Notes
-
[1]
Bernard Gosse, « L’insertion de 2 Sam 22 dans les livres de Samuel, et l’influence en retour sur les titres du Psautier », Journal of Ancient Near Eastern Studies 27 (2000), p. 31-47.
-
[2]
Le sens de l’expression mktm ldwd est difficile à déterminer avec certitude. Le seul autre emploi biblique se rencontre dans le titre de Ps 16,1 que nous prenons en compte dans notre étude. Voir les différentes propositions de significations dans le dictionnaire de David J.A. Clines (éd.), The Dictionnary of Classical Hebrew, 8 vol., Sheffield, Sheffield Academic Press, 2001, vol. 5, p. 276 : s’agit-il d’une sorte de Psaume, d’une prière secrète, d’une inscription ou bien encore d’un chant ? Quoi qu’il en soit, le contexte paraît tragique. On propose souvent le rapprochement avec És 38,9 (mktb lḥzqyhw) en corrigeant mktb en mktm, du fait du même caractère tragique. Ce peut être vraisemblable, mais il n’y a aucune certitude.
-
[3]
Le terme m‘rh apparaît dans le Psautier uniquement dans les titres de Ps 57,1 et 142,1, en référence au David des livres de Samuel.
-
[4]
Marvin E. Tate, Psalms 51-100, Dallas, Word Books Publisher, 1990, p. 77 : « L’interprétation du psaume a toutefois été démocratisée » (« The psalm has been democratized in interpretation, however »). Le David des Psaumes est devenu l’archétype de l’orant.
-
[5]
Frank-Lothar Hossfeld, Erich Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, trad. Linda M. Moloney, Minneapolis, Fortress Presss, 2005, p. 75 : « Également, il apparaît que le Ps 57 a été situé délibérément après le Ps 56, car le Ps 57 représente une intensification du Ps 56, comme cela apparaît dès le début. Il y a peu de liens sémantiques entre le Ps 57 et le Ps 58 qui suit, cela permet de supposer que le Ps 58 a été inséré ultérieurement dans la séquence Ps 56, 57, 59, qui a été construite pour conduire à un apogée (« At the same time, Psalm 57 appears to have been deliberately placed after Psalm 56, because Psalm 57 represents an intensification of Psalm 56, visible at the very beginning. There are scarcely any semantic links between Psalm 57 and the following Psalm 58, which supports the thesis that Psalm 58 was inserted later into the sequence of Psalms 56, 57, 59, which had been constructed to build to a climax »). Toutes les traductions sont nôtres.
-
[6]
Le seul autre usage du verbe brḥ dans le Psautier se trouve en Ps 139,7. Voir par contre 2 S 15,14 et la fuite de David devant Absalom, 2 S 15-19. L’usage du titre du Ps 57 doit être dépendant des livres de Samuel.
-
[7]
E. Tate, Psalms 51-100, op. cit., p. 77 : « La métaphore suggère certainement la protection de l’oiseau pour ses petits […] une référence plus directe aux ailes du chérubin étroitement associé avec le temple de Jérusalem » (« The metaphor certainly suggests the protective care of a bird for its young […] a more direct reference to the symbolism of the cherub wings so strongly associated with the temple in Jerusalem »).
-
[8]
Hans-Johachim Kraus, Psalms 1-59, trad. Hilton C. Oswald, Minneapolis, Augsburg Publishing House, 1988, p. 531 : « Avec eux il doit expérimenter la protection du sanctuaire (cf. Ps. 17,3). Comme des lions rapaces les adversaires (cf. Ps 10,9 ; et fréquemment) » (« Together with them he has to endure the incubation of the sanctuary [cf. Ps. 17 :3]. Like rapacious lions the adversaries [cf. Ps 10 :9 ; and often] »).
-
[9]
F.-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, op. cit., p. 73 (Ps 57,3) : « Avec le Dieu créateur, qui depuis le Temple de Jérusalem combat le chaos (cf. Gen 14,19-20) » (« With the creator God who, from the Jerusalem Temple, combats the chaos [cf. Gen 14 :19-20] »).
-
[10]
Ibid., p. 74 : « Comme dans les Psaumes voisins 56 et 58-59, la référence aux dents et langues des ennemis, donne un écho animal à la conduite des ennemis qui pratiquent une guerre verbale contre leur victime » (« As in the neighboring Psalms 56 and 58-59, the reference to the teeth and tongues of the enemies / animals echoes the idea that the enemies are conducting what is mainly a verbal war against their victim [cf. Ps 56 :6 ; 58 :7 ; 59 :8, 13] »).
