Couverture de ETHN_103

Article de revue

L'invisible objet de l'exposition

Dans les musées de société en Amérique du Nord

Pages 401 à 411

Notes

  • [1]
    Création en 1992 du musée de l’Amérique française à Québec, qui fut intégré au complexe du musée de la Civilisation en 1995.
  • [2]
    « Dépenses per capita de certains gouvernements provinciaux en culture et en communications » : Québec (66,58 $), Ontario (24,69 $), Colombie-Britannique (19,71 $), autres provinces et territoires (43,66 $) ; sources : Chiffres à l’appui [2007 : 16].
  • [3]
    Mentionnons la collection d’objets historiques de Parcs Canada et du musée canadien des Civilisations.
  • [4]
    Les musées d’art utilisent le terme « commissaire » pour désigner la personne responsable de la production d’une exposition. Le musée de la Civilisation et de nombreux musées québécois emploient la dénomination « chargé de projet » pour désigner le maître d’œuvre d’une exposition. Au sein du réseau de Parcs Canada, on recourt plutôt au terme « réalisateur ». Il s’agit là à notre avis du choix le plus judicieux pour désigner la personne qui coordonne l’équipe de production et qui signe l’exposition.
  • [5]
    La séquence constitue l’unité de base dans le langage cinématographique. Elle est généralement constituée de plusieurs scènes. Une zone d’exposition correspond à une séquence de film dans la mesure où il y a unité de message. Une zone forme un tout cohérent.
  • [6]
    Les travaux de Baudrillard et son ouvrage Le système des objets [1968] alimentent notamment la pensée des conservateurs des musées de société.
  • [7]
    Mentionnons simplement le texte de Freeman Tilden, Interpreting Our Heritage [1957], qui définit les principes de l’interprétation patrimoniale. Ce texte fondateur traduit en français est devenu l’une des principales références pour la nouvelle muséologie.
  • [8]
    À l’exception, bien sûr, du concept d’économusée développé par Cyril Simard. Rappelons que l’économusée est habituellement jumelé à une entreprise et que les deux se supportent financièrement.
  • [9]
    Le musée Grévin possède des objets historiques authentiques comme la baignoire dans laquelle a été assassiné Marat ou les meubles du château de Malmaison ayant appartenu à Napoléon, mais le visiteur qui déambule dans le musée de cire à travers des décors et des accessoires n’est pas toujours conscient qu’il y a là des objets historiques ayant une valeur muséologique.
  • [10]
    Voir les lanternes magiques, le théâtre optique et les pantomimes lumineuses du musée Grévin (1882) ou les premiers films de Georges Méliès.
  • [11]
    Le catalogue de 1966 publié par le musée Grévin reproduisait notamment les tableaux suivants : sacre de Charles VII, Jeanne d’Arc sur le chemin du bûcher, François Ier recevant Henri VIII, le tribunal révolutionnaire, la mort de Marat.
  • [12]
    Un monument qui commémore un événement. Les musées religieux que l’on retrouve au Québec notamment s’inspirent de ce principe et s’apparentent notamment aux musées de cire.
  • [13]
    Je tiens à remercier Virginie Soulier pour sa réflexion sur la question des musealias, mémoire « Musealia des cultures de tradition orale », maîtrise en muséologie, uqam, 2006.
  • [14]
    Définition du patrimoine ethnologique des francophones d’Amérique (xvie-xxie siècle) disponible sur le site internet de la chaire de recherche du Canada de niveau 1, secteur des sciences sociales et des humanités, spécialisée dans le champ de l’ethnologie et du patrimoine : www.patrimoine.chaire.ulaval.ca
  • [15]
    Voir le texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : www.unesco.org
  • [16]
    Voir Un regard neuf sur le patrimoine culturel, Québec, ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2007 ; document disponible au format pdf sur le site www.mcccf.gouv.qc.ca

1Depuis 1992, des travaux sont consacrés à la naissance des musées au Québec [Bergeron, 2002 ; Gagnon, 1999] et aux fondements du patrimoine des francophones en Amérique du Nord [Bergeron, 1994] [1]. Ils conduisent à développer une réflexion sur la problématique des objets matériels et immatériels dans les musées de société nord-américains et plus particulièrement dans le réseau des musées québécois. Tentons ici dans un premier temps de dégager ce qui distingue les musées nord-américains des musées européens. Il semble que les premiers ont permis l’émergence d’une muséographie du récit qui privilégie l’interprétation tout en remettant en question le statut traditionnel des objets muséologiques. Dans un second temps, proposons un retour sur l’intérêt des musées pour le patrimoine immatériel et matériel des francophones au Canada, en tentant ensuite de comprendre ce qui caractérise la muséographie des musées nord-américains. Les expositions thématiques semblent inverser le rôle traditionnel des objets dans les musées en leur confiant le statut de figurant dans une muséographie centrée sur le récit plutôt que sur les objets eux-mêmes. Cette vision nord-américaine a contribué à transformer le rôle et la place des objets dans l’exposition et dans les collections. Si les musées européens restent largement centrés sur les chefs-d’œuvre, les musées nord-américains accordent une place centrale aux objets ethnographiques qui ouvrent les portes de l’interprétation de la culture populaire, centrée notamment sur le patrimoine immatériel.

