Couverture de ETAN_663

Article de revue

Staging Everyman. A “Dance of Life,” or of the use of medieval drama to re-energize our contemporary stage

Pages 388 à 401

1In 2008, the Centre Dramatique Régional de Haute-Normandie (Théâtre des Deux Rives), and its artistic director, Élizabeth Macocco, in Rouen, asked me to develop a triptych of Edward Bond plays for young people, to be performed by artists selected within a “compagnonnage” whereby young trainee actors perfect their art through permanent residence in a major professional theatre. The first two productions were The Balancing Act (wr. 2003) and Tune (wr. 2007), two of Bond’s plays for “Theatre-in-Education,” which toured in more than forty “collèges” and “lycées” in Normandy.

2For the triptych’s last panel, I planned the French première of a less contemporary of Bond’s plays: Stone, a parable on injustice and cultural oppression written in agit-prop form for the activist London company Gay Sweatshop, in 1976. My purpose was to confront this play with its early Renaissance reflex: Everyman, in a double bill sweeping across centuries of popular theatre innovation and practice. In a rather provocative, impish spirit, I savoured the challenge of bringing into French schools a forgotten play from a forgotten period, “le Moyen Âge,” a period of history and culture crassly bedeviled, misconstrued and travestied during centuries of sectarian French secularism —even to this very day.

3Everyman (Tout-Homme) was premièred in March 2012. The production was rehearsed in ten days’time, with a professional actor, Thomas Schetting, playing Everyman, six young actors from the third year “compagnons,” and most important, with five lycéens from local schools in the parts of God, Death, Fellowship (doubled) and Knowledge.

4This blueprint presentation led to the production of two itinerant productions which were performed in October of the same year in eight schools. From that point on, my company and the Deux Rives commissioned “Parables for our time” from the student audiences. These were then performed in March 2013, on the main stage, where Stone was premièred in its turn. The encounter between two hundred apprentice playwrights and Edward Bond was worth, if I may so use the expression, its salt.

5Florence Bourgne acted as consultant for my production and the following is a conversation which took place after all three versions of Everyman had been performed.

6FB. Dans votre trajet de metteur en scène de textes contemporains, pourquoi choisir une pièce médiévale et pourquoi celle-ci ?

7JH. Un projet de théâtre, c’est une aventure de la pensée, une enquête philosophique et morale : d’où mon propre « compagnonnage » avec Edward Bond, dont je m’évertue, en tant que traducteur, metteur en scène, et universitaire, à mieux faire connaître l’œuvre en France, depuis plus de quinze ans. Dans Stone (La Pierre), Bond se pose, dans un bilan critique sévère du brechtisme et du théâtre « engagé », la question de la parabole dramatique en jetant un regard du côté des formes théâtrales du Moyen Âge (Angel-Perez). Or, contrairement à d’autres pays, la France a fait l’impasse sur ce pan de son répertoire.

8Ma recherche s’inscrivait en outre dans le projet d’éducation artistique du Théâtre des Deux Rives à Rouen, dirigé par Elisabeth Macocco. Comment offrir à des jeunes gens d’aujourd’hui, étudiant parfois dans des établissements dits « difficiles », les moyens de devenir les dramaturges de leur temps ? Par quels outils de base ?

9Ce que j’ai découvert en lisant Everyman et d’autres pièces comme Mankind, ou l’éblouissant Mystère de Gréban, c’est qu’une dramaturgie radicalement nouvelle se forge à une époque charnière, dans un noman’s-land esthétique particulièrement fertile. Le théâtre tel que l’ont inventé les Grecs n’est plus, mais la pression des bouleversements fait que l’on a besoin de la scène pour mieux « voir » la situation. Bond croit déceler ici ce qu’il appelle la « deuxième crise » — la « première », selon lui, amène la naissance du théâtre athénien — et cette « deuxième crise », c’est celle de la Renaissance (que certains historiens préfèreraient appeler « Renaissances » au pluriel). La réinvention du théâtre est contemporaine de l’invention de l’Europe qui est en jeu à l’époque. Cette Europe a besoin de se réfléchir, de se penser, et le théâtre va en être l’instrument.

10Les créateurs du théâtre médiéval ont inventé quasiment ex nihilo des instruments durables pour réinventer ce qu’est une fiction, un personnage, un objet sur une scène (Baty). Les jeunes gens ont souvent la même innocence, ou virginité, face à l’acte théâtral. Je leur ai donc proposé d’écrire des pièces où l’on ferait entrer en scène la « Finance », la « Solidarité », la « Crise » pour demander : « Qui es-tu ? » — de même que Shakespeare, pour ouvrir Hamlet, commence par la question : « Qui va là ? ».

