1Comment résumer les évolutions récentes de la mort et du deuil ? Pour reprendre une formule de Michel Vovelle [1] je dirais que « nous sommes passés de la mort solidaire à la mort solitaire ». La conception de la mort en France, celle qui procède de notre connaissance culturelle, provient très largement de toute la conception du XIXe siècle et du début du XXe. Mais tout a changé, nous vivons actuellement une véritable révolution dans le domaine funéraire. Il y a une mutation profonde de la relation avec la mort : avec les évolutions démographiques, les modifications des causes de la mort elle-même, la perte des repères religieux ; songeons qu’il n’y a plus que 14% des français qui se déclarent pratiquants, et certainement moins qui le sont réellement. Et puis, il y a l’émergence de nouvelles croyances en France auxquelles la société doit répondre. Enfin, nous pouvons constater le développement spectaculaire de la crémation. Tout cela fait que nous sommes effectivement dans un véritable contexte de révolution sociétale dans notre rapport à la mort.
La mort, un tabou ?
2Avant toute chose, je voudrais toucher du doigt le fait que la mort, la vraie, a disparu de notre société. On peut avoir l’impression de la voir de plus en plus au travers des médias, mais c’est largement un leurre.
3Bien sûr, on meurt tout le temps dans les téléfilms, les films et les séries à la télévision ! Bien sûr, pour nos enfants qui jouent aux jeux vidéo, la mort du joueur advient plusieurs fois par heure dans quasiment tous les jeux. Posons-nous d’ailleurs la question de savoir quels repères ils ont quand ils perdent leur grand-mère …
4Bien sûr, on scénarise de plus en plus les morts de notre société sortant de l’ordinaire : les morts célèbres (hommes politiques, people), mais aussi les victimes de faits divers. Bien sûr, on n’hésite pas à montrer la mort des étrangers ; un terroriste irakien, en pleine face à la télévision à une heure de grande écoute. Les entassements des morts du tsunami. Cela ne gène absolument pas de les montrer à la télévision quand les enfants sont là.
5Mais qui a vu, à la télévision, la mort ordinaire d’une personne « normale », de quelqu’un qui pourrait être un proche ? Je voudrais juste vous laisser 2 secondes devant cette photo [2] je suis sûr qu’elle vous met mal à l’aise. Je suis certain qu’il y en a parmi vous qui se posent la question de savoir si c’est un vrai mort. Est-ce que le photographe s’est rendu dans une chambre mortuaire pour nous montrer cela ? Le simple fait que l’on puisse se poser cette question et être mal à l’aise montre combien la mort a disparu de notre société. Combien y a-t-il d’enfants, de jeunes adultes de 20 ans qui ont déjà vu un mort ? Alors qu’il y a 50 ans, lorsqu’un voisin mourrait, tout le monde y allait, on le visitait, le veillait, cela faisait partie de la vie. C’est bien un signe que la mort est devenue taboue. Karine Lemarchant, la présentatrice de télévision, avait monté une émission qui s’appelait Les tabous de … Qu’il s’agisse de la prostitution, du plaisir féminin, de l’homosexualité, etc. Ces sujets n’étaient en réalité plus des tabous ! Seul le sujet qui concernait la mort a choqué. D’ailleurs, ce fut l’avant-dernière émission avant un arrêt définitif. À la télévision, le sexe ne pose plus de problème, la mort d’évidence, si. Peut-être est-ce que c’est la mort qui est devenue la nouvelle pornographie.
Une perte, de visibilité de la mort
6Révolution également dans les pratiques sociales. La mort était très présente au début du XXe siècle. Dans les usages d’il y a à peine un siècle, la perte d’un parent entraînait 2 ans en deuil. Si l’on perdait un cousin, c’était au moins 9 mois. Globalement, on passait un tiers de sa vie en deuil, que ce soit grand deuil ou demi-deuil ! Si vous en avez l’occasion, passez devant la mairie du XXe arrondissement vous verrez une enseigne d’un ancien magasin intitulée « rayon de mode, fantaisie et deuil ». Parce que, quand on n’était pas en deuil, c’était la fantaisie. Tout cela n’est pas si vieux.
