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Article de revue

La financiarisation de l’immobilier résidentiel aux États-Unis : genèse et conséquences socio-spatiales de la crise des subprimes

Pages 105 à 122

Notes

  • [1]
    En immobilier tertiaire (bureaux, espaces logistiques et centres commerciaux), ces titres sont émis par les Real Estate Investment Trusts (reits).
  • [2]
    Fannie Mae est le surnom donné à la fnma : Federal National Mortgage Association créée en 1938.
  • [3]
    Freddy Mac est le surnom de la FhlmC (Federal Home Loan Mortgage Corporation) créée en 1970.

1 À l’échelle globale, la production urbaine est de plus en plus financiarisée. Sur les marchés financiers s’échangent des titres, soit directement adossés à des actifs immobiliers [1], soit sous forme de produits dérivés permettant de recycler la dette immobilière. Les États-Unis ont pour particularité d’avoir généralisé, à partir des années 1990, la titrisation des prêts hypothécaires souscrits par les ménages. Ce processus contribue à rendre liquides des actifs immobiliers résidentiels, par essence illiquides (Aalbers, 2012 ; Gotham, 2006 et 2012). Les critères d’évaluation financière ont ainsi pris le pas sur les normes prudentielles classiques en matière d’octroi de crédits. L’essor de la dette hypothécaire des ménages a reposé sur les anticipations de hausse des prix immobiliers partagées par l’ensemble des acteurs (Shiller, 2012).

2 La crise des subprimes provoquée en 2007 par l’éclatement de la bulle immobilière a causé un effondrement brutal du système. L’analyse des causes de cette crise conduit à identifier des facteurs politiques, institutionnels, socio-économiques et culturels propres au système américain. Mais au-delà, elle permet de souligner l’existence de contradictions inhérentes à la financiarisation de la ville et de l’immobilier. La « démocratisation » de l’accès à la propriété est-elle compatible avec la déréglementation des marchés primaire (prêts aux ménages) et secondaire (prêts titrisés et revendus sur les marchés) de la dette hypothécaire ? Pourquoi l’ingénierie financière à l’origine de l’essor de la titrisation a-t-elle produit de l’opacité et du risque systémique là où l’on en attendait plus de transparence et de sécurité ? Pourquoi la politique visant à permettre à des populations et des territoires de sortir de l’exclusion du marché hypothécaire a-t-elle conduit à des expulsions massives ? Peut-on asseoir un système financiarisé de la dette immobilière sans favoriser la formation de bulles spéculatives ?

3 Cette crise, on le verra, donne corps à la thèse de David Harvey (1985 et 2011) sur les contradictions de l’« urbanisation du capital » dans un contexte de néolibéralisation de la production urbaine, et sur l’existence de phénomènes d’« accumulation par dépossession ». Comme le souligne Saskia Sassen (2016), la déréglementation et la création de produits dérivés toujours plus complexes ont permis de démultiplier les sources de profit tout en provoquant des expulsions aussi massives que brutales. Néanmoins, une analyse des politiques de déréglementation des années 1980 et de l’essor de la titrisation dans les années 1990 montre que le phénomène n’est pas purement mécanique. Il repose sur des choix et des stratégies du gouvernement fédéral, de Fannie Mae et Freddy Mac (deux entreprises privées sous contrôle du gouvernement), des grandes banques et des agences de notation qui ont profondément modifié le fonctionnement des marchés primaire et secondaire de la dette hypo-thécaire. À l’arrivée, l’action conjuguée de ces institutions a provoqué une crise touchant à la fois des territoires précis et le système financier mondial dans son ensemble.

4 Cet article vise à articuler l’analyse des causes de la crise des subprimes et celle de ses conséquences socio-spatiales. Nous verrons dans une première partie qu’en libéralisant les marchés primaire et secondaire du crédit hypothécaire, le gouvernement fédéral a favorisé le développement de pratiques prédatrices en matière de distribution de prêts hypothécaires. En nous appuyant sur la littérature existante, nous montrerons que ces pratiques ont été rendues possibles par la financiarisation de la dette hypothécaire des ménages, encouragée par l’État fédéral. Nous verrons dans une seconde partie comment l’éclatement de la bulle a produit une réaction en chaîne débouchant sur une crise des saisies immobilières sans précédent. L’accent sera mis sur les effets sociaux et spatiaux de la crise. Si les principales victimes sont les ménages modestes, souvent issus des minorités ethno-raciales (Immergluck, 2009 ; Schwartz, 2015), ce sont aussi des territoires entiers qui ont été atteints : les quartiers centraux déjà en difficulté et les péri-phéries lointaines en cours d’urbanisation. L’analyse statistique et cartographique du cas de la région de San Francisco permettra d’illustrer le destin de ces périphéries qui ont bâti leur stratégie de croissance en attirant à elles des populations solvabilisées par les subprimes. La crise des subprimes est donc en même temps la crise d’un modèle d’urbanisation par les suburbs. Nous conclurons en mettant en évidence les multiples contradictions de la financiarisation de l’immobilier résidentiel que cette crise révèle.