11Une Moralité comme Everyman nous lègue un instrument d’exploration performant qui nous libère d’une mimèsis épuisée et inapte à décrire le monde d’aujourd’hui. En utilisant le théâtre médiéval comme boîte à outils, j’ai pu retracer la genèse même d’une parabole — cette fable qui par un détour, un saut de côté, permet d’aborder des questions apparemment insolubles. D’ailleurs, les enfants sont experts en allégories — tropes qui fondent tous leurs jeux.

12Notre théâtre contemporain étouffe, et crève, de la peste apportée par l’invention de la mise en scène et de la scénographie. On ne voit plus les acteurs, tant il y a d’effets, d’écrans, de maniérismes technologiques. Avec une moralité comme Everyman, on peut salutairement revenir à la tabula rasa d’une route vide parcourue par un protagoniste qui réveille la pensée par la seule force de sa présence (et de sa recherche) humaines ; ce n’est pas divaguer, j’espère, que de penser que le théâtre au Moyen Âge fut ressuscité par le biais des tropes pascales du Quem quaeritis ? (insérées dans le Tropaire de Winchester, env. 965-975) : les trois Maries cherchent le Christ en tous lieux, quête toute simple menée par trois personnages, trois hommes déguisés en femmes — subversion absolue, en pleine église !

13Bien entendu, ces Mystères et ces Passions traitent de Dieu — sujet tabou pour notre laïcisme hargneux d’aujourd’hui. Mais quand je vais dans un lycée et que je demande : « Qui veut être Dieu ? », tout le monde lève la main ! Et personne ne me demande jamais : quel Dieu ? Allah, Bouddha ? Non, tout le monde veut être Dieu … et, évidemment, le Diable ! Car ce sont les dramaturges médiévaux qui ont révélé à Marlowe que Méphisto était le plus beau rôle du théâtre. Lorsque je parle aux lycéens, ou quand on leur joue la pièce, la dimension catéchétique ne fait pas problème. À l’aide d’une telle dramaturgie, nos jeunes concitoyens comprennent, quand on met au travail leur imagination créatrice, que par le théâtre, on peut parler de religion, de Dieu, d’autorité, de loi, de justice, d’une manière libre et contradictoire, sans que le conflit inhérent à ces reflexions dégénère. Les blocs de construction élémentaires que nous livre le théâtre médiéval nous permettent d’échanger en toute liberté sur le devenir de la création, à tous les sens du terme.

14— Je voulais saisir l’occasion pour vous remercier de votre traduction ! À lire certains critiques, la pièce n’a que des défauts : pièce ampoulée, mal traduite, d’une versification peu complexe … Comment avez-vous abordé la question de la traduction d’une œuvre elle-même adaptée ?

15— J’ai accueilli cette écriture telle qu’en elle-même, et donc comme infiniment respectable. Je m’inscris en faux contre les attaques des critiques, car son statut de traduction n’en fait pas un texte mineur. L’adaptation de l’original peut choquer les puristes, mais Henri Meschonnic rappelle que les mauvaises traductions font parfois les plus textes les plus durables. Je repense toujours à Antoine Vitez, qui, lorsqu’il avait retraduit Électre de Sophocle, s’était exclamé : « on découvre avec surprise que c’est une bonne pièce » (Vitez 1986). Évidemment, c’était une boutade, mais ce qu’il voulait dire, au fond, c’est qu’une tragédie du Ve siècle avant J.-C. est un « monument » indiscutable, mais que cela reste du bon théâtre ! Everyman a survécu jusqu’à aujourd’hui comme un formidable matériau dramatique, nous l’avons constaté pendant toutes les répétitions. Je me suis emparé de la pièce anglaise pour ce qu’elle est, comme le produit d’un riche processus de concrétion et de transmission interculturelle.

16— Dans votre traduction vous avez joué sur divers registres de langage, en donnant au personnage d’« Amitié » un langage contemporain. Comment définiriez-vous vos choix ? Est-ce que vous fuyez le pastiche ?

17— Le Moyen Âge (Victor Hugo et Bakhtine l’ont bien analysé), est une époque de notre culture où les frontières entre comique et tragique, l’obscène et le bienséant, l’oral et l’écrit n’ont pas encore été verrouillées. Et il y a un certain plaisir à révéler, dans une pièce réputée aride et didactique, la truculence. Même une pièce religieuse médiévale parle des « réalités », comme dit Molière. Je suis intimement persuadé que lorsqu’elle était jouée à l’époque, la pièce devait faire rire aux éclats : j’ai entendu ces rires tout au long des répétitions. La trahison d’Everyman par ses « amis » relève du comique de répétition : ce comique est un des principes structurels de l’œuvre. Famille propose à Tout-Homme de se faire accompagner à la tombe par … la bonne ! Et Beauté, à la fin, « remballe son tricot ». Bosch et Breughel ne sont pas loin.

