Notes
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[1]
Allusion au Big Brother de George Orwell dans 1984, et, plus précisément, à l’Union soviétique.
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[2]
Subculture : concept anglo-saxon désignant un groupe ou un phénomène culturel marginal, secondaire, minoritaire (note de la traductrice).
-
[3]
Quelques repères pour mieux situer le « régime Kádár » : 1947, arrivée des communistes au pouvoir ; 1953-1955, réformes sous le gouvernement d’Imre Nagy ; 4 novembre 1956, manifestations de masse à Budapest. Intervention de l’armée soviétique. Mise en place du régime de János Kádár. 1963, amnistie générale. Relâchement des contraintes politiques ; 1968, départ de la réforme économique ; à partir de 1970, accroissement des relations commerciales et culturelles avec les pays non communistes ; 1981, nouvelles réformes liées à la crise économique ; 1984-1985, effondrement économique. Mesures d’austérité, manifestations pour la liberté d’expression et des réformes publiques ; 1988, János Kádár est écarté du pouvoir. Formation de partis politiques démocratiques.
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[4]
Célèbre roman d’Alexandre Soljénitsyne, publié en 1973.
-
[5]
Plus connu sous le nom de Georg Lukács.
C’est un monde très très très dur
C’est un monde très très très dur
C’est un monde très très très dur
Ça grouille de flics, ça grouille d’indics
Ça manque de putes, ça manque de macs.
1Cet exergue reprend le refrain d’une chanson que le groupe de new wave hongrois urh chanta lors d’un concert historique le 13 septembre 1980, dans le service de toxicomanie d’un centre psychiatrique de Budapest. Titre du concert : Orgasme dans la Lumière bleue. Quand le leader du groupe, Jen? Menyhárt, hurla ces mots de sa voix rauque, des frissons de plaisir parcoururent l’auditoire, composé d’intellectuels et d’artistes avertis. Ils furent quelque peu surpris qu’une provocation politique aussi directe ne soit pas immédiatement suivie d’une intervention de la police, puisque le nom du groupe (urh) reprenait le sigle des voitures de police équipées d’émetteurs à ondes ultracourtes (même si, selon la « version officielle » du groupe, urh signifiait Agence de Presse Ultra Rock). Quant à la « Lumière bleue », elle parodiait le titre provocateur d’une célèbre rubrique hebdomadaire de la police criminelle diffusée à la télévision. D’autres chansons tournaient en dérision la surveillance permanente du « Grand Frère » [1]. Le public interpréta cette absence de répression comme un signe annonciateur de « temps nouveaux ». Il pouvait imaginer que, sur les traces du glorieux mouvement polonais Solidarité, on pourrait, en Hongrie aussi, aller plus loin dans les années quatre-vingt.
2Avant d’évoquer en détail cet univers et de tenter d’analyser les liens d’imbrication entre la politique, les arts, la musique rock, l’opposition, la contre-culture et la « subculture » [2] dans le mouvement underground budapestois au début des années quatre-vingt, deux types d’explication sont nécessaires en guise d’introduction.
3Dans un premier volet, je préciserai brièvement les différentes catégories conceptuelles utilisées. Je ne prétends pas pouvoir « mettre de l’ordre » parmi les phénomènes nommés « subculture », « culture populaire », « contre-culture » et « underground », dont les sens se recoupent et s’excluent à la fois, ni parmi les différentes influences idéologiques qui s’y rattachent. Mais je préciserai, en exposant les diverses interprétations qui leur sont attribuées, le sens dans lequel je les emploie.
4Dans un second volet, je replacerai la thématique dans son cadre historique. Concernant le contexte politique – ou, pour simplifier, la « culture politique » –, je présenterai la situation de l’« opposition démocratique », qui se structura, à la fin des années soixante-dix, pendant la « dictature molle », et j’analyserai les rapports entre cette mouvance et l’opposition après 1956, la nouvelle gauche née à la fin des années soixante, et les positions contestataires des philosophes et sociologues sympathisants du « printemps de Prague », au début des années soixante-dix. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’orientation de l’avant-garde artistique hongroise des années soixante et soixante-dix, ainsi que la répression officielle consécutive à ses actions. Je n’omettrai pas de présenter le rôle précurseur joué par le rock’n’roll, la « protest song », la « pop music », et la première vague (sans entrer ici dans les détails) de contre-culture de la jeunesse hongroise.
Concepts de culture : panorama
• Culture populaire
5Parler de « culture populaire », c’est essayer de donner au mot « culture » un sens plus large que les représentants de la « culture des élites », artistes, philosophes, tenants politiques de la civilisation, avaient coutume de le faire. Au-delà des productions de la « culture noble » (artistiques, littéraires, scientifiques, etc.), elle englobe des systèmes de valeurs, des formes de langage, d’art, de comportement, et des symboliques présents dans la vie quotidienne, dans des rituels collectifs, et dans la culture orale, en abordant la notion de culture d’un point de vue anthropologique plus ouvert [Redfield, 1956]. C’est de cette conception élargie de la culture qu’est né le projet d’observer plusieurs types et niveaux de culture, de les décomposer en sous-groupes sociologiques, géographiques, nationaux, et de distinguer, au cours de l’histoire, des cultures religieuse, courtisane, urbaine, paysanne, et des subcultures ethniques, à l’intérieur desquelles les éléments « élite » et « populaire » se combinaient selon des systèmes chaque fois différents.
6Il convient d’emblée de préciser que le concept de « peuple » est davantage une métaphore qu’une caractérisation précise d’un groupe humain, et qu’il s’est prêté, depuis son apparition, à de multiples développements [Fritz, 1988 ; Koselleck, 1992 ; Brückner, 2000]. Le peuple de Rome, le populus romanus, désignait une communauté politique qui disposait d’un nombre important de privilèges par rapport aux « étrangers ». Le populus christianus définissait l’ensemble de la communauté chrétienne. Ce n’est que plus tard que sont apparues les interprétations culturelles et sociologiques, et la culture populaire n’a pu prendre son sens actuel qu’au xviiie siècle, à l’époque de Johann Gottfried Herder. Les inventeurs du concept de « culture populaire » ont pensé découvrir dans la culture paysanne du xviiie siècle un modèle culturel originel, d’où serait née la civilisation moderne, laquelle se comportait de façon ambivalente vis-à-vis d’elle : soit elle tendait à la civiliser, soit, en se reniant elle-même, elle cherchait à retourner vers elle, comme vers ses propres sources.
