Notes
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[1]
Sur la mythologie de la forêt et sur sa place centrale dans les contes comme dans les rites, la littérature est très abondante. On consultera par exemple : Pierre Saintyves [1987] ; Yvonne Verdier [1980] ; Josiane Bru [2001].
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[2]
C’est ainsi que Pierre Clastres désigne le chant larmoyant par lequel les femmes ponctuent les événements exceptionnels de leur existence.
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[3]
L’héroïne d’Andersen est passée avec un nom délibérément inchangé dans le roman de Carmen Martin Gaïte [1997] ; voir également l’excellente étude de ce passage faite par : [Véronique Desideri, 2000].
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[4]
Sur la question de l’assimilation linguistique de la pupille de l’œil et de la jeune fille, cf. [Lucie Desideri, 1993 : 127-133].
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[5]
Sur le personnage de l’ermite et son rôle médiateur, Daniel Fabre [1986a : 6-18].
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[6]
Tarjei Vesaas est né en 1897 et mort en 1970, l’année où le prix Nobel devait lui être attribué.
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[7]
La notion est empruntée à Deleuze et Guattari [op. cit. : 363].
« La coutume met dans le sillage du sacré, un sacré innommé, diffus, ambiant, épars dans l’environnement, inintelligible comme tel, simplement ressenti à la chaleur d’un feu de broussailles, à la vue d’ombres glissant dans les ténèbres, ou à l’écoute d’un chant d’oiseau. »
La forêt des rites
1Depuis plus d’un siècle, les travaux des ethnologues nous confrontent aux grands rites initiatiques auxquels les sociétés exotiques soumettent leurs adolescents : cérémonies spectaculaires de mises à l’épreuve longues et douloureuses au plan physique et psychique (jeûne, flagellations, marquages corporels par scarifications)… on ne lésine pas sur les moyens à mettre en œuvre pour fixer, en les socialisant, les identités sexuelles. Comparées à ces sociétés « à initiation » qui donnent à voir de manière explicite le travail culturel exigé par la construction sociale du futur adulte, nos sociétés semblent moins contraignantes, plus souples. Pourtant, sous un mode plus diffus, dilué dans les pratiques coutumières, elles développent une logique analogue, à valeur initiatique : celle des rites de passage. Leur universalité s’exprime à travers des formes culturelles d’une grande variété, mais la structure interne est partout la même, enracinée dans la trame biologique de l’existence humaine, « du berceau à la tombe » : naissance, puberté, fécondité et mort. Les rites [Van Gennep, 1909] qui font passer à la culture ces données de la nature traduisent le « biologique » en « social » en trois temps : séparation, marge, intégration. Le passage d’un état à un autre est pensé comme une mort symbolique donnant lieu à une seconde naissance. À la puberté, ils ordonnent la métamorphose adolescente, opérant le tri du masculin et du féminin et ouvrant la voie d’accès à la féminité pour les filles, à la virilité pour les garçons. Fortement reliés au tissu symbolique des rites imbriqués dans les coutumes de nos sociétés traditionnelles, les contes populaires fournissent, à cet égard, un matériau essentiel à la compréhension des épreuves et apprentissages exigés lors du passage de l’enfance à la jeunesse. De ce passage, ces récits nous découvrent un topos quasi incontournable : la forêt [1]. C’est dans ce lieu « sauvage » qu’ils installent, comme suspendues entre ciel et terre, dans la tour d’un château, enchevêtrée de lianes, fleurs et ronces ou enfermées dans une cabane boisée, les jeunes filles qui doivent au bois dormir. Forêt qui donne un charme de princes aux garçons qui viennent y exercer leur passion chasseresse, en quête d’une proie prestigieuse. Là se croisent destins féminins et masculins, quand, à l’âge voulu, coutumes et rites ouvrent à l’adolescence les deux voies royales : « la voie des fleurs » pour les filles, la « voie des oiseaux » pour les garçons. Ainsi les ai-je nommées, en référence aux travaux ethnologiques d’Yvonne Verdier – choisis pour ses textes éblouissants sur les coutumes qui « font » (façonnent) les jeunes filles [Verdier, 1979] et ceux, tout aussi éblouissants, de Daniel Fabre qui a mis au jour, en une approche inédite, celles qui « font » les garçons, à partir du « fil invisible » qui les unit à l’oiseau [Fabre, 1986b]. Quelles formations, quels apprentissages, quels savoirs acquiert-on au cœur – et au-delà – de ces belles métaphores ?
D’une forêt l’autre : la seconde peau
• La recluse gît sous les palmes et les fougères
2Dans une forêt lointaine, au cœur de l’Amérique tropicale, le jeune ethnologue séjournant pour un an chez les Indiens Guayaki converse avec l’un de ses informateurs, quand soudain, une jeune fille, âgée de 13 ans seulement et déjà l’épouse de son interlocuteur, s’approche d’eux, glisse quelques mots dans l’oreille de son époux et « part en courant se cacher dans la forêt ». L’homme se dresse et va annoncer à tous ce qu’il vient d’apprendre : « son sang a jailli », dit-il. S’enfuir en forêt, « c’est ce que doit faire celle dont le sang coule pour la première fois : fuir le regard des autres, leur indiquant par là même ce qui lui arrive. La fillette est, à ce moment-là, sans “nature”, sans “calme”, elle est honteuse et va se cacher ». Tout le monde doit en être officiellement informé, l’événement étant d’une portée générale. La grand-mère le clame à haute voix : « le sang de notre petite fille, il est là ». La nouvelle se répand, la mère entonne sa plainte, elle « chante-pleure » [2] le sang qui a jailli. L’ethnologue décrira dans leurs moindres détails les préparatifs, les places, les rôles, les gestes et les mots de chacun. Nous retiendrons ici les séquences centrales du rite qui fait passer la fille dans la catégorie des femmes, en marquant son corps à tout jamais. On construira la « hutte de réclusion », hutte végétale à l’intérieur de laquelle on installera un lit, végétal lui aussi : une jonchée de fougères. La fille « se glisse sous l’abri et demeure dissimulée sous ces fougères. Elle est totalement invisible ; elle est destinée à ne pas être vue […]. La marraine, vers la fin de l’après-midi, lui apporte son repas végétal (encore), qu’elle absorbe rapidement, en gardant les yeux fermés. Elle doit, non seulement se cacher, mais éviter absolument de porter son regard sur les autres. Elle est mauvaise, source de mal, cause de bayja. Ils désignent ainsi le danger souverain où se trouvent placés les hommes du fait du sang des femmes » [Clastres, 1972 : 134]. Suivront les rites de purification, puis les flagellations (dont le sens prend sa source dans les mythes, et sont destinées à lui permettre de « bien désirer les hommes »). On procède ensuite à la peinture de la purifiée : « d’abord c’est la face qui est ornée […] puis l’on passe au cou, à la poitrine, et bientôt tout le tronc, jusqu’au pubis, est habillé de dix rangées de traits verticaux du plus joli effet ». Même chose pour les bras et le dos. Le cérémonial va clore le marquage corporel par les scarifications : « l’initiée est allongée sur le dos. Le scarificateur incise la peau depuis la base des seins jusqu’au sexe […]. Les plaies sont enduites de poudre de charbon de bois, elles cicatrisent en s’imprégnant de couleur noire indélébile, la femme est à jamais marquée » [Clastres, ibid. : 139]. Bien entendu, il en va de même pour les garçons, que l’on habillera de pied en cap de cette seconde peau, où seront imprimés les motifs caractéristiques de leur propre sexe, se substituant à la peau d’origine à laquelle le rite inflige une mue radicale et irréversible.