18Mais, dans votre traduction, dans votre mise en scène, on voit que le Moyen Âge ne vaut pas que par sa liberté « comique ». Par exemple, j’ai été surprise que vous rendiez « rood of Grace », la « croix du Sauveur », par « bois ». Cela m’a paru soudain répondre à un choix poétique « sérieux », et il m’a semblé que vous vouliez conserver une certaine poésie du sacré.

19— Nous traversons une époque contradictoire. Je suis bien entendu ardent défenseur de la laïcité, mais notre conscience culturelle régresse vers l’outrance et l’hystérie. Ce que je vais dire est sujet à caution, évidemment, mais cette obstination à ne pas vouloir accepter le passé, les traditions, les cultures « autres », relève d’une intolérance qui nous mène dans l’impasse.

20Au centre de la pièce il y a une explosion, une bouffée de lyrisme : c’est le moment de Confession saturé par les métaphores de l’eau, du liquide ; le manteau est trempé de larmes. Ces images puissantes, on aurait tort de vouloir les censurer car elles seraient « pieuses » : au contraire, la pièce, ici, incarne des siècles de réflexion où l’humain se débat dans des questions essentielles qui touchent à son « être-mortel ». J’ai bien lu que rood était un terme polysémique, sur quoi les critiques d’ailleurs ne s’accordent pas : canne, trique, croix … La logique du plateau m’a permis de synthétiser tout cela en suspendant un bâton de pèlerin, qui une fois dans les airs est devenu croix, croix à laquelle nous avons attaché, comme à un cintre, le vêtement de pénitence qui tournoyait dans l’air. Façon de cristalliser tous ces fils sémantiques par un objet en métamorphose permanente. Le manteau ainsi exhibé est aussi un double spéculaire de Tout-Homme, mais vide de corps, déjà un linceul, ou une dépouille.

21Dans les Évangiles, la Crucifixion se déroule dans un espace presque quotidien, en tout cas familial : on mange, on boit, on se lave, et on nettoie ; il y a des miettes et des traces. J’ai souhaité explorer, car c’était la grande force de cette pièce, la présence et l’utilité des objets. En traduisant « rood » par le mot bois, qui rime avec croix, je laissais ouvert le sens : un acteur me faisait même remarquer qu’Everyman demande à Beauté, Intelligence, Force et Cinq-Sens de poser la main sur cet objet, comme on dirait proverbialement : « Touchez du bois. » De la même manière, j’ai voulu que l’eau de la Pénitence soit concrétisée sur scène par le vêtement mouillé qui dégouline, pour qu’on entende goutter des larmes — ou du sang ? — dans la bassine.

22Je pense que la scène devait être très émouvante pour le public médiéval, peut-être celle où l’adhésion était la plus complète.

23— Dans la mise en scène, Confession (« Fontaine glorieuse ») sort une bâche bleue d’une petite valise et la déploie sur le sol, mais en recouvrant Actions-de-Bien. Ainsi, lorsque Actions-de-Bien retrouve ses jambes parce qu’Everyman s’est confessé, soudain émerge l’image du Christ marchant sur les eaux. Je n’ai rien inventé, la pièce utilise la logique de l’imagination pour rendre concret, tactile, ce qui est infiniment abstrait. Et c’est très beau, car Actions-de-Bien dit : « Je peux marcher » — et Everyman, par son acte, rejoue les miracles des Évangiles, Everyman devient le Christ qui touche les malades et les guérit. Le théâtre, issu du rituel de la messe, s’empare de la vitalité dramatique propre au geste religieux et l’utilise pour créer une forme esthétique per se, qui engendre le théâtre baroque, et l’art scénique élisabéthain.

24La pièce se déploie puissamment à ce moment-là, et devant cette efflorescence d’images, totalement logique du point de vue de l’imaginaire, le spectateur n’est plus exégète, ou spécialiste, il est dans la sensualité particulière de la représentation théâtrale, où le lyrisme n’est plus boursouflure. C’est peut-être aussi un moment érotique, car c’est le moment d’une auto-flagellation jouisseuse : dans ma mise en scène tous les actants s’animent, frétillent, s’excitent. C’est pourquoi il me paraissait évident qu’Everyman devait se dénuder dans une sorte de strip-tease derrière un rideau transparent (la bâche qui sert à protéger le plancher des éclaboussures que projette l’imaginaire collectif chrétien sur le sacrifice et la souffrance) — la pièce a savamment préparé ce moment où tout le monde est réuni pour l’effeuillage printanier qu’a annoncé le prologue du Messager. Et cet effeuillage sera, dans la deuxième partie de la pièce, le désassemblage d’Everyman en ses « attributs » intérieurs.