7C’est sur ces bases que s’est formé le concept de culture populaire au xviiie et au xixe siècle en Europe. En précisant ce concept d’un point de vue typologique ou anthropologique, la définition se fait plus précise : il s’agit d’un type de culture présente dans l’oralité, reposant sur la collectivité, porteuse de traditions, et accordant aux rituels une place prépondérante ; elle caractérise le monde paysan, mais également celui des bergers, des marins, des vagabonds, des citadins, et se glisse même parfois dans les salons d’intellectuels hautement civilisés, se différenciant de la culture des « élites ». Cette dernière, en effet, tout en intégrant les manifestations culturelles « populaires » et les mécanismes de transmission y afférant, repose sur une assise institutionnelle, écrite, sur la reproduction systématique des productions individuelles « canonisées », sur la constitution d’une tradition cumulative. Les rapports entre la culture populaire et la culture des élites à travers l’histoire ont donné lieu à d’intéressants débats dans les dernières décennies [Mandrou, 1964 ; Burke, 1978 ; Kaplan, 1984 ; Bausinger, 1986], débats que je n’évoquerai pas dans cet article.
8J’aimerais cependant parler de l’un des principaux instigateurs de ce débat, Mikhaïl Bakhtine, grand théoricien russe de la littérature, qui œuvra sans relâche pour la réhabilitation de la culture populaire. Dans son analyse de la « culture populaire du rire » au Moyen Âge et sous la Renaissance [Bakhtine, 1970], il démontra que la culture populaire fonctionnait selon une logique autonome, possédait ses propres canons esthétiques (le « réalisme grotesque », l’« image grotesque du corps », le « monde à l’envers »), son propre ordre de valeurs, prônant l’égalité et la fécondité, et s’opposait à la culture sérieuse, officielle, parfois de façon irrévérencieuse, en la tournant en dérision, tout en la confrontant aux valeurs cosmiques. Cette définition – quelque peu mythifiée – doit être replacée dans le contexte des querelles culturelles des années vingt en Union soviétique, mais cette thèse devint mondialement célèbre dans les années soixante et soixante-dix, époque de la « contre-culture », et exerça une forte influence sur les mouvements de contre-culture – en Hongrie également, où un talentueux traducteur, Csaba Könczöl, traduisit en hongrois, dans les années soixante-dix, la quasi-intégralité de l’œuvre de Bakhtine. Le principal message de Bakhtine était le suivant : notre civilisation moderne a exclu des formes de culture spontanées, telles que la tradition orale, les fêtes carnavalesques, le rire, à tel point qu’il a fallu, à l’époque des Lumières, ou au xixe siècle, ou bien encore dans les années vingt et ensuite soixante et soixante-dix, les redécouvrir, comme les Européens ont redécouvert les « nobles sauvages » américains. De nombreuses manifestations de la contre-culture hippie – le théâtre de rue (Living Theater, Grand Magic Circus, Dario Fo), les festivals rock, les modes vestimentaires inspirées des carnavals, le mode de vie en communauté, associé à des idéaux égalitaires et solidaires, et l’avant-garde artistique abolissant les barrières entre spectateur et créateur (« tout est art, tout le monde est artiste ») – ont pu trouver de nombreux points de référence dans les ouvrages de Bakhtine.
9Cette vision utopique de la culture populaire – comme le montre l’impact immense de l’œuvre de Bakhtine – n’est, naturellement, pas sans poser des problèmes (j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce thème en reprenant les analyses critiques de Carlo Ginzburg [1976] et Aron Gurevich [1988] [Klaniczay, 1990]). En raison des fortes connotations idéologiques que le concept de culture populaire renferme, les historiens, s’étant laissé influencer par la mode des années soixante [Muchembled, 1978 ; Camporesi, 1978], ont cessé de l’employer en tant que catégorie explicative et analytique. Est observable la même problématique dans les analyses qui traitent de la subculture, rivale et alter ego urbain de la culture populaire.
• Subculture
10À nouveau, une appellation problématique : elle tente d’énoncer qu’il existe des territoires en dessous de la culture, et des groupes humains qui n’ont pas de culture, mais une subculture. On a commencé à parler de culture, à propos de ces groupes, lorsqu’ils ont été exclus, d’un point de vue social, ethnique, culturel ou juridique, de la civilisation industrielle moderne, et que cette exclusion les a maintenus dans une condition telle que leur culture ne s’est pas développée selon des formes modernes de culture de masse, mais a donné naissance à une nouvelle forme de culture populaire, étrange, marginale, à la frontière du toléré.
11C’est dans certains milieux de la culture ouvrière que de telles subcultures ont vu le jour pour la première fois. On peut également citer la culture des Noirs, ou d’autres minorités ethniques, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, dont la « jungle urbaine » fut étudiée par les sociologues de l’« école de Chicago » au début du xxe siècle [Park, 1925], et dans les années cinquante et soixante, par les chercheurs du Center for Contemporary Cultural Studies à Birmingham [Hoggart, 1957 ; Williams, 1958]. Concernant la Hongrie et l’Europe centrale, on peut inclure dans cette catégorie la culture tsigane (voir les récents travaux de Emigh-Szelényi, 2001). Dans les dernières décennies on commença également à utiliser la catégorie de subculture pour désigner des groupes qualifiés de « déviants » : homosexuels, transsexuels, toxicomanes, délinquants [Becker, 1963], et des groupes « subalternes », en raison de leur classe d’âge (jeunes, vieux).