• « Par le trou de la lèvre, c’est son enfance qui a fui »
3On sait que le moment est venu pour eux lorsque les gamins commencent à lorgner avec trop d’insistance et de concupiscence du côté des femmes : il faudra « les perforer », les peindre et les scarifier. Parfois, impatients d’accéder au commerce sexuel, la demande d’initiation vient d’eux-mêmes. Tant qu’ils ne sont que des « pénis » (terme désignant les gamins), cela leur est interdit. Ils n’y seront autorisés qu’en tant que « labrets » (porteurs de l’os qui perfore la lèvre inférieure). Ils dresseront la grande hutte initiatique à l’écart du campement, seuls dans la nuit pour la première fois. Ils entendront l’écho du chant des hommes qui, de loin, les encouragent ; le chant des femmes, celui des mères, qui dit le regret de l’inévitable séparation, en un « refus chanté-pleuré » de savoir leurs fils arrachés à la tendresse et la douceur du monde féminin, mourir à l’enfance, aux mères, pour pouvoir bientôt renaître en homme du côté des pères, au prix d’horribles souffrances. Dans l’espace transitoire et dès lors sacré où s’entame la métamorphose, là où ils ne sont pour l’heure ni vivants ni morts, ils jeûnent quelque temps avant d’absorber un repas spécial qui leur donnera des forces pour subir l’initiation proprement dite : « Un homme s’approche ; de son couteau de bambou, il rase le crâne […]. Puis l’officiant prend la lèvre inférieure et l’étire vers l’avant. Il plonge son regard dans les yeux du garçon, il enfonce de la main droite le piju (instrument de la perforation). La lèvre percée, il retire l’os. Son assistant introduit un os (moins épointé) dans le trou […] et enroule autour une mince ficelle fabriquée par les mères, qui empêchera l’os de tomber (jusqu’à la cicatrisation). » Le jeune initié a fini d’être un « pénis », le voilà « labret ». « Par le trou de la lèvre, c’est son enfance qui a fui […]. Cela, ajoute subtilement Pierre Clastres, fonde un droit et révèle une vérité jusque-là occultée : le moment où il n’est plus qualifié par son pénis, c’est précisément celui où l’on reconnaît qu’il en a un » [Clastres, ibid. : 125]. Il peut dès lors acquérir sa peau d’homme, selon les principes analogues à ceux qui ont donné aux filles leur peau de femmes : peintures et scarifications. Aux premiers affleurements de la barbe, un « ancien » lui proposera d’être celui qui « lui fendra le dos » : « Il abat un jeune arbre au tronc lisse […]. Le jeune homme s’allonge sur le tronc incliné, qu’il entoure de ses bras ; il est sur le ventre, le dos offert, la peau bien tendue. Le “fendeur” prend sa pierre et tranche en profondeur du haut de l’épaule jusqu’au sommet des fesses […] ; Il déchire. C’est toute la surface de la peau qui est ainsi labourée de lignes droites et parallèles, d’une épaule à l’autre ; le sang coule abondamment […] mais on n’entendra le jeune homme laisser échapper ni plaintes ni gémissements : plutôt “perdre connaissance” (souligné par moi). À ce silence se mesurent sa vaillance et son droit à être tenu pour un homme accompli » [Clastres, ibid. : 133].
4Traces indélébiles, marques irréversibles… Dans les sociétés primitives, sociétés sans écriture, la peau des adolescents est le parchemin où la société imprime sa loi. Sociétés du marquage, comme le disent Deleuze et Guattari [1972 : 363-370]. Dans la chair de celle dont le sang a jailli, et dans la chair de celui qui n’est plus un pénis, l’initiation « écrit » : vous êtes à tout jamais des vrais Guayaki (c’est-à-dire des Personnes) ; votre corps le sait, votre corps le dit, votre corps ne peut l’oublier. Qu’en est-il chez nous du passage pubertaire par les rites, les forêts, les cabanes ?
Filles en forêt : la voie des fleurs
• Reines des neiges, Reine des cendres : prunelles et éclosions
5À celles qui, au moment voulu, doivent, comme la jeune Guayaki, disparaître en forêt, les contes accolent un signe – une signature – qui, telle une marque indélébile, les rend inoubliables : leur nom. Noms de neige, de fleurs ou de cendres qui, à l’image des saisons qu’ils évoquent, les nouent au « fil du temps », en les attachant au rouet de ses cycles. Blanche-neige chez les frères Grimm ou Reine des neiges chez Andersen [3] ; Blanche-épine, Fleur d’épine ou Proserpine, leur histoire en forme de destin nous fait parcourir tous les continents. On a retrouvé Blanche-neige en Afrique [Calame-Griaule, 2002]. Elle nous fait aussi remonter le temps : la Proserpine des Romains nous reconduit vers la Koré des Grecs. D’un seul terme, ils désignaient ainsi tout à la fois la « jeune fille » et la « pupille » des yeux ; et, singulièrement, de tous les yeux : ceux des hommes comme ceux des femmes. Dans toutes les langues dérivées est conservée cette antique et saisissante trouvaille langagière qui n’a cessé d’irriguer le discours des mythes, tournant autour de ce qui, littéralement, enchante l’œil : la « jeune fille » [4]. À l’image même de la prunelle, les noms « inoubliables » précédemment évoqués laissent filtrer les premiers éclats de la lumière. À l’issue de la nuit comme à celle de l’hiver, ils nomment une éclosion toute printanière : celle du corps féminin étroitement associé à l’éveil de la nature. Cette dernière, saisie au jeu des métaphores, renaît en ouvrant ses propres « yeux » : « œil » est le nom de la source qui resurgit, « œil », celui des bourgeons et des entailles des greffons gorgés de sève, œil partout ouvert jusque sur les ailes des papillons. Au printemps, elle est criblée de pupilles, criblée de « jeunes filles » donc. Voici le temps où, tout comme une jeune fille, la « nature » (terme désignant aussi le sexe de la femme) ouvre la paupière et « voit » (« voir » servant à désigner les règles féminines). Comme la blancheur de la neige où percera l’aubépine, la cendre aussi parle « saisons » en évoquant un moment calendaire décisif, puisque Cendrillon pourrait être, selon la thèse de Saintyves [Saintyves, op. cit. : 127-131], la figuration du Mercredi des Cendres, date charnière entre carnaval et carême, prélude au renouveau de Pâques. « Lumière devant moi, obscurité derrière moi », chante-t-elle en allant au bal. Elle est dans de nombreuses coutumes, la fiancée des Cendres ou la reine des Cendres dont les garçons processionnent le mannequin, ou dont les ours tirent le char durant le Carnaval. Associée au mois de février (placé sous le signe de la Saint-Valentin), elle est au cœur des valentinages amoureux et des bals de cette saison. « Tout permet de présumer que la fiancée des Cendres, dans sa charrette ornée, fut d’abord la personnification de l’année nouvelle et que ses fiançailles avec le soleil constituaient une cérémonie magique destinée à promouvoir les mariages et à leur assurer la fécondité. » Ces jeunes filles sortent de l’hiver : vient le temps de leur fleurissement intime, concordant avec celui des prés et des champs. C’est alors que la forêt les « ravit » et se referme sur elles comme une tombe ou une matrice vers laquelle les contes les font refluer. Elles en reviendront, prêtes à devenir reines des cendres, et renaître en entrant dans la danse des bals de carnaval. Incontournable pour l’héroïne des contes, la forêt l’est tout autant pour le garçon qui franchira la limite, parfois imperceptible, séparant le monde des humains et celui de la « sauvagerie ». Le conte l’emporte dans la selva où, par définition, il sera, le temps du séjour, le selvaticus, le sauvage ; ou bien encore, selon l’autre étymologie de forêt, le foresterus, l’« être du dehors », l’« étranger », « l’autre ».