25Finalement, l’œil du professionnel décèle immédiatement de la variété, des détails là où le lecteur qui se contente de lire un traité ne voit que monotonie ou confusion. La fin de la pièce, je ne l’ai comprise que lorsque j’ai vu qu’il s’agissait d’un art de mourir, et ce devait encore plus clair pour les gens du Moyen Âge, qui méditaient ces textes où on leur expliquait qu’en fin de vie ils ne pourraient plus marcher, ni réfléchir, etc. Aujourd’hui, la pièce fonctionne même si l’on n’a plus ces repères.

26— La pièce enseigne un art de mourir, mais aussi un art de vivre, car c’est aussi une manifestation de toutes les forces vitales qui nous constituent : comment vivre avec toutes ces facultés qui cohabitent et interagissent ? J’aime cette réplique, à la fin, où Intelligence explique que lorsque Force s’en va, meurt, elle la suit toujours de près : la pièce ne cesse de marier la sagesse populaire et la plus subtile méditation philosophique. C’est comme si on pouvait extirper de nous-mêmes, grâce au processus d’incarnation, nos facultés et leur adresser la parole : le théâtre devient alors un instrument de dissection redoutablement efficace. Il y a là une vitalité psychique qui affronte des questions ontologiques majeures — comment faire avec ce qu’on est : son corps, son cerveau, sa mémoire, sa morale intérieure, qui se manifestent ensemble dans le moindre de nos gestes ? Everyman aborde tout cela avec la simplicité d’un jeu d’enfant.

27Dans une des préfaces que vous m’avez indiquées, j’ai lu que la période où fut composé Everyman fut une époque agitée par la pulsion de la danse (Cooper). Dans les Danses macabres, il apparaît que l’on est victime de la mort, mais les postures et les gestes montrent très clairement que c’est l’humain qui invite la Mort (souvent représentée par des squelettes plus ou moins disgracieux) à danser ; un siècle plus tard, c’est John Donne qui ordonnera : « Death, thou shalt die ». Je me suis beaucoup intéressé à Breughel : quelle que soit l’horreur des événement qu’il dépeint, il y a des rondes et un mouvement chorégraphique, par exemple dans Le Portement de croix. J’ai pensé aussi à la fin du Septième Sceau de Bergman. Nous n’avons malheureusement pas eu le temps de commander une musique originale rendant justice à ce geste qui est de « danser la mort », en affirmant indissociablement la résistance de la vie …

28Aujourd’hui, les nouveaux phénomènes planétaires sont le Gangnam Style, le Harlem Shake, danses frénétiques qui reflètent sans doute quelque chose de cette angoisse profonde (néo-millénariste ?) qui est la nôtre : mais ces mouvements diffusés en boucle sur internet sont facteurs d’uniformisation, de mécanisation des êtres vivants : ils sont le reflet inverse de la vitalité artistique médiévale. Comme si nous reproduisions à l’infini les derniers soubresauts d’une culture en décomposition.

29C’est contre cette danse de mort généralisée que Bond écrit La Pierre, comme un drame à stations pour notre temps, qui refuse le déterminisme de la « voie étroite » ; à chaque station il y a une chanson, un bilan d’expérience qui vise à ouvrir sur un acte d’émancipation et d’élargissement.

30Votre scénographie s’est inspirée du Jeu de Valenciennes. J’ai été intéressée par les dispositifs que vous avez imaginés, par exemple pour Actions-de-Bien. Dans certaines productions elle est simplement blottie dans un coin ; vous, vous avez imaginé un banc qui devient plan incliné, ce qui permet à Actions-de-Bien de sortir petit à petit de son trou. Avez-vous utilisé les témoignages d’époque ?

31— Encore une fois, c’est le chef d’œuvre qui « se fait mon guide ». L’image scénique est éloquente : Actions-de-Bien est sous la terre, Tout-Homme est au-dessus. Et on se dit : comment rendre justice à cette topographie ? Car Everyman « marche sur » Actions-de-Bien en les cherchant : le texte dit qu’il les cherche et ne sait pas où les trouver, peut-être entend-on leur écho partout sous la terre, disséminé (comme la voix du spectre Hamlet après sa rencontre avec son fils — qui, en retour, le traite de « vieille taupe »). Il importe de trouver cette simplicité de l’image d’Actions-de-Bien qui parle de sous la terre en tenant le livre des comptes, alors que l’Homme erre au-dessus, aveugle. En cela, Actions-de-Bien regarde Richesse en miroir, car Richesse aussi parle de partout, de l’intérieur de tous les sacs, de tous les coffres. Comme si la terre était l’interface, pour employer un terme à la mode, entre Richesse et Actions-de-Bien : Richesse au-dessus, et Actions-de Bien en dessous, sous la terre glacée. Un peu plus tard dans la pièce, Everyman dit : « Maintenant, j’entends ta voix », comme si Actions de Bien avait deux voix. La première fois, de sous la terre, c’est une voix perdue, inaudible : c’est ensuite, quand Actions-de-Bien retrouve ses jambes, qu’Everyman s’écrie : « Je t’entends » ; c’est aussi le moment où Actions-de-Bien est ressuscitée — on se demande comment un tissage aussi subtil de l’action scénique était montré à l’époque, avec des moyens tellement plus rudimentaires que les nôtres.