Les musées en Amérique du Nord

2Quand on explore l’évolution des musées en Amérique, on constate que les institutions muséales ont suivi une trajectoire différente de ce que les historiens ont observé jusqu’à maintenant en Europe [Pomian, 1987 ; Bazin, 1967 ; Poulot, 1997]. La littérature consacrée à l’histoire des musées européens propose donc d’autres constats sur la naissance et le rôle de l’institution muséale. Les mythes de fondation du musée d’Alexandrie, des cabinets de curiosités et de la Révolution française permettent d’expliquer les fondements des musées européens considérés comme de véritables conservatoires de la culture artistique et des chefs-d’œuvre de l’humanité. Il en va tout autrement de l’autre côté de l’Atlantique.

3En Amérique, le réseau des musées nationaux naît au milieu du xixe siècle avec l’indépendance et l’affirmation nationale des nouveaux États américains. On constate que les premières collections nationales sont consacrées aux sciences. Les collections de géologie, de zoologie, de botanique ou d’entomologie témoignent des efforts déployés par les gouvernements pour réaliser l’inventaire des ressources naturelles du Nouveau Monde.

4Au Canada, la Commission géologique entreprend, à compter de 1842, l’inventaire des ressources naturelles de l’Atlantique au Pacifique [Vodden et Dycken, 2006]. L’exploration géologique des territoires conduit William Edmond Logan et les scientifiques de la Commission géologique du Canada à récolter sur le terrain des spécimens de sciences naturelles. Ces collections sont rassemblées dans ce qui devient à Montréal le premier musée national. L’exploration du pays conduit également les géologues à rapporter des objets témoins de la vie des Autochtones en Amérique. C’est pourquoi les collections ethnologiques apparaissent plus tardivement dans la seconde moitié du xixe siècle, alors que les musées européens conservent des collections amérindiennes depuis la période de découverte et d’exploration de l’Amérique au xvie siècle [Feest, 2007]. Contrairement à ce qu’on observe en Europe, l’intérêt pour les Autochtones chez les nouvelles nations américaines arrive assez tardivement. Les scientifiques de la Commission géologique du Canada ne collectionnent plus les objets amérindiens comme des objets de curiosité, mais comme des objets témoin de la culture matérielle des Premières Nations à avoir occupé le territoire nord-américain. Par ailleurs, il est important de noter que le nouveau musée national du Canada ne commence à collectionner les objets permettant de témoigner de l’établissement des Français et des Britanniques en Amérique du Nord qu’au xxe siècle.

5Dans la seconde moitié du xixe siècle, on voit se multiplier en Amérique du Nord, grâce aux sociétés historiques et littéraires, les musées consacrés à l’histoire et à l’ethnologie [Leon & Rosenzweig, 1989]. Sur un continent où chaque pays a un passé colonial, la souveraineté des nouveaux États déclenche alors un mouvement de valorisation de l’histoire nationale. Ce mouvement permet aux nouveaux États de prendre leurs distances avec les « mères patries » que sont notamment la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne et le Portugal. Contrairement à ces pays qui disposent d’un patrimoine artistique enraciné dans l’histoire européenne et méditerranéenne, les nouveaux États américains valorisent la période de contact avec les Autochtones et consolident les mythes de fondation et d’indépendance. Les Américains, par exemple, accordent une attention toute particulière à la période coloniale (Pilgrim Fathers, Thanksgiving, mythe de la Frontière) et à la guerre d’Indépendance. C’est notamment après la guerre de Sécession (1861-1865) que les Américains développent leur réseau de musées qui se consacre alors à l’unité nationale. Après 1870, les États-Unis se retrouvent à la croisée des chemins. Les Américains entreprennent la conquête de l’Ouest, entrent en pleine révolution industrielle et accueillent des millions d’immigrants qu’ils souhaitent intégrer. Les musées et plus particulièrement les musées d’histoire participent à cette stratégie nationale d’assimilation des immigrants (théorie du melting pot). Cette volonté de donner à partager une histoire et une culture communes explique pourquoi les musées américains accordent une importance primordiale à l’interprétation et à l’éducation [Schwarzer, 2006]. Le Canada se distingue des États-Unis à cet égard, car la politique du multiculturalisme fait en sorte que les musées canadiens vont se consacrer à la conservation des objets qui témoignent des différentes communautés culturelles. Malgré cette distinction fondamentale, les musées canadiens sont eux aussi des lieux d’interprétation et de communication avant d’être comme en Europe des lieux de contemplation et de délectation.

6Par ailleurs, contrairement à l’Europe, les musées américains et canadiens ne dépendent pas financièrement des gouvernements. Les musées sont d’abord l’œuvre de citoyens et d’associations qui se préoccupent de l’histoire nationale et qui ultimement collectionnent des archives en même temps que des objets. D’ailleurs, ces associations protègent souvent des monuments et des lieux historiques. Aux États-Unis, comme au Canada, les musées dits « locaux » sont nombreux et ils sont animés par des communautés de citoyens. Par leur nombre et leur implication sociale, ces musées participent à la construction de l’identité américaine [Levin, 2007] sur l’ensemble du territoire. L’American Association for State and Local History qui se consacre à la protection des documents et des objets de l’histoire américaine est d’ailleurs née en 1884. De plus, le mode de fonctionnement des musées nord-américains n’est pas le même que celui qu’on observe en Europe. Ainsi, ils font une large place aux bénévoles en leur confiant des responsabilités dans tous les secteurs d’activité des musées : collections, documentation, expositions et animation. Les conseils d’administration sont également formés de bénévoles qui créent des fondations pour assurer le financement des musées. Les villes, les États et le gouvernement central supportent bien sûr ces musées par différents programmes, mais n’assument pas l’entière responsabilité financière. En somme, les musées restent proches des populations locales et régionales dont ils dépendent fondamentalement.

