Notes
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[*]
Serge Wüthrich est docteur en théologie (Nouveau Testament) de l’Institut protestant de théologie – Faculté de Montpellier, pasteur de l’Église protestante unie de France (Le Raincy).
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[1]
Martine Andrevon, Vers une théologie catholique du judaïsme. Enjeux et défis générés par Nostra Ætate § 4. Thèse de doctorat canonique en Théologie soutenue à l’Institut catholique de Paris le 19 juin 2014. Rappelons cette phrase du cardinal Water Kasper à propos du texte conciliaire dans sa préface à l’ouvrage de Phillip A. Cunningham et al. (éd.), Christ Jesus and the Jewish People Today : New Explorations of Theological Interrelationships, Grand Rapids, Eerdmans, 2011, p. xiv : « We stand only at the beginning of a new beginning. »
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[2]
Parmi les nombreuses conférences, colloques et publications dédiés à cet événement, notons une livraison spéciale de la revue Recherches de science religieuse 103/3 (2015), consacrée au thème : « Christianisme et Judaïsme depuis Nostra Ætate ».
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[3]
Du côté de l’Église catholique : Marie-Thérèse Hoch, Bernard Dupuy (éd.), Les Églises devant le judaïsme. Documents officiels 1948-1978, Paris, Cerf, 1980. Conférence Épiscopale française, Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme (16 avril 1973), texte publié dans Documentation Catholique 1631 (1973), p. 419-422. Du côté protestant : Jean-Charles Tenreiro (éd.), Juifs et protestants. Une fraternité exigeante, Lyon, Olivétan, 2015. Pour une évaluation de cette période, voir Jean Dujardin, « Les relations entre chrétiens et Juifs depuis 50 ans », Théologiques 11/1-2 (2003), p. 17-33 ; Florence Ollivry-Dumairieh, « 50 ans après Vatican II », Théologiques 22/1 (2014), p. 189-217.
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[4]
Sur l’histoire de ces relations, les études sont innombrables. Citons, parmi beaucoup d’autres : Daniel Marguerat (éd.), Le déchirement, Juifs et chrétiens au premier siècle, Genève, Labor et Fides, 1996. Edward Kessler, An Introduction to Jewish-Christian Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2010. Marianne Dacy, The Separation of Early Christianity from Judaism, New York, Cambria Press, 2010. Robert Chazan, Fashioning Jewish Identity in Medieval Western Christendom, Cambridge, Cambridge University Press, 2009. David Nirenberg, Anti-Judaism : The Western Tradition, New York, W. W. Norton & Company, 2013. Marcel Simon, Verus Israël, les relations entre juifs et chrétiens dans l’empire romain (135-425), Paris, E. de Boccard, 19832. Israël Jacob Yuval, « Deux peuples en ton sein ». Juifs et chrétiens au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 2012.
-
[5]
Le concept de « supersessionisme » n’est pas compris ici comme étant le remplacement d’Israël par l’Église – ou la prétention de celle-ci à être maintenant Israël –, mais la possession exclusive par l’Église, depuis la destruction du deuxième Temple, de l’identité de l’Israël canonique. Autrement dit, il désigne l’affirmation qu’il n’existe désormais aucune autre entité voulue ou élue par Dieu en dehors de l’Église. Sur cette question et sur l’histoire de cette position théologique, voir R. Kendall Soulen, The God of Israel and Christian Theology, Minneapolis, Fortress Press, 1996.
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[6]
James D. G. Dunn (éd.), Jews and Christians : A Parting of the Ways. A.D. 70 to 135, The Second Durham-Tubingen Research Symposium on Earliest Christianity and Judaism, Durham, September 1989, Tübingen, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), 1991. Peter Schäfer, The Jewish Jesus : How Judaism and Christianity Shaped Each Other, Princeton, Princeton University Press, 2012. Shaye J. Cohen, From the Maccabees to the Mishnah, Louisville Kentucky, Westminster John Knox Press, 20062.
-
[7]
Voir les controverses autour des travaux de Daniel Boyarin, La partition du judaïsme et du christianisme, trad. Jacqueline Rastoin, Paris, Cerf, 2011. État des lieux in Adam H. Becker, Annette Yoshiko Reed (éd.), The Ways That Never Parted : Jews and Christians in Late Antiquity and the Early Middle Ages, Minneapolis, Fortress Press, 2007.
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[8]
David Novak, « From Supersessionism to Parallelism in Jewish-Christian Dialogue », in Carl E. Braaten, Robert W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, Grand Rapids Mich./Cambridge, Eerdmans, 2003, p. 96.
-
[9]
À ce sujet, on peut lire le débat auquel a donné lieu la prise de position de théologiens juifs dans « Dabru Emet : A Jewish Statement on Christians and Christianity », in C. E. Braaten, R. W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, op. cit., p. 179-182, puis la réplique juive que ce texte a entraînée chez Jon Levenson, « How Not to Conduct Jewish-Christian Dialogue », Commentary 112 (2001), p. 31-37, et la réponse donnée par Tikva Frymer-Kensky, David Novak, Peters Ochs, Michael Signer, « Jewish-Christian Dialogue », Commentary 113 (2002), p. 8-21.
-
[10]
Dominique Cerbelaud, « Questions à la théologie chrétienne après la Shoah », Théologiques 11/1-2 (2003), p. 271-283. Bernard Dupuy, « La théologie chrétienne après la Shoah », Istina 36 (1991), p. 291-307. Alistair McFadyen, Bound to Sin : Abuse, Holocaust and the Christian Doctrine of Sin, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Rosemary R. Ruether, Faith and Fratricide : The Theological Roots of Anti-Semitism, New York, Seabury Press, 1974.
-
[11]
Robert W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, The Works of God, New York, Oxford University Press, 1999, p. 193.
-
[12]
Ibid., p. 194.
-
[13]
Ibid., p. 335-336. Robert W. Jenson observe un affaiblissement fréquent des positions chrétiennes dans les dialogues avec le judaïsme et met en garde contre le danger de penser « que le supersessionisme ne peut être évité qu’en restaurant une christologie dans laquelle Jésus ne serait pas tout à fait l’égal du Fils, c’est-à-dire en restaurant une forme d’arianisme ou de nestorianisme. »
-
[14]
Robert W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, The Triune God, New York, Oxford University Press, 1997 ; Id., Systematic Theology. Vol. 2, op. cit. Voir Andrew Nicol, The God of Israël in Robert W. Jenson’s Theology, Thèse, Université d’Otago, 2011. Pour une première approche en français de la théologie de Jenson, voir Christophe Chalamet, « La “liveliness” de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », in Christophe Chalamet, Marc Vial (éd.), Développements récents en théologie trinitaire dans l’aire anglo-saxonne. Textes recueillis et traduits, Berlin, LIT Verlag, coll. « Études de théologie et d’éthique 5 », 2014, p. 131-142 ; Serge Wüthrich, « “Par et avec” : l’identité trine et narrative de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », Positions luthériennes 63/1 (2015), p. 55-70.
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[15]
« Dans les prochaines décennies, de puissantes forces historiques vont rapprocher encore plus le judaïsme et l’Église, et s’ils doivent tenir debout ensemble, ils doivent savoir pour quelles bonnes raisons ils doivent le faire. » Robert W. Jenson, « Reversals », in David Heim (éd.), How My Mind Has Changed. Essays from the Christian Century, Eugene Oregon, Cascade, 2012, p. 48.
-
[16]
Le livre de Robert W. Jenson, The Triune Identity : God According to the Gospel, Philadelphia, Fortress, 1982, est entièrement consacré à cette recherche. Cette affirmation centrale de son projet théologique et sa justification sont présentées chez Scott R. Swain, The God of the Gospel : Robert Jenson’s Trinitarian Theology, Downers Grove, IVP Academic, 2013 ; Veli-Matti Kärkkäinen, The Trinity : Global Perspectives, Louisville/Londres, Westminster John Knox Press, 2007, p. 162-177.
