cela est juste et ce débat important devait certainement avoir lieu dans le champ psychanalytique après qu’il ait eu lieu ailleurs selon d’autres références. Peut-être, cependant, doit-on le poser autrement que comme une opposition frontale, si l’on considère que Freud a parlé pour l’essentiel de ce qui s’apercevait depuis le discours et ses ratés, non de ce qui se joue hors discours. Il a décrit ce qui se conçoit depuis la logique appuyée sur le Nom du Père et non à partir de celle qui s’en passe. En ce sens, certaines de ses conceptions n’ont de valeur que locale, dans cette logique, alors qu’il y est objecté ailleurs, dans une autre logique, sans pour autant qu’elles soient invalidées.
  • [10]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore (1972-1973), Paris, Le Seuil, 1975, p. 79.
  • [11]
    Élaboration entamée dans G. Chaboudez, « Logique comparée des névroses », Figures de la psychanalyse, n° 12, p. 69 sqq., qui trouve ici sa suite.
  • [12]
    Il y a là bien sûr une référence au « séminaire sur La lettre volée » (J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 11 sqq.) où la structure d’un acte qui consiste à s’emparer de l’objet de l’Autre pour avoir une prise sur lui est largement déployée.
  • [13]
    Lacan souligne que la voix constitue le support privilégié du désir de l’Autre (Le Séminaire, Livre X, L’angoisse [1962-1963], Paris, Le Seuil, 2004, p. 388.)
  • [14]
    J. Lacan, Le séminaire, Livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant (1971), Paris, Le Seuil, 2006, p. 175. Il ajoute : « Disons qu’à l’hystérique, il faut le partenaire châtré. Qu’il soit châtré est au principe de la possibilité de la jouissance de l’hystérique. »
  • [15]
    Voir plus haut la citation extraite de L’envers de la psychanalyse, op. cit., p. 84.
  • [16]
    J. Lacan, D’un discours qui ne serait pas du semblant, op. cit., p. 153-154.
  • [17]
    C’est ainsi qu’elle représente volontiers ce « famil », mot constitué par Lacan de « femme » et de « il » (J. Lacan, D’un Autre à l’autre, op. cit., p. 336).
  • [18]
    J. Lacan, ibid., p. 386, le 18 juin 1969.
  • [19]
    Ibid., p. 389.
  • [20]
    Ibid., p. 387.
  • [21]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XIV, La logique du fantasme (1966-1967) (inédit), le 30 mai 1967.
  • [22]
    J. Lacan, Encore, op. cit., p. 73.
  • [23]
    Ibid., p. 90.
  • [24]
    Au point qu’elle peut réaliser de façon exemplaire une modalité de plus-de-jouir par une soustraction progressive à chaque perte de jouissance, qui aboutit à la castration réalisée.
  • [25]
    Cette inhibition quant à la jouissance phallique est approchée en termes de dénégation dans un article de ce volume, par Hélène Blaquière, sous le nom de « jouissance négativement phallique ».
  • [26]
    Un premier ensemble de commentaires de la logique féminine a été développé dans G. Chaboudez, Rapport sexuel et rapport des sexes, Paris, Denoël, 2004.
  • [27]
    J. Lacan, L’Angoisse, op. cit., p. 214.
  • [28]
    Ibid., « La femme s’avère comme supérieure dans le domaine de la jouissance, en ceci que son lien au nœud du désir est beaucoup plus lâche ».
  • [29]
    Une interprétation de la théorie lacanienne du non-rapport à partir de l’acte sexuel est développée dans G. Chaboudez, Rapport sexuel et rapport des sexes, op. cit.
  • [30]
    Lacan en dit ceci, dans La Logique du fantasme, op. cit., le 24 mai 1967, « … la jouissance féminine elle-même ne peut passer que par le même repère, et c’est ça qu’on appelle chez la femme le complexe de castration. »
  • [31]
    « Ce qu’elle donne sous la forme de ce qu’elle n’a pas est aussi la cause de son désir, elle devient ce qu’elle crée de façon purement imaginaire », dit Lacan, ce qui lui fera dire que la femme n’y perd rien puisqu’elle n’y met que ce qu’elle n’a pas (J. Lacan, La logique du fantasme, op. cit., le 1er mars 1967).
  • [32]
    Cité plus haut, Encore, p. 73.

1 Longtemps, dans le champ psychanalytique comme ailleurs, on a pensé l’hystérie comme un exemple de féminité, et peut-être la féminité comme une hystérie. Freud n’était pas loin de la concevoir ainsi, d’ailleurs il impliquait dans la masculinité le même caractère névrotique emprunté à l’obsession. De sorte que lorsque, pas à pas, Lacan réussit à frayer la voie d’une conception autre de la féminité, ayant tracé auparavant celle d’une hystérie recentrée sur l’organisation de la névrose, cela ne fut pas si aisément entendu qu’on pourrait le penser tant la confusion des deux champs persistait. De plus, prenant pour exemple de féminité ainsi redéfinie le mode de jouissance de certaines saintes mystiques, dans leur dialogue divin, il adoptait une fois encore une démarche particulière, avançant un propos somme toute révolutionnaire sur un mode d’énonciation qui non seulement ne l’indiquait pas mais semblait même annoncer une démarche inverse [1]. Après l’énoncé « La femme n’existe pas », axiome provocant qui, une fois interprété correctement dans son contexte, n’aurait pas été renié par nombre d’auteurs féministes, avancer en 1973, dans un contexte dit de « libération sexuelle », Sainte Thérèse d’Avila comme modèle de jouissance féminine, relevait pour le moins du paradoxe. De telles énonciations ont cessé dans notre champ de sidérer la compréhension de la structure concernée, mais exigent toujours une lecture littérale sans s’arrêter au sens apparent de l’énonciation, sans l’annuler non plus.

2 Lorsque nous nous interrogeons sur ce qui distingue l’hystérie de la féminité, il ne suffit donc pas de montrer en quoi nous ne saurions plus, avertis que nous sommes, désormais les confondre. Encore faut-il comprendre pourquoi elles ont été si longtemps confondues. L’une désignant une structure névrotique fort répandue, tout autant de nos jours qu’au temps célèbre où Charcot la mettait en scène, l’autre le mode de logique et de jouissance spécifique de l’un des deux sexes, il y a lieu d’essayer de saisir ce qui semblait en faire un champ commun.

Semblances communes de l’hystérie et de la féminité

3 Pour Freud encore, considérer l’hystérie comme une norme de la féminité était aisé, ce qu’il implique sans réserve dans sa dernière révision de la sexualité féminine [2]. Exception faite des symptômes, elle semblait correspondre d’assez près aux caractères qu’il reconnaissait à la féminité, partageait par exemple avec elle la modalité d’amour qu’il distinguait selon le type narcissique, la difficulté de la sublimation, le Penisneid, etc. On reste frappé, et nombre de débats dans le champ lacanien l’ont souligné, par l’opposition apparemment exclusive d’une telle conception avec celle que Lacan allait soutenir, en décrivant par exemple dans la féminité un mode de jouissance qui, de fait, mérite le terme de « plein amour d’objet » que Freud attribuait à l’homme, alors que, le concernant, il allait décrire à l’opposé une jouissance qu’il désigne comme autoérotique. Pourtant, si l’on y regarde bien, on s’aperçoit que ces deux ensembles de propositions, qui semblent inverses sur chaque point, sont émis depuis différents registres qui ne se recouvrent pas, se placent dans un angle de perspective tout autre, et ne sont finalement peut-être pas complètement exclusifs les uns des autres, à la condition de les situer chacun à leur place dans leur rapport logique et topologique.