12À l’intérieur des subcultures, nous trouvons des espaces, des rituels et des types de création culturelle publique semblables à ceux de la culture populaire traditionnelle. Seuls les décors ont changé : le bistrot urbain a remplacé le café du village, les terrains vagues de banlieue ont remplacé les sentiers ruraux, et les rues et les places des villes ont remplacé les foires et les fêtes traditionnelles. Les « médias » de la subculture ressemblent sur de nombreux points à ceux de la « culture populaire » : formes ritualisées de vie en collectivité, art ornemental, codes vestimentaires, tatouages, décoration corporelle, coiffure, comme autant de signes de reconnaissance, et, encadrant le tout : la musique et la danse – concernant la deuxième partie du xxe siècle, le jazz, le skiffle, le reggae, le rock et la pop music [Frith, 1988]. Ce qui les différencie, cependant, c’est leur message agressif, violent et rebelle [Hall-Jefferson, 1993]. Tandis que l’univers symbolique de la culture populaire déploie une forme de rivalité en matière esthétique et décorative, hautement chargée de fierté identitaire [Bogatyrev, 1971], les représentants de la subculture, assumant avec arrogance les « stigmates » de leur exclusion, se bricolent un attirail symbolique en utilisant des signes distinctifs, des vêtements et des formes d’expression méprisés et qualifiés de répugnants par la majorité de la population [Hebdige, 1979 ; Gelder, Thornton, 1997].
13Ceci explique qu’une partie des mouvements culturels critiques des années soixante/soixante-dix soit issue du monde des subcultures, ou, plus précisément, ait adopté leur système de valeurs. La subculture, comme l’énonça Stanley Cohen en 1980, est devenue un « champ de bataille politique », où les groupes subalternes ont cherché à remettre en question et à redéfinir leur position sociale [Cohen, 1997 : 150], et ont, à cet effet, pour reprendre les termes d’Umberto Eco [Eco, 1973], entrepris une « guérilla sémiotique ». Dans l’univers des subcultures des jeunes Britanniques, on rencontre ce genre de phénomène dans les années cinquante, avec les teddy boys [Jefferson, 1993], et, au début des années soixante, avec les bandes rivales de rockers (blousons noirs) et de mods (jeunes délinquants « modernistes », avec des « vespa », portant une coiffure dont les Beatles se sont inspirés [Cohen, 1973]), ou bien, aux États-Unis, dans les cercles des hipsters (les dandys des bars de banlieue) et des beatniks, jeunes révoltés issus des classes moyennes portant des vêtements déchirés, liés à la subculture des musiciens noirs de jazz [Mailer, 1968].
• Contre-culture
14Dans les années soixante, on retrouvait dans la sphère des subcultures tous les éléments, réunis dans un ensemble synthétique, qui serviront, au début des années soixante-dix, à qualifier la contre-culture, déjà précédemment évoquée.
15L’expression fut rendue célèbre par un journaliste et historien américain, Theodor Roszak [1970] : il qualifia la culture jeune de révolte néo-romantique et la présenta comme l’héritière d’une tradition séculaire de critique culturelle, dont les racines remontaient aux philosophes cyniques de l’Antiquité ou à des figures marquantes du christianisme médiéval, telles que saint François d’Assise, mais aussi aux poètes romantiques des xviiie et xixe siècles (Blake, Byron, Shelley, Whitman), aux anarchistes et utopistes de la même époque (Bakounine, Tolstoï, Kropotkine), et, plus tard, aux poètes et écrivains de la Beat generation (Ginsberg, Burroughs, Kerouac) des années cinquante. Ces mouvements proposaient, face à la civilisation, une contre-civilisation, et un ordre de valeurs culturelles presque diamétralement opposé, où l’esprit de convivialité, de créativité, de spontanéité, présent dans la culture populaire et dans les subcultures, tenait une place majeure. La contre-culture des années soixante et soixante-dix s’exprimait à travers la musique rock, les mouvements communautaires, la philosophie lsd, prônée par Timothy Leary, la mode du mysticisme oriental, l’avant-garde artistique, l’idéologie hippie, mais également les mouvements d’émancipation des Noirs et d’autres gens de couleur, ainsi que le courant écologiste, prônant le travail manuel populaire/paysan. Elle englobait tout ce qui offrait des alternatives à la société industrielle, et ce mouvement fut soutenu par la diffusion de pamphlets rapidement très populaires [Hoffmann, 1969 ; Rubin, 1970 ; Reich, 1970].
16Il convient aussi d’évoquer dans ce contexte le courant pop art, lancé par Andy Warhol et son groupe au milieu des années soixante [Warhol-Hackette, 1980 ; Danto, 1998 ; Kuspit, 2000]. On découvre en toile de fond du pop art un détournement, teinté d’humour, des valeurs du mouvement contestataire des beatniks et de la contre-culture hippie. Le fondement de cette démarche est le suivant : on ne doit pas détruire les produits de la société de consommation – les faire exploser, comme à la fin du film de Michelangelo Antonioni sur la contre-culture Zabriskie Point (1970), on peut les aborder avec ironie comme des créations originales, et les exploiter en les replaçant dans un nouveau contexte, jouer avec leur contenu symbolique, considérer les icônes de la consommation (Coca Cola, Campbell’s Soup), l’univers de la bande dessinée, ou les photographies de stars (Marilyn Monroe, Elvis Presley, Liz Taylor) comme des œuvres d’art qui dévoilent leur propre nature. Les films d’Andy Warhol ont fait de certains artistes bohèmes, de délinquants toxicomanes et de transsexuels évoluant dans les subcultures new-yorkaises, des « superstars » (Joe Dalessandro, International Velvet, Candy Darling) ; c’est dans le studio de Warhol, appelé Factory, que se forma le groupe annonciateur de la new wave et du courant punk : le Velvet Underground, dirigé par Lou Reed. Les musiciens issus de l’entourage d’Andy Warhol, au lieu de prôner une utopie pacifique, comme les hippies, cherchaient avant tout à choquer les gens : les vêtements agressifs d’inspiration sadomasochiste remplacèrent le culte de l’amour et du naturel, l’héroïne, drogue dure et mortelle, prit la place de la marijuana, du haschich et du lsd. Ils s’habillaient en travestis ou en vieux rockers, se créant non seulement un style vestimentaire, mais un look et une identité. Cette réadaptation, version pop art, des symboles véhiculés par les subcultures provoqua une nouvelle remise en question dans le monde de la contre-culture des années soixante-dix, alors en perte de vitesse et de crédit.
