Notes
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[1]
Les citations sont extraites de Sojourner Truth, Récit de Sojourner Truth. Une esclave du Nord, émancipée de la servitude corporelle en 1828 par l’État de New-York, édition, traduction, introduction et notes de Claudine Raynaud, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 [désormais Récit suivi du numéro de page (ici p. 100)]. L’édition américaine de référence est la suivante : Margaret Washington (éd.), Narrative of Sojourner Truth. A Northern Slave Emancipated from Bodily Servitude in 1828 by the State of New York, New York, Vintage, 1993 (1850). Toutes les traductions de textes anglais, sauf mention contraire, sont de ma main. Cet article reprend certains des éléments de mon introduction au Récit, op. cit., p. ix- lxxvi.
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[2]
Voir respectivement : bell hooks, Ain’t I a Woman ? Black Women and Feminism, New York, South End Press, 1981 (édition en français : Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme, trad. Olga Potot, Paris, Éditions Cambourakis, 2015 ; l’auteure met délibérément des minuscules à son nom de plume pour indiquer que sa personne est moins importante que ses livres) ; Deborah Gray White, Ar’n’t I a Woman ? Female Slaves in the Plantation South, New York, W. W. Norton, 1999 (1985).
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[3]
Pour une définition de l’intersectionnalité, voir Kimberlé Crenshaw, « Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », Stanford Law Review 43/6 (1991), p. 1241-1299 ; Id., « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex : A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », in Joy James, T. Denean Sharpley-Whiting (éd.), The Black Feminist Reader, Malden, Mass., Blackwell, 2000, p. 208-238.
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[4]
Voir le titre de la biographie de Carleton Mabee, Susan Mabee Newhouse, Sojourner Truth : Slave, Prophet, Legend, New York, New York University Press, 1993.
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[5]
Voir William L. Andrews (éd.), Sisters of the Spirit. Three Black Women’s Autobiographies from the Nineteenth Century, Bloomington, Indiana University Press, 1986.
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[6]
Margaret Washington, Sojourner Truth’s America, Urbana, University of Illinois Press, 2009. C’est également le cas d’Erlene Stetson, Linda Davis, Glorying in Tribulation. The Lifework of Sojourner Truth, East Lansing, Michigan State University Press, 1994, p. 69. Un ouvrage récent que je n’avais pas consulté lors de la rédaction de cet article corrobore mon approche et souligne l’importance de la foi de Truth ainsi que la nécessité de rétablir un équilibre entre, d’une part, la mémoire de l’abolitionnisme et du féminisme américains et, d’autre part, celle de l’histoire des mouvements religieux : voir Isabelle Kinnard Richman, Sojourner Truth : Prophet of Social Justice, Londres/New York, Routledge, 2016.
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[7]
Nell Irvin Painter, Sojourner Truth. A Life. A Symbol, New York, Norton, 1996 ; Id., « Difference, Slavery and Memory : Sojourner Truth and Feminist Abolitionism », in Jean Fagan Yellin, John C. van Horne (éd.), The Abolitionist Sisterhood. Women’s Political Culture in Antebellum America, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1994, p. 139-158. Cette auteure définit la foi de Truth comme « pentecôtiste », c’est-à-dire sous l’influence du Saint-Esprit et du parler en langues d’après les Actes des Apôtres : voir Nell Irvin Painter, « Representing Truth. Sojourner Truth’s Knowing and Becoming Known », The Journal of American History 81 (1994), p. 461-492.
-
[8]
Le texte de cet ouvrage, American Slavery as It Is. Testimony of a Thousand Witnesses, New York, American Anti-Slavery Society, 1839, compilé par Theodore Dwight Weld, sa femme Angelina Grimké et la sœur de celle-ci, Sarah, est disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/weld/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[9]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 82.
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[10]
Ibid., p. 58 sq.
-
[11]
Ibid., p. 59.
-
[12]
Ibid., p. 60.
-
[13]
Sur le renouveau évangélique et ses témoins français, voir Denis Lacorne, De la religion en Amérique, Paris, Gallimard, 2007. Pour une analyse du Second Grand Réveil, voir également Nathan O. Hatch, The Democratization of American Christianity, New Haven, Yale University Press, 1989 ; Donald G. Matthews, « The Second Great Awakening as an Organizing Process », American Quarterly 21 (1969), p. 23-43. Voir aussi l’œuvre de Jon Butler, Awash in a Sea of Faith. Christianizing the American People, Cambridge, Harvard University Press, 1992, pour une analyse un peu moins centrée sur le christianisme et qui met en avant le pluralisme religieux, le syncrétisme, les croyances dans le surnaturel (magie, sorcellerie, astrologie), qu’elles soient héritées de la vieille Europe et de l’Afrique ou qu’elles se développent dans le Nouveau Monde.
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[14]
« Some years ago there appeared to me a form [here the speaker gave a very graphic description of a vision she had] den I learned dat I was a human bein. We had been taught that we was a speshe monkey, baboon, or rang-o-tang, and we believed it – we’d never seen any of dese animals. But I believes in de next world. When we gets up yonder we shall have all of dem rights ‘stored to us again – all dat love what I’se lost – all goin to be ‘stored to me ‘gain. Oh ! how good God is. » Discours du 5 octobre 1856 à Battle Creek, Michigan, retranscrit par Thomas Chandler, Anti-Slavery Bugle, 8 novembre 1856, p. 4, reproduit sous le titre « Proceedings of the Annual Meeting of the Friends of Human Progress in Michigan », in Suzanne P. Fitch, Roseann M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator. Wit, Story, and Song, Westport, Conn./Londres, Greenwood Press, 1997, p. 117 sq. L’accent de Truth est retranscrit comme étant du sud, alors qu’elle parlait plus vraisemblablement, certes un dialecte noir, mais avec un accent hollandais. J’ai choisi ici de traduire sans reproduire cet accent.
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[15]
Elle suit Robert Matthews et ses disciples à Mount Pleasant (aujourd’hui Ossining) lorsque le soi-disant Royaume de Matthias s’y installe en 1833. Elle ne sera pas témoin direct des émeutes de 1834.
-
[16]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 89.
-
[17]
Ibid., p. 89 sq.
-
[18]
« Well, thee says thy name is Sojourner ? » « Yes. » « Sojourner what ? » M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 2.
-
[19]
« So when I went out to go on east, I pryed an’ said ‘Lord, do give me a name with a handle to it ! » S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 188.
-
[20]
« As true as God is true, Sojourner Truth. » M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 2.
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[21]
La traduction utilisée pour les citations bibliques tout au long de l’article est celle de Louis Segond.
-
[22]
Le renouveau évangélique du Second Grand Réveil débute en 1780 et se termine en 1830 selon les historiens de la période. Voir, par exemple, D. G. Matthews, « The Second Great Awakening as an Organizing Process, 1780-1830 : An Hypothesis », art. cit.
-
[23]
Voir Charles G. Finney, The Autobiography of Charles G. Finney. The Life Story of America’s Greatest Evangelist – In His Own Words, éd. Helen Wessel, Bloomington, Minn., Bethany House Publishers, 2006 (1876).
-
[24]
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, dite aussi familièrement Église des Mormons, est la quatrième plus grande confession chrétienne des États-Unis (6 592 195 membres en 2018). Source en ligne : https://newsroom.churchofjesuschrist.org/facts-and-statistics/country/united-states (consulté le 27 juin 2019).
-
[25]
La date précise de cette venue varie selon Miller lui-même qui, s’appuyant sur le Livre de Daniel, cite 1843 dans William Miller, Evidence from Scripture and History of the Second Coming of Christ About the Year A. D. 1843, and of His Personal Reign of 1000 Years, Brandon, Vermont Telegraph Office, 1833. Les diverses dates de cette apocalypse annoncée sont le 21 mars 1843, le 21 mars 1844, et enfin le 22 octobre 1844.
-
[26]
Voir S. Truth, Récit, op. cit., p. 88-93. Le terme « adventiste » s’applique ici aux enseignements de Willliam Miller. Quand la fin du monde ne se produisit pas, lors d’une réunion à Albany, New York, en 1845, les Milleristes ou Seconds Adventistes déclarèrent croire à un retour du Christ sur terre au moment de la résurrection des morts et du début du millénaire.
-
[27]
Ibid., p. 100.
-
[28]
Pour plus de précisions, voir André Gounelle et al., La sanctification dans le méthodisme, Actes de la 1ère journée d’étude de la Société d’études du méthodisme français, Institut protestant de théologie, Faculté de Montpellier, 10 novembre 2012, Maisons-Laffitte, Ampelos, 2013.
-
[29]
Sur le perfectionnisme, voir M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 82-86 et N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 38-47.
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[30]
L’esclave Peter Williams fut acheté en 1783 par l’Église Méthodiste de John Street où il occupa l’emploi de sacristain ; il racheta sa liberté en 1796 et devint un leader de la communauté des Noirs libres de New York. Cette même année, il forma avec d’autres Noirs un groupe de prière séparé qui fonda en 1800 sa propre congrégation, l’African Methodist Episcopal Church. Son fils, l’abolitionniste Peter Williams Jr., suivit ses traces comme homme d’Église et antiesclavagiste engagé. C’est lui qui aide le fils de Truth nommé Peter.
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[31]
Alors que les Van Wagenen lui accordent sa liberté en la rachetant à Dumont en 1827, Peter, né après 1799 donc soumis au travail obligatoire, est vendu par John Dumont à Solomon et Eleazer Gidney. Solomon Gidney l’envoie alors à l’un de ses parents, le Dr. John Fowler, dans l’Alabama, ce qui était strictement illégal. Isabella, aidée par ses amis quakers et par l’avocat Herman R. Romeyn et le gendarme Matthew Styles, le récupéra au terme d’un long procès qui se tint à Kingstson.
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[32]
Il ne faut pas confondre cette Église noire avec la AME (African Methodist Episcopal) fondée en 1816 à Philadelphie par les révérends Richard Allen et Absalom Jones, également fondateurs de la FAS (Free African Society). L’African Church of Philadelphia fut fondée le 12 août 1794 ; Jones fut son premier pasteur noir et la Bethel African Church fut fondée le 9 avril 1794 avec Allen à sa tête.
-
[33]
Voir N. I. Painter, Sojourner Truth, op.cit., p. 43.
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[34]
L’autre personnage de cette scène new-yorkaise est la prédicatrice Harriet Livermore (1788-1868). Voir Harriet Livermore, A Narration of Religious Experience, Concord, New Hampshire, Jacob B. Moore, 1826.
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[35]
Arthur Tappan (1786-1865) et son frère Lewis fondent en 1827 le New York Journal of Commerce. Hommes d’affaires prospères, ils se consacrent parallèlement à l’antiesclavagisme. Arthur crée avec William Lloyd Garrison l’American Anti-Slavery Society qu’il préside jusqu’en 1840 et est à l’origine de la fondation d’universités comme Oberlin College dans l’Ohio. Arthur et son frère sont également les fondateurs de l’American and Foreign Anti-Slavery Society en 1840, et de l’American Missionary Association en 1846, après un différend avec Garrison au sujet du droit de vote des femmes.
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[36]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 82.
-
[37]
Pour une liste complète des membres du Royaume, voir Paul E. Johnson, Sean Wilentz, The Kingdom of Matthias. A Story of Sex and Salvation in Nineteenth Century America, New York, Oxford University Press, 1994, p. ix.
-
[38]
Cette liberté conduit cependant à des comportements déviants. Ainsi, Benjamin Folger viole la plus jeune fille de Matthias, Isabella Laisdell, qui lui a été promise par son père, lorsqu’il la ramène depuis la ville d’Albany.
