Notes
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[1]
Paul Arnal étudiant en théologie protestante a été le fondateur du Club cévenol au service des Cévennes et des Causses. Philippe Joutard, son président entre 1975 et 2001 l’oriente vers l’histoire orale, la mémoire et le patrimoine culturel avec l’aide de Daniel Travier, Jean-Noël Pelen et Jacques Poujol. Ce travail se poursuit sous la présidence actuelle de l’historien Patrick Cabanel. Voir http://www.club-cevenol.org/fr/histoire.php.
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[2]
Voir l’épisode de l’internement dans le camp de travail de Saint-Just-en-Chaussée (Oise) et de la fuite des réfugiés autrichiens dans la trilogie Welcome in Vienna, première partie, réalisée par Axel Corti, 1986.
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[3]
En application du décret loi du 12 novembre 1938 concernant les étrangers indésirables, le premier « centre de rassemblement » (plus tard camp de concentration) de Rieucros en Lozère est mis en place par un nouveau décret du 21 janvier 1939. Il héberge en février 40 hommes (réfugiés autrichiens et juifs allemands antinazis). Y sont internées des « Brigadistes » et des réfugiés espagnols : http://www.rieucros.org/contexte/contexte.php consulté le 4 mars 2013. Les camps d’internement et de regroupement en Lozère peuvent être consultés sur le site : http://www.ajpn.org/commune-Vialas-48194.html et ceux du Gard : http://www.ajpn.org/departement-Gard-30.html.
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[4]
Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d’honneur ainsi qu’une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’État d’Israël.
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[5]
Les prénoms des habitants, des réfugiés, ont été modifiés quand ils n’ont pas publié leurs propres témoignages.
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[6]
À partir du 29 novembre 1941, les Éclaireurs israélites sont dissous comme tous les organismes non cultuels juifs. Ils sont contrôlés par le scoutisme français. Les éclaireurs unionistes accueillent les éclaireurs israélites et les petites ailes les plus jeunes se dénomment alors « petites ailes neutres », le terme « israélite » disparaît. C’est grâce au réseau des éclaireurs unionistes que des enfants juifs sont cachés. Entretien de l’auteure avec J. H., Nîmes, 13 septembre 2010.
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[7]
Distinguer aussi la maison de retraite de Nîmes, dans laquelle ont trouvé refuge des juifs âgés en 1943 et des protestants beaucoup plus hésitants voire même collaborateurs [Leplay, 2006 : 42-43].
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[8]
L. S., Correspondance avec l’auteure, le 24 mars 2010.
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[9]
En témoignent Fanchon à Vialas en juin 2011 et mes photos de famille.
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[10]
L. S., Correspondance du 24 mars 2010 avec l’auteure.
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[11]
S. E., Entretien, juin 2010 avec l’auteure à Nîmes.
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[12]
Le 22 août 2012, une cérémonie commémorative a eu lieu au musée du Désert en hommage au pasteur Boegner en présence d’historiens, des représentants des institutions juives et protestantes et de témoins durant laquelle a été dévoilée une plaque en mémoire de cet événement.
-
[13]
L. S., correspondance du 24 mars 2010 avec l’auteure.
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[14]
Entretien avec David et l’auteure le 2 décembre 2012 à Paris.
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[15]
J.-P. L., entretien à Paris avec l’auteure le 1er Février 2012.
-
[16]
Registre du livre de baptême, Bibliothèque de la Maison du protestantisme.
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[17]
S. E., entretien, Nîmes avec l’auteure, juin 2010.
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[18]
Entretien téléphonique de l’auteure avec sa fille, en décembre 2011.
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[19]
Fiche 12, enquête conduite par Jean-Louis Pantel pour le Club cévenol (1982-1984 ?). Notons aussi qu’un membre de cette même famille protestante a conduit un processus inverse. Portant en lui l’image d’une tante à forte personnalité, juive dans ses manières d’être, de parler des choses de la vie, ses pulsations, son existence, l’un d’entre eux a été attiré par le questionnement et l’aspect rituel du monde juif. Dans ce mouvement, il respecte le repos du shabbat et les rites de kashrout, suit des cours de Talmud, a écrit un ouvrage de commentaires talmudiques et participe à la rédaction du mensuel du judaïsme, l’Arche. C’est pour lui une « adoption» et non une conversion. Entretiens avec F. M. et A. M. avec l’auteure, décembre 2012.
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[20]
Je m’y suis rendue régulièrement au cours de ce travail. Dans ces lieux se trouve le cœur de cette mémoire et de l’histoire des Cévennes. Le banc en granit offert par la famille Juliard, le 2 juin 2005 au village est adossé au temple.
La Mémoire, c’est un rapport sensible, affectif, personnel au passé, le passé vivant dans le présent, à travers les objets, les sentiments, la parole. Elle est culturelle, historique, religieuse, artistique. Exclusive et intolérante, elle enferme et isole ; elle peut être explosive et meurtrière, ou tout au moins empêcher de vivre ensemble. Mais elle peut aussi susciter la résistance à l’oppression, sauver une culture, permettre à une minorité de survivre, assurer la cohésion d’un groupe d’une société, d’une nation.