17Dans la culture jeune des années soixante, les choses étaient encore très simples : celui qui portait un jean, avait les cheveux longs et une barbe, et celle qui portait une robe indienne et des fleurs dans les cheveux étaient « des nôtres », celui qui, en revanche, portait un costume et une cravate était un ennemi. Mais quand, en Occident, au début des années soixante-dix, l’industrie de la mode commença à diffuser à grande échelle les symboles de la contre-culture, quand les hommes d’affaires et les pdg se mirent à s’habiller « jeune », quand, par exemple, en Hongrie, les dirigeants du kisz (Union des Jeunesses communistes) apparurent en jean avec des barbes et les cheveux longs, et organisèrent des « mouvements pour la paix », beaucoup pensèrent qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Au milieu des années soixante-dix, le groupe allemand Kraftwerk fit sensation en se produisant sur scène avec des musiciens portant costumes et cravates, qui avaient tout de technocrates. Auparavant, Iggy Pop avait déjà porté une cravate et Patty Smith une veste de tailleur. Ce jeu de « brouillage de codes » prit une dimension intéressante, proche de l’art avant-gardiste, dans le monde de la musique rock underground au milieu des années soixante-dix. La figure la plus authentique fut le glam-rocker David Bowie, sorte de superstar extraterrestre, venu de Mars, créant le « personnage » de Ziggy Stardust, qui, à l’« image » d’un travesti, changeait d’identité quasiment chaque année, se métamorphosait comme un caméléon, déconcertant tous ceux qui tentaient de lancer une mode avec son look de la veille.
18Le monde des superstars et de la musique rock, après le retour en force du disco, en 1977, fut à nouveau secoué par un large mouvement de contestation tapageur : le mouvement punk. Le groupe Sex Pistols, dirigé par Johnny Rotten et Sid Vicious, ainsi qu’une pléiade de groupes surgis de nulle part, se retournèrent, de façon radicale, non seulement contre la culture officielle, mais également contre la culture hippie. Les punks, par exemple, arboraient des sweat-shirts avec des slogans tels que « I Hate Pink Floyd », s’attaquant aux icônes de la musique hippie psychédélique, et revendiquant, pour leur part, la consommation de drogues dures et « prolétaires », tels que les speeds et la colle. Leur apparence physique mettait également en avant le caractère ultra-violent de leur révolte : cheveux teints en rose, vert, bleu, jaune, têtes rasées, ou crêtes iroquoises, « piercing », tatouages, qui ne marquaient pas une transformation temporaire de leur apparence, comme le maquillage et le port des cheveux longs chez les hippies, mais laissaient des traces irréversibles, comme autant de stigmates assumés, soit en serrant les dents, soit avec une indifférence nihiliste. À côté de ces marques corporelles « tribales », ils arboraient des accessoires provocateurs : épingles à nourrice, chaînes de wc, colliers de chiens, ustensiles sadomasos, vestes trouées, brassards nazis [Wojcik, 1995 ; Klaniczay, 2001]. L’exploitation des symboles de la subculture, comme chez les hippies, était, dans le cas des punks, étroitement associée à des artistes et stylistes de l’avant-garde (Malcolm Mac Laren, Vivienne Westwood). Et la « nouvelle vague » lancée par les punks conduisit à une nouvelle forme de fusion entre la musique rock et l’avant-garde artistique (Talking Heads, Ultravox, Brian Eno).
« La baraque la plus gaie du camp »
19En Hongrie, on commence peu à peu à oublier cette formule plaisante, teintée d’autodérision, employée pour qualifier le régime de Kádár [3], gentiment appelé le « communisme du goulasch » (en opposition ironique à l’Archipel du Goulag [4]). Après le cataclysme provoqué par la révolution de 1956 [Kende-Pomian, 1978], puis la répression et l’émigration massive qui s’en sont suivis, deux formes d’attitude ont marqué les années soixante. Malgré la répression, l’opposition – bien que sous forme essentiellement passive – s’est poursuivie, en gardant vivace le souvenir de la révolution. Dans un même temps, le compromis de 1963 (« Celui qui n’est pas contre nous est avec nous », selon Kádár), fit naître de nouveaux espoirs : dans le domaine économique, l’ouverture vers une certaine forme, encadrée, de liberté d’entreprise, une relative libéralisation dans le domaine culturel, la possibilité d’accéder à un certain bien-être matériel, autrement dit de bénéficier des bienfaits, tant convoités, de la civilisation occidentale, ouvrit de nouvelles perspectives. C’est dans ce contexte général qu’une nouvelle génération, apparue après l’écrasement de la révolution, exprima de nouvelles aspirations. Les modèles occidentaux traversèrent le rideau de fer avec une surprenante rapidité : dans le sillage des mouvements tels que les rockers, les beatniks, les hooligans ou encore les « jeunes en colère » – qui reprirent le titre Look Back in Anger de John Osborne – des années cinquante, le nouveau mouvement de contestation massive et bruyante de la Beat generation conduisit rapidement en Hongrie aussi à l’émergence d’un « problème jeune ». Dans son film Le Temps suspendu, sorti en 1982, Péter Gothár trace un portrait très réaliste des dilemmes de la jeunesse hongroise des années 1963-1964.
20C’est dans la première moitié des années soixante qu’apparurent les premiers groupes de pop music – Illés, Omega, Metró, Scampolo, Liversing, Dogs –, qui, après avoir, dans un premier temps, repris en anglais des titres de leurs idoles, se mirent très vite à composer des textes originaux reflétant le mode de pensée hongrois et à insérer dans leur musique certains éléments de musique traditionnelle d’Europe de l’Est. Compte tenu des lieux des concerts (des « maisons de la culture » installées dans des friches industrielles de banlieue) et des « signes distinctifs » de leur public rebelle – cheveux de plus en plus longs pour les garçons, blousons en cuir acquis au prix d’un sacrifice financier grâce à un réseau très organisé, authentiques jeans, sweat-shirts venant de l’Ouest, et autres vêtements à la mode –, la tenue de ces concerts entraîna très vite une contre-réaction des autorités. Les beatniks hongrois faisaient régulièrement l’objet de contrôles d’identité de la police (parfois, sous l’escorte de quelques gifles, ils étaient emmenés au poste pour une coupe de cheveux forcée) ; lors des concerts officiellement autorisés – par exemple, dans le parc de la Jeunesse, près du mur du château de Buda, ou encore dans les clubs universitaires – le port de la cravate était obligatoire pour les garçons. Lors d’un légendaire « rassemblement » de hooligans, organisé en 1963 à Balatonföldvár, la police déploya un service d’ordre d’une envergure exceptionnelle, et fit descendre des trains tous les jeunes qui avaient un aspect louche.