4 Lorsque Freud définit l’hystérie puis la féminité, le discours qui organise la différence et le rapport des sexes se présente encore en quelque sorte comme une loi de la « nature ». Et Freud s’en distingue nettement puisqu’il va au contraire jusqu’à considérer comme normales une féminité et une masculinité névrotiques, et contribue ainsi à ce qu’ensuite cette loi change de statut, pour apparaître comme une élaboration symptomatique de la civilisation. Lorsque Lacan en reprend la description, ce discours a évolué, et il peut le montrer, en 1956, comme une loi sexuelle élaborée à partir du phallus et de sa signification, où la femme est contenue « en position de signifiant, voire de fétiche [3] ». Ce constat est repris et poursuivi ailleurs qu’en psychanalyse, par exemple dans la théorie du genre et ses nombreuses recherches, où le genre comme élaboration sociale prend une distance définitive avec le sexe, sans toutefois que cette théorie reprenne l’étape suivante de la conception lacanienne, soit que cet usage de la signification du phallus est destiné à servir de rapport entre les sexes là où il n’y en a pas [4].

5 Dans le cadre des discours de la Vienne du début du XXe siècle, la femme de structure hystérique paraît dans une certaine mesure répondre aux attendus de cette loi, elle promeut le signifiant du désir de l’homme, paraît se faire équivalente à ce fétiche. Elle semble offrir à l’agent du discours auquel la loi la soumet, le maître, l’objet qui correspond à ce qu’il énonce de la femme, quoique sur un mode d’objection et de souffrance [5]. Prendre l’hystérique comme modèle de la féminité est en quelque sorte la prendre au mot de ce qu’elle présente, au mot du semblant qu’elle met en œuvre. Et sans doute d’ailleurs fallait-il d’abord en être dupe, comme Freud l’a été un temps, avant de pouvoir articuler ce qu’elle apporte en son ensemble au savoir de la psychanalyse.

6 L’Œdipe semble dans l’hystérie éternel, comme chez la fille en général, et paraît relever de la même demande du phallus auprès du père. Alors qu’il relève d’une identification, au père ou au désir du père, relayant ainsi une relation problématique à la mère où le phallicisme déjà s’affirmait, puisqu’il y est la règle, de sorte que son issue consiste à l’avoir comme semblant. Pourtant, la femme ultérieure est en outre dans le semblant de l’être, le phallus venant à la place de l’être manquant du sujet dans son rapport au désir de l’Autre. Dès lors, comment interpréter cette double position au regard du phallus ? L’être sur ce mode exige un Autre qui en dispose, afin de l’être pour lui, car si l’Autre en manque, en prenant cette place, elle n’est rien. Le partenaire fondamental est donc un Autre absolu auprès duquel elle se présente selon le signifiant du désir, et une telle position semble épouser la loi du discours. Mais elle ne va pas sans quelque complication, puisque sembler se présenter selon le désir de l’Autre ne veut pas forcément dire le réaliser, voire pas du tout. Une question est posée au désir de l’Homme, tous les hommes ou bien un maître ou un Père, mais la suite en est loin d’être aussi simple que de le satisfaire. Freud fut celui, Lacan le remarque et le souligne, qui découvrit ce fait troublant que le désir ne doit pas être réalisé dans l’hystérie mais laissé dans l’insatisfaction, et que le don d’amour y révèle ce qui manque plutôt que ce qui est reçu [6].

7 Pour se consacrer au signifiant du phallus, il faut sacrifier son désir, car pour être la métaphore du désir de l’Autre le sujet doit être sans désir [7], et il est aisé de prendre cela pour la position longtemps attribuée à la femme par la loi du discours. L’hystérie s’oriente à partir de ce que la loi sexuelle a longtemps exigé de la femme, qu’elle y souscrive ou y objecte, voilà une des raisons qui ont permis de la confondre avec la féminité.

8 Cette adresse à l’Homme ou au maître selon la cause de son désir constitue à la fois la voie vers une féminité éventuelle et une répétition de l’Œdipe dans l’abord du rapport sexuel. Ce havre qu’est l’Œdipe pour la fille le reste dans l’hystérie pour d’autres raisons. Freud admettait que la femme peut parfois découvrir un véritable amour d’objet face à « l’homme qui protège », sans en rester à un amour narcissique dont il faisait sa caractéristique. Et dès lors que notre société est elle-même restée longtemps œdipienne et attribuait encore il y a peu à la femme un chemin comparable, la position hystérique semblait épouser étroitement ce discours et promouvait La femme sur le même mode, la concevant elle aussi totalement dans une position de phallus pour le maître, signifiant qui, pour Lacan, constitue la référence implicite du rapport de l’homme à la femme dans cette loi [8]. Là encore, cette congruence avec ce que le discours énonce de la femme indique en quoi, dans une certaine mesure, il était concevable de les faire équivaloir.

9 À cela ne s’opposait nullement la symptomatologie de l’hystérie qui, de l’angoisse à l’inhibition en passant par les symptômes, n’avait aucune difficulté à être rangée parmi les fragilités propres de la féminité dans diverses conceptions variant au fil des siècles. À quoi s’ajoute l’impossibilité massive de la sublimation dans l’hystérie, comme dans la névrose en général tant qu’elle occupe toute la structure, et qui semblait résonner avec le fait que la féminité a longtemps été plongée dans des conditions sociales qui, hormis pour quelques exceptions, barraient l’accès à la sublimation, alors que l’hystérie n’y a pas accès quelles que soient les conditions sociales [9].

10 L’apparente communauté de démarche de l’hystérie et de la féminité s’appuie également sur le fait qu’au commencement est le désir de l’homme. Dans les deux cas, il n’y a nul abord possible de l’autre sexe sans en passer par la loi qui énonce ce qu’est l’homme qui a la femme, à l’aide de la dialectique phallique de l’être et de l’avoir. Elle résulte de l’opération où le signifiant substitué au désir de la mère en fait un objet a, laquelle mère a pour objet a ses enfants, ce qui fonde cette sorte d’articulation hiérarchique nommée par Lacan « perversion paternelle », exemplaire de l’efficacité du Nom du Père, comme Autre de l’Autre. La hiérarchie fait sens en effet, et sens sexuel, même si elle n’a rien à voir avec le sexe. C’est là que, dans le discours, la femme s’articule à la mère, ce qui lui confère également une position qui, comme la perversion, permet de cumuler l’être et l’avoir. Un tel système est soutenu par le sujet de l’hystérie jusqu’au point où, n’apercevant pas ce qui permet de s’en passer, il en incarne diverses formes d’objections symptomatiques, qui évoluent largement avec la déconstruction en marche de cette hiérarchie.