1En Cévennes, à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes, le 18 octobre 1685, les Huguenots ont bravé l’interdiction de pratiquer le culte réformé. Ils ont tenu des assemblées, combattu l’armée royale aux côtés des Camisards (1702-1704) [Joutard, 1994 (1977)], ont témoigné leur attachement à la Réforme par les moyens les plus secrets. Depuis plusieurs siècles, ils ont manifesté un esprit de résistance en luttant contre toute entrave à leur liberté de culte. Les Cévennes sont l’une de ces hautes terres de la mémoire huguenote avec la Drôme, le plateau Vivarais-Lignon, la haute Ardèche qui deviennent, entre 1940-1944, le lieu de refuge des minorités traquées [Cabanel, 2013]. Comment les Cévennes sont-elles devenues un espace de protection ?
2La question de savoir qui s’y cachait durant ces années de guerre constitue le premier temps de ce travail. La mémoire du refuge élaborée à la suite de l’enquête du Club cévenol a débuté en 1980 [1]. Elle a été enrichie par le colloque de Valleraugue en août 1984 durant lequel se sont rassemblés témoins, chercheurs et historiens de cette période. L’ouvrage qui en est issu, Cévennes, terre de refuge (1940-1944), paru une première fois en 1987 puis réédité révèle que la mémoire s’élabore par strates successives. La rencontre de témoins comme les publications de l’ouvrage provoquèrent les souvenirs d’autres acteurs de cette période selon un phénomène d’accumulation – cela constitue la deuxième étape de la recherche. Dans un troisième temps, les récits d’histoire orale et d’archives recueillis à cette occasion ont été confrontés à un travail de remémoration personnelle et d’enquête sur les lieux mêmes du refuge (entre 2009 et 2012). Moi-même, enfant cachée dans les Cévennes, je questionne le silence familial sur ces événements des plus douloureux et répare une dette à l’égard des sauveurs. Ce travail de mémoire, personnelle et collective prend la mesure de la terrible épopée vécue par mes proches et les réfugiés. La démarche implique l’auteure dans le processus tout en préservant la distance nécessaire à toute investigation scientifique [Jablonka, 2012 : 35-39].
3Pour appréhender la situation des juifs dans le Cévennes durant la Seconde Guerre mondiale, il est nécessaire de connaître la région plus globalement et quels étaient les exilés qui y ont trouvé abri.
Les réfugiés en Cévennes
4Selon l’historien du protestantisme et de la Résistance, Jacques Poujol [Joutard, Poujol et Cabanel, 2012 [1987] : 89-127], la France a connu trois vagues successives d’arrivées de réfugiés du nazisme : une première après l’avènement d’Hitler et la promulgation des lois de Nuremberg, une deuxième après la Nuit de cristal et une troisième après l’Anschluss. Réfugiés autrichiens, Allemands antinazis, juifs pour les deux tiers d’entre eux optent pour la Hollande, la Belgique, la France. En France, les juifs allemands et autrichiens sont internés en avril 1940 comme ressortissants « ennemis ». Ils sont libérés ou s’échappent aux alentours du 10 juin, alors que l’armée allemande prépare son entrée dans Paris [2]. En mars 1939, arrivent en France les anciens combattants des Brigades internationales de la guerre d’Espagne et des Républicains espagnols. Pour les hommes, le gouvernement de Vichy met en place des camps de travail étrangers. En Lozère près de Mende, s’ouvre en janvier 1939, le camp de Rieucros, premier centre de rassemblement dans lequel sont détenus des hommes et des femmes étrangers, militants politiques de divers pays qualifiés d’indésirables [3].
5Selon Jacques Poujol, les premiers Allemands antinazis qui résident librement en Cévennes se trouvent au Collet de Dèze [Poujol, 2012 : 91]. Ils jouissent d’une relative liberté. À partir des premières rafles des juifs étrangers du 26 août 1942 et de l’invasion de la zone sud par la Wehrmacht, le 11 novembre 1942, les Allemands antinazis se réfugient dans la clandestinité. Certains intègrent les maquis cévenols, fin 1942-début 1943. Ils côtoient de jeunes réfractaires au STO. En 1940 puis en 1942, des réfugiés en plus grand nombre venant de l’Europe entière (Belges, Roumains, Polonais, Autrichiens, Espagnols, juifs pour deux tiers d’entre eux) cherchent à se cacher dans les différentes vallées cévenoles, essentiellement grâce au réseau des pasteurs et à la solidarité de leurs paroissiens. Ces réfugiés étrangers sont alors rejoints par les juifs français qui ont d’abord gagné la zone occupée, puis ont trouvé un logement dans les villes du Midi, du centre et de l’Est, et sont ensuite parvenus dans les Cévennes. Dans les villages de montagne de Vialas, Vébron et de Saint-Germain-de-Calberte en Lozère, les juifs ont représenté jusqu’à 8 à 10 % de la population dans les années 1940. De fait, on trouve des refugiés juifs disséminés dans toutes les Cévennes, ce qui n’est pas le cas du plateau du Vivarais-Lignon où se concentre un grand nombre de juifs pour une population de 24 000 habitants [Cabanel, 2011 : 33-44]. La plupart d’entre eux quittent les Cévennes dès la libération, en octobre 1944.
