Notes
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[1]
On peut ajouter deux articles publiés dans Arts et traditions populaires dans les années 1960, l’un d’André Hajdu, l’autre de Philippe Lemaire de Marne. Par ailleurs, une rapide recherche par mot-clef sur JSTOR fait apparaître que les termes tsigane, rom ou gitan, etc. sont cités dans 127 articles d’Ethnologie française
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[2]
Depuis 2016, ce réseau n’est plus financé par les institutions européennes mais continue d’exister sous la forme d’une liste de diffusion annonçant quotidiennement les publications et évènements ayant trait au champ des Romani studies.
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[3]
Liste non exhaustive des auteurs d’enquêtes ethnographiques réalisées sur des Tsiganes dans le cadre d’une thèse de doctorat en anthropologie au cours des 20 dernières années dans une université européenne (le pays indique le lieu du terrain d’enquête, la date est celle de soutenance) : P. Gay et Blasco (1999), D. Lagunas (2000), N. Manrique (2008), G. Belluschi (2013) et O. Lopez Catalan (2015) en Espagne ; E. Tauber (2005), U. Daniele (2007), P. Trevisan (2007), S. Pontrandolfo (2010), M. Solimene (2014) et A. S. Sarcinelli (2014) en Italie ; J. L. Poueyto (2000), O. Becchelloni, N. Benarrosh-Orsoni (2015), Y. Rubio (2015) et S. Dion (2015) en France ; A. Clavé-Mercier (2014) en France et en Bulgarie ; S. Ni Shuinéar (2003) en Irlande ; M. Brazzabeni (2006) et S. Sama (2009) au Portugal ; J. Grill (2012) au Royaume-Uni et en Slovaquie ; M. Jakoubek (2006) et L. Budilova (2010) en Slovaquie ; T. Hrustic (2008) et Y. Abou Gosh (2008) en République Tchèque ; J. Durst (2006), L. Jaroka (2012) en Hongrie ; A. Engebrigsten (2001), V. A. Stoichiţa (2006), L. Foszt (2007), I. Hasdeu (2007), M. Olivera (2007), P. Berta (2008), F. Jacobs (2010), C. Tesar (2013), M. Lièvre (2013) et G. Pulay (2017) en Roumanie ; R. B. Roman (2016) en Finlande ; F. Ferrari (2010) et M. Fotta (2012) au Brésil.
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[4]
Les coordinateurs de ce dossier tiennent à remercier Martine Segalen pour sa participation aux journées de Pau ainsi que pour son intérêt pour ce projet de publication.
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[5]
L’évolution de l’Indice longitudinal de tolérance, mesurant les préjugés racistes de la population française, montre que la tolérance a progressé régulièrement entre 1990 et le milieu des années 2000, mais que celle-ci a baissé depuis. En 2014, l’indice de tolérance est respectivement de 79,5 pour les juifs, 73,6 pour les Noirs, 62,1 pour les Maghrébins, 53 pour les musulmans et seulement 28,5 pour les « Roms » [Commission nationale consultative des droits de l’homme, 2015] ; rejet d’ailleurs régulièrement exprimé par les plus hauts représentants de l’État, comme l’attestent les commentaires de Nicolas Sarkozy sur les évènements de Saint-Aignan, en juillet 2010 (http://www.liberation.fr/politiques/0101648801-gens-du-voyage-parfois-meme-francais) et divers propos tenus sur les Roms par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/14/01016-20130314ARTFIG00647-roms-le-cri-d-alarme-et-le-message-de-fermete-de-valls.php et http://www.lexpress.fr/actualite/politique/pour-valls-les-roms-ont-vocation-a-revenir-en-roumanie-ou-en-bulgaire_1284663.html#Hughst1GmP2D6xoT.99).
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[6]
« Mondes tsiganes : une histoire photographique, 1860-1980 » est le nom de l’exposition exposée de mars à août 2018 au Musée national de l’histoire de l’immigration à Paris et réalisée par M. Pernot, I. About et A. Sutre.
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[7]
Ainsi le réseau interdisciplinaire Urba-rom fondé en 2010, se nomme-t-il « Observatoire européen des politiques publiques à destination des groupes dits “roms/tsiganes” » ; https://urbarom.hypotheses.org/
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[8]
Dès 1783, deux savants allemands, Heinrich Grellman et Johann Rüdiger, « découvrent » une parenté entre la langue des « bohémiens » et celles parlées dans l’« Hindoustan ». Sur les thèses de l’« origine indienne », voir Fraser [1992] et Asséo [1994].
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[9]
Ainsi, The Journal of the Gypsy Lore Society (fondé en 1888) devient en 2003 la revue Romani Studies [Matras, 2017].
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[10]
C. Miller [1968], A. Sutherland [1975] et R. Gropper [1975] aux États-Unis ; M. Salo et S. Salo [1977] au Canada ; M. Grönfors [1977] en Finlande ; I.M. Kaminski [1980] en Pologne ; J. Okely [1983] en Grande-Bretagne ; P. Williams [1984], B. Formoso [1986] et A. Reyniers [1992] en France ; T. San Roman [1984] en Espagne ; L. Piasere [1985] en Italie ; M. Stewart [1987] en Hongrie. Pour une présentation plus détaillée de ces premières recherches, voir Piasere [1994], Williams [2011a] et Stewart [2013].
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[11]
En particulier celles organisées durant plusieurs années par Michael Stewart à la Central European University de Budapest.
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[12]
Pour une telle approche, voir en particulier Ladanyi et Szeleny [2006]. Partant du constat de l’inexistence d’une « culture tsigane », les auteurs qui adoptent cette perspective strictement constructiviste ignorent très généralement les monographies d’ethnologues ayant travaillé sur des communautés particulières, ces dernières relevant de leur point de vue de la seule tsiganologie, qu’ils restreignent à tort à l’approche primordialiste.
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[13]
Leonardo Piasere considère ailleurs, dans un texte consacré à la notion d’anti-tsiganisme, que « d’un point de vue historique le processus de tsiganisation a touché essentiellement les populations parlant le romanes, mais pas uniquement » [2014 : 241].
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[14]
Notons qu’Aparna Rao [1986] a proposé la notion de « nomades péripatétiques » afin d’inclure les Tsiganes dans une catégorie analytique plus large et tenter de s’extraire du champ de la tsiganologie ; il n’empêche que les Tsiganes demeurent dans cette perspective une « population », définie ici par un rapport particulier à la mobilité. Et l’on sait par ailleurs que parmi lesdits Tsiganes, seule une minorité est (ou a été au cours des siècles passés) « nomade » ou « semi-nomade ».
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[15]
Sur ce point, certains auteurs ont proposé des analyses qui, à propos des Roms Gabori de Transylvanie [Olivera, 2012] et des Calon de l’État de Sao Paulo au Brésil [Ferrari, 2014], rejoignent les discussions actuelles sur les ontologies et le « perspectivisme ».
1En réunissant ici dix contributions de chercheuses et de chercheurs analysant des matériaux de première main recueillis parmi des Tsiganes (encadré page suivante), ce dossier permet de multiplier quasiment par deux la présence de ces derniers dans Ethnologie française. En effet, entre 1971 et aujourd’hui, une douzaine d’articles traitant spécifiquement de Roms, de Manouches, de Voyageurs, etc. a été publiée par la revue, abordant des thématiques et des angles d’analyses variés [1]. Cette relative discrétion des écrits relatifs aux Tsiganes n’est en rien l’apanage d’Ethnologie française ; le constat d’une certaine marginalité de ces travaux dans le champ académique a été régulièrement mis en avant depuis plus d’une trentaine d’années. Judith Okely a pu évoquer ses difficultés à faire reconnaître son objet d’étude, les TravellersGypsies, comme légitime par le milieu de l’anthropologie sociale anglaise dans les années 1970-1980 [Okely, 1994]. Leonardo Piasere parlait quant à lui du « ghetto invisible de la tsiganologie », qui se retrouve « marginalisée au niveau académique tout comme l’est son “objet” au niveau social » [1994a : 21]. Au-delà de l’anthropologie, Wim Willems déplorait plus globalement « [the] splendid isolation of Gypsy studies » [1998 : 17]. En 2003, les auteur.e.s d’un Bilan critique des études et documents concernant les « Gens du voyage » mettaient en avant l’« invisibilité et [un] cloisonnement des recherches sur les Tsiganes [...]. L’étude des Tsiganes constitue un thème de recherche à la faible reconnaissance académique. » [Blum Le Coat, Catarino et Quiminal, 2003 : 13] La situation est-elle différente de nos jours ?
2Les productions savantes sur les Tsiganes sont aujourd’hui plus nombreuses que jamais, dans toutes les disciplines : du droit à l’urbanisme, en passant par la science politique, la géographie, la littérature, la démographie, la linguistique, la sociologie, l’histoire, les sciences de l’éducation, ainsi que les gender ou culturalstudies, les arts visuels, etc. Selon une récente recension à l’échelle internationale, la seule année 2017 a vu paraître 15 numéros thématiques de revues, 19 livres, 57 chapitres d’ouvrages collectifs et 244 articles de revues scientifiques consacrés aux « Roma/ Gypsies » [Fosztó, 2017]. L’Academic Network on Romani Studies, un réseau fondé en 2011 avec le soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, compte plus de 400 membres, dont la moitié de full members, titulaires d’un PhD et travaillant sur des questions en lien avec les Tsiganes [2]. Dans le champ de l’anthropologie, si l’on pouvait compter sur les doigts des deux mains les « ethnologues des Tsiganes » dans les années 1980, les enquêtes ethnographiques de longue durée menées parmi ces groupes se sont aujourd’hui considérablement multipliées : en Europe, plus d’une quarantaine de thèses de doctorat en anthropologie ont été soutenues depuis la fin des années 1990 [3].
