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Article de revue

« Contrains-les d’entrer ! » (Luc 14,23). Un cas de sainte violence ?

Pages 109 à 124

Notes

  • [1]
    Le terme grec polémos est utilisé dans le discours eschatologique en Mc 13,7 et ses parallèles (Mt 24,6 ; Lc 21,9). Luc le reprend dans une courte parabole visant à réfléchir, non pas sur la guerre, mais sur la suivance du Christ (14,31). Jean méconnait le mot. L’auteur de l’Apocalypse se distingue en le sélectionnant à neuf reprises, mais il le traite en un langage symbolique bien spécifique qui ne permet pas la comparaison.
  • [2]
    Nous renvoyons à la traduction présentée et annotée dans François Bovon, Pierre Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1997, t. I, p. 46.
  • [3]
    Pour un état de la recherche sur ce point : John Paul Meier, Un certain juif Jésus. Les données de l’histoire. V. Enquête sur l’authenticité des paraboles, Paris, Cerf, coll. « Lectio Divina », 2018, p. 191-219.
  • [4]
    Pour une comparaison synoptique des trois versions : Joachim Jeremias, Les paraboles de Jésus, Le Puy, Éditions Xavier Mappus, 1962, p. 74-76. Nous partageons la conclusion de l’auteur selon laquelle les divergences entre ces versions sont étroitement liées à l’interprétation allégorique propre aux évangélistes. Voir aussi Wim J. C. Weren, « From Q to Matthew 22,1-14. New Light on the Transmission and Meaning of the Parable of the Guests », in Andreas Lindemann (dir.), Sayings Source Q and the Historical Jesus, Louvain, Leuven University/Peeters, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 158 », 2001, p. 661-679.
  • [5]
    Nouvelle Bible Segond (2002). Semblablement, la Traduction Œcuménique de la Bible (1996) propose : « Va-t’en par les routes et les jardins, et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie. » Sauf précision contraire, les traductions du texte biblique seront désormais nôtres.
  • [6]
    Pour l’histoire de la réception, voir François Bovon, L’évangile selon saint Luc. 9,51 – 14,35, Genève, Labor et Fides, coll. « Commentaire du Nouveau Testament Deuxième série. IIIb », 1996, p. 456-462.
  • [7]
    Saint Augustin, Contra Gaudentium, Livre I, XXV, 28 in Œuvres de Saint Augustin. Quatrième série : Traités anti-donatistes, Bruges, Descle e de Brouwer, 1965, coll. « Bibliothèque augustinienne 32 », vol. V, p. 571.
  • [8]
    Le rapport que saint Augustin entretint avec la doctrine de la guerre juste nécessiterait quelques nuances. En ce sens, voir le précieux article de Frank Bourgeois, « La théorie de la guerre juste : un héritage chrétien ? », Études théologiques et religieuses 81/4 (2006), p. 449-474 (en particulier p. 455-462).
  • [9]
    Jean Calvin, Commentaires de Jehan Calvin sur le Nouveau Testament : le tout reveu diligemment et comme traduit de nouveau, tant le texte que la glose, Paris, Ch. Meyrueis, 1854-1855, vol. I, p. 368.
  • [10]
    Le propos concernant l’ouvrage de Bayle s’appuie sur la lecture qu’en fait Olivier Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », Études théologiques et religieuses 61/1 (1986), p. 35-49. Je remercie Olivier Abel pour nos échanges autour de cette parabole.
  • [11]
    O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36.
  • [12]
    À l’exemple d’Alexandre Vinet, La liberté des cultes, Paris, Chez les Éditeurs, 1852, p. 298 n. xviii.
  • [13]
    En ce sens déjà, voir Denis Buzy, Introduction aux paraboles évangéliques, Paris, Lecoffre-Gabalda, 1912. Plus récemment : Jacques Dupont, « La parabole des invités au festin dans le ministère de Jésus », in Id., Études sur les évangiles synoptiques, Louvain, University Press/Peeters, 1985, t. II, p. 667-705.
  • [14]
    « C’est la contrainte de l’amour, la douce violence de celui qui convainc l’hôte hésitant et le décide à entrer » : F. Bovon, L’évangile selon saint Luc, op. cit., p. 454.
  • [15]
    O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36.
  • [16]
    Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, PUF, 20082, p. 15.
  • [17]
    Daniel Marguerat, « Repas et éthique communautaire dans les Actes des apôtres », in Jochen Flebbe, Matthias Konradt (éd.), Ethos und Theologie im Neuen Testament. Festschrift für M. Wolter, Neukirchen, Neukirchener Theologie, 2016, p. 131-156.
  • [18]
    Je remercie Christophe Singer pour son éclairage sur le contexte d’insertion de la parabole et renvoie ici à son ouvrage : Justes, justice, justification. Harmoniques pauliniennes dans l’évangile de Luc, Berlin/New York, Walter de Gruyter, coll. « Beihefte zur Zeitschrift für die Neutestamentliche Wissenschaft 220 », 2016.
  • [19]
    Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Paris, Seuil, coll. « Points Essais 377 », 1998, p. 130.
  • [20]
    « À bien des égards on pourrait considérer que l’aoriste propose une photo de l’action tandis que l’imparfait (comme le présent) en présenterait plutôt un film détaillant son déroulement. Ainsi l’imparfait s’intéresse à l’action en cours et revêt souvent un caractère inaccompli. » Daniel Wallace, Grammaire grecque. Manuel de syntaxe pour l’exégèse du Nouveau Testament, Charols, Excelsis, 2015, p. 605.
  • [21]
    Buist M. Fanning, Verbal Aspect in New Testament Greek, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 97.
  • [22]
    « Aoriste signifie précisément : “sans limite”, sans commencement ni fin. L’action est ponctuelle et ne peut se répéter, en dehors de toute considération de temps, le locuteur ne se pose d’ailleurs aucune question à son sujet ». Andrea Marcolongo, La langue géniale. 9 bonnes raisons d’aimer le grec, Paris, Les Belles Lettres, 2018, p. 31.
  • [23]
    Dans un souci d’harmonisation avec la version matthéenne, de nombreux témoins ajoutent que « tout est prêt » (Mt 22,4). L’assimilation au premier Évangile souligne indirectement la sobriété de la version lucanienne.
  • [24]
    L’expression elliptique laisse place à l’interprétation. Certains insèrent la voix – « tous d’une seule voix » (Bovon) –, d’autres l’heure – « tous en même temps » (Jülicher) – selon qu’ils insistent sur l’unanimité ou la simultanéité. Nous retenons surtout l’oxymore que permet l’ellipse en associant l’un et le tout.
  • [25]
    « Dès la langue homérique anágkê peut signifier “nécessité”, cf. Il. 24,667 » : Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1977, p. 82.
  • [26]
    « Dieu nous invite à son repas, et nous nous excusons ! » : Grégoire le Grand, Homélies sur l’évangile, Livre II, XXXVI, 3, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 522 », 2008, p. 401.
  • [27]
    Luc ne sélectionne qu’une autre fois ce verbe alors qu’il est bien question de discernement (voir 12,56). Les autres évangélistes n’emploient pas le mot que l’on ne peut donc appréhender qu’à travers son usage lucanien.
  • [28]
    Cette version ramasse son propos en concluant par une morale : « Les acheteurs et les marchands n’entreront pas dans les lieux de mon Père. » F. Bovon, P. Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, op. cit., p. 46.
  • [29]
    J. Calvin, Commentaires de Jehan Calvin sur le Nouveau Testament, op. cit., p. 366.
  • [30]
    Martin Luther, Controverse sur la théologie scolastique, art. XVII, in Id., Œuvres, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1999, t. I, p. 126.
  • [31]
    Contre J. Dupont, Études sur les évangiles synoptiques, op. cit., p. 693 : « La parabole est placée tout entière sous le signe de cette colère : la première partie en expose le motif, la seconde en déclare la conséquence. Le récit veut illustrer un jugement et une condamnation. » La colère ne fait pas signal rétrospectivement d’une offense faite à Dieu, elle pointe l’illusion mortifère dans laquelle vivent ses invités.
  • [32]
    Robert W. Funk, Language, Hermeneutic, and Word of God : The Problem of Language in the New Testament and Contemporary Theology, New York, Harper & Row, 1966, p. 196.
  • [33]
    Le mot n’apparaît qu’ici dans l’œuvre lucanienne. Marc et Matthieu ne le retiennent que pour décrire la clôture de la vigne dans la parabole des vignerons assassins (21,33). Le terme évoque l’enfermement et la séparation. Voir aussi Eph 2,14 où le mot est synonyme de division.
  • [34]
    Le verbe anagkázô n’est employé qu’ici dans cet Évangile, dans le prolongement du nom anágkê à partir duquel il est construit. Le verbe n’indique pas comment l’action est produite mais ce que l’action produit : elle fait voir une nécessité. En ce sens, voir H. G. Lidell, R. Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1996 (« to contend that a thing is necessarily ») ; A. Bailly, Dictionnaire grec – français, Paris, Hachette, 1950 (« affirmer comme une chose nécessaire, indiscutable »).
  • [35]
    Les propositions en ína peuvent exprimer le but recherché par l’action du verbe principal ou le résultat de l’action du verbe principal. Dans ce dernier cas, ína « indique une conséquence non recherchée de l’action » : D. Wallace, Grammaire grecque, op. cit., p. 529. C’est l’auteur qui souligne.
  • [36]
    Le verbe « remplir » (gemízô) n’est employé qu’ici par Luc qui lui préfère systématiquement plêróô (« remplir, accomplir ») pour évoquer le dessein de Dieu. Luc utilise gemízô davantage à la manière de Jean qui l’emploie à deux occasions : pour raconter les jarres remplies aux noces de Cana (Jn 2,7) et les paniers remplis de morceaux de pain (Jn 6,23). Les deux images johanniques évoquent alors la joie d’une plénitude en présence du Fils.
  • [37]
    Emmanuel Kant, Critique de la Faculté de juger, Paris, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion/Philosophie », 2000, n. 1 du §4.
  • [38]
    Luc est le seul évangéliste à employer le mot « communion » (koinônia) qui apparaît dans son récit des Actes des apôtres (Ac 2,42) et désigne l’appartenance commune au Christ. En ce sens, la parabole des invités au dîner participe d’une chaîne narrative préparant à la communion matérielle et spirituelle expérimentée en Église telle que l’œuvre double de Luc la conçoit.
  • [39]
    Cité par O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36, n. 7.
  • [40]
    Jean Zumstein, « Croire et comprendre », Études théologiques et religieuses 66 (1991), p. 340.