-
[17]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 43.
-
[18]
Ibid., p. 42.
-
[19]
Ibid., p. 42-43. Jenson ajoute : « Très tôt, cette tentation a été repoussée dogmatiquement avec le rejet de Marcion. Néanmoins, elle demeure pour l’Église l’occasion la plus régulière d’apostasier. »
-
[20]
Serge Wüthrich, « L’infinité temporelle de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », Positions luthériennes 63/4 (2015), p. 375-390.
-
[21]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 217.
-
[22]
Ibid., p. 216 : « In Aristotle’s understanding, something would be infinite because it lacked all boundaries ; […] God is infinite because he overcomes all boundaries ».
-
[23]
Ibid., p. 63.
-
[24]
Jenson ne se limite pas à identifier Dieu par les événements de l’histoire d’Israël. Il l’identifie aussi avec eux. S. Wüthrich, « “Par et avec” : l’identité trine et narrative de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », art. cit. Le supersessionisme est une atteinte non seulement à l’alliance de Dieu avec Israël, mais également à l’identité divine si celle-ci est liée aussi bien à l’histoire d’Israël qu’à l’histoire de Jésus.
-
[25]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 47.
-
[26]
Sur ce point, Jenson rejoint les théologies eschatologiques modernes (Wolfhart Pannenberg, Jürgen Moltmann, Johannes Metz, etc.).
-
[27]
Robert W. Jenson, God after God. The God of the Past and the God of the Future As Seen in the Work of Karl Barth, Minneapolis, Fortress Press, 20102, p. 17.
-
[28]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 55, 64-66.
-
[29]
Ibid., p. 64. S. R. Swain, The God of the Gospel, op. cit., p. 89. V.-M. Kärkkäinen, The Trinity, op. cit., p. 169-170.
-
[30]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 66.
-
[31]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170.
-
[32]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 85.
-
[33]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170 (je souligne).
-
[34]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », in C. E. Braaten, R. W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, op. cit., p. 4.
-
[35]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 171.
-
[36]
Jenson insiste sur ce point. Même si l’on parle parfois de la seconde venue du Christ dans le contexte du messianisme néotestamenaire, il n’y a, à proprement parler, qu’une seule venue du Messie : « le temps de l’Église, le temps de l’Ascension, n’est pas le temps entre deux venues ; ma1is il doit être compris comme un temps à l’intérieur d’un seul et unique avènement » (R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 7).
-
[37]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 171.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid., p. 183.
-
[40]
Ibid., p. 191 : Jenson ne situe pas la fondation de l’Église à la Pentecôte mais à Pâques, en gardant toutefois un fort lien entre ces deux événements afin de lui garantir un fondement christologique et pneumatologique.
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[41]
Ibid., p. 171 : « Si la résurrection de Jésus avait été immédiatement la fin, la mission d’Israël aurait été annulée. »
-
[42]
Alfred Loisy, L’Évangile et l’Église, Paris, A. Picard et fils, 1902, p. 153.
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[43]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170.
-
[44]
Ibid., p. 191.
-
[45]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 8.
-
[46]
Ibid.
-
[47]
Jenson cite le conflit à Antioche entre Paul et Pierre comme exemple de la difficulté d’une cohabitation pacifique qui respecte les différences. Ce qui « fait tenir ensemble » les descendants d’Abraham et de Sarah dans un peuple identifiable, c’est leur relation particulière à la Torah. Sans cela, ils auraient complètement disparus au sein des nations. Il est en effet raisonnable de penser que cette forme de fidélité à l’égard de la Torah n’aurait pu être maintenue dans l’environnement majoritairement païen de l’Église. L’Église, elle aussi se distingue des nations – même si parfois elle s’est tout simplement fondue dans son environnement – mais non pas par sa relation particulère à la Torah. La question est alors : « La Loi peut-elle être abolie dans son rôle de créer une différence ? » (ibid., p. 9-11).
-
[48]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 194.
-
[49]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 12.
-
[50]
Ibid.
-
[51]
Ibid. Jenson rappelle que Dieu crée en disant : « Que cela soit,… et que cela soit bon. »
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[52]
Ce parallélisme se trouve dans le Ps 147.
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[53]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 12. R. W. Jenson, The Triune Identity, op. cit., p. 13.
-
[54]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 194.
-
[55]
Selon Jenson, l’ecclésiologie du xxe siècle s’est fourvoyée en utilisant « peuple », « temple » et « corps » comme des tropes sur lesquels il fallait mettre plus ou moins l’accent. Si « temple » est clairement une comparaison, « peuple » n’est ni une comparaison ni une métaphore. Quant au « corps », Jenson affirme que Paul, correctement interprété, ne lui donne pas non plus le statut de métaphore. « L’Église est le corps du Christ » est une proposition. Elle est une identification ontique. « L’Église est ontologiquement le corps du Christ ressuscité ». R. W. Jenson, Systematic Theology, Vol. 1, op. cit., p. 204-205.
-
[56]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 13.
-
[57]
Mary C. Boys, Has God Only One Blessing ? Judaism as a Source of Christian Self-Understanding, New York/Mahwah, Paulist Press/Stimulus Books, 2000, déconstruit l’anti-judaïsme et le supersessionisme de l’Église, qu’elle traque dans tous ses lieux de prédilection – l’Écriture, la théologie, la liturgie, la louange, l’enseignement –, et tente d’offrir un nouveau récit qui puisse la ré-éduquer : « Re-educating Ecclesia » (ibid., p. 267-277), sans toutefois apporter autre chose au niveau théologique que ce mea culpa et une reconnaissance de plein droit de l’Israël canonique.
-
[58]
Michael J. Chan, « Reflecting on Roots : Robert Jenson’s Theology of Judaism in a Pentecostal Key », Journal of Pentecostal Theology 20 (2011), p. 31.
-
[59]
Alice Priest, « The Catholic Church’s Theological Approach to other Religions : From Conversion to Conversation », Australian eJournal of Theology 9 (2007).
-
[60]
Parmi les défenseurs classiques de cette idée, citons J. Coert Rylaarsdam, « Jewish-Christian Relationship : The Two Covenants and the Dilemmas of Christology », Journal of Ecumenical Studies 9 (1972), p. 239-260 ; James Parkes, Prelude to Dialogue : Jewish-Christian Relationships, New York, Schocken Books, 1969 ; Rosermary Radford Reuther, « An Invitation to Jewish-Chrisitan Dialogue : In What Sense Can We Say that Jesus Was “The Christ” ? », The Ecumenist 10 (1972), p. 17-24. Voir également Irving Greenberg, For the Sake of Heaven and Earth : The New Encounter between Judaism and Christianity, Philadelphie, Jewish Publication Society, 2004 ; Yeḥezkel Kaufmann, Christianity and Judaism : Two Covenants, Jérusalem, Magnes Press, Hebrew University, 1988 ; Alan Brill, Judaism and World Religions : Encountering Christianity, Islam, and Eastern Traditions, New York, Palgrave Macmillan, 2012.
-
[61]
Carl E. Braaten, Robert W. Jenson, « Introduction », in Id., Jews and Christians. People of God, op. cit., p. viii.
-
[62]
Le terme de « détour » convie l’idée d’un accident de parcours, d’un problème soudain qui nécessite d’emprunter un nouveau chemin. Si la venue des païens au sein d’Israël prend une nouvelle tournure après la destruction du Second Temple, et si l’on admet que rien n’échappe à la volonté divine, alors cette vision d’un accident de parcours n’est peut-être pas la plus adéquate. Le terme de bifurcation serait peut-être plus approprié.