32Les informations qui nous restent sur les représentations à Valenciennes, et ailleurs, sont libératrices. Cette scénographie de mansions, d’espaces multiples nous est utile aujourd’hui car je crois que le théâtre doit réapprendre, au-delà des possibilités que donne le « multimédia », à retrouver la complexité élémentaire d’un plateau nu qui seul peut déplier la complexité du monde sans trucages : on doit pouvoir passer de l’intérieur à l’extérieur, on doit pouvoir traverser le monde ; le théâtre prend alors de vitesse Google ! Le décor de Sophie Lebel, la scénographe, ressemble à un camp de Roms, totalement provisoire, un camp qu’on peut lever à tout instant : un carton, un banc, une palissade. Dans notre monde, qui (peut-être comme au Moyen Âge ?) est un monde de plus en plus mouvant, tout en flux et en brouillages de frontières, l’idée du campement pour raconter l’histoire de l’humanité me semble indispensable. D’ailleurs on tend une corde (le « fouet ») pour pendre le vêtement de Pénitence, comme un simple fil pour étendre le linge. C’est un peu ce qui se passait pour les Mystères : il fallait pouvoir déplacer l’arche de Noé — et le Déluge ! — de rue en rue.

33Vous rejoignez là un paradoxe plus général concernant le Moyen Âge. Aujourd’hui nous voyons des monuments achevés, massifs. Il faut au contraire imaginer le petit peuple de Paris, ou de Londres, vivant durant des années au pied d’une cathédrale en construction, eux-mêmes très souvent vagabonds — même si on ne va pas revenir aux thèses de Jusserand qui sont aujourd’hui complètement périmées ! Vous renvoyez là à une pensée de l’impermanence qui trouble les chercheurs.

34— Oui, un monde en construction permanente. Je lis en ce moment La Naissance du capitalisme au Moyen Âge de Jacques Heers : il nous rappelle que la « banque », au Moyen Âge, se réduit bien, étymologiquement, au « banc » des changeurs, comme lorsqu’on voit dans le métro les vendeurs à la sauvette qui installent leurs étals sur des petits tréteaux ; génétiquement, la banque, c’est une cagette ou un carton sommaires utilisés par les joueurs de bonneteau !

35Il est indispensable, pour jouer le pélerinage d’Everyman, de pouvoir très rapidement passer d’un espace à un autre. Par exemple, la « bouche d’Enfer », dans notre spectacle, est taguée avec une bombe de peinture par Amitié, à son entrée. Cette mobilité, cette fluidité, cette « vitesse », dirait Paul Virilio, sont le monde dans lequel vivent les jeunes gens, mais la pièce aussi en a besoin, de toute façon, puisque c’est un voyage. (Jean Genet, lui, pour raconter la guerre d’Algérie, a imaginé la même chose dans Les Paravents, puisque les événements sont racontés par les acteurs qui peignent ou crayonnent sur des panneaux durant la représentation.)

36En un temps où le théâtre se monumentalise, se cathédralise, avec des spectacles aux décors plus écrasants que jamais (dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes !), les dramaturges du Moyen Âge nous réapprennent que le théâtre, c’est aussi des histoires qui se jouent dans la rapidité, une énergie irrésistible. Everyman est une pièce qui se joue en 1 h, 1 h 10, et vous raconte toute une vie avec « rien » (mot shakespearien entre tous). C’est pour cela que j’aime les panneaux/mansions, parce qu’en un rien de temps ils ne sont plus que « poursuite du vent », si j’ose dire.

37Vous avez dit que cette pièce était un défi pour les acteurs ; effectivement, je me suis longtemps demandé comment un acteur devait aborder un personnage allégorique. Comment un acteur peut-il se dire qu’il va être les « cinq sens » d’un personnage ou encore sa « richesse » terrestre ?

38— Évidemment, chaque pièce exige sa propre méthode. Ce théâtre offre une grande liberté. Chez Tchekhov on connaît l’âge des personnages au mois près, on sait tout d’eux ; c’est bien ce qui intéressait Stanislavski. Ici, le défi c’est plutôt l’absence d’informations et de didascalies. Pour les jeunes acteurs avec qui je travaille, c’est une bonne école parce que très souvent ils ont pris l’habitude qu’on leur parle à l’envi du « personnage » ; là, ils sont devant un précipice, celui de « l’impersonnage ».

39— Oui, ils ne vont pas vous demander ce que ressent Cinq-Sens !