1L’expression « guerre sainte » n’appartient pas au corpus néotestamentaire. À peine les évangélistes connaissent-ils le mot « guerre [1] ». Les auteurs du Nouveau Testament n’ont pas puisé au registre guerrier pour rendre compte de leur compréhension de Dieu et exprimer leur foi. La guerre ne fait pas partie de leur théologie, à l’exception de quelques images guerrières dont ils n’usent que métaphoriquement (par exemple en 1 Co 14,8 ; Ep 6,10-17 ; Ap 9,7). Ce constat ne doit pas occulter le traitement lucide qu’ils font de la violence subie et générée par les hommes. S’ils n’élaborent pas de doctrines de guerre, ils n’atténuent pas pour autant la violence qui traverse et anime la réalité humaine. Leurs récits font place au désir de domination et de puissance, incitant ainsi le lecteur à le reconnaitre et à l’interpréter. La parabole des invités au repas participe de ce travail de mise au jour. Voici l’histoire d’un homme qui en invite quelques autres à un grand dîner. Le moment venu, ses hôtes se dérobent. Pris de colère, l’homme en tire les conséquences et élargit l’invitation aux plus démunis. Trois versions de cette parabole sont aujourd’hui connues, issues des Évangiles canoniques de Matthieu (Mt 22,1-14) et Luc (Lc 14,16-24) et de l’Évangile de Thomas (logion 64 [2]). Leurs ressemblances laissent penser à une source commune, même si la recherche se montre plus divisée à déterminer le parcours de transmission d’un éventuel document originel [3]. Leurs particularités s’avèrent plus significatives [4]. La version lucanienne se singularise notamment par l’ordre que l’homme adresse à son serviteur et qui est constitué de deux impératifs habituellement traduits ainsi : « Va par les chemins et le long des haies, contrains les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie » (14,23) [5]. Le second impératif de la phrase – « contrains à entrer » – manque dans les autres versions (Mt ; EvTh). De cette double injonction, les premiers commentateurs ont retenu l’appel irrépressible de Dieu à participer à son festin [6]. Mais au ve siècle, pris dans la controverse avec les Donatistes, saint Augustin y voit une légitimation de l’usage de la force contre les schismatiques, dans le souci de préserver l’unité de l’Église chrétienne :

2

Quant à ce que vous croyez, qu’il ne faut pas amener les gens malgré eux à la vérité, vous vous trompez, faute de connaître les Écritures et la puissance de Dieu qui les fait vouloir alors qu’on les pousse malgré eux [7].

3Plus que le texte de Luc, cette lecture augustinienne s’impose aux théologiens chrétiens. Soupçonné d’accointance avec la doctrine de la guerre juste, c’est-à-dire une guerre ordonnée par Dieu (Deus auctore), saint Augustin associe définitivement la parabole lucanienne au thème de la violence et de ses usages [8]. La parabole ne se réduit plus au texte de Luc mais emporte avec elle l’effet augustinien produit. Le double impératif du verset 23 justifierait l’usage de la force. L’appel du texte serait un appel à la violence. Cet acte de lecture posé, il continue d’œuvrer jusque dans les Commentaires sur l’harmonie évangélique de Calvin qui adopte la position de l’évêque d’Hippone :

4

Cependant je ne trouve pas mauvais que sainct Augustin ait souvent usé de ce tesmoignage contre les Donatistes, pour prouver qu’il est permis aux princes fidèles de contraindre les obstinez et rebelles, et faire des édits pour les ranger au service du vray Dieu, et à l’unité de la foy. Car combien que la foy soit volontaire, nous voyons néanmoins que ces moyens proufitent pour donter l’obstination de ceux qui n’obéiroyent jamais, s’il n’y avoit contrainte [9].