11 Dès lors que le désir de l’homme constitue pour l’hystérie comme pour la féminité une porte d’entrée commune de la jouissance et de l’amour, s’y déploie dans les deux cas un amour qui comme tel ne concerne pas le sexe, mais consiste, selon la drôle d’expression lacanienne, à « âmer l’âme », l’âme concernant ce qui précisément est hors sexe, « hommosexuel [10] » en ce sens. La femme amoureuse emprunte donc, qu’elle relève ou non de l’hystérie, cette voie qui « âme l’âme » dans son « partenaire pourtant homo jusqu’à la garde », mais l’hystérie la pousse beaucoup plus loin, jusqu’au point précisément où cela conduit à « faire l’homme », alors que la femme s’arrête sur cette voie pour être l’Autre de la relation. Et l’amour de l’hystérique, « âmoureuse » par excellence quoique d’un amour « hommosexuel », n’est pas lui aussi sans présenter une image plaisante de la féminité, alors qu’il est traversé de l’objection qui le condamne, parfois jusqu’au tragique. Cet ensemble de malentendus qui établit la féminité à la semblance de l’hystérie est pour l’essentiel levé désormais.

Ce qui distingue l’hystérie

12 Il fallait certainement que les discours évoluent, dans nos sociétés occidentales du moins, pour que l’hystérie cesse d’être confondue, jusqu’en psychanalyse, avec la féminité. Le siècle dernier en a vu l’évolution rapide, qui a remanié un ensemble de signifiants et redistribué nombre de modes de jouissance. Lacan en avait anticipé certains remaniements, mais les énonçant sur le mode d’aphorismes qui leur conféraient une apparence de pensée « conservatrice », il a pu en quelque sorte continuer à avancer ses cartes dans le silence résultant de son style, sans être trop malmené sur sa pensée comme il l’avait été par le passé à propos de la fonction du langage puis de l’objection qu’il faisait au Nom du Père. Là aussi l’évolution massive des discours a semblé précéder la psychanalyse, alors qu’elle était déjà chiffrée dans les mathèmes de Lacan mais illisible, tandis que cet apparent silence qui n’était que déchiffrement différé de sa pensée est maintenant rompu par les lectures et les travaux des psychanalystes qui le commentent et le prolongent, sans être cependant toujours entendus. L’élaboration de la féminité, qu’il a reprise de Freud et ses disciples, mais en fait fondée véritablement à partir des années 1970, devait sans doute attendre une pensée comme la sienne pour émerger, ainsi que l’évolution des idéologies. Il serait inconcevable de nos jours que l’hystérie puisse être jugée équivalente à une féminité dont la logique et la jouissance spécifiques ne sont plus aussi absentes du discours. Désormais peut se tracer à peu près nettement la frontière radicale qui les sépare.

13 Il suffirait par exemple de tracer quelques axes fondamentaux de la logique du fantasme dans l’hystérie pour voir maintenant la féminité s’en distinguer point par point. Sur le plan logique, les multiples éléments essentiels apportés par Lacan l’ont été généralement sur un mode synchronique, décrivant les points déterminants de la structure à n’importe quel instant, et non d’un point de vue diachronique, selon les étapes de transformation logique qu’elle subit au long de l’histoire subjective. Il est donc utile de construire, à l’aide de la logique d’aliénation qu’il a élaborée, une dimension diachronique de la structure [11], ce qui permet de retrouver certains éléments esquissés par Freud qui privilégiait ce versant et d’éclairer nombre de points restés obscurs.

14 On peut remarquer à divers traits logiques que le sujet de l’hystérie se détermine sur le mode de la séparation bien avant l’issue de la métaphore paternelle et donc bien avant l’Œdipe. Freud soulignait déjà, à propos du choix de la névrose, combien l’hystérie était l’organisation pathologique qui se déterminait le plus tôt, et combien son étiologie était liée, tout comme la féminité, à la phase du lien à la mère, donc précoce. Rappelons qu’il ne s’agit pas d’emblée de la séparation d’un sujet, puisqu’il n’y a pas alors d’identification signifiante, mais de ce que Lacan appelle « sépartition », séparation causant partition du sujet en devenir, à l’aide de la fonction de l’objet pulsionnel. On peut observer comment, à chaque séparation de l’objet pulsionnel, l’enfant s’oriente en s’emparant de l’objet de façon hallucinatoire au sens du principe de plaisir freudien. Cela a lieu avec le sevrage, où il s’empare du sein, et devient ainsi autonome, donc éventuellement capable de se nourrir de rien, comme dans l’anorexie. Cela a lieu également avec le phallus, dont l’enfant n’entend pas se laisser priver, la fille au titre de son sexe, le garçon au titre de son insuffisance, d’autant que la jouissance phallique, masturbatoire notamment, est là qui en atteste la fonction dans le réel puisqu’elle est l’essentiel de ce qui en supporte la fonction symbolique. De telle sorte que fille et garçon dans l’hystérie, selon ce qui dans l’inconscient consiste à confondre la jouissance phallique avec la possession en propre du phallus, s’en emparent hallucinatoirement à l’étape œdipienne, face à la castration qui se présente. Là commence une première façon de « faire l’homme », pour chacun. Tandis que l’objet irréel dont ils se parent est détenu inconsciemment comme un objet volé, et non comme un objet qu’ils auraient reçu de plein droit. Le « vol de la lettre [12] » est en somme l’action pulsionnelle qui se répétera volontiers face à l’échec des demandes ultérieures.

15 Cette appropriation rêvée se monnaye de manière différente lorsque, à l’entrée dans l’échange sexuel, d’autres modalités de solutions se produisent. Là, la fille, qui dans l’hystérie jusqu’alors se présentait comme ayant le phallus, peut soudainement se vêtir en objet phallique, dès lors qu’elle a compris qu’on peut aussi bien faire semblant de l’être que de l’avoir. Mais elle le fait sans du tout abandonner l’un pour l’autre, sans substituer l’un à l’autre. Elle se pare maintenant de l’objet dans les deux sens, reprenant dans cette nouvelle étape de séparation un élément du temps précédent de l’aliénation, emprunté à la relation première à la mère, qui consiste à conjoindre l’être et l’avoir phalliques. C’est là que l’angoisse d’un désir incestueux du père la hante, comme une nécessité en fait d’être représentée auprès du désir du Père pour initier le fait de l’être maintenant auprès du désir de l’Homme. La hantise du viol est du même ordre, mais résulte aussi de ce que, s’étant emparée irréellement de l’objet que l’Œdipe lui refusait, son angoisse est grande que les porteurs du phallus ne lui fassent savoir brutalement que ce sont eux qui le détiennent. La lettre poursuit son vol. Sujet séparé qui élide le signifiant premier qui le représente, il subit ce rappel brutal de l’autre signifiant auprès duquel il doit être représenté comme sujet.

16 Le versant du fantasme en jeu tout d’abord est en partie contingent, résultant du hasard de la rencontre. La jeune fille peut aborder l’échange sexuel auprès de ses « semblables », les garçons, et dans ce cas ce qu’elle sait faire, à savoir l’homme, trouve directement à s’éprouver dans la castration de l’autre. Ce versant du fantasme consiste à habiller le sujet en moi viril, en refoulant sa castration. Ou bien son partenaire incarne l’Homme, instance qui vient à la place de la fonction du Père, un « touthomme », qui rejoint celui qui comme le Père mythique peut satisfaire à la jouissance de toutes les femmes et n’est pas susceptible d’être châtré, grand Autre à l’horizon de la jouissance absolue qu’elle vise. Ce versant du fantasme consiste à habiller alors l’objet qu’elle se fait en phallus en refoulant là aussi sa castration. Lacan a souligné qu’il suffit qu’il y en ait un qui existe, qu’il y en ait au moins un, « hommoinzun » qui s’excepte sur un mode universel de la castration, pour que le propos de l’hystérie puisse se déployer. Pour celui-là, elle peut se présenter selon l’être du désir comme phallus, s’envisager femme et cause de son désir.