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[11]
Bernard Gosse, « Le Ps 19 prolongement du Ps 18 : Baal, El, Yahvé, le triple parallélisme synonymique, l’influence du livre des Proverbes et la Loi et David », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 139 (2017), p. 568-582.
-
[12]
Artur Weiser, The Psalms, Londres, SCM Press Ltd, 19867, p. 427 : « Le verset 6 constitue le lien entre la lamentation et l’action de grâce » (« Verse 6 forms the link between the lament and the thanksgiving »).
-
[13]
H.-J. Kraus, Psalms 1-59, op. cit., p. 531 : « kbwd s’enflamme par-dessus les cieux et la terre et les remplit (cf. Ps 8,1 ; 113,4 ; 148,13 ; És 6,3 ; Nb 14,21 ; És 40,5) » (« kbwd blazes over heaven and earth and fills them [cf. Pss. 8 :1 ; 113 :4 ; 148 :13 ; Isa. 6 :3 ; Num. 14 :21 ; Isa. 40 :5] »).
-
[14]
Ibid., p. 531.
-
[15]
Beat Weber, « “Fest ist mein Herz, O Got !” Zu Ps 57,8-9 », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 107 (1995), p. 294-295.
-
[16]
Seul usage du Psautier. Reprise en faveur de David du terme attribué à Moïse en Ex 15,11 ; Dt 31,19.19.21.22.30 ; 32,44. Moïse a servi de substitut au descendant de David, comme intercesseur, après la disparition de la royauté.
-
[17]
Jean-Luc Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, 2 vol., Paris, Cerf, 2006, vol. 1, p. 516 : « Le mot “gloire” assure l’unité du psaume. À la gloire divine (v. 6) s’unit la gloire du psalmiste (v. 9) vouée à l’exaltation de la gloire de Dieu (v. 12). »
-
[18]
H.-J. Kraus, Psalms 1-59, op. cit., p. 531. Après l’épreuve de la nuit (Ps 17,3 ; 57,4), le salut divin vient à l’aurore (Ps 130,5-6).
-
[19]
F.-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, op. cit., p. 75 : « Le Psaume 108 combine 57,8-12 et 60,7-14 » (« Psalm 108, which combined 57 :8-12 and 60 :7-14 »).
-
[20]
Frank-Lothar Hossfeld, Erich Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, trad. Linda M. Moloney, Minneapolis, Fortress Press, 2011, p. 118 : « Le David du Ps 108 est avant tout le David de mémoire historique qui en fait “au commencement” a conquis et soumis les nations mentionnées dans le Ps 108 » (« The David of Psalm 108 is first of all the David of historical memory, who in fact had “at the beginning” conquered and subdued the enemy nations named in Psalm 108 »).
-
[21]
Jean-Luc Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, 2 vol., Paris, Cerf, 2006, vol. 2, p. 1037-1038 : « C’est cette espérance de victoire sur Édom que chante le Ps 108. David n’avait-il pas jadis conquis le pays d’Édom (2 S 8,13-14) ? Le Ps 108, attribué à David, éveillait l’espoir d’une nouvelle conquête. »
-
[22]
F-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., p. 122 : « L’espérance qui clôt le Ps 108, que le roi davidique “fera avec Dieu des prouesses […]”, est reprise en Ps 110,3 : “Votre peuple [c’est-à-dire votre armée] est prêt au jour de tes prouesses […]” Le motif de l’aurore (Ps 108,3 ; 110,3) unit aussi les deux Psaumes, et les deux sont réunis par un même scénario : Ps 108,8 situe l’oracle divin dans un sanctuaire qui doit être le temple ; le roi davidique qui prend part au trône selon Ps 110,1 se réfère également au trône de Yahvé dans le temple » (« The hopeful perspective that closes Psalm 108, that the Davidic king will “with God do might […]”, is taken up in Ps 110 :3 : “Your people” [that is, your army] are ready on the day of your might […]”. The motif of the dawn [Ps 108 :3 ; 110 :3] also links the two Psalms, and both are joined by a common scenery : Ps 108 :8 situates the divine oracle in Yhwh’s sanctuary, which probably means the Temple ; the (Davidic) king’s sharing of the throne proclaimed in Ps 110 :1 also refers to Yhwh’s throne in the Temple »). Le terme ḥyl de Ps 108,14 ; 110,3, est également utilisé en Ps 18,33.40, dans le cadre de la réaffirmation messianique du premier livre du Psautier.