Quand l’industrie hypothécaire se financiarise

Des prêts hypothécaires conventionnels aux crédits subprime

5 Selon le principe du prêt hypothécaire (mortgage loan) tel qu’il est pratiqué aux États-Unis, la décision d’octroi d’un crédit porte prioritairement sur la valeur du bien à financer, et secondairement sur l’emprunteur. Servant de garantie à l’organisme prêteur, le bien pourra être rapidement saisi en cas de défaut de remboursement de l’emprunteur. L’évaluation de l’emprunteur par l’organisme de crédit se fonde quant à elle sur son comportement de remboursement passé (calcul d’un credit score) plus que sur sa solvabilité. Pendant la durée de vie du prêt, les emprunteurs pourront bénéficier de nouvelles lignes de crédit ou obtenir un refinancement sur la base des sommes déjà remboursées et/ou de l’augmentation de la valeur de leur bien. Autrement dit, un crédit hypothécaire est susceptible de permettre aux ménages de financer des dépenses telles que les études des enfants, la santé ou la consommation courante. Dans la majorité des cas, les prêts octroyés sont dits « sans recours » pour le prêteur, ce qui signifie qu’il ne peut exiger le remboursement intégral de l’emprunt en cas de défaillance de l’emprunteur. Ce dernier a quant à lui peu de moyens d’éviter la saisie qui intervient après décision d’un tribunal.

6 Depuis les années 1930, la norme en matière de crédit hypothécaire est un prêt à taux fixe, sur vingt ou trente ans et avec un apport initial de 20 %. Ce prêt est qualifié de « conventionnel » ou prime. L’essor rapide de crédits non prime remonte aux années 1990, avec une accélération durant les années 2000. Plus chers que les crédits conventionnels, ils s’adressent à une clientèle moins solvable. On distingue les Alt-A mortgages, octroyés à une clientèle intermédiaire, et les supbrimes destinés aux ménages modestes jugés risqués (Schwartz, 2015).

7 Dans les faits, le terme de supbrime renferme une grande diversité de formules de prêts, parmi lesquels : les prêts avec un apport initial faible ; les teaser mortgages avec des taux initialement bas qui augmentent après une période de deux ou trois ans ; les interest-only mortgages reposant sur des remboursements différés du capital ; les prêts qualifiés de « menteurs » (liar loans) ou de prêts ninja (No Income, No Job and no Assets) octroyés à des ménages sans revenu, sans emploi et sans patrimoine. Ce dernier type de crédit fait partie des pires pratiques prédatrices dont certains brokers (courtiers) se sont fait une spécialité.

8 À mesure que le marché du crédit hypothécaire croissait, les organismes prêteurs ont élargi leur clientèle en démarchant des populations toujours plus modestes, souvent en omettant délibérément de vérifier leur solvabilité. En 2006, dans un dossier de prêt sur deux, les données relatives à la situation économique de l’emprunteur étaient insuffisantes ou absentes (Immergluck, 2009). De leur côté, les ménages n’étaient pas informés des risques encourus et peu d’entre eux étaient à même de comprendre les produits financiers complexes auxquels ils souscrivaient. Dans les années 2000, la diffusion des prêts à taux variables a par ailleurs accru le risque pesant sur les emprunteurs.

9 Le système d’incitations en vigueur (commissions prélevées sur le montant du prêt) a fortement encouragé les brokers et les organismes de crédit à prêter à des ménages non solvables. Et ce d’autant plus que les prêteurs n’avaient pas à supporter les risques puisqu’ils revendaient les crédits à des organismes bancaires et financiers qui les mutualisaient dans des pools pour ensuite émettre des titres écoulés sur les marchés financiers : c’est le principe de la titrisation. En revanche, pour les ménages, la généralisation des subprimes était lourde de conséquences. Outre les risques qui pesaient sur eux en cas de retournement de la conjoncture économique et immobilière, leurs charges de remboursement s’alourdissaient très nettement. En 2006, le taux d’effort de ceux qui avaient un crédit subprime était en moyenne de 42 %, contre 30 % pour ceux qui avaient un prêt conventionnel (ibid.).

10 À partir de la fin des années 1990, le boom immobilier et l’essor du marché hypothécaire se sont mutuellement renforcés. L’abondance de crédits hypo-thécaires dans un contexte de taux d’intérêt historiquement bas a encouragé les ménages les moins solvables à se lancer dans l’accession à la propriété, et les plus solvables à acheter des biens plus chers. Cela a stimulé la formation d’une bulle immobilière. Et dans ce contexte de hausse des prix, les organismes de crédit étaient d’autant plus incités à abaisser leurs critères d’octroi de prêts que les biens servant de garantie ne cessaient de se valoriser. De leur côté, les ménages comptaient sur l’obtention d’une nouvelle ligne de crédit ou d’un refinancement de leur prêt (à des conditions plus avantageuses) en cas de difficulté à rembourser.