Les dits et non-dits de la mémoire
6Philippe Joutard et Jacques Poujol ont souhaité célébrer le 40e anniversaire de cette période au cours de laquelle beaucoup se sont cachés. L’enquête conduite par le Club cévenol à partir des années 1980 s’est de prime abord heurtée aux résistances du monde protestant comme à celles des familles qui avaient trouvé abri dans les Cévennes. Les récits recueillis ont révélé les difficultés d’évoquer ce moment. Du côté des Cévenols, le refuge des juifs avait été ce que Jacques Poujol a appelé un « non-événement ». Les habitants n’avaient fait que leur devoir, devoir lié à une longue histoire de résistance et de persécution. Il n’y avait pas lieu de l’évoquer. Modestie, sens du secret étaient à la source de ces refus de témoigner, ou à l’origine des difficultés. De fait, après-guerre, l’évocation de la résistance armée avait occulté celle de la résistance civile, anonyme, clandestine et silencieuse, résistance pour la protection des populations persécutées, longuement analysée par Jacques Sémelin [Sémelin, 1989, 2011, 2013].
7Au colloque de Valleraugue en 1984, logeurs et témoins juifs ont pu confronter leurs mémoires, 40 ans après les faits. Par la suite, de nouveaux témoignages sont venus peu à peu compléter les éditions successives de l’ouvrage Cévennes, terre de refuge, 1940-1944, jusqu’à la plus récente publication de 2012. Ils révélaient des situations conflictuelles, celles des maquisards versus des habitants et des réfugiés qui redoutaient les représailles. Cette mémoire ne se voulait pas hagiographique : elle mentionnait l’existence des escrocs ou des traitres. L’on y découvrait les diverses filières, celle des pasteurs, liée à des employés de préfecture, celle des secrétaires de mairie, des instituteurs qui avaient joué une fonction essentielle dans la protection des réfugiés, tout comme le rôle de certains gendarmes avertissant, sous forme codée, les juifs de leurs prochaines venues. Au final, plus de 1 000 juifs se sont réfugiés en Cévennes. La collecte des auteurs a été évolutive, comme si chaque édition appelait les témoignages et les documents des hôtes et des réfugiés qui ne s’étaient pas encore manifestés.
8Cependant il subsistait des silences… Silences de ceux dont les parents avaient été déportés, de ceux dont le témoignage était impossible, de ceux qui n’avaient pas reçu d’écoute attentive, de ceux qui ne voulaient plus en entendre parler. Maurice Halbwachs dans La Mémoire collective souligne la séparation que la parole implique, telle une échappée de soi : « Les souvenirs qu’il nous est difficile d’évoquer sont ceux qui concernent notre bien le plus exclusif comme s’ils ne pouvaient s’échapper aux autres qu’à condition de nous échapper à nous-mêmes [Halbwachs, [1950], 1999 : 92].
Mémoires de guerre au quotidien
9Parallèlement au Club cévenol, j’ai entrepris un travail sur la mémoire qui s’est déroulé en deux temps : auprès d’une vingtaine de réfugiés en 1984 et ensuite une recherche extensive sur les lieux mêmes du refuge de 2009 à 2012 dans le but d’établir un dossier de Juste parmi les Nations [4]. En réalité, tel n’était pas mon seul propos. Je souhaitais aussi construire des mémoires au quotidien, comprendre quelles avaient été les expériences les plus marquantes de ces familles. Où avaient-elles pu trouver à se cacher, sous quelles identités ? De quoi vivaient-elles et quelles relations avaient-elles entretenues avec leurs hôtes ? En 2010, se souvenait-on encore d’elles ? Qu’était-il advenu de leur judéité ? Autant de questions interrogeaient notre génération qui avait vécu cette époque par procuration : « C’est la double contrainte, l’injonction paradoxale imposée à la génération de l’après-guerre prise entre parole impossible et une amnésie interdite, ni mémoire, ni oubli », note Nicole Lapierre [Lapierre, 2001 [1989] : 193].
10La guerre ne m’avait été racontée que sous la forme de faits extraordinaires, de caches successives, d’évènements à haut risque et de la déportation de cousins. J’écrivais en 1990 : « Chez nous perduraient ces récits de guerre, des histoires jamais achevées qu’avec complaisance l’on reprenait. Et des mots toujours les mêmes revenaient : “échappé”, “si on avait su”, “la famille”, “eux et pas nous”, la “chance”. Une mémoire légendaire se bâtissait » [Bloch-Raymond, 1989-1990 : 163]. Je m’étais bien gardée d’explorer la vie au quotidien de mes proches durant ces années-là. Aucune histoire familiale n’avait été élaborée à l’exception de celle d’un médecin historien dont le travail allait m’être précieux [Simon, 1985]. Les photos qui témoignaient des lieux, des sensibilités comme les récits des proches et des réfugiés m’ont alors largement aidé à reconstruire ces événements. « Nous-mêmes, enfants devenus adultes, longtemps nous n’avons pas pu, pas su ou pas osé sonder ce désespoir secret qui enveloppait tout le passé familial » [Lapierre, 2006 : 97].