7Au Canada, le contexte est quelque peu différent dans la mesure où l’on observe deux modèles de gestion des musées. Au Canada anglais, les musées fonctionnent sensiblement comme les musées américains. Le Québec se distingue : à l’exception de cinq musées nationaux [Bergeron et Dumas, 2007], le réseau des musées québécois regroupe des organismes sans but lucratif qui fonctionnent comme des institutions privées et qui relèvent de conseils d’administration. Cependant, les trois niveaux de gouvernement (villes, gouvernement provincial et gouvernement fédéral) assument plus de 46 % des revenus des institutions muséales. Les bénévoles sont également présents dans les musées québécois, mais dans une proportion moindre que dans le reste du Canada ou aux États-Unis. En somme, le Québec propose un modèle intermédiaire entre ce qu’on observe ailleurs en Amérique du Nord et en Europe. D’ailleurs, le gouvernement québécois est de loin la province canadienne qui investit le plus dans la culture [2].

8Aux États-Unis, les musées d’histoire et de société comptent pour plus de la moitié des 10 000 musées qui constituent le réseau américain [Schwarzer, op. cit. : 6], réseau que fréquentent chaque année, plus de 864 millions de visiteurs. Au Québec, les musées d’histoire, d’ethnologie et d’archéologie forment 62 % du réseau des 420 institutions muséales [Bergeron et Dumas, op. cit. : 18]. Ces musées et lieux d’interprétation d’histoire accueillent annuellement 45 % des 12,5 millions de visiteurs du réseau [Routhier, 2009 : 9].
Les musées nord-américains d’histoire et d’ethnographie se distinguent donc historiquement et culturellement des musées européens. Comme ils sont largement définis par les citoyens et qu’ils doivent assurer leur autonomie financière, ces musées sont particulièrement centrés sur la satisfaction des visiteurs. C’est pourquoi la muséographie des musées de société a rapidement accordé, à compter des années 1960, une place importante à la scénarisation et au design des récits d’expositions en privilégiant les expositions dites « thématiques » [McLuhan et al., 2008].
Tenant compte de ces distinctions, on peut comprendre que le rapport aux objets dans les musées nord-américains soit différent de ce qu’on observe en Europe. On retrouve en Amérique du Nord des objets moins anciens, et moins spectaculaires qu’en Europe, mais qui témoignent notamment de la vie quotidienne. Les musées américains par exemple ont reconstitué plusieurs sites historiques rappelant l’implantation et l’adaptation au nouveau territoire. On remarque par ailleurs que les musées américains s’intéressent particulièrement aux « reliques de l’histoire », c’est-à-dire aux objets qui ont appartenu à des héros de l’histoire politique et culturelle des États-Unis [Abbot, 1981]. On retrouve cette même tendance au Canada [3] et dans d’autres États américains. Pour les Canadiens français, c’est la période de la Nouvelle-France (xvie-xviiie siècle) qui historiquement a structuré la collecte et le discours des musées d’histoire. La Nouvelle-France correspond à ce rêve d’un empire français en Amérique du Nord qui reste, comme l’écrit Pierre Nora, « une utopie, une vision mythologique » [Nora, 1992], mais une utopie qui anime les collectionneurs, les chercheurs et les musées depuis le milieu du xixe siècle.

Collectionner des objets témoins de la culture des francophones

9Si le musée canadien des Civilisations trouve son origine dans la création de la Commission géologique du Canada au milieu du xixe siècle, il faut attendre le début du xxe siècle avant que les conservateurs s’intéressent à la culture des francophones. L’arrivée de Marius Barbeau en 1911 à la Commission géologique du Canada marque une étape cruciale. Barbeau sera marqué par sa rencontre en 1914 avec le père de l’anthropologie américaine, Frank Boas, de l’université Columbia, qui lui suggère de poursuivre ses enquêtes pour cerner l’origine des contes français chez les Amérindiens. Ces recherches seront publiées en 1916 aux États-Unis dans le Journal of American Folklore. C’est donc par le biais de ses enquêtes auprès des Hurons que Barbeau s’engage alors dans des enquêtes plus larges sur la tradition orale chez les francophones.

10Après s’être intéressé aux traditions orales, Marius Barbeau explore, à partir de 1927, l’art populaire du Canada français. Pour la première fois, un chercheur entreprend des travaux scientifiques sur la culture matérielle des francophones au Canada [Dupont, 1997]. En 1927, il organise d’ailleurs à Québec un festival de chansons et de danses folkloriques au château Frontenac, qui connaît un tel succès que l’événement sera repris annuellement jusqu’à sa disparition en 1930 à la suite de la crise économique.
À partir de ce moment, le musée canadien des Civilisations commence à collectionner des objets témoins de la culture populaire francophone. Quelques années plus tard, le premier musée national au Québec, le musée de la Province, inauguré en 1933, entreprend de collectionner les « choses canadiennes ». Ce n’est pourtant qu’avec l’acquisition de la collection Coverdale [Hamel, 2009] en 1967 que le musée du Québec développe une véritable collection d’objets ethnographiques représentant la vie quotidienne des francophones. D’ailleurs, l’arrivée de cette collection provoque des tensions importantes au sein de l’équipe du musée entre les historiens de l’art et les ethnologues. Les débats que suscite la cohabitation de deux grandes collections conduiront à la création en 1988 du musée de la Civilisation dont la collection Coverdale constitue le cœur des collections [voir l’article de Marie Renier dans ce numéro].