5L’ironie s’empare de l’affaire : l’exégèse augustinienne approuvée par Calvin resurgit sous la plume de Bossuet, ardent défenseur de l’usage de la force royale contre les protestants. Bayle entre en débat contre Bossuet et fait paraître en 1686 un Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ, contrain-les d’entrer ; où l’on prouve, par plusieurs raisons démonstratives, qu’il n’y a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte, & l’on réfute tous les sophismes des convertisseurs à contrainte, & l’apologie que S. Augustin a faite des persécutions (Cantorbery, chez Thomas Litwel) [10]. Bayle entend lire la parabole lucanienne dans une autre perspective, expliquant défendre une lecture « métaphorique et non littérale [11] ». Le défenseur de la tolérance trouve en la lecture augustinienne de la parabole matière à protester. Plus tard, d’autres ne manqueront pas de puiser à son commentaire les arguments en faveur de la liberté des cultes [12].

6La réception de la parabole des invités au repas s’est progressivement imposée à son récit de sorte que les commentaires modernes doivent encore, d’une manière ou d’une autre, rendre compte de cet appel à la contrainte relue par Augustin. La recherche en passe habituellement par une identification des destinataires historiques de la parabole, des premiers invités (associés à Israël), puis de leurs remplaçants (associés aux nations), faisant du récit une allégorie de l’histoire du Salut [13]. Ainsi lue, la contrainte s’adoucit et devient l’expression plus ou moins maladroite d’une force de conviction [14]. Mais les injonctions du maître de maison, ses évocations implicites et actives, demeurent. Qu’en faire ? Si le lecteur ne peut pas faire fi de la réception de la parabole, il peut en revanche faire cas du texte. Nul besoin d’imposer comme Bayle « le silence là où les commentaires recouvrent les silences de l’Écriture par mille bavardages indécidables [15] ». La parabole lucanienne ne laisse place à aucune ambiguïté concernant les ordres du personnage principal. Tant il est vrai que « l’œuvre se prête à différentes lectures, mais n’autorise pas n’importe quelle lecture [16] », les indications textuelles laissées au lecteur suffisent à clarifier la visée du personnage, et plus généralement, celle du paraboliste. Gageons que le texte lucanien peut encore contrarier sa réception et lui opposer ses enjeux interprétatifs. Mon propos consiste ici à montrer que la parabole des invités au repas, telle que Luc la raconte, ne légitime pas la violence mais la dénonce, qu’elle ne parle pas de contrainte mais de nécessité.

Une parabole offerte en nourriture

7La parabole des invités au repas clôt une large séquence débutée par l’entrée de Jésus dans la maison d’un Pharisien (14,1). C’est un jour de sabbat, le lecteur est installé dans l’intimité d’une maison, à côté de Jésus, pour partager un repas (littéralement, « pour manger du pain » 14,1c). La scène offre deux éléments nécessaires à l’interprétation de la parabole : le premier procède des règles de la commensalité, et le second du Royaume de Dieu.

Des enjeux de la commensalité

8La parabole des invités est racontée par Jésus au cours d’une scène de repas dont on connaît l’importance dans l’Évangile de Luc. Daniel Marguerat identifie trois thèmes que l’évangéliste s’applique à développer plus particulièrement dans ce genre de scène : l’accueil des exclus, le renversement des valeurs et la recomposition du peuple de Dieu [17]. La commensalité cristallise en effet toutes les règles relationnelles, sociales comme religieuses. Elle détermine les limites d’une communion possible : ceux qui partagent un même repas se reconnaissent appartenant à un même groupe, une même communauté qui, de fait, fonctionne par exclusion. La commensalité et ses limites structurent ainsi une représentation du monde et donnent cohérence à un vivre ensemble. À la table du chef de la synagogue, s’assoit celui ou celle à qui l’on reconnaît une même identité devant Dieu. La présence de Jésus à cette table modifie les règles jusque-là admises et trace les contours de la communion nouvelle. En misant sur l’attraction du langage imagé, Jésus conduit en effet les invités à modifier leur compréhension d’eux-mêmes, des autres et de Dieu.

9D’abord en situation d’observateurs (14,1), à la même distance que le lecteur, les Pharisiens se voient progressivement contraints d’ouvrir les yeux sur leur propre comportement [18]. Jésus procède en trois temps. En guérissant l’homme hydropique – initialement non invité, pénétrant pourtant les lieux, porté par un désir de guérison – Jésus rappelle aux invités la nécessité devant Dieu de plonger dans la profondeur d’un puits pour ramener à la vie ce qui était perdu (14,1-6). La communion nouvelle est placée sous le signe de la perte. Jésus raconte ensuite une parabole mettant au jour leur propre comportement (14,7-11). Mus par un désir irrépressible d’élévation et de reconnaissance, leur existence est tout entière soumise aux jugements des autres qui désignent la place à occuper. Leur système de valeurs ne dépend que d’un triste jeu de stratégie visant à occuper la première. La communion nouvelle est placée sous le signe de l’abaissement. Jésus prolonge la mise au jour de la réalité humaine en s’adressant plus particulièrement à son hôte (14,12-14). Ce que celui-ci prend pour une communion n’est qu’un système marchand, fondé sur une logique du donnant-donnant, et auquel « les mendiants, les infirmes, les boiteux, les aveugles » (14,13) ne participent pas. La communion nouvelle est placée sous le signe de la gratuité.

10Le contexte de la parabole des invités au repas ne consiste pas en quelques règles élémentaires de civilité. Les enjeux de la commensalité indiquent qu’il en va de la réalité humaine, du dévoilement de la violence que les hommes infligent et subissent. Les invités, parmi eux le lecteur, sont lentement conduits à « se comprendre devant le texte [19] », placés au bénéfice d’une guérison rendue possible par la présence de Jésus à leur table. Jésus parle et aussitôt est dévoilée la réalité de ce qu’ils prennent pour communion. Les voilà face à leur propre incapacité : incapables qu’ils sont de sombrer pour sauver (14,5), de vivre sous le regard de Dieu (14,11), de donner sans recevoir (14,14). Les voilà prisonniers de leurs comportements violents, menés face à une impossibilité de communion. La seule issue serait de se compter, non parmi les invités à la table, mais parmi les non invités, ceux qui pénètrent pourtant les lieux, portés par un désir de guérison.