-
[63]
David J. Rudolph, « Messianic Jews and Christian Theology. Restoring an Historical Voice to the Contemporary Discussion », Pro Ecclesia 14/1 (2005), p. 60.
-
[64]
Le théologien juif Michael Wyschogrod le reconnaît aussi : historiquement, la domination païenne dans l’Église a rendu difficile, voire impossible l’existence d’une communauté qui puisse préserver ses particularités, notamment en matière d’interprétation de la Loi. Michael Wyschogrod, Abraham’s Promise : Judaism and Jewish-Christian Relations, Grand Rapids, Eerdmans, 2004, p. 207, cité in M. J. Chan, « Reflecting on Roots : Robert Jenson’s Theology of Judaism in a Pentecostal Key », art. cit., p. 31.
-
[65]
Un état des lieux est dressé in Matt Jackson-McCabe (éd.), Jewish Christianity Reconsidered : Rethinking Ancient Groups and Texts, Minneapolis, Fortress Press, 2007. Jonathan Bourgel, D’une identité à l’autre ? La communauté judéo-chrétienne de Jérusalem (66-135), Paris, Cerf, coll. « Judaïsme ancien et Christianisme primitif », 2015.
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[66]
Susan K. Wood, « Robert Jenson’s Ecclesiology from a Roman Catholic Perspective », in Colin E. Gunton (éd.), Trinity, Time, and Church : A Response to the Theology of Robert Jenson, Grand Rapids, Eerdmans, 2000, p. 181-182. Ian A. McFarland, « The Body of Christ : Rethinking a Classical Ecclesiological Model », International Journal of Systematic Theology 7 (2005), p. 232-237.
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[67]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 167, 213. S. K. Wood, « Robert Jenson’s Ecclesiology from a Roman Catholic Perspective », art. cit., p. 183.
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[68]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 13 : « Le Dieu de l’Évangile peut-il être vraiment un objet pour nous, c’est-à-dire quelque chose que nous voyons, entendons et pouvons nous représenter ? Il peut l’être si la voix que nous entendons, la voix de l’Évangile, qui témoigne de la résurrection est la voix même de Dieu, et si les objets que cette voix nous appelle à prendre en considération – le pain et la coupe, le bain baptismal et les autres incarnations factuelles de l’Évangile dans l’Église – constituent sa propre objectivité. Autrement dit, l’Évangile de Dieu ne peut être un objet pour nous que si Dieu est ainsi identifié par Jésus ressuscité et par sa communauté de sorte qu’il soit identifié à eux. »
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[69]
Ibid., p. 141. Robert W. Jenson, « Christ as Culture 1 : Christ as Polity », International Journal of Systematic Theology 5/3 (2003), p. 326.
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[70]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 141, n. 85. Notons le refus catégorique de Jenson concernant le Logos asarkos : Id., « Once More on the Logos asarkos », International Journal of Systematic Theology 13/2 (2011), p. 130-133.
1En 2015, le cinquantième anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra Ætate, célébrée par certains comme l’acte de naissance de la théologie catholique du judaïsme [1], a permis de faire le point sur les relations entre catholicisme romain – voire christianisme – et judaïsme [2]. D’un point de vue institutionnel, le chemin parcouru pendant ce demi-siècle est remarquable [3]. Les recherches entreprises depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ont également permis de clarifier les rapports complexes que les communautés juives et chrétiennes ont entretenues depuis les premiers siècles [4].
2L’un des fruits les plus importants de ce mouvement, outre la reprise du dialogue judéo-chrétien, a été le renoncement au supersessionisme [5]. Ce conflit théologique porte sur l’héritage de l’Israël canonique. Il présuppose une forme de discontinuité entre ce que l’on peut appeler l’Israël canonique d’une part, et les deux mouvements qui lui ont succédé après la destruction du Second Temple, le judaïsme rabbinique et le christianisme d’autre part. Les relations entre ces deux courants nés au sein du judaïsme du Second Temple, leurs influences réciproques, et la rédaction de leurs écrits respectifs (Talmud, Michna, canons conciliaires, écrits des Pères de l’Église, etc.) [6] restent un thème disputé des recherches historique et théologique [7].
3Face au supersessionisme chrétien, il existe ce que le théologien juif David Novak a appelé un « contre-supersessionisme » juif : « là où les supersessionistes chrétiens affirment que Dieu a rejeté les juifs et les a remplacés par l’Église, les contre-supersessionistes juifs affirment que les chrétiens sont un groupe de païens qui, de façon erronée – même arrogante –, pensent qu’ils sont maintenant le peuple exclusif de Dieu, ayant été initialement conduits à cette opinion par un groupe de juifs renégats, eux-mêmes séparés du judaïsme [8]. » La logique des uns reflète celle des autres. La question qui nous occupe dans cet article n’est toutefois pas celle d’une appréciation juive du christianisme [9], mais de l’ébauche d’une théologie chrétienne du judaïsme.
4Il est vrai qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la question d’Israël a revêtu un caractère d’urgence, provoquant une réflexion critique sur le rôle qu’un certain discours théologique avait pu jouer dans la genèse de la Shoah [10]. Si la culpabilité fut un puissant moteur dans cet effort, aujourd’hui la théologie chrétienne peut enfin « reconnaître sobrement [11] » l’existence présente d’une communauté juive à ses côtés. Elle est invitée à réfléchir à ce fait incontournable. Par conséquent, la première question à laquelle une théologie chrétienne du judaïsme doit répondre est : pourquoi Dieu a-t-il maintenu simultanément la synagogue et l’Église ? Cette question est d’autant plus importante qu’une « partie des difficultés de l’Église avec la pérennité de la synagogue fut une sorte de sentiment d’infériorité : il semblait que si la synagogue était une héritière pleinement légitime de l’Israël ancien, elle serait alors l’unique héritière légitime [12]. » Cette tâche est assortie d’une exigence, à savoir que les solutions invoquées soient tirées d’une théologie spécifiquement chrétienne [13].
5Pour avancer dans ce dossier et poser des jalons vers une réflexion chrétienne du judaïsme, nous proposons de présenter la pensée du luthérien Robert W. Jenson. Ce théologien, qui a fait de la question d’Israël un des pivots de sa théologie [14], affirme que cette mission est vitale pour l’avenir et la vigueur des deux communautés ensemble [15].
6La présentation des propositions de Jenson s’effectue en deux étapes. La première explore la question de l’identification du Dieu d’Israël dans la théologie chrétienne ; la seconde porte sur le rapport entre judaïsme et Église au sein même d’Israël.
L’identification du Dieu d’Israël
De quel Dieu parlons-nous ?
7Selon Jenson, toute théologie trouve son point de départ dans l’identification de son Dieu [16]. Si l’on veut éviter le piège du marcionisme, il est nécessaire de partir de l’identification du Dieu d’Israël, de celui que Jésus appelait « Père ». Un Dieu qui, dans la Bible juive, est « décrit de façon unique par le récit de l’événement de l’exode […] et qui a un nom propre, Yhwh [17]. » Contrairement aux constructions métaphysiques, cette entité personnelle, reprise par la théologie chrétienne, est le type de réalité avec laquelle il est possible d’entrer en relation. Elle est uniquement identifiée comme l’agent d’événements du monde et de son histoire. Du côté chrétien, « [l]e discours […] sur Dieu vise une réalité spécifique, identifiée par les apôtres comme étant l’agent de la résurrection de Jésus [18]. »
8À ce stade, l’important est d’assurer la continuité de ces identifications, et pour cela de se rapporter à l’ensemble de la narration biblique. Si l’endroit à partir duquel on « saisit la chaîne » narrative importe peu, Jenson observe toutefois que l’Église a trop souvent négligé d’en faire « le tour complet » : une « tentation permanente, au sein d’une Église majoritairement païenne […] [C’est pourquoi] Marcion, qui voulait proclamer un Dieu tout à fait inconnu jusqu’à son apparition en Jésus, n’a, de fait, rien produit d’autre qu’un échantillon banal de la mythologie de l’Antiquité tardive. [19] »
9Pour l’Église des premiers siècles, l’enjeu n’était pas uniquement la conservation du lien vital avec les Écrits hébraïques, mais aussi l’intégrité de son discours identificateur en dialogue avec la culture gréco-romaine et ses catégories philosophiques.