3Ce présent dossier est d’abord un témoignage de ce développement et de son dynamisme. Les articles proprement ethnographiques publiés ici s’appuient sur des recherches de terrain menées ces dernières années, dont certaines sont toujours en cours. Ils donnent à voir la richesse et l’actualité des thématiques abordées par les anthropologues travaillant aujourd’hui chez « des » Tsiganes, tout autant qu’ils fournissent un petit échantillon de la diversité de ces groupes : Elisabeth Tauber s’intéresse à l’éthique du travail en lien avec les rêves, les souvenirs et l’imagination chez des Sinti des Alpes italiennes ; Lise Foisneau rend compte des dynamiques présidant à l’incessant mouvement de recomposition sociale et spatiale de collectifs roms français de Provence ; Catalina Tesar analyse les stratégies matrimoniales des Roms Cortorari de Transylvanie incarnant, selon elle, une parenté résolument tournée vers l’avenir ; Jean-Luc Poueyto traite également de la question du rapport au temps, mais aussi aux défunts et aux noms, chez des Manouches de la région paloise ; Alexandra Clavé-Mercier propose quant à elle de saisir les effets des politiques d’hospitalité publique sur les subjectivités des membres d’une famille rom bulgare installée depuis quelques années dans une grande métropole française. Parallèlement à ce développement des recherches dans de multiples directions, les anthropologues sont aujourd’hui davantage requis pour intervenir dans la vie publique au titre de leur « expertise » : Michael Stewart propose ici une réflexion sur son expérience en tant que témoin-expert auprès de la justice anglaise dans une affaire de « mariage précoce » mettant en cause des migrants roms de Roumanie.
4Deux articles illustrent le renouveau dont témoigne également l’historiographie des Tsiganes, laquelle s’est développée dans deux grandes directions au cours des vingt dernières années [About, 2015 ; About et Bordigoni, 2018] : d’une part, ce que l’on pourrait appeler la microhistoire sociale de groupes particuliers à partir de l’exploitation de matériaux jusqu’ici ignorés [Asséo et Aresu, 2014 ; Sutre, 2017] et, d’autre part, l’histoire des « politiques tsiganes » menées à l’encontre des groupes et individus ainsi catégorisés depuis la fin du xixe siècle jusqu’aux massacres de la Seconde Guerre mondiale [Coquio et Poueyto, 2014]. Ilsen About explore ainsi les archives de Paul Bataillard, tsiganologue français de la seconde moitié du xixe siècle, en mettant en lumière la valeur de ses observations sur les Manouches de Paris. Emmanuel Filhol poursuit un travail de documentation permettant d’éclairer l’adoption de la loi de 1912 relative aux « Nomades » sous la IIIe République. Enfin, l’étude de Sabine Forero porte sur l’œuvre picturale de Ceija Stojka (1933-2013), rescapée de la déportation, exposée tout d’abord à la Friche de la Belle-de-mai à Marseille (2017) puis à la Maison rouge à Paris (2018).
5Toutes ces contributions, hormis celle d’Elisabeth Tauber, ont fait l’objet de discussions lors de deux journées d’étude, organisées en mai 2016 par le laboratoire Identités, Territoires, Expressions, Mobilités (ITEM) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour [4]. Tout en voulant proposer un état des lieux des recherches de terrain sur les Tsiganes aujourd’hui, les rencontres de Pau visaient à interroger les relations entre les formes de l’anti-tsiganisme, tel qu’il s’exprime depuis plus de deux siècles en Europe, et les réalités observées par les ethnologues et les historiens. Les auteur.e.s de ce dossier abordent ainsi, sous des angles variés, la thématique de la famille corrélée, pour certains, à celles du travail et de l’habitat. Car le triptyque famille/travail/habitat est au cœur des arguments avancés en vue de justifier l’idée d’une « population tsigane problématique », et ce de manière remarquablement constante au fil du temps.
6Aujourd’hui comme hier, on décrit les Tsiganes comme des « tribus », des « bandes », parfois même des « hordes », en tout cas des « clans familiaux » plus ou moins consanguins qui s’opposeraient au modèle de la « famille moderne européenne ». Ils sont soupçonnés de pratiques scandaleuses, telles que le trafic d’enfants ou leur exploitation économique. Ces « populations » sont dans le même temps fréquemment suspectées de vol et de fainéantise, ou accusées de vivre en « parasites » aux crochets des « sociétés nationales ». On leur reproche enfin un nomadisme ou une instabilité résidentielle qui, assimilés à de l’errance et à du « vagabondage », les écarteraient de l’ancrage territorial nécessaire à toute forme d’« intégration » et de « citoyenneté » [Clavé-Mercier, 2017]. Ainsi, tout au long de l’époque contemporaine, sur l’ensemble du territoire européen, des groupes identifiés comme Tsiganes ont fait l’objet de mesures visant soit à les assimiler, soit à les tenir à distance, soit à les éliminer – dans tous les cas à les faire disparaître du paysage. Bien des actes politiques aux terribles conséquences ont alors été posés, qu’il s’agisse, par exemple, de la déportation des Bohémiens du Pays Basque en 1802, de l’élaboration au début du xxe siècle de la catégorie administrative de « nomades » en France – sur laquelle revient ici Emmanuel Filhol –, ou des massacres orchestrés durant la Seconde Guerre mondiale et du génocide nazi, dont l’artiste Ceija Stojka témoigne à travers ses œuvres – Sabine Forero Mendoza lui consacrant un texte dans le numéro.
7Or l’anti-tsiganisme est loin de n’être qu’un mauvais souvenir, il est une réalité pleinement contemporaine : une abondante littérature témoigne du fait que, dans les discours comme dans les politiques publiques, les Tsiganes font toujours l’objet d’un rejet massif [5] [Stewart, 2012 ; Agarin, 2014 ; Fassin et al., 2014 ; Picker, 2017]. En France comme ailleurs en Europe, la « question rom » (Roma issue) s’est imposée depuis les années 1990 sur la scène politico-médiatique comme un problème public incontournable [Sigona et Trehan, 2009 ; Legros et Rossetto, 2012 ; Olivera, 2014 ; Coquio et Poueyto, 2014]. L’article d’Alexandra Clavé-Mercier montre ici que les politiques dites d’« intégration » menées en direction de familles identifiées comme « roms » sont aujourd’hui encore fondées sur une logique rééducative, visant à « dé-tsiganiser » leurs « bénéficiaires ».
8C’est dans ce contexte que nous souhaitons situer la publication de ce dossier, en partant d’un constat : la multiplication des recherches sur les Tsiganes n’a en rien entamé le paradigme dominant qui définit ces derniers comme une « anomalie socioculturelle » ou une « population problématique ». Et si ethnologues et historiens ont considérablement renouvelé les manières de regarder ce que l’on appelle parfois les « mondes tsiganes » [6] au cours des trente dernières années, leurs analyses demeurent largement méconnues au sein même de leur propre discipline et des sciences humaines et sociales en général, sans même parler de l’inscience quasi totale des pouvoirs publics. Comme l’écrit Ilsen About : « Les filtres élaborés par les sciences humaines pour aborder les questions sociales ne semblent ainsi plus fonctionner lorsqu’il est question de ces populations, ce qui ouvre la voie à des généralités, approximations et opinions schématiques qui seraient unanimement condamnées s’il s’agissait d’un tout autre groupe » [About, 2015]. L’accroissement inédit des connaissances produites sur les Tsiganes ne paraît pas avoir grippé, ne serait-ce que légèrement, les ressorts de l’anti-tsiganisme ; l’intense activité de recherche (« fondamentale » ou « appliquée ») ayant trait à ces « populations » semble parfois même constituer à elle seule une preuve manifeste de leur « étrangeté » aux yeux des pouvoirs publics, et des problèmes qu’elles posent aux « sociétés européennes » [Olivera, 2011].
9Nous faisons l’hypothèse que l’une des raisons expliquant cette relative impuissance des sciences sociales vis-à-vis de l’anti-tsiganisme tient au fait que les questions que ces travaux posent à l’endroit même de l’existence d’une « population tsigane » restent la plupart du temps dans l’ombre. En d’autres termes, ce ne serait pas parce que les chercheurs produisent des connaissances dans un cadre trop éloigné du « sens commun » que ces dernières seraient peu audibles, mais, paradoxalement, parce qu’ils ne rompraient pas assez explicitement avec le « sens commun » que leurs analyses se trouveraient désarmées et leur écho étouffé ou déformé. Encore faut-il préciser ce que l’on entend ici par « sens commun » : dans le cas des Tsiganes, comme sur bien d’autres sujets relatifs à la pensée de l’altérité, celui-ci n’est pas l’émanation spontanée du « peuple » mais avant tout une création des « élites » politiques et savantes [Saïd, 1980 ; Rancière, 2011].
10Nous reviendrons d’abord rapidement sur l’apparition et la structuration de ce sens commun tsiganologique, afin d’en mesurer la remarquable stabilité au cours des deux siècles passés. Puis nous présenterons les changements de perspective proposés par l’ethnologie et l’histoire des Tsiganes depuis les années 1970, tout en mettant en lumière certains questionnements soulevés par ces travaux afin de proposer des pistes de développement et de réflexion. Enfin, nous pourrons entrevoir la manière dont la confrontation au « matériau tsigane » peut contribuer à « dés-ethniciser » la pensée de la diversité culturelle en Europe, sans pour autant renoncer à rendre compte de la manière dont se perpétuent et se transforment sans cesse les collectifs.
11Comme le montrent les articles de ce dossier, les recherches de terrain menées parmi des Tsiganes, bien loin de rendre compte de « survivances », de phénomènes « déviants » ou « insolites », donnent à voir la vitalité et la variabilité des formes de créativité socioculturelle au cœur même des sociétés européennes. En tant qu’experts de la fameuse « relation interculturelle » (ou de l’intégration sociale) au sein des États-nations industrialisés, ceux que l’on appelle les Tsiganes offrent ainsi, lorsqu’on entreprend leur ethnographie, un point de vue privilégié sur les questions de changement social et d’ingénierie culturelle en contextes incertains. La portée des leçons que l’on peut tirer de ces travaux paraît dès lors considérable, peut-être plus encore aujourd’hui dans la mesure où leur situation historique caractérisée par l’immersion, la dispersion et le caractère illégitime de leur présence [Williams, 2011a] semble être devenue le lot commun d’une bonne partie de l’humanité.