7Aujourd’hui lorsqu’une personne est en deuil, qu’elle vient de perdre un proche, rien ne doit transparaître, on se cache, on ne le montre pas, on n’ose pas gêner avec sa peine. La jeune femme qui vient de perdre sa mère, son conjoint ou même un enfant, se sent obligée de redevenir l’executive woman qu’elle était dès le lendemain, de reprendre de plain-pied sa vie professionnelle, sans aucun signe extérieur qui lui permette de communiquer avec les autres sur le fait qu’elle a des raisons de ne pas être tout à fait bien. De ce fait, le corps social a beaucoup de mal à lui apporter son soutien. On n’a jamais autant demandé « comment ça va » et aussi peu souhaité entendre « ça ne va pas bien, je viens de perdre mon conjoint ».
Des changements de repères
8Notre société a perdu ses repères et ses sachants du fait de cette extériorisation de la mort de notre société. Par ailleurs, la mort n’est plus le terme normal de la vie. Jusqu’au début du XXe siècle, il y avait dans les nomenclatures médicales « mort de mort naturelle » ou « mort de vieillesse ». Aujourd’hui, cela n’apparaît plus sur les certificats, la mort naturelle n’existe plus. On meurt largement parce que la médecine l’a décidé, comme je vais vous le montrer, ou parce qu’elle n’a pas su soigner la rate, le cœur, le cerveau ou quelque organe. J’ai été frappé dernièrement par la lecture d’un ouvrage de Céline Lafontaine, une sociologue canadienne, qui s’appelle la société post mortelle.
9Avant, le pouvoir c’était le droit de vie ou de mort, enfin surtout le droit de mort, on n’hésitait pas à exécuter les condamnés.
10Aujourd’hui les politiques publiques visent essentiellement à prolonger la vie au travers des interdictions comme concernant la vitesse, le tabac ou les drogues, des recommandations comme faire du sport, manger 5 fruits par jour, etc. et la prévention avec des campagnes de vaccination ou de dépistage. Chaque fonction vitale a son thérapeute, son spécialiste.
11Et maintenant, on voit apparaître le droit à mourir. Il y a des associations pour le droit à mourir ! Ce changement d’orientation doit susciter une vraie interrogation sur notre société moderne.
Un désir de maîtrise
12Dans un contexte de toujours plus grande technologisation de notre société, où tout doit être sous contrôle, la mort elle-même doit être sous contrôle. De l’ordre de 85 à 90% des décès se produisent hors des domiciles, 75% ont lieu dans un contexte médicalisé, et entre 25 et 50% des décès sont consécutifs à une décision médicale. C’est une étude du Lancet en 2003 qui le montre. Par décision médicale, on entend soit un arrêt de soins, soit un soulagement de la douleur avec des médicaments à des doses telles que cela précipite le décès (c’est en France, la loi Léonetti), soit l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté. Dans un peu plus d’un tiers des cas, non seulement on ne meurt plus de mort naturelle, mais on meurt parce que la médecine l’a décidé.
13Ce contrôle que l’on veut avoir sur l’être humain, sur la vie avant la mort, s’étend jusqu’après la mort. La crémation est bien, quelque part, la démonstration même de cette volonté de tout contrôler jusque par-delà la mort. En créant le premier crématorium, celui du Père Lachaise, c’était bien une maîtrise technologique qui était visée. Les gravures du journal l’Illustration de l’époque montrent bien les 2 immenses cheminées industrielles et une approche technologique des pratiques : c’est une usine.
14La société veut maîtriser jusqu’à la mort. Elle se refuse à la laisser aux caprices de la nature. Et la progression de la crémation ne risque pas de s’arrêter. Cette pratique, qui était resté réservée à des militants il y a à peine plus d’une génération (0.4% en 1975), est devenue un phénomène qui progresse de façon extraordinaire puisque nous dépassons les 30% cette année. Quand on interroge actuellement les gens pour savoir quelles sont leurs volontés pour leurs propres obsèques, une très large majorité souhaite une crémation (sondage IPSOS Services funéraires 2008).