21Pour reprendre le texte d’une chanson de Tamás Cseh et de János Másik (deux célèbres auteurs compositeurs des années soixante-dix), « dans les années soixante, le problème de la jeunesse atteignait son paroxysme vers l’été… » ; les jeunes se retrouvaient dans les campings au bord du lac Balaton, faisaient du stop sur les routes vers la Pologne, se rassemblaient dans les concerts pop en plein air : cette contre-culture s’inspirait des mouvements hippies, de leur mode de vie contestataire, communautaire, et des nouveaux mouvements de gauche occidentaux, en les réinterprétant en fonction de l’environnement local. Il apparut rapidement que les jeunes anticonformistes pouvaient s’attendre ici à une forme plus complexe d’opposition. Ils se révoltaient contre l’« idéal petit-bourgeois » des parents, mais dans les journaux officiels ils étaient accusés de « singer le capitalisme ». La répression devint de plus en plus sévère vis-à-vis des groupes dont les chansons renfermaient des messages politiques audacieux, comme, par exemple, le groupe Illés, qui, dans l’un de ses disques (avec des textes de János Bródy), évoqua l’entrée des chars à Prague en 1968, et se prononça en faveur des droits de l’homme. Le groupe fut condamné, à cette occasion, à une interdiction temporaire de se produire en public.
22Sous l’ère Kádár, György Aczél dirigeait la politique culturelle, et à son nom est rattachée l’expression des « trois t » : une initiative culturelle pouvait être soit « soutenue » (támogatott), soit « tolérée » (turt), soit « interdite » (tiltott) : une censure qui s’exerçait avec d’autant plus d’efficacité qu’elle était graduée et mesurée. La culture « jeune » et la pop music se situaient à la frontière entre le toléré et l’interdit [Vitányi, 1974]. La surveillance des jeunes et leur maintien dans des limites appropriées était assurée, en plus de la présence policière lors des concerts, par l’industrie du disque, dirigée par l’État, qui exerçait un contrôle et une censure, et par certains musiciens eux-mêmes, devenus membres de certaines organisations institutionnelles. Les quatre groupes mythiques de la première heure, Illés, Omega, Metró et Locomotive gt (lgt), œuvraient, dans les années soixante-dix, dans des syndicats officiels, et régnaient en maîtres sur le monde de la musique, s’efforçant de tenir à l’écart, au nom d’une soi-disant « qualité », de nouveaux groupes, plus radicaux.
23Pour compléter ce tableau de la version hongroise de la contre-culture, il convient de mentionner la mode de la pratique des danses folkloriques, qui remit au goût du jour la culture populaire traditionnelle [Bodor, 1981]. Cette forme archaïque de divertissement devint un élément très important de cette culture jeune cosmopolite (ils ne pratiquaient pas uniquement des danses folkloriques hongroises, mais également les danses d’Europe de l’Est et des Balkans, cultivant la diversité ethnique et le cosmopolitisme des traditions folkloriques).
24Concernant la politique, je n’évoquerai pas en détail les différentes tendances au sein de la direction du parti (les réformateurs, les partisans de la voie du milieu et les « dogmatiques » du parti de Moscou), ni les cercles restreints, gardiens de la mémoire de l’esprit de 1956, pour me concentrer sur les orientations politiques des plus jeunes générations. Les influences internationales étaient, sur ce terrain également, manifestes. Dans les années soixante, par exemple, les étudiants de sensibilité « nouvelle gauche » soutenaient Cuba et Che Guevara, et organisaient des manifestations lycéennes ; Miklós Haraszti, qui traduisit en hongrois des chants partisans d’Amérique latine, écrivit, en 1971-1972, un roman intitulé Darabbér (Salaire à la pièce), dans lequel il démontrait que la situation des ouvriers dans les pays socialistes était semblable à celle des régimes capitalistes : ils étaient pareillement exploités [Haraszti, 1976]. Ce livre valut à Haraszti une arrestation et un procès, en 1973. En 1968, une organisation maoïste fut également condamnée à Budapest lors du procès contre « György Pór et ses associés ».
25L’invasion de la Tchécoslovaquie en automne 1968 provoqua une vague de protestation chez les intellectuels réformateurs, partisans du « socialisme à visage humain », qui virent se renouveler leur propre tragédie. Elle déboucha sur une déclaration de condamnation promulguée à Korcula, en septembre 1968, par les leaders du groupe yougoslave Praxis et de nombreux sociologues et philosophes hongrois. À partir de cette date, les disciples de György Lukács [5], Ágnes Heller, Ferenc Fehér, György Márkus, János Kis et György Bence, endossèrent un rôle d’opposant ; cinq années plus tard, à cause de leurs ouvrages de critique marxiste, ils furent chassés de leurs lieux de travail et, pour la plupart, envoyés en exil. De nouveaux groupes d’intellectuels dissidents apparurent, dont certains chercheurs en sociologie, qui mirent en avant les dysfonctionnements de la société socialiste (l’excès de pouvoir de la bureaucratie, la pauvreté, la question tsigane). Parmi eux, le chercheur István Kemény (qui dénonça la misère dans les campements tsiganes et le délabrement des usines) et ses disciples, ainsi que György Konrád et Iván Szelényi, qui, en 1974, tentèrent de faire publier à l’étranger La marche au pouvoir des intellectuels. Le cas des pays de l’Est [Konrád-Szelényi, 1979], une virulente analyse sociologique, qui leur valut d’être envoyés en exil (châtiment accepté par Szelényi, alors que Konrád préféra demeurer en Hongrie, quitte à être réduit au « silence » et à subir des brimades). Tous ces scandales politiques, ainsi que les mesures de rétorsion, étaient connus d’un large cercle d’intellectuels et d’étudiants, car si ces questions étaient passées sous silence dans les forums officiels, elles étaient débattues dans des séminaires et dans les clubs universitaires. Le mécontentement, qui s’étendait à de larges cercles, et la volonté d’agir marquèrent, au début des années soixante-dix, les manifestations du 15 mars. Le 15 mars, jour de la commémoration de la révolution de 1848, ne figurait pas au calendrier officiel des fêtes nationales ; le kisz (Union des Jeunesses communistes) avait inscrit au répertoire des « journées révolutionnaires de la jeunesse » le 21 mars 1919, jour de l’avènement de la république des Conseils, et le 4 avril 1945, jour de la pseudo- « libération » de la Hongrie par les troupes soviétiques. Les célébrations clandestines du 15 mars, où l’on arborait la cocarde au pied de la statue de Pet?fi, près du Danube, se transformèrent, à partir de 1981, en démonstrations d’opposition de plus en plus spectaculaires. Elles donnèrent lieu, en 1982 et en 1983, à une violente répression policière (bastonnades, incarcérations, sanctions disciplinaires).