Tsiganes ou Roms ?
Ce passage de « Tsigane » à « Rom » comme appellation générique (umbrella term en anglais) est indissociable de l’émergence des « mouvements roms » à l’échelle internationale à partir des années 1970 et de leur visibilité croissante après la chute du mur de Berlin [Liégeois, 1995 ; Vermeersch, 2006 ; Lièvre, 2013]. Renoncer à « Tsigane » permettrait notamment de rompre avec une catégorisation imposée de l’extérieur et associée à des stéréotypes négatifs, tout particulièrement en Europe centrale et orientale. Comme le montre désormais un bon nombre de travaux, la question de la dénomination générique est cependant loin d’être simple à résoudre, du point de vue scientifique comme du point de vue politique [voir notamment Gheorghe, Hancock et Cortiade, 1995 ; Cossée, 2010 ; Horvàth et Nastasă, 2012 ; Williams, 2016]. Ainsi, l’expression Gypsies, Roma and Travellers (et l’acronyme « GRT ») est-elle désormais employée par des chercheurs anglophones [Ryder, Cemlyn et Acton, 2014] et au sein de certaines institutions européennes, tandis qu’en français l’usage de « Roms/Tsiganes » tend à se développer [7].
Nous avons pour notre part fait le choix de ne pas alourdir le texte et d’employer ici seul le terme « Tsiganes » qui, en France, paraît aujourd’hui moins connoté que « Roms » – du reste, la revue francophone de référence sur le sujet, éditée par la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du Voyage (FNASAT), s’appelle Études tsiganes.
Plutôt que d’imposer aux auteurs des articles de ce dossier un vocabulaire standardisé, nous leur avons en revanche laissé toute latitude dans le choix des termes qui leur semblaient les plus appropriés pour leur propos : certains utilisent « Tsiganes » (avec ou sans guillemets), d’autres « Roms », d’autres encore, comme on le verra, se passent de tout terme générique.
De la tsiganologie aux Romani Studies
12L’apparition d’une seule catégorie savante et d’un terme unique permettant de relier divers groupes éparpillés sur l’ensemble du continent européen, tout en leur attribuant une origine commune, date de la fin du xviiie siècle. Il serait possible de remonter plus loin encore, en compilant les nombreux textes d’érudits et de chroniqueurs qui, depuis le xve siècle, ont élaboré des considérations comparables à propos des « Égyptiens », « Bohémiens », « Cingari », « Tartares », etc., et de leurs « origines », certains les associant à de lointaines contrées – réelles ou mythologiques (Atlantide, Caucase, Assyrie, Nubie, Éthiopie, etc.) –, d’autres affirmant qu’il ne s’agit que de « racaille provenant des bas-fonds » des sociétés locales [Piasere, 1994 : 20 ; Mayall, 2004]. Mais ce n’est qu’avec l’émergence des nationalismes comme ressorts de la structuration étatique que la catégorie devient à proprement parler « ethnique », en s’inscrivant notamment dans le débat sur l’« identité indo-européenne » [Georget, 2014]. C’est dans ce contexte de la première moitié du xixe siècle que les termes génériques « Tsiganes » (attesté en 1826 en France), « Zigeuner » ou « Gypsies » s’imposent progressivement parmi les savants d’Europe occidentale, par opposition aux diverses appellations populaires et locales que continuent d’employer les pouvoirs publics [Asséo, 1994 ; Williams, 2004]. On peut ainsi parler de naissance de la tsiganologie (ou Gypsiology) en tant que domaine d’érudition qui se donne comme objet « les Tsiganes » afin de résoudre l’énigme de leur origine et de leur persistance.
13L’émergence des États-nations et la « nationalisation » des populations (homogénéisation culturelle et linguistique notamment) ne se résume pas à la seule imposition par les élites de nouvelles catégories identitaires et symboliques fondées sur une autochtonie mythique [Anderson, 1983 ; Hobsbawm, 1990 ; Thiesse, 1999]. Elle s’accompagne de bouleversements profonds dans les domaines économiques et professionnels qui consacrent le passage d’une économie domestique fragmentée à l’économie de marché intégrée et régulée par l’État [Gellner, 1983 ; Weber, 1984 ; Castel, 1995]. La catégorie « Tsigane » n’est dès lors pas seulement constituée en tant qu’anomalie ethnoculturelle, elle est en même temps érigée comme aberration socio-économique. Elle apparaît ainsi redoutablement utile (et efficace) afin de penser l’existence au sein des États européens de groupes sociaux qui ne semblent pas « cadrer » avec la logique nationale et son double registre de (re)mise en ordre des populations : identitaire (idéologie ethno-nationale) et socioprofessionnel (division du travail social). Depuis le début du xixe siècle, la pensée savante tente ainsi de réintégrer cette « minorité problématique » dans l’un et/ou l’autre de ces registres à travers l’hypothèse d’une lointaine origine commune extra-européenne (l’Inde) [8] ou l’idée de groupes sociaux « par défaut », produits des processus de modernisation, d’industrialisation et d’urbanisation de l’Europe [Martinez, 1986 ; Lucassen, Willems et Cottaar, 1998]. « Groupe ethnique » ou « groupe social », les débats sur la manière de définir l’ensemble tsigane sont constitutifs de la naissance même de la tsiganologie. Mais l’important est que les uns et les autres s’accordent sur l’existence de l’objet de leur discorde : les Tsiganes en tant que « population ».
14Aujourd’hui, plus personne ne revendique le titre de « tsiganologue » (« Gypsylorist/Gypsiologist »), lequel est devenu une épithète attribuée aux autres, généralement pour contester ou disqualifier leur propos : « The term Gypsylorist (or: Gypsiologist) is used on a wholesale basis to refer to the Other—the other scholar who investigates Gypsies, but whose scholarship is rejected. [It] is a simplistic kind of rhetorical device employed by writers in order to construct for themselves the credentials for entering into an academic field of research that is highly charged, both politically and emotionally » [Matras, 2005]. Il nous semble néanmoins utile de conserver le terme « tsiganologie » pour faire référence à ce champ savant où s’affrontent des visions différentes des Tsiganes, quelle que soit la manière dont cet ensemble est (explicitement ou implicitement) défini et nommé. Selon cette perspective, la tsiganologie ne se limite pas aux seules perspectives dites « ethniques » ou « culturalistes », on peut y inclure toutes les approches qui, en critiquant le folklorisme, l’essentialisme, etc., adoptent (explicitement ou implicitement) une définition constructiviste/socio-historique sui generis des Tsiganes.
15Le champ de la tsiganologie est ainsi depuis deux siècles un lieu de débats et de controverses, structuré par le jeu des positions (disciplinaires, institutionnelles, politiques, théoriques etc.) variées et, dès lors, d’intérêts divers, divergents, voire frontalement concurrents.
16La publication des actes d’un colloque international organisé en 1986 au centre Georges Pompidou à Paris, à l’occasion du trentième anniversaire de l’association Études tsiganes, illustre cette hétérogénéité. L’ouvrage Tsiganes : identité, évolution réunit ainsi 45 contributions rédigées par des linguistes (13), des sociologues (11), des ethnologues (10), des enseignants (6), des responsables associatifs (4), des historiens (3) et un folkloriste. Le tout forme un ensemble hétéroclite dans lequel, certes, il est partout question des « Tsiganes », mais selon des perspectives très diverses, certaines s’opposant explicitement, d’autres s’ignorant parfaitement. Patrick Williams, qui a édité l’ouvrage, note en introduction qu’« à l’évidence, tout le monde n’avait pas la même idée de ce que devait être cette réunion […]. Notre option fut d’accepter et d’accueillir le foisonnement [qui] permet de dresser un panorama complet des intérêts (à tous les sens du terme) que suscitent ces populations » [1989 : 17].
17À l’époque, le domaine de la tsiganologie était déjà fort diversifié. Mais les acteurs en présence pouvaient avoir une connaissance relativement exhaustive des travaux (et des positions) des uns et des autres. Dès la décennie suivante, le nombre d’écrits et de discours savants sur les Tsiganes a connu une importante croissance qui, depuis, n’a cessé de s’accélérer. C’est au même moment que le terme « Rom » en est progressivement venu à supplanter « Tsigane » comme appellation générique (cf. l’encadré). Il existe bien entendu une relation entre ce développement accéléré des Romani studies, comme on les appelle désormais [9], la fin des régimes communistes et l’intégration progressive des pays d’Europe centrale et orientale dans l’Union européenne, et l’émergence de la « question rom » sur la scène politique et médiatique européenne au cours des années 1990. L’accroissement quantitatif des recherches dans le champ des Romani studies ne semble cependant pas avoir entraîné de rupture fondamentale avec le paradigme de la tsiganologie.
18À titre d’exemple, on assistait encore en ce début d’année 2018 à d’âpres échanges sur la liste de diffusion de l’Academic Network on Romani Studies autour de la question de l’« origine indienne » des Roma et de l’importance de sa prise en compte afin, à la fois, de « mieux comprendre » les réalités socioculturelles de ces groupes et de mieux « lutter contre leur exclusion ». Présent dès l’origine de la tsiganologie, ce genre d’opposition entre deux modèles de pensée se réactualise sans cesse, et ce, indépendamment de l’évolution des champs disciplinaires et du vocabulaire : d’une part, un modèle qui appréhende la marginalisation sociale et économique des Tsiganes comme étant la « conséquence » d’une identité ethnique/culturelle incomprise et mal acceptée – pour ces auteurs, le fait premier serait l’« identité tsigane », qu’il faut mieux comprendre et faire respecter pour lutter contre l’anti-tsiganisme – ; d’autre part, un modèle qui fait, au contraire, de la marginalisation historique la « cause » de la construction de frontières ethniques – le fait premier serait ici la « condition tsigane », qu’il faut mieux comprendre et faire évoluer pour lutter contre l’anti-tsiganisme.