11Lors d’un premier travail en 1984, j’avais constaté qu’aucune des personnes contactées parmi les 28 résidant pour la plupart à une centaine de kilomètres des lieux de refuge en Cévennes, n’avait gardé de lien avec les familles d’accueil et n’était retournée en Cévennes depuis 40 ans. Ces montagnes aux vallées resserrées, peu accueillantes en apparence, n’étaient pas, dans les années d’après-guerre, des lieux de tourisme mais le territoire privilégié des familles protestantes. La mer et l’exploration des plages méditerranéennes dans les Citroën familiales étaient plus favorables à la santé des enfants, un lieu de vacances agréable pour tous. J’avais noté que ni dans les villages de Valleraugue, de Taleyrac, de La Bécède dans le Gard ou dans celui de Vialas en Lozère, les familles ne vivaient dans la clandestinité. Il s’agissait davantage de discrétion. À l’arrivée dans le village, la gendarmerie était venue leur rendre visite afin de vérifier leur identité. Ils s’étaient, pour la plupart d’entre eux, déclarés juifs [Pruitt Juliard, 2005 ; Léon, 2011]. Certains s’étaient inscrits à la mairie pour obtenir des tickets d’alimentation. Les plus jeunes allaient à l’école sous leur vrai nom. Cependant, d’autres devaient rester invisibles notamment en raison du STO : ils étaient cachés dans des greniers ou avaient rejoint le maquis. Personne n’était censé connaître l’identité des réfugiés. J’avais ainsi écrit : « Si l’on se reconnaît, on ne se fréquente pas car chacun vivait pour soi, on se cachait ». L’on ne peut pourtant parler que de semi-clandestinité, exception faite de deux frères, Raoul et Henri [5], qui n’étaient pas déclarés à la mairie. La population prétendait ne pas savoir, n’en parlait pas. Comme l’analysait Philippe Joutard dans la postface de l’ouvrage, Cévennes, terre de refuge, en 1987, « persistait la mémoire d’un sentiment d’être relativement isolé mais aussi la sécurité relative qui naît d’une protection collective » [Joutard et al., 2012 [1987] : 335].
12En 1984, le colloque de Valleraugue dans le Gard avait été un grand moment de retrouvailles entre hôtes et logeurs. Je me souviens cependant des réflexions de mes voisins qui ne comprenaient pas pourquoi les juifs ne mangeaient pas de porc au cours des repas. Nos hôtes voulaient volontiers discuter mais le monde juif pour beaucoup d’entre eux se révélait être terra incognita. Des hôtes sauveurs : ils n’en avaient plus entendu parler ou plutôt plus « voulu » en entendre parler. Étrangement, malgré la ferveur et l’émotion qui régnaient durant ces journées, je ne parvenais pas à y adhérer totalement. Je restais à distance. Une méfiance non dite subsistait. Mais je n’arrivais à en déceler l’origine.
Retour à Vialas 25 ans plus tard
13Dans les années 1955, j’ai vécu mon enfance et mon adolescence dans la ville de Nîmes. Mes amies de classe étaient en majorité protestantes. Des proches faisaient partie des éclaireurs unionistes ou des éclaireurs de France mais ne se retrouvaient pas chez les scouts de France, les catholiques. Il était mieux vu chez les jeunes juifs et plus sélect aussi d’intégrer les éclaireurs unionistes qui avaient d’ailleurs accueilli les éclaireurs israélites pendant la guerre [6]. Les familles juives et protestantes se fréquentaient. Pourtant, peu de mariages se nouaient entre eux. Faisaient exception les alliances conclues entre habitants et réfugiés cévenols, ou plus tard celles de proches qui avaient épousé un fils de pasteur ou une amie d’enfance protestante, réfugiée à Nîmes. Si parmi les israélites et les protestants, des connivences religieuses et sociales existaient pourtant, je mesurais aussi le fossé qui nous séparait. J’assistais adolescente aux amitiés judéo-chrétiennes que j’appelais volontiers les « hostilités judéo-chrétiennes ». Je me souvenais qu’elles tournaient souvent au pugilat autour de la question de la légitimité de Jésus, fils de Dieu, du messie et du prosélytisme.
14J’avais aussi en tête les conversions au protestantisme d’un certain nombre des membres de ma famille qui avaient provoqué la colère de mes proches. Subsistait un ressentiment à l’égard de pasteurs qui avaient converti des parents ou leurs enfants après ou durant la guerre. Ces actes, certes peu nombreux, effectués à la demande des intéressés, avaient été vécus comme une perte d’identité, une trahison, une renonciation à sa propre histoire, voire même un jeu d’influence. Le monde protestant était de l’autre côté. À Nîmes, comme dans d’autres villes du Midi, existait aussi ce clan méprisant de grands bourgeois de la haute société protestante (HSP), sûrs de leur bon droit dont j’avais éprouvé, enfant, la suffisance. En réalité, persistait un décalage profond entre le monde juif et le monde protestant, du fait de rituels de commensalité dissemblables, de l’histoire respective de ces deux groupes et de la diversité de leur assise sociale, même si les alliances républicaines au cours du xixe siècle avaient joué un rôle considérable [Cabanel, 2005].
15En outre, si des protestants avaient été déportés pour acte de résistance, si des familles avaient caché des juifs au risque de leur vie, ils n’avaient pas tous offert un refuge. Il faut opérer une différenciation entre les milieux ruraux, populaires, souvent exemplaires et les milieux urbains, les pasteurs courageux, et des personnes dignes du plus grand respect telle Marcelle Monod, directrice de la Maison de santé protestante qui a caché résistants, parachutistes et formé clandestinement de jeunes infirmières juives [Weill-Gerber et Bloch-Raymond, 2011 : 147-154 [7]]. Au cours de ce travail effectué entre 2009 et 2012, après avoir rencontré de nombreux habitants du village, entendu les réfugiés, qui étaient enfants ou adolescents à l’époque, j’ai entrepris de raviver leur mémoire, de les aider à dévoiler ce qu’ils n’avaient pu dire auparavant, de prêter une oreille à leurs hésitations, à leur gêne, aux difficultés et aux ressentiments [Bloch-Raymond, 2012 [1987] : 153-161].