Une béatitude pour point d’ancrage

11L’impossibilité humaine mise à nu, un invité réagit. Il se saisit de l’annonce au temps de la résurrection des justes (14,14), et tout à sa joie de la promesse future, il s’exclame : « Heureux celui qui mangera du pain dans le Royaume de Dieu ! » (14,15). La béatitude renvoie le partage du repas à un au-delà. Il n’y aurait donc aucune communion avec Dieu ici et maintenant. La parabole des invités au repas vient directement en réponse à cette béatitude. Elle n’a pas d’autre point d’ancrage que ce cri de joie projeté au-delà des limites humaines. Cette insertion immédiate rend attentif aux déplacements que la parabole opère. Le premier concerne le Royaume de Dieu dont la parabole ne fera aucune mention. Elle situe son récit depuis un seul lieu, la maison du seigneur (14,23), et en un seul temps, « maintenant » (14,17). Autrement dit, la parabole réinvestit le cadre spatio-temporel de son contexte d’émergence : Jésus se trouve maintenant dans une maison pour manger du pain (14,1). La béatitude a conjugué au futur ce que la parabole s’apprête à rendre présent. Le travail d’implication se poursuit. Les invités, et le lecteur, sont à nouveau conduits en situation de partager l’intimité d’un repas avec Jésus.

12Un autre déplacement survient. Depuis le début de la scène de repas chez le Pharisien, il n’a pas été distribué d’autre pain à manger que la parole de Jésus. Mais l’on sait que les figures du pain et de la parole sont indissociablement liées, depuis le récit des tentations au désert (4,3-4) jusqu’aux pèlerins faisant route vers Emmaüs (24,30-31). « Heureux ceux qui ont faim maintenant parce que vous serez rassasiés » (6,21). La parabole s’offre maintenant en nourriture pour qui a faim du Royaume de Dieu. Elle vient répondre à ce cri de joie projeté au-delà, en le ramenant en un temps et un lieu présents, en racontant comment cette joie de la communion avec Dieu est offerte.

13Enfin, la béatitude donne la mesure de la parabole. À son écoute, il en va de la joie d’un repas à l’initiative et en présence de Dieu. En misant à nouveau sur l’attraction du langage imagé, Jésus entraîne cet heureux invité dans une histoire visant à expérimenter maintenant comment vivre la joie de ce repas. La parabole place son auditeur au bénéfice d’une béatitude présente. Un dernier déplacement s’impose pour goûter de cette joie. La parabole opère en effet un changement de perspective, il ne s’agit plus d’envisager la communion du point de vue des hommes mais du point de vue de son initiateur. La parabole raconte l’accueil à la communion divine depuis la maison du seigneur. Après le dévoilement de l’agir des hommes, voici celui du maître de maison.

Fins de non-recevoir

14La version lucanienne de la parabole met en scène une histoire en deux actes : le premier raconte les conséquences d’une invitation adressée à un groupe déterminé (14,16-20), le second raconte celles d’une invitation adressée plus largement (14,21-23). L’acte I s’intéresse davantage aux réponses argumentées des invités au repas qu’à l’invitation elle-même. Il ne consacre qu’un seul verset à ce qui constitue l’appel initial et fondateur de la communion annoncée, contre trois versets consacrés aux fins de non-recevoir. L’agir des hommes apparaît dans toute sa complexité au regard du maître.

L’impératif premier : Venez !

15La parabole débute à nu. Le nom même du paraboliste s’efface pour gagner en efficacité. Sans préalable, l’heureux invité se voit donc investi dans une histoire qui débute sous le signe de l’abondance : le dîner est « grand » et l’invitation est pour « beaucoup » (14,16). Aucune précision sur le personnage mis en scène, il s’agit d’un humain. L’action en cours est la préparation d’un repas (il « faisait un repas », verbe conjugué à l’imparfait [20]) dont on ignore l’occasion. Le processus est soudainement interrompu par un appel rapporté à l’aoriste, c’est-à-dire comme un événement « vu de l’extérieur, sans considération pour sa composition interne [21] ». Seul compte l’appel. Peu importe pour le moment qui l’initie, à qui il s’adresse et quelle est sa visée. Seule compte l’invitation a-oriste (a-oristos), ni présente ni passée, qui simplement s’accomplit sans considération de ses conséquences [22]. Contrairement à Matthieu, Luc n’investit pas outre mesure la figure de l’hôte, il résiste à en faire un roi qui organise un festin de noces pour son fils (Mt 22,2). Il travaille le matériau parabolique en visant la sobriété : ne doit s’afficher que le désir de cet homme pour un grand nombre.

16L’élan originel déploie ses premiers effets qui se racontent en termes d’envoi et de serviteur (14,17). Les éléments abruptement posés se précisent : l’homme possède un serviteur, il est donc maître – l’heure du dîner a sonné, le processus est donc sur le point d’arriver à son terme. Comme le veut l’usage, les invités sont supposés sur le qui-vive, en attente du signal. L’invitation vaut dans l’instant où résonne l’appel, premier impératif du récit, « Venez ! ». Sans objet ni but, l’appel ne consiste qu’à venir. La mise en mouvement est attendue « car dès maintenant c’est prêt ! » [23]. Luc n’emploie l’adjectif « prêt » qu’à deux autres reprises dans son Évangile : être prêt à l’heure de la venue du Fils de l’homme (12,40) et être prêt à suivre le Seigneur (22,33). Autrement dit, il s’agit de se tenir prêt à une rencontre avec Jésus. La parabole raconte ici un Dieu à l’initiative d’une communion silencieusement préparée, un Dieu qui pénètre dans le monde, parle son langage et s’y engage. Dieu veut communiquer son plaisir aux hommes, sa joie en dépend. Le futur de la béatitude est donc balayé, il s’agit « maintenant » de laisser le cours de son existence le temps d’un repas, de suspendre son faire pour jouir d’un dîner dans la maison du maître, avec d’autres. Aucune autre finalité n’émerge du texte. Rien d’autre que la promesse d’un rassasiement dans la joie d’un vivre ensemble. Ce désir révélé, vient le temps de sa réception. Si l’appel est adressé à un groupe, le refus est unanime et singularisé (apò miâs pántes 14,18 [24]). Le maître réclame une acceptation de tous et chacun doit se prononcer en responsabilité propre, maintenant.

Le retournement sur soi

17À l’appel du maître, la réalité humaine se fait jour. Trois désistements sont successivement rapportés et dépeignent ensemble l’illusion dans laquelle les hommes sont pris. La première excuse se présente littéralement sous les traits de la nécessité : « J’ai nécessité (anágkên) de partir le voir » (14,18) [25]. L’invité décline l’offre en invoquant une nécessité qui le conduit ailleurs. Son argument vaut aux yeux du monde mais le point d’ancrage de la parabole donne la mesure de l’égarement dans lequel cet homme se trouve : cet invité rejette ni plus ni moins l’invitation à une communion divine [26]. L’homme ne reçoit pas son invitation comme chose nécessaire à son existence. Dieu lui apparaît non nécessaire. Ce qu’il prend pour nécessité est de partir (exerkhomai) pour voir (ideîn). Sa nécessité fait loi : ce qu’il voit occupe en l’instant le tout de son existence. L’image – l’idole – l’éloigne du maître. Le bien acquis l’emporte sur la promesse, le voir sur la communion. La formule d’excuse consiste en un impératif et un participe à la voix passive (« tiens-moi pour décliné ») – le sujet parlant n’est pas sujet du verbe, ce qu’il a le possède tout entier. Il reste objet, à distance.