La population change…
15Devant ces phénomènes, il faut essayer de discerner toutes les causes et il est intéressant de regarder les évolutions démographiques récentes. Depuis ½ siècle, nous avons gagné chaque année un trimestre d’espérance de vie, une année tous les 4 ans ! C’est quelque chose d’extraordinaire ; pendant des millénaires l’espérance de vie a stagné à moins de 25 ans. Au début du XXe, elle était encore à 45 ans, et puis elle a doublé d’un seul coup pour atteindre plus de 80 ans (83 ans pour les femmes, 77 ans pour les hommes).
16Par ailleurs, la mortalité infantile a été quasiment éradiquée. Je rappellerai juste un chiffre : la canicule de 1911 a provoqué 20 000 morts d’enfants. Imaginez seulement qu’il y ait eu 200 morts d’enfants en 2003, le gouvernement serait tombé. La naissance était largement liée à la mort avec toutes les morts en couche et puis la mortalité périnatale qui était très forte ; encore en 1950, 1 enfant sur 20 mourait avant l’âge d’un an. 1950, ce n’est pas si vieux que ça. Actuellement, la mortalité des enfants de moins d’un an est de l’ordre de 0,3%, quinze fois moins qu’il y a une génération.
… les causes de la mort également
17Et puis, la mort a changé de nature : au début du XXe siècle, en 1925, il y avait 2 fois plus de décès qui étaient dus à des maladies infectieuses qu’à des cancers. La maladie infectieuse, la grippe par exemple, c’était quelque chose qui arrivait, touchait tout le monde et heureusement en laissait beaucoup indemne. C’était une cause familière. En 2000, il y a 40 fois plus de décès consécutifs à des cancers qu’à des maladies infectieuses. On peut dire que la maladie infectieuse a été éradiquée. À noter que tous les chiffres que je vous cite sont basés sur les données de l’Europe occidentale. Rappelons-nous que l’espérance de vie, en Afrique, a décru au cours de ces trente dernières années.
18Avec la vieillesse, on a aussi la prévalence des maladies dégénératives qui précèdent la mort : Alzheimer, Parkinson, etc. Mais, en contrepoint de ces morts dont la survenue s’éloigne, s’exacerbe la brutalité et l’individualité des morts traumatiques qui peuvent être des accidents ou des décès dus à des causes cardio-vasculaires. Finalement, d’une cause principale qui était la maladie infectieuse qui était commune, qui concernait tout le monde et qui était souvent bénigne, on est passé à des causes individuelles et inquiétantes. Étonnons-nous que la mort sorte de notre quotidien, qu’on veuille l’éloigner, qu’elle devienne taboue.
Une nouvelle attitude face à la mort
19Du fait de ces évolutions démographiques, l’attitude face à la mort n’est plus universelle. Auparavant, nous avions un prêt à penser quand il s’agissait de notre attitude face au deuil. Maintenant, les situations peuvent être singulièrement différentes :
- la mort des personnes très âgées (quand une personne de 75 ans organise les obsèques d’un parent qui en avait 98, la relation à la mort est forcément différente).
- les morts anticipées (quand quelqu’un est depuis 10 ans dans une institution atteint d’un Alzheimer et qu’il n’a plus aucun lien, cette personne est morte socialement largement avant la mort physique).
- les soins palliatifs, qui est un service absolument extraordinaire de l’hôpital où, enfin, on réinvestit l’humain ; on y accompagne la personne et non pas la maladie, et on accompagne non seulement la personne, mais également l’entourage. Du coup, les gens qui entrent dans ce type de service savent qu’ils en sortiront quelques jours ou semaines plus tard les pieds devant. En étant préparé au dénouement, l’entourage va venir voir les services funéraires pour faire des devis en prévision du décès parce qu’il assimile le décès avant même qu’il ne se produise.