-
[23]
Pierre Auffret, Voyez de vos yeux. Étude structurelle de vingt psaumes dont le Psaume 119, Leyde/New-York/Cologne, E. J. Brill, 1993, p. 85. Voir l’inversion des mentions des termes « peuple » et « terre », et le « car » qui oppose l’amour divin au fait que la terre croule. Nancy deClaissé-Walford, Rolf H. Jacobson, Beth LaNeel Tanner, The Book of Psalms, Grand Rapids/Cambridge, William B. Eerdmans Publishing Company, 2014, p. 821, notent le nouvel usage des Psaumes 57 et 60 dans la perspective du retour de l’exil.
-
[24]
F.-L Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., voir p. 117-118 et 119 : « Du fait que l’aube et le coucher du soleil sont des événements cosmiques, ils annoncent jour après jour la gloire cosmique et le pouvoir du dieu-roi (cf. Ps 19,2-3) » (« To the extent that dawn and sunset are a worldwide, cosmic event, they announce day after day the worldwide glory and power of the god-king [cf. Ps 19 :2-3] »). Voir Bernard Gosse, « La réaffirmation messianique du Ps 18 dans la perspective du salut du marginal au retour de l’exil », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 130 (2018), p. 586-601.
-
[25]
F.-L Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., p. 118 : « Ainsi, le Psaume 108 montre David comme le musicien charismatique et l’homme de prière à qui Yahvé donne la libération devant les menaces ennemies » (« Accordingly, Psalm 108 shows David as the charismatic musician and man of prayer to whom Yhwh gives the saving oracle of liberation from enemy threats »).
-
[26]
J.-L. Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, op. cit., vol. 2, p. 1037-1038, renvoie à 2 S 8,13-14, avec la conquête d’Édom par David.
-
[27]
F.-L Hossfeld et E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit, p. 120-121, notent les parallèles quant à l’unité d’Israël et de Juda, et les visées sur les pays voisins en commençant par Édom. Voir également Am 9,11-12.
Les titres alarmistes du second psautier davidique et la réponse du titre du Ps 18
1Le second psautier davidique, Ps 51-72, réinterprète par des titres les textes des psaumes en fonction des épreuves rencontrées par David, selon le texte des livres de Samuel [1]. Cette opération s’effectue grâce à des correspondances verbales entre le texte des psaumes et certains passages des livres de Samuel. Le premier psautier davidique, Ps 3-41, comporte, pour sa part, une réaffirmation messianique notoire en Ps 18,51, qui concerne David et sa descendance (ldwd wlzr‘w). Étant donné le rôle joué par les titres dans la relecture davidique du Psautier, il faut souligner que le titre de 18,1 (« Du maître de chant. Du serviteur de Yahvé, David, qui adressa à Yahvé les paroles de ce cantique, quand Yahvé l’eut délivré de tous ses ennemis et de la main de Saül. Il dit : ») répond aux titres alarmistes du second psautier davidique, particulièrement les titres longs, Ps 52 ; 54 ; 56 ; 57 ; 59 ; 60 ; 63. Dans ce contexte, il importe de relever l’expression ldwd mktm, dans les titres en Ps 56,1 ; 57,1 ; 58,1 ; 59,1 ; 60,1 (mktm ldwd), expression qui doit avoir un rapport avec le caractère tragique de la situation [2]. Avec ses références à Saül et à la grotte où David se réfugie (m‘rh : 1 S 22,1 et 24,4.4.8.9.11) [3], le titre de Ps 57,1 – « Du maître de chant (lmnṣḥ). “Ne détruis pas.” De David. À mi-voix (ldwd mktm). Quand il s’enfuit (bbrḥw) de devant (mpny) Saül dans la caverne (bm‘rh) [4] » – apparaît comme une référence au paroxysme du danger auquel a été confronté David [5], en particulier si l’on se réfère à la réponse finalement présentée par le titre du Ps 18. Le Ps 57 comporte deux parties, une supplication individuelle devant les persécuteurs (Ps 57,2-5), suivie d’une action de grâce devant l’échec des persécuteurs (Ps 57,7-11), le tout encadré par un refrain en Ps 57,6.12.