Temporalité humaine et divine
10Pour Jenson, la raison pour laquelle la théologie chrétienne s’est aussi facilement détachée de ses racines juives est l’adoption d’une métaphysique de la temporalité dans laquelle l’éternité est comprise comme pure atemporalité [20]. Au contraire, affirme Jenson, « [l]e vrai Dieu n’est pas éternel parce qu’il manque de temps, mais parce qu’il prend le temps [21]. » « Selon Aristote, c’est l’absence de limites qui rend infini ; [en revanche] le Dieu [chrétien] est infini parce qu’il surmonte toutes les limites [22]. »
11Ce point est crucial parce qu’il permet une identification authentique de Dieu par les Écritures, et notamment par les deux événements libérateurs qui constituent la grammaire de cette identification : « Dieu est celui qui a libéré Jésus d’entre les morts, comme il avait auparavant libéré Israël hors d’Égypte [23]. » Comme pour Israël, le Dieu de l’Église est identifiable par des événements particuliers de l’histoire du monde [24]. C’est la raison pour laquelle Dieu est fondamentalement un Dieu jaloux « parce qu’il est authentiquement identifié par les événements temporels de l’exode et de la résurrection […]. Les dieux ordinaires ne se soucient guère de leur identité, tout simplement parce qu’ils ne sont pas impliqués personnellement dans le temps ; en effet, leur divinité réside dans leur immunité au temps, et leurs adorateurs espèrent qu’ils peuvent s’en préserver aussi [25]. »
12La conséquence immédiate de l’implication de Dieu dans la temporalité humaine est qu’une authentification authentique ne concerne pas que le passé – elle se réduirait alors à la quête d’une origine mythique – mais aussi, et plus fondamentalement, le futur [26]. Si l’exode reste l’expérience fondatrice d’Israël, l’exil est cet autre moment dramatique où un nouveau paradigme émerge : « La foi d’Israël devait devenir différente : non plus une confiance en ce qui avait été, mais une espérance en ce qui allait être [27]. »
Narration et cohérence dramatique
13Cette réorientation est fondamentale. Si l’identité de Dieu est liée à la narration biblique, elle doit alors se caractériser par une « cohérence dramatique [28] ». C’est la condition pour que les événements qui s’y rapportent se réfèrent à une même personne [29]. La cohérence dramatique reflète une forme particulière de liberté que possède tout récit. En effet, seule la fin de l’histoire détermine de façon définitive la trajectoire de chaque personnage et le sens de l’intrigue. Par conséquent, une identité narrative ne peut être définitivement établie qu’à partir de la fin de l’histoire et non de son début.
14Si la narration biblique est le seul moyen d’identifier le Dieu d’Israël, alors Dieu « n’est pas éternellement lui-même, dans le sens où il générerait continuellement un commencement dans lequel il serait déjà tout ce qu’il sera à jamais, mais dans le sens où il anticipe sans restriction une fin dans laquelle il sera tout ce qu’il pouvait être [30]. »
Le judaïsme et l’Église au sein d’Israël
Le rassemblement final des croyants
15Ce lien entre passé et futur – et la tension inhérente à l’ouverture induite par la cohérence dramatique – ne trouvera sa résolution qu’à la fin des temps lorsque les promesses faites à Israël seront accomplies.
16Mais c’est précisément là, « au cœur de l’espérance d’Israël » que se trouve, selon Jenson, une « antinomie ». « L’appel d’Israël devait être une bénédiction pour toutes les nations, et les prophètes interprétèrent l’accomplissement de cet appel comme étant le rassemblement des nations en communion avec Israël dans son adoration du vrai Dieu [31]. » Or, depuis l’exil et le report de l’espérance d’Israël sur l’attente d’un messie, « le destin d’Israël ne peut être accompli que par l’achèvement de l’histoire du monde et par le commencement d’une nouvelle réalité [32] ». Mais si l’histoire d’Israël ne peut s’accomplir « que dans une nouvelle création au-delà de cet âge, aucun espace ne semble rester pour un tel rassemblement dans cet âge [33]. »
17La foi chrétienne s’insère à cet endroit précis. Elle a la conviction que le Dieu d’Israël a relevé son serviteur Jésus d’entre les morts et l’a instauré, « même de façon cachée et proleptique », comme Messie d’Israël, et que « cette prolepse a inauguré le rassemblement des païens à Sion [34]. » C’est pourquoi elle affirme que l’espace créé par la résurrection de Jésus rend possible l’accomplissement des promesses faites à Israël.
18L’Église peut ainsi envisager sa place à l’intérieur de l’espace et du temps ouverts par Dieu au moyen de la résurrection pour permettre aux non-juifs de rejoindre Israël dans le cours de l’histoire. C’est ce que Jenson appelle le « détour eschatologique dans la venue du Christ [35]. » En d’autres termes, l’Église doit se comprendre comme un détour.
L’Église comme détour
19L’Église n’est pas le Royaume. Elle est ce que les disciples ont été missionnés de faire dans l’attente du Royaume. Sa réalité obéit à la volonté de Dieu pour la période comprise entre l’ascension et le retour du Christ, pour un temps situé à l’intérieur de l’avènement du Christ [36].
20Envisager l’Église comme détour appelle plusieurs remarques. La première est que cette proposition permet de considérer l’Église autrement que comme un phénomène entièrement nouveau qui n’aurait rien à voir avec l’histoire d’Israël. Au contraire, parler de détour préserve la continuité entre l’Église et l’Israël canonique, même si c’est sous une forme inattendue. « L’Église n’est rien d’autre qu’un détour approprié, si ce n’est imprévisible, dans l’accomplissement des promesses du Seigneur à l’égard d’Israël. » D’ailleurs, fait observer Jenson, « les détours ne sont pas inhabituels dans le dessein global de l’histoire de Yhwh avec son peuple [37]. »
21En deuxième lieu, l’Église n’est « ni une réalisation de l’âge nouveau, ni un élément de l’âge ancien […] [e]lle est précisément un événement au sein de l’événement que constitue l’avènement de l’âge nouveau [38]. » Parler de détour à son propos fait d’elle un événement au sein même d’Israël [39]. La dimension temporelle de cet événement indique également, selon Jenson, que si Dieu a fondé l’Église par la résurrection de Jésus dans l’Esprit [40], il n’a pas voulu que cette résurrection coïncide avec la fin des temps [41]. Ce que l’on appelle parfois le « délai de la parousie » est le laps de temps pendant lequel l’Église peut remplir son rôle. Jenson note que, malgré son intention ironique, la fameuse remarque de Loisy : « Jésus annonça le Royaume, mais c’est l’Église qui est venue [42] » indiquait en fait l’exacte vérité [43]. Jenson renvoie alors à 2 P 3,9 : « Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse […] mais il fait preuve de patience. »
22Troisièmement, l’idée de l’Église comme détour rejoint indirectement une observation critique que Jenson fait au sujet d’une notion très prisée depuis le concile Vatican II : celle du « peuple de Dieu ». L’utilisation de cette catégorie pour désigner l’Église est problématique car elle ne laisse aucun espace en dehors d’elle. Or si l’Église n’est qu’un événement à l’intérieur d’Israël, elle ne peut être identique à la totalité du peuple de Dieu. C’est précisément l’usage qu’en fait le texte biblique : « une recherche dans le Nouveau Testament permet de s’apercevoir bien vite de quelque chose d’assez surprenant : lorsqu’il se réfère au peuple de Dieu, le Nouveau Testament a rarement à l’esprit l’Église. La nation d’Israël continue d’apparaître comme “le peuple” de Dieu, souvent dans des citations de l’Ancien Testament ; et lorsque le Nouveau Testament mentionne l’Église comme peuple de Dieu, cela est fait, dans tous les cas sauf un [1 P 2,9], au moins en partie dans le but de l’identifier avec Israël. » Jenson en conclut : « Ces observations doivent limiter notre utilisation de cette notion et notre appropriation de l’enseignement conciliaire [44]. »
Le judaïsme comme un autre détour
23Cette vision d’un peuple de Dieu qui ne se limite pas à l’Église permet à Jenson d’envisager le judaïsme d’une autre manière. « Si l’Église peut comprendre sa propre histoire comme un détour inclus à l’intérieur de l’unique événement de la venue du Messie, alors la question de l’Église à propos de cette autre communauté, formée par les descendants d’Abraham et de Sarah et par la Torah, reçoit un contexte précis [45]. » Le judaïsme rabbinique peut ainsi être compris par l’Église comme un second phénomène qui a lieu pendant le temps ouvert par l’attente du Messie. Il peut être considéré comme un autre détour : parallèle à l’Église, pas plus exhaustif qu’elle et tout aussi légitime.