40— Et pourtant, Cinq-Sens ressent probablement beaucoup de choses ! Puisqu’il a cinq sens ! L’allégorie à l’état brut sollicite utilement des acteurs qui sont souvent handicapés par une formation d’acteur mutilante, où le psychologisme constitue l’inévitable et précaire rustine. Je crois que le théâtre d’Everyman donne aux acteurs toute liberté pour dire : « voilà ce que c’est pour moi que Famille » ; et là, cela devient intéressant, même politiquement. Car qu’est ce que c’est qu’une Famille incapable d’aider son enfant ? Et alors, comment s’habillet-elle, comment s’exprime-t-elle ? Comment souffre-t-elle, demanderait Lacan ? — « I have the cramp in my toe » est, ne l’oublions pas, une des premières grandes répliques comiques du théâtre anglais (Oscar Wilde s’en souviendra).

41Les scènes avec Amitié et Famille sont justement intéressantes pour des lycéens, car on sait que pour les adolescents la question de la justice et de la loyauté se définissent dans le cadre du quotidien. Et le face à face avec Amitié, dans Everyman, est une scène de trahison terrible. À un moment (sur le mot « Adonai »), la scène bascule et Amitié refuse d’accompagner son « ami » de toujours. Un des acteurs a proposé qu’Amitié se mette en colère contre Everyman ; pourquoi mêle-t-il Dieu à tout cela, de quel droit remet-il en question leurs frasques habituelles — boire, ripailler, draguer les filles ? C’est Everyman qui force Amitié à le trahir, d’où les reproches : mais qui est le véritable Judas dans cet échange ? Cette colère, ce n’est plus celle d’un voyou mais celle d’un être humain, qui regrette : « on s’amusait tellement ensemble, pourquoi tu viens m’emmerder avec tes histoires, tu m’obliges à renier notre amitié ». Et là, l’acteur est très précisément entre Shakespeare et Tchékhov. Cette dramaturgie paraîtrait a priori loin de toute sophistication stanislavskienne et pourtant elle propose, en quelques traits magistraux, un « réalisme psychologique » d’une grande modernité.

42Vous dites retenir d’Amitié surtout sa colère ; dans les fabliaux, par exemple, on rencontre des ripailleurs surpris par la mort, qui se perdent par colère les uns contre les autres ; Chaucer décrit ce processus dans le Pardoner’s Tale. La taverne, habitat naturel d’Amitié, n’est pas forcément plaisante pour le public médiéval ; c’est le lieu de tous les débordements, de tous les dangers, d’une fausse convivialité.

43— La pièce est traversée par la rage, parce qu’Everyman injecte le chaos dans toutes les relations (même celle que Dieu entretient avec lui). Il s’aliène même sa Beauté, sa Force, son Intelligence. Dans ma mise en scène, tous les compagnons putatifs d’Everyman fulminent devant leur impuissance, et la stupidité de la « trajectoire » humaine.

44Si on joue la pièce sans préjuger de son issue, Everyman n’est pas simplement un homme qui passe son temps à gémir sur le sort qui lui est imposé, il est aussi l’acteur, dans son histoire, de situations qu’il crée, et qui dérangent l’ordre du monde. C’est ce qui rend la pièce si dynamique.

45Vous avez mis le doigt, je crois, sur ce qui caractérise l’allégorie médiévale : non pas une allégorie hiératique, statuaire, mais au contraire des personnages qui finalement restent « humains » tout en exprimant des idées abstraites, et qui ne fonctionnent en symbiose que par relation au personnage central. Je découvre dans votre mise en scène une profondeur qui me surprend, et la pièce se déplie comme un origami plongé dans l’eau.

46— Ce déploiement est inscrit dans la pièce. Son système de collage et de brusques à-coups aussi. Quel rêve ce serait de pouvoir assister à une représentation de l’époque. Nous avons beaucoup rêvé sur cette enluminure de Fouquet, où est représenté le « Martyre de sainte Apolline ». La sainte est torturée et, à côté, le bouffon montre son cul.

47Dans cette enluminure (les Heures d’Étienne Chevalier), si le bouffon a les fesses à l’air, c’est précisément parce qu’il porte des boutons de culotte, une invention médiévale, comme l’explique Frugoni. Le bouffon est obligé de dégrafer ses chausses pour pouvoir se pencher et arracher les dents de la pauvre Apolline.

48— Cette liberté de la juxtaposition dans les « genres », je la sens dans Everyman. Il devait y avoir dans la représentation médiévale des styles de jeux différents, peut-être des oppositions de couleurs ou de formes, dans les costumes par exemple, peut-être des tenues à portée symbolique et puis un élément, soudain, très contemporain.