26Après avoir évoqué la politique d’opposition des élites et des étudiants, il convient maintenant de parler des mouvements artistiques d’avant-garde. Au début des années soixante-dix, des écoles artistiques néo-avant-gardistes de différentes tendances émergèrent en Hongrie. Elles succédaient à l’avant-garde artistique de la première moitié du xxe siècle (Lajos Kassák et ses disciples), à l’« école européenne » (Lajos Kassák, Dezs? Kornis, Margit Anna, Endre Bálint), qui fonctionna pendant une ou deux années après 1945, et à l’école moderniste (Béla Kondor, Erzsébet Schaár) qui était plus ou moins acceptée au début des années soixante-dix. Une vie artistique bouillonnante s’exprimait à travers diverses manifestations telles que les expositions « annonciatrices de courants », comme, par exemple, en 1969, l’exposition « Szürenon » (sur-et-non) (surréalisme et non figuratif), les expositions de Hard Edge du Pécsi M?hely (Atelier de Pécs), les happenings organisés dans les clubs universitaires et lors des concerts rock (les actions de Tamás Szentjóby lors des concerts de jazz-rock progressiste de Syrius, les productions théâtrales de style happening du chanteur János Baksa-Soós du groupe Kex), les mobiles d’István Haraszthy, le théâtre d’appartement, créé par la compagnie de Péter Halász, et enfin les pièces de théâtre politiquement engagées, montées par la troupe communautaire du Théâtre Orfeo.
27Le lieu fondateur et centre névralgique de la « scène » avant-gardiste était une chapelle désaffectée située à Balatonboglár, transformée en salle d’exposition par György Galántai. À partir de 1970, des expositions artistiques non officielles y furent organisées. En 1971 et 1972, la chapelle devint l’espace privilégié des mouvements avant-gardistes les plus radicaux. En témoigne le slogan : « Sois interdit ! » de l’exposition de Tamás Szentjóby (« exercice d’exclusion », « autothérapie de détention préventive »). L’artiste conceptuel Miklós Erdély devint l’un des chefs spirituels de ce groupe d’artistes. Titre de l’une de ses plus célèbres expositions, improvisée avec des branchages ramassés sur place : « petit bois : le prolétaire des matériaux de combustion ». Dans le cercle d’artistes – poursuivant, depuis, une carrière internationale – qui exposaient dans la chapelle (Gyula Pauer, Miklós Jovánovics, Dóra Maurer) on vit apparaître le dissident « nouvelle gauche » Miklós Haraszti. On apprit plus tard que des agents de la police secrète avaient, dans des rapports détaillés, rendu compte de ses activités. À côté des « expos de chapelle », des pièces de théâtre furent également présentées, par le Studio István Kovács, dirigé par László Najmányi et László Rajk, et par la compagnie de Péter Halász, qui émigra en 1976 à Paris, avant de partir pour New York, où il remporta un succès mondial avec son Squat Theater. En 1973, les autorités en eurent assez des initiatives politico-artistiques de Balatonboglár, et, après une campagne de dénigrement orchestrée par la presse (« Happening dans la crypte », tel était le titre d’un article rédigé par László Szabó, célèbre chroniqueur de la police), elles firent fermer la chapelle, en invoquant des principes de moralité et de santé publique. L’organisateur, Galántai, fit l’objet de tracasseries pendant plusieurs années (une documentation sur le contenu artistique des expositions et sur les rapports de la police secrète a été récemment publiée [Klaniczay-Sasvári, 2003]).
28La vie artistique de l’avant-garde s’est poursuivie malgré tout, elle trouva de nouveaux lieux et de nouveaux organisateurs. Au cours de cette même période, un autre domaine artistique prit de l’importance, le cinéma, grâce au Studio Béla Balázs, qui menait une politique relativement libérale et jouissait d’une certaine base financière. Deux genres cinématographiques devinrent très populaires : les films documentaires, contenant des critiques sociopolitiques de plus en plus clairement affichées (avec de talentueux réalisateurs comme Gyula Gazdag ou Pál Schiffer) et les films d’avant-garde, réalisés par des cinéastes regroupés autour de Gábor Bódy (ce fut une véritable stupéfaction quand, récemment, on apprit que ce génial cinéaste, qui faisait figure de leader et se suicida en 1983, avait, pendant de longues années, rédigé des rapports pour la police secrète). Le « Club des Jeunes Artistes », qui, bien que placé sous le contrôle du kisz et des clubs de rock universitaires, était relativement libéral (dans les limites imposées par la censure pondérée), offrit des moyens d’expression aux artistes, chanteurs, écrivains et hommes de théâtre, de plus en plus radicaux. Tibor Hajas et le groupe Inconnu, originaire de Pécs, pratiquaient le body art, dans un style décapant et « brutalement » sérieux, Miklós Erdély, Dóra Maurer et György Galántai organisaient des « exercices créatifs, faisant appel à l’imaginaire » dans une maison de la culture en banlieue. Vers la fin des années soixante-dix, le monde de l’avant-garde budapestoise se nourrissait de débats, de provocations, d’innovations et de scandales.