-
[39]
Gilbert Vale, Fanaticism. Its Source and Influence Illustrated by the Simple Narrative of Isabella, in the Case of Matthias, Mr. and Mrs. B. Folger, Mr. Pierson, Mr. Mills, Catherine, Isabella, &c. &c., New York, Édition d’auteur, 1835, disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/vale/vale.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[40]
De fait le Récit, qui assemble de manière hétéroclite d’autres textes, comme les lettres de son fils reproduites verbatim, présente une riche intertextualité.
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[41]
À partir de 1834, Isabella reste au service de Perez et Lucy Whiting, des perfectionnistes qui l’avaient embauchée avant qu’elle ne rejoigne le Royaume de Matthias, et qui habitent Canal Street. Il se peut qu’elle soit retournée vivre chez Latourette jusqu’à sa mort en 1841. Elle est chez les Whiting lorsqu’elle décide de répondre à l’appel de l’Esprit Saint en 1843.
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[42]
William Lloyd Garrison (1805-1879) est l’un des plus célèbres abolitionnistes du mouvement. Il fut l’éditeur, avec Isaac Knapp, du journal abolitionniste The Liberator qu’il fonda en 1831 dans le Massachusetts et qui fut édité jusqu’à l’abolition de l’esclavage après la guerre de Sécession. Il prônait l’émancipation immédiate, et non graduelle, des esclaves. Dans les années 1870, il rejoignit le mouvement pour le droit de vote des femmes. La préface qu’il rédige témoigne des luttes violentes qui opposèrent abolitionnistes et antiabolitionnistes. Son texte est truffé de références bibliques qui entrent en résonance avec le récit de Gilbert et par conséquent avec la voix de Truth, soutenue elle aussi par de nombreuses citations provenant des Écritures. Ceci traduit un régime de l’emprunt spécifique des milieux religieux et politiques de l’époque et, partant, de l’art rhétorique et oratoire du xixe siècle. Garrison avait également préfacé le Récit de Frederick Douglass.
-
[43]
Marius Robinson, journaliste et orateur, doit faire face à la violence des partisans de l’esclavage dans ses tournées. En juin 1837, il est couvert de goudron et de plumes et gravement blessé par des opposants.
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[44]
Samuel Banks meurt en février 1875 à Battle Creek, à l’âge de vingt-deux ans.
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[45]
Emmanuel Swedenborg (1688-1772) était un philosophe, scientifique et théologien suédois préconisant un christianisme fondé sur l’expérience mystique et les visions spirituelles. Il exerça une influence notable en Angleterre puis aux États-Unis où fut fondée en 1817 une Swedenborgian Church of North America.
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[46]
Ratifié en 1870, le 15e Amendement fait partie, avec le 13e et le 14e, des Amendements de l’ère de la Reconstruction.
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[47]
Sur son entretien avec Lincoln, voir N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 119-122. Le peintre Franklin C. Courter réalise en 1892 un portrait de Truth avec Lincoln, présenté à l’exposition universelle de Chicago en 1893. Il représente le Président partageant avec Truth la Bible que les Noirs de Baltimore, Maryland, lui ont donnée.
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[48]
Elisabeth Keckley, auteure de Behind the Scenes. Or Thirty Years a Slave and Four Years in the White House, New York/Oxford, Oxford University Press, 1988 (1848), l’aide à obtenir un rendez-vous. Document disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/keckley/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[49]
« Abolitionism was a religious movement, emerging from the ferment of evangelical Protestantism, psychologically akin to other reforms – women’s rights, temperance, and pacifism – which agitated the spirits of the Northern middle classes during the three decades before the Civil War. Its philosophy was essentially a theology, its technique similar to the techniques of revivalism, its agencies the church congregations of the towns. » Richard Hofstadter, The American Political Tradition and the Men who Made it, New York, Knopf Doubleday Publishing, 2011 (1948), p. 185.
-
[50]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 7.
-
[51]
Ibid., p. 11 sq. C’est moi qui souligne.
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[52]
« I believe in Jesus, and I was forty years a slave, but I did not know how dear to me was my posterity, I was so beclouded and crushed. But how good and wise is God, for if the slaves knowed what thar true condition was, it would be more than de mine could bear. While de race is sold of all dere rights what is dare on God’s footstool to bring them up. Has not God given all his creatures the same rights ? How could I trable and live and speak ? If I hadn’t got something to bear me up, when I’s have been robbed of all my affection for my husband and my children. » T. Chandler, Anti-Slavery Bugle, op. cit., cité d’après S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 117. L’expression « le marchepied de Dieu » pour signifier la terre est tirée de la Bible : « Le roi David se leva sur ses pieds, et dit : Écoutez-moi, mes frères et mon peuple ! J’avais l’intention de bâtir une maison de repos pour l’arche de l’alliance de l’Éternel et pour le marchepied de notre Dieu, et je me préparais à bâtir » (1 Ch 28,2). Voir aussi Ps 99,5 et 132,7 ; És 66,1 ; Lm 2,1 ; Mt 5,35.
-
[53]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 41.
-
[54]
Frederick Douglass était lui aussi méthodiste. Il était membre de l’Église de l’AME (African Methodist Episcopal) à Baltimore. En 1840, il pouvait légalement prêcher à New Bedford. Sa première rencontre avec Truth a lieu à Northampton en 1844. De vingt ans son cadet, Douglass, qui a choisi de s’émanciper par l’éducation, s’est montré condescendant vis-à-vis de Truth : il la décrit comme un « authentique spécimen du nègre inculte (a genuine specimen of the uncultured negro) » qui « semblait se faire plaisir et faire plaisir aux autres au plus haut point lorsqu’elle formulait ses idées de la plus bizarre des façons (seemed to please herself and others best when she put her ideas in the oddest forms) » (M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. x).
-
[55]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 61.
-
[56]
Ibid., p. 62.
-
[57]
Ibid.
-
[58]
« I don’t read such small stuff as letters, I read men and nations. » Elizabeth Cady Stanton et al. (éd.), The History of Woman’s Suffrage, 6 vol., New York, Fowler and Wells, 1881-1922, vol. II, p. 927.
-
[59]
« It is Truth’s experience of illiteracy that functions as an authorizing strategy in her stories about her life and that forms the bridge between her lived experience and the development of her mature political thought. » Erlene Stetson, Linda David, Glorying in Tribulation, op. cit., p. 3.
-
[60]
« I sell the shadow to support the substance. »
-
[61]
Cependant les militantes évangéliques, plus conservatrices, ne sont pas toujours favorables aux droits des femmes. La féministe libre-penseuse et abolitionniste d’origine écossaise Frances Wright est ainsi traitée de « Hot Harlot of Infidelity » (« chaude catin de l’infidélité ») pour sa défense du divorce, du contrôle des naissance et des droits des femmes. Voir Catherine A. Brekus, Strangers and Pilgrims : Female Preaching in America, 1740-1845, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1998.
-
[62]
Truth refuse d’apprendre à lire, clamant ironiquement que seule la parole la lie à Dieu : « C’est vrai que je ne sais pas lire, mais je perçois bien les gens (I tell you I can’t read a book, but I can read de people). » Boston Post, 2 janvier 1871, in C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojouner Truth, op. cit., p. 64. Ou bien, comme le rapporte James A. Dugdale : « Mes enfants, je parle à Dieu et Dieu me parle (Children, I talks to God and God talks to me). » National Anti-Slavery Standard, 4 juillet 1863, p. 3, cité par S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 163.
-
[63]
Appelée par les féministes Elizabeth Cady Stanton et Lucrecia Mott, cette Convention produisit le document de référence du féminisme américain qu’est la Déclaration de sentiments, rédigé selon le modèle de la Déclaration d’indépendance. Lucrecia Mott était une prédicatrice quaker.
-
[64]
Voir Marius Robinson, in M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. 117 sq. ; Frances Dana Gage, « Ain’t I a Woman », Anti-Slavery Standard, 2 mai 1863, en ligne : http://www.sojournertruth.org/Library/Speeches/AintIAWoman.htm (consulté le 10 janvier 2018). Ce discours est une réponse à l’article d’Harriet Beecher Stowe, « Sojourner Truth, The Libyan Sibyl ». Publié dans l’édition du Récit de 1881 et reproduit dans E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 115-117, il a été rédigé douze ans après la Convention. On peut y avoir accès en ligne : http://www.fordham.edu/halsall/mod/sojtruth-woman.asp (consulté le 10 janvier 2018). Le texte est également reproduit dans N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 90-93.
-
[65]
« Look at me ! Look at my arm ! I have ploughed and planted, and gathered into barns, and no man could head me ! And ain’t I a woman ? I could work as much and eat as much as a man – when I could get it – and bear the lash as well ! And ain’t I a woman ? I have borne thirteen children, and seen most all sold off to slavery, and when I cried out with my mother’s grief, none but Jesus heard me ! And ain’t I a woman ? » Frances Dana Gage, « Sojourner Truth », in E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 116. Les trois autres versions du Récit publiées ultérieurement sous les noms d’Olive Gilbert et de Frances W. Titus (1875, 1878, 1881) incluent le premier texte de 1850. Voir Sojourner Truth, Narrative of Sojourner Truth ; a Bondswoman of Olden Time, Emancipated by the New York Legislature in the Early Part of the Present Century ; with a History of Her Labors and Correspondence Drawn from Her “Book of Life” ; Also, a Memorial Chapter, Giving the Particulars of Her Last Sickness and Death, éd. Olive Gilbert, Frances Titus, Battle Creek, Mich., Review and Herald Office, 1884, en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/truth84/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[66]
Voir C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojouner Truth, op. cit., p. 173.
-
[67]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 63.
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[68]
« If women upset the world, do give her a chance to set it right side up again. » M. Robinson, in M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. 118.
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[69]
Voici un extrait de ce discours d’Akron tel que relaté par Marius Robinson : « Mais les femmes se soulèvent, béni soit Dieu, et quelques hommes se joignent à elles. Mais l’homme est en mauvaise posture, les esclaves pauvres en ont après lui, les femmes s’y mettent aussi, on dirait bien qu’il est coincé entre un faucon et une buse » (ibid.). (« But the women are coming up blessed be God and a few of the men are coming up with them. But man is in a tight place, the poor slave is on him, woman is coming on him, he is surely between a hawk and a buzzard. »)
-
[70]
« If it is not a fit place for women, it is unfit for men to be there. » Discours du 9 mai 1867 à la Church of the Puritans, New York City, publié dans le New York Times du 10 mai 1867, p. 8, reproduit sous le titre « First Annual Meeting of the American Human Rights Association (First Speech) », in S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 167.
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[71]
Elizabeth Cady Stanton a écrit : « Si ce mot “homme” est inclus, il nous faudra au moins un siècle pour l’en extraire (If that word “male” be inserted, it will take us a century at least to get it out). » Cité par Akhil R. Amar, America’s Constitution. A Biography, New York, Random House, 2005, p. 394.
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[72]
« There is a great stir about colored men getting their rights, but not a word about colored women ; and if colored men get their rights, and not colored women get theirs, there will be a bad time about it. So I am for keeping the things going while things are stirring ; because if we wait until it is still, it will take a great while to get it moving again […] I suppose I am about the only colored woman that goes about to speak about the rights of the colored woman. I want to keep the thing stirring, now that the ice is broke. » Discours du 9 mai 1867, art. cit., in S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator. op. cit., p. 123.
-
[73]
À propos de l’évolution de la position de Truth sur le suffrage des femmes et des hommes noirs, voir C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojourner Truth, op. cit., p. 172-184.