La reprise des thématiques de Ps 57,1-5 dans les psaumes du premier psautier davidique (Ps 16-18) et la réaffirmation messianique
2Étant donné le rôle des titres dans la relecture davidique du Psautier, il faut noter que le thème de la fuite, présent dans le titre de Ps 57,1, est repris dans le titre de Ps 3,1 : « Psaume. De David. Quand il s’enfuit (bbrḥw) [6] de devant (mpny) son fils Absalom ». Le parallélisme des expressions est sûrement voulu. Par ailleurs, l’expression ldwd mktm se trouve reprise, avec inversion, dans le titre de Ps 16,1a : « À mi-voix. De David (mktm ldwd). » Il n’y a pas d’autre emploi de cette expression dans la Bible, en dehors des titres des Ps 57-60. Nous verrons que cela peut suggérer que le Ps 16 apporte spécialement une réponse aux Psaumes ayant des titres alarmistes, plus spécialement le Ps 57, qui représente l’acmé du danger.
3Le texte de Ps 57,2 – « Pitié pour moi (ḥnny), ô Dieu, pitié pour moi (ḥnny), en toi s’abrite mon âme (ky bk ḥsyh npšy), à l’ombre de tes ailes je m’abrite (wbṣl knpyk’ḥsh) [7], tant que soit passé le fléau » – a des correspondances, dans le premier psautier davidique, avec ḥnny en Ps 4,2 ; 6,3 ; 9,14, et surtout en Ps 16,1b : « Garde moi, ô Dieu, mon refuge est en toi (ky ḥsyty bk) », de même qu’en 17,8b : « À l’ombre de tes ailes cache-moi (bṣl knpyk tstyrny) [8] ». En Ps 18,11, Yahvé intervient sur les ailes du vent (knpy-rwḥ). En raison de Ps 57,2, le Ps 57 a pu être rapproché de 1 S 24,4-5b : « 4Il arriva aux parcs à moutons qui sont près du chemin ; il y a là une grotte (m‘rh) ou Saül entra pour se couvrir les pieds. Or David et ses hommes étaient assis au fond de la grotte (hm‘rh). 5bDavid se leva et coupa furtivement le pan (knp) du manteau de Saül. » En sus de la mention de la grotte, nous relevons la mention du terme knp.
4L’invocation du Très-Haut (‘lywn) en Ps 57,3 – « J’appelle, vers le Très-Haut (‘lywn), le Dieu qui a tout fait pour moi » – se retrouve en Ps 7,18 ; 9,3, avec la réponse favorable qui s’annonce en Ps 18,14 : « Yahvé tonna des cieux, le Très-Haut (w‘lywn) [9] donna de la voix ». Notons que dans les livres de Samuel, le terme ‘lywn apparaît une seule fois, dans le parallèle de 2 S 22,14. En Gn 14,18-20, Melchisédech roi de Salem et prêtre du Dieu Très-Haut (‘lywn), défend par anticipation les droits de la dynastie davidique vis-à-vis des patriarches et de leur descendance.
5La demande de Ps 57,4 – « Que des cieux il envoie et me sauve (wywšy‘ny), qu’il confonde celui qui me harcèle, que Dieu envoie son amour (ḥsdw) et sa vérité (w’mtw) » – trouve son accomplissement en Ps 18,28 : « Toi qui sauves (twšy‘) le peuple des humbles, et rabaisses les yeux hautains », et la manifestation de l’amour (ḥsd) de Yahvé à l’égard de son oint en Ps 18,51. La vérité (’mt) de Yahvé apparaît en complément en Ps 19,10.
6La comparaison des ennemis avec les fauves de Ps 57,5 – « Mon âme est couchée parmi les lions (lb’ym), qui dévorent les fils d’Adam ; leurs dents, une lance et des flèches, leur langue, une épée acérée », à laquelle on peut ajouter Ps 58,7 : « Ô Dieu, brise en leur bouche leurs dents, arrache les crocs des lionceaux (kpyrym), Yahvé [10] » – trouve sa continuité en Ps 17,12 : « Leur apparence est d’un lion (k’ryh) impatient d’arracher et d’un lionceau (wkkpyr) tapi dans sa cachette ». On relève des images semblables en Ps 7,3 ; 10,9 ; 22,14.22.
Le refrain du psaume en Ps 57,6.12 et le lien avec le Ps 19 dans la continuité du Ps 18 [11]
7Le refrain de Ps 57,6 [12] : « Ô Dieu (’lhym), élève-toi sur les cieux (hšmym) ! Sur toute la terre, ta gloire (kbwdk) ! », avec reprise à la fin du psaume en 57,12, trouve son accomplissement en Ps 19,2 : « Les cieux (hšmym) racontent la gloire de Dieu (kbwd-’l), et l’œuvre de ses mains, le firmament l’annonce ». C’est là une raison supplémentaire de considérer le Ps 19 dans la continuité du Ps 18. Dans le Ps 8 Yahvé apparaît déjà comme le roi de l’univers [13].