17 Que se joue-t-il dès lors, une fois suscité le désir de cet Autre absolu, pour peu qu’au moins un homme ait pu l’incarner ? Se faire la métaphore du désir ne veut pas dire s’en faire l’objet, cela veut dire énoncer en acte une position et l’énoncer pour toutes les femmes, ce qui fait de cette position un discours, et un discours qui là aussi rejoint en ce sens la loi sexuelle. Cependant l’hystérique ne le promeut pas pour elle, car elle n’entend pas que ce soit d’elle dont l’Homme jouisse. Plus encore que la femme, selon Freud, elle a une sorte de vocation œdipienne éternelle, elle semble s’offrir au désir de l’homme mais le fait à la manière de l’enfant qui veut obtenir le regard du père. Dès lors, il ne s’agit aucunement de satisfaire sa jouissance, qui est radicalement interdite. Il s’agit d’obtenir un représentant de la jouissance de l’Autre, son regard, sa voix ou son désir. Pour que de là il y ait passage vers une réalisation de désir, cela exige un remaniement conséquent de la position subjective.

18 La jeune fille dans l’hystérie peut également s’engager dans la jouissance de la privation, et revêtir l’idéal de la vierge qui de nos jours reparaît, et qui est également une modalité fidèle du signifiant phallique. Ou bien s’offrir à tous les hommes, selon une sorte d’initiation qui évoque ces femmes sexuellement offertes au tout venant à l’entrée de certains temples dans l’Antiquité, afin d’attester la jouissance, donc l’existence, d’un dieu ou de la déesse. Pour l’hystérique, cela ne consiste pas à s’offrir à la jouissance de l’Autre mais à consacrer ce signifiant de l’Homme, de tous les hommes, pour se construire l’image d’un objet satisfaisant auprès de son désir. Là peut se manifester l’intervention des objets pulsionnels qui viennent combler le trou séparant le désir de la jouissance et celle d’un sexe et de l’autre. L’objet oral y intervient tel qu’il s’est manifesté par le fait de s’en emparer d’emblée, là selon un désir de castration. À quoi se conjoint la voix de l’Autre, celle du commandement, qui donne à l’hystérie son fantasme masochiste, où le sujet se soumet à la voix de son maître [13], et l’on a pu attribuer à la féminité de comporter un tel masochisme et les confondre sur ce mode. Ainsi se joue une partie où il s’agit de paraître incarner la jouissance de l’Autre instaurée sur ce mode, tout en s’y soustrayant puisque œdipienne, elle reste interdite.

19 Un tel sujet a pour choix de s’en remettre totalement à l’aliénation du désir de l’Autre et dans sa présence disparaître sur le mode de l’aphanisis, ou bien de tenter d’entrer dans le champ de la jouissance sexuelle en évitant la castration, par « l’unilatéralisation » « du côté du partenaire », selon l’expression de Lacan [14]. Il oscille entre un extrême et l’autre, qui ne laisse pas d’autre voie de passage. Il ne peut recevoir sa jouissance de l’Autre, ni en jouir de quelque manière. L’orgasme est chez la femme généralement absent ou provoqué par elle-même jusque dans l’acte sexuel, et chez l’homme, précoce, mais n’est pas forcément un signe de jouissance. Dans ces différents cas, l’hystérique fait donc l’homme d’une tout autre manière, puisqu’elle fait de l’Autre un Homme, le constitue ainsi.

20 S’étant séparé en reprenant à son compte le désir de l’Autre, le sujet hystérique est, comme le sujet œdipien dont il est en somme le paradigme, sur le versant logique de la séparation, donc sujet irréel et mythique paré de l’objet de l’Autre. Plus la séparation du désir de l’Autre a été précoce, et plus elle appelle au retour dans une aliénation qui donnerait une chance nouvelle de le satisfaire et de compléter la structure. À ce sujet tôt séparé, refoulant le premier signifiant qui le représente en ne suivant que sa loi, s’impose massivement d’avoir à se situer auprès d’un signifiant pour lequel il représente quelque chose. Bien sûr, il le cherche d’abord dans l’échange amoureux, mais aussi lorsqu’il s’intègre dans un discours, par exemple celui d’une psychanalyse, où il devient le sujet divisé de l’aliénation signifiante en déployant cette fois sa parole.

21 À partir du désir de l’homme, la femme dans l’hystérie commence à éprouver la cause de son propre désir, d’une part, et, de l’autre, à en construire l’enveloppe, c’est-à-dire un moi qui réponde à ce désir comme objet satisfaisant, et qui ne soit plus uniquement à l’image de l’homme. L’appui narcissique de l’image au miroir y fait le plus souvent défaut en effet, puisque le désir de l’Autre qui pouvait la déclarer satisfaisante fut récusé dès le sevrage, l’infans se récusant lui-même de ce fait comme objet satisfaisant du désir. Seul l’idéal du Moi, qui dérive de l’effectuation de la métaphore du Père, a pu alors commander le sens de l’image au miroir, selon ce qui doit être visé et non selon ce qui satisfait. En se présentant au désir de l’homme, elle peut donc former et ajuster une autre image spéculaire, tandis que chaque échec du rapport à l’autre sexe viendra répéter le processus de séparation initial, en s’emparant du phallus avec l’identification imaginaire qui en dérive.

22 L’homme dans l’hystérie questionne quelque chose du même ordre, car pour lui aussi la séparation précoce du désir de l’Autre a insuffisamment nourri le support narcissique, le moi idéal du miroir, lui aussi s’est « construit seul », refoulant le signifiant qui le représente, et n’est pas « fini », comme disent les analysants. La nécessité d’élaborer un moi satisfaisant pour un Père se pose de même et peut continuer à passer par ce qui consiste à faire imaginairement l’homme, mais en somme dans l’imposture, source d’angoisse. Ou bien elle passe par un idéal du moi féminin, qui lui donne parfois l’impression d’être homosexuel même si ce n’est pas le cas. Il partage également, comme dans toute névrose, la difficulté à franchir la limite entre désir et jouissance, et toutes sortes de matérialisations symptomatiques de cette frontière peuvent être réalisées.

23 Lorsque la fonction du sujet est au premier plan comme métaphore de la jouissance de l’Autre, pour ce faire il ne jouit pas, hormis de la jouissance du symptôme. De même qu’il n’a pour cause de son désir que la demande de l’Autre, le névrosé choisit toujours le sens au détriment de la jouissance, et cela est mesurable bien au-delà du rapport à l’autre sexe, à vrai dire dans tous les domaines. Nombre de ces déterminations résultent de ce qui consiste à se placer dans le champ du désir, par rapport à l’Autre, non dans celui de la jouissance, et à maintenir entre eux un fossé infranchissable. La ligne de partage, qui consiste à se soustraire à la jouissance de l’Autre mais à s’en faire le signifiant, varie beaucoup selon l’évolution des discours et des représentations au long des époques successives. Ne pouvoir aborder la jouissance de l’Autre, au sens du génitif objectif, donc recevoir sa jouissance de l’Autre, en constitue l’axe commun, formant une inhibition décisive. Certes, cela rentre dans le cadre du refus du féminin déjà décrit par Freud, mais un tel refus concerne tout le monde, et celui de l’hystérie a des ressorts précis.