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[74]
Frances Dana Gage, « Sojourner Truth », in E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 116.
« Les prédicateurs furent surpris par une opposante aussi inattendue, et l’un d’entre eux, le plus gentiment possible, entama une discussion avec elle, en lui posant des questions et en citant les Écritures. Il conclut finalement que, bien qu’elle n’eût jamais appris quoi que ce soit de la grande doctrine qui occupait entièrement leur esprit à l’époque, elle avait appris beaucoup de choses qu’aucun homme ne lui avait enseignées. »
1Prédicatrice itinérante du xixe siècle et ex-esclave, Sojourner Truth (vers 1797-1883) est une icône américaine : son nom a été donné à une sonde envoyée sur Mars en 1997 et sa statue orne depuis 2009 le Hall de l’Émancipation du Capitole des États-Unis. Elle est un symbole du féminisme afro-américain dont plusieurs ouvrages, comme ceux de bell hooks et de Deborah Gray White, ont pour titre un extrait de son discours le plus célèbre [2]. Elle cristallise le lien entre la lutte abolitionniste et le féminisme, tout en illustrant les difficultés que son identité de femme noire pose en termes d’alliance politique. La notion d’intersectionnalité [3] – Truth est femme et noire – peut aider à mieux saisir cette double – voire triple, si l’on prend en compte son statut de domestique – identité qui rend problématique une allégeance durable à l’un des partis (droits des femmes) à l’exclusion de l’autre (droits des Noirs). Alors que sa liberté de parole est acquise dans le contexte du courant abolitionniste qui repose sur l’évangélisme protestant, son féminisme, tout comme son engagement antiesclavagiste, est indissociable de sa foi chrétienne. Le Récit de sa vie (1850) ainsi que les nombreuses biographies qui lui sont consacrées permettent de retracer ses croyances. Nombreuses sont les références à son mysticisme ; elle est aussi parfois qualifiée de prophète [4]. D’autres prédicatrices noires, Maria Stewart, Zilpha Elaw, Jarena Lee, et une femme connue sous le seul nom d’Elizabeth, furent ses contemporaines [5]. Bien que certaines biographies – c’est le cas de l’ouvrage de Margaret Washington [6] – insistent sur les croyances africaines qui constitueraient le ressort de sa vision, il est bien plus plausible que ce sont les diverses versions du protestantisme qu’elle embrassa dès son jeune âge et qu’elle côtoya à New York (lors de ses prédications) et à Northampton, qui forment le contexte théologique de sa pensée et de son action politiques. Je rejoins ici Nell Irvin Painter dont la biographie insiste sur l’évangélisme pentecôtiste de Truth, creuset de l’expression de ses positions abolitionnistes et féministes [7], et fais porter mon analyse essentiellement sur le Récit. Bien que dicté, ce texte n’en demeure pas moins une source précieuse pour évaluer la ferveur religieuse de Truth, et ce d’autant plus qu’inséré entre deux textes abolitionnistes – la préface de William Lloyd Garrison, truffée d’emprunts à la Bible, et un extrait de Slavery as It Is. Testimony of a Thousand Witnesses de Theodore Weld, Angelina et Sarah Grimké (1839) –, il est aussi, en grande partie, un récit de conversion qui retrace l’évolution de sa vie spirituelle [8]. Lors de son séjour à New York, lorsqu’elle travaille au service de l’homme d’affaire et prédicateur Elijah Pierson (1784-1834), il est ainsi dit : « Elle était proche de son employeur en raison de la proximité de leurs croyances [9]. » Pierson était perfectionniste, courant issu du méthodisme de Wesley, qui met l’accent sur le Saint-Esprit et affirme que ce n’est plus le chrétien qui vit dans le Christ, mais le Christ qui vit en lui.
Vie et spiritualité : deux expériences cruciales
2Née esclave dans l’état de New York autour de 1797, celle qui se nommait alors Isabella Baumfree fut successivement la propriété de pas moins de cinq maîtres : le Colonel Johannes Hardenbergh (1797-1799), son fils Charles Hardenbergh (1799-1806), le fermier John Neely (1806-1808), le pêcheur et tavernier Martinus Schryver (1808-1810), enfin le fermier et hôtelier d’ascendance huguenote, John Dumont, dont elle demeura dix-huit ans l’esclave (1810-1828). Ce dernier promet de la libérer un an avant sa libération légale le 4 juillet 1827, mais il revient sur sa promesse et Isabella fuit à l’automne 1826 avec sa plus jeune fille. Les Van Wagenen, qui habitent non loin de l’hôtel de Dumont, les recueillent et les rachètent, elle et son bébé ; elle prendra temporairement leur nom. Sa vie est alors marquée par deux expériences spirituelles : une conversion soudaine lorsque son maître vient la reprendre et ensuite, le 1er juin 1843, sa décision de prendre la route pour prêcher sous le nom de Sojourner Truth.
3La conversion brutale d’Isabella se situe au moment où, tentée par les festivités de la fête de Pentecôte, le 4 juin 1827, qui regroupaient la population noire, elle décide de revenir chez son ancien maître. C’est donc en juin 1827 que John Dumont vient la chercher à sa demande mais, au moment de monter dans la calèche, Dieu apparaît à Isabella dans toute sa grandeur. Elle prend alors conscience de sa condition de pécheresse et de son audace passée lorsqu’elle s’adressait directement à lui :
Elle dit que Dieu se révéla à elle avec la soudaineté de l’éclair, lui montrant « l’espace d’un clin d’œil, qu’il était partout », qu’il occupait tout l’univers – « et qu’il n’y avait pas d’endroit où Dieu ne soit pas ». À l’instant, elle prit conscience du grand péché d’avoir oublié son tout-puissant Ami et son « aide, toujours présente en temps de peine ». Toutes les promesses qu’elle n’avait pas tenues surgirent devant elle, comme une mer contrariée dont les vagues atteignent la hauteur des montagnes ; et son âme, qui semblait n’être qu’un amas de mensonges, recula de terreur sous le « regard terrifiant » de Celui auquel elle avait précédemment parlé comme s’il avait été un être comme elle [10].
5Dans un deuxième temps, Jésus s’interpose pour la protéger du courroux divin sous la forme d’une vision qu’elle a peine à identifier :
Elle sentit que si seulement quelqu’un, digne aux yeux de Dieu plaidait pour elle en leur nom propre, sans laisser Dieu savoir que cela venait d’elle, qui en était si indigne, Dieu lui accorderait cette demande. Il lui sembla enfin qu’un ami se tenait entre elle et la Divinité outragée [11].
7Elle finit par comprendre que cet intercesseur, qui se place entre Dieu et elle, n’est autre que Jésus-Christ :
Le cri « Qui es-tu ? » surgit de son cœur, et toute son âme fut absorbée par le vœu que ce personnage céleste lui soit révélé, et reste avec elle. Finalement, une fois que l’intensité de son désir lui eût vrillé à la fois l’âme et le corps au point que son souffle et sa force parussent défaillir, et qu’elle se sentit sur le point de succomber, une réponse lui vint qui disait distinctement : « C’est Jésus. » « Oui, » répondit-elle, « c’est Jésus. » [12]
9Cette expérience de conversion suit les étapes traditionnelles de la mort suivie d’une renaissance dans la grâce, à l’image de la conversion de Paul sur le chemin de Damas. La vision et la conversion se retrouvent dans le protestantisme évangélique du début du xixe siècle comme signes de la démocratisation qu’opère la religion à cette époque marquée par le Second Grand Réveil [13]. Truth citera souvent ce moment dans ses discours, comme dans celui-ci – le replaçant alors dans une perspective résolument abolitionniste :
Il y a quelques années de cela une forme m’est apparue (à cet endroit l’oratrice donna une description très graphique de la vision qu’elle avait eue), j’ai alors compris que j’étais un être humain. On nous avait enseigné que nous étions une espèce de singe, de babouin, ou d’orang-outang, et nous le croyions – nous n’avions jamais vu un de ces animaux. Mais je crois en l’au-delà. Lorsque nous nous lèverons là-bas, tous nos droits nous seront redonnés – tout cet amour que j’ai perdu – tout cela me sera redonné. Oh ! Comme Dieu est bon [14].
11Si une lecture littérale du texte pointe vers une mobilisation de l’espérance des Noirs américains dans un au-delà après la mort, la métaphore fonctionne comme un appel à revendiquer des droits qui leur ont été dérobés et qu’ils vont recouvrer dans un ailleurs qui pourrait très bien être de ce monde. Avant tout, cependant, c’est l’humanité de l’esclave qui est affirmée, car Jésus lui est apparu. L’expérience personnelle vaut pour tout un peuple. Truth en témoigne.
12Isabella quitte les Van Wagenen pour New York en 1828 et demeure essentiellement à Manhattan au service de nombreux maîtres en tant que domestique jusqu’en 1843 [15]. Le deuxième moment qui marque une rupture dans sa vie est celui qui, le 1er juin 1843, scelle sa vocation de prédicatrice. Alors qu’elle n’a plus de nouvelles de son fils Peter, engagé sur un navire baleinier, et dont elle consigne les dernières lettres dans le Récit, Isabella perçoit New York comme une seconde Sodome. Elle « se sentit appelée par l’Esprit, qui lui ordonnait de partir, et de voyager vers l’est en donnant des conférences [16] ». Cet appel de l’Esprit se double d’un changement de nom, Isabella devenant Sojourner :
Une heure avant de partir, elle informa Mme Whiting, la maîtresse de la maison dans laquelle elle logeait, que son nom n’était plus Isabella, mais Sojourner ; et qu’elle partait vers l’est. Et à sa question, « Pourquoi allez-vous vers l’est ? » sa réponse fut, « C’est là-bas que l’Esprit m’appelle et je dois y aller. » Le matin du 1er juin 1843, elle quitta la ville [17].
14Ce n’est que plus tard qu’elle prend le nom de Truth, comme elle le raconte. Lorsqu’elle arrive à Long Island, elle rencontre une femme quaker qui la questionne au sujet de ce nom qu’elle s’est donné : « Tu dis que ton nom est Sojourner ? » « Oui. » « Sojourner quoi ? » [18]. La femme se moque d’elle et Sojourner, dépitée, repart. Frustrée, elle demande à Dieu de lui donner un « surnom », littéralement un « nom avec un manche », un nom dont on puisse « se saisir » [19]. Dans ce moment de désespoir, le nom qui lui vient est Truth : « Tant que Dieu est vérité, Sojourner Truth [20] » ou la Vérité demeure. Son expérience auprès des perfectionnistes de New York, leur rapport direct à l’Esprit Saint, leur foi pentecôtiste, résonnent dans ce choix. Il provient directement de la Bible : « L’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous » (Jn 14,17) [21]. Ou encore : « Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir » (Jn 16,13).
Le contexte religieux du Second Grand Réveil
15Le contexte global du Second Grand Réveil évangélique éclaire la progression de Truth dans les années 1810-1830 ainsi que sa ferveur croissante [22]. Dicté à partir de 1846, le Récit reconstruit rétrospectivement, à la manière d’une autobiographie spirituelle, le parcours d’Isabella depuis les enseignements religieux de sa mère dans son enfance, et l’inscrit de plain-pied dans ce mouvement. Ce renouveau évangélique protestant se produit au sein des Églises baptistes et méthodistes qui rejettent certaines doctrines du calvinisme comme la prédestination ou le péché originel, mais aussi des Églises anglicanes et congrégationalistes qui essaient de moderniser leurs croyances pour ne pas être dépassées. Ce protestantisme particulier doit certaines de ses caractéristiques à la situation spécifique de la Frontière. S’il regroupe des millions de fidèles de communautés religieuses déjà existantes, de nouvelles Églises voient également le jour, tels les Mormons ou les Disciples du Christ. L’ouest de l’État de New York en vient même à être surnommé le « district des terres brûlées (burned-over district) [23] » par l’homme d’Église Charles Grandison Finney, à cause du retentissement des revivalismes qui embrasent la région de part en part. L’expression signifie en effet que la ferveur évangélique avait été d’une telle ampleur sur ces terres qu’il ne restait plus aucun combustible à brûler.