Le patrimoine immatériel et matériel : une fausse dichotomie

11À partir des années 1970, la formation en ethnologie québécoise distingue les patrimoines matériel et immatériel. Cette période qui correspond à l’arrivée à l’université Laval de Jean-Claude Dupont et de Jean Simard est marquée par l’intérêt pour l’étude de la culture matérielle. C’est au cours de cette période que se développe le réseau des musées québécois [Bergeron, 2009]. On voit bientôt apparaître des musées dans chaque région du Québec. Les nouveaux musées et les collectionneurs se lancent à la recherche des objets ethnographiques qui témoignent de l’implantation de la culture française en Amérique du Nord. Cet engouement se mesure notamment par les ventes exceptionnelles de l’ouvrage de Michel Lessard et Huguette Marquis, L’encyclopédie des antiquités du Québec [1971].

12Dans les musées, cet intérêt pour la culture matérielle est marqué par des acquisitions massives d’objets ethnographiques. Cependant, on constate que les dossiers d’acquisitions des objets négligent les coutumes, les croyances et les pratiques culturelles liées aux objets. En somme, il s’est installé une sorte de dichotomie entre patrimoine matériel et patrimoine immatériel. Cette distinction se révèle problématique. Comment séparer les aspects matériels des aspects immatériels de la culture ? Pourquoi acquérir un objet dans un musée si cet objet n’est pas le témoin de valeurs qui dépassent sa simple dimension matérielle ?

Le rôle des objets dans les expositions

13Les musées nord-américains se distinguent notamment des musées européens par l’approche des expositions thématiques. Ce type d’exposition que l’on retrouve dans les musées nord-américains d’histoire et d’ethnologie utilise largement le design et la scénographie pour mettre en scène le propos de l’exposition. À cet égard, le musée de la Civilisation à Québec a joué un rôle-clé dans la diffusion de ce modèle d’exposition au Canada. L’originalité du musée de la Civilisation a été de centrer dès son ouverture en 1988 les expositions sur l’« Aventure humaine » [Arpin, 1992]. On peut donc comprendre que la mise en scène des expositions occupe une place de premier plan, de sorte que les concepteurs utilisent tous les moyens muséographiques disponibles pour transposer en trois dimensions le récit de l’exposition [Arpin, 1998]. C’est pourquoi les équipes de réalisation ont souvent recours à des scénographies élaborées [Bergeron et Dubé, ibid.]. Les objets y font en quelque sorte office de figurants, alors qu’ils occupent plutôt l’avant-scène des expositions dites classiques dans les musées d’art et de manière générale dans les musées européens. Dans Concept et pratiques, Roland Arpin précise d’ailleurs : « L’objet n’est pas un en soi ; il est un moyen, un instrument, un témoin éloquent de la vie humaine et des rapports de l’homme avec son histoire quotidienne et avec l’histoire. Quelle que soit la valeur objective et subjective des objets, ils sont chargés de sens car ils répondent aux besoins de l’homme et lui apportent des explications. Grâce à ses capacités technologiques, l’homme, comme être social, est devenu créateur d’objets. Dans tous les recoins de la planète, il marque son passage par les objets. Souvent, il en dépend. Rarement, il s’en dégage » [Arpin, 1992, op. cit. : 51].

14Ces principes énoncés par le directeur du musée auraient pu rester de simples intentions théoriques, mais ce qui caractérise le musée de la Civilisation, c’est que cette philosophie a fait consensus et que l’équipe du musée a adhéré à ce concept. Cette philosophie qui anime le musée dès son ouverture en 1988 s’est rapidement répandue dans d’autres musées québécois, canadiens et étrangers. George MacDonald qui dirigeait le musée canadien des Civilisations a repris ce point de vue dans son ouvrage intitulé Un musée pour le village global [MacDonald, 1989] publié lors de son ouverture en 1989. Bien que le musée canadien des Civilisations demeure plus conventionnel dans son rapport aux objets, le mouvement amorcé par le musée de la Civilisation de Québec devient bientôt le modèle pour l’ensemble des musées de société au Canada. Pour mieux comprendre ce qui caractérise la muséologie du récit, la muséographie et les objets dans les musées nord-américains, nous proposons un parallèle avec le cinéma.

Muséologie et cinéma : la mise en scène du récit

15En examinant attentivement l’évolution des approches privilégiées dans les musées nord-américains depuis les trente dernières années, on retrouve de nombreux parallèles avec l’univers du cinéma. On constate notamment que les initiateurs de la nouvelle muséologie ont emprunté la structure de conception des expositions au modèle du scénario de film. Ainsi, un commissaire ou un chargé de projet [4], c’est-à-dire le réalisateur, structure l’exposition dans l’espace selon un parcours et une série de zones qui s’enchaînent et qui correspondent aux séquences [5] d’un film. Viennent ensuite les œuvres et les objets qui prennent place dans l’exposition, au même titre que les acteurs, comme autant de plans et de scènes du récit narratif d’un film.