11 Dans ce contexte, la dette hypothécaire des ménages américains est ainsi passée de 54 % du pib en 1996 à 89 % en 2006 (Acharya et coll., 2011). La période 2001-2006 a été marquée par la très forte croissance des crédits non conventionnels (subprime et Alt-A), qui sont passés de 14 % à 50 % des prêts octroyés (Schwartz, 2015). En 2006, juste avant la crise, 600 milliards de dollars de crédits supbrime et 400 milliards de dollars de crédits Alt-A ont été octroyés, contre 990 milliards de dollars pour les crédits conventionnels.

Retour sur la déréglementation, prélude à la financiarisation

12 Des années 1930 à la fin des années 1970, le système des prêts conventionnels s’était révélé d’une grande stabilité. Il reposait sur deux circuits distincts. Le plus important était celui des savings and loan associations et des mutual savings banks. Ces établissements disposaient des dépôts des ménages comme ressource pour octroyer des prêts conventionnels à taux fixe. Si la demande de prêts dépassait leurs capacités d’octroi, les savings and loans se tournaient vers la Home Loan Bank régionale pour obtenir un refinancement des prêts accordés. Le second circuit reposait sur les prêts octroyés par des brokers, des independant mortgage companies et des banques commerciales qui obtenaient une garantie de la Federal Housing Administration (fha), créée lors du New Deal. Ces prêts pouvaient être revendus, le plus souvent à des compagnies d’assurances ou à Fannie Mae [2]. Cette agence (gouvernementale jusqu’en 1968) gardait les prêts hypothécaires dans son bilan et émettait en contrepartie des obligations vendues sur les marchés financiers. Dès la fin des années 1930, il existait donc aux États-Unis un marché secondaire de la dette hypothécaire, mais celui-ci restait limité aux prêts garantis par la fha.

13 Sur toute la période, la fha a joué un rôle décisif dans l’élaboration des normes d’octrois des prêts adoptées par l’ensemble du secteur (Jackson, 1985). Elle n’accordait sa garantie que pour le financement de biens ne risquant pas de se dévaloriser, ce qui de facto conduisait à exclure les quartiers centraux où résidaient les populations pauvres et les minorités ethno-raciales. La pratique du redlining consistant à entourer en rouge les quartiers centraux ne pouvant pas bénéficier de la garantie de la fha a institutionnalisé la discrimination ethno-raciale en matière de prêts. Les organismes de crédit se sont détournés de ces quartiers, ce qui a accéléré leur dévalorisation immobilière et leur ghettoïsation (Massey et Denton, 1993). Dans le même temps, le marché hypothécaire a servi de carburant au white flight (départ des classes moyennes blanches des centres) qui a nourri la suburbanisation et la construction de quartiers homogènes sur le plan social et ethno-racial (Jackson, 1985 ; Beauregard, 2007).

14 À partir des années 1970, la forte inflation et la grande volatilité des taux d’intérêt ont fragilisé les savings and loan qui dominaient alors le marché (Schwartz, 2015). Un coup fatal leur a été porté dans les années 1980 avec la politique de déréglementation de l’administration Reagan qui autorisait les banques commerciales à rémunérer les dépôts de leurs clients et à intervenir hors des frontières de leur État. Cela leur a permis de venir directement concurrencer les savings and loan, dont beaucoup feront faillite. Sous l’administration George H.W. Bush, le Financial Institution, Reform, Recovery, and Enforcement Act de 1989 (firrea) a marqué une étape décisive dans la déréglementation et dans la financiarisation de l’immobilier (ibid.). De nouvelles normes prudentielles ont favorisé les prêts garantis par la fha. Alors que l’activité de prêt hypothécaire des savings and loan continuait de décliner, on a assisté à une montée en puissance des purs intermédiaires non bancaires : les brokers et les independant mortgage companies. Cela a remis en cause un modèle où le prêteur était une institution locale qui avait la possibilité de connaître sa clientèle et établissait un lien étroit entre crédits distribués et dépôts des épargnants. Surtout, le firrea a transformé le système de financement immobilier en favorisant l’essor du marché secondaire de la dette hypothécaire.

La titrisation et l’essor du marché secondaire de la dette hypothécaire

15 Les prêts qui en majorité ne pouvaient pas être revendus sur un marché alourdissaient le bilan des banques et limitaient leur capacité à octroyer de nouveaux prêts. De surcroît, ils leur faisaient courir un double risque : celui d’une hausse des taux auxquels elles empruntent (alors que les taux des prêts accordés sont fixes) et celui d’un non-remboursement des prêts par les ménages. La titrisation s’est imposée dans les années 1990 comme la solution à ce problème structurel.