24La question est alors : pourquoi deux détours ? La réponse que donne la théologie chrétienne ne peut évidemment pas être acceptée par le judaïsme. En s’appuyant sur l’Épître aux Romains, elle affirme que la descendance d’Abraham et Sarah aurait dû se rallier au Christ ressuscité. Mais cela n’a pas eu lieu. Le mystère reste entier. Toutefois, dit Jenson, « nous ne pouvons pas penser que les événements, à ce moment-là, échappèrent à la providence divine [46]. »
25Dans l’hypothèse où l’Église aurait été l’unique réalité post-résurrectionnelle et que les juifs l’auraient unanimement rejointe, on peut vraisemblablement penser que ces derniers se seraient fondus tôt ou tard dans la grande masse de cette Église à prédominance païenne [47]. Si tel n’a pas été le cas, cela signifie que le judaïsme rabbinique a un rôle particulier à jouer, et que sa spécificité est de maintenir la lignée particulière qui descend d’Abraham et de Sarah durant le temps du détour. Pourquoi ? Parce que, et il faut insister sur ce point avec l’apôtre Paul, les promesses lui appartiennent.
Parole et Torah
26Il faut donc concevoir l’existence de deux détours. L’universalisme du premier, représenté par l’Église, contraste avec le particularisme du second, dont la tâche particulière est de maintenir l’héritage théologico-culturel du milieu dont Jésus est issu. Chaque communauté possède sa propre feuille de route : « Entre la fin de l’Israël canonique et la fin des temps, l’Église attend par la foi en la résurrection de Jésus, et la synagogue attend par l’étude de la Torah, dont la lecture fut conçue par les anciens rabbins précisément pour cette situation d’attente [48]. »
27La théologie chrétienne ne peut cependant considérer une telle proposition comme recevable que si elle est fondée christologiquement. Pour parvenir à le montrer, Jenson part du premier chapitre de l’Évangile de Jean, un des textes fondateurs de la christologie, qu’il résume ainsi : « La Parole, qui était au commencement avec Dieu, est devenue chair, et a habité parmi nous [49]. » Que Dieu parle de toute éternité, et que cette parole soit celle qui s’est incarnée en Jésus, la théologie l’a affirmé depuis longtemps, mais « que dit-il [50] ? ». Quel est le contenu de cette parole ?
28Le parallèle entre le début du quatrième Évangile et Gn 1 permet à Jenson d’affirmer que « [l]a parole que Dieu prononce éternellement est un commandement moral [51]. » En effet, la parole qui était au commencement fait partie du même discours que celui qui est annoncé au peuple [52]. Bien que la théologie juive ne considère pas la parole de Gn 1 comme étant la Torah au sens général, la Parole faite chair en Jésus, est la « parole sortant de la bouche de Dieu » dont l’homme vivra. Et cette parole, comme le rappelle Jésus (Lc 10,26-28) a pour contenu la Torah. Jenson conclut : d’un côté les juifs écoutent la Torah, de l’autre les chrétiens croient en Jésus, la Torah faite chair [53].
Le rôle de l’Esprit
29Comment comprendre le lien qui unit les deux communautés du détour, et comment interpréter l’activité parallèle de l’Église et du judaïsme dans l’attente de l’avènement du Royaume de Dieu ? Selon Jenson, une seule réponse est possible : il convient de l’entendre comme l’œuvre commune de l’Esprit.
30Il faut se souvenir que l’intervention de l’Esprit à la Pentecôte ne fut pas son premier acte libérateur. Dans la Bible hébraïque, le même Esprit établit les prophètes et suscite des juges pour libérer le peuple d’Israël. L’Esprit promis comme vie nouvelle pour les os desséchés d’Israël (Ez 37,5) est identique aux arrhes de la vie eschatologique, présents dans l’Église (2 Co 1,22).
31La présence de l’Esprit rend possible la pérennité de la synagogue aussi bien que celle de l’Église : « aucune structure de continuité, d’un point de vue historique, ne peut maintenir en tant que telle – et nous devons inclure ici la Torah, la circoncision, et les autres garanties nationales d’Israël – la continuité d’un peuple qui a une mission autre que sa propre perpétuation. Israël ne serait pas resté Israël, ni l’Église ou la synagogue ne seraient restées elles-mêmes, si Dieu l’Esprit n’utilisait pas ces structures pour conduire son peuple vers son but final [54]. »
Le corps du Christ ressuscité
32L’Église et la synagogue partagent la même situation dans l’attente de la parousie finale. Elles sont toutes les deux des détours et partageront le même destin, car ces détours prendront fin. À l’avènement du Christ, l’Église sera superflue et son rôle prendra fin. Il en sera de même pour le judaïsme en tant que communauté séparée. Tous deux seront réunis en Dieu pour le louer.
33L’article « Toward a Christian Theology of Judaism », dans lequel Jenson reprend les idées principales développées dans sa Théologie Systématique, se termine avec une dernière proposition – proposition, a-t-il soin de préciser, qui ne peut s’inscrire que dans la logique d’une théologie chrétienne et non juive. Paul enseigne que l’Église est le corps du Christ (Col 1,18 ; Ep 1,22) [55]. Elle est donc, pour le monde, la présence du Christ dans l’attente de la parousie. Mais, interroge Jenson, « de quelle sorte de chair est fait ce corps ? ». Si les deux « détours », l’Église et le judaïsme, sont bien issus de la même volonté divine et animés par le même Esprit, se peut-il que la présence du ressuscité ne soit manifestée que par la seule présence de l’Église et non par la descendance d’Abraham et Sarah ? Au contraire, ne faudrait-il pas penser que pendant toute la durée du détour « l’Église et la synagogue constituent ensemble, et seulement ensemble, la disponibilité présente au monde de Jésus Christ ressuscité [56] » ?
Jenson : la christologie plutôt que la sotériologie
34Les thèses de Robert W. Jenson se distinguent des propositions prudentes généralement avancées dans les dialogues judéo-chrétiens. Certains auteurs, comme Mary C. Boys, tentent de reformuler la relation entre christianisme et judaïsme au profit de ce dernier [57], créant ainsi un nouveau déséquilibre. Contrairement à eux, Jenson ne hiérarchise pas ce rapport. Il refuse également le piège sotériologique : le lien qui unit les communautés ecclésiale et synagogale ne peut être lu à l’aune d’une histoire du salut qui se raconterait de façon unitaire.
