Eugene Cernan n’était pas le dernier survivant de l’odyssée lunaire, mais nul n’avait fait le voyage après lui. Son décès, annoncé il y a quelques semaines, nous renvoie à l’histoire complexe de la conquête spatiale, à la guerre froide et aux aléas des politiques budgétaires américaines : interruption du programme Apollo au plus fort de la guerre du Vietnam, confinement des vols spatiaux habités à l’échelle orbitale, etc. Cernan aura donc été – mais pour combien de temps ? – le dernier homme à marcher sur la Lune. C’était le 11 décembre 1972, dans le cadre de la mission Apollo 17 dont il était le commandant. La visite avait duré trois jours, et nul apophtegme n’avait clos ce glorieux mais trop court chapitre de l’astronautique. Après le « bond de géant pour l’humanité » – phraséologie d’époque aux accents maoïstes –, il aurait pu être question d’un vol suspendu, ou mieux, d’une mise en orbite de l’utopie spatiale.Star Wars entretint pour un temps l’imaginaire du Grand Voyage en conférant une dimension proprement mythologique à la vieille question de la pluralité des mondes, mais les années 1980 virent aussi la navette Challenger se désintégrer avec tout son équipage à quelques kilomètres d’altitude de la Terre, une minute à peine après avoir décollé. La Nasa avait déjà fait le deuil d’Apollo. À l’âge conquérant des aventuriers du ciel, généralement issus de l’aviation militaire, succédait l’administration scientifique des espaces sidéraux : c’était le temps du fret astronautique et des stations spatiales…