16 Les deux acteurs historiques de la titrisation sont Fannie Mae et Freddy Mac [3]. Ces entreprises privées ont un statut de government-sponsored enterprises (gse) : l’État fédéral exerce un droit de regard sur leur activité et leur accorde certains privilèges réglementaires et fiscaux. Fannie Mae et Freddy Mac rachètent des prêts hypothécaires auprès des organismes de crédit, les mutualisent et émettent des titres (les mbs : mortgage-backed securities). Ces titres sont vendus à des banques, des fonds de pension, des fonds communs de placement ou des compagnies d’assurances. Fannie Mae et Freddy Mac garantissent leurs mbs contre le défaut de remboursement des emprunteurs. L’évaluation des titres par les agences de notation était de nature à rassurer les investisseurs.

17 Parallèlement, Fannie Mae et Freddy Mac achètent pour leur propre compte des prêts hypothécaires qu’elles gardent dans leur bilan, sous forme titrisée ou non. Elles financent cette activité en émettant des obligations sur les marchés financiers. Elles se rémunèrent sur la différence entre le taux des crédits détenus et le taux des obligations émises (le spread). Plus elles s’endettent pour financer l’achat de prêts hypothécaires, plus elles bénéficient d’un « effet de levier » synonyme d’une plus grande profitabilité. En détenant dans leur portefeuille ces prêts hypothécaires, Fannie Mae et Freddy Mac sont certes exposés à des risques de taux et à des risques de crédit. Mais, en tant que gse, elles bénéficient d’une garantie implicite du gouvernement fédéral : compte tenu de leur rôle et de leur taille, l’État ne pourra pas les laisser faire faillite. Ce principe du « too big to fail » explique qu’elles n’auront aucune difficulté à émettre de la dette pour financer leurs opérations de rachat de crédits hypothécaires (Acharya et coll., 2011 ; Schwartz, 2015).

18 Si les deux gse se sont lancées dans la titrisation de prêts risqués, la raison est d’abord politique. En 1992, le gouvernement fédéral leur a fixé de nouveaux objectifs : les « affordable housing goals ». Le but des administrations Bush puis Clinton était d’augmenter significativement la diffusion de la propriété du logement dans la société américaine, sans avoir à accroître les dépenses fédérales. Cela a conduit à favoriser l’accès des ménages modestes au crédit hypothécaire et à sortir de l’exclusion bancaire (redlining) les quartiers centraux (où se concentrent les minorités) et les zones rurales défavorisées. Les deux gse ont alors abaissé leurs critères concernant les prêts qu’elles pouvaient racheter, rendant ainsi possible la titrisation de prêts non conventionnels (Alt-A et subprimes). Ce faisant, elles ont transformé les normes des marchés primaire et secondaire de la dette hypothécaire.

19 Non seulement les grandes banques américaines ont massivement acheté les mbs émis par les gse, mais elles se sont à leur tour engagées dans l’activité très rentable de titrisation. Parmi les plus en pointe dans ce secteur, on trouve les cinq plus grandes banques commerciales (Citygroup, JP Morgan, Wells Fargo, Bank of America, Wachovia) et les cinq plus grandes banques d’investissement (Goldman Sachs, Morgan Stanley, Merill Lynch, Lehman Brothers, Bear Stearns). Elles ont émis des private-label securities (pls) qui sont venus concurrencer les mbs des gse. Cependant, ne pouvant pas lutter à armes égales avec les deux gse qui bénéficient de privilèges accordés par l’État (garantie implicite, taxation plus faible, emprunt à moindre coût), les grandes banques privées se sont de plus en plus tournées vers les crédits les plus risqués, ce qui leur a permis de dominer le marché de la titrisation entre 2003 et 2006.

La lutte concurrentielle comme « race to the bottom »

20 Fortement stimulé par la déréglementation et par les innovations en matière d’ingénierie financière, un système « industriel » du refinancement des prêts hypothécaires s’est rapidement développé à partir des années 1990. Le marché secondaire est passé de 17 % de l’encours total de la dette hypothécaire en 1980 à 62 % en 2007 (Schwartz, 2015). Selon les promoteurs de la déréglementation, la lutte concurrentielle entre Fannie Mae, Freddy Mac et les grandes banques américaines devait déboucher sur une « race to the top » : la transformation des crédits hypothécaires en actifs liquides devait permettre à une part croissante de ménages d’accéder à la propriété à un moindre coût. La construction de logements a de fait atteint des sommets au milieu des années 2000, avec plus de deux millions d’unités produites par an. Mais cette « course vers les sommets » s’est transformée en « race to the bottom » en inondant le marché de prêts et de titres de mauvaise qualité (Acharya et coll., 2011).

21 Seul le gouvernement fédéral pouvait stopper cette course dangereuse, mais il a maintenu l’objectif de promotion à tout prix de la propriété. Alan Greenspan, directeur de la Federal Reserve, ira même jusqu’à inciter les ménages à emprunter à taux variables, alors que ces taux déjà très bas ne pouvaient que remonter (Stiglitz, 2010). Quant aux agences de notation, elles portent une lourde responsabilité. Elles ont cautionné le système en sous--évaluant de manière systématique les risques des titres émis par les gse et les grandes banques. Comme les gse et les banques, elles utilisaient des modèles d’évaluation des risques qui supposaient une poursuite de la hausse des prix immobiliers. Surtout, les agences de notation étaient à la fois juges et parties. Payées par les banques pour évaluer les titres émis par celles-ci, elles avaient intérêt au développement de ce marché (Aalbers, 2012). Or, les régulateurs et les investisseurs ne faisaient pas seulement confiance aux agences de notation, ils leur avaient délégué leur propre faculté de jugement.