24 Comme la féminité, l’hystérie se définit selon la fonction phallique, mais refuse le manque à avoir qui va de pair avec l’être dans ce cadre. La visée d’une jouissance absolue comporte cette possibilité de conjoindre l’être et l’avoir. Là où le pervers se clive entre l’être pour l’Autre et l’avoir dans son objet, l’hystérique les condense plutôt dans le même lieu, ce que manifeste la scène décrite par Freud, d’un geste effectué selon un sens dit féminin, d’un côté, et masculin, de l’autre, qui consiste en fait à conjoindre en acte l’être à l’avoir. Dans ce cadre, l’amour de son partenaire ne fait que lui révéler son manque à avoir et « le porteur dudit » ne comble cette privation qu’au prix d’en « raviver ladite blessure [15] ». Elle croit demander l’amour, s’adresse en fait au désir en excluant la jouissance, et à chaque échec du rapport à l’autre sexe qui la rend à sa solitude signifiante, s’empare à nouveau de l’objet irréel.

25 La frontière la plus palpable de l’hystérie et de la féminité, dans le rapport à l’Autre, se marque justement par l’amour, qui est bien en effet ce qui permet à la jouissance de condescendre au désir, notamment parce qu’il s’adresse au manque et manifeste le manque, comme entrée possible dans la jouissance de l’Autre. En l’aimant, l’homme ne lui manifeste pas seulement son manque à elle mais aussi son manque à lui, car en donnant ce qu’il n’a pas, il le montre, or l’hystérique le veut intact, fût-ce pour viser à terme sa castration. Ce pourquoi elle aime volontiers là où il n’y a nulle réponse, ou sur le mode d’une idéalisation qui s’exerce d’autant plus que l’homme en question est plus démuni, tout comme l’enfant hystérique idéalise d’autant plus vigoureusement un père qu’il est plus défaillant comme homme. Elle présente à tel maître le modèle de ce qu’il construit comme objet du désir, non pour qu’il jouisse d’elle, mais plutôt pour « le mater », comme l’avance Lacan [16], au sens où se soustraire à sa jouissance exigera qu’il sache en quoi la castration le concerne. Si elle promeut la loi qui fait de la femme le signifiant du désir de l’homme, elle ne s’y compte pas [17].

26 L’homme, dans l’hystérie, rencontre des impasses plus comparables qu’on ne pourrait le penser. Il construit lui aussi un idéal de femme qui serait entièrement le signifiant du désir de l’homme, et conjoint l’objet halluciné qui le fait être et avoir à la fois. Cet homme se souvient qu’à l’adolescence, alors que ses premières relations féminines se soldaient par des échecs, il avait commencé à s’habiller en femme en secret, ayant conscience qu’il avait construit un idéal féminin qu’il se mettait à incarner lui-même, sans jamais avoir de désir homosexuel pourtant, mais se sentant lesbien, à aimer les femmes comme une femme.

27 Qu’il soit homme ou femme, le sujet de l’hystérie construit un modèle qui répond au signifiant La femme en jeu dans le discours, équivalant au phallus symbolique, et le fait supposer savoir, ce qui fonde l’essentiel de l’amour qu’il lui adresse. Il le suppose savoir ce qu’il faut pour assurer la jouissance de l’homme, alors que l’obsessionnel fait supposer savoir le maître, savoir ce qu’il lui faut à lui pour jouir, deux signifiants référents du rapport sexué que Lacan jugeait aussi « cons » l’un que l’autre [18]. Ce sujet La femme est sensible dans le cas de la Dora de Freud, dans son rapport excessivement aimant avec la maîtresse de son père, qui en effet est supposée savoir ce qu’il faut pour faire jouir un homme même s’il ne le peut, et savoir que cela aboutit à sa castration. De sorte que la jeune fille incarne dans ses symptômes une interrogation de la structure, et ne peut s’identifier à la femme qu’au prix d’un désir insatisfait [19] tant que cette supposition de savoir n’est pas caduque. En attendant, elle « fait l’homme qui supposerait la femme savoir [20] », selon la célèbre formule de Lacan, à qui l’on doit donc d’avoir montré que la féminité dont la femme dans l’hystérie se fait le chantre, mais surtout l’otage, est comme une parodie de la femme vue par l’homme, réduite à n’avoir rapport qu’à la jouissance de l’homme et à sa castration et à sacrifier la sienne, cas où l’homme d’ailleurs, remarque-t-il, se trouve « comblé, ce qui veut dire exactement, parfaitement floué, ne rencontrant que son complément corporel [21] ».

28 Faire supposer savoir un des signifiants de la structure n’a pas pour seul effet de barrer un peu plus l’accès à un rapport sexuel, comme le font les névroses en général, mais de séparer radicalement le désir de la jouissance dans tous les domaines, car seul le supposé savoir jouit ou sait ce qu’il faut pour cela, non le sujet qui lui suppose ce savoir. L’ensemble des réalisations du sujet en est touché et une des visées majeures d’une psychanalyse, en prêtant corps le temps nécessaire à un sujet supposé savoir, est précisément de parvenir à détacher cette supposition de la structure en la révélant caduque à terme.

29 Si l’on considère le schéma si utile que Lacan a fait en 1973 [22] pour montrer en résumé les deux positions sexuées possibles selon la fonction phallique, on peut situer clairement le sujet de l’hystérie du côté gauche, qu’il soit homme ou femme, car il prend son inscription dans la fonction phallique sur le mode masculin comme logique du tout. Et il se situe selon le fantasme, dans le rapport du sujet divisé à l’objet causant son désir, placé du côté féminin, tout en ayant comme référence le phallus symbolique, sans aucunement en jouir. L’hystérie rejoint ainsi, pourrait-on dire, un point de vue dont Lacan estimait qu’on pouvait être tenté, « momentanément, d’en rendre l’Autre responsable » (Dieu en l’occasion) : « Si la libido n’est que masculine, la chère femme, ce n’est que de là où elle est toute, c’est-à-dire là d’où la voit l’homme, rien que de là que la chère femme peut avoir un inconscient [23]. » Où l’on reconnaît certains attendus freudiens, et où l’on voit qu’en effet la femme hystérique a un inconscient, et n’a même que lui.

30 Cette logique dite du tout prend l’allure, dans le quotidien de l’expérience du sujet hystérique, de cette sorte de tout ou rien suicidaire permanent qui se traduit notamment dans ce vouloir rien si l’on n’a pas tout, donc dans le choix du rien, trouvant une jouissance dans la privation même [24]. Vraie de toutes les névroses, cette logique est illustrée dans l’hystérie par la quête de la jouissance absolue, n’en admettant aucune autre, ce que le sujet paie fort cher. En effet, elle fonde le rapport à la jouissance en définissant le tout par la fonction de l’objet a comme complément ou comme rien, et le Nom du Père comme exception à la castration, ne laissant à ses affiliés que la solution également affligeante de n’être que le rien de la castration ou le tout de l’identification à celui qui est supposé jouir sans limites. Cette logique détermine dans l’hystérie, comme dans la névrose en général, une séparation du désir et de la jouissance comme telle, qui pèse massivement dans le rapport à l’Autre, et bien au-delà dans les réalisations subjectives. Au contraire de la féminité, l’hystérie qui ne comporte de jouissance que du symptôme, barre la jouissance phallique presque autant que la sublimation, en lui infligeant une inhibition qui confine à l’échec dans un grand nombre de directions où elle s’exerce [25].