18Le deuxième désistement prolonge l’illusion signalée par le précédent invité tout en précisant l’aveuglement dans lequel l’homme se trouve. Pour celui-ci, la chose nécessaire est d’aller (pareúomai) pour éprouver (dokimázô[27]) le bien acquis. La précision ne manque pas d’humour : au moment où cet homme pense exercer son jugement, il est lui-même éprouvé ! Plus que la logique marchande, c’est bien celle de l’illusion d’une compétence qui est ici rapportée. Là où la version de l’Évangile de Thomas dénonce l’emprise de l’argent sur le monde [28], Luc raconte l’enfermement dans lequel les hommes sont tenus (déjà le contexte d’insertion). Calvin pointe ici « les sollicitudes du monde [qui] nous tienent enveloppez [29] ». L’homme est en effet comme empêché de voir la réalité et vit dans l’illusion de son propre discernement. La parabole met au jour ce jeu de dupe qui rend impossible la communion tant désirée par le maître.

19Le dernier désistement confirme que la parabole ne se situe pas dans un registre moral. Il y est question de mariage, de structure sociale et familiale, un registre moralement valorisé. Cette fois l’explication ne se présente pas sous les traits de la nécessité mais de la capacité. L’invité ne peut pas venir (ou dúnamai en 14,20). Cette impuissance n’est pas due à un manque mais à un plus : cet homme a pris femme, voilà sa joie. Sa réponse à l’invitation atteste en retour qu’il raisonne en termes de pouvoir et de non-pouvoir – cet homme se comprend lui-même comme maître de ses actes et argumente selon cette logique auprès du serviteur.

20Alors que les hommes ont ici l’occasion de rencontrer Dieu, qui se tenait jusque-là caché à leurs yeux, ils lui opposent ce qu’ils tiennent pour être leur nécessité, leur compétence et leur pouvoir. Devant le serviteur qui leur révèle le désir de Dieu pour eux, ils restent impassibles et entièrement tournés vers leur propre existence. Aucune ouverture à Dieu. Aucune rencontre possible. L’homme est raconté comme celui qui retourne constamment à ce qu’il imagine posséder, vouloir et aimer. Les trois invités partent ailleurs, loin de Dieu, refusant de laisser ce qu’ils considèrent leur et où Dieu est une chose non nécessaire. Chacun entend être homme, sans Dieu.

21

L’homme ne peut pas vouloir naturellement que Dieu soit Dieu ; bien au contraire, il veut être lui-même Dieu et que Dieu ne soit pas Dieu [30].

22Rien ne semble plus pouvoir rattraper ces hommes dans leur fuite, ni les atteindre dans cet enfermement illusoire. La percée ne peut venir que de l’extérieur, depuis le lieu originel où l’appel premier a retenti. La parabole renvoie à nouveau à l’initiative et à la promesse de Dieu : « Venez ! » Au cours de ce repas pris dans la maison du Pharisien, Jésus n’a eu de cesse de faire voir par les images grossissantes de plusieurs paraboles comment les hommes sont rendus esclaves de leurs propres actes alors qu’ils s’en pensent les maîtres. Se reconnaître soi-même pris dans cet enfermement, soi-même malade, voilà l’enjeu. La parabole des invités au festin modifie la perspective jusque-là empruntée en montrant avec quelle violence les hommes sont asservis, avec quelle violence ils rejettent ce qui leur est pourtant nécessaire. Mais Dieu n’en reste pas à cette mise à distance, il continue de parler et insiste pour communiquer son plaisir aux hommes. Il désire la relation quand l’homme ne cherche qu’à se satisfaire.

La reconnaissance de la chose nécessaire

23Le verset 21 opère le tournant indispensable à la transformation de l’entreprise du serviteur jusque-là tenue en échec. Le renversement est annoncé par l’adverbe tóte et aussitôt confirmé par la colère de celui désormais nommé ouvertement « seigneur » et « maître ». Luc n’a pas caché la nature divine de la colère qu’il raconte (3,7 ; 21,23). Cette colère éclate et fait signal : Dieu ne renoncera pas à la joie d’une communion avec les hommes. S’il ne peut plus communiquer son plaisir aux hommes, il doit trouver d’autres voies pour les atteindre et qu’enfin, la joie de la communion succède à la colère.

Le renversement

24Contrairement à Matthieu, Luc n’exploite pas la colère du maître de maison au point de faire tuer les premiers invités et de fournir au passage une lecture théologique de la ruine de Jérusalem pendant la révolte juive de 70 (voir Mt 22,7). Plus sobrement, il travaille cette colère comme un indicateur du changement de stratégie opéré par le maître [31]. Le verbe « se mettre en colère » (orgízô) réapparaîtra bientôt, une dernière fois, pour raconter la colère du fils aîné voyant la fête organisée en l’honneur de son frère retrouvé (15,28). Sa colère signe son humaine incapacité à s’ouvrir à la joie du père. Elle fait obstacle et laisse le fils aîné dans l’impasse. Ici, la colère divine ouvre à la vie et engendre un deuxième impératif : « Sors ! » (14,21). Ce nouvel ordre fait écho à l’ancien qui consistait à venir (« Venez ! » en 14,17). Il renverse la logique : il ne s’agit plus du mouvement des hommes vers le maître mais du mouvement du maître vers les hommes.

25Le renversement se poursuit. Le temps est désormais compté, il faut faire vite (takhéôs). Le serviteur doit d’abord entendre l’urgence de la situation : le repas est prêt et le seigneur désire ardemment le partager. L’urgence n’est pas de s’occuper des invités qui se sont désistés mais de solliciter à nouveau les hommes et que le dîner les rassasie ! Il n’y a pas de joie divine sans communion avec les hommes. Après l’indication de temps, vient celle du lieu. Le serviteur n’a plus à cibler des personnes mais à se rendre « vers les places et les rues de la ville » (14,21), là même où l’œuvre double de Luc situe la proclamation de la parole (4,43 ; 13,26 ; Ac 9,11 et 12,10). La mission du serviteur consiste à faire circuler la parole du maître. « Les mendiants et les infirmes et les aveugles et les boiteux » recevront aussitôt cette parole puisqu’ils se laissent conduire (eiságô) jusqu’au maître et que déjà, c’est chose faite (gégonen ò epétaxas 14,22). La réponse du serviteur indique une stricte équivalence entre le temps de l’appel et le temps de la réponse. Les nouveaux invités, marqués jusque dans leur chair par un manque, reconnaissent aussitôt la parole proclamée comme une nécessité. Elle est ce qui est nécessaire à leur existence fragile. Contrairement aux premiers invités, ce n’est pas ce qu’ils ont qui les conduit au maître mais ce qu’ils n’ont pas. Le manque ouvre à la vie. Leur existence blessée entend et reçoit la parole qui guérit, elle se laisse conduire par le serviteur. Contrairement aux premiers invités, ce n’est pas ce qu’ils font qui les conduit au maître mais ce qu’ils sont. Manger à la table du maître impose un renversement qui consiste à passer d’une indépendance illusoire à une dépendance reconnue.