L’action de grâce en Ps 57,7-11 et sa reprise dans le premier psautier davidique, particulièrement le Ps 18
8L’évocation de Ps 57,7 – « Ils tendaient un filet (ršt) sous mes pas, mon âme était courbée ; ils creusaient devant moi une trappe (šyḥh), ils sont tombés dedans » – trouve son correspondant en Ps 9,16 : « Les païens ont croulé dans la fosse (bšḥt) qu’ils ont faite, au filet (bršt) qu’ils ont tendu, leur pied s’est pris ». Ce thème du traquenard qui se retourne contre son auteur est également présent en Ps 7,13-17 [14].
9L’attente de Ps 57,8 – « Mon cœur est prêt (nkwn), Ô Dieu, // mon cœur est prêt (nkwn) ; // je chanterai (’šyrh), je jouerai (w’zmrh) pour toi ! » – trouve, avec le triple parallélisme qui a un caractère performatif [15], son accomplissement avec le cantique (hšyrh) de Ps 18,1 [16], notamment en 18,50b avec wlšmk ’zmrh.
10Le texte de Ps 57,9 – « Éveille-toi (‘wrh), ma gloire [17] ; // éveille-toi (‘wrh), harpe (hnbl), cithare (wknwr), // que j’éveille (’‘yrh) l’aurore (šḥr) [18] » – trouve son prolongement en Ps 7,7b : « Veille (w‘wrh) à mon côté toi qui ordonnes le jugement ». En Ps 33,2, l’action de grâce se fait sur la harpe (nbl) et la cithare (knwr). L’aurore hšḥr est mentionnée dans le titre d’attribution davidique du Ps 22, en Ps 22,1, dans un Psaume qui mentionne le salut du psalmiste.
11Le texte de Ps 57,10 – « Je veux te louer (’wdk) chez les peuples, Seigneur, jouer (’zmrk) pour toi dans les pays » – trouve sa continuité en Ps 18,50 : « Aussi je te louerai (’wdk), Yahvé, chez les païens, et je veux jouer (’zmrh) pour ton nom ».
12Dans le texte de Ps 57,11 – « Grand jusqu’aux cieux (šmym) ton amour (ḥsdk), jusqu’aux nues (šḥqym), ta vérité (’mtk) » –, le terme šmym renvoie entre autres à Ps 18,10.14 ; 19,1.7, et ’mt à Ps 19,10 (voir Ps 18,4). Le terme šḥqym renvoie à Ps 18,12 : « Il fit des ténèbres son voile, sa tente, ténèbre d’eau, nuée sur nuée (‘by šḥqym) ».
Le Ps 108 comme reprise de Ps 57,8-12 et 60,7-14 [19] et la réaffirmation messianique en Ps 108-110
13Le titre de Ps 108,1 (« Cantique. Psaume. De David ») fait référence à David, comme dans le cas des Ps 57 et 60, mais sans l’équivalent des références à une situation particulière. Toutefois, la reprise des textes des Ps 57 et 60 suppose un renvoi au David historique [20] à travers lequel s’opère la libération au milieu des épreuves. La reprise du Ps 60, avec référence à la conquête d’Édom [21] et aux origines, constitue une espérance pour l’avenir.
14Après le titre davidique de Ps 108,1, on remarque que Ps 108,2-6 correspond largement à l’action de grâce de Ps 57,8-12. Ensuite, 108,7-14 s’appuie sur Ps 60,7-14 où les victoires antérieures permettent d’en espérer de nouvelles. Or, les Ps 108 et 109 préparent également la réaffirmation messianique du Ps 110 [22]. Relevons ici que la deuxième partie du Ps 60 (60,7-14) est nettement plus optimiste même si elle invoque le secours de Dieu. La première partie du Ps 60 (60,3-6) est nettement plus pessimiste. Le Ps 108 garde la seconde partie du Ps 60 comme finale (108,7-14), mais dans la première partie il insère en 108,2-6 la seconde partie du Ps 57 (57,8-12), et de ce point de vue Ps 108,2-6 apparaît comme une réponse à Ps 60,3-6 [23], 108,7-14 reprenant la suite du Ps 60 (60,7-14) :
Ps 108,2-6 (cf. Ps 57,8-12) 2O Dieu je veux chanter 4ate louer chez les peuples 5aCar grand […] est ton amour 6Sur toute la terre ta gloire | Ps 60,3-6 3O Dieu tu nous as rejetés 4aTu as fait trembler la terre 4bCar elle croule 5Tu fis voir de dures choses à ton peuple |
15Le « Sur toute la terre ta gloire » rejoint la perspective du Ps 19, dont nous avons noté le rôle dans le cadre de la réaffirmation davidique des Psaumes 3-19 [24].