6Les voilà l’un et l’autre dans les sous-bois.
7Sous un même couvert végétal, tout devrait interdire leur rencontre : leurs territoires respectifs sont séparés, jusqu’au jour où leurs regards se croiseront, au cœur d’une clairière, lieu du coup de foudre fatal qui clôt le récit sur l’éclair amoureux. Fini le temps des amours, fini le conte. Il faut quitter les séjours buissonniers, rentrer au village, au château, pour les préparatifs des noces, couronnement royal des itinéraires ensauvagés au fond des bois. Que se trame-t-il donc dans cet espace à l’écart de la vie sociale ordinaire ? Que fait-on dans ces marges-là ? Royaume des grands arbres, des plantes et animaux sauvages, seuls s’y aventurent quelques forestiers, bûcherons, charbonniers, chasseurs. Parfois quelque ermite [5] y élit son séjour pour vivre à « l’état de nature », à l’« état primitif », préfiguration et avant-goût de la vie dans l’au-delà. À l’instar de ces « hommes des bois », les adolescents des contes ou des rites sont placés au contact de cet « autre monde » dont la forêt est la métaphore. Mais si les garçons y vont seuls et y circulent librement, les filles, elles, y sont emmenées et enfermées.
• Trois gouttes de sang : songes et injonctions maternelles
8« Tandis qu’elle cousait négligemment tout en regardant la neige au dehors, la reine se piqua le doigt avec son aiguille et trois petites gouttes de sang tombèrent dans la neige. C’était si beau ce rouge sur la neige, qu’en le voyant la reine songe : “oh, si je pouvais avoir une enfant aussi blanche que la neige, aussi vermeille que le sang…” » Ce songe de la mère de Blanche-neige renvoie au don que celle de la Gardeuse d’oies transmet à sa fille : « Quand elle en eût l’âge, la princesse fut promise à un prince qui demeurait au loin. À l’heure des adieux, la vieille reine monta dans sa chambre, prit un canif et s’entailla le doigt pour le faire saigner ; elle prit alors un chiffon blanc et fit tomber dessus trois gouttes de sang, puis elle donna le chiffon à sa fille, et, lui montrant les trois gouttes, elle lui dit : “Garde-les bien ma chère enfant, elles te seront précieuses et tu en auras grand besoin en cours de route.” » Yvonne Verdier, qui a mis en lumière ce jeu d’échos dans les contes entre eux, puis avec les coutumes très concrètes initiant les filles à ce rouge sur le blanc, souligne (dans des notes inédites) le sens de ces trois gouttes : « Trois gouttes de sang dans la neige, trois gouttes de sang sur un chiffon blanc… images du pouvoir féminin de donner la vie, de la transmission entre femmes de ce pouvoir et de la condition de son accomplissement : que coule le sang, sang des règles, sang des noces (défloration), sang de l’accouchement. » C’est la première de ces trois gouttes qui sonne l’heure du départ en forêt. Le signal en est donné par la mère, qui le déchiffre dans son propre miroir : « miroir mon beau miroir » ! Encore faut-il comprendre ce langage qui met « en regard » le miroir et le sang. De très anciennes croyances, largement répandues dans le monde, font état du nuage ensanglanté, de l’aura qui émane comme une brume de la fille menstruée et vient offusquer les miroirs où elle se regarderait, sans que nulle image, nul visage ne s’y reflète. Ces mêmes croyances attribuent à son œil de redoutables pouvoirs : de même qu’il ternit les miroirs, il transforme le monde en « terre gaste » : « Il n’y a rien de plus monstrueux que les menstrues des femmes », dit Pline l’Ancien, énumérant les fameuses dévastations qu’elles provoquent : le lard tourne dans le saloir, le vin dans les cuves, la terre devient stérile, les herbes se dessèchent, les fruits des arbres pourrissent et tombent, la blancheur de l’ivoire s’obscurcit, le fer rouille, les abeilles meurent, les chiens qui y ont goûté ( !) deviennent enragés, les hommes attrapent la lèpre… bref, la mayonnaise ne prend plus. Le regard, mais aussi le souffle, l’haleine, le toucher. À la première goutte de sang, le corps de la fille est si dangereux à approcher qu’il ne peut, ne doit rien approcher à son tour. Une forêt d’interdits se dresse autour d’elle quand perle sa rosée (la rosée rouille, dit-on, parce qu’elle est le sang de l’aurore, menstrue du temps). Ce sang qui ne doit pas être vu doit couler à l’abri de tout contact. Ce flux sauvage que la nature fait jaillir dans le corps féminin devra passer du côté des règles de la culture. En raison des menaces que cet état de nature fait peser sur ces dernières, il faudra le cacher jusqu’au terme cyclique de son tarissement. On ne devra pas non plus le nommer. On dira alors que les filles ont leurs « fleurs », leurs « roses », leurs « ours » (en souvenir sans doute des « ourses » qu’elles sont dans le cortège d’Artémis, déesse coureuse des bois ; en relation encore avec les rites de carnaval et leurs ours, les fêtes où elles jouent le rôle de la rosetta, rose que l’ours (l’homme sauvage) va rapter et emporter dans son antre). On dira aussi qu’elles « voient ». Ce « voir »-là est une « façon de dire » (encore fort répandue) qu’Yvonne Verdier a ressaisie dans son ethnographie et longuement analysée : « ne pas voir » signifie être impubère ; « voir », être menstruée ; « ne plus voir », être ménopausée. Langage qui entre en cohérence avec ce qui vient d’être évoqué au sujet de l’œil et du regard des femmes menstruées. Il nous ramène à la manière même de nommer la jeune fille par la pupille : « pupilla » en latin, « niña », « ménina » en espagnol et portugais ; « signorella » en italien ou en corse ; « Koré » en grec. La mère de Blanche-neige consultant son miroir, et n’y découvrant aucune éclipse du visage y déchiffre le signe de son nouvel état : s’y voir en continu prouve