16Le commissaire ou le chargé de projet est souvent l’auteur du concept et du scénario de l’exposition, mais, comme au cinéma, ce n’est pas toujours le cas. Un principe demeure, il en est le véritable réalisateur. C’est pourquoi il revient au commissaire d’assurer le point de vue de l’auteur dans le récit de l’exposition. C’est lui qui détermine les cadrages généraux du récit entre les différentes zones de l’exposition. À partir du scénario, le designer et le scénographe déterminent l’échelle des plans (plan d’ensemble, plan rapproché, plan italien, plan américain ou très gros plan). Ils rythment le déplacement des visiteurs et ils dessinent les décors dont ils mesurent les champ et contrechamp. Les techniciens règlent les éclairages et créent l’illusion souhaitée par le réalisateur. Encore une fois, les propositions du scénographe, du designer et des techniciens sont approuvées ou retravaillées selon le choix du commissaire. Enfin, les visiteurs comme les spectateurs d’un film partagent avec d’autres en temps réel l’œuvre que constitue l’exposition. Dans les deux cas, ils peuvent choisir de lire ou de ne pas lire le générique qui témoigne de la contribution des artistes et des artisans qui ont rendu l’exposition possible.

17Comme au cinéma, les objets des expositions thématiques agissent comme des figurants. Ils sont au service de l’œuvre du créateur. Le propre de l’exposition ne réside pas dans les objets, mais dans le récit. En comparaison avec le modèle traditionnel des musées qui envisagent les objets comme des œuvres, cette approche thématique se situe à l’opposé. Bien qu’il existe de nombreux parallèles entre le cinéma et l’exposition, on y observe également des distinctions fondamentales.

18Le parcours de l’exposition ne peut être totalement imposé, comme c’est le cas au cinéma. Le visiteur peut le choisir et ne retenir que les objets qui l’intéressent, effectuant sa lecture personnelle de l’exposition. Par ailleurs, il n’y a pas de distance entre le visiteur et les œuvres proposées par le commissaire. Le visiteur peut donc revoir une œuvre ou une zone d’un point de vue différent. De plus, le visiteur n’a pas à lire ou à écouter l’ensemble des commentaires proposés. Il peut donc construire son propre récit. Enfin, le visiteur contribue de manière active à l’exposition. Contrairement au film où il reste spectateur, le visiteur a un rôle actif en circulant à travers les salles, en faisant des choix quant aux modules interactifs et en déterminant l’ordre des objets qui retiennent son attention, de sorte qu’il se crée une forme d’interactivité qui rend le média exposition unique.

19Il n’est pas surprenant que le médium dominant du xxe siècle pour les créateurs (avant Internet, bien sûr, dont la logique est d’un autre ordre) ait été le cinéma et par extension la télévision [Mairesse, 2004]. L’impact de l’image en mouvement [Michaud, 2006] a été déterminant pour les créateurs que sont les artistes et par extension les muséologues. En ce sens, on constate depuis quelques années que les frontières sont de plus en plus floues entre les formes artistiques. Ce n’est pas sans raison que l’on parle maintenant d’art médiatique, dans la mesure où les muséologues comme les artistes créent des installations qui intègrent différentes technologies de l’image et du son (ordinateurs, vidéo, holographie, musique, art audio, technologies).

Musée de société et Disneyland

20Au milieu des années 1980, certains muséologues ont dit des musées de société qu’ils étaient les nouveaux Disneylands de la muséologie… et il ne s’agissait pas d’un compliment. La question n’est pas de savoir si les uns ou les autres ont raison ou tort. La question est plutôt de savoir ce que cache véritablement ce discours. À n’en pas douter, on observe une sorte de rejet de cette muséologie qui accorde autant de place à la muséographie, au design et aux publics. Il semble nécessaire de rappeler que cette prise de position constitue également une forme de résistance face aux musées centrés sur les visiteurs et la communication. Bref, deux philosophies s’opposent. L’une défend le statut de sacralité des objets, qui ne peuvent être interprétés et que l’on doit présenter de la manière la plus neutre possible. C’est par exemple la position que Jean Clair défend dans Malaise dans les musées [2007]. L’autre posture défend l’interprétation et la médiation des objets de collection en privilégiant la communication avec les visiteurs. C’est le parti pris qu’adopte Roland Arpin dans le concept du « musée de la civilisation ».

21Les musées de société, dont le musée de la Civilisation, ont, on l’a vu, une position différente face à l’objet muséologique. Contrairement à l’approche des musées européens, déjà évoquée, l’objet n’y est pas vu comme une œuvre ou un chef-d’œuvre. Des objets de la culture populaire sont élevés au rang d’objet muséologique. Cette position qui s’inspire des principes de démocratisation de la culture s’inscrit dans l’esprit de la nouvelle muséologie : le musée n’est plus le lieu de conservation des œuvres, mais des « objets témoins » ou des « objets mémoriels » d’une société. En un sens, la décennie des années 1980 marque une sorte de schisme au sein du monde des musées. Cette coupure n’est pas sans rappeler les bouleversements que connaît l’Église catholique du xvie siècle. Ainsi est née la nouvelle muséologie, de la même manière qu’est apparu le renouveau spirituel donnant naissance au protestantisme.