16Le texte de Ps 108,7-14, comme son parallèle du Ps 60, rappelle la constitution du royaume de David [25] dont la restauration doit commencer par un assaut contre Édom [26]. Après l’invocation de la demande de salut en Ps 108,7, on relève la mention de l’unité des royaumes du Nord et du Sud en 108,8-9, puis celle des conquêtes de type davidiques en Ps 108,10-12. L’appel au secours de Ps 108,13-14 conclut le Psaume à l’appui d’une perspective confiante.
17Cette partie de Psaume correspond à l’oracle d’Ésaïe 11,13-14 :
13Alors cessera la jalousie d’Éphraïm, et les ennemis de Juda seront retranchés. Éphraïm ne jalousera plus Juda et Juda ne sera plus hostile à Éphraïm. 14Ils fondront sur le dos des Philistins à l’Occident, ensemble ils pilleront les fils de l’Orient. Édom et Moab seront soumis à leur main et les fils d’Ammon leur obéiront [27].
19En Ésaïe 11, le contexte de renouveau messianique est suggéré en 11,1 avec : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé. »
20Les Psaumes 57-60, avec la mention dans le titre de l’expression mktm ldwd, ont donc joué une grand rôle dans la rédaction du Psautier et dans la relecture davidique de celui-ci, non seulement quant aux épreuves du messie mises en relation avec les épreuves de David dans les livres de Samuel, mais encore dans les réaffirmations messianiques davidiques du premier livre du Psautier, Ps 1-41, et plus spécialement dans les Ps 1-19, et dans le cinquième livre du Psautier, Ps 107-150, notoirement dans les Ps 108-110.
Notes
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[1]
Bernard Gosse, « L’insertion de 2 Sam 22 dans les livres de Samuel, et l’influence en retour sur les titres du Psautier », Journal of Ancient Near Eastern Studies 27 (2000), p. 31-47.
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[2]
Le sens de l’expression mktm ldwd est difficile à déterminer avec certitude. Le seul autre emploi biblique se rencontre dans le titre de Ps 16,1 que nous prenons en compte dans notre étude. Voir les différentes propositions de significations dans le dictionnaire de David J.A. Clines (éd.), The Dictionnary of Classical Hebrew, 8 vol., Sheffield, Sheffield Academic Press, 2001, vol. 5, p. 276 : s’agit-il d’une sorte de Psaume, d’une prière secrète, d’une inscription ou bien encore d’un chant ? Quoi qu’il en soit, le contexte paraît tragique. On propose souvent le rapprochement avec És 38,9 (mktb lḥzqyhw) en corrigeant mktb en mktm, du fait du même caractère tragique. Ce peut être vraisemblable, mais il n’y a aucune certitude.
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[3]
Le terme m‘rh apparaît dans le Psautier uniquement dans les titres de Ps 57,1 et 142,1, en référence au David des livres de Samuel.
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[4]
Marvin E. Tate, Psalms 51-100, Dallas, Word Books Publisher, 1990, p. 77 : « L’interprétation du psaume a toutefois été démocratisée » (« The psalm has been democratized in interpretation, however »). Le David des Psaumes est devenu l’archétype de l’orant.
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[5]
Frank-Lothar Hossfeld, Erich Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, trad. Linda M. Moloney, Minneapolis, Fortress Presss, 2005, p. 75 : « Également, il apparaît que le Ps 57 a été situé délibérément après le Ps 56, car le Ps 57 représente une intensification du Ps 56, comme cela apparaît dès le début. Il y a peu de liens sémantiques entre le Ps 57 et le Ps 58 qui suit, cela permet de supposer que le Ps 58 a été inséré ultérieurement dans la séquence Ps 56, 57, 59, qui a été construite pour conduire à un apogée (« At the same time, Psalm 57 appears to have been deliberately placed after Psalm 56, because Psalm 57 represents an intensification of Psalm 56, visible at the very beginning. There are scarcely any semantic links between Psalm 57 and the following Psalm 58, which supports the thesis that Psalm 58 was inserted later into the sequence of Psalms 56, 57, 59, which had been constructed to build to a climax »). Toutes les traductions sont nôtres.