31 L’hystérie présente, au regard de la féminité, toutes les différences qu’il y a de la logique névrotique du tout à la logique du pas tout, de sorte que le semblant qui l’habite, comme il le fait massivement du discours en paraissant leur tracer des frontières communes, ne peut résister à l’examen de la structure logique.

La féminité n’obéit pas à la névrose

32 Certes, les femmes entrent dans le champ de la jouissance par le désir de l’homme, c’est là le chemin incontournable de la féminité comme de l’hystérie, avant qu’elles ne divergent. Mais une fois mentionnés les quelques éléments similaires qui paraissent leur dessiner des frontières communes à la surface de la structure, l’on pourrait accumuler les points où l’une contredit l’autre, car c’est la structure entière qui les sépare. Bien entendu, une femme ne sacrifie nullement son désir dans son rapport à un Autre qui manque, ne suppose nullement La femme savoir ce qu’il faut pour la jouissance de l’homme, d’ailleurs, dans ce cas, il n’y a pas de signifiant La femme totalisant ce qu’il en est des femmes, et pas non plus de sujet supposé savoir intégré à la structure. Une femme ne croit pas que la femme doive se résumer à se faire le signifiant du désir d’un homme ou à paraître l’objet de sa jouissance, moyennant quoi elle ne s’y oppose pas, et le conçoit comme ce qui lui donne accès dans la rencontre à sa jouissance à elle. Le partenaire de la jouissance n’est pas forcément un homme, pas plus que cette jouissance n’est forcément celle d’une femme, comme le montre l’exemple pris des mystiques, hommes ou femmes, pouvant cependant laisser croire qu’elle est purement signifiante et hors sexe, ce que justement elle n’est pas, n’étant pas, elle, « hommosexuelle ». On sait que cette logique ne se fonde pas d’une exception à la fonction phallique, qu’elle se passe de Nom du Père, de sorte qu’en l’habitant on n’en dépend pas entièrement, une femme ne se limitant pas à la fonction de « fétiche » que la loi sexuelle confère et mettant en jeu sa castration pour permettre un rapport. Elle ne comporte pas non plus la visée d’une jouissance absolue, et ne lui préfère donc pas le rien comme privation accomplie.

33 Une femme, prenons donc ce cas, franchit l’intervalle qui sépare le désir de la jouissance, et se place dans le champ de la jouissance d’où le désir, loin d’être l’horizon qui la rend inaccessible, devient une défense nécessaire et toujours renouvelée [26]. Elle élabore sa jouissance à la jonction de l’imaginaire et du réel, et non dans le symbolique du discours, de sorte qu’elle ne se tient pas à ses attendus. Lacan considère qu’aborder l’autre par son désir, comme le fait une femme, fait moins de problème que de l’aborder par l’objet comme le fait l’homme car l’objet vient alors en second, comme de surcroît, et n’est pas lié nécessairement au manque auquel il est lié chez l’homme [27]. Il se place, en disant cela, du point de vue de la jouissance, et avance désormais qu’il n’y a nul moyen de comprendre le désir féminin sans se placer de ce point de vue et non plus de celui du désir, notamment parce que son lien au désir est plus lâche [28]. Là, une différence décisive se marque, avec l’hystérie notamment : la béance qui sépare le désir de la jouissance est moins grande et le désir n’est là qu’une étape sur la voie de la jouissance, non un monde à lui seul qui en barre l’accès, notamment pour la raison que le désir de l’homme donne à la jouissance d’une femme un objet « convenable ». Ce qu’elle est dans le désir de l’homme est la voie d’entrée dans sa jouissance et constitue la première définition positive de la féminité depuis l’enfance : jusque-là manque à avoir, elle vient dans l’être du désir à se positiver. Et sachant qu’elle ne s’y résume pas, elle a, selon Lacan, un certain mépris de sa méprise dans la mascarade.

34 L’amour fait ici le joint entre la jouissance et le désir sur le mode exemplaire du don de ce qu’il n’a pas, puisque précisément c’est l’être ici qui se donne, formule de ce qui inaugure une jouissance et, par là, cause un désir. Loin de s’adresser fondamentalement au savoir du sujet supposé, l’amour ici se renouvelle dans une béance rencontrée. Dans l’acte sexuel, la jouissance du phallus sépare celui-ci de l’homme et la découverte qu’il n’unit pas deux jouissances constitue une castration pour le couple sexuel [29]. Mais là où, pour l’homme, ce renversement suscite le report ailleurs d’une jouissance soustraite, dans la jouissance Autre un processus s’instaure comme création qui supplée là où quelque chose s’avère manquer pour fonder un rapport sexuel [30]. Il consiste à se donner de façon sans cesse renouvelée comme objet imaginairement créé [31]. L’homme participant comme partenaire à cette jouissance subit une castration, qui concerne le complément corporel qu’il pensait rencontrer, mais reçoit ce don de l’être qui y supplée. Ce rapport ainsi élaboré est à écrire puisqu’il ne l’est pas, réitérant indéfiniment le processus qui supplée imaginairement à la béance réelle au défaut du signifiant.

35 Occupant ainsi progressivement la position de l’Autre, au sens de l’Autre sexe et de l’amour, la jouissance féminine est souvent confondue avec celle de la mère, et l’on sait l’impact de la remarque freudienne sur les seconds couples réussis à cette condition. Cependant, c’était là une manière de traduire en quoi pour lui la position de la femme définie par le discours aboutit à un échec du rapport sexuel, et en quoi elle doit se rapprocher de celle de l’Autre pour que le rapport soit possible. Mais il ne s’agit pas de la mère dans la féminité comme telle, même si comme quiconque elle aborde le rapport sexuel en référence à la scène œdipienne, confrontée à cette idée de l’Un de l’union emprunté à la relation à la mère, où chacun est situé comme fonction d’objet a. À force d’être l’Autre dans le rapport sexuel, elle a rapport à l’Autre et en effet elle en jouit, sans qu’il s’agisse de la jouissance phallique de la mère dans son rapport à l’enfant. Elle jouit de l’Autre, dont le manque pourtant s’est révélé et non de l’objet qu’il constituerait, et ce qu’elle élabore dans la rencontre la fait s’avancer toujours plus vers cette absence du grand Autre, point qui la rapproche encore de la sublimation. Comme l’hystérique, elle découvre que le signifiant phallique, qui plus que l’instinct conduit l’humain vers l’acte sexuel, y échoue et qu’on n’y entre dès lors effectivement qu’en déposant les armes de la fonction phallique. Mais, au contraire de l’hystérique, elle ne se fait pas l’otage de cet échec, elle y pare.

36 L’« au moins un » n’est là que celui qui pour elle renonce à la fonction phallique, et non « l’hommoinzun » qui s’en excepte n’étant pas atteint par la castration. La création progressive que comporte cette jouissance, renversement majeur par où l’objet devient actif et le sujet, subverti, de même nature que la sublimation, consiste en une série d’approximations successives que Lacan avait tenté de cerner en utilisant différentes séries logiques, pour représenter le mode sur lequel la logique féminine se soutient, au-delà de son acte inaugural, dans la mesure où la contingence d’une rencontre lui a permis de s’instaurer et où elle est sans cesse à écrire, à renouveler pour simplement soutenir son système. Elle ajoute sans cesse quelque chose à ce qu’elle donne, là où l’hystérie en soustrait toujours plus.