35En enracinant solidement le rapport entre les deux communautés non dans la sotériologie mais dans la christologie, Jenson ouvre la possibilité d’une reconnaissance qui ne relève ni de la condescendance ni de la culpabilité. Michael J. Chan fait toutefois remarquer l’ironie de cette situation si l’on songe que la christologie a été précisément la pierre d’achoppement initiale entre judaïsme et christianisme [58].
36Sur ses intentions, Jenson est très clair : ses propositions n’ont pas pour but d’établir un cadre commun de réflexion à partir duquel il serait possible de dialoguer [59]. Non que ce dialogue ne l’intéresse pas – il y a lui-même participé –, mais il refuse toute atténuation des positions théologiques chrétiennes dans le seul but de ménager son partenaire. C’est le cas avec l’idée fréquemment avancée de l’existence de deux alliances complémentaires [60] : l’exemple même d’une solution apparemment séduisante – car elle permet d’expliciter ce qui distingue comme ce qui relie le christianisme et le judaïsme –, qui échoue cependant à définir ce qui fonde l’unité de ces alliances et à rendre compte de la position exclusive (paulienne comme chrétienne) concernant le rôle de Jésus Christ dans l’accomplissement des promesses faites à Israël.
37À propos des dialogues auxquels il a participé, Jenson observe que les « théologiens juifs, par exemple, ne demandent pas aux théologiens chrétiens de compromettre leur interprétation trinitaire de Dieu ni leur croyance en l’incarnation de Jésus le Messie [61]. » C’est seulement ainsi, écrit-il, « que le nouvel échange théologique va aux racines de cet “olivier” duquel tant le judaïsme que le christianisme sont, d’une manière ou d’une autre, les branches ». Notons que l’image paulinienne reprise ici par Jenson n’est pas aussi évidente qu’elle paraît. En effet, le « d’une manière ou d’une autre » constitue un raccourci qui masque le fait que, contrairement à l’Église, le judaïsme rabbinique n’est, ni ne se considère comme, un greffon sur le tronc d’Israël. Quelles que soient par ailleurs les réserves que l’on puisse avoir sur le concept de « détour » [62], il n’en reste pas moins que l’équivalence suggérée par Jenson entre les deux détours gomme un peu hâtivement une différence que Paul lui-même reconnaît. Cet aspect de la construction jensonienne mériterait certainement une élaboration plus minutieuse.
38Le reproche a été fait à Jenson de n’inclure aucune autre communauté dans la proposition qu’il élabore. Notamment de ne pas prendre en compte l’existence actuelle de communautés juives messianiques. David J. Rudolph écrit ainsi : « Jenson doit postuler la non-existence de centaines de synagogues messianiques à travers le monde pour arriver au theologoumenon selon lequel les synagogues non-messianiques sont le seul moyen autorisé par Dieu de préserver le peuple juif [63]. » Il ne faut pas commettre d’anachronisme. Jenson se réfère à la situation des judéo-chrétiens dans l’Église primitive [64], même si cette désignation est controversée [65]. Quelle que soit l’existence présente d’un messianisme juif ou de courants, récents ou anciens, au sein du judaïsme, la proposition de Jenson reste valable et peut même être étendue. Il n’y a rien a priori qui puisse empêcher d’envisager une multiplicité de détours ou de bifurcations. Après tout, dans la pluralité de ses expressions ou de ses convictions, l’Église n’est pas une.
39Que le corps du Christ soit une disponibilité tangible et saisissable sous la forme de l’Église (et du judaïsme) peut également soulever des objections. Suzanne K. Wood comme Ian A. McFarland [66] craignent la disparition de la distance qui sépare l’Église du Christ. Sans entrer dans la réflexion christologique de Jenson, reconnaissons que telle n’a jamais été son intention [67]. En réalité, la position complexe de Jenson résulte premièrement de la très haute idée qu’il se fait de l’Église [68], et deuxièmement de la double thèse selon laquelle, d’une part, le Christ existait avant l’incarnation au sein d’Israël et comme Israël [69] et, d’autre part, son identité divine aurait une priorité logique (mais pas chronologique) sur son identité humaine [70].
40Pour le christianisme, le « non » du judaïsme au Christ demeure un mystère auquel il doit faire face. L’intérêt des propositions avancées par Robert W. Jenson est de prendre ce problème à bras le corps. Envisager l’Église et le judaïsme comme des détours permet à la théologie chrétienne d’aborder cette question en évitant les sentiments ambigus qu’une telle entreprise a souvent suscités. Cette première étape franchie, il reste à approfondir l’idée du Messie dans son rapport à Israël, notamment dans la période qui précède sa manifestation en gloire.
Notes
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[*]
Serge Wüthrich est docteur en théologie (Nouveau Testament) de l’Institut protestant de théologie – Faculté de Montpellier, pasteur de l’Église protestante unie de France (Le Raincy).
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[1]
Martine Andrevon, Vers une théologie catholique du judaïsme. Enjeux et défis générés par Nostra Ætate § 4. Thèse de doctorat canonique en Théologie soutenue à l’Institut catholique de Paris le 19 juin 2014. Rappelons cette phrase du cardinal Water Kasper à propos du texte conciliaire dans sa préface à l’ouvrage de Phillip A. Cunningham et al. (éd.), Christ Jesus and the Jewish People Today : New Explorations of Theological Interrelationships, Grand Rapids, Eerdmans, 2011, p. xiv : « We stand only at the beginning of a new beginning. »
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[2]
Parmi les nombreuses conférences, colloques et publications dédiés à cet événement, notons une livraison spéciale de la revue Recherches de science religieuse 103/3 (2015), consacrée au thème : « Christianisme et Judaïsme depuis Nostra Ætate ».
-
[3]
Du côté de l’Église catholique : Marie-Thérèse Hoch, Bernard Dupuy (éd.), Les Églises devant le judaïsme. Documents officiels 1948-1978, Paris, Cerf, 1980. Conférence Épiscopale française, Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme (16 avril 1973), texte publié dans Documentation Catholique 1631 (1973), p. 419-422. Du côté protestant : Jean-Charles Tenreiro (éd.), Juifs et protestants. Une fraternité exigeante, Lyon, Olivétan, 2015. Pour une évaluation de cette période, voir Jean Dujardin, « Les relations entre chrétiens et Juifs depuis 50 ans », Théologiques 11/1-2 (2003), p. 17-33 ; Florence Ollivry-Dumairieh, « 50 ans après Vatican II », Théologiques 22/1 (2014), p. 189-217.
-
[4]
Sur l’histoire de ces relations, les études sont innombrables. Citons, parmi beaucoup d’autres : Daniel Marguerat (éd.), Le déchirement, Juifs et chrétiens au premier siècle, Genève, Labor et Fides, 1996. Edward Kessler, An Introduction to Jewish-Christian Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2010. Marianne Dacy, The Separation of Early Christianity from Judaism, New York, Cambria Press, 2010. Robert Chazan, Fashioning Jewish Identity in Medieval Western Christendom, Cambridge, Cambridge University Press, 2009. David Nirenberg, Anti-Judaism : The Western Tradition, New York, W. W. Norton & Company, 2013. Marcel Simon, Verus Israël, les relations entre juifs et chrétiens dans l’empire romain (135-425), Paris, E. de Boccard, 19832. Israël Jacob Yuval, « Deux peuples en ton sein ». Juifs et chrétiens au Moyen Âge, Paris, Albin Michel, 2012.
-
[5]
Le concept de « supersessionisme » n’est pas compris ici comme étant le remplacement d’Israël par l’Église – ou la prétention de celle-ci à être maintenant Israël –, mais la possession exclusive par l’Église, depuis la destruction du deuxième Temple, de l’identité de l’Israël canonique. Autrement dit, il désigne l’affirmation qu’il n’existe désormais aucune autre entité voulue ou élue par Dieu en dehors de l’Église. Sur cette question et sur l’histoire de cette position théologique, voir R. Kendall Soulen, The God of Israel and Christian Theology, Minneapolis, Fortress Press, 1996.