22Il y a un peu de cet esprit dans la façon dont une nouvelle classe de conservateurs, formée à d’autres disciplines que l’histoire de l’art (ethnologie, archéologie et sciences sociales), réévalue l’objet muséologique en adoptant un point de vue centré davantage sur la valeur patrimoniale, de sorte que c’est plutôt le sens des objets dans la vie quotidienne et sociale qui prédomine [6]. Ainsi, les conservateurs partisans de la nouvelle muséologie renouvellent en quelque sorte le regard sur l’objet muséologique et remettent du même coup en question le statut de chef-d’œuvre. Cette prise de position a pour effet de réévaluer les valeurs fondamentales des conservateurs et de permettre l’émergence de nouveaux dogmes [Desvallées, 1994] philosophiques et de « nouveaux évangiles [7] » de la muséologie.

Quel est l’objet réel des musées de société ?

23L’objet muséologique n’est donc pas fondamentalement au cœur du musée de société. Contrairement au musée d’art, il n’est pas exposé pour lui-même, mais pour ce qu’il évoque. Il est rarement unique et reste souvent anonyme. Il ne semble être que la manifestation tangible de la culture populaire et de la mémoire collective. L’objet de musée a perdu sa fonction initiale, et il évoque quelque chose d’autre que son usage perdu. Si l’œuvre reste l’objet central du musée d’art, quelle place occupe l’objet ethnographique dans les musées de société ?

24Pour y voir plus clair, remontons le temps de manière à retrouver ce qui pourrait bien être la source des musées de société. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les musées de société pourraient bien trouver leur origine dans le musée de cire, première forme des musées de divertissement.

Une muséologie du fantastique et du mirage

25Lorsque Marie Grosholtz réalise des mannequins anatomiques en cire au milieu du xviiie siècle, elle ne se doute pas que ses talents vont la conduire à participer, à sa manière, à la Révolution. C’est elle qui produira les masques mortuaires de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de grands personnages de la Révolution française que Robespierre a fait guillotiner. Mariée à François Tussaud en 1795, elle présente sa collection de cires dans des expositions itinérantes à travers la France et l’Angleterre. Elle s’installe finalement à Londres, où elle inaugure le Baker Street Bazaar en 1835. Cette chambre des horreurs devient rapidement la section la plus populaire. Ainsi naît le musée de cire Tussaud. Or, là – comme dans le cas du musée Grévin, fondé à Paris en 1881 par le journaliste Arthur Meyer, ou du musée de cire de Montréal (1939-1989) –, rien, à première vue, ne semble vrai ou authentique comme il se doit dans un musée classique. Nous ne sommes pas dans la logique de l’authenticité ou dans ce que Lucie Morisset identifie comme « des régimes d’authenticité » [Morisset, 2009]. C’est pourquoi bon nombre de muséologues hésitent encore à reconnaître le musée de cire comme un véritable musée. Il ne semble pas répondre aux critères qui en définissent les fonctions selon le Conseil international des musées (icom).

26On considère généralement que le musée de cire ne conserve pas de véritable collection et, en conséquence, on n’y reconnaît pas la fonction de recherche qui légitime l’institution muséale. À première vue, il ne reste au musée de cire que la fonction de diffusion. En ce sens, ce type de musée correspond au modèle du centre d’interprétation, qui s’est largement diffusé en Amérique du Nord au début des années 1970. L’Observatoire de la culture du Québec définit le lieu d’interprétation comme un sous-groupe des musées comprenant « les établissements permanents à but non lucratif dont l’activité principale consiste à exercer des fonctions de recherche, d’éducation et d’action culturelle et à faire la diffusion et la mise en valeur d’une thématique particulière reliée à l’histoire (incluant l’histoire de l’art et l’histoire de l’architecture), à l’ethnologie ou à l’archéologie, par la présentation d’expositions ouvertes au public, l’organisation d’activités éducatives et culturelles ou la production de publications » [Bergeron et Dumas, ibid.]. L’autre caractéristique qui le distingue tient au fait que le musée de cire semble être la seule institution muséale [8] appartenant à des intérêts privés qui arrive à financer ses activités avec les revenus générés par les entrées payantes des visiteurs. Contrairement aux institutions publiques, les musées de cire ne sont pas financés par les divers gouvernements (villes, région, État). Malgré ces distinctions fondamentales, les musées de cire connaissent un succès populaire incontestable depuis plus de deux siècles.

27Comme au cinéma, tout, ou presque, y semble faux [9]. Le visiteur est conscient qu’il est devant des représentations fictives de la réalité. On peut comprendre que ces musées aient été particulièrement populaires au xixe siècle et même au xxe siècle avant le développement accéléré des communications. Curieusement, ces temples de l’illusion et du fantastique semblent plus actuels que jamais, dans la mesure où ils s’apparentent étroitement par leur muséographie aux musées de société. Il y a pourtant quelque chose d’authentique dans ce type de muséographie et que l’on retrouve peu dans les musées de société. Comme pour le cinéma dont ils sont en quelque sorte à l’origine [10], les musées de cire offrent une expérience de visite unique et réelle, où les visiteurs sont plongés dans l’histoire à travers des personnages qui ont marqué la mémoire collective. On y observe deux types de rappels historiques. D’abord, les grands événements des manuels d’histoire nationale y sont représentés [11]. Ensuite, on y met en scène des anecdotes historiques, mais aussi des faits divers et des artistes. Ces sections sont généralement renouvelées le plus souvent, car elles reposent largement sur l’actualité, permettant aux musées de cire de maintenir l’intérêt de leurs publics.