37 L’idée n’a pas complètement disparu qu’une femme doit, pour atteindre cette jouissance, renoncer à sa jouissance phallique, dont Lacan a dû encore bien tard souligner qu’elle n’est pas privée tant une croyance en la nécessité d’une substitution de l’une à l’autre persiste. De tout temps, on assiste à cette tendance, dans l’inconscient et dans les rites comme dans l’élaboration théorique. Freud avait également considéré que la jouissance féminine, vaginale, ne pouvait que se substituer à la jouissance « masculine » de l’enfance, prenant pour masculine la jouissance phallique, clitoridienne notamment. Dans les études sexologiques qui lui ont répondu, au siècle précédent, on pouvait curieusement assister à peu près à une substitution inverse. Il s’y énonçait que le seul orgasme possible de la femme, y compris dans l’acte sexuel, était clitoridien, de sorte qu’en somme la femme non seulement ne devait pas renoncer à sa jouissance phallique pour entrer dans la jouissance féminine, mais ne connaissait que celle-là. De plus, dans ces différents cas de substitution, larges étaient les zones d’élaboration où les jouissances organiques étaient traitées comme de simples métaphores des jouissances psychiques comme si leur recouvrement était partout exact. Il est maintenant clair, dans le champ des concepts freudo-lacaniens et leurs prolongements, que la jouissance phallique ne définit pas comme telle le masculin puisqu’elle consiste à jouir aussi de la parole dans ses différents attendus, et par conséquent constitue une part fondamentale de la jouissance des deux sexes. Un déplacement massif de la « cartographie » des jouissances s’est opéré dans le siècle précédent, et cette répartition se fait désormais entre la jouissance phallique et celle des différents objets, qui appartient aussi bien au féminin qu’au masculin, et la jouissance de l’Autre qui est située dans le féminin, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. On peut aussi souligner que, comme le montre le même schéma [32], seule la féminité jouit du phallus comme tel, là où il n’est pas possédé mais seulement donné, car ailleurs il est dans le fantasme comme une signification. Il est maintenant clairement apparu que les jouissances phallique et de l’Autre n’épousent pas comme telles le masculin et le féminin, ce qui modifie leur définition et rend leur frontière tout autre, peut être plus floue de prime abord dans l’expérience, mais plus rigoureuse et plus exacte. Cette annonce radicale au monde, Lacan l’écrivait sur le tableau en toutes lettres de son schéma des deux modes de jouissance. Causant d’abord une certaine stupeur, il devait s’avérer ne traduire rien d’autre que ce qui était en train de se passer dans l’évolution des sociétés occidentales.

38 Ce tableau montre d’ailleurs en quoi, à partir d’un même point, la féminité passe de la jouissance phallique à l’autre jouissance, et la fonction de mère qui se spécifie d’une jouissance phallique peut évidemment s’y articuler. Mais l’expérience montre pourtant qu’une tendance à la substitution se présente jusque dans les faits, même si elle n’est plus une loi et n’est pas une nécessité. Il faut bien constater que quelque chose insiste, où un mode de jouissance a tendance à prendre le pas sur un autre de quelque manière, et s’y substitue partiellement ou totalement. Le schéma des deux jouissances pose aussi une question de cet ordre, d’ailleurs, puisqu’on y voit que l’articulation possible des deux modes de jouissance de la femme y figure à partir d’un point unique, d’où deux vecteurs différents de jouissance se dirigent, l’un vers le phallus symbolique qui est dans le champ de l’homme et l’autre, corrélatif de la position d’objet a pour l’homme, vers l’Autre barré, qui n’y est pas. Ce point unique de départ des deux jouissances est nommé La femme barrée, en tant que comme totalité elle n’existe pas. Or Lacan en dit que si elle existait, ce serait Dieu, et ce point serait donc la place de Dieu. De sorte que l’on voit à quel point sa pensée d’une articulation possible des deux modes de jouissance la considère comme problématique, puisqu’en somme les articuler comme signifiant existant consisterait à être à la place de Dieu ! Une béance reste en ce point, que Dieu a fonction de remplir.

39 Ainsi une tendance plus ou moins prononcée à la substitution au moins partielle d’une jouissance à l’autre reste toujours en jeu dans l’expérience. Par exemple, la jouissance phallique de la mère peut venir à occuper tout le terrain alors que rien n’y oblige, ou bien à l’inverse l’autre jouissance prend le pas sur les jouissances phalliques, avec éventuellement la sublimation, au détriment de celle de la mère. Cette tendance à la substitution se fait toujours sentir dans l’expérience particulière, même si elle n’est plus exigée comme définition du rapport sexué, parce que la substitution fait sens et que le sens gagne généralement à terme sur la jouissance.

40 Quoi qu’il en soit, le passage éventuel de l’hystérie à la féminité, par exemple grâce à une psychanalyse, se marque par de nombreux effets. Dans ce cadre, peu à peu s’éprouve largement une disparition de l’angoisse dès lors que le désir de l’Autre a changé de statut, et que « la lettre volée » a été en somme reprise par cette castration que Freud décrivait en fin d’analyse et qui, largement vérifiée, n’est encore cependant que le passage à sa dernière étape. Nombre de symptômes névrotiques disparaissent dès lors que le sujet n’incarne plus dans sa chair l’interrogation et la vérité de la structure, une fois que son sujet supposé savoir s’en est détaché. La logique hystérique qui veut la jouissance absolue ou bien rien, laisse la place en ce qui concerne la fonction phallique au pas-tout, mais pas rien non plus, de l’autre logique. L’inhibition s’estompe dès lors que l’installation dans le registre de la jouissance ne la sépare plus du désir par un fossé infranchissable. L’homme de cette structure, qui n’a pas pour horizon le passage à une féminité possible, découvre tout autant l’introduction d’une autre logique, comportant les mêmes bénéfices thérapeutiques et pouvant se déployer dans des actes qui l’exigent, comme l’acte sexuel, l’acte analytique, l’acte sublimatoire. Autant d’effets qui accompagnent ces points de passage décisifs.

41 La différence est donc massive qui ainsi se creuse entre une logique et l’autre, entre l’hystérie et le pas-tout. Et lorsque la psychanalyse permet d’effectuer un passage de l’une à l’autre, elle enseigne à son tour quelque chose à l’hystérie, lui rendant en quelque sorte ce qu’elle lui doit.