19Au-delà de la rivalité qui affleure occasionnellement, lorsque les uns ou les autres sont conduits à devoir expliciter leur position, ces deux approches se conjuguent la plupart du temps, dans le champ savant comme en dehors. La manière dont la « minorité rom » est définie aujourd’hui au sein des institutions européennes et internationales (ou par les grandes ONGs investies dans la « question rom ») s’inscrit ainsi parfaitement dans le savoir tsiganologique traditionnel et ses deux dimensions : les Roms/Tsiganes sont caractérisés par une double altérité : culturelle et sociale. De même que le récent article « Gypsies », dans la monumentale Blackwell Encyclopedia of Sociology, est une illustration exemplaire de cette synthèse [Lydaki, 2017]. Finalement, les savants peuvent bien débattre encore longtemps sur l’origine de cette « marginalité » et, dès lors, sur la meilleure manière de la combattre, dans tous les cas celle-ci représente, comme au xixe siècle, tout à la fois une évidence et une anomalie au sein des « sociétés européennes ». Les « connaissances » ne cessent de s’accroître, mais la présence et la persistance tsigane demeurerait toujours une question à résoudre. Or c’est en renonçant aux attraits de l’énigme que l’ethnologie des Tsiganes a proposé un changement de regard inédit au cours des 40 dernières années, en se concentrant sur « ce qui est », ici et maintenant.
L’ethnologie des Tsiganes : une courte histoire et une rupture... inaboutie ?
20Comme cela a été noté à plusieurs reprises, les Tsiganes n’ont fait qu’assez récemment leur entrée en anthropologie. Certes, on peut trouver des « ancêtres » de l’ethnographie des Tsiganes au xixe siècle tels que, par exemple, Heinrich von Wlislocki [Piasere, 1994b] ou Paul Bataillard [About, dans ce numéro]. On cite également parfois des articles d’Arnold van Gennep [1912] ou de Fredrik Barth [1955] sur les « Tatars » de Norvège pour illustrer des apparitions occasionnelles de Tsiganes dans l’anthropologie « classique ». Cependant, les premières enquêtes de terrain de longue durée chez des Tsiganes datent de la fin des années 1960 – les résultats n’étant publiés qu’à partir de la seconde moitié des années 1970 en Amérique du Nord et au début des années 1980 en Europe [10].
21Dans un récent article de l’Annual Review of Anthropology, Michael Stewart se demande : « Why did Roma and Gypsies emerge so late as a legitimate field of study ? » [2013 : 416] Il identifie trois raisons principales à l’absence quasi totale de ces groupes dans les travaux d’anthropologues avant la fin des années 1960. Les deux premières renvoient selon lui aux difficultés posées par les Tsiganes aux deux paradigmes longtemps dominants dans la discipline : l’évolutionnisme puis le structuro-fonctionnalisme (les Tsiganes représentant, du fait de leur immersion au sein des sociétés modernes et industrialisées, à la fois de « mauvais primitifs » et de « mauvaises sociétés »). La troisième raison serait d’ordre méthodologique, le travail de terrain parmi des Tsiganes remettant en cause la « méthode ethnographique traditionnelle » : puisque ceux-ci cherchent avant tout la discrétion, voire l’invisibilité, il faut apprendre à « faire du terrain sans notes » et sans « informateurs », à bricoler des modalités d’investigation informelles [Stewart, 2013 : 416-418].
22On peut également noter que les « terrains tsiganes » ne se développent qu’à partir du moment où l’ethnologie de l’Europe et du « proche » devient elle-même progressivement légitime au sein de la discipline [Chiva et Lenclud, 1992 ; Segalen, 2001]. En France, par exemple, les travaux de Jean Cuisenier sur les traditions populaires en Europe ou ceux menés avec Martine Segalen sur les structures familiales [1977], et ceux de Daniel Fabre qui se sont portés initialement sur des sociétés pyrénéennes [1977], avant d’interroger la place de l’oralité, de l’écriture et des institutions culturelles dans les sociétés européennes, ont également largement contribué à focaliser l’attention de jeunes chercheurs sur les nouveaux terrains inexplorés qu’offrait le territoire européen.
23En guise de premier « bilan européen » de cette nouvelle ethnologie des Tsiganes paraissait en 1994 un volume des Études tsiganes visant à « montrer la fécondité de l’ethnologie des Tsiganes aux ethnologues d’autres populations [et à] montrer la fécondité de la démarche ethnologique pour l’étude des Tsiganes » [Williams, 1994 : 4]. Entreprise nécessaire car, comme le notait Michael Houseman dans un article introductif : « l’étude de ces populations est restée en marge de la réflexion anthropologique actuelle […]. Manque de curiosité pour un objet qui ne bénéficie d’aucune tradition dans le débat anthropologique ? Ou défaut des spécialistes qui, trop pris par la singularité apparente de cet objet, ne savent présenter leur questionnement dans des termes permettant d’ouvrir l’échange ? Quoi qu’il en soit, il parait de plus en plus évident [...] qu’une telle connexion ne saurait être que mutuellement fructueuse » [Houseman, 1994 : 11].
24Au-delà de la diversité des communautés étudiées, des lieux d’enquête (Hongrie, Espagne, France, Italie, Angleterre) et des thématiques abordées, ce recueil possède une cohérence fondée sur une approche partagée, critique de toute perspective globalisante. Non par principe, mais parce que les auteurs plaident tous pour « une fidélité à la réalité ethnographique. [Ils] témoignent d’une même attitude : la recherche d’une adéquation entre l’objet d’étude, la méthode d’enquête, les concepts qui soutiennent l’analyse, et le texte qui à la fois dresse le tableau de la réalité qu’ils ont découverte et en propose l’intelligence. [Ils sont ainsi] attentifs à l’inscription de la particularité tsigane dans la totalité non-tsigane [et] sont amenés à examiner la genèse des formes et des valeurs selon lesquelles ces communautés s’organisent […]. Une des leçons de cette approche, c’est que l’analyse d’un système d’organisation n’est ni transposable, ni généralisable. À chaque fois que l’on aborde une nouvelle communauté, il faut tout recommencer à zéro » [Williams, 1994 : 5-7].
25Le présent dossier s’inscrit dans cet héritage. Il n’y a qu’à parcourir les bibliographies des articles ici publiés pour mesurer ce que leurs auteurs doivent à celles et ceux qui ont légitimé le « terrain tsigane », ouvert la voie à un développement inédit des recherches ethnographiques parmi ces groupes, puis, de manière très concrète, encadré des étudiants en devenant chercheurs statutaires. Bien évidemment, l’ensemble des anthropologues travaillant parmi des Tsiganes ne partage pas une seule et même « ligne » et ne forme pas une seule et même « école », comme le montrent bien là aussi les articles du numéro. Il n’empêche que les travaux des pionniers de l’« ethnologie des Tsiganes » ont profondément marqué les générations suivantes. Et quelle que soit la manière dont les uns et les autres mobilisent et développent ce patrimoine (en fonction de leurs propres centres d’intérêts, orientations théoriques et expériences de terrain), ils s’appuient peu ou prou sur les mêmes prémices, qui non seulement rompent avec la perspective primordialiste définissant a priori les Tsiganes à partir d’une lointaine origine commune/exotique, mais aussi tournent le dos aux analyses en termes de marginalité sociale/précarité.
26Ce double mouvement de prise de distance avec les grandes tendances fondatrices de la tsiganologie a entraîné la mise en place depuis les années 1980 d’une relation du type « Je t’aime, moi non plus » entre les ethnologues travaillant chez des Tsiganes et une bonne partie des (autres) acteurs, aussi divers soient-ils, du champ des Romani studies :
Il me semble, ces dernières années, que l’on assiste à la formation d’un front d’anti-ethnologues hétérogènes, composé aussi bien de leaders tsiganes que non-tsiganes qui vivent dans les alentours et dans les contours du monde tsigane […]. En somme, il me semble que nous sommes les plus mal en point, parmi tous les tsiganologues. Historiens, sociologues, linguistes et pédagogues ne connaissent certainement pas les critiques qui pleuvent sur les ethnologues […]. Du moment qu’ils travaillent à écrire une histoire oubliée ou à construire un avenir glorieux, les autres sont des savants de grand mérite ; et nous, des délateurs rétrogrades [Piasere, 1989 : 104-105].
28Comme sur d’autres terrains, où est apparu de la même manière ce « malaise dans la discipline » [Bellier, 2012 : 7] face aux « mouvements indigènes » [Albert, 1995], nombre d’anthropologues se trouvent dans une situation bancale vis-à-vis des représentants et porte-paroles de la « minorité rom » mais aussi des autres savants qui appuient, accompagnent ou nourrissent ces « causes ». Sans l’avoir réellement quitté, l’anthropologie se trouve ainsi à occuper une place relativement marginale, ou du moins défensive, dans le champ des Romani studies [Stewart, 2017].
29Cette prise de distance avec les Romani studies correspond-elle à une meilleure inclusion de ces travaux au sein de l’anthropologie ? De fait, à la suite des « pionniers », les recherches ethnographiques de longue durée parmi des Tsiganes se sont considérablement développées. Les raisons en sont multiples. La chute des régimes communistes a bien évidemment eu de nombreuses conséquences : elle a entraîné une « redécouverte des minorités », notamment de la « culture rom/tsigane », et rendu accessibles de nouveaux (et nombreux) terrains en Europe centrale et orientale. Tandis que l’émergence de la « question rom » a eu pour effet de débloquer quelques crédits pour financer des enquêtes ou des écoles d’été [11].