Vivre dans des maisons rudimentaires : exploration des lieux
16Selon leurs témoignages, les réfugiés devinrent des experts dans l’exploitation des ressources du monde rural, vivant dans des maisons mal chauffées, sans eau, sans sanitaires. Ce sont les conditions matérielles dans lesquelles ils sont soudain plongés qu’ils expriment en premier lieu. Il fallait s’accommoder des maisons sans confort des campagnes d’alors. Entretenir un feu fut d’abord un premier apprentissage brutal : celui de Juliette Benichou [Benichou, 1997 [1987] : 308-309]. Alain Corbin éclaire cette situation d’enfants confrontés à un monde autre : « La plongée dans la ruralité étrange s’accompagne immédiatement ou à court terme de la séparation d’avec les parents, d’une confrontation d’avec la solitude » [Corbin, 2006 : 33]. Le jeune Léopold, âgé de 14 ans, décrit sa nouvelle maison au cœur de la forêt à Chaufés, une maison délabrée. Les mots traduisent son désarroi d’urbain devenu orphelin plongé dans un univers chaotique :
C’était une bâtisse en ruines, sans eau, sans sanitaire, sans électricité, au début. Les planchers de cette bâtisse de deux niveaux étaient parsemés de trous. L’eau était prélevée dans un puits à 200 mètres accessible par un sentier escarpé. La bâtisse était isolée de Vialas, à trois, quatre kilomètres environ par des chemins séparés par une gorge ou s’écoulait un ruisseau, la Planche, je crois [8].
18Antoine, son cousin et aîné qui avait trouvé cette maison lui répond d’une certaine manière, dans un entretien avec Sophie d’Agostino [d’Agostino, 1993] : « Nous ne cherchions pas une salle de bains mais à nous cacher ». Et il poursuit : « J’ai expliqué notre situation au service de l’électricité, que nous étions juifs et ils nous ont installé l’électricité ». Cinq personnes ont vécu dans cette maison, de janvier à septembre 1944. Comme dans l’ensemble des maisons, il n’y avait pas d’eau, seul un WC collectif était utilisé et se trouvait au bas des escaliers. Selon le groupe de femmes rencontrées dans la Maison des associations du village, en septembre 2011, Camille, apportait le lait chaque jour de Libourette (hameau voisin) et se chargeait de la corvée de l’eau. Ce souvenir concorde parfaitement avec celui de ma mère qui évoquait, il y a une vingtaine d’années, son existence au village, désirant me rassurer, avec humour, sur la manière dont j’avais été nourrie.
19Les nouveaux venus ne savaient pas marcher dans les pierrailles : ils apprirent peu à peu. Les enfants parcouraient des kilomètres et découvraient la nature. Pour se rendre au cours complémentaire, il fallait, comme Léopold, traverser la rivière, monter, descendre à travers les bois quel que soit le temps. Il est très frappant d’entendre son ancien professeur, R.E., évoquer des souvenirs amusants des réfugiés – celui qui n’était pas doué en gymnastique ou l’autre qui ne tenait pas en place. Leurs camarades habitant encore le village se souviennent de leurs compagnons de classe et peuvent, plus 60 ans après, donner leur nom.
Être un élève comme les autres
20Dans les villages de Saint-Germain-de-Calberte, des Rousses, de Vialas, Nojaret et de Souteyrannes, le premier souci des parents était la scolarité de leurs enfants. La mémoire n’est pas une mémoire malheureuse comme le note Jean-Paul Léon, alors âgé de 7 ans et dont la famille a résidé au village de 1942 à 1944 :
C’est la version « années vertes » largement explorée par Martin de la Soudière notamment dans l’évocation des petites Lévi [De la Soudière, 2011 : 98]. Des activités étaient organisées par la femme du pasteur Saint-Martin, à Saint-Germain-de-Calberte qui réunissait les enfants du village. À Vialas, Fanchon, qui avait 13-14 ans à l’époque, se rappelle des promenades avec des réfugiés parmi lesquels Robert, originaire de Nîmes, chargé du jardin maraîcher pour sa famille à Souteyrannes. Des bandes d’enfants et de jeunes gens se côtoyaient et se promenaient ensemble [9]. Cependant l’inquiétude persistait. Adultes et adolescents étaient conscients que leur statut de réfugié était fragile. La recherche de nouveaux refuges demeurait une préoccupation. La nature montagneuse s’y prêtait.Ma sœur et moi étions scolarisés à l’école de Nojaret. Notre institutrice était Mademoiselle S. Dans notre classe unique nous avions des enfants du village […] et aussi des citadins réfugiés chez leurs grands-parents : une époque dont je conserve le meilleur souvenir. J’ai appris à lire, à écrire, à compter à l’école de Nojaret ; nous avions une merveilleuse institutrice. C’est ici que j’ai appris à reconnaître les champignons, cèpes, oronges, se remémore Jean-Paul, les parterres de jonquilles et de narcisses qui couvraient le flanc du Trenze au printemps m’ont laissé un souvenir inoubliable.