22 Rien ne faisait désormais plus obstacle à l’exploitation des citoyens vulnérables. La titrisation permettait à son tour de transférer le risque aux acheteurs finaux. Néanmoins, transférer et répartir le risque ne signifie pas le supprimer (Harvey, 2011). En réalité, la titrisation augmentait le risque en l’opacifiant à travers des produits particulièrement complexes. En outre, le risque n’était pas seulement diffusé à l’ensemble du système financier mondial : il se concentrait également dans les deux gse et dans les principales grandes banques privées américaines qui détenaient d’importants portefeuilles de mbs, de pls et de prêts non titrisés. La perception du risque systémique par les acteurs a été d’autant plus biaisée que la croyance dans le principe du « too big to fail » associé à Fannie Mae et Freddy Mac s’était étendue aux grandes banques américaines. Il semblait en effet difficile d’imaginer que l’État fédéral ne viendrait pas à leur rescousse en cas de crise majeure. Ni les autorités publiques, ni les banques, ni les agences de notation, ni les investisseurs ne se sont méfiés d’un système fondé sur des crédits qui, à la manière d’une chaîne de Ponzi, obligeaient à des refinancements sans fin et augmentaient le fardeau global de la dette hypo-thécaire des ménages. Et rares étaient les économistes influents qui envisageaient un retournement conjoncturel et une baisse des prix immobiliers (Wachter et Smith, 2011).

La crise des subprimes : remise en cause d’un modèle financiarisé de développement urbain

L’éclatement de la bulle et l’explosion des saisies immobilières

23 Le point de départ de la crise des subprimes est l’éclatement en 2006-2007 de la bulle immobilière. Entre 1996 et 2006, le prix moyen des logements est passé de 150 000 à 350 000 dollars (graphique 1). L’augmentation a été très forte dans les États de l’Ouest (plus 160 %), en particulier en Californie, ainsi que dans les États du Nord-Est. Sous l’effet des crédits supbrime, la propriété--occupante s’est généralisée à tous les groupes d’âge, de revenu, ethniques et à toutes les régions. Dans le même temps, la part des propriétaires est passée de 65 % à près de 70 %. Sur les marchés les plus tendus, comme en Floride et en Californie, la flambée des prix a nourri une intense spéculation immobilière : 25 % des prêts octroyés étaient destinés à des propriétaires qui n’occupaient pas le logement acheté (Schwartz, 2015).

Graphique 1 : Prix moyens des logements neufs (en dollars)

Graphique 1 : Prix moyens des logements neufs (en dollars)

Graphique 1 : Prix moyens des logements neufs (en dollars)

Source : U.S. Department of Housing and Urban Development (hud). En ligne : https://www.huduser.gov/portal/ushmc/hd_home_prices.html

24 Le crédit facile, la spéculation et la surproduction de logements ont créé les conditions d’un effondrement du marché immobilier. Pourtant, lorsque la conjoncture immobilière s’est inversée, la stupeur a été générale. Personne ne s’attendait à ce qu’une dégradation de la conjoncture économique puisse interrompre la hausse générale des prix sur laquelle se fondait la stabilité de l’ensemble du système. La montée du chômage a touché les ménages les plus fragiles qui avaient les charges de remboursement les plus lourdes. En outre, la remontée des taux d’intérêt a fortement renchéri le coût du crédit de tous ceux qui avaient un prêt à taux variable. Les teaser mortgages consentis avec un taux initial artificiellement bas ont eu un effet dévastateur lorsque la période initiale de teasing (deux à trois ans) a pris fin et que les taux se sont alignés sur les taux du marché.

25 Le système des crédits subprime est incontestablement à l’origine de la crise. Mais les ménages ayant souscrit des prêts Alt-A, voire des prêts conventionnels, n’ont pas été épargnés non plus. En 2009, plus de 15 millions de prêts hypo-thécaires (environ un tiers des prêts) se sont retrouvés « sous l’eau » (underwater ; Stiglitz, 2010). Un prêt est dit sous l’eau lorsque le montant de l’emprunt à rembourser est supérieur à la valeur du logement sur le marché. Les emprunteurs incapables de rembourser ne pouvaient alors plus refinancer leur crédit, ni revendre leur logement à un prix équivalent au montant du prêt. Dès 2006, les chiffres font état d’une augmentation rapide des saisies par les organismes de crédit. Comme dans le cas des expulsions de locataires (Desmond, 2016), les procédures sont expéditives. L’engorgement des tribunaux a néanmoins ralenti la mise à exécution des saisies. À l’arrivée, on estime à environ 7 millions le nombre de ménages qui ont été contraints à quitter leur logement (Schwartz, 2015).