30Dans le même temps, l’évolution des paradigmes au sein de la discipline au cours des vingt dernières années a sans aucun doute contribué à faire des Tsiganes un terrain de recherche perçu de manière plus favorable, en ce qu’il permet de s’inscrire dans les questionnements actuels sur le transnationalisme et les migrations, les circulations culturelles, la production de l’ethnicité et le métissage, le multi-site et la globalisation, etc. Tout cela a permis de disséminer le « matériau tsigane » dans des champs thématiques très divers [Coquio et Poueyto, 2014], comme en témoignent les articles de ce dossier. Réalisant leur thèse à partir d’un travail de terrain approfondi auprès de Tsiganes, les jeunes chercheurs s’éloignent ainsi du modèle de la « monographie communautaire », inscrivent leurs analyses en dehors de la logique des « aires culturelles » et mobilisent une littérature qui va bien au-delà de l’ethnologie des Tsiganes. Et pourtant, malgré ces efforts, ces travaux paraissent toujours marqués du sceau de la « particularité tsigane » : aujourd’hui encore ces chercheurs se trouvent dans des positions souvent marginales au sein de la discipline.
31La situation apparaît assez similaire chez les historiens : alors que les recherches se sont là aussi considérablement développées aux cours de deux décennies passées, force est de constater « la visibilité aléatoire d’une histoire très peu représentée dans les instances académiques » [About, 2015]. La « connexion » entre les chercheurs travaillant chez des Tsiganes et le reste de la discipline, souhaitée ci-dessus par Michael Houseman, ne s’est pas réellement faite ou, du moins, pas dans les deux sens.
32Marginalité (relative) au sein des Romani studies, marginalité (relative) au sein de la discipline : ces anthropologues se retrouveraient finalement pris entre deux feux. Entre ceux qui leur reprochent de nier l’existence de l’« identité tsigane » et ceux qui leur reprochent d’être encore « culturalistes » en les rattachant à une « aire culturelle » trop étroite, alors même que les intéressés tentent de s’en défaire. La situation ne mériterait pas que l’on s’y attarde, si son seul effet n’était qu’un inconfort (occasionnellement) ressenti par des chercheurs. Il nous semble cependant qu’il y a aujourd’hui de bonnes raisons pour se pencher sur ses causes et réfléchir à des issues.
33Du point de vue scientifique, celui des sciences sociales en général et de l’anthropologie en particulier, on peut noter que les recherches de terrain menées parmi des Tsiganes ont soulevé, dès le départ, des questions centrales pour la discipline, aussi bien pour son épistémologie (ses catégories d’analyse) que pour sa méthode et son écriture [Piasere, 2010] et ont proposé des réponses diverses, provisoires et ouvertes, mais néanmoins assez inédites. Or ces réponses sont trop souvent ignorées [Williams, 2016], et cela même par ceux du champ savant qui en viennent, pour une raison ou pour une autre, à s’intéresser aux Tsiganes ou à la « question rom ».
34Du point de vue éthique ou politique, constatons qu’à ce jour les travaux des anthropologues n’ont en rien modifié la perception des Tsiganes en tant qu’« anomalie », aux yeux du grand public mais aussi, – et cela pose plus encore question – aux yeux d’autres chercheurs qui s’intéressent aux Tsiganes, de près ou de loin. En démontrant la fausseté de nombreuses idées reçues (selon le principe : « Cela n’est pas vrai pour les X [que j’ai étudié], donc ce n’est pas vrai pour “les Tsiganes” »), l’ethnologie des Tsiganes a pu imposer le pluriel et l’idée qu’il s’agissait d’un domaine « complexe ». Mais cette posture relativement modeste est impuissante face à des schémas solidement ancrés : les ethnologues, finalement, sont perçus comme ne s’intéressant qu’à des « exceptions ». Et peu importe que la multiplication des ethnographies allonge sans cesse la liste des exceptions, l’idée que les Tsiganes (et ce quelle que soit la manière dont on les définis) constituent bel et bien une « population » socialement ou culturellement « marginale » demeure inébranlable.
35Nous faisons ici l’hypothèse que ces deux situations renvoient à une seule et même cause : en dépit de ses nombreuses avancées, l’ethnologie des Tsiganes ne propose pas de grille de lecture alternative en rupture « explicite » avec le sens commun tsiganologique. L’on peut ainsi se demander si certaines questions soulevées au cours des 30 années passées n’ont pas été laissées en suspens, dans les coulisses. Et, dès lors, si les réponses qui sont apportées – la nature ayant horreur du vide – par les auteurs ou leurs lecteurs, ne sont pas elles-mêmes, la plupart du temps, implicites. Il y aurait ici une déconstruction inachevée, qui empêcherait d’être « pleinement » dans l’anthropologie (en restant finalement enfermé dans une aire culturelle non choisie), mais aussi pleinement audible et utile dans le dialogue avec les autres disciplines et, au-delà, avec celles et ceux qui souhaitent en savoir davantage sur ceux que l’on appelle Tsiganes.
Quels Tsiganes pour quels anthropologues ?
36Dans leurs entreprises d’émancipation vis-à-vis de l’entité générique « les Tsiganes », les anthropologues se trouvent dans une situation analogue à celle magistralement exposée par Jean Bazin à propos des Bambaras :
Si je dis par exemple : « les [Tsiganes] sont un ensemble hétéroclite de gens qui n’ont rien en commun », je ne fais qu’attribuer au substrat [Tsiganes] une qualité de plus : l’hétérogénéité. Même si j’affirme : « Les [Tsiganes] n’existent pas », c’est un énoncé qui demeure logiquement analogue à « les [Tsiganes] sont patrilinéaires » [...]. La question n’est donc pas de savoir ce qu’est ou n’est pas l’ethnie, mais si c’est un référent dont nous pouvons nous passer. Je peux ne plus croire qu’au signifiant [Tsigane] corresponde quelque entité effectivement déterminable et n’en continuer pas moins à faire comme s’il en était ainsi. Plus la réalité substantielle de l’ethnie est mise en doute, plus l’ethnographe doit s’installer dans un douloureux inconfort du « comme si ». Accordez-moi qu’ils existent juste le temps de vous montrer qu’il n’en est rien… Ou bien je mets des guillemets – ce trop facile refuge de la conscience critique malheureuse auquel nous avons tous recours. Pourtant ces guillemets ne résolvent rien : car si c’est un autre qui parle, qui est-ce ? Bref, nous brisons peut-être le musée, mais nous gardons les étiquettes [Bazin, 1985 : 103].
38Ce dilemme est-il soluble ? Et est-il vraiment utile de perdre son temps à vouloir faire une mise au point sur un objet que tout le monde manipule, qui est toujours en mouvement et, finalement, insaisissable ? Ne devrait-on pas simplement observer et tenter d’analyser ce mouvement ? Ce faisant, ne peut-on pas se satisfaire des guillemets et du « comme si » ? De fait, comme tout le monde, les auteurs de ces lignes s’en satisfont la plupart du temps. Mais toute de même : qu’entendons-nous, ou que « laissons-nous entendre », par « Tsiganes » ? À quelle(s) fin(s) mobilise-t-on l’étiquette ? Pourquoi celle-ci, tel le sparadrap dont ne cesse de vouloir se défaire le Capitaine Haddock, revient-elle toujours se coller quelque part dans nos raisonnements ?
39Si ce genre de questions nous paraît important, c’est parce nous savons désormais pourquoi et comment l’idée d’une « population tsigane » a été inventée et utilisée par les États européens au cours des deux derniers siècles [Asséo, 2003 ; Coquio et Poueyto, 2014]. Nous savons qu’elle est toujours intensément mobilisée aujourd’hui, comme nous savons que les productions savantes, au mieux, sont impuissantes à ébranler l’anti-tsiganisme et, au pire, peuvent participer, directement ou indirectement, volontairement ou involontairement, de la justification de ces politiques [Kovats, 2003 ; Rövid, 2011 ; Acton, 2016]. Dans ce contexte, guillemets et « comme si », pour reprendre les termes de Jean Bazin, apparaissent bien modestes et fragiles.
40Notons que certains chercheurs (principalement en dehors du champ de l’anthropologie) pensent avoir résolu définitivement le problème : en s’appuyant sur ce qu’ils considèrent être le principal « acquis » de l’ethnologie, ils partent du constat selon lequel il n’existe pas de « culture tsigane ». Cela conduirait à mettre de côté toute idée de collectif de référence, même local, pour s’en tenir à une perspective strictement interactionniste, en se concentrant sur la question des processus de catégorisations, de manipulations des stéréotypes et de leurs effets sociaux. Puisque l’on ne peut (évidemment) pas parler de substrat racial ou culturel fondant une « identité tsigane », il n’y aurait que des individus « désignés/catégorisés » comme Tsiganes, en raison de leur marginalité ou de leur mode de vie.
41Ces gens feraient eux-mêmes usage de la catégorisation imposée pour lutter contre les processus de relégation, en investissant, travestissant, niant ou manipulant l’étiquette, de diverses manières selon les contextes, les relations locales, etc. S’il peut alors y avoir création indigène d’une « identité collective » de circonstance, celle-ci doit être interprétée dans ce cadre, comme une manière pour les acteurs d’inverser le stigmate et de (tenter de) tirer leur épingle d’un jeu qu’ils n’ont pas inventé et où ils sont objectivement dominés, depuis le départ [12]. On retrouve finalement ici, dans un vocabulaire qui mobilise les théories constructivistes de l’ethnicité, l’approche tsiganologique traditionnelle de la « condition tsigane ». Notons qu’il y a alors une relation de causalité suggérée entre l’anti-tsiganisme, en tant que phénomène socio-historique propre à la « modernité occidentale », et la production des Tsiganes en tant que « population » (aussi hétéroclite soit-elle).
42Certains anthropologues ont pu proposer des approches en partie similaires, tout en laissant davantage de place à l’agentivité collective (et non plus seulement individuelle) desdits Tsiganes, lesquels se « donneraient l’illusion de choisir » d’être membres de communautés d’appartenance valorisées et parviendraient jusqu’à un certain point à ériger des formes d’autonomie collective [Okely, 1983 ; Formoso, 1986 ; Stewart, 1997 ; Engebrigsten, 2007]. En s’appuyant sur leurs expériences de terrain qui montrent que le sens des discours et agissements de leurs hôtes ne se laissent pas entièrement saisir par la seule logique de l’adaptation ou de la réaction instrumentale, ces auteur.e.s articulent ainsi les deux dimensions « condition tsigane » et « culture rom/gitane/manouche/etc. ». En anthropologues, ils s’intéressent essentiellement à documenter la seconde, mais donnent néanmoins à la première une importance prépondérante d’un strict point de vue logique. En d’autres termes, les relations avec l’environnement priment dans cette perspective sur les dynamiques communautaires – qui sont alors des manières produites en contexte de ne pas être « juste des Tsiganes ».