16Charles Finney est incontestablement l’un des chefs de ce mouvement. Il s’oppose au calvinisme traditionnel pour prôner une religion plus émotive et davantage démocratique, et favorise la prise de parole des femmes dans des assemblées mixtes. C’est au cours de cette période et sur ces terres que s’impose, entre autres, Joseph Smith, fondateur de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours [24], que Robert Matthews ou Matthias, le chef de la petite communauté religieuse à laquelle Truth a ensuite appartenu, rencontre le 9 novembre 1835, avant que leurs chemins ne divergent. Le destin de ces communautés varie parfois considérablement. L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours se transforme de secte en dénomination majeure alors que le Royaume de Matthias disparaît dans une atmosphère sordide d’adultère et de meurtre. Pour pallier le manque de pasteurs et de locaux appropriés, la forme que prennent les rituels religieux dans ce contexte est très particulière. Des assemblées religieuses (camp meetings) se réunissent en plein air pendant plusieurs jours au cours desquels des prédicateurs ambulants prononcent des sermons exaltés devant leurs fidèles. Le millénarisme, croyance en la seconde venue du Christ sur terre, caractérise ce mouvement religieux populaire. Ainsi les Milleristes, adeptes de William Miller (1782-1849), fixent-ils la venue du Christ au 22 octobre 1844. Or, lorsque cette fin du monde ne se produit pas, ils doivent faire face à la Grande Déception [25].
17Le Récit est une source primaire passionnante pour comprendre l’atmosphère électrique de ces assemblées géantes, l’enthousiasme des fidèles, les expressions physiques de la foi (tremblements, transes, cris), ainsi que les divergences doctrinales. Comme elle l’explique, Truth essaie de ne pas trop s’impliquer dans ces querelles et reste allusive, mais elle prend tout de même position en ce qui concerne la venue imminente du Christ sur terre. Dans le premier rassemblement de Milleristes ou Seconds Adventistes que relate le Récit, elle calme l’angoisse des fidèles [26]. Elle raconte aussi qu’elle risque de périr piétinée dans les mouvements de foule d’une autre assemblée. Sa présence témoigne de la mixité (Blancs/Noirs) toute relative des assemblées – Truth a peur de représailles à cause de sa couleur : « Je suis la seule personne de couleur, leur méchanceté et leur malveillance s’abattront probablement d’abord sur moi, et ils risquent de me tuer [27]. » Elle arrive cependant à se raisonner et apaise ses opposants.
Les perfectionnistes et le Royaume de Matthias
18La vie que mène Isabella van Wagenen dans la ville de New York lorsqu’elle s’y rend après avoir quitté les Van Wagenen se trouve intimement liée aux personnalités engagées dans des actions de réforme morale (lutte contre l’alcoolisme et la prostitution) ainsi qu’aux fondateurs de communautés religieuses utopiques (car elle travaille à leur service). Son employeur de 1829 à 1832, James Latourette, était le leader d’un mouvement perfectionniste qui prenait de l’ampleur. John Wesley, fondateur du Méthodisme, avait demandé à ses fidèles de chercher la perfection sur terre, laquelle pouvait être atteinte ou non – point qui faisait débat parmi les Méthodistes – après un processus de sanctification. Bien qu’il ait considéré que l’on puisse l’approcher, Wesley n’avait pas précisé s’il s’agissait d’une perfection terrestre. Certains de ses disciples, estimant quant à eux que cet état pouvait être réalisé dans cette vie, devinrent les acteurs du mouvement perfectionniste [28]. Le Holy Club de Latourette favorisait les rassemblements, parfois dans les demeures des adeptes, qui faisaient appel à l’émotion. Les partisans de cette mouvance acceptaient les témoignages publics des hommes et des femmes et prônaient la simplicité dans l’habillement. C’est probablement Latourette qui encouragea Sojourner Truth à parler en public. Tout comme les millénaristes, les perfectionnistes croyaient au pouvoir de la prière, lisaient les signes – et les miracles – de Dieu dans l’univers. Lorsque Sojourner arrive à New York, ce mouvement, à l’origine du grand renouveau de l’ouest des États-Unis, est à son apogée [29]. À New York, sa foi méthodiste lui fait rejoindre l’Église méthodiste de John Street mais la discrimination qui s’y fait jour – on exclut des fidèles noirs à cause de leur couleur de peau – la pousse bientôt vers l’Église noire africaine de Zion (Zion African Church). Truth est donc également un témoin privilégié de la fondation des Églises noires dans les villes de l’est. Fondée en 1796 par des dissidents, tels que Peter Williams [30] – le père de l’abolitionniste célèbre dont Peter [31], le fils de Truth, prend le nom – cette congrégation deviendra l’African Methodist Episcopal Zion [32]. C’est dans cette Église qu’elle retrouve sa sœur Sophia et son frère Michael et apprend que sa sœur Nancy, qu’elle avait côtoyée sans la reconnaître, est morte.
19Lorsqu’elle vit chez les Latourette de 1829 à 1832, Truth les accompagne dans les assemblées en plein air qui se tenaient à Croton et à Mount Pleasant, localité du comté de Westchester qui prend ensuite le nom de Sing Sing puis de Ossining [33]. Quand Truth prend la parole en public, ses prestations rivalisent avec celles du prédicateur John Newland Maffitt dont les chroniqueurs rapportent le très grand charisme [34]. L’épisode du Royaume de Matthias débute alors que Sojourner travaille pour Elijah Pierson qui, à l’image de Latourette et de l’abolitionniste Arthur Tappan [35], est un homme d’affaire new-yorkais qui travaillait dans Pearl Street. Elle est proche de ses employeurs car elle partage leur foi :
Cette intimité, qui résultait du partage d’une même foi, et le principe qu’ils adoptèrent ensuite de n’avoir qu’une table, et de tout posséder en commun, firent d’elle à la fois la domestique et l’égale, et la dépositaire d’informations très étranges, voire d’importance [36].
21C’est par l’entremise d’Elijah Pierson que Truth rencontre Robert Matthews en mai 1832. Elle fait alors partie avec Frances Folger et Sarah Pierson d’une société nommée The Retrenchment Society, association évangélique extrême en faveur de la prière, du jeûne et d’une grande sobriété dans les vêtements fondée en 1825. Ce cercle s’agrandit pour inclure Ann Folger, la belle-sœur de Frances Folger, Mme Pierson et, enfin, leurs maris. Lorsque Sarah Pierson meurt en 1830, son mari se tourne vers la prière pour tenter de la faire revenir à elle. Convaincu qu’il a été choisi par Dieu pour être le prophète Élie le Tishbite, il s’associe avec Robert Matthews pour former une communauté d’une douzaine de fidèles parmi lesquels Isabella était la seule noire [37]. Le Royaume de Matthias ne dure qu’un peu moins de trois ans, de 1833 à 1835. Comme Pierson, Matthias se dit le messager de Dieu et son prophète. Il croyait être la réincarnation de l’apôtre Matthias, choisi après la mort du Christ pour remplacer Judas (voir Ac 1,26). Après avoir parcouru les États de New York, de Pennsylvanie et du New Jersey où l’avait entraîné sa mission, il prêche dans les rues de New York un évangélisme pentecôtiste qui repose plus sur le Saint-Esprit (l’Esprit de vérité et la sanctification) que sur la parole de Jésus. Il annonce ainsi la fin du monde et la vengeance de Dieu contre les infidèles. Arborant une longue barbe, il cultive sa ressemblance avec la représentation traditionnelle du Sauveur à tel point que, lorsque Truth le voit pour la première fois, elle le prend pour Jésus-Christ.
22En 1832, Pierson loue une maison où Matthias s’installe avec Isabella comme gouvernante. Malgré les avertissements de ses amis, elle donne au prophète une partie de ses économies. Au sein de la communauté qui s’organise ensuite à Sing Sing, à partir de l’été 1833, sur la propriété de Benjamin H. Folger et son épouse, Matthias s’autoproclame Père et, faisant fi des liens du mariage, décide qu’Ann Folger, son âme sœur, sera la Mère de la communauté [38]. La structure patriarcale de ladite communauté et la misogynie viscérale de Matthias imposent à chacun des rôles bien définis tandis que la propriété des Folger est mise à son nom. Les pratiques, telles les bains pris en commun, les châtiments physiques, les mariages contractés au sein du groupe avec des soi-disant âmes sœurs, trahissent le pouvoir tyrannique que s’arroge progressivement le prophète. En août 1834, Elijah Pierson meurt après une maladie au cours de laquelle il n’est pas soigné car la croyance de la communauté veut que la maladie soit le signe d’une possession par des esprits malins. Matthias est alors accusé de l’avoir empoisonné. Les Folger, revenus chez Latourette et réconciliés, accusent à leur tour Isabella d’empoisonnement. Celle-ci soutient Matthias dans son procès qui s’ouvre en 1835 dans le comté de Westchester, lui donne toutes ses économies, et poursuit les Folger pour diffamation. Elle gagne dans ce procès-là 125 dollars de dommages et intérêts (une somme non négligeable à l’époque). L’affaire fait grand bruit. La presse new-yorkaise s’empare du fait divers et pas moins de trois ouvrages sont publiés à ce sujet. Parmi eux, se trouve le texte du libre penseur et journaliste anglais Gilbert Vale, Fanaticism [39], qui défend Isabella. Il est cité à plusieurs reprises in extenso dans le Récit [40].
Réformisme et abolitionnisme
23Après la débâcle du Royaume en 1834, Isabella travaille chez Perez Whiting [41]. Les milieux qu’elle fréquente, dans lesquels le revivalisme spirituel se traduit par un activisme en faveur de réformes sociales, deviennent de plus en plus fermement acquis à la cause de l’abolition de l’esclavage. Le 4 juillet 1834, de violentes émeutes éclatent à New York : une foule d’antiabolitionnistes attaque les manifestants d’une cérémonie de l’American Anti-Slavery Society, incendiant les maisons des Noirs, les églises noires, et la demeure de Lewis Tappan. L’American Anti-Slavery Society, fondée par William Lloyd Garrison et Arthur Tappan en 1833 pour combattre l’esclavage, exigeait son abolition immédiate. En 1840, la société dénombre deux mille annexes pour un nombre d’adhérents s’élevant entre 150 000 et 200 000. Comme la préface du Récit en témoigne, Garrison situe son combat sur un plan moral et religieux [42]. Il considère que la Constitution américaine contient un soutien à l’esclavagisme, véritable corruption originelle de la nation. Il n’appelle cependant pas à la violence, mais pense que les abolitionnistes doivent persuader leurs interlocuteurs par la force morale de leurs arguments (moral suasion).