26 Bien que les saisies aient été le plus souvent imposées aux emprunteurs, elles ont parfois été le résultat d’un choix délibéré de leur part. Hors du contexte américain, cette situation peut paraître surprenante. Mais aux États-Unis, on l’a dit, les crédits hypothécaires sont généralement « sans recours ». En cas de non-paiement, le créancier récupère le logement avec une plus grande facilité, mais il ne peut pas forcer l’emprunteur à rembourser la totalité du montant dû. De ce fait, de nombreux emprunteurs dont le prêt se retrouvait « sous l’eau » ont choisi de cesser de payer leurs mensualités – tout en occupant leur logement – en attendant d’être expropriés. Ce comportement dit de strategic default, bien que rationnel d’un point de vue économique, a largement amplifié la crise (Lefebvre, 2015). En augmentant le nombre de saisies, il a contribué à accentuer la baisse des prix dans les territoires les plus touchés. Il reste difficile d’évaluer précisément la fréquence des strategic defaults. Cela supposerait de pouvoir distinguer ceux qui ne peuvent pas payer de ceux qui ne veulent pas. Et certains voudraient payer, mais au prix de sacrifices trop lourds. Ces stratégies pourraient concerner entre 20 et 30 % des saisies à l’échelle du pays (Zingales et coll., 2013). Les strategic defaults révèlent qu’aux États-Unis les organismes de crédits ne sont pas les seuls à considérer l’immobilier résidentiel comme un actif financier : les emprunteurs ont également intégré ce fonctionnement.

Réactions en chaîne et faillite du système

27 La crise des saisies immobilières s’est directement répercutée sur les principaux acteurs de la titrisation. Les mbs créés par Fannie Mae et Freddy Mac ainsi que les pls (plus risqués) émis par les grandes banques ont rapidement perdu de leur valeur à mesure que les flux de revenus (paiement des intérêts et remboursement du capital) se tarissaient. Les titres dévalorisés sont devenus illiquides. Or, comme nous l’avons vu, ces institutions ne se contentaient pas de titriser et de transmettre les risques en revendant les titres sur les marchés financiers. Elles détenaient une part importante de titres risqués et de prêts hypothécaires non titrisés dans leur propre bilan (Acharya et coll., 2011 ; Wachter et Smith, 2011). Fannie Mae, Freddy Mac et les grandes banques ont dû par conséquent essuyer des pertes colossales. Lehman Brothers, Bear Stearns et Merill Lynch n’y résisteront pas et feront faillite. Dans cette tourmente sans précédent depuis la crise de 1929, l’État a par son action confirmé que Fannie Mae et Freddy Mac étaient « too big to fail », au risque sinon d’entraîner tout le système bancaire et financier américain avec elles. Les deux gse ont donc été renflouées et mises sous tutelle par le gouvernement fédéral.

28 En dehors du sauvetage des gse, les interventions de l’État fédéral sont restées très limitées, particulièrement pour ce qui concerne les ménages (Immergluck, 2013). Au tout début de la crise, le président George W. Bush a refusé de leur venir en aide sous prétexte de ne pas déresponsabiliser les emprunteurs et surtout d’éviter de mettre plus en difficulté les banques américaines. Les interventions démocrates, menées après l’élection de Barack Obama en 2008, bien que plus franches, ont eu peu d’effets (Schwarz, 2015). La plupart des mesures de sauvetage des ménages ont en particulier été allégées par le Congrès en raison de l’opposition de républicains hostiles à toute intervention de l’État. La restructuration des prêts des ménages a en outre été rendue difficile par le fait qu’ils avaient souscrit à plusieurs crédits en même temps auprès d’organismes différents. Et contrairement à la politique du New Deal, aucune politique significative de rachat des crédits n’a été mise en place par le gouvernement fédéral.

La distribution socio-spatiale des saisies : subprime cities et subprime communities

29 La distribution spatiale des saisies immobilières a été très inégale. Les États de la Sunbelt ont été les plus affectés avec des taux moyens de saisies immobilières dépassant les 1,8 % en Californie, en Floride en Arizona et dans le Nevada. Quinze des vingt villes les plus touchées par les saisies immobilières se situent d’ailleurs dans ces trois États (Wial et Shearer, 2010). Ces subprime cities correspondent aux régions urbaines qui ont une forte attractivité résidentielle en raison du dynamisme de leur marché de l’emploi (Aalbers, 2002).

30 À une échelle plus fine, 60 % des quartiers les plus touchés par les saisies sont des banlieues résidentielles. C’est plus particulièrement le cas dans les États du Sud, du Middle West et de l’Ouest. Dans le Nord-Est, les villes-centres ont également dû faire face à des taux de saisies élevés (Schwartz, 2015). La surreprésentation des banlieues résidentielles parmi les territoires les plus affectés par la crise constitue un changement par rapport aux représentations classiques de la structure socio-spatiale des métropoles américaines, qui opposaient les périphéries riches aux centres pauvres.