26Ne connaît alors la communion avec le seigneur que celui ou celle qui se reconnaît parmi « les mendiants et les infirmes et les aveugles et les boiteux », précisément ceux dont Jésus a raconté l’exclusion par le système en place (14,13). La parabole, immergée dans les circonstances de la vie de Jésus, n’a pas d’autre visée que de faire voir la réalité humaine et d’en montrer la violence, d’ouvrir la voie qui mène au maître. Elle n’opère pas ce renversement par sa force de conviction mais par celui qui en est à la fois le sujet et l’auteur : Jésus. La parabole ne délivre pas ici un discours moral visant à convaincre de la nécessité de répondre à l’appel de Dieu, la parole qu’elle énonce est indissociable de la parole qu’est Jésus.

27

Jésus fait partie de la parabole, non comme un personnage de cette parabole, mais comme étant celui qui crée la situation décrite par la parabole [32].

28Il est celui qui est envoyé pour proclamer la parole de son maître aux mendiants, guérir les infirmes, rendre la vue aux aveugles et redresser les boiteux (4,18-19 ; 7,22). Il incarne ce dont la parabole fait récit un jour de sabbat dans la maison d’un chef pharisien. Il est celui qui guérit l’hydropique, dévoile la réalité des invités, accueille à la table et rassasie de sa parole. La parabole ne renvoie qu’à Jésus, le désignant en retour comme le serviteur confronté à la violence des hommes.

L’élargissement

29Puisque d’autres ont répondu à l’invitation du maître, la paraboliste pouvait ici conclure. Mais il reste encore (éti) de l’espace (14,22). La précision atténue l’urgence du récit qui décélère pour universaliser la perspective. La dernière parole est attribuée à celui que le paraboliste ne nomme plus que « seigneur » (14,23). Toute ambiguïté est levée, c’est bien le Seigneur qui parle et non pas « un homme » (14,16) ou « le maître de maison » (14,21). Il reprend l’impératif précédent – « sors ! » (14,21.23) – et le prolonge en clarifiant l’offre. Trois éléments nouveaux apparaissent alors au verset 23. Premier élément clarificateur : la proclamation de la parole doit s’étendre aux chemins et lieux clos, c’est-à-dire sur les lieux d’errance et d’enfermement. Pris ensemble, les chemins et les lieux clos (fragmós[33]) désignent la totalité de l’espace. L’appel circule donc partout, sans aucune distinction. L’adverbe « ici » (ôde 14,21) pointe le seul repère spatial restant : le lieu de la communion au maître. Deuxième élément clarificateur : le serviteur doit proclamer l’invitation du maître comme une nécessité. L’égarement des premiers invités consistait en effet à prendre pour nécessaire ce qui ne l’était pas : « J’ai nécessité (anágkên) de partir » (14,18). Au contraire, la nécessité est d’entrer : « Affirme comme nécessaire (anágkason) d’entrer » (14,23). Le mot « nécessité » (anágkê) est repris sous forme verbale par le seigneur et réinvesti [34] : il est le Dieu nécessaire aux hommes – quels que soient leurs errances et leurs enfermements. Entrer « ici » – lieu de la présence divine – est la chose nécessaire et suffisante à leur guérison. Il ne s’agit pas d’acquérir une place (14,8-11) mais de participer à une dynamique. Dernier élément clarificateur : le seigneur se réjouit de voir sa maison remplie, « en sorte (ína) que ma maison soit remplie ! ». La conjonction ína ne précise pas ici le but, elle exprime une conséquence (non recherchée) de l’action principale [35]. Remplir la maison n’est pas un objectif. Quel sens aurait-il [36] ? Aurait-on affaire à un Dieu qui cherche à combler son espace pour jouir de ce qu’il possède ? La parabole résiste à cette interprétation en affirmant qu’aucun de ces premiers invités ne connaîtra la communion à la table du maître (14,24). Si le but du maître avait été de « remplir », quelle occasion manquée de ne pas les punir de leur désinvolture en les obligeant par la force à entrer dans sa maison ! La visée est ailleurs et consiste à faire voir la nécessité d’entrer, à susciter le mouvement de guérison. Seul de cet élan peut naître la joie du seigneur (2,10).

30Le dernier impératif confié au serviteur ne parle ni de contrainte ni de force mais de nécessité. Il ne s’agit pas d’expurger le texte de toute violence mais de discerner où le texte la situe. La parabole se présente précisément comme une réponse à la violence de la réalité humaine que son contexte d’insertion a longuement dénoncée. Et la réponse projetée en images par la parabole ne consiste pas en un déferlement de colère divine mais en l’insistance de Dieu pour que partout résonne son invitation à entrer – invitation nécessaire au rassasiement de celui ou de celle qui reconnaît son existence marquée au fer rouge par le manque.

De la violence herméneutique

31La parabole s’éteint au verset 23 sur un cri de joie. Jésus reprend ouvertement la parole et déclare solennellement : « Je vous dis en effet qu’aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner » (14,24). Après l’« homme » (14,16), « le maître de maison » (14,21), « le seigneur » (14,23), puis « Jésus » (14,24) : le narrateur trace une ligne continue entre les personnages et fait apparaître au grand jour la coïncidence exacte entre l’appel de la parabole et l’événement Jésus (« mon dîner »). Il ramasse le propos (gàr), confirme que l’objectif n’est pas de remplir la maison (« aucun de ces hommes » ne participera), il s’agit de goûter (geuómai), c’est-à-dire d’expérimenter ce que Jésus offre en nourriture, sa parole. La formule fait prophétie en annonçant que celui ou celle qui ne se reconnaîtra pas parmi « les mendiants et les infirmes et les aveugles et les boiteux » – marqué par le manque – ne peut recevoir la parole nécessaire à la guérison. La parabole place chacun devant sa propre incapacité à reconnaître Dieu comme le Dieu nécessaire à son existence. L’illusion d’une vie autonome empêche d’entendre l’appel du maître. Dans le prolongement immédiat de la parabole, cette impossibilité continue à se dire. Jésus la radicalise encore et l’annonce aux foules qui le suivent : « Ainsi donc, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (14,33). La reconnaissance de l’appel comme la chose nécessaire en passe par l’affirmation de l’impossibilité humaine à lâcher le tout de son existence (14,26-27). L’accueil à la communion divine présuppose l’abandon de ses propres illusions de bonheur. Celui qui n’expérimente pas cette rupture ne peut goûter la joie d’une communion divine. La radicalité de cette affirmation finale est aussitôt articulée à une série de trois paraboles qui racontent comment ce qui est perdu est instamment recherché par le maître. Les histoires de brebis, de pièce d’argent et de fils cadet racontent l’insistance avec laquelle Dieu continue d’adresser son appel aux hommes, jusque dans leurs lieux d’errance (le fils cadet) et d’enfermement (le fils aîné). Et quelle est leur joie au temps de la communion finale (khará 15,5.7.10.32) ! L’impossibilité humaine se heurte au désir divin de se réjouir ensemble. Aucun de ces invités ne goûtera et pourtant, Dieu continuera d’appeler.