Nouvelle vague, nouvelle opposition, un espace public alternatif
29En Europe de l’Est, et en Hongrie, les premiers disciples d’une nouvelle vague contestataire de la jeunesse apparurent dans la culture et la musique rock dans la deuxième partie des années soixante-dix [Ramet, 1994], et eux aussi mirent l’accent sur l’aspect « petit-bourgeois » de la révolte de la Beat generation. Vers 1976, une nouvelle subculture jeune attesta des changements en Hongrie : le mouvement des « csövesek » (zonards), qui, comme leur nom l’indique, adoptèrent le mode de vie et l’attitude des exclus. Ils se rendirent célèbres par leurs tenues vestimentaires « débraillées » et leur grande consommation de colle. Les autorités politiques commencèrent à s’intéresser à eux, et, à cette occasion, Kádár lança (à propos des bandes de zonards qui se regroupaient dans les passages souterrains du métro) une formule assez comique : « Le socialisme ne se bâtit pas dans les souterrains. » Les « zonards » appréciaient un nouveau style de musique rock, proche de Heavy metal, et se retrouvaient dans les concerts de groupes tels que Piramis, P. Mobil, Edda ou Béatrice. Béatrice se présentait comme un groupe punk, même si sa musique n’était pas réellement punk. Dans la même période, d’autres courants alternatifs musicaux virent le jour : le Hobo Blues Band, qui chercha à retourner aux sources du blues, ou bien le groupe Bizottság (Comité), qui s’inspirait de Franck Zappa et de Captain Beafheart.
30En 1977, apparut l’art punk new wave, inspiré de David Bowie, dont Gergely Molnár, qui jadis évoluait dans les milieux de l’avant-garde artistique, devint le chef de file. Lors d’une conférence d’« information » tenue dans une maison de la culture de banlieue, il surprit quelque peu son auditoire quand il apparut avec des cheveux teints en rouge et, après avoir parlé des nouvelles orientations musicales, prit le micro pour chanter Rock and roll suicide de David Bowie. En 1978, il fonda le premier « véritable » groupe punk : Spions. Ce groupe fut rejoint par László Najmányi, auteur de performances, et la Donauer Videofamilie, s’inspirant du « théâtre de la cruauté » d’Antonin Arthaud. Après que les précurseurs du mouvement, suite à des scandales, eurent quitté le pays, d’autres groupes reprirent le flambeau. C’est ici qu’intervient le concert que j’ai déjà cité au tout début de mon article : le premier concert du groupe urh, organisé par Péter Müller et Jeno Menyhárt, ainsi que le concert du groupe Balaton, fondé par Mihály Víg. Au début des années quatre-vingt, un grand nombre de groupes punk se produisaient en Hongrie : Kontroll Csoport (Groupe de contrôle), Európa Kiadó (L’Europe à vendre), Vágtázó Halottkémek (Médecins légistes en galop), Trabant (la « deux-chevaux » socialiste manufacturée en Allemagne de l’Est), Kampec Dolores, Neurotic, Embersport, Sziámi.
31Cette subculture rock et artistique a enrichi la new wave internationale de couleurs locales. Dans la dernière décennie, un certain nombre d’études détaillées sur les carrières des musiciens et sur leur symbolique politique et musicale pendant la période allant des années quatre-vingt jusqu’à aujourd’hui ont vu le jour [Kürti, 1994 ; Szemere, 2001 ; Klaniczay, 2003]. La position de ces musiciens a été déterminée par le fait qu’ils étaient totalement à l’extérieur de l’industrie du disque institutionnelle et avaient, dans ces conditions, peu d’espoir de produire des disques. En conséquence, ils diffusaient des cassettes enregistrées chez eux et, surtout, donnaient des concerts dans de petits clubs. Cette position d’amateurs leur permettait d’exprimer des messages artistiques et politiques ultra-radicaux. Les groupes uhr, Kontroll Csoport et Európa Kiadó (avec les textes de Péter Müller et Jeno Menyhárt) mettaient souvent les nerfs de la police à l’épreuve. À l’époque du triomphe, puis du démantèlement, du mouvement polonais Solidarité, ils proclamèrent dans plusieurs chansons leur solidarité avec Walesa, dans leurs concerts, ils proféraient des menaces contre les « mouchards et provocateurs » infiltrés dans l’auditoire : « Celui qui est devant vous, à côté de vous, derrière vous, est des nôtres ». Lors d’une campagne électorale (préparée dans les conditions socialistes) en 1981, ils tournèrent en dérision, avec leur chanson Vote pour moi !, les élections à « candidature unique ». Ajoutons à cela, dans un champ plus large, le désert culturel officiel du socialisme tardif tolérant/répressif (Európa Kiadó : « dans mon cerveau siège un censeur, à chacun de mes mots, mille oreilles… »), l’état d’esprit no future, proche des punks occidentaux, la montée de la violence, et du sexe désabusé (Bizottság : « voici encore l’amour/j’ai à nouveau les mains moites/rien à foutre… », Kontroll Csoport : « je suis revenu, je suis revenu, je suis revenu du sexe… »). Le groupe Vágtázó Halottkémek, fondé par Attila Grandpierre, apporta une touche personnelle, en mêlant à sa musique des éléments de transe chamanique archaïque.
32Le groupe Trabant, fondé par Gábor Lukin et János Vet?, retourna vers une forme musicale plus harmonieuse, plus spleen, proche du Velvet Underground. Plutôt que de se produire en concert, il préférait diffuser sa musique sous forme de cassettes. L’univers musical de Trabant fut marqué, au début, par la chanteuse Marietta Méhes, puis par le chanteur de ballades rock nostalgiques, leader du groupe Balaton, qui vint rejoindre le groupe Trabant : Mihály Víg. Quand, en 1985, le groupe se disloqua, suite à l’émigration à l’Ouest de Gábor Lukin, le groupe Balaton perpétua ce style musical lyrique original et raffiné, aux accents de new wave, qui conserva volontairement un cadre amateur, non structuré.
33Plusieurs groupes de new wave – cpg (Coitus Punk group), eta, t34 (allusion aux chars soviétiques), Mosoi (Sourire – délibérément mal orthographié) – eurent de graves ennuis avec la police en 1984 et 1985 : des procès furent intentés à leur encontre et plusieurs d’entre eux furent condamnés à des peines de prison pour « incitation à la violence ». Cela était dû en partie à la violence réelle de leurs textes (« ce fils de pute de Péter Erd?s », c’est ainsi qu’ils appelaient le directeur de la maison de disques d’État (qui était un monopole) ; par ailleurs, dans leurs chansons, ils parlaient de l’« atome soviétique », des « pourris de communistes » et l’un d’eux proféra des propos teintés de relents racistes – « secteur libéré des Tsiganes » dans une maison de la culture de banlieue). Mais il faut aussi préciser que si une répression plus dure s’exerça sur eux, c’est qu’ils avaient très peu de liens avec les cercles dissidents ou avec l’avant-garde artistique.