31 Le ciblage par les organismes de crédit des populations modestes et des quartiers où les Afro-Américains et les Hispaniques sont majoritaires a induit une forte concentration spatiale des saisies (les subprime communities). À revenus égaux, les foyers noirs avaient plus de risques de se voir attribuer un crédit subprime que les foyers blancs (Immergluck, 2009). Ainsi, pour Alex Schwartz (2015), les termes de la discrimination ont changé : avec les crédits subprime le problème n’est plus tant l’accès équitable au crédit que l’accès à un crédit équitable. À la suite de la crise des saisies immobilières, le taux de propriétaires occupants a baissé entre 2004 et 2015 de près de 13,5 % pour les Afro-Américains, contre 5,5 % pour les Blancs, avec une moyenne de moins 7,7 %, toutes catégories ethniques confondues (graphique 2).

Graphique 2 : Évolution de la part de propriétaires par groupes ethniques (en %)

Graphique 2 : Évolution de la part de propriétaires par groupes ethniques (en %)

Graphique 2 : Évolution de la part de propriétaires par groupes ethniques (en %)

Source : Office of Policy Development and Research (PD&R) U.S. Department of Housing and Urban Development.

32  En Californie, comme ailleurs, la crise a d’abord touché les quartiers noirs et hispaniques. Mais elle s’est étendue à l’ensemble des ménages récemment installés dans les espaces suburbains, comme le montre Renaud Le Goix (2016) à propos des lotissements planifiés par les promoteurs dans la région urbaine de Los Angeles. La région de San Francisco constitue également un cas intéressant pour l’étude des conséquences spatiales de la financiarisation de l’immobilier. Cette région très dynamique d’un point de vue économique a vu certaines portions de son territoire particulièrement affectées par la crise. En tant que capitale technologique mondiale, San Francisco a connu une très forte augmentation des prix de l’immobilier (Storper et coll., 2015). La carte 1 révèle les écarts très importants de prix en 2000 entre les territoires proches des centres et ceux qui sont situés dans la périphérie. À l’exception de quelques rares census tracts (unité territoriale de base du recensement), le prix médian des logements dépassait les 250 000 dollars dans les comtés de San Francisco, San Mateo, Santa Cruz, Santa Clara, Alameda, Marin et Contra Costa. Au contraire, rares sont les comtés les plus éloignés par rapport à la Silicon Valley (Santa Clara et San Mateo) où les prix médians étaient supérieurs à 250 000 dollars.

33 Dès 2000, il était donc déjà devenu impossible pour une grande partie des classes modestes et moyennes d’acquérir un logement à proximité des zones économiques dynamiques. Les rares zones encore relativement accessibles, situées dans le comté d’Alameda et de Santa Clara, étaient peu attractives en raison de leur environnement marqué par la désindustrialisation et la ségrégation. Nombre de ménages se sont donc éloignés du centre de la Baie (San Francisco, Oakland, la Silicon Valley) pour s’installer dans la périphérie éloignée, et plus précisément dans la vallée intérieure de la Californie, dans le sud des comtés de Stanislaus, Merced et San Joaquin. Les administrations locales de la vallée intérieure ont vu dans cet afflux démographique une opportunité de développement économique et d’augmentation de leurs ressources fiscales. Dans le contexte de forte fragmentation politique de ces espaces périphériques, les municipalités et les territoires administrés par les comtés sont entrés en concurrence pour attirer de nouveaux développements résidentiels. Cette croissance urbaine rapide entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000 s’est nourrie de la diffusion des crédits subprime. Lorsque la crise a éclaté, la chute des prix de l’immobilier a provoqué une immense vague de saisies, plus particulièrement dans les quartiers où la croissance urbaine était récente (Lefebvre, 2013). En raison de l’homogénéité sociale des quartiers nouvellement construits, la crise des saisies immobilières s’est particulièrement concentrée dans les territoires ayant accueilli des ménages modestes et/ou des minorités ethno-raciales.

34 La carte 2 montre que dans les zones plus centrales les taux de saisies sont en très grande majorité inférieurs à 27 pour 10 000, alors que de nombreux territoires présentent des taux supérieurs à 64 logements saisis pour 10 000 dans les comtés de la périphérie. Cela soulève la question de l’avenir des banlieues résidentielles américaines qui connaissent actuellement une augmentation de la pauvreté plus rapide que les centres, et une dévalorisation plus forte de l’immobilier (Kneebone et Berube, 2013). Cette dévalorisation, combinée au départ de nombreux habitants, a considérablement réduit la base fiscale des municipalités et des comtés en question. La crise des supbrimes a renforcé une tendance de fond des villes américaines qui conduit à nuancer l’opposition classique entre centres pauvres et suburbs riches. Et ce d’autant plus que les quartiers centraux gentrifiés ont été moins touchés par la crise des saisies immobilières (Schwartz, 2015).