Une adaptation nécessaire des rituels
20Tout cela s’accompagne d’une révolution dans les rituels du deuil. Autrefois, nous avions un schéma incontournable. On mourrait au domicile où se tenait la veillée, ensuite il y avait le convoi, puis l’église et enfin le cimetière. La société avait des repères. Maintenant, les morts à domicile et les veillées ont largement disparu. On a vu que 75% des personnes décédaient dans une structure médicalisée et 90% hors du domicile. Ensuite, sur les convois, ce n’est rien de dire qu’il y a une disparition de la pompe. Rappelons-nous les tentures devant les maisons et les églises. Rappelons-nous les convois à chevaux avec toutes les voitures. Maintenant on assiste parfois, en tant que professionnel du funéraire, à des moments terribles : 2 personnes pour toute assistance, la veuve et le fils. Et puis, il y a les personnes seules, comme nous l’a montré la canicule de 2003, pour lesquelles personne ne s’occupe des obsèques. Cela représente 250 personnes par an à Paris. À Lille, c’est une quarantaine de personnes, Lyon c’est 100 personnes. Il y a des collectifs qui s’occupent d’accompagner les personnes esseulées notamment le collectif des morts de la rue représenté ici par Pedro Meca. Ainsi, le corps social accompagne ces gens que leur famille n’accompagne pas.
21Surtout, il y a le terrible direct hôpital -> cimetière. Le corbillard part de la chambre mortuaire de l’hôpital où il ne s’est rien passé et se rend directement au cimetière. Les fossoyeurs enterrent et puis rien ! Le vide sidéral et sidérant. À Paris, mais aussi dans nombre de grandes villes, moins de 50% des convois passent encore par un lieu de culte, alors que c’étaient plus de 80% il y a encore quelques années.
22Les acteurs du funéraire, doivent maintenant s’adapter aux particularismes religieux, aux demandes laïques car ce n’est pas parce qu’on n’est pas croyant qu’on n’a pas besoin de rites. S’agissant de la crémation et du devenir des cendres, il faut gérer cette demande de simplicité qui est souvent une demande du défunt lui-même mais qui ne correspond pas forcément aux besoins de ceux qui restent.
23Pendant des millénaires, les rites et la spiritualité autour de la mort étaient réglés par la religion. Mais observons le sondage IPSOS des Services Funéraires – Ville de Paris, que vous pouvez trouver sur notre site Internet ou sur celui d’IPSOS: 4 français sur 10 se déclarent athées ou non croyants, et l’échantillon est représentatif de la France entière, ce n’est pas un phénomène parisien. Quant aux personnes qui se déclarent croyantes, elles sont moins de 14%. Pour tous ceux qui sont actuellement croyants mais non pratiquants, quel sens ont les rites religieux au moment de la mort ? Pas grand-chose …
24Enfin, il y a les nouvelles croyances ; la France étant le pays d’Europe ayant la plus grande diversité cultuelle. Il y a les bouddhistes, les hindous, les protestants calvinistes et luthériens et, ce que l’on sait moins, les évangélistes qui représentent plus de 50% des protestants. Nos personnels ont affaire à des repères très différents car la conception de la mort par les orientaux n’est pas du tout la même que la nôtre. De plus, avec les mariages mixtes, on assiste parfois à des syncrétismes surprenants. Il faut savoir que près de 10% des personnes qui se déclarent catholiques croient en la réincarnation [3] !
La crémation est désormais un vrai choix
25On a vu le développement spectaculaire de la crémation en France. Ce développement de la crémation est important dans toute l’Europe. Dans les pays scandinaves, bien sûr, mais également la Suisse notre voisine (+ de 70% de taux de crémation), l’Angleterre, 73% de taux de crémation (90% dans le grand Londres), le Danemark 73% de taux de crémation (95% dans le grand Copenhague). Dans ces pays là, l’inhumation est devenue marginale. Certains pays du Sud comme l’Italie sont à 10%, mais mon collègue de Milan me rapportait, il y a peu de temps, que dans sa Ville le taux de crémation s’établit à 55%.
Le statut des cendres
26Les cendres ne sont plus un corps, cela constitue une vraie perte de repères. Auparavant, on allait au cimetière et on mettait le mort dans un endroit qui lui était dédié, ceint de grands murs, et sous une grosse pierre tombale pour bien montrer la séparation entre les morts et les vivants. Ceci constitue notre fond culturel, ce sont nos repères à tous. Même les urnes des crématistes étaient inhumées. Allez faire un tour juste derrière le crématorium du Père Lachaise, vous verrez ces petites tombes qui étaient des sépultures pour les personnes qui avaient fait l’objet d’une crémation au début du XXe siècle. Aujourd’hui, avec les nouvelles pratiques mémorielles, les repères se dissolvent. On peut mettre les cendres dans des cases de columbarium, dans un cavurne, on peut disperser en mer (quelles traces ?), il a des rosiers et des galets du souvenir, on peut ramener l’urne à la maison. Dans ce contexte, comment se séparer lorsque le mort, au lieu d’être chez les morts, est chez soi ? Il a encore plus farfelu comme le changement d’état : 2 entreprises en Europe proposent le changement des cendres en diamants !