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[6]
Le seul autre usage du verbe brḥ dans le Psautier se trouve en Ps 139,7. Voir par contre 2 S 15,14 et la fuite de David devant Absalom, 2 S 15-19. L’usage du titre du Ps 57 doit être dépendant des livres de Samuel.
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[7]
E. Tate, Psalms 51-100, op. cit., p. 77 : « La métaphore suggère certainement la protection de l’oiseau pour ses petits […] une référence plus directe aux ailes du chérubin étroitement associé avec le temple de Jérusalem » (« The metaphor certainly suggests the protective care of a bird for its young […] a more direct reference to the symbolism of the cherub wings so strongly associated with the temple in Jerusalem »).
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[8]
Hans-Johachim Kraus, Psalms 1-59, trad. Hilton C. Oswald, Minneapolis, Augsburg Publishing House, 1988, p. 531 : « Avec eux il doit expérimenter la protection du sanctuaire (cf. Ps. 17,3). Comme des lions rapaces les adversaires (cf. Ps 10,9 ; et fréquemment) » (« Together with them he has to endure the incubation of the sanctuary [cf. Ps. 17 :3]. Like rapacious lions the adversaries [cf. Ps 10 :9 ; and often] »).
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[9]
F.-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, op. cit., p. 73 (Ps 57,3) : « Avec le Dieu créateur, qui depuis le Temple de Jérusalem combat le chaos (cf. Gen 14,19-20) » (« With the creator God who, from the Jerusalem Temple, combats the chaos [cf. Gen 14 :19-20] »).
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[10]
Ibid., p. 74 : « Comme dans les Psaumes voisins 56 et 58-59, la référence aux dents et langues des ennemis, donne un écho animal à la conduite des ennemis qui pratiquent une guerre verbale contre leur victime » (« As in the neighboring Psalms 56 and 58-59, the reference to the teeth and tongues of the enemies / animals echoes the idea that the enemies are conducting what is mainly a verbal war against their victim [cf. Ps 56 :6 ; 58 :7 ; 59 :8, 13] »).
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[11]
Bernard Gosse, « Le Ps 19 prolongement du Ps 18 : Baal, El, Yahvé, le triple parallélisme synonymique, l’influence du livre des Proverbes et la Loi et David », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 139 (2017), p. 568-582.
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[12]
Artur Weiser, The Psalms, Londres, SCM Press Ltd, 19867, p. 427 : « Le verset 6 constitue le lien entre la lamentation et l’action de grâce » (« Verse 6 forms the link between the lament and the thanksgiving »).
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[13]
H.-J. Kraus, Psalms 1-59, op. cit., p. 531 : « kbwd s’enflamme par-dessus les cieux et la terre et les remplit (cf. Ps 8,1 ; 113,4 ; 148,13 ; És 6,3 ; Nb 14,21 ; És 40,5) » (« kbwd blazes over heaven and earth and fills them [cf. Pss. 8 :1 ; 113 :4 ; 148 :13 ; Isa. 6 :3 ; Num. 14 :21 ; Isa. 40 :5] »).
-
[14]
Ibid., p. 531.
-
[15]
Beat Weber, « “Fest ist mein Herz, O Got !” Zu Ps 57,8-9 », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 107 (1995), p. 294-295.
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[16]
Seul usage du Psautier. Reprise en faveur de David du terme attribué à Moïse en Ex 15,11 ; Dt 31,19.19.21.22.30 ; 32,44. Moïse a servi de substitut au descendant de David, comme intercesseur, après la disparition de la royauté.
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[17]
Jean-Luc Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, 2 vol., Paris, Cerf, 2006, vol. 1, p. 516 : « Le mot “gloire” assure l’unité du psaume. À la gloire divine (v. 6) s’unit la gloire du psalmiste (v. 9) vouée à l’exaltation de la gloire de Dieu (v. 12). »
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[18]
H.-J. Kraus, Psalms 1-59, op. cit., p. 531. Après l’épreuve de la nuit (Ps 17,3 ; 57,4), le salut divin vient à l’aurore (Ps 130,5-6).