qu’elle glisse vers la catégorie de celles qui ne le ternissent plus, et donc ne voient plus : « Je ne peux plus la voir, je ne veux plus la voir. Emmenez-la dans la forêt “à tuer” », dit-elle à ses serviteurs ou chasseurs qu’elle charge du meurtre et qui doivent en ramener la preuve : le cœur de la fille. Masque de marâtre, figure inversée de la brodeuse lisant ses songes à la pointe de l’aiguille et au fil de son sang : l’apparition des signes manifestant la métamorphose de l’enfant blanche et rouge en fille réglée (en « pupille » qui « voit ») entraîne automatiquement celle de sa mère en femme dé-réglée. Les saisons de la vie tournent et les places aussi, jusqu’à inverser les positions initiales comme s’inverse le vœu de donner la vie en vœu de mort. À la puberté des filles, les contes « font tourner » les mères en sorcières et les grand-mères en loup. C’est la mère qui expédie sa fille dans la cabane en forêt, parfois remplacée par la haute tour d’un château où, entre ciel et terre, elle demeurera enfermée sans répondre ni ouvrir à personne, à l’exception de sa sorcière de mère [J. et W. Grimm, 1996 : 79-83]. Que fait-elle dans ce séjour coupé du monde où elle a été envoyée pour « mourir » ? Où, ayant échappé à une mort réelle, elle est ensevelie ? Bien entendu, comme prévu, elle meurt. À peine a-t-elle avalé la partie rouge et empoisonnée de la pomme, la fille tombe dans un état de « morte », que l’on désigne par le terme « enchantement ». Le passage en forêt transforme les filles « en belles au bois dormant ». Ces belles enchantées demeureront ainsi, pâmées, gisantes, le temps d’un long sommeil. La version corse de Blanche-neige définit on ne peut mieux cet état : « Elle était comme morte, mais elle avait les yeux ouverts » [Desideri, 1983]. « Comme morte ». Voilà ce qu’il advient quand on voit et s’incorpore la part rouge du féminin.
• Du sang à la lettre : le fil rouge de l’alphabet
9Singulière démarche que celle des mythes et des rites, allant placer en pleine nature la matrice des secondes naissances, et ce, au moment même où il s’agit d’opérer la mutation sociale des traces de nature qui affleurent dans le corps à réengendrer. Le paradoxe n’est qu’apparent, car dans la nature, la « nature », précisément, est censée ne pas exister ou n’exister qu’en tant que « surnature », royaume des « esprits », des « âmes », des puissances de l’au-delà, tissu d’ancestralités primitives ou originelles. Leur confier la gestation des adolescents, c’est sans doute faire repasser ces derniers par l’univers où ils étaient censés être avant même d’avoir été conçus. Les faire transiter par l’autre monde et les relier à « ce temps-là », ce temps d’avant le temps, matrice de toutes les matrices, origine de toutes les origines, y compris celle des dons que les humains peuvent, depuis, se transmettre de génération en génération, à l’image des gouttes de sang sur la neige ou le chiffon blanc. Se tramerait-il implicitement dans la forêt le fil d’une dette infinie, récurrente, à l’image de celle que, très explicitement, l’Inde ancienne rend consubstantielle à l’être humain, congénitale et constitutive de la personne ? [Malamoud, 1989.] Quitte à « comparer l’incomparable », on pourrait, en amont de nos contes, saisir à partir de l’idéologie de l’Inde brahmanique l’articulation organique du village et de la forêt que le rite opère. « La forêt est l’autre du village […]. Juxtaposer le village et la forêt est une manière d’évoquer tous les théâtres possibles de l’activité humaine en ce monde […]. Le rituel villageois comporte de nombreuses échappées vers la forêt » [Malamoud, 1989 : 107]. Ce « bois d’ascétisme », accueillant renonçants et ermites, peut devenir le lieu de l’utopie résolvant les oppositions de la nature et de la culture, en favorisant la « naturalisation » de l’homme, sans que celui-ci n’ait à abandonner le plus culturel des outils : le rite. L’osmose est alors possible, on la voit « prendre » à travers le corps féminin, dans le grand poème mythologique qui nous fait assister au « devenir-forêt » de la jeune déesse Parvati. « Pour forcer Çiva à sortir de sa concentration yogique et l’amener à lui faire l’amour, elle fait le vœu de vivre en solitaire dans la forêt jusqu’à ce que Çiva consente à la prendre pour épouse […] [Malamoud, 1989 : 11]. Elle se revêtit d’une écorce rougeâtre, couleur de jeune aurore […]. Comme vêtement, pour le haut de son corps, elle avait la peau (des arbres), pour se nourrir, de l’eau seulement […] son mode de vie ne différait pas des moyens qu’ont les arbres pour leur subsistance […] Les métaphores se réalisent : le corps de Parvati (et spécialement ses bras) est, comme c’est le cas pour toutes les jeunes femmes, comparé à des lianes ; mais voici que Parvati transvase une partie de son être dans les lianes réelles de la forêt, et l’affinité, qui était fondée dans l’analogie, prend la forme d’une continuité substantielle » [Malamoud, 1989 : 111-113]. En adoptant le comportement de « ceux qui partent dans la forêt », la jeune fille reconnaît en cette dernière la détentrice de la « seconde peau », sans laquelle on ne peut éveiller le désir des dieux ou des princes dont les princesses recueilleront la divine semence. Par la voie des fleurs, des écorces ou des lianes, nos « forestières » viennent y cueillir leur rougeur de femme comme un don offert par la nature, mais à condition que cette dernière se confonde avec l’ermitage des rites : la cabane, matrice des métamorphoses corporelles, temple des incorporations. C’est cette incorporation de la part rouge du féminin dans une cabane forestière qui, selon Yvonne Verdier, donne tout son sens au conte du Petit chaperon rouge [Verdier, 1977 : 17-55].