Quelle considération pour les vieux ?
27Autrefois, il n’y a pas si longtemps, la mort était le passage de flambeau, rappelez vous la fable de Lafontaine « Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. » La mort, c’était un passage de témoin, le laboureur a des valeurs à transmettre à ses enfants.
28Aujourd’hui, quel sens pour l’héritage quand les gens qui héritent sont déjà à la retraite ? Cette évolution s’est produite en ½ siècle. Les personnes âgées se sentent maintenant une charge pour leur proche. Lors de l’étude CREDOC faite en juin 2007, lorsqu’on demandait aux gens leur motivation dans le choix de la crémation, 35% ont répondu « pour ne pas embarrasser ma famille ». Très largement devant les raisons écologiques (24%) ou la peur de la décomposition en terre. Cela montre que les personnes âgées n’ont plus le même statut dans notre société.
29Il y a aussi le développement spectaculaire des contrats obsèques, toujours dans le même sondage IPSOS Services Funéraires, nous avons posé la question suivante : « qui doit prendre en charge le coût des obsèques ? » Il existait un item qui était « la famille car il est normal que les enfants s’occupent des obsèques de leurs parents ». Nous pensions que celui-ci serait largement plébiscité ? Eh bien non, ce qui est sorti très majoritairement c’est « le défunt lui-même avec un contrat d’obsèques » ; dans notre société moderne, ce sont les vieux qui doivent s’occuper de leur propre mort ! Ce n’est plus le devoir les enfants.
En conclusion
30En 2008, la mort qui était si familière à nos aïeuls, est devenue une grande inconnue avec des repères qui s’évanouissent de partout. Notre société a perdu ce savoir collectif des rites autour du deuil qui se transmettait de génération en génération. Nos références culturelles ne peuvent plus nous aider puisque, quand on a des phénomènes aussi évolutifs que celui de la crémation (qui passe en une génération d’une pratique marginale à une pratique majoritaire), le temps d’assimilation est beaucoup trop court pour faire évoluer les mentalités. Les sachants n’existent plus en dehors des professionnels. Il n’y a plus ces personnes qui savaient ce qu’il fallait faire quand survenait un deuil, qui faisaient la toilette, organisaient la procession, préparaient le dîner d’après funérailles, etc. Il n’y a plus aujourd’hui que les professionnels. Il faut absolument que la société réfléchisse à construire collectivement de nouveaux repères parce que l’on met beaucoup de responsabilités éminemment sociales sur les épaules des services funéraires. Devant cette perte de repères, les familles n’ont plus que nous comme balise. Elles nous demandent d’endosser un rôle plus large de conseil, parfois un rôle spirituel. Avant, la pompe funèbre, c’était largement l’ordonnancement des convenances. Maintenant, il faut accompagner chacun en fonction des causes du décès, des croyances des gens, de leur rapport à la mort, dans une singularité qui est toujours plus singulière. Il y a un glissement des pompes funèbres vers les services funéraires.
31Mais, se pose une question de fond, quand les familles demandent aux professionnels du funéraire d’avoir un rôle spirituel, quand elles leur demandent de célébrer des cérémonies laïques. Si, pour reprendre le titre du dernier livre de André Comte Sponville, il y a sans doute bien un esprit de l’athéisme, on peut se demander où sont les officiants de l’athéisme ? Quelle est la légitimité des professionnels du funéraire, qui sont pour la plupart des entreprises commerciales, à accompagner spirituellement des personnes en deuil ? Ceci est une vraie question posée à la société.
32Préface Didier Sicard,
33Postface Bertrand Delanoë aux Éditions Vuibert
Mots-clés éditeurs : évolutions récentes, pompes funèbres, mort, funéraire, deuil
Mise en ligne 22/03/2011
https://doi.org/10.3917/eslm.137.0117