24De 1851 à 1853, Truth voyage dans tout l’Ohio, avec l’abolitionniste Marius Robinson [43], poursuivant la carrière d’oratrice publique qui fait sa réputation. Elle se déplace, dans un premier temps, souvent accompagnée de son petit-fils Samuel Banks [44] qui lui fait la lecture et l’assiste, et elle parcourt de nombreux États jusqu’à la fin de sa vie, sauf lorsque la maladie l’en empêche. Dans les années 1850, Truth se rapproche des Progressive Friends qui adoptent le spiritualisme issu de la philosophie de Swedenborg [45]. Elle rejoint les abolitionnistes Amy et Isaac Post, qui s’étaient éloignés du quakerisme, et la féministe Elisabeth Lukins, dans une foi qui prône le pacifisme et la communication avec les esprits des morts lors de séances de spiritisme. L’engagement de Truth va cependant au-delà des luttes pour le suffrage des femmes et l’abolition de l’esclavage. De Florence, Massachussetts, elle part pour Harmonia dans le Michigan en 1857. Un an auparavant, elle s’était adressée à un groupe de quakers radicaux de Battle Creek dans ce même État. Ensuite, depuis sa résidence à Battle Creek où elle s’installe en 1860, elle participe au recrutement de troupes noires pour l’armée de l’Union pendant la guerre de Sécession. Elle encourage son petit-fils, James Caldwell, à s’enrôler dans le 54e régiment du Massachusetts. Vers la fin de 1863, elle fait du porte-à-porte à Battle Creek pour recueillir de la nourriture pour les soldats noirs du campement de Camp Ward à Détroit. Elle œuvre avec d’autres abolitionnistes, dont Frederick Douglass, pour le passage du 15e Amendement qui accorde le droit de vote aux hommes noirs [46]. Elle rencontre le président Lincoln en 1864 après la proclamation officielle de l’Émancipation [47] ainsi qu’Harriet Tubman (1822-1913) la même année, à Boston [48]. Pendant la Reconstruction, Truth se mobilise également pour l’insertion des esclaves libérés à Washington, D. C., de 1864 à 1867. Elle adresse des pétitions au Congrès pour que des terres dans l’ouest américain soient mises à leur disposition. Quand une nouvelle loi est votée en mars 1865 interdisant aux transports en commun d’exclure les passagers de couleur, Truth poursuit en justice le contrôleur qui lui avait refusé ce droit et gagne le procès. Elle milite aussi contre la peine de mort. À Battle Creek, sa maison de College Street est une ancienne grange reconvertie dans laquelle elle vit avec ses deux filles, Diana et Elizabeth. L’un de ses derniers combats est son soutien à l’exode des populations noires vers le Kansas en 1879. Elle meurt le 26 novembre 1883 à Battle Creek après une vie exemplaire au service de causes diverses.
L’évangélisme protestant et la foi de Truth
25L’abolitionnisme de William Garrison et de Wendel Phillips (qui demandent la libération immédiate des esclaves contrairement aux autres abolitionnistes, dit gradualistes, qui privilégient un accès progressif des esclaves à la liberté) est, selon l’historien Richard Hofstadter, un mouvement religieux – sa philosophie est une théologie. Il s’inscrit dans le millénarisme de l’époque :
L’abolitionnisme était un mouvement religieux qui a émergé du ferment du protestantisme évangélique, psychologiquement proche des autres réformes – droits des femmes, lutte contre l’alcoolisme, et pacifisme – qui agitaient les esprits des classes moyennes du Nord trois décennies avant la guerre de Sécession. Sa philosophie était essentiellement une théologie, sa technique était semblable à celles des renouveaux chrétiens, et ses agents les Églises des villes [49].
27De fait, Garrison s’insurge dans la préface du Récit contre le fait que les maîtres d’esclaves se disent chrétiens :
Vous professez votre croyance en l’existence de Dieu – vous faites cependant commerce de son image et vous vendez dans des capharnaüms ceux pour la rédemption desquels le Fils de Dieu a donné sa vie ! Vous prétendez être chrétiens – vous soustrayez cependant la Bible, instrument d’instruction religieuse, et même la connaissance de l’alphabet, à une multitude enténébrée, en la menaçant de terribles châtiments [50] !
29L’esclavage est vu comme un péché : c’est ce que dit son maître Dumont lorsque Sojourner lui rend visite une dernière fois : « Maintenant le péché d’esclavage est si clairement énoncé, et on le décrie tant – (en effet, le monde entier s’insurge contre lui !) – que si quelqu’un affirme qu’il ne sait rien, et qu’il n’a rien entendu, selon moi, ce doit être un menteur [51]. »
30C’est dans la communauté utopique, d’inspiration fouriériste, de la Northampton Association située à Florence, Massachussetts, que Truth côtoya Garrison. Tout comme Wendell Phillips, Frederick Douglass ou encore le pasteur presbytérien et diététicien Sylvester Graham, le leader abolitionniste y séjournait fréquemment car cette propriété avait été achetée en 1841 par son beau-frère, George W. Benson, lui-même fervent abolitionniste. Cette communauté fut recommandée à Truth par les Milleristes de Springfield. Au milieu de 1843, elle se composait de vingt-six femmes, quarante-six enfants, et six femmes du voisinage employées dans la manufacture de soie. L’objectif était de parvenir à l’autosuffisance grâce aux profits tirés de la soie. Organisée par des hommes et femmes religieux selon des principes antiesclavagistes, l’Association pratiquait l’égalité homme-femme et promouvait le pacifisme, la lutte contre l’alcoolisme, ainsi que le végétarisme. Criblée de dettes, elle fut dissoute en 1846 suite au retrait de presque tous ses fondateurs. Le féminisme de Truth et son antiesclavagisme, étroitement articulés à sa foi, furent nourris par ce séjour. Ses discours antiesclavagistes disent bien comment l’égalité entre tous les hommes trouve son origine dans la Bible qu’elle s’approprie directement :
Je crois en Jésus, et je suis restée quarante ans esclave sans savoir combien ma postérité m’était chère. J’étais si embrouillée, si broyée. Mais que Dieu est bon et sage ! Car si les esclaves savaient ce qu’était leur véritable condition, ce serait plus que ce que l’esprit peut supporter. Alors que la race est dépouillée de tous ses droits – qu’y a-t-il sur le marchepied de Dieu pour qu’ils s’élèvent ? Est-ce que Dieu n’a pas donné à tout le monde les mêmes droits ? Comment est-ce que je pourrais voyager et parler ? Si je n’avais pas quelque chose pour me soutenir, alors que l’on m’a volé toute l’affection que je pouvais porter à un mari et des enfants [52].
32L’ignorance dans laquelle est tenu l’esclave serait donc une façon pour Dieu de le préserver d’une destruction psychique aussi violente qu’inévitable. De plus, Dieu se substitue au soutien que ne peuvent plus procurer des liens familiaux détruits ; il se tient à la place de la force que tout individu tire de son entourage par l’amour qu’il lui porte. Le traumatisme psychique induit par l’esclavage, meurtrissure que seule la foi peut combattre, apparaît ainsi pleinement.
33Globalement, le positionnement politique de Truth est dicté par sa foi singulière : un protestantisme évangélique issu du méthodisme. Dans le Récit, Truth raconte sa vision de Dieu avant sa conversion, une vision blasphématoire car elle s’adresse à lui comme à son égal. Elle conçoit alors son rapport à Dieu comme un échange, donnant-donnant et, voyant ses souhaits se réaliser, elle relâche son attitude, jure. Pour elle, Dieu est omnipotent, il voit tout, rien ne lui échappe. Cette croyance de se trouver sans cesse sous le regard de Dieu lui fait imaginer, dans son jeune âge, que son maître est un substitut de Dieu et qu’elle est tenue de tout lui confier. Elle doit s’adresser à lui directement, à haute voix :
Elle croyait non seulement qu’il voyait toutes ses actions, mais aussi qu’il les notait dans un grand livre ; tout comme son maître gardait trace de tout ce qu’il ne souhaitait pas oublier. Mais elle ne comprenait pas que Dieu ait connaissance d’une de ses pensées à moins qu’elle ne l’ait prononcée à voix haute [53].
35Si Dieu tient le compte de ses actions, c’est oralement qu’elle-même lui communique ses pensées, selon le binarisme qui oppose écriture et oralité. Une autre opposition se fait également jour dans sa perception de Dieu : celle entre ses actions – placées sous le regard de Dieu et consignées par sa plume – et ses pensées. On voit à plusieurs reprises qu’elle conçoit ces dernières comme directement insufflées par Dieu. Il en est ainsi lorsqu’elle s’enfuit et doit décider quel moment est le plus propice à sa fuite. La voix, grâce à laquelle elle s’adresse à Dieu sans intermédiaire, et le pouvoir que cette parole directe va exercer sur ses auditoires, sont gages de liberté pour cette femme qui refuse d’apprendre à lire et à écrire. Sa conversion spectaculaire intervient précisément lorsque son maître vient la reprendre alors qu’elle travaille chez les Van Wagenen après sa fuite [54]. Une coïncidence qui interroge.
36Tout un chapitre du Récit est consacré aux croyances de Truth et notamment à sa vision de Jésus qui intercède entre elle et Dieu :
Jésus, merveilleux dans la transcendance, mais aussi grand et puissant ; car c’est ainsi qu’il lui apparaissait, bien qu’il lui semblât simplement humain ; et elle se mit en quête de son incarnation physique, pensant qu’elle le reconnaîtrait si elle le voyait ; et lorsqu’il viendrait, elle irait vivre avec lui comme avec un ami qui vous est cher [55].
38Comme mentionné plus haut, c’est Matthias qui lui semble incarner le Sauveur lorsqu’elle le rencontre. Ainsi qu’elle le fera plus tard, Truth se tient loin des disputes doctrinales, mais se rabat sur ce que son expérience lui a appris. Sur la nature du Christ, par exemple, voici sa position :
À propos des divergences sur la nature du Christ – certains croyant qu’il était l’égal du Père – qu’il était Dieu en lui-même et par lui-même, « vrai Dieu, du vrai Dieu » – certains, qu’il est le « bien-aimé », « Fils unique de Dieu » – et d’autres, qu’il est, ou plutôt qu’il était, simplement un homme – elle dit, « De cela, je ne sais que ce que j’ai vu. Je n’ai pas vu qu’il était Dieu ; sinon, comment pourrait-il se tenir entre moi et Dieu ? Je l’ai vu comme un ami qui se tenait entre moi et Dieu, au travers de qui l’amour s’écoulait comme l’eau d’une fontaine. » [56]
40L’abolitionniste Olive Gilbert qui rédige le Récit résume comme suit la position de Truth sur le péché originel, le rôle rédempteur du Christ et la renaissance du pécheur en Jésus :
Elle dit qu’elle croit que Jésus est le même esprit que celui qui animait nos premiers parents, Adam et Ève, au commencement, quand ils sortirent des mains de leur Créateur. Quand ils péchèrent par désobéissance, cet esprit pur les abandonna, et se réfugia au ciel ; il y resta jusqu’à ce qu’il revienne dans la personne de Jésus ; et qu’avant de s’unir avec lui personnellement, l’homme n’est qu’une brute, ne possédant que l’esprit d’un animal [57].
42Loin d’être illettrée, Truth se fait faire la lecture de la Bible, de préférence par des enfants. Elle aurait affirmé que si elle « ne [lisait] pas ces petites choses que sont les lettres », elle « [lisait] les hommes et les nations » [58]. Oratrice et oreille attentive, Truth représente alors un contre modèle par rapport à Frederick Douglass pour qui les lettres, l’instruction, sont synonymes de raison et d’humanité. S’opposant à l’accent mis sur l’illettrisme de Truth, Erlene Stetson et Linda David démontrent que ne pas apprendre à lire est un choix, une forme de résistance au formatage de la pensée livresque : « C’est l’expérience de son illettrisme qui fonctionne comme une stratégie d’autorité dans les récits de sa vie et qui fait le lien entre son vécu et le développement de la pensée politique de sa maturité [59]. » Truth se faisait lire la presse et dictait ses lettres. Dotée d’une excellente mémoire – elle apprenait des passages de la Bible par cœur – elle avait ainsi acquis un savoir non négligeable.