• Du côté des cœurs piqués d’épingles
10Encore une histoire de mère et de fille, avec vue sur la grand-mère cette fois. La mère envoie sa fille en forêt sous prétexte d’y nourrir sa propre mère. En chemin, s’attardant, elle aussi, dans la quête des fameuses et irrésistibles « fleurs », la fillette voit surgir le loup, qui la confronte au choix du chemin (le plus court ou le plus long, selon la version classique de Charles Perrault). Pour avoir étudié tout le corpus des versions orales recueillies et transcrites par les folkloristes, Yvonne Verdier constate que le choix proposé est bien plus énigmatique : « Quel chemin veux-tu prendre : celui des épingles ou celui des aiguilles ? » et note la préférence pour celui des épingles. Après avoir déchiffré ce langage « couturier », elle met en lumière sa pertinence et sa cohérence, en s’appuyant sur les enquêtes de terrain effectuées dans le village de Minot en Côte-d’Or. À la différence de l’aiguille dont le trou percé évoque les femmes déjà perforées, elle montre en quoi l’épingle est l’emblème par excellence de la jeune fille : instrument classique de leurs divinations amoureuses ; de la coquetterie servant à fixer les parures – notamment celles qui, à l’apogée de la virginité, le jour des noces, lui donneront son allure de princesse –, amoncellement d’épingles, ce jour-là, couronnant sa tête pour y tenir le voile et la coiffe. Ainsi bardée d’épines la jeune fille est celle qui va du côté de ces cœurs piqués d’épingles de la couturière, à l’image des cœurs ensorcelés. En prenant ce chemin-là pour accéder à la forêt, la fillette du conte fait exactement, dit l’ethnologue, ce que font les filles dans la réalité : la coutume veut en effet qu’elles passent l’hiver de leurs quinze ans chez la couturière du village. Pour apprendre à coudre ? Pas vraiment. Il s’agira d’un autre apprentissage : manier du regard les tissus fins, l’élégance de la mode, aiguiser le désir de s’habiller comme les dames de la ville, bref, se dégrossir en rêvant de pouvoir un jour remiser leurs sabots et leur rude accoutrement de paysannes. Chez la couturière, elles ne font pas grand-chose d’utile : « Nous ramassons les épingles », disent-elles. La couturière, dit Yvonne Verdier, « fait » les jeunes filles. Elle est l’une des « Trois passeuses au gué du destin » [Fabre, 1980 : 1075-1099] (aux côtés de la laveuse qui « fait » les bébés ainsi que les morts, et de la cuisinière qui « fait » les mariages). La porte de son atelier s’ouvre à leur petit « voyage d’hiver », quand s’est refermée celle de l’école où la couture a fait partie des enseignements indispensables qu’elles y ont reçu : ourlet, surjet, feston, bride, boutonnière n’ont déjà plus de secret pour elles. Depuis longtemps, l’école se fait un devoir d’éduquer les filles par le fil. Cela semble aller de soi, même pour les philosophes : « Ce sera suivre la tendance naturelle de la petite fille – dit Rousseau – que de commencer son éducation par les travaux d’aiguille : presque toutes les petites filles apprennent avec répugnance à lire et à écrire ; mais, quant à tenir l’aiguille, c’est ce qu’elles apprennent volontiers » [Verdier, 1977 : 188]. Avec de tels outils, elles « écriront » leurs chefs-d’œuvre.
• A. b. c. d. ; 1. 2. 3. 4
11« Ce qui apparaît comme le chef-d’œuvre de l’écolière, immédiatement lourd de significations, c’est la “marquette”. La marquette est un petit carré de canevas, où les petites filles brodent au point de croix – le point de marque – l’alphabet de A à Z et les chiffres de 1 à 9 avec le 0 au bout […] L’ouvrage est par ailleurs richement orné d’une frise le long des quatre lisières » [Verdier, 1977 : 179]. Les fleurs en sont le motif privilégié. La frise borde l’alphabet, elle enlumine la page d’écriture en y déroulant « la voie des fleurs ». Fil rouge sur fond blanc, alphabet écrit au point de marque, la marquette ne prend tout son sens et son importance que si on sait la lire à la lumière de la physiologie féminine : « Au moment où elles sont en possession de leur marquette, les filles ont environ douze ans : elles vont “voir” pour la première fois […]. “Voir” désigne les règles […] car c’est voir “la marque” ; “marquer”, c’est aussi métaphoriquement avoir ses règles […] Le terme est ainsi défini par Littré : marquer, premier jour des règles d’une femme » [Verdier, 1977 : 186]. C’est bien le chemin des épingles qui, dans l’espace du conte, mène la fille marquée au rouge du côté de notre forêt. Or cette marque est absente de toutes les versions populaires. Par on ne sait quelle intuition, Charles Perrault en recouvre le corps de son héroïne comme d’une seconde peau, à laquelle elle est désormais identifiée. Dans la cabane, le loup a déjà fait un sort à la grand-mère dont il prend la place. Après un copieux repas, il réserve dans une jatte le cœur, le foie, les mamelles et les entrailles ; dans un broc, le sang de sa victime. Les versions populaires font de l’épisode de la cabane le théâtre d’un singulier repas : la fille ayant faim et soif est autorisée par la grand-mère dissimulée (ou assimilée) par le loup à manger la viande et à boire le vin mis de côté. Et la voilà qui cuisine. Il y a là un chat qui lui dit ce qu’elle est en train de faire : « Fricon fricasse les tétons de ta grantasse », et « hou, hou, hou, elle boit le sang de sa mère-grand ». Mais elle n’entend rien au jargon énigmatique de cette petite voix-là, et avale jusqu’au bout sa fricassée. L’ethnologue reconnaît dans ce repas une évidente scène de cannibalisme au cours de laquelle la fillette, comme tous les cannibales, s’incorpore les attributs de l’autre : ici, ceux de la féminité détenus par les lignées féminines des générations qui l’ont précédée : seins, sang, entrailles de la fécondité. Elle les tient de sa grand-mère qui, elle, a dû y passer, et que, par mystification de « l’insu », la fillette a dû avaler (le savoir conscient est ici une affaire de chat !). Du berceau à la tombe, rien d’humain ne saurait échapper aux règles de la culture substituées aux lois de la nature, règles qui doivent être inscrites dans le corps, à l’abri de l’inconscient, plus que dans les têtes et les consciences où le greffon s’expose plus aisément à de probables rejets. C’est ce que Bourdieu appelle l’habitus : « Processus quasi magique de socialisation, inauguré par l’acte du marquage instituant, dont les effets sont réels et durables parce que tout l’ordre social s’impose au plus profond des dispositions corporelles » [Bourdieu, 1980, chap. 3].