« Une obligation de jouir est une évidente absurdité [37] »

32Jusqu’au dernier verset, le dîner reste une perspective. Il est donc encore temps de recevoir l’invitation à y prendre part et de vivre la communion promise [38]. Le texte a la joie pour seul horizon, son appel consiste à la partager. Comment pourrait-il légitimer l’usage de la violence ? Peut-on seulement contraindre à la joie ? Les philosophes ont depuis longtemps répondu à la question et ruiné la lecture augustinienne de la parabole des invités au repas. Il ne faudrait cependant pas oublier de faire droit au texte qui résiste, lui le premier, à la lecture déformante de l’évêque d’Hippone. Dans son argumentation contre Bossuet, Bayle voit juste en rappelant :

33

Il ne se trouve qu’un petit verset faisant partie d’une parabole, dans lequel on voit ce mot de contrainte, mot qui en cent autres occasions signifie les empressements de civilité et d’honnêteté qu’on témoigne à une personne, pour l’obliger par exemple à rester à dîner [39].

34Il pressent avec raison comment Bossuet, à la suite de saint Augustin, contraint le texte à servir sa propre nature au point de tordre le sens des mots et de déformer la portée du récit. Le texte de Luc, le texte biblique en général, est régulièrement réduit en esclavage pour satisfaire à des idéaux aussi illusoires que mortifères. Il est passé au crible d’une exégèse qui a renoncé à l’exigence de vérité.

35

Cela signifie que l’interprétation des textes n’est pas entreprise pour servir une cause, pour défendre des intérêts, pour conforter des dogmes ou des institutions. L’interprétation des textes est entreprise afin que le sens des textes soit mis en évidence quoi qu’il en coûte. Toutes les lectures ne sont pas possibles et légitimes [40].

36Insistons à nouveau, le texte de Luc ne laisse place à aucune ambiguïté : il ne légitime pas la violence mais la dénonce en la racontant sans cesse à l’œuvre parmi les hommes. Du dehors de cette réalité, retentit un appel à entrer goûter la joie qui panse les plaies d’un tel acharnement. En faisant violence au texte, la lecture augustinienne témoigne en retour de la violence propre aux relations humaines. La violence herméneutique procède de la violence – toute humaine – à vouloir maîtriser l’autre et le soumettre à ses projections. Elle consiste à imposer au texte, comme aux autres, ce qui traverse son existence et déborde de soi. La parabole lucanienne a ainsi été livrée à la violence des hommes empêchés de s’y reconnaître et d’entendre pour eux l’invitation à la communion joyeuse, au point que l’invitation du maître ne semble plus aujourd’hui communicable. Or, dans ces lieux d’errance et d’enfermement herméneutiques, quelqu’un insiste et appelle. Ainsi la parabole de Luc affiche le cœur de l’Évangile tant la nécessité de Dieu interroge la nécessité des hommes. Jésus porte cette interrogation devant les hommes jusqu’à la croix, qui rompt définitivement avec la logique de la violence.