43D’autres auteur.e.s proposent de conjuguer différemment ces deux dimensions et d’inverser le regard en accordant davantage de place à l’autonomie culturelle, qu’ils refusent de présenter comme une réponse à la seule « condition tsigane ». L’ouvrage de Leonardo Piasere, Roms, une histoire européenne [2011], constitue à ce jour l’unique entreprise menée par un anthropologue afin de rendre de compte de manière globale des réalités historiques et socioculturelles tsiganes en Europe selon cette perspective. L’approche développée est précieuse, en ce qu’elle fournit un cadre d’interprétation qui permet tout à la fois de penser la diversité des groupes tsiganes, mais aussi leurs rapports (changeants) à leur environnement. Piasere propose dès le départ de distinguer le sens des termes « Tsiganes » et « Roms ». Pour « Tsiganes », il parle de « nébuleuse » et de « terme polythétique [renvoyant à] une altérité construite à partir de la fin du Moyen Âge » [ibid. : 53] par ceux qui se définissent comme « non-Tsiganes ». « Roms » désigne, quant à lui, un ensemble constitué de groupes possédant (ou ayant possédé) un même patrimoine linguistique : tous ces groupes utilisent (ou ont utilisé) le terme Rom ou un de ses dérivés (romanes, etc.) [Piasere, 2015 : 19-22].
44Si Leonardo Piasere ne discute pas plus avant l’hypothèse de l’origine indienne, il fait de la langue un dénominateur commun pour circonscrire une « dimension romani, une dimension qui tend à réunir ou à maintenir le souvenir d’une unité culturelle dans la dispersion » [Piasere, 2011 : 72] et au sein de laquelle la démarche comparative lui semble pertinente. Selon sa perspective, « Tsiganes » est le (mauvais) nom qui a été donné « principalement » à ceux qui se disent (ou se sont dits, à un moment) « Roms » [13]. Dans son livre Mariages romanès, une esquisse comparative [2015], il développe sa perspective et parle d’« ensemble romanès » (plutôt que de « Roms ») pour justifier le choix des travaux qu’il utilise pour ses analyses. Bien évidemment, il récuse toute approche étroitement culturaliste et primordialiste, en rendant compte de « manières de faire », plutôt que de « traits culturels », de même qu’il prend en considération les adjectifs et les adverbes plutôt que les substantifs et préfère parler de « réseaux familiaux » (ou « réseaux de réseaux familiaux ») plutôt que de « communautés » ou de « groupes ». Par ces deux ouvrages, Piasere propose ainsi explicitement une « anthropologie des Roms » en s’éloignant de l’« ethnicisation intensive [qui] tend à voir aujourd’hui des fragmentations et des oppositions distinctives [entre communautés envisagées comme des entités discrètes] » [2015 : 22]. Mais ses précautions sont-elles suffisantes pour s’émanciper de toute forme d’ethnicisation, dès lors que l’existence d’un « continuum romanès » est prédéfinie par un critère linguistique ? N’est-ce pas simplement ramener l’ethnicité à un niveau supérieur, celui-là même de la tsiganologie classique ?
45Les définitions proposées par Leonardo Piasere de « Tsiganes » et « Roms » semblent aujourd’hui assez répandues parmi les anthropologues (et au-delà), même s’il est l’un des rares à les expliciter aussi précisément. On peut interroger l’hypothèse selon laquelle le fait de parler (ou d’avoir parlé) des langues que les linguistes considèrent comme apparentées justifie l’idée d’un « continuum culturel » aussi vaste [Canut, 2011]. Mais au-delà, c’est un autre questionnement que soulève cette approche lorsque Leonardo Piasere écrit :
Les politiques anti-tsiganes existent et ont existé justement pour répondre à une politique ou à un ensemble de politiques roms. Et ce sont précisément ces politiques roms qui ont déterminé les modalités des réactions anti-tsiganes [Piasere, 2011 : 131].
47Par « politiques roms » il faut entendre les dynamiques socioculturelles internes aux groupes sociaux qui forment l’« ensemble romanès ». Et s’il parle de ces « politiques roms », c’est pour mettre en avant le fait que l’« ensemble romanès » n’est pas le seul produit des « politiques tsiganes » menées par les États au cours des siècles, que les Roms ne sont pas « spectateurs passifs de leur propre destin » [2011 : 131]. Mais tout en plaidant pour la prise en compte de ce pouvoir d’agir et de cette autonomie (que donne précisément à voir l’ethnologie), cette perspective suggère l’idée d’un lien de causalité entre l’existence de l’« ensemble romanès » en tant que « population » (aussi diversifiée soit-elle) et l’anti-tsiganisme. Finalement, on rejoindrait ici l’approche dominante au sein de la tsiganologie : celle-ci a intégré depuis longtemps la pensée de la « diversité tsigane », tout en considérant que l’anti-tsiganisme provient d’une incompréhension et d’une méconnaissance, volontaire ou non, des « identités roms ».
48Dans une démarche sensiblement différente, Patrick Williams écrit pour sa part : « Les Tsiganes n’existent pas. Ils sont une invention des sociétés au milieu desquelles ils vivent, en l’occurrence les sociétés européennes » [2011a : 7]. Il y a certes des gens que l’on appelle « Tsiganes » (ou tout autre terme générique équivalent), mais ces gens eux-mêmes ne se définissent pas « entre eux » comme « Tsiganes », ils se rattachent à telle ou telle « communauté » :
Nous appelons « communauté » un ensemble de personnes qui ont connu (eux-mêmes et leurs aïeux) une même expérience historique, qui de ce fait partagent un certain nombre de traits culturels et sont unis par des liens de parenté ou au moins savent se situer les uns par rapport aux autres dans un réseau d’individus et de groupes reliés par des liens de consanguinité et d’alliance [Williams, 2011a : 11].
50Au-delà de leurs différences, ces communautés se caractérisent selon Patrick Williams par une situation commune. Elles affrontent la même épreuve :
Comment assurer une (relative) autonomie, une (relative) cohésion et une capacité de perpétuation dans une situation définie par l’immersion, la dispersion et le caractère illégitime de leur présence ? À cette unique question, elles apportent des réponses différentes. Et c’est là le champ qu’a découvert et qu’explore l’ethnologie [2011a : 12].
52Patrick Williams note lui-même que cette situation n’est pas spécifique, d’autres groupes sociaux en Europe vivent en immersion, dispersion et sont considérés comme illégitimes (dans le contexte européen, on songe bien évidemment aux Juifs, mais aussi à ceux que l’on appelle aujourd’hui les « migrants »). Mais les membres de ces communautés ont en commun, en plus de cette situation, d’être catégorisés comme « Tsiganes » par le regard extérieur et, dès lors, de devoir « faire avec » ; « Il revient à tout membre d’une communauté [tsigane] d’incarner “les Tsiganes” aux yeux de l’extérieur » [Williams, 2011a : 18]. C’est en cela qu’il y a, selon lui, une articulation possible entre ethnologie et histoire, entre telle « communauté [rom/gitane/manouche, etc.] » et la « totalité [tsigane] », même si nous ne pouvons avoir que des images « partielles et partiales » [ibid. : 19] de cette « totalité tsigane » qui ne se laisse saisir qu’à l’échelle des interactions entre ceux qui, tout en appartenant à différentes « communautés », se reconnaissent comme également « Tsiganes » ou, plutôt, comme « non-non-Tsiganes », en un lieu et un moment donné. Mais s’agit-il alors d’ethnologie « des » Tsiganes comme il le suggère ? Ou plutôt d’ethnologie des X, Y (les communautés locales) prenant en compte les usages locaux de la catégorie « Tsiganes » ?
53On pourrait enfin objecter qu’un bon nombre de gens désignés comme « Tsiganes » ne sont pas exactement dans cette situation : il y a peut-être « illégitimité » (dès l’instant où le qualificatif est mobilisé à leur encontre), mais pour qu’il y ait « immersion » et, surtout, « dispersion », encore faut-il qu’il y ait l’idée d’appartenance à un « collectif particulier », ce qui n’est pas toujours le cas : tous les gens « dits » Tsiganes n’estiment pas appartenir à des « communautés » au sens défini ci-dessus. Patrick Williams répond par avance à cette objection, puisqu’il ne prend en considération que les situations « où il y a un collectif » auquel les intéressés font référence, auquel ils participent et dont on peut dès lors entreprendre l’ethnologie.
54Partant de la démarche de Patrick Williams, on peut considérer que le terme « Tsiganes » désigne deux ensembles : l’ensemble A, ceux qui sont dits Tsiganes, et l’ensemble B, ceux qui sont dits Tsiganes et qui entre eux, à l’échelle locale, revendiquent une appartenance distinctive et une (relative) endogamie. Ces deux ensembles ne se recoupent que partiellement et, surtout, de manière flottante : tous les gens que l’on voudrait faire entrer dans l’ensemble A ne relèvent pas de l’ensemble B, loin de là ; tous les gens de l’ensemble B ne sont pas qualifiés de Tsiganes « en toutes circonstances », loin de là. Cela étant, une autre question se pose : même s’il fait place aux subjectivités des acteurs (à leur auto-identification via l’appartenance communautaire), l’ensemble B demeure, comme l’ensemble A, une catégorie construite de l’extérieur, puisque les intéressés eux-mêmes, tout en s’inscrivant localement dans une certaine « totalité tsigane partielle et partiale », ne font jamais correspondre cette dernière à l’ensemble B tel que défini, par exemple, par Leonardo Piasere : du point de vue des gens chez qui réside l’ethnographe, le « continuum romanès » apparaît autrement plus réduit que celui établi par l’anthropologue a posteriori.