Carte 1

Carte 1

Carte 1

Source : Minnesota Population Center. National Historical Geographic Information System. Cusin et Lefebvre/PSL Research University. 2016 ©

Carte 2

Carte 2

Carte 2

Source : http://www.zillow.com/research/date/Cusin et Lefebvre/PSL Research University. 2016 ©

Conclusion

35 En matière immobilière et hypothécaire, les spécificités américaines sont fortes. Peu de pays ont connu un tel soutien du gouvernement à la diffusion de la propriété même si, à l’arrivée, le taux de propriétaires ne figure pas parmi les plus élevés des pays développés. Surtout, avec le développement du marché secondaire de la dette hypothécaire, les États-Unis ont atteint un niveau sans équivalent de financiarisation de l’immobilier résidentiel.

36 La crise des subprimes a révélé au grand jour les contradictions d’un capitalisme urbain financiarisé. Elle est l’illustration même de ce que David Harvey (2011) appelle l’« accumulation par dépossession ». La financiarisation de la dette hypothécaire a nourri une bulle spéculative et a débouché sur une crise de surproduction qui a entraîné la dévalorisation du capital investi et la dépossession des propriétaires-occupants. Dans la lignée des travaux de David Harvey, Kevin Gotham (2012) insiste quant à lui sur une deuxième contradiction qui résulte de la transformation d’actifs illiquides (des logements nécessairement ancrés dans des territoires) en actifs liquides échangeables sur les marchés financiers mondiaux. Ce processus complexe vise à « annihiler l’espace à l’aide du temps ». Mais il est à l’origine d’une tension croissante entre, d’une part, les savoirs locaux et socialisés qui permettent l’évaluation de la valeur d’un bien et de la solvabilité de l’acquéreur et, d’autre part, la standardisation de l’octroi des crédits et l’objectivation du client. En s’industrialisant, le marché des crédits hypothécaires a renforcé le risque systémique.

37 La financiarisation du quotidien des ménages – à travers le logement – conduit à relever une troisième forme de contradiction. La volonté de démocratiser les innovations financières s’avère en effet peu compatible avec la nécessité de réguler les risques induits par ces mêmes innovations. Tout en dénonçant le manque de réglementation des services financiers aux particuliers, Robert Schiller (2012) plaide cependant pour une démocratisation accrue de la finance accompagnée d’une véritable pédagogie des produits financiers. Mais une telle pédagogie permettra-t-elle aux ménages de s’approprier des produits et des services toujours plus complexes ? Les organismes bancaires et financiers peuvent-ils à la fois être des pédagogues et des prescripteurs ? La même question se pose à propos du rôle des agences de notation.

38 Autre contradiction : les politiques de déréglementation visaient à promouvoir une concurrence vertueuse, mais la « race to the top » s’est muée en « race to the bottom ». La « main invisible » des marchés a débouché sur une concurrence sauvage sur les marchés hypothécaires primaire et secondaire qui s’est révélée particulièrement destructrice. L’analyse a montré que la faillite du système doit aussi beaucoup à la « main visible » du gouvernement fédéral qui a créé et organisé le marché secondaire de la dette hypothécaire et permis l’essor de la titrisation à travers Fannie Mae et Freddy Mac. Les forces du marché ont été d’autant plus libérées que les deux gse bénéficiaient de la garantie implicite (et effective) du gouvernement fédéral. L’effet de déresponsabilisation s’est étendu à l’ensemble des acteurs du marché. In fine, le sauvetage des gse par la Federal Reserve et le Trésor sera largement supporté par les ménages endettés et par les contribuables. L’action combinée de l’État et du marché a donc conduit à une privatisation des bénéfices (par les dirigeants et les actionnaires des gse et des grandes banques), suivie de la socialisation des pertes (Acharya et coll., 2011).

39 Enfin, la politique de diffusion de la propriété du logement telle qu’elle s’est incarnée aux États-Unis porte en elle-même plusieurs contradictions. Est-il possible de stimuler l’accession sans créer une bulle immobilière ? Peut-on favoriser l’accession à la propriété de ménages modestes ou fragiles sans créer de risques excessifs pour eux, pour les territoires qui les accueillent et pour le système bancaire et financier ? Cela conduit à se poser la question soulevée par Christian Topalov (1987) dans le contexte français à propos de la production de logements par le marché à destination des ménages modestes. La crise des subprimes a, par son ampleur et par les mécanismes qui l’ont nourrie, relancé la réflexion sur les limites de la marchandisation du logement et de la financiarisation de la ville.

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Mots-clés éditeurs : ville, prêts hypothécaires, saisies, financiarisation, immobilier, conséquences socio-spatiales, subprimes, crise, titrisation

Date de mise en ligne : 28/03/2019

https://doi.org/10.3917/esp.174.0105

Notes

  • [1]
    En immobilier tertiaire (bureaux, espaces logistiques et centres commerciaux), ces titres sont émis par les Real Estate Investment Trusts (reits).
  • [2]
    Fannie Mae est le surnom donné à la fnma : Federal National Mortgage Association créée en 1938.
  • [3]
    Freddy Mac est le surnom de la FhlmC (Federal Home Loan Mortgage Corporation) créée en 1970.

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