43Les discours de Truth sont émaillés de réflexions sur la situation des Blancs et des Noirs. Dans une perspective millénariste, elle a la conviction que Dieu jugera les Blancs pour leur cruauté ; ils devront en répondre devant le tribunal divin. Elle croit bien évidemment dans la vie de l’au-delà, ce que la légende de ses cartes de visite, qu’elle vend pour survivre et payer, entre autres, la publication de son récit, explicite : « Je vends l’ombre pour soutenir la substance [60]. »
Féminisme et abolitionnisme
44À cette époque, la cause des droits des femmes (le vote que demandaient les suffragettes) et celle de l’abolition de l’esclavage s’entremêlent pour de nombreuses militantes dans le sillage de pionnières, telles Frances Wright et la prédicatrice noire américaine Maria Stewart, actives dans les années 1820-1830 [61]. Truth ne fait pas exception. Par ailleurs, le mouvement abolitionniste se divise sur la question des droits des femmes dans les années 1840 : Garrison, Frederick Douglass et Abby Kelley se rangent derrière la bannière des féministes, alors que les frères Tappan quittent l’American Anti-Slavery Society. Garrison soutient le rassemblement de Worcester, Massachusetts, en 1850, au cours duquel Truth prend la parole, mais se comporte davantage en prédicatrice qu’en défenseuse des droits des femmes. Garrison, Phillips, Smith et Stebbins se prononceront ensuite, fin 1865, pour le droit des Noirs et demanderont aux femmes de mettre leurs revendications en attente. C’est toute la difficulté de suivre les allégeances de Sojourner dans cette période troublée.
45Après la proclamation de l’Émancipation (1862), la Reconstruction est marquée par trois amendements à la Constitution. L’adoption du 13e Amendement qui abolit l’esclavage (1865) donne aux féministes blanches l’espoir que, tout comme les Noirs, les femmes accèderont au vote. L’adoption du 14e Amendement fut cependant l’occasion de batailles qui détruisirent l’alliance entre les femmes blanches et les partisans des droits des Noirs. Cet amendement introduisit la notion de genre dans la Constitution en limitant le droit de vote aux hommes. La rupture qui se produisit divisa les femmes blanches et les femmes noires à jamais. Elizabeth Cady Stanton se prononça finalement contre le vote des Noirs mais pour le vote des femmes, en argumentant que ceux-ci étaient frustres et illettrés, contrairement aux femmes de sa classe sociale. D’autres, comme Lucy Stone, choisirent de se battre à la fois pour le vote des Noirs et des femmes. C’est en 1869 que Stanton et Anthony, refusant de soutenir le 15e Amendement, rompirent avec leurs alliées et formèrent la NWSA (National Woman Suffrage Association). Lucy Stone forma un nouveau groupe, le AWSA (Association for Women’s Suffrage of America).
46Truth est restée célèbre, d’une part pour son illettrisme parfaitement assumé, et même revendiqué comme lui permettant une communication directe avec Dieu [62], d’autre part pour son discours qui marque la naissance du féminisme américain, dit de la première vague : la Convention des Droits des femmes, à Akron, Ohio, le 28 mai 1851, trois ans après la convention fondatrice du mouvement à Seneca Falls, New York, les 19 et 20 juillet 1848 [63]. Ce discours a été rapporté dans deux versions différentes, celle du journaliste abolitionniste Marius Robinson (21 juin 1851, The Anti-Slavery Bugle) et celle, plus tardive et peu fiable, de l’abolitionniste Frances Dana Gage [64]. C’est cependant cette dernière, avec son faux accent du sud – Truth, esclave du nord, parlait le bas flamand dans son enfance et a appris progressivement l’anglais – qui est la plus citée par les féministes, les historiens préférant celle de Robinson :
Regardez-moi ! Regardez mon bras ! J’ai labouré, planté, et rempli des granges, et aucun homme ne pouvait me devancer ! Et ne suis-je pas une femme ? Je pouvais travailler autant qu’un homme, et manger autant qu’un homme – quand j’avais assez à manger – ainsi que supporter tout autant le fouet ! Et ne suis-je pas une femme ? J’ai mis au monde treize enfants, et vu la plupart d’entre eux vendus comme esclaves, et quand je pleurais de ma douleur de mère, personne à part Jésus ne m’écoutait ! Et ne suis-je pas une femme [65] ?
48Sept ans après Akron, Truth fait face à des partisans de l’esclavage, des Démocrates, qui mettent en doute son identité sexuelle : c’est à cette occasion qu’elle aurait alors montré ses seins nus pour prouver qu’elle n’était pas un homme.
49Quelles sont les positions de Truth ? En 1853, elle déclare à Harriet Beecher Stowe que les femmes n’avaient qu’à se saisir de leurs droits au lieu de se perdre en discours [66]. Elle réitère cette position en 1866 lors d’un rassemblement pour les droits des femmes : celles-ci ne devraient pas demander que l’on leur donne des droits mais devraient se lever et les saisir (rise up and take them). Il faut se souvenir que Truth avait gagné deux procès grâce à sa détermination. Elle avait tout d’abord obtenu la liberté de son fils qui lui fut rendu au printemps de 1828. À cette occasion, c’est bien de Dieu qu’elle dit détenir sa force et ses convictions dans un langage emprunté aux Psaumes : « “Seul Dieu a pu faire que ces gens [les juges] m’écoutent ; et il l’a fait en réponse à mes prières.” Et cette confiance parfaite, posée sur le roc de la Divinité, était une forteresse qui protégeait l’âme [67]. » Elle avait également gagné le procès qui lui avait été intenté pour motif d’empoisonnement lors de la débâcle du Royaume de Matthias. Truth avait quitté son emploi de domestique pour devenir prédicatrice et, à Washington, D. C., bravera la discrimination raciale en essayant de monter dans les voitures à chevaux de la ville.
50Pour ce qui est de la Bible et de la faute originelle attribuée à Ève, Truth répétait que si c’était la femme qui avait la première « chamboulé le monde, il fallait maintenant [lui] donner la possibilité de le redresser [68] ». À Akron, Truth demanda : « Comment Jésus est-il venu au monde ? À travers Dieu qui l’a créé et la femme qui l’a porté. Toi, l’homme, quel rôle tu joues dans tout cela [69] ? » Ces deux citations montrent bien à quel point elle ancre son féminisme dans une lecture de l’Ancien et du Nouveau Testament qui repose avant tout sur un bon sens non dénué d’un humour bien trempé. Elle s’opposa à l’exclusion des femmes des jurys car « si les femmes ne pouvaient être admises en ces lieux, les hommes devraient également en être exclus [70] ». Son discours d’Akron montre qu’elle milite en faveur de l’égalité de salaire entre hommes et femmes, une préoccupation que n’avaient pas les féministes de la bourgeoisie. Elle réitère cette position en 1867 à New York. Pour ce qui est du suffrage des femmes, elle disait en 1867 compter se battre toute sa vie pour qu’il voie le jour. Elle voulait que les femmes occupent tous les postes de pouvoir dans la justice et dans le législatif (jurys, Congrès), pensait qu’elles allaient assainir la politique, fortes de leurs talents de maîtresses de maison, et œuvreraient pour une paix durable. Une fois que les femmes auraient obtenus leurs droits, il n’y aurait plus de guerre.
51Au début de 1866, dans le contexte de l’adoption du 14e Amendement (1868), Anthony et Stanton lui demandèrent de se ranger de leur côté. Il fallait s’assurer que ce texte n’exclue pas les femmes du fait de l’inclusion du mot « homme » [71]. L’historienne et biographe de Truth, Nell Painter, explique ce choix en brossant le portrait de la féministe noire américaine Frances Harper qui s’opposa explicitement à Anthony et Stanton. La position de Sojourner Truth reste moins tranchée. Stanton, lors d’un rassemblement à Rochester, prit position pour que les femmes et les Noirs puissent voter. Truth lui emboîta le pas en soulignant que c’était la volonté de Dieu. Lors de rassemblements qui suivirent, Truth insista sur le rôle dominant de l’homme noir. Elle voulait que le vote soit donné aux Noirs et aux femmes :
Il y a une grande agitation au sujet des droits que vont avoir les hommes de couleur, mais pas un mot sur les femmes de couleur ; et si les hommes de couleur obtiennent leurs droits, et que les femmes de couleur n’obtiennent pas les leurs, voyez-vous, les hommes de couleur seront les maîtres des femmes, et les choses vont se gâter. Alors je suis pour que nous battions le fer tant qu’il est chaud, car si nous attendons que les choses se calment, ça prendra longtemps avant de faire repartir le mouvement. […] Je suppose que je suis la seule femme de couleur qui parle des droits des femmes de couleur. Je veux que les choses continuent de bouger, maintenant que la glace est brisée [72].
53Truth finira par soutenir le 15e Amendement (1870) qui donna le droit de vote aux Noirs, c’est-à-dire aux hommes noirs [73]. Elle rejoindra la position plus modérée de Lucy Stone, ainsi que de Douglass. En 1920, le 19e Amendement accorde le vote aux femmes.
54La question du théologico-politique (du rapport entre le théologique et le politique) peut ainsi être illustrée par le lien dans la pensée de Sojouner Truth entre sa foi chrétienne (l’Esprit de Vérité) et les engagements qu’elle prend tout au long de sa vie en faveur de la libération des esclaves, en faveur des femmes, ainsi que pour toutes les autres causes qu’elle épouse (lutte contre l’alcoolisme et la prostitution, fin de la discrimination dans les transports publics, combat contre la peine de mort). Pour elle, les individus ont des droits qu’ils tiennent de Dieu qui a créé les êtres humains égaux. Il est donc tout à fait logique qu’elle dise aux femmes de se saisir de leurs droits et de ne pas attendre que l’on les leur donne. Les questions de la domination et du rapport entre maître et esclave se résolvent dans le Récit au travers des paroles d’Isaac van Wagenen qui lui assure qu’il n’y a qu’un seul maître : Dieu. Son expérience de femme esclave qui eut treize enfants et travaillait comme un homme, voire même plus vaillamment, contribue à sa revendication d’une égalité autant corporelle que du fait de sa puissance de travail. Il est cependant évident que cette parole à voix haute, d’égal à égal, qu’elle adresse à Dieu, devient le moteur de ses talents d’oratrice et de sa position de femme libre. Truth chantait des hymnes avant de prendre la parole et également parfois pour clore ses discours. Il convient d’ajouter qu’elle a pris le chemin de la prédication à un âge avancé pour l’époque et qu’elle a construit, avec les féministes abolitionnistes qu’elle a côtoyées, le personnage de la vieille ex-esclave pleine de sagesse. Elle s’adresse fréquemment à ses auditeurs comme s’ils étaient ses enfants et fait référence à elle-même comme « la vieille Sojourner [74] ».
Notes
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[1]
Les citations sont extraites de Sojourner Truth, Récit de Sojourner Truth. Une esclave du Nord, émancipée de la servitude corporelle en 1828 par l’État de New-York, édition, traduction, introduction et notes de Claudine Raynaud, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016 [désormais Récit suivi du numéro de page (ici p. 100)]. L’édition américaine de référence est la suivante : Margaret Washington (éd.), Narrative of Sojourner Truth. A Northern Slave Emancipated from Bodily Servitude in 1828 by the State of New York, New York, Vintage, 1993 (1850). Toutes les traductions de textes anglais, sauf mention contraire, sont de ma main. Cet article reprend certains des éléments de mon introduction au Récit, op. cit., p. ix- lxxvi.