55Patrick Williams ne suit d’ailleurs pas Leonardo Piasere et son usage du terme « Roms » (ou « ensemble romanès ») pour désigner explicitement l’ensemble B, puisqu’il considère, quant à lui, que tout terme générique « est comme une flèche qui se plante toujours à côté de sa cible » [Williams, 2016 : 10] ; mais il ne discute pas plus avant l’éventuelle (in)consistance de cette « cible ». Reprenons là encore une interrogation de Jean Bazin : « L’ethnologue n’invente pas ex-nihilo, pour les besoins de la cause, des entités fictives ni des noms arbitraires ; vaudrait-il mieux qu’il le fasse ? » [Bazin, 1985 : 106]. Au-delà du nom, la question de savoir s’il est justifié et, surtout, heuristique de regrouper les communautés de l’ensemble B sous une seule et même étiquette reste largement posée, et mériterait peut-être qu’on s’y attarde davantage [14].
56Insister sur la non-correspondance entre les ensembles A et B, tout en gardant à l’esprit qu’ils sont « l’un et l’autre » des catégories d’analyse, apparaît, quoi qu’il en soit, d’ores et déjà important. En effet, cela invite à motiver et justifier leur emploi, plutôt que de les considérer comme allant de soi. Important, surtout, car ce décalage et, plus encore, son caractère « mouvant », permet de mettre en lumière le hiatus entre les caractéristiques retenues pour définir l’ensemble A et les formes de vie observées dans l’ensemble B : certes, celles et ceux que l’on regroupe dans ce dernier ont affaire avec l’anti-tsiganisme (quoique de manières très variables selon les lieux et les époques) et leurs modalités d’affirmation collective ne peuvent être entièrement saisies, si l’on ne prend pas en compte les catégorisations dont ils font l’objet et qu’ils manipulent eux-mêmes. Mais c’est « parce qu’ils sont pris pour d’autres », pour ceux (imaginés) de l’ensemble A, qu’ils ont affaire à ces catégorisations, et non en raison de « caractéristiques » personnelles ou collectives, qu’elles soient sociales ou culturelles, construites ou héritées. Une telle perspective permet de s’éloigner de l’idée d’une quelconque relation de causalité nécessaire entre « identités tsiganes » et anti-tsiganisme.
Pour sortir des schèmes tsiganologiques, en finir avec les Gadjé ?
57On constate au terme de cette rapide excursion dans la littérature que, plutôt que de renoncer définitivement à la catégorie « Tsiganes » et au double registre de définition (unité culturelle/condition sociale) qui lui est intrinsèquement lié depuis l’origine, les anthropologues proposent diverses manières d’articuler ou d’aménager les deux perspectives, en insistant pour les uns davantage sur la « condition tsigane » et pour les autres sur le « continuum culturel ». Le mérite des auteurs discutés précédemment est d’avoir proposé des positions explicites. Elles peuvent être discutées mais invitent dans tous les cas à « se situer » de manière argumentée, plutôt que de se laisser rattraper par une figure clandestine des Tsiganes, tout en croyant y échapper. C’est l’une des grandes avancées de l’ethnologie et de l’histoire contemporaine des Tsiganes que de rendre nécessaire cette problématisation, et d’y mettre au centre le principe d’incertitude : rien ne permet de faire référence à un quelconque ensemble tsigane comme à une évidence – il s’agit au mieux d’une hypothèse qui doit pouvoir être vérifiée et documentée. D’où la difficulté de l’exercice auquel Michael Stewart a dû se plier devant le tribunal en tant qu’expert-anthropologue et dont il rend si bien compte dans son article.
58Mais cette prudence et cette incertitude ont peu de poids face aux idées reçues, d’autant qu’elles n’interrogent pas ce socle sur lequel ces dernières sont bâties : il existe bel et bien, d’une manière ou d’une autre, des non-Tsiganes. Et si l’on ne parvient jamais vraiment à définir une fois pour toutes ce que l’on entend par « Tsiganes » dès lors que l’on se confronte aux réalités de terrain (d’où les débats au sein de la tsiganologie depuis plus de 200 ans), la définition même des « non-Tsiganes » semble quant à elle superflue : ce sont les « membres des sociétés majoritaires », les « nationaux ». C’est nous… L’ethnologie semble elle-même confirmer ce principe dichotomique Tsiganes/non-Tsiganes en rendant compte de cette distinction que l’on retrouve sur le terrain entre le « Nous » de telle communauté et, selon le cas, les Gadjé, Gaže, Payos, Gorgios, Kanche, etc. Mais considérer tous ces termes comme des synonymes et leur donner le sens de « non-Tsiganes » pose problème, comme cela a été discuté à plusieurs reprises : les études de terrain ne cessent de le montrer, chez tels Roma, tels Manouches, etc., le champ de l’altérité est bien loin de se restreindre aux seuls Gadjé [Olivera, 2009]. De plus, le sens du terme est indissociable de son contexte d’usage : les Gadjé des uns ne sont pas ceux des autres [Poueyto, 2014]. Enfin, et nous sommes désormais en mesure de le saisir plus précisément grâce à la distinction opérée ci-dessus des deux ensembles A et B, les gens de l’ensemble B se distinguent eux aussi des « Tsiganes » de l’ensemble A (de façons à chaque fois particulières selon les situations locales), et sont ainsi également, de leur point de vue, des « non-Tsiganes » sans pour autant être des Gadjé, etc.
59Sans développer davantage, constatons, quoi qu’il en soit, que si l’on a déconstruit la catégorie « Tsiganes », les « non-Tsiganes » semblent toujours bel et bien constituer une « réalité » historique, sociale et culturelle évidente. Ils forment les « sociétés européennes » au sein desquelles l’altérité tsigane a fait irruption : que ce soit en raison de phénomènes migratoires ou de processus socio-historiques importe peu, dans tous les cas la présence tsigane est une bizarrerie. On peut certes affirmer que, désormais, les Tsiganes font partie intégrante des « sociétés européennes » (puisqu’ils « sont là » depuis plusieurs siècles, voire même qu’ils en sont le produit), mais cette simple formulation maintient l’incongruité. Et il semblerait étrange d’affirmer que les « non-Tsiganes » font, ni plus, ni moins, partie intégrante des « sociétés européennes ». L’inconfort que suscite un tel énoncé nous ramène au cœur même du dilemme tsiganologique [Coquio, 2014], lequel ne fait qu’exposer de manière particulièrement frappante le « grand partage » qui domine aujourd’hui encore la pensée de la diversité culturelle, dans le champ savant [Lenclud, 1992] et bien au-delà [Todorov, 1989 ; Descola, 2005] : nous avons encore bien du mal à penser les identités collectives dans une logique « vraiment » relationnelle (et contemporaine). Il apparaît toujours nécessaire et urgent de mesurer l’altérité, quitte à la réinventer sans cesse, et de l’expliquer.
60Or, les travaux des ethnologues montrent, depuis maintenant plus de 30 ans, que ces fameux « Tsiganes » ne font finalement rien de vraiment étrange [Williams, 2011b], que leurs manières de faire société ne s’appuient pas sur des « représentations culturelles » exotiques, des croyances difficilement pénétrables ou des pratiques mystérieuses. L’idée qu’ils se font d’appartenir à des collectifs de semblables ne se fonde pas sur des mythes alambiqués, ni sur une idéologie représentée par des institutions. Pas même sur une opposition distinctive entretenue et rappelée de manière univoque : si les hôtes de l’ethnographe mobilisent parfois – au gré des circonstances – tel ou tel ethnonyme et peuvent y associer des « valeurs », la plupart du temps, ils ne font que se comporter en « fille de », « frère de », « cousin/cousine de », « mère de » ou « beau-frère de », ainsi que « voisin de », etc. Leur « appartenance » est une pratique avant d’être un sentiment. Elle est parfaitement indissociable des liens interpersonnels qu’ils tissent au jour le jour et des sociabilités activement entretenues. Ainsi, la définition de soi et des Autres, comme la « préservation de leur culture », semblent-elles bien être les dernières de leurs préoccupations. Les Gadjé et tous les autres Autres ont toujours été là, c’est un fait qui ne requière aucune explication : on ne rencontre chez lesdits Tsiganes aucun mythe d’un âge d’or (pas plus qu’une utopie désirable) de l’entre-soi. C’est même l’intimité entretenue avec « leurs » Gaže/Gadjé/Payos/etc. qui nourrit et (re)configure en permanence la manière de tels ou tels Roms/Manouches/Gitans/etc. d’être eux-mêmes. Dire qu’ils ne sont pas « intégrés » à leur environnement humain relève dès lors de l’absurdité : ils le sont fondamentalement, historiquement, socialement et culturellement, selon des modalités qui échappent cependant à notre propre définition de l’intégration sociale.
61Car si les « manières de faire » tsiganes font contraste, ce n’est pas tant face à celles de la « société majoritaire », que vis-à-vis de l’idée que l’on se fait de cette dernière, en la réduisant à l’idéal-type de la classe moyenne. Pour échapper à ce réductionnisme, et sans même parler de la littérature non-européaniste, les anthropologues travaillant chez des Tsiganes pourraient développer les comparaisons avec les travaux menés parmi lesdites « classes populaires » en Europe : en parcourant, exemple parmi tant d’autres, un article sur les bateliers en France [Wateau, 1989] ou l’ethnographie d’un village roumain [Umbres, 2012], certains chercheurs ne pourront que constater que ce qui est décrit est applicable aux collectifs tsiganes qu’ils connaissent. La lecture des articles qui constituent ce dossier et, au-delà, des monographies produites par des ethnologues ayant travaillé chez des Tsiganes invite ainsi à renverser la perspective pour se rendre compte que la « bizarrerie » n’est peut-être pas qu’il existe des collectifs du type de ceux dont il est ici question (et bien d’autres encore), mais plutôt le fait que nous ayons aujourd’hui encore besoin de définir précisément qui sont les Autres pour savoir qui nous sommes. Ce qui mériterait d’être davantage interrogé et déconstruit, c’est bel et bien l’idée même de « fait majoritaire », bien plus que l’existence des « minorités ».