Garçons en forêt : la voie des oiseaux
• Au fil de la plume, l’alphabet
12Parallèlement à l’alphabet de la marquette, conçu à l’image de ce qui estampille le corps des filles, on a vu fleurir par le passé des abécédaires conçus à l’image de ce qui estampille celui du garçon : a. comme Aigle ; b. comme Bécasse ; c. comme Coq ; et ainsi de suite jusqu’à z ; z. comme Zizi. L’alphabet change de sexe ; devenant masculin, il se met à « parler oiseau ». Les travaux minutieux et érudits de Daniel Fabre nous font découvrir cette « voie des oiseaux » qui façonne l’identité masculine et conduit le garçon au seuil de la virilité. La longue et riche enquête ethnologique qu’il mène depuis quelques années ne se limite ni aux coutumes paysannes ni aux documents du folklore et de la littérature orale, dont il découvre le foisonnement ; elle s’étend aux œuvres de la littérature savante, explore les autobiographies d’enfances, y compris bien sûr celles des grands écrivains (cent quinze au total, entre le xviiie et le xxe siècle), la musique, la peinture, et pénètre dans le champ du politique jusqu’aux sommets du pouvoir où trônent l’aigle et le faucon, insignes emblématiques des princes, des rois et des empereurs, et où le monarque est « le roi des oiseaux ». Cela inspire (ou s’inspire de) bien des rites masculins de jeunesse : confréries d’archers ou d’arquebusiers, élisant leur « roi des oiseaux » par un tir à l’arc sur le Papegai. Le pape de la jeunesse est l’oiseau parleur : le papagallo (perroquet) (on a pu se demander si Mozart lui-même ne l’avait pas glissé dans la gorge de son Papageno au cœur de La flûte enchantée) [Paradis, 1999 : 327]. À la cour de Louis XIII, l’enquête prend une ampleur particulière [Fabre, 1991 : 392-435]. Elle nous fait assister à l’éclatant épisode du sacre : au moment solennel du « vivat rex in aeternum » qui transforme le jeune dauphin en roi de France, un lâcher de sept à huit cents oiseaux vient couronner le couronnement lui-même. Mais, dans le cas de Louis XIII, la passion vouée aux oiseaux est si excessive, si exclusive, qu’il y est demeuré enfermé jusqu’à la fin de ses jours, à jamais prisonnier de cet univers fragile, étape certes nécessaire, mais qui doit demeurer éphémère, sur le chemin de la virilité, à laquelle on accède par la chasse. L’ethnologie classique a largement exploré les liens structurels noués entre la chasse (ou la guerre) et le mariage. C’est en bon chasseur ou bon guerrier que l’homme devient époux. Incapable de rivaliser avec le puissant chasseur qu’était son père, auquel il devra succéder, le dauphin répugne à approcher le gros gibier, tuer les animaux, tout comme il répugne à approcher le lit de sa femme. De sa fréquentation obsessionnelle et insurmontable des volatiles, il gardera toute sa vie un double stigmate : le bégaiement d’une part et, de l’autre, l’homosexualité, qui lui fera préférer la compagnie du duc de Luynes à celle de sa reine. (Ces deux « marques » ont été associées de manière plus ou moins explicite par son biographe et médecin, dont D. Fabre a minutieusement dépouillé le journal ainsi que les travaux qu’il a suscités.) Le sexe du roi est demeuré tout au long de son existence : « le zizi », « la guillery », le moineau, son petit oiseau. Traduit en langage guayaki, on dira que Louis XIII est resté un « pénis » et n’est jamais devenu un « labret ». Ces ratés, liés au devenir-oiseau des garçons, l’ethnologue avait pu déjà les tester sur un autre cas célèbre : celui de Pierre Rivière, dont nous connaissions déjà la folie à travers l’analyse, faite d’un tout autre point de vue, par Michel Foucault [Fabre, 1991b : 107-122].
• Le « frein » de la langue : la voix des oiseaux
13L’entrée dans le monde des oiseaux qui « donne corps » aux garçons et où ils apprennent à voler de leurs propres ailes induit une série d’apprentissages qui doivent aussi en ménager l’issue. Ils commencent par courir les bois et les forêts, faire des cabanes, fouiller les eaux des rivières, explorer les buissons et les fourrés, se lancer, avec toute la passion du vertige, à l’assaut des grands arbres, en quête des nids et de leur contenu : les œufs, et surtout les oisillons, qu’ils vont apprivoiser, éduquer, imiter. À ce stade, dit Daniel Fabre, le garçon est « dénicheur », « oiseleur ». Cela fait palpiter son corps à l’unisson de l’objet de sa quête : « Tout comme son cœur, son estomac ou sa gorge, son sexe est un oiseau, mais visible celui-là » [Fabre, 1991b : 396]. Le gamin passe de l’enfance à l’adolescence en franchissant trois cercles d’une trajectoire homogène qui le fait progresser dans la maîtrise de l’oiseau : « Le cercle des oiseaux apprivoisés, celui des oiselets sauvages encagés, celui des rapaces dressés » [Fabre, 1991b : 394]. Il va y faire l’apprentissage d’un langage dont les abécédaires précédemment évoqués étaient un indice. « Il apprend à parler oiseau en apprenant aux oiseaux à parler. » Des langages sifflés aux traités de mimologismes qui interprètent ce que les oiseaux disent, en passant par la taille experte des sifflets, les appeaux, les leurres, l’art de faire communiquer les deux langues (celle des humains et celle des oiseaux) est en place pour qu’elles puissent se traduire l’une l’autre. « Car l’oiseau est par excellence un être parleur. Chaque espèce est reconnue par son cri, qu’une formule traduit en langue humaine » [Fabre, 1986b : 20]. Les rudiments de ce langage composent le corpus des mimologismes. Lorsqu’un dénicheur ramène les oisons qu’il va élever et éduquer, son premier souci est de les faire parler. « Pour cela, il leur coupe le filet de la langue, très exactement comme font les sages-femmes au nouveau-né dont il faut délier l’organe » [Fabre, 1991b : 403]. D’un coup d’ongle rapide et précis le filet est tranché net, chez l’oison comme chez le nourrisson. Le frein de la langue