Se camoufler dans la nature
21La nature était un lieu de cache. Le danger était présent. Les bois des environs du village permettaient de se dissimuler, d’apercevoir les allées et venues d’étrangers, comme le décrit le jeune Léopold dans sa correspondance : « Nous pouvions voir de loin la route qui menait de Génolhac à Vialas et nous pouvions guetter tout mouvement insolite. La nature boisée, d’anciennes mines tout aux alentours offraient des cachettes que nous avions repérées en cas de danger [10] ». Quant au père de Jean-Paul, « il a su échapper à toutes les montées de miliciens ou d’Allemands en fuyant lorsque cela était nécessaire, avec les nombreux maquisards et sympathisants du village qui venaient nous chercher à notre domicile » [Léon, 2011 : 182]. Cette complicité avec les habitants se trouve dans le récit de France. Son père et son oncle « s’engagèrent dans le mouvement [de résistance] et participèrent à de nombreux actes de sabotage » [Pruitt Juliard, 2005 : 176]. Simone à Nîmes évoque Raoul, son futur époux, « qui prêtait main forte, la nuit aux habitants pour couper les arbres et barrer la route aux Allemands » [11].
22Les témoignages recueillis donnent des avis divergents sur la connaissance des habitants des réfugiés juifs. Savaient-ils même ce qu’étaient un juif et les dangers qu’ils couraient ? Certains réfugiés l’affirment ; les responsables, maires, pasteurs, secrétaires de mairie connaissaient les circulaires et les contrôles et questionnaires auxquels les réfugiés étaient soumis. De nombreux pasteurs avaient participé à l’assemblée annuelle du 6 septembre 1942 au musée du Désert durant laquelle le pasteur Boegner avait évoqué les souffrances des juifs quelques jours après les grandes rafles de l’été 1942 [12]. Ainsi les invitaient-ils à participer au culte du dimanche et aux veillées qu’ils organisaient.
Fréquenter les temples et aller au catéchisme
23« Une grande majorité nous considérait comme des réfugiés et ignorait totalement ce qu’étaient des juifs, en particulier tous les fermiers qui nous ont alimenté » [13]. D’autres témoins disent le contraire. Il est certain que la majorité des habitants ne savaient pas ce que pouvait signifier être juif. La référence essentielle était le peuple hébreu de l’Ancien Testament. On appelait les juifs, « les anciens testaments ». Par précaution, vis-à-vis de la communauté villageoise, suivant les conseils des pasteurs, très souvent guides et soutiens des familles, certains réfugiés s’intégrèrent à la vie religieuse, allèrent au culte le dimanche. À Saint-Germain-de-Calberte, le pasteur Martin accueillait les adultes au temple et à la veillée [Joutard, Poujol et Cabanel, 2012 (1987) : 75]. Les enfants suivaient les cours de catéchisme pour ne pas se différencier des autres enfants et se fondre dans le village. David, à Taleyrac près de Valleraugue avait 7 ans en octobre 1943. Il se passionna pour l’histoire huguenote. Il me raconta fièrement qu’il avait reçu « le deuxième prix de catéchisme » [14]. Les jeunes enfants et leurs parents découvrirent le protestantisme et certains d’entre eux y furent très réceptifs.
24L’on peut s’interroger sur ce qu’il subsiste de la judéité des réfugiés tant la réserve sur leur appartenance s’imposait.
Les rituels juifs
25Se fondre sans doute dans leur nouvel environnement – mais les juifs pratiquants respectaient les règles de kashrout et les fêtes en pleine guerre et persécution. Jean-Paul [15] raconte que son père avait indiqué à ses logeurs qu’ils ne pouvaient pas manger de porc parce qu’ils étaient juifs et que, négociant en textiles, il avait pu se procurer du pain azyme pour les Pâques juives, en 1943. Se fondre – mais ne pas oublier les rites qui préservent l’identité, même de manière discrète. Touchant à ma famille, mon étonnement fut grand lors de mon premier passage à Vialas, plus de 40 ans après : « Élise, leur logeuse, souriante, avait évoqué ma grand-mère, qui venait de perdre son mari. Elle se souvenait de ses crèmes au caramel et de la petite lumière qui brûlait dans son logement, au troisième étage » [Bloch-Raymond, 2011 : 183-188]. La lumière célébrait l’anniversaire du décès de son époux, en septembre 1943 (yohrzeit). Des rites de deuil et des habitudes alimentaires subsistaient. Notre interlocutrice se rappelait la qualité de pâtisserie de ma grand-mère, – on était en pleine pénurie alimentaire –, et de cette petite lumière qui l’avait intriguée. Elle n’avait sans doute pas compris sa signification mais elle relevait l’étrangeté de ce rite.
26Les témoignages recueillis ou écrits révélaient que la conversion correspondait à une demande exprès des réfugiés comme un lent processus d’imprégnation et de désir de sauvegarder les générations futures.