-
[6]
James D. G. Dunn (éd.), Jews and Christians : A Parting of the Ways. A.D. 70 to 135, The Second Durham-Tubingen Research Symposium on Earliest Christianity and Judaism, Durham, September 1989, Tübingen, J.C.B. Mohr (Paul Siebeck), 1991. Peter Schäfer, The Jewish Jesus : How Judaism and Christianity Shaped Each Other, Princeton, Princeton University Press, 2012. Shaye J. Cohen, From the Maccabees to the Mishnah, Louisville Kentucky, Westminster John Knox Press, 20062.
-
[7]
Voir les controverses autour des travaux de Daniel Boyarin, La partition du judaïsme et du christianisme, trad. Jacqueline Rastoin, Paris, Cerf, 2011. État des lieux in Adam H. Becker, Annette Yoshiko Reed (éd.), The Ways That Never Parted : Jews and Christians in Late Antiquity and the Early Middle Ages, Minneapolis, Fortress Press, 2007.
-
[8]
David Novak, « From Supersessionism to Parallelism in Jewish-Christian Dialogue », in Carl E. Braaten, Robert W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, Grand Rapids Mich./Cambridge, Eerdmans, 2003, p. 96.
-
[9]
À ce sujet, on peut lire le débat auquel a donné lieu la prise de position de théologiens juifs dans « Dabru Emet : A Jewish Statement on Christians and Christianity », in C. E. Braaten, R. W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, op. cit., p. 179-182, puis la réplique juive que ce texte a entraînée chez Jon Levenson, « How Not to Conduct Jewish-Christian Dialogue », Commentary 112 (2001), p. 31-37, et la réponse donnée par Tikva Frymer-Kensky, David Novak, Peters Ochs, Michael Signer, « Jewish-Christian Dialogue », Commentary 113 (2002), p. 8-21.
-
[10]
Dominique Cerbelaud, « Questions à la théologie chrétienne après la Shoah », Théologiques 11/1-2 (2003), p. 271-283. Bernard Dupuy, « La théologie chrétienne après la Shoah », Istina 36 (1991), p. 291-307. Alistair McFadyen, Bound to Sin : Abuse, Holocaust and the Christian Doctrine of Sin, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Rosemary R. Ruether, Faith and Fratricide : The Theological Roots of Anti-Semitism, New York, Seabury Press, 1974.
-
[11]
Robert W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, The Works of God, New York, Oxford University Press, 1999, p. 193.
-
[12]
Ibid., p. 194.
-
[13]
Ibid., p. 335-336. Robert W. Jenson observe un affaiblissement fréquent des positions chrétiennes dans les dialogues avec le judaïsme et met en garde contre le danger de penser « que le supersessionisme ne peut être évité qu’en restaurant une christologie dans laquelle Jésus ne serait pas tout à fait l’égal du Fils, c’est-à-dire en restaurant une forme d’arianisme ou de nestorianisme. »
-
[14]
Robert W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, The Triune God, New York, Oxford University Press, 1997 ; Id., Systematic Theology. Vol. 2, op. cit. Voir Andrew Nicol, The God of Israël in Robert W. Jenson’s Theology, Thèse, Université d’Otago, 2011. Pour une première approche en français de la théologie de Jenson, voir Christophe Chalamet, « La “liveliness” de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », in Christophe Chalamet, Marc Vial (éd.), Développements récents en théologie trinitaire dans l’aire anglo-saxonne. Textes recueillis et traduits, Berlin, LIT Verlag, coll. « Études de théologie et d’éthique 5 », 2014, p. 131-142 ; Serge Wüthrich, « “Par et avec” : l’identité trine et narrative de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », Positions luthériennes 63/1 (2015), p. 55-70.
-
[15]
« Dans les prochaines décennies, de puissantes forces historiques vont rapprocher encore plus le judaïsme et l’Église, et s’ils doivent tenir debout ensemble, ils doivent savoir pour quelles bonnes raisons ils doivent le faire. » Robert W. Jenson, « Reversals », in David Heim (éd.), How My Mind Has Changed. Essays from the Christian Century, Eugene Oregon, Cascade, 2012, p. 48.
-
[16]
Le livre de Robert W. Jenson, The Triune Identity : God According to the Gospel, Philadelphia, Fortress, 1982, est entièrement consacré à cette recherche. Cette affirmation centrale de son projet théologique et sa justification sont présentées chez Scott R. Swain, The God of the Gospel : Robert Jenson’s Trinitarian Theology, Downers Grove, IVP Academic, 2013 ; Veli-Matti Kärkkäinen, The Trinity : Global Perspectives, Louisville/Londres, Westminster John Knox Press, 2007, p. 162-177.
-
[17]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 43.
-
[18]
Ibid., p. 42.
-
[19]
Ibid., p. 42-43. Jenson ajoute : « Très tôt, cette tentation a été repoussée dogmatiquement avec le rejet de Marcion. Néanmoins, elle demeure pour l’Église l’occasion la plus régulière d’apostasier. »
-
[20]
Serge Wüthrich, « L’infinité temporelle de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », Positions luthériennes 63/4 (2015), p. 375-390.
-
[21]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 217.
-
[22]
Ibid., p. 216 : « In Aristotle’s understanding, something would be infinite because it lacked all boundaries ; […] God is infinite because he overcomes all boundaries ».
-
[23]
Ibid., p. 63.
-
[24]
Jenson ne se limite pas à identifier Dieu par les événements de l’histoire d’Israël. Il l’identifie aussi avec eux. S. Wüthrich, « “Par et avec” : l’identité trine et narrative de Dieu dans la théologie de Robert W. Jenson », art. cit. Le supersessionisme est une atteinte non seulement à l’alliance de Dieu avec Israël, mais également à l’identité divine si celle-ci est liée aussi bien à l’histoire d’Israël qu’à l’histoire de Jésus.
-
[25]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 47.
-
[26]
Sur ce point, Jenson rejoint les théologies eschatologiques modernes (Wolfhart Pannenberg, Jürgen Moltmann, Johannes Metz, etc.).
-
[27]
Robert W. Jenson, God after God. The God of the Past and the God of the Future As Seen in the Work of Karl Barth, Minneapolis, Fortress Press, 20102, p. 17.
-
[28]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 55, 64-66.
-
[29]
Ibid., p. 64. S. R. Swain, The God of the Gospel, op. cit., p. 89. V.-M. Kärkkäinen, The Trinity, op. cit., p. 169-170.
-
[30]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 66.
-
[31]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170.
-
[32]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 85.
-
[33]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170 (je souligne).
-
[34]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », in C. E. Braaten, R. W. Jenson (éd.), Jews and Christians. People of God, op. cit., p. 4.
-
[35]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 171.
-
[36]
Jenson insiste sur ce point. Même si l’on parle parfois de la seconde venue du Christ dans le contexte du messianisme néotestamenaire, il n’y a, à proprement parler, qu’une seule venue du Messie : « le temps de l’Église, le temps de l’Ascension, n’est pas le temps entre deux venues ; ma1is il doit être compris comme un temps à l’intérieur d’un seul et unique avènement » (R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 7).
-
[37]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 171.
-
[38]
Ibid.
-
[39]
Ibid., p. 183.
-
[40]
Ibid., p. 191 : Jenson ne situe pas la fondation de l’Église à la Pentecôte mais à Pâques, en gardant toutefois un fort lien entre ces deux événements afin de lui garantir un fondement christologique et pneumatologique.
-
[41]
Ibid., p. 171 : « Si la résurrection de Jésus avait été immédiatement la fin, la mission d’Israël aurait été annulée. »
-
[42]
Alfred Loisy, L’Évangile et l’Église, Paris, A. Picard et fils, 1902, p. 153.