Date de mise en ligne : 28/06/2019

https://doi.org/10.3917/etr.941.0109

Notes

  • [1]
    Le terme grec polémos est utilisé dans le discours eschatologique en Mc 13,7 et ses parallèles (Mt 24,6 ; Lc 21,9). Luc le reprend dans une courte parabole visant à réfléchir, non pas sur la guerre, mais sur la suivance du Christ (14,31). Jean méconnait le mot. L’auteur de l’Apocalypse se distingue en le sélectionnant à neuf reprises, mais il le traite en un langage symbolique bien spécifique qui ne permet pas la comparaison.
  • [2]
    Nous renvoyons à la traduction présentée et annotée dans François Bovon, Pierre Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, 2 vol., Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1997, t. I, p. 46.
  • [3]
    Pour un état de la recherche sur ce point : John Paul Meier, Un certain juif Jésus. Les données de l’histoire. V. Enquête sur l’authenticité des paraboles, Paris, Cerf, coll. « Lectio Divina », 2018, p. 191-219.
  • [4]
    Pour une comparaison synoptique des trois versions : Joachim Jeremias, Les paraboles de Jésus, Le Puy, Éditions Xavier Mappus, 1962, p. 74-76. Nous partageons la conclusion de l’auteur selon laquelle les divergences entre ces versions sont étroitement liées à l’interprétation allégorique propre aux évangélistes. Voir aussi Wim J. C. Weren, « From Q to Matthew 22,1-14. New Light on the Transmission and Meaning of the Parable of the Guests », in Andreas Lindemann (dir.), Sayings Source Q and the Historical Jesus, Louvain, Leuven University/Peeters, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 158 », 2001, p. 661-679.
  • [5]
    Nouvelle Bible Segond (2002). Semblablement, la Traduction Œcuménique de la Bible (1996) propose : « Va-t’en par les routes et les jardins, et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie. » Sauf précision contraire, les traductions du texte biblique seront désormais nôtres.
  • [6]
    Pour l’histoire de la réception, voir François Bovon, L’évangile selon saint Luc. 9,51 – 14,35, Genève, Labor et Fides, coll. « Commentaire du Nouveau Testament Deuxième série. IIIb », 1996, p. 456-462.
  • [7]
    Saint Augustin, Contra Gaudentium, Livre I, XXV, 28 in Œuvres de Saint Augustin. Quatrième série : Traités anti-donatistes, Bruges, Descle e de Brouwer, 1965, coll. « Bibliothèque augustinienne 32 », vol. V, p. 571.
  • [8]
    Le rapport que saint Augustin entretint avec la doctrine de la guerre juste nécessiterait quelques nuances. En ce sens, voir le précieux article de Frank Bourgeois, « La théorie de la guerre juste : un héritage chrétien ? », Études théologiques et religieuses 81/4 (2006), p. 449-474 (en particulier p. 455-462).
  • [9]
    Jean Calvin, Commentaires de Jehan Calvin sur le Nouveau Testament : le tout reveu diligemment et comme traduit de nouveau, tant le texte que la glose, Paris, Ch. Meyrueis, 1854-1855, vol. I, p. 368.
  • [10]
    Le propos concernant l’ouvrage de Bayle s’appuie sur la lecture qu’en fait Olivier Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », Études théologiques et religieuses 61/1 (1986), p. 35-49. Je remercie Olivier Abel pour nos échanges autour de cette parabole.
  • [11]
    O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36.
  • [12]
    À l’exemple d’Alexandre Vinet, La liberté des cultes, Paris, Chez les Éditeurs, 1852, p. 298 n. xviii.
  • [13]
    En ce sens déjà, voir Denis Buzy, Introduction aux paraboles évangéliques, Paris, Lecoffre-Gabalda, 1912. Plus récemment : Jacques Dupont, « La parabole des invités au festin dans le ministère de Jésus », in Id., Études sur les évangiles synoptiques, Louvain, University Press/Peeters, 1985, t. II, p. 667-705.
  • [14]
    « C’est la contrainte de l’amour, la douce violence de celui qui convainc l’hôte hésitant et le décide à entrer » : F. Bovon, L’évangile selon saint Luc, op. cit., p. 454.
  • [15]
    O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36.
  • [16]
    Vincent Jouve, L’effet-personnage dans le roman, Paris, PUF, 20082, p. 15.
  • [17]
    Daniel Marguerat, « Repas et éthique communautaire dans les Actes des apôtres », in Jochen Flebbe, Matthias Konradt (éd.), Ethos und Theologie im Neuen Testament. Festschrift für M. Wolter, Neukirchen, Neukirchener Theologie, 2016, p. 131-156.
  • [18]
    Je remercie Christophe Singer pour son éclairage sur le contexte d’insertion de la parabole et renvoie ici à son ouvrage : Justes, justice, justification. Harmoniques pauliniennes dans l’évangile de Luc, Berlin/New York, Walter de Gruyter, coll. « Beihefte zur Zeitschrift für die Neutestamentliche Wissenschaft 220 », 2016.
  • [19]
    Paul Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Paris, Seuil, coll. « Points Essais 377 », 1998, p. 130.
  • [20]
    « À bien des égards on pourrait considérer que l’aoriste propose une photo de l’action tandis que l’imparfait (comme le présent) en présenterait plutôt un film détaillant son déroulement. Ainsi l’imparfait s’intéresse à l’action en cours et revêt souvent un caractère inaccompli. » Daniel Wallace, Grammaire grecque. Manuel de syntaxe pour l’exégèse du Nouveau Testament, Charols, Excelsis, 2015, p. 605.
  • [21]
    Buist M. Fanning, Verbal Aspect in New Testament Greek, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 97.
  • [22]
    « Aoriste signifie précisément : “sans limite”, sans commencement ni fin. L’action est ponctuelle et ne peut se répéter, en dehors de toute considération de temps, le locuteur ne se pose d’ailleurs aucune question à son sujet ». Andrea Marcolongo, La langue géniale. 9 bonnes raisons d’aimer le grec, Paris, Les Belles Lettres, 2018, p. 31.
  • [23]
    Dans un souci d’harmonisation avec la version matthéenne, de nombreux témoins ajoutent que « tout est prêt » (Mt 22,4). L’assimilation au premier Évangile souligne indirectement la sobriété de la version lucanienne.
  • [24]
    L’expression elliptique laisse place à l’interprétation. Certains insèrent la voix – « tous d’une seule voix » (Bovon) –, d’autres l’heure – « tous en même temps » (Jülicher) – selon qu’ils insistent sur l’unanimité ou la simultanéité. Nous retenons surtout l’oxymore que permet l’ellipse en associant l’un et le tout.
  • [25]
    « Dès la langue homérique anágkê peut signifier “nécessité”, cf. Il. 24,667 » : Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1977, p. 82.
  • [26]
    « Dieu nous invite à son repas, et nous nous excusons ! » : Grégoire le Grand, Homélies sur l’évangile, Livre II, XXXVI, 3, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 522 », 2008, p. 401.
  • [27]
    Luc ne sélectionne qu’une autre fois ce verbe alors qu’il est bien question de discernement (voir 12,56). Les autres évangélistes n’emploient pas le mot que l’on ne peut donc appréhender qu’à travers son usage lucanien.
  • [28]
    Cette version ramasse son propos en concluant par une morale : « Les acheteurs et les marchands n’entreront pas dans les lieux de mon Père. » F. Bovon, P. Geoltrain (dir.), Écrits apocryphes chrétiens, op. cit., p. 46.
  • [29]
    J. Calvin, Commentaires de Jehan Calvin sur le Nouveau Testament, op. cit., p. 366.
  • [30]
    Martin Luther, Controverse sur la théologie scolastique, art. XVII, in Id., Œuvres, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1999, t. I, p. 126.
  • [31]
    Contre J. Dupont, Études sur les évangiles synoptiques, op. cit., p. 693 : « La parabole est placée tout entière sous le signe de cette colère : la première partie en expose le motif, la seconde en déclare la conséquence. Le récit veut illustrer un jugement et une condamnation. » La colère ne fait pas signal rétrospectivement d’une offense faite à Dieu, elle pointe l’illusion mortifère dans laquelle vivent ses invités.
  • [32]
    Robert W. Funk, Language, Hermeneutic, and Word of God : The Problem of Language in the New Testament and Contemporary Theology, New York, Harper & Row, 1966, p. 196.
  • [33]
    Le mot n’apparaît qu’ici dans l’œuvre lucanienne. Marc et Matthieu ne le retiennent que pour décrire la clôture de la vigne dans la parabole des vignerons assassins (21,33). Le terme évoque l’enfermement et la séparation. Voir aussi Eph 2,14 où le mot est synonyme de division.
  • [34]
    Le verbe anagkázô n’est employé qu’ici dans cet Évangile, dans le prolongement du nom anágkê à partir duquel il est construit. Le verbe n’indique pas comment l’action est produite mais ce que l’action produit : elle fait voir une nécessité. En ce sens, voir H. G. Lidell, R. Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1996 (« to contend that a thing is necessarily ») ; A. Bailly, Dictionnaire grec – français, Paris, Hachette, 1950 (« affirmer comme une chose nécessaire, indiscutable »).
  • [35]
    Les propositions en ína peuvent exprimer le but recherché par l’action du verbe principal ou le résultat de l’action du verbe principal. Dans ce dernier cas, ína « indique une conséquence non recherchée de l’action » : D. Wallace, Grammaire grecque, op. cit., p. 529. C’est l’auteur qui souligne.
  • [36]
    Le verbe « remplir » (gemízô) n’est employé qu’ici par Luc qui lui préfère systématiquement plêróô (« remplir, accomplir ») pour évoquer le dessein de Dieu. Luc utilise gemízô davantage à la manière de Jean qui l’emploie à deux occasions : pour raconter les jarres remplies aux noces de Cana (Jn 2,7) et les paniers remplis de morceaux de pain (Jn 6,23). Les deux images johanniques évoquent alors la joie d’une plénitude en présence du Fils.
  • [37]
    Emmanuel Kant, Critique de la Faculté de juger, Paris, Flammarion, coll. « Garnier Flammarion/Philosophie », 2000, n. 1 du §4.
  • [38]
    Luc est le seul évangéliste à employer le mot « communion » (koinônia) qui apparaît dans son récit des Actes des apôtres (Ac 2,42) et désigne l’appartenance commune au Christ. En ce sens, la parabole des invités au dîner participe d’une chaîne narrative préparant à la communion matérielle et spirituelle expérimentée en Église telle que l’œuvre double de Luc la conçoit.
  • [39]
    Cité par O. Abel, « De l’obligation de croire. Les objections de Bayle au commentaire augustinien du “Contrains-les d’entrer” (Luc 14/16-23) », art. cit., p. 36, n. 7.
  • [40]
    Jean Zumstein, « Croire et comprendre », Études théologiques et religieuses 66 (1991), p. 340.

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