Mots-clés éditeurs : logique du pas tout, féminité, Hystérie, fonction phallique, logique du tout

Mise en ligne 15/04/2014

https://doi.org/10.3917/fp.027.0035

Notes

  • [1]
    Ce qui a par exemple suscité certains débats qui prêtaient à Lacan une orientation qui n’était pas fondamentalement la sienne, même s’il l’a infléchie progressivement dans un sens qui apparaissait peu à peu beaucoup plus nettement.
  • [2]
    Ainsi dans son article « Sur la sexualité féminine » en 1931, Freud disait ceci : « Je soupçonne qu’il y a une relation particulièrement étroite entre la phase du lien à la mère et l’étiologie de l’hystérie, ce qui n’a rien de surprenant si l’on considère que l’une et l’autre, la phase comme la névrose, appartiennent aux caractères particuliers de la féminité. » S. Freud, La vie sexuelle, Paris, Puf, 1969, p. 141.
  • [3]
    J. Lacan, « Le séminaire sur La lettre volée », dans Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 31.
  • [4]
    « Il n’y a rien d’excessif au regard de ce que nous donne l’expérience, à mettre au chef de l’être ou avoir le phallus […] la fonction qui supplée au rapport sexuel », dit par exemple Lacan dans « L’Étourdit », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 458.
  • [5]
    On peut en déduire d’ailleurs la supposition d’une interaction des discours du maître et de l’hystérique, l’un répondant à l’autre, sur tel ou tel mode, car promouvoir le signifiant de son désir a pour effet de constituer l’Homme comme tel, selon un processus courant dans les religions où pour soutenir un signifiant, par exemple celui d’un dieu, il suffit de lui offrir un objet supposé satisfaire sa jouissance.
  • [6]
    Lacan en dit ceci dans Le Séminaire, Livre VIII, Le transfert (1960-1961), Paris, Le Seuil, 1991, p. 84 : « Le porteur dudit, comme je m’exprime, s’escrime à faire accepter par sa partenaire cette privation, au nom de quoi tous ses efforts d’amour, de menus soins et de tendres services sont vains, puisqu’ils ravivent ladite blessure de la privation. Cette blessure, donc, ne peut être compensée par la satisfaction que le porteur aurait de l’apaiser, elle est bien au contraire ravivée de sa présence même, de la présence de ce dont le regret cause cette blessure. C’est là, très exactement, ce que nous a révélé ce que Freud a su extraire du discours de l’hystérique. »
  • [7]
    Le sacrifice du désir dans l’hystérie est noté par Lacan, ibid., p. 288.
  • [8]
    Il en dit ceci par exemple : « Pour l’homme, en tant qu’il a à remplir l’identification à la fonction dite du Père symbolique, qui est la seule à satisfaire, et c’est en cela qu’elle est mythique, la position de la jouissance virile dans la conjonction sexuelle est ce qui s’offre au niveau du naturel. C’est très précisément, ce qui s’appelle être le maître. » J. Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre (1968-1969), Paris, Le Seuil, 2006, p. 335-336.
  • [9]
    Dans son livre La Question féminine, de Freud à Lacan. La femme contre la mère (Paris, Puf, 2010), Markos Zafiropoulos reproche à l’élaboration freudienne de la féminité de n’avoir trouvé d’autre solution à l’Œdipe féminin que le devenir mère, et de n’avoir envisagé la position féminine que dans l’avoir, alors qu’elle se situe dans l’être comme objet du désir, ainsi que Lacan l’a souligné. Il lui reproche également d’avoir avancé que la femme n’avait pas véritablement de don pour la sublimation, tandis que l’évolution de notre société a maintenant largement prouvé le contraire et que, pour Lacan, elle est en position privilégiée sur ce point. Cela est juste et ce débat important devait certainement avoir lieu dans le champ psychanalytique après qu’il ait eu lieu ailleurs selon d’autres références. Peut-être, cependant, doit-on le poser autrement que comme une opposition frontale, si l’on considère que Freud a parlé pour l’essentiel de ce qui s’apercevait depuis le discours et ses ratés, non de ce qui se joue hors discours. Il a décrit ce qui se conçoit depuis la logique appuyée sur le Nom du Père et non à partir de celle qui s’en passe. En ce sens, certaines de ses conceptions n’ont de valeur que locale, dans cette logique, alors qu’il y est objecté ailleurs, dans une autre logique, sans pour autant qu’elles soient invalidées.
  • [10]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore (1972-1973), Paris, Le Seuil, 1975, p. 79.
  • [11]
    Élaboration entamée dans G. Chaboudez, « Logique comparée des névroses », Figures de la psychanalyse, n° 12, p. 69 sqq., qui trouve ici sa suite.
  • [12]
    Il y a là bien sûr une référence au « séminaire sur La lettre volée » (J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 11 sqq.) où la structure d’un acte qui consiste à s’emparer de l’objet de l’Autre pour avoir une prise sur lui est largement déployée.
  • [13]
    Lacan souligne que la voix constitue le support privilégié du désir de l’Autre (Le Séminaire, Livre X, L’angoisse [1962-1963], Paris, Le Seuil, 2004, p. 388.)
  • [14]
    J. Lacan, Le séminaire, Livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant (1971), Paris, Le Seuil, 2006, p. 175. Il ajoute : « Disons qu’à l’hystérique, il faut le partenaire châtré. Qu’il soit châtré est au principe de la possibilité de la jouissance de l’hystérique. »
  • [15]
    Voir plus haut la citation extraite de L’envers de la psychanalyse, op. cit., p. 84.
  • [16]
    J. Lacan, D’un discours qui ne serait pas du semblant, op. cit., p. 153-154.
  • [17]
    C’est ainsi qu’elle représente volontiers ce « famil », mot constitué par Lacan de « femme » et de « il » (J. Lacan, D’un Autre à l’autre, op. cit., p. 336).
  • [18]
    J. Lacan, ibid., p. 386, le 18 juin 1969.
  • [19]
    Ibid., p. 389.
  • [20]
    Ibid., p. 387.
  • [21]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XIV, La logique du fantasme (1966-1967) (inédit), le 30 mai 1967.
  • [22]
    J. Lacan, Encore, op. cit., p. 73.
  • [23]
    Ibid., p. 90.
  • [24]
    Au point qu’elle peut réaliser de façon exemplaire une modalité de plus-de-jouir par une soustraction progressive à chaque perte de jouissance, qui aboutit à la castration réalisée.
  • [25]
    Cette inhibition quant à la jouissance phallique est approchée en termes de dénégation dans un article de ce volume, par Hélène Blaquière, sous le nom de « jouissance négativement phallique ».
  • [26]
    Un premier ensemble de commentaires de la logique féminine a été développé dans G. Chaboudez, Rapport sexuel et rapport des sexes, Paris, Denoël, 2004.
  • [27]
    J. Lacan, L’Angoisse, op. cit., p. 214.
  • [28]
    Ibid., « La femme s’avère comme supérieure dans le domaine de la jouissance, en ceci que son lien au nœud du désir est beaucoup plus lâche ».
  • [29]
    Une interprétation de la théorie lacanienne du non-rapport à partir de l’acte sexuel est développée dans G. Chaboudez, Rapport sexuel et rapport des sexes, op. cit.
  • [30]
    Lacan en dit ceci, dans La Logique du fantasme, op. cit., le 24 mai 1967, « … la jouissance féminine elle-même ne peut passer que par le même repère, et c’est ça qu’on appelle chez la femme le complexe de castration. »
  • [31]
    « Ce qu’elle donne sous la forme de ce qu’elle n’a pas est aussi la cause de son désir, elle devient ce qu’elle crée de façon purement imaginaire », dit Lacan, ce qui lui fera dire que la femme n’y perd rien puisqu’elle n’y met que ce qu’elle n’a pas (J. Lacan, La logique du fantasme, op. cit., le 1er mars 1967).
  • [32]
    Cité plus haut, Encore, p. 73.
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