62Mais nous éprouvons des difficultés à abandonner le confort de la logique de l’ethnicité (qu’elle soit primordialiste ou constructiviste) lorsqu’il s’agit de saisir la manière dont se forment (et déforment) de tels collectifs d’appartenance. S’il n’est déjà pas si aisé de penser « l’ethnicité sans groupe » [Brubaker, 2004 ; Poutignat et Streiff-Fénart, 2015], nous nous trouvons plus désarmés encore face à des « groupes sans ethnicité », dès lors que leurs formes ne coïncident pas non plus avec la logique socioprofessionnelle [Bonaidchoi, 1973] ; ce qui semble bien être le cas de ceux que l’on appelle, à tort ou à raison, Tsiganes, mais aussi d’une foule d’autres gens sur Terre. « L’ethnie apparaît ainsi en négatif, comme le résidu savant d’une polysémie pratique contraire à la rationalité ethnologique comme à la raison d’État » [Bazin, 1985 : 131]. Nous essayons alors de déceler chez eux les indices de l’existence d’une forme d’appartenance ethnique – quitte à noter au passage que les intéressés n’ont eux-mêmes pas pleinement conscience de cette « appartenance ». Mais ce n’est pas parce que tous ces gens doivent aujourd’hui « composer » avec une pensée ethno-nationale largement dominante qu’ils s’y soumettent : à nous d’accepter qu’il n’y a peut-être pas de symétrie entre la manière dont nous les appréhendons, et celle dont eux-mêmes se représentent, et nous regardent [15]. Reconnaître cette asymétrie, ou ce malentendu, ne rend pas la rencontre et la compréhension impossibles, peut-être en est-ce même la condition. L’exploration des terrains tsiganes apparaît, quoi qu’il en soit, comme un domaine particulièrement propice à la modestie épistémologique : elle invite à ne jamais confondre nos catégories d’analyse et concepts, avec la réalité. Et plutôt que de s’en plaindre ou d’y voir une limite à la connaissance, elle invite à en faire un outil de compréhension. ■
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- Williams Patrick, 1994, « Présentation », Études tsiganes, 4 : 2-7.
- Williams Patrick, 2004, « “Or c’était des Tsiganes…” : utilisation des noms génériques, identification des Tsiganes et construction du récit historique dans les ouvrages de François de Vaux de Foletier », Études tsiganes, 18-19 : 195-210.
- Williams Patrick, 2011a, « L’ethnologie des Tsiganes », in Michael Stewart et Patrick Williams (dir.), Des Tsiganes en Europe, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme : 9-31.
- Williams Patrick, 2011b, « Une ethnologie des Tsiganes est-elle possible ? », L’Homme, 197 : 7-23.
- Williams Patrick, 2016, « Nommer, connaître, faire connaître », in Martin Olivera, Victor A. Stoichiţa et Patrick Williams, Roms en Europe, sous le regard de trois ethnologues, Paris, Société d’Ethnologie : 7-18.
Notes
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[1]
On peut ajouter deux articles publiés dans Arts et traditions populaires dans les années 1960, l’un d’André Hajdu, l’autre de Philippe Lemaire de Marne. Par ailleurs, une rapide recherche par mot-clef sur JSTOR fait apparaître que les termes tsigane, rom ou gitan, etc. sont cités dans 127 articles d’Ethnologie française
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[2]
Depuis 2016, ce réseau n’est plus financé par les institutions européennes mais continue d’exister sous la forme d’une liste de diffusion annonçant quotidiennement les publications et évènements ayant trait au champ des Romani studies.
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[3]
Liste non exhaustive des auteurs d’enquêtes ethnographiques réalisées sur des Tsiganes dans le cadre d’une thèse de doctorat en anthropologie au cours des 20 dernières années dans une université européenne (le pays indique le lieu du terrain d’enquête, la date est celle de soutenance) : P. Gay et Blasco (1999), D. Lagunas (2000), N. Manrique (2008), G. Belluschi (2013) et O. Lopez Catalan (2015) en Espagne ; E. Tauber (2005), U. Daniele (2007), P. Trevisan (2007), S. Pontrandolfo (2010), M. Solimene (2014) et A. S. Sarcinelli (2014) en Italie ; J. L. Poueyto (2000), O. Becchelloni, N. Benarrosh-Orsoni (2015), Y. Rubio (2015) et S. Dion (2015) en France ; A. Clavé-Mercier (2014) en France et en Bulgarie ; S. Ni Shuinéar (2003) en Irlande ; M. Brazzabeni (2006) et S. Sama (2009) au Portugal ; J. Grill (2012) au Royaume-Uni et en Slovaquie ; M. Jakoubek (2006) et L. Budilova (2010) en Slovaquie ; T. Hrustic (2008) et Y. Abou Gosh (2008) en République Tchèque ; J. Durst (2006), L. Jaroka (2012) en Hongrie ; A. Engebrigsten (2001), V. A. Stoichiţa (2006), L. Foszt (2007), I. Hasdeu (2007), M. Olivera (2007), P. Berta (2008), F. Jacobs (2010), C. Tesar (2013), M. Lièvre (2013) et G. Pulay (2017) en Roumanie ; R. B. Roman (2016) en Finlande ; F. Ferrari (2010) et M. Fotta (2012) au Brésil.
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[4]
Les coordinateurs de ce dossier tiennent à remercier Martine Segalen pour sa participation aux journées de Pau ainsi que pour son intérêt pour ce projet de publication.
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[5]
L’évolution de l’Indice longitudinal de tolérance, mesurant les préjugés racistes de la population française, montre que la tolérance a progressé régulièrement entre 1990 et le milieu des années 2000, mais que celle-ci a baissé depuis. En 2014, l’indice de tolérance est respectivement de 79,5 pour les juifs, 73,6 pour les Noirs, 62,1 pour les Maghrébins, 53 pour les musulmans et seulement 28,5 pour les « Roms » [Commission nationale consultative des droits de l’homme, 2015] ; rejet d’ailleurs régulièrement exprimé par les plus hauts représentants de l’État, comme l’attestent les commentaires de Nicolas Sarkozy sur les évènements de Saint-Aignan, en juillet 2010 (http://www.liberation.fr/politiques/0101648801-gens-du-voyage-parfois-meme-francais) et divers propos tenus sur les Roms par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/03/14/01016-20130314ARTFIG00647-roms-le-cri-d-alarme-et-le-message-de-fermete-de-valls.php et http://www.lexpress.fr/actualite/politique/pour-valls-les-roms-ont-vocation-a-revenir-en-roumanie-ou-en-bulgaire_1284663.html#Hughst1GmP2D6xoT.99).
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[6]
« Mondes tsiganes : une histoire photographique, 1860-1980 » est le nom de l’exposition exposée de mars à août 2018 au Musée national de l’histoire de l’immigration à Paris et réalisée par M. Pernot, I. About et A. Sutre.
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[7]
Ainsi le réseau interdisciplinaire Urba-rom fondé en 2010, se nomme-t-il « Observatoire européen des politiques publiques à destination des groupes dits “roms/tsiganes” » ; https://urbarom.hypotheses.org/
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[8]
Dès 1783, deux savants allemands, Heinrich Grellman et Johann Rüdiger, « découvrent » une parenté entre la langue des « bohémiens » et celles parlées dans l’« Hindoustan ». Sur les thèses de l’« origine indienne », voir Fraser [1992] et Asséo [1994].
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[9]
Ainsi, The Journal of the Gypsy Lore Society (fondé en 1888) devient en 2003 la revue Romani Studies [Matras, 2017].
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[10]
C. Miller [1968], A. Sutherland [1975] et R. Gropper [1975] aux États-Unis ; M. Salo et S. Salo [1977] au Canada ; M. Grönfors [1977] en Finlande ; I.M. Kaminski [1980] en Pologne ; J. Okely [1983] en Grande-Bretagne ; P. Williams [1984], B. Formoso [1986] et A. Reyniers [1992] en France ; T. San Roman [1984] en Espagne ; L. Piasere [1985] en Italie ; M. Stewart [1987] en Hongrie. Pour une présentation plus détaillée de ces premières recherches, voir Piasere [1994], Williams [2011a] et Stewart [2013].
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[11]
En particulier celles organisées durant plusieurs années par Michael Stewart à la Central European University de Budapest.
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[12]
Pour une telle approche, voir en particulier Ladanyi et Szeleny [2006]. Partant du constat de l’inexistence d’une « culture tsigane », les auteurs qui adoptent cette perspective strictement constructiviste ignorent très généralement les monographies d’ethnologues ayant travaillé sur des communautés particulières, ces dernières relevant de leur point de vue de la seule tsiganologie, qu’ils restreignent à tort à l’approche primordialiste.
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[13]
Leonardo Piasere considère ailleurs, dans un texte consacré à la notion d’anti-tsiganisme, que « d’un point de vue historique le processus de tsiganisation a touché essentiellement les populations parlant le romanes, mais pas uniquement » [2014 : 241].
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[14]
Notons qu’Aparna Rao [1986] a proposé la notion de « nomades péripatétiques » afin d’inclure les Tsiganes dans une catégorie analytique plus large et tenter de s’extraire du champ de la tsiganologie ; il n’empêche que les Tsiganes demeurent dans cette perspective une « population », définie ici par un rapport particulier à la mobilité. Et l’on sait par ailleurs que parmi lesdits Tsiganes, seule une minorité est (ou a été au cours des siècles passés) « nomade » ou « semi-nomade ».
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[15]
Sur ce point, certains auteurs ont proposé des analyses qui, à propos des Roms Gabori de Transylvanie [Olivera, 2012] et des Calon de l’État de Sao Paulo au Brésil [Ferrari, 2014], rejoignent les discussions actuelles sur les ontologies et le « perspectivisme ».