-
[43]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 170.
-
[44]
Ibid., p. 191.
-
[45]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 8.
-
[46]
Ibid.
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[47]
Jenson cite le conflit à Antioche entre Paul et Pierre comme exemple de la difficulté d’une cohabitation pacifique qui respecte les différences. Ce qui « fait tenir ensemble » les descendants d’Abraham et de Sarah dans un peuple identifiable, c’est leur relation particulière à la Torah. Sans cela, ils auraient complètement disparus au sein des nations. Il est en effet raisonnable de penser que cette forme de fidélité à l’égard de la Torah n’aurait pu être maintenue dans l’environnement majoritairement païen de l’Église. L’Église, elle aussi se distingue des nations – même si parfois elle s’est tout simplement fondue dans son environnement – mais non pas par sa relation particulère à la Torah. La question est alors : « La Loi peut-elle être abolie dans son rôle de créer une différence ? » (ibid., p. 9-11).
-
[48]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 194.
-
[49]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 12.
-
[50]
Ibid.
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[51]
Ibid. Jenson rappelle que Dieu crée en disant : « Que cela soit,… et que cela soit bon. »
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[52]
Ce parallélisme se trouve dans le Ps 147.
-
[53]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 12. R. W. Jenson, The Triune Identity, op. cit., p. 13.
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[54]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 194.
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[55]
Selon Jenson, l’ecclésiologie du xxe siècle s’est fourvoyée en utilisant « peuple », « temple » et « corps » comme des tropes sur lesquels il fallait mettre plus ou moins l’accent. Si « temple » est clairement une comparaison, « peuple » n’est ni une comparaison ni une métaphore. Quant au « corps », Jenson affirme que Paul, correctement interprété, ne lui donne pas non plus le statut de métaphore. « L’Église est le corps du Christ » est une proposition. Elle est une identification ontique. « L’Église est ontologiquement le corps du Christ ressuscité ». R. W. Jenson, Systematic Theology, Vol. 1, op. cit., p. 204-205.
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[56]
R. W. Jenson, « Toward a Christian Theology of Judaism », art. cit., p. 13.
-
[57]
Mary C. Boys, Has God Only One Blessing ? Judaism as a Source of Christian Self-Understanding, New York/Mahwah, Paulist Press/Stimulus Books, 2000, déconstruit l’anti-judaïsme et le supersessionisme de l’Église, qu’elle traque dans tous ses lieux de prédilection – l’Écriture, la théologie, la liturgie, la louange, l’enseignement –, et tente d’offrir un nouveau récit qui puisse la ré-éduquer : « Re-educating Ecclesia » (ibid., p. 267-277), sans toutefois apporter autre chose au niveau théologique que ce mea culpa et une reconnaissance de plein droit de l’Israël canonique.
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[58]
Michael J. Chan, « Reflecting on Roots : Robert Jenson’s Theology of Judaism in a Pentecostal Key », Journal of Pentecostal Theology 20 (2011), p. 31.
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[59]
Alice Priest, « The Catholic Church’s Theological Approach to other Religions : From Conversion to Conversation », Australian eJournal of Theology 9 (2007).
-
[60]
Parmi les défenseurs classiques de cette idée, citons J. Coert Rylaarsdam, « Jewish-Christian Relationship : The Two Covenants and the Dilemmas of Christology », Journal of Ecumenical Studies 9 (1972), p. 239-260 ; James Parkes, Prelude to Dialogue : Jewish-Christian Relationships, New York, Schocken Books, 1969 ; Rosermary Radford Reuther, « An Invitation to Jewish-Chrisitan Dialogue : In What Sense Can We Say that Jesus Was “The Christ” ? », The Ecumenist 10 (1972), p. 17-24. Voir également Irving Greenberg, For the Sake of Heaven and Earth : The New Encounter between Judaism and Christianity, Philadelphie, Jewish Publication Society, 2004 ; Yeḥezkel Kaufmann, Christianity and Judaism : Two Covenants, Jérusalem, Magnes Press, Hebrew University, 1988 ; Alan Brill, Judaism and World Religions : Encountering Christianity, Islam, and Eastern Traditions, New York, Palgrave Macmillan, 2012.
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[61]
Carl E. Braaten, Robert W. Jenson, « Introduction », in Id., Jews and Christians. People of God, op. cit., p. viii.
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[62]
Le terme de « détour » convie l’idée d’un accident de parcours, d’un problème soudain qui nécessite d’emprunter un nouveau chemin. Si la venue des païens au sein d’Israël prend une nouvelle tournure après la destruction du Second Temple, et si l’on admet que rien n’échappe à la volonté divine, alors cette vision d’un accident de parcours n’est peut-être pas la plus adéquate. Le terme de bifurcation serait peut-être plus approprié.
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[63]
David J. Rudolph, « Messianic Jews and Christian Theology. Restoring an Historical Voice to the Contemporary Discussion », Pro Ecclesia 14/1 (2005), p. 60.
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[64]
Le théologien juif Michael Wyschogrod le reconnaît aussi : historiquement, la domination païenne dans l’Église a rendu difficile, voire impossible l’existence d’une communauté qui puisse préserver ses particularités, notamment en matière d’interprétation de la Loi. Michael Wyschogrod, Abraham’s Promise : Judaism and Jewish-Christian Relations, Grand Rapids, Eerdmans, 2004, p. 207, cité in M. J. Chan, « Reflecting on Roots : Robert Jenson’s Theology of Judaism in a Pentecostal Key », art. cit., p. 31.
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[65]
Un état des lieux est dressé in Matt Jackson-McCabe (éd.), Jewish Christianity Reconsidered : Rethinking Ancient Groups and Texts, Minneapolis, Fortress Press, 2007. Jonathan Bourgel, D’une identité à l’autre ? La communauté judéo-chrétienne de Jérusalem (66-135), Paris, Cerf, coll. « Judaïsme ancien et Christianisme primitif », 2015.
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[66]
Susan K. Wood, « Robert Jenson’s Ecclesiology from a Roman Catholic Perspective », in Colin E. Gunton (éd.), Trinity, Time, and Church : A Response to the Theology of Robert Jenson, Grand Rapids, Eerdmans, 2000, p. 181-182. Ian A. McFarland, « The Body of Christ : Rethinking a Classical Ecclesiological Model », International Journal of Systematic Theology 7 (2005), p. 232-237.
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[67]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 2, op. cit., p. 167, 213. S. K. Wood, « Robert Jenson’s Ecclesiology from a Roman Catholic Perspective », art. cit., p. 183.
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[68]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 13 : « Le Dieu de l’Évangile peut-il être vraiment un objet pour nous, c’est-à-dire quelque chose que nous voyons, entendons et pouvons nous représenter ? Il peut l’être si la voix que nous entendons, la voix de l’Évangile, qui témoigne de la résurrection est la voix même de Dieu, et si les objets que cette voix nous appelle à prendre en considération – le pain et la coupe, le bain baptismal et les autres incarnations factuelles de l’Évangile dans l’Église – constituent sa propre objectivité. Autrement dit, l’Évangile de Dieu ne peut être un objet pour nous que si Dieu est ainsi identifié par Jésus ressuscité et par sa communauté de sorte qu’il soit identifié à eux. »
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[69]
Ibid., p. 141. Robert W. Jenson, « Christ as Culture 1 : Christ as Polity », International Journal of Systematic Theology 5/3 (2003), p. 326.
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[70]
R. W. Jenson, Systematic Theology. Vol. 1, op. cit., p. 141, n. 85. Notons le refus catégorique de Jenson concernant le Logos asarkos : Id., « Once More on the Logos asarkos », International Journal of Systematic Theology 13/2 (2011), p. 130-133.