-
[2]
Voir respectivement : bell hooks, Ain’t I a Woman ? Black Women and Feminism, New York, South End Press, 1981 (édition en français : Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme, trad. Olga Potot, Paris, Éditions Cambourakis, 2015 ; l’auteure met délibérément des minuscules à son nom de plume pour indiquer que sa personne est moins importante que ses livres) ; Deborah Gray White, Ar’n’t I a Woman ? Female Slaves in the Plantation South, New York, W. W. Norton, 1999 (1985).
-
[3]
Pour une définition de l’intersectionnalité, voir Kimberlé Crenshaw, « Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color », Stanford Law Review 43/6 (1991), p. 1241-1299 ; Id., « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex : A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », in Joy James, T. Denean Sharpley-Whiting (éd.), The Black Feminist Reader, Malden, Mass., Blackwell, 2000, p. 208-238.
-
[4]
Voir le titre de la biographie de Carleton Mabee, Susan Mabee Newhouse, Sojourner Truth : Slave, Prophet, Legend, New York, New York University Press, 1993.
-
[5]
Voir William L. Andrews (éd.), Sisters of the Spirit. Three Black Women’s Autobiographies from the Nineteenth Century, Bloomington, Indiana University Press, 1986.
-
[6]
Margaret Washington, Sojourner Truth’s America, Urbana, University of Illinois Press, 2009. C’est également le cas d’Erlene Stetson, Linda Davis, Glorying in Tribulation. The Lifework of Sojourner Truth, East Lansing, Michigan State University Press, 1994, p. 69. Un ouvrage récent que je n’avais pas consulté lors de la rédaction de cet article corrobore mon approche et souligne l’importance de la foi de Truth ainsi que la nécessité de rétablir un équilibre entre, d’une part, la mémoire de l’abolitionnisme et du féminisme américains et, d’autre part, celle de l’histoire des mouvements religieux : voir Isabelle Kinnard Richman, Sojourner Truth : Prophet of Social Justice, Londres/New York, Routledge, 2016.
-
[7]
Nell Irvin Painter, Sojourner Truth. A Life. A Symbol, New York, Norton, 1996 ; Id., « Difference, Slavery and Memory : Sojourner Truth and Feminist Abolitionism », in Jean Fagan Yellin, John C. van Horne (éd.), The Abolitionist Sisterhood. Women’s Political Culture in Antebellum America, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1994, p. 139-158. Cette auteure définit la foi de Truth comme « pentecôtiste », c’est-à-dire sous l’influence du Saint-Esprit et du parler en langues d’après les Actes des Apôtres : voir Nell Irvin Painter, « Representing Truth. Sojourner Truth’s Knowing and Becoming Known », The Journal of American History 81 (1994), p. 461-492.
-
[8]
Le texte de cet ouvrage, American Slavery as It Is. Testimony of a Thousand Witnesses, New York, American Anti-Slavery Society, 1839, compilé par Theodore Dwight Weld, sa femme Angelina Grimké et la sœur de celle-ci, Sarah, est disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/weld/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[9]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 82.
-
[10]
Ibid., p. 58 sq.
-
[11]
Ibid., p. 59.
-
[12]
Ibid., p. 60.
-
[13]
Sur le renouveau évangélique et ses témoins français, voir Denis Lacorne, De la religion en Amérique, Paris, Gallimard, 2007. Pour une analyse du Second Grand Réveil, voir également Nathan O. Hatch, The Democratization of American Christianity, New Haven, Yale University Press, 1989 ; Donald G. Matthews, « The Second Great Awakening as an Organizing Process », American Quarterly 21 (1969), p. 23-43. Voir aussi l’œuvre de Jon Butler, Awash in a Sea of Faith. Christianizing the American People, Cambridge, Harvard University Press, 1992, pour une analyse un peu moins centrée sur le christianisme et qui met en avant le pluralisme religieux, le syncrétisme, les croyances dans le surnaturel (magie, sorcellerie, astrologie), qu’elles soient héritées de la vieille Europe et de l’Afrique ou qu’elles se développent dans le Nouveau Monde.
-
[14]
« Some years ago there appeared to me a form [here the speaker gave a very graphic description of a vision she had] den I learned dat I was a human bein. We had been taught that we was a speshe monkey, baboon, or rang-o-tang, and we believed it – we’d never seen any of dese animals. But I believes in de next world. When we gets up yonder we shall have all of dem rights ‘stored to us again – all dat love what I’se lost – all goin to be ‘stored to me ‘gain. Oh ! how good God is. » Discours du 5 octobre 1856 à Battle Creek, Michigan, retranscrit par Thomas Chandler, Anti-Slavery Bugle, 8 novembre 1856, p. 4, reproduit sous le titre « Proceedings of the Annual Meeting of the Friends of Human Progress in Michigan », in Suzanne P. Fitch, Roseann M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator. Wit, Story, and Song, Westport, Conn./Londres, Greenwood Press, 1997, p. 117 sq. L’accent de Truth est retranscrit comme étant du sud, alors qu’elle parlait plus vraisemblablement, certes un dialecte noir, mais avec un accent hollandais. J’ai choisi ici de traduire sans reproduire cet accent.
-
[15]
Elle suit Robert Matthews et ses disciples à Mount Pleasant (aujourd’hui Ossining) lorsque le soi-disant Royaume de Matthias s’y installe en 1833. Elle ne sera pas témoin direct des émeutes de 1834.
-
[16]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 89.
-
[17]
Ibid., p. 89 sq.
-
[18]
« Well, thee says thy name is Sojourner ? » « Yes. » « Sojourner what ? » M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 2.
-
[19]
« So when I went out to go on east, I pryed an’ said ‘Lord, do give me a name with a handle to it ! » S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 188.
-
[20]
« As true as God is true, Sojourner Truth. » M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 2.
-
[21]
La traduction utilisée pour les citations bibliques tout au long de l’article est celle de Louis Segond.
-
[22]
Le renouveau évangélique du Second Grand Réveil débute en 1780 et se termine en 1830 selon les historiens de la période. Voir, par exemple, D. G. Matthews, « The Second Great Awakening as an Organizing Process, 1780-1830 : An Hypothesis », art. cit.
-
[23]
Voir Charles G. Finney, The Autobiography of Charles G. Finney. The Life Story of America’s Greatest Evangelist – In His Own Words, éd. Helen Wessel, Bloomington, Minn., Bethany House Publishers, 2006 (1876).
-
[24]
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, dite aussi familièrement Église des Mormons, est la quatrième plus grande confession chrétienne des États-Unis (6 592 195 membres en 2018). Source en ligne : https://newsroom.churchofjesuschrist.org/facts-and-statistics/country/united-states (consulté le 27 juin 2019).
-
[25]
La date précise de cette venue varie selon Miller lui-même qui, s’appuyant sur le Livre de Daniel, cite 1843 dans William Miller, Evidence from Scripture and History of the Second Coming of Christ About the Year A. D. 1843, and of His Personal Reign of 1000 Years, Brandon, Vermont Telegraph Office, 1833. Les diverses dates de cette apocalypse annoncée sont le 21 mars 1843, le 21 mars 1844, et enfin le 22 octobre 1844.
-
[26]
Voir S. Truth, Récit, op. cit., p. 88-93. Le terme « adventiste » s’applique ici aux enseignements de Willliam Miller. Quand la fin du monde ne se produisit pas, lors d’une réunion à Albany, New York, en 1845, les Milleristes ou Seconds Adventistes déclarèrent croire à un retour du Christ sur terre au moment de la résurrection des morts et du début du millénaire.
-
[27]
Ibid., p. 100.
-
[28]
Pour plus de précisions, voir André Gounelle et al., La sanctification dans le méthodisme, Actes de la 1ère journée d’étude de la Société d’études du méthodisme français, Institut protestant de théologie, Faculté de Montpellier, 10 novembre 2012, Maisons-Laffitte, Ampelos, 2013.
-
[29]
Sur le perfectionnisme, voir M. Washington, Sojourner Truth’s America, op. cit., p. 82-86 et N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 38-47.
-
[30]
L’esclave Peter Williams fut acheté en 1783 par l’Église Méthodiste de John Street où il occupa l’emploi de sacristain ; il racheta sa liberté en 1796 et devint un leader de la communauté des Noirs libres de New York. Cette même année, il forma avec d’autres Noirs un groupe de prière séparé qui fonda en 1800 sa propre congrégation, l’African Methodist Episcopal Church. Son fils, l’abolitionniste Peter Williams Jr., suivit ses traces comme homme d’Église et antiesclavagiste engagé. C’est lui qui aide le fils de Truth nommé Peter.
-
[31]
Alors que les Van Wagenen lui accordent sa liberté en la rachetant à Dumont en 1827, Peter, né après 1799 donc soumis au travail obligatoire, est vendu par John Dumont à Solomon et Eleazer Gidney. Solomon Gidney l’envoie alors à l’un de ses parents, le Dr. John Fowler, dans l’Alabama, ce qui était strictement illégal. Isabella, aidée par ses amis quakers et par l’avocat Herman R. Romeyn et le gendarme Matthew Styles, le récupéra au terme d’un long procès qui se tint à Kingstson.
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[32]
Il ne faut pas confondre cette Église noire avec la AME (African Methodist Episcopal) fondée en 1816 à Philadelphie par les révérends Richard Allen et Absalom Jones, également fondateurs de la FAS (Free African Society). L’African Church of Philadelphia fut fondée le 12 août 1794 ; Jones fut son premier pasteur noir et la Bethel African Church fut fondée le 9 avril 1794 avec Allen à sa tête.
-
[33]
Voir N. I. Painter, Sojourner Truth, op.cit., p. 43.
-
[34]
L’autre personnage de cette scène new-yorkaise est la prédicatrice Harriet Livermore (1788-1868). Voir Harriet Livermore, A Narration of Religious Experience, Concord, New Hampshire, Jacob B. Moore, 1826.
-
[35]
Arthur Tappan (1786-1865) et son frère Lewis fondent en 1827 le New York Journal of Commerce. Hommes d’affaires prospères, ils se consacrent parallèlement à l’antiesclavagisme. Arthur crée avec William Lloyd Garrison l’American Anti-Slavery Society qu’il préside jusqu’en 1840 et est à l’origine de la fondation d’universités comme Oberlin College dans l’Ohio. Arthur et son frère sont également les fondateurs de l’American and Foreign Anti-Slavery Society en 1840, et de l’American Missionary Association en 1846, après un différend avec Garrison au sujet du droit de vote des femmes.
-
[36]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 82.
-
[37]
Pour une liste complète des membres du Royaume, voir Paul E. Johnson, Sean Wilentz, The Kingdom of Matthias. A Story of Sex and Salvation in Nineteenth Century America, New York, Oxford University Press, 1994, p. ix.
-
[38]
Cette liberté conduit cependant à des comportements déviants. Ainsi, Benjamin Folger viole la plus jeune fille de Matthias, Isabella Laisdell, qui lui a été promise par son père, lorsqu’il la ramène depuis la ville d’Albany.
-
[39]
Gilbert Vale, Fanaticism. Its Source and Influence Illustrated by the Simple Narrative of Isabella, in the Case of Matthias, Mr. and Mrs. B. Folger, Mr. Pierson, Mr. Mills, Catherine, Isabella, &c. &c., New York, Édition d’auteur, 1835, disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/vale/vale.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[40]
De fait le Récit, qui assemble de manière hétéroclite d’autres textes, comme les lettres de son fils reproduites verbatim, présente une riche intertextualité.