Se convertir pour se protéger et par conviction
27Tout au long de cette période, la manière de se protéger était de paraître non juif, de se faire baptiser. À leur demande, les réfugiés juifs obtenaient de faux certificats de baptême. À Mende, « Ils voulaient se faire baptiser bien que Joseph [Bourdon, le pasteur] leur dise que c’était contre leur race que [les Allemands] en avaient plutôt que pour la religion, elle ne les intéressait pas ». Pour un certain nombre de réfugiés, le baptême fut aussi une demande de conversion par conviction. Ainsi Robert avait été présenté pour baptême dans le petit Temple par le pasteur Lauriol, le 18 décembre 1942 [16]. « Robert, nous explique sa veuve avait une grande admiration, un grand respect pour l’intelligence et l’ouverture d’esprit du pasteur Lauriol. […] Il a sauvé sa famille et lui avait indiqué une filière du refuge. » La famille a été logée gracieusement par Madame Rauzier, membre de la Résistance à Vialas. Leur fils allait fonder une lignée protestante en se mariant après-guerre. Mais au grand regret de son épouse, ses parents n’assistèrent pas au mariage. « Pourtant, souligne-t-elle, ne comprenant toujours pas ce refus, ce sont les protestants qui les ont sauvés » [17]. La conversion est la phase ultime de reconnaissance de dettes, d’identification au sauveur. Mais elle est aussi pour les proches, un abandon de filiation, de l’héritage du père et de la mère. Ainsi peut-on comprendre l’absence des parents au mariage de leur fils.
28Ce processus de conversion commençait parfois très tôt depuis l’intégration du jeune garçon chez les éclaireurs unionistes, un facteur très favorable, puis le sauvetage dans des familles protestantes qui cachaient le jeune homme et ensuite l’action d’un pasteur qui jouait la fonction de guide tutélaire. Ce fut le cas sans doute de J.-P. L., originaire d’Alsace, qui, jeune homme réfugié à Nîmes, entra aux éclaireurs unionistes et à la Fédération protestante, ce qui lui ouvrit « les portes de bien des familles protestantes de toutes conditions » [Bonifas, 1993 : 67], puis se cacha en septembre 1942 à la campagne, à Saint-Bauzille-de-Putois [Gard] grâce à Maurice Delteil, avocat général de Nîmes ». Ses deux parents furent arrêtés dans les Vosges. Il se sentit très vite proche du protestantisme, se convertit et devint un fervent protestant et un généreux donateur au temple de son village d’origine, Gundershoffen dans le Bas-Rhin. Mais ses origines juives demeurèrent un sujet tabou dans sa famille. Sa fille n’apprit l’origine juive de son père qu’à l’âge de quatorze ans [18].
29Ces métamorphoses s’opérèrent progressivement. Fela, jeune étudiante en médecine en 1938, à Montpellier, d’origine polonaise, fut sauvée par un autre étudiant en médecine, résistant qui la cacha à Alès (Gard) puis, à La Planche près de Vialas : « Sous la protection de tous, écrit-elle, y compris des gendarmes et aidée par différentes familles dans les écarts de Vialas ». Elle se maria avec son protecteur, Max, « et bénie par le pasteur Burnand qui a beaucoup secouru de réfugiés à Vialas [19] […]. Elle portait une croix protestante et adhérait aux paroles de respect et d’amour de la communauté protestante », me confia son fils. Ses enfants furent baptisés protestants : « Elle voulait protéger sa descendance ». Elle s’est tout à fait intégrée au paysage des Cévennes et à sa famille d’adoption. Son fils, protestant qui a toujours connu les origines juives de sa mère, participe activement aux activités du temple, y prêche tout en se sentant proche du monde juif. Dans les Cévennes, c’est au temple que bat le pouls du village. Il n’est pas possible de ne pas le fréquenter [20].
30Après-guerre, certaines familles et jeunes réfugiés des Cévennes ont été jusqu’au bout de cette métamorphose en optant pour le protestantisme, soit pour se protéger de l’antisémitisme et des horreurs vécues, soit par imprégnation progressive des lieux ou pour toutes ces raisons à la fois. Les enfants se sont mariés avec des protestants ou des adeptes de la variante quaker, – les quakers ont joué un rôle essentiel dans le sauvetage des familles juives dans le sud de la France – et la famille ne se reconnaît plus juive. C’est ainsi que France est devenue quaker aux États-Unis, cachée par une quaker en Cévennes et conquise par la qualité de ce monde. Elle raconte dans ses souvenirs qu’elle a beaucoup souffert d’être juive durant la guerre [Pruitt Juliard, 2005].
31Grâce au long travail de collecte, grâce à l’engagement des historiens, la population cévenole a pris conscience de l’importance de son rôle et de sa place dans le sauvetage des populations réfugiées et parmi elles, celui des juifs. Ce retour sur l’expérience passée, tout à fait exemplaire, a été pionnier et a été prolongé par de nombreux travaux sur les populations cachées et protégées dans d’autres régions en France et en Europe. Il a mis en évidence ces menus faits de résistance civile non inscrits dans les archives qui ont construit l’histoire de cette période, dévoilé le rôle protecteur de villages entiers. L’approche ethnologique, au présent, sur les lieux mêmes des évènements, à la rencontre des réfugiés et des habitants ouvre à une dimension plus personnelle de l’interaction entre les deux mondes juif et protestant, à l’écoute de la modestie, de la discrétion des sauveurs et des sauvés. Elle appréhende de manière intérieure les traumatismes perçus durant cette époque par les réfugiés. Elle recueille les secrets des témoins et perçoit, à travers leurs longs silences, le coût de leur survie. Elle révèle aussi les nouvelles fabriques identitaires du monde juif, sa capacité d’inventivité et de métamorphose. Pour autant, le monde juif n’oublie pas les rites et l’héritage qui maintiennent son appartenance, même s’il advient à certains d’entre eux de mettre à distance leur lien avec le judaïsme en adoptant d’autres traditions bibliques. « La construction du lien, le réglage de la distance avec le judaïsme sont partie prenante des identifications au monde juif » note Chantal Bordes-Benayoun [à paraître en 2013]. Ce travail de remémoration personnel et collectif sur la longue durée permet une construction « sédimentée » de la mémoire, une mémoire révélatrice des temps présents. Il met en évidence les aspects les plus heureux mais aussi les plus controversés et irritants de cette époque et ses prolongements actuels.