49Concernant les boutons, oui, la pièce s’intéresse toujours aux détails, même lorsque la Passion des personnages touche au « métaphysique » : ce sera un trait fondamental de la dramaturgie shakespearienne. Le bouton du Roi Lear …

50Une des informations le plus marquantes (et éloquentes) que vous m’avez données est celle concernant le montage des Passions : parfois c’étaient les fabricants de clous qui étaient chargés de la crucifixion [York Pageant 35, « The Pinners’Play »] et qui vantaient ainsi la qualité de leur travail. C’était presque une annonce publicitaire, et le public devait y voir l’ironie : « Nos charpentiers ont crucifié le Christ ! — Voyez la précision des trous. »

51Je retiens vraiment de votre mise en scène, que j’ai vue à Rouen, des vignettes, parfois d’inspiration presque médiévale : Cinq-Sens avec son œil monstrueux — on aurait dit le pantin Eddie du groupe Iron Maiden, avec son œil-chercheur de mutant bionique ; comme les allégories de Digulleville ; il caressait la scène de cette langue molle qu’il tenait à la main — c’était effrayant, vraiment, il furetait et tâtait tout. Et en parallèle, l’acteur qui jouait Goods (Biens-et-avoirs), vous l’avez fait jouer presque à la Tadzio dans Mort à Venise, ou plutôt comme un ragazzo dans un film de Pasolini, à la fois prenant et ambigu — Terence Stamp dans Théorème. Et pourtant c’est le seul personnage qui dise la vérité à Tout-Homme. Il a un rire cruel, et en même temps c’est le seul qui conseille ouvertement à Tout-Homme de se méfier des richesses terrestres.

52— Ce dialogue est une des plus grandes scènes du répertoire, elle devrait être inscrite au programme des Conservatoires d’Art dramatique. Les choses qui y sont dites sont profondément et irrémédiablement destructrices (« je suis là pour salir l’âme humaine »), mais avec un sens de l’immédiat quotidien, qui est celui par lequel la vie nous apprend ses plus terribles leçons. Seuls des auteurs comme Marivaux ou Tchekhov retrouveront une telle maîtrise du langage.

53Vitez disait que, dans l’Électre de Sophocle, quand les deux s œurs Chrysothémis et Électre se parlent, la pièce se joue à deux niveaux. D’abord, on a deux idées qui parlent, la Résistance face à la Collaboration — donc deux allégories. Électre défend le non, Chrysothémis préfère dire : oui. Or, montre Vitez, on a aussi affaire à des êtres de chair et de sang. Les deux Idées parlent mais elles restent deux s œurs, des êtres de chair et de sang qui dialoguent et (se) disputent (Vitez 1991).

54Entre Biens-et-Avoirs et Tout-Homme il y a exactement ça : on a deux allégories monumentales, vraiment, qui agitent et incarnent des questions essentielles, tant pour la pensée proto-capitaliste de l’époque que pour la religion. Et en même temps, ce sont deux êtres qui se disent adieu. C’est une scène d’amour entre deux hommes, et « Goods » insiste sur le fait qu’il a été jusqu’à présent attaché et manipulé, d’où un érotisme puissant … (Je n’ai rien inventé ; les mots : « jouir, jouissance, aimer, prendre plaisir » sont tous dans le texte, concentré de freudomarxisme.) Et c’est aussi une séparation bouleversante : « je t’ai aimé si fort », et l’autre répond : « oui mais pas de la bonne manière ». Et même si ce sont des allégories, la douleur amoureuse est inscrite dans ce rapport que tout le monde, à toute époque, peut comprendre « dans sa chair » si j’ose dire. C’est vrai que l’écriture, dans un contexte contemporain, nous a entraînés assez loin ; le jeune homme était torse nu, parce qu’il eût été redondant, vu l’opulence décrite dans le texte, de l’habiller richement — et puis, les « Biens » sont pauvres car « ils » dépendent entièrement du bon vouloir d’Humanité. Et soudain la scène s’investit d’une souffrance presque insoutenable. Mais c’est la pièce et l’époque qui parlent, problématisant l’idéologie dans les corps.

55En même temps, on a conservé de l’époque des textes religieux qui sont authentiquement érotiques ; les relations sont clairement incarnées.

56— Plus tard, chez Molière, Harpagon caressera sa cassette et pleurera sur son argent. Dans Everyman, rarement un dialogue dramatique a dit en si peu de mots des choses aussi intensément.

57Et puis vous avez raison de dire que nos Biens disent la « vérité ». Car notre argent, « nos » Biens disent : pendant que tu jouissais de moi, j’ai maculé tes comptes, j’ai souillé ta vie … « Goods » (c’est toute le raffinement paradoxal de cette dramaturgie allégorique) peut même s’offrir le luxe de la compassion : « je suis obligé de te dire ça », « si je t’accompagnais dans ton voyage ultime, je te desservirais … ». Richesse, ou Argent, « aime » Humanité, lui veut du « bien » finalement, mais c’est toujours trop tard. Densité admirable de quelques répliques qui racontent la jouissance sauvage et la tendresse qui relie deux inséparables.