28En somme, on peut dire que le musée de cire offre l’émotion d’un retour dans l’histoire avec les techniques de la scénographie théâtrale et du « diorama ». Ce dispositif mis au point par Louis Daguerre au début du xixe siècle a pour objectif de créer une illusion en utilisant les effets du panorama utilisé couramment au théâtre. Cette technique a d’ailleurs été reprise dans les expositions universelles et les musées de sciences naturelles pour représenter des animaux dans leur environnement écologique. C’est cette même technique qui servira à mettre en contexte les objets amérindiens dans de nombreux musées américains. Georges Henri Rivière s’inspirera en partie des principes du diorama pour présenter les collections ethnographiques au musée des Arts et Traditions populaires, où il développe le concept d’unité écologique comme un des fondements des écomusées. En ce sens, le musée de cire s’apparente en quelque sorte à la réalité virtuelle dont elle donne l’illusion. Cependant, comme le musée de cire est bien tangible, il se rapproche davantage du concept de mémorial [12]. À la différence du mémorial, mis en place par l’État pour commémorer l’histoire nationale, le musée de cire serait plutôt un lieu mémoriel de la culture populaire. C’est peut-être ce qui explique qu’il échappe au réseau officiel de la culture et des musées.
Ne pourrait-on pas dire que les musées de cire, comme les musées de société, participent à ce voyage de l’autre côté du miroir ? Comme pour Alice au pays des merveilles, ils ouvrent les portes de l’invisible en conduisant le visiteur au-delà des objets les plus singuliers. En réalité, les musées de société, comme les musées de cire, offrent à voir des objets matériels qui conduisent vers des objets immatériels. En ce sens, les musées de société ne sont-ils pas, par leur muséographie, les nouveaux musées de cire ? Du point de vue de la muséographie, c’est peut-être le cas, mais il y a quelque chose de plus fondamental dans les musées de société.

Objets matériels et immatériels : musealias

29Pour bien comprendre la filiation entre la muséographie des musées de cire et des musées de société, il convient de revenir sur le concept d’objet. La réponse à cette question se trouve peut-être dans la définition que donne Jean Davallon du concept de musealia[13] : « Les objets deviennent des objets de musée par un acte à caractère public qui leur a conféré ce statut. Les objets de musée sont tels parce que reconnus, définis et traités comme tels. Nous pouvons alors les déterminer comme des musealias ; ce sont des objets de collections, moins considérés comme des choses (du point de vue de leur réalité physique) que comme des êtres de langage (dignes d’être conservés et présentés) et des supports de pratiques sociales. Les pratiques qui visent ces objets répondent à des règles précises et socialement définies. Pour les musées, les objets sont toujours éléments de systèmes ou de catégories » [Davallon, 1992 : 104].

30Dans le même esprit, André Desvallées [1998] écrit que les musealias sont à la fois des objets matériels et immatériels. Si tel est le cas, nous sommes peut-être sur la piste la plus fructueuse pour bien comprendre le rôle des objets. Les musées auraient-ils perdu de vue qu’ils sont depuis toujours le lieu de l’invisible, comme l’a bien démontré Pomian dans son ouvrage Collectionneurs, amateurs et curieux [op. cit.] ?

31En d’autres termes, les expositions des musées de société ne nous ramènent-elles pas simplement à l’origine du musée où les objets que l’on peut observer dans les cabinets de curiosités nous permettaient d’accéder, comme Alice, au monde de l’invisible ? Les objets immatériels ne sont-ils pas aussi importants que les objets tangibles ? En somme, les musées n’offrent-ils pas à découvrir autre chose que des musealias ? Les musées nord-américains ne s’inscrivant pas dans la logique du chef-d’œuvre, ils s’appuient davantage sur les objets qui sont présentés comme des « reliques », car ils recherchent avant tout l’émotion. Dans cette perspective, ne devons-nous pas comme muséologues et chercheurs poser notre regard sur ce rapport que les musées et les visiteurs entretiennent avec les restes matériels ?

32L’étude du patrimoine immatériel offre un angle différent pour analyser et réfléchir au sens des objets muséologiques. Avec Laurier Turgeon, nous pensons que le patrimoine ethnologique d’un pays ou d’une communauté « comprend les modes spécifiques d’existence matérielle et d’organisation sociale des groupes qui le composent, leurs savoirs, leur représentation du monde, et, de façon générale, les éléments qui fondent l’identité de chaque groupe social et le différencient des autres [14] ». Cette définition rejoint les grandes orientations de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée par l’unesco en 2003 [15].

33L’étude de ce patrimoine est un chantier de recherche fondamental pour les musées, car ceux-ci ne peuvent se contenter d’être les dépositaires d’objets. Que serait notre connaissance de la culture des francophones en Amérique du Nord, si Luc Lacourcière et ses successeurs n’avaient réalisé l’inventaire des traditions orales ? Comme nous l’avons montré, patrimoine matériel et patrimoine immatériel sont indissociables. Ils nous renvoient essentiellement à l’étude de la culture au sens le plus fondamental du terme.