sectionné, celle-ci peut se dénouer. Sans cette « castration », l’accès au langage serait compromis : le bégaiement et le zézaiement, qui feraient confondre la parole avec un gazouillis d’oiseau, seraient le prix à payer. Il convient donc d’apprendre aux oiseaux à passer du gazouillis au langage, pour éviter que le langage ne tourne au gazouillis ou s’en tienne à des rossignolades. Un seul et même geste suffit, qui, au seuil de l’adolescence, inaugure l’inscription de l’oiseau dans le corps du garçon, comme une opération corporelle et langagière, « marquage instituant » décisif pour le sexe masculin. En déformant Proust à notre tour, nous pourrions dire que le corps du gamin est plein d’oiseaux engourdis impatients de s’égailler. Des langages sifflés (strictement interdits aux filles, apanage exclusif et fierté des garçons) aux futurs chants de courtisement et d’amour « tout bruissants d’oiseaux », le langage du garçon tient du ramage acquis en forêt : « Il y avait peu d’oiseaux dans les bois avec lesquels il ne pût s’entretenir en sifflant dans leur langue maternelle » [Fabre, 1986b : 26]. Cette opération concernant la mise en forme symbolique de la sexualité et de son langage dépasse la prise en compte de l’oralité, pour mettre en jeu l’écriture elle-même. Car « comme les oiseaux sont les maîtres d’un savoir qui n’est que langage, et que c’est de cela que l’école traite avant tout […], de l’école des oiseaux à celle du livre le pont est jeté » [Fabre, 1986b : 26]. De « l’alphabet-oiseau » aux « arbres à lettres » et « oiseaux-livres », le plumage de notre volatile relaie son ramage, et la plume entame une prestigieuse carrière : « Dès la fin du xviie siècle, dans une Allemagne déjà scolarisée, c’est un coq hérissé de plumes qui orne le plat ou le dos des abécédaires, et c’est comme “alphabet de coq” que ces ouvrages sont connus. À la fin du xviiie siècle en France […] sont imprimés les premiers Abc dont la couverture est décorée d’un oiseau […]. “Le livre de l’oiseau”, tel sera le nom commun de ce livret […]. L’écriture, pour sa part, jusqu’à ce que, vers 1840, se répande la plume métallique, emprunte à l’oiseau un peu de sa vêture. Depuis le xvie siècle, des ouvrages spécialisés associent aux Abc, des “Instructions de bien tailler sa plume” […]. À l’aide d’un canif, on forme tout un corps : on effile et sépare d’une fine rainure son “bec”, on oriente pour bien écrire, son “dos“ et son “ventre”. Tous nos biographes romantiques ont modelé et manié cet oiseau métonymique d’où sort l’écriture » [Fabre, 1986b : 25]. L’auteur récapitule d’un trait cet ensemble, en nous donnant à entendre le sens de cette belle devinette :
14– Quelle différence y a-t-il entre un écolier et un oiseau ?
15– Aucune, tous les deux sont des porte-plumes.
• L’écriture tombée du ciel : les « Illuminations » de l’innocent
16Dans un des plus beaux romans de la littérature norvégienne : Les oiseaux (de Tarjei Vesaas) [6], le héros, Mattis, est un simple d’esprit, un innocent. Il vit seul avec sa sœur Hege, dans une chaumière à l’écart du village, avec pour horizon le lac et les vastes étendues du ciel, pour seul spectacle, le mouvement des nuages et le clignotement des étoiles. Personne à qui parler, si ce n’est Hege, car pour ceux qu’il pourrait croiser dans ses déplacements « en ligne d’erre », son langage « d’ahuri » ne mérite que moqueries et sarcasmes. Aussi, Mattis préfère-t-il s’entretenir avec sa petite voix intérieure. Elle est comme la pluie, comme la neige ou le vent. De même qu’il pleut ou qu’il neige, de même il est dit quelque chose en lui : « Qu’est-ce que tu voulais ? fut-il demandé en lui. » « “Il ne faut pas que tu me quittes”, le traversa-t-il. » « “Tu ne dois pas t’en aller”, éclata-t-il en Mattis. » La voix adopte le neutre et l’impersonnel, les mots peuvent aussi passer au travers des mailles du filet de la syntaxe ou de la grammaire. Toujours est-il qu’il vit à l’affût des signes, prêt à se terrer au moindre amoncellement de nuages. Puis un soir, pour celui qui vit avec l’âme aux aguets, le grand événement arriva : « Il se trouvait près d’un fossé à sec, juste au-dessous de la passée […]. Dans le fossé boueux, il y avait des empreintes légères, et puis des picotis ronds et profonds dans la terre marécageuse […]. Les trous profonds avaient été faits par le bec de l’oiseau […] et parfois c’était seulement des picotis : c’était son écriture. Mattis se pencha et lut. “Tu es toi”, voilà ce qui était écrit […]. Il chercha un petit bâton et marqua une réponse dans une tache intacte de vase. Il n’employa pas de lettres ordinaires, c’était pour la bécasse, n’est-ce pas ? Aussi employait-il l’écriture d’oiseau lui aussi » [Vesaas, 1986 : 95].
17Le grand secret qui illumine la vie de Mattis prend la forme d’une correspondance avec l’oiseau, entretenue au fil des jours comme un journal intime. L’écriture, émanée des hauteurs du ciel, tombe sur la terre et brille comme la rosée sur le bord des fossés, transitant par l’oiseau, coulant de ses pattes, en signes étranges que l’écrivain a sans aucun doute voulus plus proches des caractères cunéiformes que des lettres de l’alphabet coulant de sa propre plume, et auxquelles Mattis n’entendrait pas grand-chose. À l’image des premières tablettes, ils viennent s’imprimer dans le limon, immédiatement familiers à l’innocent, qui les déchiffre d’emblée, les lit et, à son tour, les écrit « en pattes d’oiseau ». Il manie spontanément cette écriture qui ne s’apprend pas, se découvre, s’« invente ». L’oiseau est donc le révélateur de ces traces archaïques, matrices latentes des mots (ou des livres) à venir. « Au bois, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir » [Rimbaud, cité par Daniel Fabre]. Les Voyelles se coloreraient-elles quand le chant de l’oiseau vous entraîne vers la quête de leurs « naissances latentes » ?