58— On m’aurait présenté cette idée alors que j’avais seulement lu la pièce, ç’aurait été scandaleux. Lorsque elle est mise en scène, cela devient une évidence. Le texte n’est pas forcé, au contraire, on met à jour des choses qui sont dites très simplement dans le texte, sans être redoublées, compliquées …

59— Oui, comme nous le disions : c’est du bon théâtre. Lorsque Thomas, jouant Everyman, saisit dans ses mains la tête de ses Biens, en disant : « je t’ai tellement aimé », j’ai les larmes aux yeux — et c’est une Moralité médiévale ! … C’est ce que disait Vitez : on voit deux amants, mais aussi Humanité et Argent, et, dans ce va-et-vient, on peut jouir de la scène intellectuellement et émotionnellement, dans cette expérience humaine kaléidoscopique que seule offre une représentation théâtrale. Loués soient ces écrivains médiévaux qui, dans un vertigineux vide des formes, se sont mis face à la page blanche pour écrire à nouveau des pièces de théâtre, et inventer une dramaturgie utile à leur temps.

60On oublie que la pièce est médiévale quand on la voit représentée.

61— C’est parce que les humains, dans leur devenir social, historique et politique, comprennent que, dans les pires crises, il faut refaire confiance au théâtre. Par exemple, ce que je préfère dans Everyman, en dehors de la scène avec Goods, ce sont les monologues. Ils annoncent les soliloques d’Hamlet, c’est évident, et l’on sait à quel point cette invention formelle est essentielle pour notre culture occidentale. Dans Everyman, ces moments sont de magistraux morceaux d’écriture, mais aussi d’uniques épiphanies dramatiques, par lesquelles un homme s’avance vers nous et instaure un échange intime avec le spectateur. C’est un événement dans l’histoire du théâtre ; quelqu’un est là, seul sur une scène, il nous parle, et c’est déjà Richard III, c’est Hamlet, c’est Iago — Alceste et Néron aussi peut-être ? Un homme seul se dresse sur scène et demande au public : « Que dois-je faire maintenant ? »

62Au début de la pièce, les premières tirades sont plutôt des soliloques hamlétiens. Puis, au moment où Confession arrive, il y a cette explosion de lyrisme. Et la fin nous entraîne vers une tonalité élégiaque. On reste admiratif devant la virtuosité d’un dramaturge qui, dans une pièce aussi courte, peut faire parler un même personnage dans des styles si différents. On aurait pu penser que, dans une dramaturgie « balbutiante », les personnages seraient figés dans un intellectualisme allégorique. Non, Everyman change de style de parole, parce que chaque scène lui apprend quelque chose. Par exemple, après la scène avec « Goods », règne un désespoir total : c’est la fin des options possibles avant le grand saut. Mais un élan vital naît de l’acceptation et de l’aveu de soi à soi.

63Comme dans Hamlet, la pièce « travaille » le personnage. C’est pour cela que la pièce a survécu : on partage une vie avec quelqu’un. Et ce quelqu’un devient notre « guide » qui nous accompagnera dans notre « besoin extrême » de savoir et de mieux nous comprendre. Everyman est l’acte d’invention d’une conscience-miroir dans laquelle nous pourrons, on l’espère, explorer notre « drame ».

Bibliographie

Bibliography

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  • Baty, Gaston. Rideau baissé. Paris : Bordas, 1949.
  • Bond, Edward. “Introduction: The Third Crisis.” The Chair Plays. London: Methuen, 2012.
  • Cooper, Geoffrey, and Christopher Wortham, eds. The Summoning of Everyman. Nedlands: U of Western Australia P, 1980.
  • Frugoni, Chiara. Medioevo sul naso : occhiali, bottoni e altre invenzioni medievali. Rome: Laterza, 2001. Le Moyen Âge au bout du nez. Lunettes, boutons et autres inventions médiévales. Paris : Les Belles Lettres, 2011.
  • Heers, Jacques. La Naissance du capitalisme au Moyen Âge. Changeurs, usuriers et grands financiers. Paris : Perrin, 2012.
  • Heures d’Étienne Chevalier. [Chantilly, Musée Condé, MS 71; c. 1452-1460]
  • Voir : <http://expositions.bnf.fr/fouquet/enimages/chevalier/intro.htm>.
  • Vitez, Antoine. Préface. Électre. Sophocle. Paris : Actes Sud, 1986.
  • Vitez, Antoine. Le Théâtre des idées. Dir. Georges Banu et Danièle Sallenave. Paris : Gallimard, 1991.
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