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[19]
F.-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 2. A Commentary on Psalms 51-100, op. cit., p. 75 : « Le Psaume 108 combine 57,8-12 et 60,7-14 » (« Psalm 108, which combined 57 :8-12 and 60 :7-14 »).
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[20]
Frank-Lothar Hossfeld, Erich Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, trad. Linda M. Moloney, Minneapolis, Fortress Press, 2011, p. 118 : « Le David du Ps 108 est avant tout le David de mémoire historique qui en fait “au commencement” a conquis et soumis les nations mentionnées dans le Ps 108 » (« The David of Psalm 108 is first of all the David of historical memory, who in fact had “at the beginning” conquered and subdued the enemy nations named in Psalm 108 »).
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[21]
Jean-Luc Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, 2 vol., Paris, Cerf, 2006, vol. 2, p. 1037-1038 : « C’est cette espérance de victoire sur Édom que chante le Ps 108. David n’avait-il pas jadis conquis le pays d’Édom (2 S 8,13-14) ? Le Ps 108, attribué à David, éveillait l’espoir d’une nouvelle conquête. »
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[22]
F-L. Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., p. 122 : « L’espérance qui clôt le Ps 108, que le roi davidique “fera avec Dieu des prouesses […]”, est reprise en Ps 110,3 : “Votre peuple [c’est-à-dire votre armée] est prêt au jour de tes prouesses […]” Le motif de l’aurore (Ps 108,3 ; 110,3) unit aussi les deux Psaumes, et les deux sont réunis par un même scénario : Ps 108,8 situe l’oracle divin dans un sanctuaire qui doit être le temple ; le roi davidique qui prend part au trône selon Ps 110,1 se réfère également au trône de Yahvé dans le temple » (« The hopeful perspective that closes Psalm 108, that the Davidic king will “with God do might […]”, is taken up in Ps 110 :3 : “Your people” [that is, your army] are ready on the day of your might […]”. The motif of the dawn [Ps 108 :3 ; 110 :3] also links the two Psalms, and both are joined by a common scenery : Ps 108 :8 situates the divine oracle in Yhwh’s sanctuary, which probably means the Temple ; the (Davidic) king’s sharing of the throne proclaimed in Ps 110 :1 also refers to Yhwh’s throne in the Temple »). Le terme ḥyl de Ps 108,14 ; 110,3, est également utilisé en Ps 18,33.40, dans le cadre de la réaffirmation messianique du premier livre du Psautier.
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[23]
Pierre Auffret, Voyez de vos yeux. Étude structurelle de vingt psaumes dont le Psaume 119, Leyde/New-York/Cologne, E. J. Brill, 1993, p. 85. Voir l’inversion des mentions des termes « peuple » et « terre », et le « car » qui oppose l’amour divin au fait que la terre croule. Nancy deClaissé-Walford, Rolf H. Jacobson, Beth LaNeel Tanner, The Book of Psalms, Grand Rapids/Cambridge, William B. Eerdmans Publishing Company, 2014, p. 821, notent le nouvel usage des Psaumes 57 et 60 dans la perspective du retour de l’exil.
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[24]
F.-L Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., voir p. 117-118 et 119 : « Du fait que l’aube et le coucher du soleil sont des événements cosmiques, ils annoncent jour après jour la gloire cosmique et le pouvoir du dieu-roi (cf. Ps 19,2-3) » (« To the extent that dawn and sunset are a worldwide, cosmic event, they announce day after day the worldwide glory and power of the god-king [cf. Ps 19 :2-3] »). Voir Bernard Gosse, « La réaffirmation messianique du Ps 18 dans la perspective du salut du marginal au retour de l’exil », Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft 130 (2018), p. 586-601.
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[25]
F.-L Hossfeld, E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit., p. 118 : « Ainsi, le Psaume 108 montre David comme le musicien charismatique et l’homme de prière à qui Yahvé donne la libération devant les menaces ennemies » (« Accordingly, Psalm 108 shows David as the charismatic musician and man of prayer to whom Yhwh gives the saving oracle of liberation from enemy threats »).
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[26]
J.-L. Vesco, Le Psautier de David traduit et commenté, op. cit., vol. 2, p. 1037-1038, renvoie à 2 S 8,13-14, avec la conquête d’Édom par David.
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[27]
F.-L Hossfeld et E. Zenger, Psalms 3. Psalms 101-150, op. cit, p. 120-121, notent les parallèles quant à l’unité d’Israël et de Juda, et les visées sur les pays voisins en commençant par Édom. Voir également Am 9,11-12.