Bibliographie
Références bibliographiques
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Mots-clés éditeurs : conversions, deuxième Guerre mondiale, mémoires juives, méthodologie, refuge cévenol
Date de mise en ligne : 18/10/2013.
https://doi.org/10.3917/ethn.134.0691Notes
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[1]
Paul Arnal étudiant en théologie protestante a été le fondateur du Club cévenol au service des Cévennes et des Causses. Philippe Joutard, son président entre 1975 et 2001 l’oriente vers l’histoire orale, la mémoire et le patrimoine culturel avec l’aide de Daniel Travier, Jean-Noël Pelen et Jacques Poujol. Ce travail se poursuit sous la présidence actuelle de l’historien Patrick Cabanel. Voir http://www.club-cevenol.org/fr/histoire.php.
-
[2]
Voir l’épisode de l’internement dans le camp de travail de Saint-Just-en-Chaussée (Oise) et de la fuite des réfugiés autrichiens dans la trilogie Welcome in Vienna, première partie, réalisée par Axel Corti, 1986.
-
[3]
En application du décret loi du 12 novembre 1938 concernant les étrangers indésirables, le premier « centre de rassemblement » (plus tard camp de concentration) de Rieucros en Lozère est mis en place par un nouveau décret du 21 janvier 1939. Il héberge en février 40 hommes (réfugiés autrichiens et juifs allemands antinazis). Y sont internées des « Brigadistes » et des réfugiés espagnols : http://www.rieucros.org/contexte/contexte.php consulté le 4 mars 2013. Les camps d’internement et de regroupement en Lozère peuvent être consultés sur le site : http://www.ajpn.org/commune-Vialas-48194.html et ceux du Gard : http://www.ajpn.org/departement-Gard-30.html.
-
[4]
Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d’honneur ainsi qu’une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’État d’Israël.
-
[5]
Les prénoms des habitants, des réfugiés, ont été modifiés quand ils n’ont pas publié leurs propres témoignages.
-
[6]
À partir du 29 novembre 1941, les Éclaireurs israélites sont dissous comme tous les organismes non cultuels juifs. Ils sont contrôlés par le scoutisme français. Les éclaireurs unionistes accueillent les éclaireurs israélites et les petites ailes les plus jeunes se dénomment alors « petites ailes neutres », le terme « israélite » disparaît. C’est grâce au réseau des éclaireurs unionistes que des enfants juifs sont cachés. Entretien de l’auteure avec J. H., Nîmes, 13 septembre 2010.
-
[7]
Distinguer aussi la maison de retraite de Nîmes, dans laquelle ont trouvé refuge des juifs âgés en 1943 et des protestants beaucoup plus hésitants voire même collaborateurs [Leplay, 2006 : 42-43].
-
[8]
L. S., Correspondance avec l’auteure, le 24 mars 2010.
-
[9]
En témoignent Fanchon à Vialas en juin 2011 et mes photos de famille.
-
[10]
L. S., Correspondance du 24 mars 2010 avec l’auteure.
-
[11]
S. E., Entretien, juin 2010 avec l’auteure à Nîmes.
-
[12]
Le 22 août 2012, une cérémonie commémorative a eu lieu au musée du Désert en hommage au pasteur Boegner en présence d’historiens, des représentants des institutions juives et protestantes et de témoins durant laquelle a été dévoilée une plaque en mémoire de cet événement.
-
[13]
L. S., correspondance du 24 mars 2010 avec l’auteure.
-
[14]
Entretien avec David et l’auteure le 2 décembre 2012 à Paris.
-
[15]
J.-P. L., entretien à Paris avec l’auteure le 1er Février 2012.
-
[16]
Registre du livre de baptême, Bibliothèque de la Maison du protestantisme.
-
[17]
S. E., entretien, Nîmes avec l’auteure, juin 2010.
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[18]
Entretien téléphonique de l’auteure avec sa fille, en décembre 2011.
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[19]
Fiche 12, enquête conduite par Jean-Louis Pantel pour le Club cévenol (1982-1984 ?). Notons aussi qu’un membre de cette même famille protestante a conduit un processus inverse. Portant en lui l’image d’une tante à forte personnalité, juive dans ses manières d’être, de parler des choses de la vie, ses pulsations, son existence, l’un d’entre eux a été attiré par le questionnement et l’aspect rituel du monde juif. Dans ce mouvement, il respecte le repos du shabbat et les rites de kashrout, suit des cours de Talmud, a écrit un ouvrage de commentaires talmudiques et participe à la rédaction du mensuel du judaïsme, l’Arche. C’est pour lui une « adoption» et non une conversion. Entretiens avec F. M. et A. M. avec l’auteure, décembre 2012.
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[20]
Je m’y suis rendue régulièrement au cours de ce travail. Dans ces lieux se trouve le cœur de cette mémoire et de l’histoire des Cévennes. Le banc en granit offert par la famille Juliard, le 2 juin 2005 au village est adossé au temple.