34Le courant de musique new wave faisait partie, à la fin des années soixante-dix, d’un mouvement artistique et politique underground beaucoup plus vaste, d’une forme de « courant alternatif ». L’année 1977 avait vu en Hongrie non seulement l’apparition du mouvement punk, mais aussi celle de l’esprit de la Charte 77, mouvement tchécoslovaque pour les droits de l’homme, dans l’esprit du traité de Helsinki, initié par l’écrivain dissident Václav Havel, qui fut emprisonné à la suite de cette déclaration. Deux disciples de Lukács, János Kis et György Bence, jouèrent un rôle majeur en Hongrie dans les actions de solidarité avec les dissidents tchécoslovaques, menées par des philosophes, des sociologues, des « post-cinquante-sixards », et une nouvelle génération de jeunes artistes et intellectuels. Ces actions s’exprimèrent à travers la publication et la diffusion de samizdats, et donnèrent naissance à l’« opposition démocratique ». Ce courant fonda de nombreuses structures : les « universités volantes », improvisées dans différents appartements, la « boutique de samizdats », ouverte dans l’appartement de László Rajk, la fondation d’aide aux pauvres (szeta), initiée par des sociologues spécialistes de la question tsigane, la revue Beszél? (le Parloir), lancée et dirigée par János Kis et Miklós Haraszti, la maison d’édition indépendante ab Független Kiadó (éditions indépendantes ab), fondée par Gábor Demszky [Eichwede, 2000]. Comme dans d’autres pays, leur engagement politique ne resta pas sans répression : de nombreux signataires de pétitions et militants de l’opposition perdirent leur emploi. Je dois cependant souligner que certains échappèrent aux sanctions et que, et ceci doit être porté au crédit du kadarisme tardif « mou », personne ne fut emprisonné.
35Il serait intéressant, en s’appuyant sur les catégories « subculture » et « underground », d’entreprendre une analyse détaillée du « courant alternatif » budapestois entre 1975 et 1985, d’étudier ses territoires, ses groupes, ses formes d’expression, publiques et clandestines, ses
36gigantesques fêtes, ses rencontres, ses débats, ses expériences artistiques et musicales, ses actions, ses manifestations. La vitalité de ce milieu (à l’instar des groupes tchèques et polonais) devint célèbre jusque dans les cercles d’intellectuels occidentaux et entraîna, au début des années quatre-vingt, une vague de tourisme militant. Un exemple : lorsque Michel Foucault, en 1980, prépara une série d’entretiens pour le Corriere della Sera, l’underground politique et artistique hongrois figurait parmi les thèmes majeurs sélectionnés, et plusieurs de ses amis se rendirent à Budapest pour préparer le terrain. Finalement, il n’en fut rien car après l’interview très enthousiaste qu’il donna sur la révolution de Téhéran (déçu par le tournant négatif pris par la révolution iranienne), il cessa ses reportages politiques [Lau, 2005]. Mais bien d’autres intellectuels, tels que Susan Sontag ou Timothy Garton Ash [Ash, 1989], se rendirent à Budapest.
37Je ne dispose pas d’assez d’espace, dans le cadre de cet article, pour entreprendre une analyse à la fois détaillée et intellectuellement ambitieuse de cette subculture. Je ne peux pas plus commenter la façon dont l’underground politique et artistique s’est, jusqu’à un certain degré, désagrégé. Comment, par exemple, un certain nombre de chanteurs rock, tels que Tamás Pajor, leader du groupe Neurotic, l’un des groupes les plus violents de rap, ont pu adhérer à l’Église néo-chrétienne charismatique Hit gyülekezete (Rassemblement de la foi) et ont pu continuer à chanter, avec un groupe nommé Amen, des messages radicalement opposés ; comment d’autres sont partis dans d’autres pays d’Europe ; comment, avec le vaste mouvement d’opposition à la construction du barrage de B?s-Nagymaros, le courant écologiste est venu apporter un souffle nouveau à l’opposition ; et, enfin, je ne pourrai pas décrire ici l’atmosphère bouillonnante qui régna lors du changement de régime, en 1989. Tout ceci fait déjà partie d’une autre histoire.
38J’aimerais cependant, en guise de conclusion à ce bref survol, insister sur un point : avec le recul de deux décennies, il serait temps d’analyser ces phénomènes, car nous disposons maintenant d’un assez grand nombre de témoignages publiés [Havasréti-Horváth, 2003], de matières musicales rééditées, de créations artistiques et de documents de la police secrète (une matière en cours d’exploration et qui nous réserve presque chaque mois de nouvelles surprises [Sz?nyei, 2005]) pour que cet examen soit désormais possible. ?
39Traduit par Joëlle Dufeuilly
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Mots-clés éditeurs : punk, subculture, dissidence, contre-culture, underground, nouvelle vague
Date de mise en ligne : 03/10/2007
https://doi.org/10.3917/ethn.062.0283Notes
-
[1]
Allusion au Big Brother de George Orwell dans 1984, et, plus précisément, à l’Union soviétique.
-
[2]
Subculture : concept anglo-saxon désignant un groupe ou un phénomène culturel marginal, secondaire, minoritaire (note de la traductrice).
-
[3]
Quelques repères pour mieux situer le « régime Kádár » : 1947, arrivée des communistes au pouvoir ; 1953-1955, réformes sous le gouvernement d’Imre Nagy ; 4 novembre 1956, manifestations de masse à Budapest. Intervention de l’armée soviétique. Mise en place du régime de János Kádár. 1963, amnistie générale. Relâchement des contraintes politiques ; 1968, départ de la réforme économique ; à partir de 1970, accroissement des relations commerciales et culturelles avec les pays non communistes ; 1981, nouvelles réformes liées à la crise économique ; 1984-1985, effondrement économique. Mesures d’austérité, manifestations pour la liberté d’expression et des réformes publiques ; 1988, János Kádár est écarté du pouvoir. Formation de partis politiques démocratiques.
-
[4]
Célèbre roman d’Alexandre Soljénitsyne, publié en 1973.
-
[5]
Plus connu sous le nom de Georg Lukács.