• L’alphabet des anges : l’initiation ou la loi de la méconnaissance
18L’alphabet-marquette, l’alphabet-oiseau : au sortir de l’enfance, l’écriture se fait prélude aux secondes naissances. Celles-ci en émergent comme d’une matrice. L’initiation prend en miroir les signes de l’écriture et les signes corporels : en requalifiant de a à z chacun des deux sexes, quand s’affirment leurs capacités génésiques, elle donne tout à la fois un sexe à l’alphabet et aux adolescents. Associée au sang tout neuf des filles et à la virilité nouvelle du garçon, l’écriture leur devient consubstantielle. Insinuée dans les organes de la reproduction, elle est aussi immanente au corps qu’elle l’était chez Mattis et ne peut qu’évoquer le Verbe à incarner, déposé dans le corps de Marie par le souffle de l’Esprit, identifié dans l’imagerie chrétienne à un oiseau : la colombe. C’est la lettre incorporée et non la lettre apprise, qui concerne les « initiés ». La seconde peau procurée par la seconde naissance est à l’image de celle qui enserre le corps social auquel l’adolescent doit être intégré. Elle porte la marque du corpus qui l’incorpore et qu’il se doit d’incorporer : marquages par peintures et scarifications dans les sociétés « sans écriture », marquage par la lettre dans les sociétés « à écriture » (et à religion du Livre). Dans les deux cas, c’est la loi du socius inscripteur [7] que l’initiation transfère au corps de l’initié ; il se présentera comme un parchemin vierge. Cela est ostensiblement mis en scène dans les sociétés primitives, où la torture initiatique imprime comme du dehors la marque qui étalera son emprise à la surface bien visible de la peau. Les rites de passage des sociétés occidentales la feront comme émaner du dedans, où, depuis toujours, le ciel l’aurait nichée par l’entremise de l’oiseau. L’enfant, ici, naît dans, et de, l’écriture : dans l’utérus, n’est-ce pas la « marquette » qui se mue en bébé et lui donne corps ? Quelques maladies infantiles laisseront par la suite transparaître la trace rouge demeurée attachée à sa peau : rougeoles et scarlatines trahissent ces séquelles, bientôt éliminées une fois pour toutes, à moins qu’au hasard des envies le mauvais œil ne vous recolle à votre double en vous faisant refluer du côté du placenta : il faudra alors « manger la lettre », ou « la porter » en talisman sur soi, sur la peau, sous les vêtements ; dans le corps ou tout contre lui [Djéribi, 1993 : 93-103]. On pourra, comme en Afrique, « “écrire sur des assiettes, les lécher” […] ». On pourra, comme dans toute culture qui confère à l’écrit une puissance magique, avaler le papier sur lequel est écrite l’incantation [Djéribi, 1993 : 94]. L’efficacité thérapeutique de la conjuration ne tient pas au contenu du texte, à son sens, mais au contraire au caractère secret et caché de ce dernier. Dans la culture juive, précise Muriel Djéribi, ces textes sont dits écrits dans l’« alphabet des anges. »
19L’ange se tient toujours aux portes du sens, pour le faire taire, le dissimuler, le crypter. Il est présent dès que le nouveau-né franchit le premier seuil. Selon les contes talmudiques, il s’approche de lui, pose son doigt sur la bouche, au-dessus de la lèvre supérieure, et, d’un seul trait, il efface la totalité de la thorah que l’embryon connaît par cœur. Et chacun, depuis, porte au-dessus de la bouche une petite fossette, empreinte de ce doigt angélique qui a refoulé tout le savoir, toute la mémoire. Le socle sur lequel tout cela repose est bel et bien constitué par l’identification de l’embryon et du livre. Aucune différence entre les deux porte-plumes que sont l’écolier et l’oiseau ; aucune différence entre l’enfant juif et les Écritures, comme le souligne M. Djeribi : « À quoi ressemble l’embryon dans les entrailles de sa mère ? À des tablettes d’écriture rabattues l’une sur l’autre » [Djéribi, 1993 : 102]. L’ange ayant fait le vide, l’enfant pourra ingérer (éventuellement sous forme de petits gâteaux au miel) l’Aleph et toutes les autres lettres de l’alphabet [Fabre-Vassas, 1995] ; « manger le livre » et redécouvrir le texte oublié. Ici, un petit creux, presque un trou esquissé au-dessus de la lèvre supérieure : première naissance, passage de l’embryon à l’infans. Ailleurs, le porteur de labret renaît en apprenant à son corps défendant que c’est par le trou percé dans la lèvre inférieure que « son enfance a fui. »
C’était écrit
20Si la seconde naissance redouble la première en retraçant symboliquement le franchissement du premier seuil, c’est que ce dernier implique le « retour de l’ange », imperceptible figure de l’oubli et du silence vers lequel le langage et le savoir doivent refluer. Invisible passeur, il est le gardien de la méconnaissance, principe fondateur de la culture au sens anthropologique du terme. L’initiation n’enseigne rien ; rien d’autre que sa propre loi qui tire sa toute-puissance de la « perte de connaissance » qu’exige son incorporation : évanouissements sous la torture initiatique, endormissements, enchantements ou ravissements des « comme mortes », vertige des oiseleurs-dénicheurs… si, dès l’adolescence, « nul n’est censé ignorer la loi », c’est que les rites et les coutumes l’inscrivent dans le corps comme faisceau « d’impératifs engourdis ». La loi ne dépendra pas des « états d’âme », elle devient, par initiation, un « état de corps ». Au pays de l’écriture, la machine à graver la loi peut se révéler aussi cruelle que le caillou des scarificateurs. Et il fallait un écrivain aussi possédé par l’écriture que Kafka pour faire remonter au fil de sa plume, et jusqu’à la surface des corps, à fleur de peau comme chez les primitifs, le « despotisme » qu’elle peut recéler : « Notre sentence n’est pas sévère. On grave simplement à l’aide d’une herse le paragraphe violé sur la peau du coupable. » Coupable de quoi ? Le condamné l’ignore. « Il serait inutile de le lui faire savoir puisqu’il va l’apprendre sur son corps […]. Vous avez vu qu’il n’est pas facile de lire cette écriture avec les yeux ; eh bien, l’homme la déchiffre avec ses plaies » [Kafka, 1971]. Au passage du gué, à l’abri de l’ange se tient le destin dont la formule : « c’était écrit », vient se rabattre sur la surface d’inscription offerte par le corps adolescent. ?
Bibliographie
Références bibliographiques
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- – 1995, Coutume et destin. Thomas Hardy et autres essais, Gallimard, Paris.
- Vesaas Tarjei, 1986, Les oiseaux (traduit du norvégien et présenté par Régis Boyer), éd. Plein chant, coll. de l’« Atelier furtif », Paris.
Mots-clés éditeurs : écriture, marquage corporel, alphabet, rites de passage, broderie
Mise en ligne 03/10/2007
https://doi.org/10.3917/ethn.034.0673Notes
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[1]
Sur la mythologie de la forêt et sur sa place centrale dans les contes comme dans les rites, la littérature est très abondante. On consultera par exemple : Pierre Saintyves [1987] ; Yvonne Verdier [1980] ; Josiane Bru [2001].
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[2]
C’est ainsi que Pierre Clastres désigne le chant larmoyant par lequel les femmes ponctuent les événements exceptionnels de leur existence.
-
[3]
L’héroïne d’Andersen est passée avec un nom délibérément inchangé dans le roman de Carmen Martin Gaïte [1997] ; voir également l’excellente étude de ce passage faite par : [Véronique Desideri, 2000].
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[4]
Sur la question de l’assimilation linguistique de la pupille de l’œil et de la jeune fille, cf. [Lucie Desideri, 1993 : 127-133].
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[5]
Sur le personnage de l’ermite et son rôle médiateur, Daniel Fabre [1986a : 6-18].
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[6]
Tarjei Vesaas est né en 1897 et mort en 1970, l’année où le prix Nobel devait lui être attribué.
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[7]
La notion est empruntée à Deleuze et Guattari [op. cit. : 363].