34Le nouveau projet de loi sur les biens culturels au Québec annonce que le patrimoine immatériel est un enjeu prioritaire pour le gouvernement [16]. Comment expliquer ce phénomène qui peut sembler étrange aux yeux d’Européens ? C’est peut-être tout simplement parce qu’en Amérique du Nord la culture est historiquement fondée sur la tradition orale. C’est le cas des Autochtones qui ont répété à plusieurs reprises au gouvernement du Québec, lors d’audiences publiques, que le patrimoine pour eux se situe d’abord et avant tout dans la langue et la culture vivante. Les Amérindiens et les Inuits, au contraire des Européens et des Canadiens de culture européenne, n’ont pas le même culte pour les objets, qui n’ont pas la même importance à leurs yeux. Ils ne sont pas fondamentalement préoccupés par leur conservation et les utilisent dans la mesure où ils sont utiles, déclenchent la mémoire et conduisent aux fondements mêmes de la culture vivante. Les Amérindiens n’entretiennent pas de rapports fétichistes aux objets. De même, les Québécois prennent conscience que leur patrimoine réside également dans des formes immatérielles, par exemple, quand la langue française est menacée de disparition.

Bibliographie

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : patrimoine matériel, patrimoine immatériel, muséographie, musées, Québec

Mise en ligne 28/06/2010

https://doi.org/10.3917/ethn.103.0401

Notes

  • [1]
    Création en 1992 du musée de l’Amérique française à Québec, qui fut intégré au complexe du musée de la Civilisation en 1995.
  • [2]
    « Dépenses per capita de certains gouvernements provinciaux en culture et en communications » : Québec (66,58 $), Ontario (24,69 $), Colombie-Britannique (19,71 $), autres provinces et territoires (43,66 $) ; sources : Chiffres à l’appui [2007 : 16].
  • [3]
    Mentionnons la collection d’objets historiques de Parcs Canada et du musée canadien des Civilisations.
  • [4]
    Les musées d’art utilisent le terme « commissaire » pour désigner la personne responsable de la production d’une exposition. Le musée de la Civilisation et de nombreux musées québécois emploient la dénomination « chargé de projet » pour désigner le maître d’œuvre d’une exposition. Au sein du réseau de Parcs Canada, on recourt plutôt au terme « réalisateur ». Il s’agit là à notre avis du choix le plus judicieux pour désigner la personne qui coordonne l’équipe de production et qui signe l’exposition.
  • [5]
    La séquence constitue l’unité de base dans le langage cinématographique. Elle est généralement constituée de plusieurs scènes. Une zone d’exposition correspond à une séquence de film dans la mesure où il y a unité de message. Une zone forme un tout cohérent.
  • [6]
    Les travaux de Baudrillard et son ouvrage Le système des objets [1968] alimentent notamment la pensée des conservateurs des musées de société.
  • [7]
    Mentionnons simplement le texte de Freeman Tilden, Interpreting Our Heritage [1957], qui définit les principes de l’interprétation patrimoniale. Ce texte fondateur traduit en français est devenu l’une des principales références pour la nouvelle muséologie.
  • [8]
    À l’exception, bien sûr, du concept d’économusée développé par Cyril Simard. Rappelons que l’économusée est habituellement jumelé à une entreprise et que les deux se supportent financièrement.
  • [9]
    Le musée Grévin possède des objets historiques authentiques comme la baignoire dans laquelle a été assassiné Marat ou les meubles du château de Malmaison ayant appartenu à Napoléon, mais le visiteur qui déambule dans le musée de cire à travers des décors et des accessoires n’est pas toujours conscient qu’il y a là des objets historiques ayant une valeur muséologique.
  • [10]
    Voir les lanternes magiques, le théâtre optique et les pantomimes lumineuses du musée Grévin (1882) ou les premiers films de Georges Méliès.
  • [11]
    Le catalogue de 1966 publié par le musée Grévin reproduisait notamment les tableaux suivants : sacre de Charles VII, Jeanne d’Arc sur le chemin du bûcher, François Ier recevant Henri VIII, le tribunal révolutionnaire, la mort de Marat.
  • [12]
    Un monument qui commémore un événement. Les musées religieux que l’on retrouve au Québec notamment s’inspirent de ce principe et s’apparentent notamment aux musées de cire.
  • [13]
    Je tiens à remercier Virginie Soulier pour sa réflexion sur la question des musealias, mémoire « Musealia des cultures de tradition orale », maîtrise en muséologie, uqam, 2006.
  • [14]
    Définition du patrimoine ethnologique des francophones d’Amérique (xvie-xxie siècle) disponible sur le site internet de la chaire de recherche du Canada de niveau 1, secteur des sciences sociales et des humanités, spécialisée dans le champ de l’ethnologie et du patrimoine : www.patrimoine.chaire.ulaval.ca
  • [15]
    Voir le texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : www.unesco.org
  • [16]
    Voir Un regard neuf sur le patrimoine culturel, Québec, ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2007 ; document disponible au format pdf sur le site www.mcccf.gouv.qc.ca
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