On connaît bien les controverses qui ont opposé Moses Mendelssohn à Johann Kaspar Lavater à la fin du XVIIIe siècle. Mendelssohn défendait sa propre conception de la tolérance contre un Lavater qui était certes un admirateur des écrits du philosophe juif, mais qui l’enjoignait néanmoins de se convertir au christianisme. On se souvient aussi du débat enflammé qui a opposé les historiens Heinrich von Treitschke et Theodor Mommsen. Le Berliner Antisemitismusstreit est devenu l’un des marqueurs de l’antisémitisme wilhelminien autour duquel vont se cristalliser deux positions antagoniques : les partisans de Treitschke reprenaient le reproche traditionnel du manque d’empressement des juifs à s’assimiler, partant de se christianiser, tandis que ses contradicteurs Mommsen, Droysen, Gneist et Virchow rejetaient l’accusation selon laquelle les juifs « cosmopolites » constituaient un ferment de décomposition de la nation allemande.
Est-il possible de prétendre que la polémique qui a opposé autour de 1510 l’humaniste Johannes Reuchlin à son contradicteur, le juif converti Johannes Pfefferkorn, autour de la nécessité ou non de brûler des textes écrits par des juifs, a inauguré en Allemagne ce grand courant de tolérance qui a produit près de deux siècles plus tard une pièce de théâtre comme Nathan le Sage ? Ce serait aller un peu vite en besogne et les controverses des XVIIIe et XIXe siècles que nous venons de citer nous démontrent à l’envi que l’on aurait tort de penser que l’histoire de la tolérance dans le monde, et singulièrement en Allemagne, s’apparente à une ligne droite et continue, elle nous enseigne au contraire que les retours en arrière et les hoquets « décivilisationnels » sont plus fréquents que les avancées « progressistes »…
Cet article est en accès conditionnel
Acheter cet article
3,00 €
S'abonner à cette revue
À partir de 92,00 €
Accès immédiat à la version électronique pendant un an
4 numéros papier envoyés par la poste