-
[41]
À partir de 1834, Isabella reste au service de Perez et Lucy Whiting, des perfectionnistes qui l’avaient embauchée avant qu’elle ne rejoigne le Royaume de Matthias, et qui habitent Canal Street. Il se peut qu’elle soit retournée vivre chez Latourette jusqu’à sa mort en 1841. Elle est chez les Whiting lorsqu’elle décide de répondre à l’appel de l’Esprit Saint en 1843.
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[42]
William Lloyd Garrison (1805-1879) est l’un des plus célèbres abolitionnistes du mouvement. Il fut l’éditeur, avec Isaac Knapp, du journal abolitionniste The Liberator qu’il fonda en 1831 dans le Massachusetts et qui fut édité jusqu’à l’abolition de l’esclavage après la guerre de Sécession. Il prônait l’émancipation immédiate, et non graduelle, des esclaves. Dans les années 1870, il rejoignit le mouvement pour le droit de vote des femmes. La préface qu’il rédige témoigne des luttes violentes qui opposèrent abolitionnistes et antiabolitionnistes. Son texte est truffé de références bibliques qui entrent en résonance avec le récit de Gilbert et par conséquent avec la voix de Truth, soutenue elle aussi par de nombreuses citations provenant des Écritures. Ceci traduit un régime de l’emprunt spécifique des milieux religieux et politiques de l’époque et, partant, de l’art rhétorique et oratoire du xixe siècle. Garrison avait également préfacé le Récit de Frederick Douglass.
-
[43]
Marius Robinson, journaliste et orateur, doit faire face à la violence des partisans de l’esclavage dans ses tournées. En juin 1837, il est couvert de goudron et de plumes et gravement blessé par des opposants.
-
[44]
Samuel Banks meurt en février 1875 à Battle Creek, à l’âge de vingt-deux ans.
-
[45]
Emmanuel Swedenborg (1688-1772) était un philosophe, scientifique et théologien suédois préconisant un christianisme fondé sur l’expérience mystique et les visions spirituelles. Il exerça une influence notable en Angleterre puis aux États-Unis où fut fondée en 1817 une Swedenborgian Church of North America.
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[46]
Ratifié en 1870, le 15e Amendement fait partie, avec le 13e et le 14e, des Amendements de l’ère de la Reconstruction.
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[47]
Sur son entretien avec Lincoln, voir N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 119-122. Le peintre Franklin C. Courter réalise en 1892 un portrait de Truth avec Lincoln, présenté à l’exposition universelle de Chicago en 1893. Il représente le Président partageant avec Truth la Bible que les Noirs de Baltimore, Maryland, lui ont donnée.
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[48]
Elisabeth Keckley, auteure de Behind the Scenes. Or Thirty Years a Slave and Four Years in the White House, New York/Oxford, Oxford University Press, 1988 (1848), l’aide à obtenir un rendez-vous. Document disponible en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/keckley/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
-
[49]
« Abolitionism was a religious movement, emerging from the ferment of evangelical Protestantism, psychologically akin to other reforms – women’s rights, temperance, and pacifism – which agitated the spirits of the Northern middle classes during the three decades before the Civil War. Its philosophy was essentially a theology, its technique similar to the techniques of revivalism, its agencies the church congregations of the towns. » Richard Hofstadter, The American Political Tradition and the Men who Made it, New York, Knopf Doubleday Publishing, 2011 (1948), p. 185.
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[50]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 7.
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[51]
Ibid., p. 11 sq. C’est moi qui souligne.
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[52]
« I believe in Jesus, and I was forty years a slave, but I did not know how dear to me was my posterity, I was so beclouded and crushed. But how good and wise is God, for if the slaves knowed what thar true condition was, it would be more than de mine could bear. While de race is sold of all dere rights what is dare on God’s footstool to bring them up. Has not God given all his creatures the same rights ? How could I trable and live and speak ? If I hadn’t got something to bear me up, when I’s have been robbed of all my affection for my husband and my children. » T. Chandler, Anti-Slavery Bugle, op. cit., cité d’après S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 117. L’expression « le marchepied de Dieu » pour signifier la terre est tirée de la Bible : « Le roi David se leva sur ses pieds, et dit : Écoutez-moi, mes frères et mon peuple ! J’avais l’intention de bâtir une maison de repos pour l’arche de l’alliance de l’Éternel et pour le marchepied de notre Dieu, et je me préparais à bâtir » (1 Ch 28,2). Voir aussi Ps 99,5 et 132,7 ; És 66,1 ; Lm 2,1 ; Mt 5,35.
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[53]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 41.
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[54]
Frederick Douglass était lui aussi méthodiste. Il était membre de l’Église de l’AME (African Methodist Episcopal) à Baltimore. En 1840, il pouvait légalement prêcher à New Bedford. Sa première rencontre avec Truth a lieu à Northampton en 1844. De vingt ans son cadet, Douglass, qui a choisi de s’émanciper par l’éducation, s’est montré condescendant vis-à-vis de Truth : il la décrit comme un « authentique spécimen du nègre inculte (a genuine specimen of the uncultured negro) » qui « semblait se faire plaisir et faire plaisir aux autres au plus haut point lorsqu’elle formulait ses idées de la plus bizarre des façons (seemed to please herself and others best when she put her ideas in the oddest forms) » (M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. x).
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[55]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 61.
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[56]
Ibid., p. 62.
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[57]
Ibid.
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[58]
« I don’t read such small stuff as letters, I read men and nations. » Elizabeth Cady Stanton et al. (éd.), The History of Woman’s Suffrage, 6 vol., New York, Fowler and Wells, 1881-1922, vol. II, p. 927.
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[59]
« It is Truth’s experience of illiteracy that functions as an authorizing strategy in her stories about her life and that forms the bridge between her lived experience and the development of her mature political thought. » Erlene Stetson, Linda David, Glorying in Tribulation, op. cit., p. 3.
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[60]
« I sell the shadow to support the substance. »
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[61]
Cependant les militantes évangéliques, plus conservatrices, ne sont pas toujours favorables aux droits des femmes. La féministe libre-penseuse et abolitionniste d’origine écossaise Frances Wright est ainsi traitée de « Hot Harlot of Infidelity » (« chaude catin de l’infidélité ») pour sa défense du divorce, du contrôle des naissance et des droits des femmes. Voir Catherine A. Brekus, Strangers and Pilgrims : Female Preaching in America, 1740-1845, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1998.
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[62]
Truth refuse d’apprendre à lire, clamant ironiquement que seule la parole la lie à Dieu : « C’est vrai que je ne sais pas lire, mais je perçois bien les gens (I tell you I can’t read a book, but I can read de people). » Boston Post, 2 janvier 1871, in C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojouner Truth, op. cit., p. 64. Ou bien, comme le rapporte James A. Dugdale : « Mes enfants, je parle à Dieu et Dieu me parle (Children, I talks to God and God talks to me). » National Anti-Slavery Standard, 4 juillet 1863, p. 3, cité par S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 163.
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[63]
Appelée par les féministes Elizabeth Cady Stanton et Lucrecia Mott, cette Convention produisit le document de référence du féminisme américain qu’est la Déclaration de sentiments, rédigé selon le modèle de la Déclaration d’indépendance. Lucrecia Mott était une prédicatrice quaker.
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[64]
Voir Marius Robinson, in M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. 117 sq. ; Frances Dana Gage, « Ain’t I a Woman », Anti-Slavery Standard, 2 mai 1863, en ligne : http://www.sojournertruth.org/Library/Speeches/AintIAWoman.htm (consulté le 10 janvier 2018). Ce discours est une réponse à l’article d’Harriet Beecher Stowe, « Sojourner Truth, The Libyan Sibyl ». Publié dans l’édition du Récit de 1881 et reproduit dans E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 115-117, il a été rédigé douze ans après la Convention. On peut y avoir accès en ligne : http://www.fordham.edu/halsall/mod/sojtruth-woman.asp (consulté le 10 janvier 2018). Le texte est également reproduit dans N. I. Painter, Sojourner Truth, op. cit., p. 90-93.
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[65]
« Look at me ! Look at my arm ! I have ploughed and planted, and gathered into barns, and no man could head me ! And ain’t I a woman ? I could work as much and eat as much as a man – when I could get it – and bear the lash as well ! And ain’t I a woman ? I have borne thirteen children, and seen most all sold off to slavery, and when I cried out with my mother’s grief, none but Jesus heard me ! And ain’t I a woman ? » Frances Dana Gage, « Sojourner Truth », in E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 116. Les trois autres versions du Récit publiées ultérieurement sous les noms d’Olive Gilbert et de Frances W. Titus (1875, 1878, 1881) incluent le premier texte de 1850. Voir Sojourner Truth, Narrative of Sojourner Truth ; a Bondswoman of Olden Time, Emancipated by the New York Legislature in the Early Part of the Present Century ; with a History of Her Labors and Correspondence Drawn from Her “Book of Life” ; Also, a Memorial Chapter, Giving the Particulars of Her Last Sickness and Death, éd. Olive Gilbert, Frances Titus, Battle Creek, Mich., Review and Herald Office, 1884, en ligne : http://docsouth.unc.edu/neh/truth84/menu.html (consulté le 10 janvier 2018).
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[66]
Voir C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojouner Truth, op. cit., p. 173.
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[67]
S. Truth, Récit, op. cit., p. 63.
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[68]
« If women upset the world, do give her a chance to set it right side up again. » M. Robinson, in M. Washington, Narrative of Sojourner Truth, op. cit., p. 118.
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[69]
Voici un extrait de ce discours d’Akron tel que relaté par Marius Robinson : « Mais les femmes se soulèvent, béni soit Dieu, et quelques hommes se joignent à elles. Mais l’homme est en mauvaise posture, les esclaves pauvres en ont après lui, les femmes s’y mettent aussi, on dirait bien qu’il est coincé entre un faucon et une buse » (ibid.). (« But the women are coming up blessed be God and a few of the men are coming up with them. But man is in a tight place, the poor slave is on him, woman is coming on him, he is surely between a hawk and a buzzard. »)
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[70]
« If it is not a fit place for women, it is unfit for men to be there. » Discours du 9 mai 1867 à la Church of the Puritans, New York City, publié dans le New York Times du 10 mai 1867, p. 8, reproduit sous le titre « First Annual Meeting of the American Human Rights Association (First Speech) », in S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator, op. cit., p. 167.
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[71]
Elizabeth Cady Stanton a écrit : « Si ce mot “homme” est inclus, il nous faudra au moins un siècle pour l’en extraire (If that word “male” be inserted, it will take us a century at least to get it out). » Cité par Akhil R. Amar, America’s Constitution. A Biography, New York, Random House, 2005, p. 394.
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[72]
« There is a great stir about colored men getting their rights, but not a word about colored women ; and if colored men get their rights, and not colored women get theirs, there will be a bad time about it. So I am for keeping the things going while things are stirring ; because if we wait until it is still, it will take a great while to get it moving again […] I suppose I am about the only colored woman that goes about to speak about the rights of the colored woman. I want to keep the thing stirring, now that the ice is broke. » Discours du 9 mai 1867, art. cit., in S. P. Fitch, R. M. Mandziuk (éd.), Sojourner Truth as Orator. op. cit., p. 123.
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[73]
À propos de l’évolution de la position de Truth sur le suffrage des femmes et des hommes noirs, voir C. Mabee, S. Mabee Newhouse, Sojourner Truth, op. cit., p. 172-184.
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[74]
Frances Dana Gage, « Sojourner Truth », in E. C. Stanton, The History of Woman’s Suffrage, op. cit., p. 116.